Fiche 18 - Droit des obligations 2014-2015

UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)
Année universitaire 2014-2015
TRAVAUX DIRIGES - 2ème année de Licence en Droit
DROIT CIVIL
Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS
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Distribution : du 6 au 16 avril 2015
Dix-huitième séance
La responsabilité médicale
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I-. Idées générales - La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu
l’occasion de l’évoquer à diverses reprises, lors de l’étude de la responsabilité
contractuelle au premier semestre (séance 10), à travers l’étude de la perte de chance
(séance 11), de l’affaire Perruche (séance 12) ou encore récemment lors de la séance
sur la causalité (séance 17). Où l’on voit, à travers ces illustrations, qu’elle contribue à
l’évolution des notions et concepts du droit de la responsabilité, comme le montrent
les solutions déjà évoquées concernant la causalité et le dommage (on ira s’y référer
pour nourrir la présente séance).
A l’évidence, elle occupe une place de plus en plus importante dans l’ensemble du
droit de la responsabilité, les progrès de la médecine s’accompagnant non pas tant de
plus d’accidents médicaux mais d’attentes plus fortes et plus marquées de la part des
patients. Alors que le contentieux des accidents de la circulation s’est tari, à la suite de
la loi du 5 juillet 1985 et d’une jurisprudence désireuse d’éviter une casuistique qui
encouragerait à plaider, celui lié à la santé et à la médecine n’a fait que croître.
Depuis quelques années, le mouvement est double : d’un côté, se manifeste une
spécialisation de la responsabilité médicale et, de l’autre, une diversification des
causes de son déclenchement et des régimes qui vont dès lors s’appliquer.
Le premier mouvement conduit la responsabilité médicale à sortir du droit commun
pour relever de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30
1 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale), loi du 19 mai 1998
relative aux produits défectueux, pour les vaccins notamment…
Le second mouvement conduit à une expansion des obligations et des hypothèses
dans lesquelles la responsabilité médicale est engagée. A l’obligation de soins,
s’ajoute l’obligation d’information, et surtout aussi, des régimes spécifiques en
fonction des causes d’accidents : il en va ainsi par exemple en matière d’infections
nosocomiales.
II-. Premier thème : la nature de la responsabilité médicale.
L’existence d’un contrat entre le médecin et son patient a été affirmée le 20 mai 1936
dans le célèbre arrêt Mercier. Le contrat médical s’analyse comme un contrat
synallagmatique faisant naître à la charge des parties des obligations réciproques.
Document 1 : Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier, Grands arrêts de la jurisprudence
civile, T. II, n° 162-163.
Avec l’introduction de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du
malade et à la qualité du système de santé, la question s’est alors posé de savoir si la
responsabilité médicale reposait toujours sur un fondement contractuel.
Bien qu’aucune précision n’ait été donnée par le législateur, plusieurs arguments
plaident en faveur d’un abandon de la qualification contractuelle.
En premier lieu, le nouveau régime instauré par la loi du 4 mars 2002 transcende la
distinction traditionnelle entre responsabilité contractuelle et délictuelle en prévoyant
notamment la réparation des dommages causés à toutes les victimes, qu’elles soient
parties ou tiers au contrat médical. En deuxième lieu, en unifiant les règles applicables
aux cliniques privées et aux établissements publics, la loi du 4 mars 2002 dépasse la
distinction entre responsabilité civile et administrative.
D’où il ressort que la loi du 4 mars 2002 a instauré un nouveau régime de
responsabilité autonome qui transcende la summa divisio traditionnelle, à l’instar de la
loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ou de la loi du 19 mai
1988 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
La Cour de cassation semble avoir été séduite par cette analyse en visant directement
l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique lorsqu’est en jeu l’obligation de soins
du médecin.
Lorsque la Cour a eu à se prononcer sur le manquement du médecin à son obligation
d’information, elle l’a cette fois-ci fait au visa de l’article 1382 du Code civil, du droit
au respect de la dignité de la personne humaine consacré à l’article 16 du Code civil
et du droit au respect de l’intégrité corporelle prévu à l’article 16-3 du Code civil.
Document 2 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010, pourvoi n°09-13591, AJDA 2010. 2169,
note C. Lantero ; D. 2010. 1484, obs. I. Gallmeister, 1522, note P. Sargos, 1801, point
2 de vueD. Bert, 2092, chron. C. Creton, 2011. 35, obs. O. Gout, et 2565, obs. A.
Laude ; RDSS 2010. 989, note F. Arhab-Girardin ; RTD civ. 2010. 571, obs. P.
Jourdain ; JCP 2010. 788, note S. Porchy-Simon ; RDC 2011. 335, note M. Bacache,
345, note F. Leduc, et 357, note P. Pierre ; RCA 2010. Comm. 22, obs. S. HocquetBerg.
Document 3 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012, pourvoi n°11-18327, D. 2012. 1610, obs. I.
Gallmeister, 1794, note A. Laude, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RDSS 2012. 757, obs. F.
Arhab-Girardin ; Gaz. Pal. 18-19 juill. 2012, p. 11, note M. Bacache.
Ces arrêts marquent ainsi une résurgence de la responsabilité délictuelle en matière
médicale, laquelle avait précédé l’arrêt Mercier.
III.- Deuxième thème : la diversification des régimes en matière de responsabilité
médicale.
A/ L’obligation de soins
Elle relève désormais de l’article L. 1142-1 alinéa 1er du CSP issu de la loi du 4 mars
2002.
Le texte requiert une faute. La responsabilité civile ne saurait conduire à réparer les
accidents médicaux sans faute – l’aléa thérapeutique. Dans ce dernier cas, il faudra,
sous certaines conditions, faire appel à la solidarité nationale (v infra D).
On s’efforcera de bien délimiter le domaine de cette responsabilité.
Document 4 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique.
Document 5 : Cass. civ. 1ère, 20 mars 2014, pourvoi n°13-12407.
B/ L’obligation d’information
Au-delà de la question liée à la nature de la responsabilité médicale, la responsabilité
du fait d’un défaut d’information renvoie à plusieurs questions : quelle est l’étendue
de l’information requise – on se demandera si la solution a changé depuis la loi du 4
mars 2002, par rapport à celle qui était consacrée par la jurisprudence antérieure ; quel
est le préjudice lié au défaut d’information : s’agit-il d’un dommage moral causé par
la violation d’un droit subjectif à l’information ? La seule atteinte au droit à
l’information ouvrirait alors droit à réparation.
Document 6 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.
Document 7 : Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012, pourvoi n° 11-17.510, D. 2012. 2277, note
M. Bacache, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain ; RTD
eur. 2013. 292-36, obs. N. Rias ; JCP 2012. 1036, note P. Sargos.
3 Document 8 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014, pourvoi n°12-22123, D. 2014. 589, 584
avis L. Bernard de la Gatinais, 590 note M. Bacache.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que le manquement du médecin à son
obligation d’information cause à son patient un préjudice d’impréparation.
Parfois, elle répare le défaut d’information du médecin sur le terrain de la perte de
chance comme en atteste la décision suivante :
Document 9 : Cass. civ. 1ère, 29 octobre 2014, pourvois n°13-12236 et 13-24126.
C/ L’obligation du médecin de se renseigner
Dans la suite de ce qui précède, mais sans nécessairement en faire une simple
manifestation de l’obligation d’information du patient, la Cour de cassation vient de
consacrer l’obligation pour le médecin de se renseigner avec précision sur l’état de
santé du patient. C’est ici une obligation contractuelle et de résultat. Elle est liée tant
aux soins qu’à l’information que le médecin doit délivrer. On va finir par s’y perdre…
Document 10 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015, pourvoi n°14-13292.
D/ La responsabilité du fait des vaccins
Celle-ci trouve sa source dans la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais
en ce domaine, les questions sont nombreuses, spécialement concernant le lien de
causalité et le défaut du produit.
On sait que certaines personnes s’étant faites vacciner contre le virus de l’hépatite B
ont développé une sclérose en plaques. En l’état actuel des connaissances médicales,
il est absolument impossible de déterminer si la vaccination est scientifiquement la
cause de l’apparition de la maladie. Cela devrait en principe conduire à rejeter les
actions des victimes.
Toutefois, depuis un arrêt de la première Chambre civile du 22 mai 2008 (cf.
document 12 fiche 16), la Cour de cassation a allégé la charge de la preuve en
admettant que le lien de causalité soit établi par des présomptions graves, précises et
concordantes. Les juges ne doivent donc pas s’arrêter à l’absence de preuve
scientifique. Concrètement, le faisceau d’indices pris en considération est le suivant :
délai entre l’injection et l’apparition des premiers symptômes, état de santé général de
la victime, prédispositions génétiques…
Cette jurisprudence est aujourd’hui très critiquée.
Certains militent pour l’absence de responsabilité des laboratoires. D’autres prônent la
reconnaissance d’une véritable présomption de droit, c'est-à-dire une présomption
irréfragable, au bénéfice de la victime.
4 On remarquera que le cap a été franchi pour d’autres maladies. Ainsi, en matière de
contamination par transfusion sanguine (Sida ou Hépatite C), le législateur a
posé une véritable présomption de causalité de droit en faveur des victimes (L. du
31 décembre 1991 et loi du 4 mars 2002).
Mais dans ces hypothèses, c’est le législateur qui est venu poser une telle présomption
pour faire relever l’indemnisation des victimes de la solidarité nationale.
S’agissant du défaut du vaccin, la jurisprudence distingue le défaut extrinsèque
(problème d’information lié à la notice du vaccin) du défaut intrinsèque (question de
défaut du produit lui-même, qui dépend du caractère anormalement dangereux du
vaccin. Cette appréciation du caractère anormal s’apprécie alors au terme d’une
balance des bénéfices escomptés et des risques inhérents à l’utilisation d’un
médicament).
La Cour de cassation a récemment étendu à la preuve du défaut la jurisprudence
qu’elle avait développée en matière de preuve du lien de causalité entre la vaccination
contre l’hépatite B et la survenue de sclérose en plaques. Pour établir le défaut du
produit, le juge peut se contenter des présomptions qui lui sont apportées par la
victime dans l’espèce en cause :
Document 11 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013, pourvoi n°12-21314, D. 2013. 2311,
2306 avis C. Mellotée, 2312, note P. Brun, et 2315 note J.-S. Borghetti ; RDSS 2013.
938, obs. J. Peigné ; JCP 2013. 1012, obs. B. Parance.
D/ Solidarité nationale et loi du 4 mars 2002
L’un des objectifs essentiels de la loi du 4 mars 2002 a été d’apporter une réponse aux
attentes des victimes d’accidents médicaux non fautifs. La solidarité nationale n’a
qu’une vocation subsidiaire et ne peut, en aucun cas, se substituer à la responsabilité
civile ou administrative. Aussi, dès lors qu’une faute ou un défaut du produit sont
établis, le jeu de la solidarité nationale est exclu.
Document 12 : article L. 1142-1 II du Code de la santé publique
L’indemnisation des préjudices au titre de la solidarité nationale est effectuée par un
établissement public créé à cet effet : l’ONIAM (Office national d’indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales). Suite à
l’ampleur de l’affaire Mediator, la loi de finances rectificative n°2011-900 du 29
juillet 2011 a élargi la compétence de l’ONIAM pour faciliter la réparation des
préjudices liés à la prescription de benfluorex.
IV-. Exercice.
Commentaire de l’arrêt rendu par la première Chambre civile le 5 mars 2015
(document 10)
5 Document 1 : Civ. 20 mai 1936
Document 2 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010
Sur le moyen unique, pris en ses deux
premières branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt
attaqué de l'avoir débouté de ses
demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le médecin, tenu de suivre son
patient aussitôt qu'il l'a opéré, doit être
diligent et prudent dans l'exécution de
cette obligation, dont il ne peut se
décharger; qu'ainsi, viole ladite obligation
le médecin qui se désintéresse du sort de
son patient au point de ne le recevoir en
consultation qu'un mois après l'avoir
opéré, sauf à ce qu'il eut été convenu avec
ce dernier que, durant ce délai de latence,
il serait substitué par un autre médecin
dans l'exécution de son obligation de suivi
post-opératoire ; qu'en l'espèce, après avoir
relevé que M. Y... n'a reçu en consultation
M. X... que le 25 mai 2001, soit plus d'un
mois après avoir pratiqué sur lui une
adénomectomie prostatique, et en jugeant
néanmoins que ce médecin n'avait pas
failli à son obligation de suivi postopératoire au prétexte qu'un autre urologue
avait "vu" son patient, sans constater qu'il
avait été convenu avec M. X... que son
obligation de suivre ce dernier serait
exécutée par cet autre urologue, la cour
d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que seul le fait du créancier constituant
une force majeure exonère totalement le
débiteur défaillant ; qu'en l'espèce, en
écartant la faute de M. Y... consistant à
avoir violé son obligation de suivi postopératoire au motif que M. X... n'avait pas
pris rendez-vous avec lui à l'issue de la
seconde consultation en date du 16 juillet
2001, soit trois mois après l'intervention
chirurgicale,
sans
caractériser
le
comportement imprévisible et irrésistible
de M. X... qui aurait interdit son suivi par
M. Y... aussitôt après l'opération, la cour
d'appel a violé les articles 1147 et 1148 du
code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X...
n'avait pas été laissé sans surveillance
postopératoire, que le suivi avait été
conforme aux données acquises de la
science, que le praticien avait reçu le
patient à deux reprises et prévu de le
revoir une troisième fois, ce qui n'avait pas
6 été possible en raison de la négligence de
M. X..., la cour d'appel a pu en déduire
l'absence de manquement fautif dans le
suivi postopératoire ; que les griefs ne sont
pas
fondés ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu les articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382
du code civil ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de
ces textes que toute personne a le droit
d'être informée, préalablement aux
investigations, traitements ou actions de
prévention proposés, des risques inhérents
à ceux-ci, et que son consentement doit
être recueilli par le praticien, hors le cas où
son état rend nécessaire une intervention
thérapeutique à laquelle elle n'est pas à
même de consentir ; que le non-respect du
devoir d'information qui en découle, cause
à celui auquel l'information était
légalement due, un préjudice, qu'en vertu
du dernier des textes susvisés, le juge ne
peut laisser sans réparation ;
Attendu
que
pour
écarter
toute
responsabilité de M. Y... envers M. X...,
l'arrêt, après avoir constaté le manquement
du premier à son devoir d'information,
retient qu'il n'existait pas d'alternative à
l'adénomectomie pratiquée eu égard au
danger d'infection que faisait courir la
sonde vésicale, qu'il est peu probable que
M. X..., dûment averti des risques de
troubles érectiles qu'il encourait du fait de
l'intervention, aurait renoncé à celle-ci et
aurait continué à porter une sonde qui lui
faisait courir des risques d'infection
graves ;
En quoi la cour d'appel a violé, par refus
d'application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE.
Document 3 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012
Vu les principes du respect de la dignité de
la personne humaine et d'intégrité du corps
humain, ensemble l'article 1382 du code
civil ;
Attendu que le non-respect par un médecin
du devoir d'information dont il est tenu
envers son patient, cause à celui auquel
cette information était légalement due un
préjudice qu'en vertu du texte susvisé le
juge ne peut laisser sans réparation ;
Attendu que pour rejeter les demandes en
dommages-intérêts de M. Y... à l'encontre
de M. Z..., médecin rhumatologue, qui lui
avait administré en 1988 une injection
intra-discale d'Hexatrione pour soulager
des douleurs lombaires, à laquelle il
imputait une calcification ayant rendu
nécessaire une intervention chirurgicale, la
cour d'appel a jugé qu'il n'était pas
démontré en l'espèce que, mieux informé,
M. Y... aurait refusé la technique proposée
et préféré la chirurgie, le traitement
médical classique ayant échoué et cette
technique étant alors sans risque connu et
réputée
apporter
fréquemment
un
soulagement réel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait
constaté que M. Z... n'établissait pas avoir
informé M. Y... que le traitement prescrit,
quoique pratiqué couramment et sans
risque connu, n'était pas conforme aux
indications prévues par l'autorisation de
mise sur le marché, la cour d'appel n'a pas
tiré de ses constatations, desquelles il
résultait que M. Y..., ainsi privé de la
faculté de donner un consentement éclairé,
avait nécessairement subi un préjudice, les
conséquences légales qui en découlaient ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE.
7 Document 4 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique
I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé,
les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout
établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de
prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables
d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages
résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
Document 5 : Cass. civ. 1ère, 20 mars 2014
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3
février 2012), qu’à la suite du diagnostic
d’un cancer du sein gauche en juin 1999,
Mme X... a subi, à l’Institut Gustave
Roussy, des cures de chimiothérapie puis,
le 30 septembre 1999, une mastectomie,
suivie d’une cure de radiothérapie de seize
séances, qu’ayant ensuite présenté des
complications pulmonaires et conservé
une importante diminution de sa capacité
respiratoire,
elle
a
recherché
la
responsabilité de l’établissement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux
branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt
de rejeter ses demandes, alors, selon le
moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé, à
peine de nullité ; que la contradiction de
motifs équivaut à un défaut de motifs ;
qu’en énonçant, pour décider que l’Institut
Gustave Roussy n’avait pas commis de
faute, d’une part, qu’il avait eu
connaissance des lobectomies subies par la
patiente en 1970, et d’autre part, qu’il
semblait en avoir eu connaissance, la cour
d’appel, qui a successivement affirmé que
ce fait était établi de manière certaine et
qu’il ne l’était pas, s’est prononcée par des
motifs de faits entachés de contradiction,
en violation de l'article 455 du code de
procédure civile ;
2°/ que le médecin est tenu de prodiguer à
son patient des soins attentifs, diligents et
conformes aux données acquises de la
science ; que méconnaît son obligation le
médecin qui, informé d’une prédisposition
pathologique du patient, lui administre un
traitement sans tenir compte des risques
liés à cette pathologie ; qu’en se bornant à
énoncer, pour décider que l'Institut
Gustave Roussy n’avait pas commis de
faute, que le bilan fonctionnel respiratoire
préopératoire n’était pas obligatoire et que
les doses administrées à Mme X... pour la
radiothérapie étaient nécessaires afin de
prévenir une récidive du cancer, sans
rechercher, comme elle y était invitée, si
au
regard
de
la
prédisposition
pathologique pulmonaire de Mme X...,
dont l’Institut Gustave Roussy était
informé,
un
bilan
respiratoire
préopératoire était nécessaire en vue de
réduire les doses de la radiothérapie afin
de diminuer les risques d’atteinte aux
fonctions respiratoires de Mme X..., la
cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l’article 1147 du code
civil ;
Mais attendu que la cour d’appel a relevé,
d’une part, qu’il résultait des constatations
expertales que les soins prodigués et les
consultations médicales avaient été
attentifs et conformes aux données
acquises de la science, qu’il était justifié
de recourir à une radiothérapie au regard
de l’importance de la tumeur et de
l’inefficacité des cures de chimiothérapie,
que l’irradiation était nécessaire, aux doses
administrées, de façon à prévenir un risque
de récidive, lequel est de 50 % à dix ans
sans radiothérapie, ce traitement le
réduisant à 15 %, d’autre part que, si un
bilan fonctionnel respiratoire préopératoire
aurait pu, et non dû, être effectué, il ne
l’est pas en pratique courante et que Mme
X..., bien qu’ayant subi une lobectomie
inférieure bilatérale des deux poumons en
8 1969 ou 1970 qui semblait être connue de
l’Institut Gustave Roussy, ne présentait
pas de gêne fonctionnelle depuis trente
ans, la radio thoracique préopératoire
n’ayant au demeurant rien montré ; qu’elle
a ainsi, sans se contredire et procédant à la
recherche prétendument omise, retenu que
l’Institut Gustave Roussy n'avait pas
commis de faute ;
Sur le second moyen, pris en ses cinq
branches :
Attendu que Mme X... fait les mêmes
griefs à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé à
peine de nullité ; qu’un motif dubitatif
équivaut à un défaut de motif ; qu’en
énonçant que Mme X... avait semblé
comprendre le risque de mastectomie
comportant
la
question
de
la
reconstruction
mammaire
et
avait
néanmoins souhaité faire pratiquer la
radiothérapie, la cour d'appel s’est
prononcée par des motifs dubitatifs, en
violation de l'article 455 du code de
procédure civile ;
2°/ que le compte-rendu de la consultation
du 1er septembre 1999 indiquait de
manière claire et précise : « on explique le
risque de mastectomie que la patiente
semble comprendre et accepter » ; qu’il en
résultait que seul le risque lié à la
mastectomie avait été abordé lors de cette
consultation, à l’exclusion de la question
relative à la reconstruction mammaire ;
qu’en décidant néanmoins, qu’aux termes
de ce compte rendu de consultation, la
question de la reconstruction mammaire
avait été abordée, la cour d'appel a
dénaturé les termes clairs et précis de ce
compte-rendu, en violation de l’article
1134 du code civil ;
3°/ qu’hormis les cas d’urgence,
d'impossibilité ou de refus du patient
d’être informé, le médecin est tenu de lui
donner une information loyale, claire et
appropriée sur les risques graves afférents
aux investigations et soins proposés ; que
le médecin n’est pas dispensé de son
obligation par le seul fait que ces risques
ne se réalisent qu'exceptionnellement ;
qu'en énonçant, pour décider que l'Institut
Gustave Roussy n'avait pas manqué à son
obligation à l'égard de Mme X..., qu'une
indication plus précise du rapport
bénéfice/risque lié à l'absence de
radiothérapie était difficile à préciser en
raison de la rareté de l'atteinte respiratoire
subie par la patiente, la cour d'appel qui
s'est prononcée par un motif impuissant à
exonérer le médecin de son obligation
d'information, a violé l’article 1147 du
code civil ;
4°/ que le manquement du médecin à
l'obligation d'information dont il est tenu
cause nécessairement un préjudice au
patient que le juge ne peut laisser sans
réparation ; qu'en refusant de réparer le
préjudice subi par Mme X..., motif pris
qu’elle ne formulait aucune demande de
dommages-intérêts au titre d'un dommage
moral spécifique résultant du défaut
d'information, la cour d'appel a violé
l’article 1147 du code civil ;
5°/ que Mme X... sollicitait, devant la cour
d’appel, la condamnation de l’Institut
Gustave Roussy à l’indemniser de ses
préjudices extrapatrimoniaux temporaires
et permanents ; qu’elle demandait, à ce
titre, l'indemnisation de son préjudice
moral ; qu’en énonçant néanmoins, pour la
débouter de sa demande de dommagesintérêts dus au titre du défaut d’obligation
d’information, qu’elle ne formulait aucune
demande de dommages-intérêts au titre
d’un dommage moral spécifique à la
méconnaissance de cette obligation, la
cour d’appel a dénaturé les termes clairs et
précis des conclusions d'appel de Mme
X..., en violation de l’article 4 du code de
procédure civile ;
Mais attendu qu’interprétant sans le
dénaturer le compte-rendu de la
consultation du 1er septembre 1999,
préalable à l’intervention du 1er octobre
suivant, indiquant que le risque de
mastectomie avait été expliqué à la
patiente et que celle-ci avait semblé le
comprendre et l’accepter, la cour d’appel a
estimé que Mme X... avait été informée,
d’une part, de ce risque, lequel comportait
la question de la reconstruction
mammaire, d’autre part, avec toute la
précision que permettaient la rareté des
9 atteintes respiratoires qu’elle avait subies
et le fait que ses antécédents remontaient à
plus de trente ans, sans signe clinique
patent
d’insuffisance
respiratoire
préopératoire, du rapport bénéfice/risque
lié à l'absence de radiothérapie ; qu’elle a
pu en déduire, sans encourir les griefs des
trois
premières
branches,
que
l’établissement avait satisfait à son
obligation d’information claire, loyale et
appropriée, rendant ainsi les deux autres
branches inopérantes, comme s’attaquant à
des motifs surabondants ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Document 6 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique
Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les
différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité,
leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement
prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les
conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des
investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la
personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et
dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou
l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.
La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit
être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés,
selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent
l'information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5.
Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise
de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des
mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par
la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la
preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent
article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
L'établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des
professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations
nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la
continuité des soins après sa sortie.
10 Document 7 : Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite
de l'intervention pratiquée, le 16 juin 1999,
par M. X..., chirurgien, pour résoudre une
hernie inguinale, M. Y... a souffert d'une
atrophie douloureuse du testicule droit
nécessitant l'ablation de cette glande,
effectuée, le 8 novembre 1999, avec pose
d'une prothèse, par un autre chirurgien, M.
Z... ; qu'en raison du déplacement de la
prothèse, ce chirurgien en a posé une
seconde, lors d'une nouvelle intervention
en date du 20 décembre 1999 ; que cette
seconde prothèse ayant éclaté, le 4 mars
2000, lors d'une partie de tennis, M. Y... a
subi une nouvelle intervention pour la
retirer, le 17 mars 2000 ; que les époux
Y... ont assigné M. X..., l'assureur de
celui-ci, la Mutuelle d'assurance du corps
de santé française (MACSF), M. Z... et le
fabricant de la prothèse, la société
Laboratoire Eurosilicone, en réparation de
leurs préjudices ; que l'arrêt déclare M.
X... responsable, pour manquement à son
obligation d'information envers M. Y... à
l'origine de la perte d'une chance, de
moitié des conséquences dommageables
de
l'intervention
initiale
et
des
interventions subséquentes, déclare M. Z...
et la société Eurosilicone responsables in
solidum de la totalité des conséquences
dommageables de la défaillance de la
seconde prothèse à l'origine de sa rupture
et les condamne in solidum à réparer les
préjudices, en précisant que, dans leurs
rapports entre eux, M. Z... et la société
Eurosilicone seront tenus à parts égales ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. X... et la société MACSF
font grief à l'arrêt de déclarer M. X...
responsable, pour manquement à son
obligation d'information envers M. Y... à
l'origine d'une perte de chance, de moitié
des conséquences dommageables de
l'intervention initiale du 16 juin 1999 et
des interventions subséquentes et, en
conséquence, de le condamner in solidum
avec son assureur, la MACSF, à verser
certaines sommes aux époux Y..., en
réparation de leurs préjudices respectifs,
alors, selon le moyen, que le médecin
n'ayant pas recueilli le consentement libre
et éclairé de son patient doit être
condamné à réparer, non l'entier dommage
corporel subi par ce dernier, mais la perte
de chance d'échapper, par une décision
peut-être plus judicieuse, au risque qui
s'est finalement réalisé ; que, toutefois, le
patient ne peut prétendre à aucune
indemnisation au titre d'une perte de
chance, lorsqu'il est avéré que l'acte
médical était nécessaire ou ne présentait
pas de meilleure alternative, de sorte qu'il
l'aurait quand même accepté s'il avait été
correctement informé ; qu'en revanche,
indépendamment
de
toute
atteinte
corporelle causée par l'acte médical non
consenti, le non-respect du devoir
d'information cause à celui auquel
l'information était légalement due, un
préjudice que le juge ne peut laisser sans
réparation, mais qui ne saurait être
constitué par une perte de chance d'éviter
le dommage ; qu'en confirmant néanmoins
la décision des premiers juges, qui avaient
condamné M. X... à indemniser M. Y... au
titre d'une perte de chance d'éviter le
dommage, après avoir pourtant constaté
qu'au regard de la nécessité de
l'intervention, M. Y... avait uniquement
subi un préjudice moral, la cour d'appel a
violé les articles 16 et 16-3 du code civil,
dans leur rédaction issue de la loi n° 94653 du 29 juillet 1994 relative au respect
du corps humain et l'article 1382 du code
civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que,
s'agissant d'un droit personnel, détaché des
atteintes corporelles, accessoire au droit à
l'intégrité physique, la lésion de ce droit
subjectif entraîne un préjudice moral,
résultant d'un défaut de préparation
psychologique aux risques encourus et du
ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas
avoir consenti à une atteinte à son intégrité
corporelle ; que c'est dans l'exercice de son
pouvoir souverain que la cour d'appel, qui
n'a pas retenu la perte de chance,
indemnisée par le tribunal, a évalué le
préjudice moral qu'elle réparait à hauteur
des indemnités fixées par les premiers
juges au profit de M. Y... ; que le moyen,
qui ne tend qu'à remettre en cause cette
11 évaluation
accueilli ;
souveraine,
ne
peut
être
Mais, sur le moyen unique du pourvoi
principal :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble
les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil
portant transposition de la directive
85/374/CEE du 25 juillet 1985 modifiée ;
Attendu qu'en considération des objectifs
et de l'économie de cette directive et de
l'interprétation qu'en a donné la Cour de
justice de l'Union européenne en énonçant
que ladite directive déterminait celui qui
devait assumer la responsabilité qu'elle
instituait parmi les professionnels ayant
participé aux processus de fabrication et
de commercialisation et n'avait pas
vocation à harmoniser de manière
exhaustive le domaine de la responsabilité
du fait des produits défectueux au-delà des
points qu'elle réglemente, la responsabilité
des prestataires de services de soins, qui
ne peuvent être assimilés à des
distributeurs de produits ou dispositifs
médicaux et dont les prestations visent
essentiellement à faire bénéficier les
patients des traitements et techniques les
plus appropriés à l'amélioration de leur
état, ne relève pas, hormis le cas où ils en
sont eux-mêmes les producteurs, du
champ d'application de la directive et ne
peut dès lors être recherchée que pour
faute lorsqu'ils ont recours aux produits,
matériels
et
dispositifs
médicaux
nécessaires à l'exercice de leur art ou à
l'accomplissement d'un acte médical,
pourvu que soit préservée leur faculté
et/ou celle de la victime de mettre en cause
la responsabilité du producteur sur le
fondement de ladite directive lorsque se
trouvent remplies les conditions prévues
par celle-ci ;
Attendu que, pour condamner M. Z... in
solidum avec la société Eurosilicone à
indemniser les époux Y... de leurs
préjudices respectifs, l'arrêt retient que,
tenu d'une obligation de sécurité de
résultat quant aux choses qu'il utilise dans
la pratique de son art, le seul fait de
l'éclatement de la prothèse à l'occasion
d'un sport qui n'est pas défini comme
dangereux ou comportant des risques
d'atteinte physique anormaux ou encore
dont la pratique était déconseillée pour les
porteurs d'une telle prothèse, suffit à
engager sa responsabilité en l'absence
d'une cause d'exonération ayant les
caractéristiques de la force majeure ;
Qu'en se déterminant ainsi, après avoir
retenu que M. Z... n'avait pas commis de
faute, la cour d'appel a violé les textes
susvisés, le premier par refus d'application
et les autres par fausse application ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE (…).
Document 8 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10
avril 2012), que M. Y..., médecin
généraliste, a administré ou prescrit à
Mme X..., entre 1996 et 1999, plusieurs
injections vaccinales, dont cinq du vaccin
GenHevac B contre l'hépatite B, produit
par la société Sanofi-Pasteur MSD ; que,
Mme X... ayant présenté un état de fatigue
persistant et une instabilité des membres
inférieurs provoquant des chutes, des
examens ont mis en évidence des
anomalies neurologiques, puis l'existence
d'une sclérose latérale amyotrophique
(SLA) ; qu'attribuant sa pathologie aux
vaccinations, Mme X... a recherché la
responsabilité de la société Sanofi-Pasteur
MSD et de M. Y..., puis, s'étant désistée de
l'instance d'appel à l'égard de la société, a
maintenu ses demandes envers le médecin;
Sur le premier moyen, pris en ses deux
branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de
rejeter ses demandes à l'encontre de M.
Y..., alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne a le droit d'être
12 informée,
préalablement
aux
investigations, traitements ou actions de
prévention proposés, des risques inhérents
à ceux-ci ; que son consentement doit être
recueilli par le praticien, hors le cas où son
état rend nécessaire une intervention
thérapeutique à laquelle elle n'est pas à
même de consentir et que le non-respect
du devoir d'information qui en découle
cause à celui auquel l'information était
légalement due un préjudice que le juge ne
peut laisser sans réparation ; que la preuve
du respect de cette obligation incombe au
praticien ; qu'en jugeant qu'en l'absence de
risque avéré d'apparition d'une SLA après
injection du vaccin GenHevac B, aucun
manquement de M. Y... à son devoir de
conseil et d'information ne pouvait lui être
imputé, la cour d'appel a statué par des
motifs inopérants, impropres à caractériser
le respect par M. Y... de son obligation
d'informer Mme X... de l'intérêt et des
risques liés à la vaccination qu'il lui avait
prescrite ; qu'elle a ainsi privé sa décision
de toute base légale au regard des articles
16, 16-3 et 1382 du code civil ;
par un professionnel de santé, de son
devoir d'information cause à celui auquel
l'information était due, lorsque ce risque se
réalise, un préjudice résultant d'un défaut
de préparation aux conséquences d'un tel
risque, que le juge ne peut laisser sans
réparation ; qu'ayant constaté, alors que
Mme X... exposait, sans être contredite par
M. Y..., n'avoir reçu aucune information
sur l'intérêt de la vaccination ou sur ses
risques, que les experts, comme la quasiunanimité des scientifiques, écartaient tout
lien de causalité entre le vaccin contre
l'hépatite B et l'apparition de la SLA, qui
n'est pas une maladie auto-immune mais
une dégénérescence des motoneurones, et
que ni la notice du GenHevac B ni le
dictionnaire médical Vidal ne mettaient en
garde contre une éventualité d'apparition
d'une SLA après une vaccination par
GenHevac B, la cour d'appel en a
exactement déduit que la demande de
Mme X... ne pouvait être accueillie ; que
le moyen, inopérant en sa seconde
branche, n'est pas fondé en sa première ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
2°/ que l'indemnisation du préjudice
résultant du non-respect par un médecin
du devoir d'information dont il est tenu
envers son patient peut résulter d'une
défaillance contractuelle ; qu'en jugeant
qu'en
l'absence
de
risque
avéré
d'apparition d'une SLA après injection du
vaccin GenHevac B, aucun manquement
de M. Y... à son devoir de conseil et
d'information ne pouvait lui être imputé, la
cour d'appel a statué par des motifs
inopérants, impropres à caractériser le
respect par M. Y... de son obligation
d'informer Mme X... de l'intérêt et des
risques liés à la vaccination qu'il lui avait
prescrite dans le cadre du contrat qui les
liait ; qu'elle a ainsi privé sa décision de
toute base légale au regard de l'article
1147 du code civil ;
Mais attendu qu'indépendamment des cas
dans lesquels le défaut d'information sur
les risques inhérents à un acte
d'investigation, de traitement ou de
prévention a fait perdre au patient une
chance d'éviter le dommage résultant de la
réalisation de l'un de ces risques, en
refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect,
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de
rejeter ses demandes à l'encontre de M.
Y... ;
Attendu qu'ayant constaté que M. Y...
avait prescrit la cinquième injection
vaccinale le 10 septembre 1999 et que
Mme X... avait présenté des signes de
fatigue importants et les premières
manifestations de sa maladie vers le mois
d'octobre 1999, de sorte que la
prescription était antérieure à l'apparition
de l'état général déficient de Mme X..., la
cour d'appel a, par ces seuls motifs,
légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de
rejeter ses demandes à l'encontre de M.
Y... ;
Attendu qu'après avoir retenu que la seule
faute commise par M. Y... était d'avoir
prescrit, sinon pratiqué, la cinquième
injection de GenHevac B dont les experts
judiciaires avaient estimé qu'elle n'était
13 pas nécessaire, la cour d'appel a relevé que
cette injection n'avait causé qu'un très
faible surdosage, non susceptible, selon les
experts, d'avoir un effet délétère et, de
surcroît, qu'il n'existait aucun lien
scientifiquement démontré entre une
injection de GenHevac B et l'apparition
d'une SLA et que Mme X... n'invoquait,
pour faire le lien entre la vaccination et sa
maladie, que des considérations générales,
tirées d'un rapport médical dont les
conclusions n'étaient pas convaincantes,
ainsi que des éléments personnels qui
n'étaient pas probants ; qu'elle a pu en
déduire l'absence de responsabilité de M.
Y..., y compris au titre de la perte de
chance, peu important que la cause de la
SLA demeure inconnue ; que le moyen
n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Document 9 : Cass. civ. 1ère, 29 octobre 2014
Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 6
décembre 2012 et 25 juillet 2013), que
Mme X..., ayant présenté une paraplégie à
la suite d'une opération de la colonne
vertébrale subie le 14 février 2002 à
l’hôpital Saint-Philibert, le Groupe
hospitalier Saint-Philibert de Lomme,
(l'établissement), elle-même et sa famille
ont agi en responsabilité à son encontre ;
Sur la première branche du moyen unique
du pourvoi n° U 13-12.336, et le moyen
unique du pourvoi n° T 13-24.126, réunis,
ci-après annexés :
Attendu que l’établissement fait grief à
l'arrêt du 6 décembre 2012 de le déclarer
responsable à 90 % de la perte de chance
pour Mme X... de ne pas subir la paralysie
dont elle est atteinte et à l’arrêt du 25
juillet 2013 de rejeter sa demande de
rectification du précédent ;
Mais attendu que les consorts X...,
appelants de la décision qui avait jugé
l’établissement responsable d'une perte de
chance de 50 % pour la victime d'éviter le
dommage, en demandaient la réformation
dans sa globalité, ainsi que le réexamen de
leurs prétentions à la lumière d’une
nouvelle
expertise,
tandis
que
l’établissement sollicitait la confirmation
de cette décision, invitant ainsi les juges
d’appel à se prononcer de nouveau sur la
responsabilité de l’établissement ; qu’il en
résulte que la cour d'appel n’a ni modifié
l’objet du litige, ni statué sur ce qui ne lui
était pas demandé ; que le moyen n’est pas
fondé ;
Sur les deuxième et troisième branches du
moyen unique du pourvoi n° U 13-12.336,
ci-après annexées :
Attendu que l’établissement fait le même
grief à l'arrêt du 6 décembre 2012 ;
Mais attendu que, relevant qu’avant
l’intervention, si l’intéressée souffrait, elle
était cependant autonome, qu’elle pouvait
se déplacer, marcher et vaquer à ses
occupations, l’évolution vers l'usage d'un
fauteuil roulant constituant un simple
risque dont l’échéance était incertaine, la
cour d’appel a pu en déduire que le
manquement du médecin à son obligation
d’information quant aux risques encourus
lors de l'intervention avait fait perdre à
Mme X... une chance de la refuser, fût-ce
momentanément,
dont
elle
a
souverainement apprécié le quantum ; que
le moyen n’est fondé en aucune de ses
branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
14 Document 10 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015
Vu l’article 1147 du code civil ;
Attendu que l’obligation, pour le médecin,
de donner au patient des soins attentifs,
consciencieux et conformes aux données
acquises de la science comporte le devoir
de se renseigner avec précision sur son état
de santé, afin d’évaluer les risques
encourus et de lui permettre de donner un
consentement éclairé ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme
X..., souffrant depuis l'enfance de
céphalées, a subi, en 1988, un examen
révélant une malformation artérioveineuse, traitée au sein de la Fondation
ophtalmologique Adolphe de Rothschild
(la fondation), puis par radiothérapie ; qu’à
la suite de nouveaux bilans confirmant la
présence d’un angiome résiduel et d’une
hémianopsie partielle, l’exérèse d'une
partie du lobe occipital droit permettant
l’ablation totale de cette malformation a
été pratiquée le 23 septembre 1998 par M.
Y..., chirurgien salarié de la fondation ;
que, dans les suites immédiates de
l’intervention, une dégradation de l'acuité
visuelle de la patiente est survenue,
accompagnée d'une double hémianopsie
latérale complète ; que Mme X... a assigné
la fondation en réparation de ses
préjudices ;
Attendu que pour rejeter la demande de
Mme X... en indemnisation de ses
préjudices corporels, l’arrêt retient que
l’indication opératoire était justifiée et
qu’aucune faute ne peut être reprochée à
M. Y... dans le geste chirurgical, compte
tenu de la localisation anatomique de la
malformation dans le lobe occipital du
cerveau, siège de la vision, ni dans la
technique mise en œuvre qui était la seule
possible ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait
constaté qu’avant l’intervention, le
chirurgien croyait, à tort, que Mme X...
était déjà atteinte d’une hémianopsie
complète, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu
de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE (…)
Document 11 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
X... a reçu, entre 1986 et 1993, plusieurs
injections de vaccins, Hevac B et
Genhevac B, contre l'hépatite B,
renouvelées du fait qu'elle ne développait
pas d'anti-corps, qu'à partir de la fin de
l'année 1992, elle s'est plainte d'épisodes
de paresthésie des mains puis, en 1995,
d'un état de fatigue et de troubles sensitifs,
qu'elle a dû cesser de travailler en juillet
1998, que le diagnostic de sclérose en
plaques a été posé en décembre 1998 ; que
Mme X... a recherché la responsabilité de
la société Sanofi Pasteur, fabricant des
produits ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident,
pris en ses trois branches :
Attendu que la société Sanofi Pasteur fait
grief à l'arrêt de dire que le lien entre le
déclenchement de la sclérose en plaques et
la vaccination de Mme X... était établi,
alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité d'un fabricant du
fait d'un
produit défectueux
est
subordonnée à la preuve préalable du lien
de causalité entre le dommage et le produit
; que l'incertitude scientifique sur un tel
lien au stade de l'état actuel des
connaissances scientifiques et techniques
fait obstacle à la preuve du lien de
causalité par présomptions au cas
particulier ; qu'en l'espèce, la société
Sanofi Pasteur MSD faisait valoir que
l'existence d'un lien entre le vaccin contre
l'hépatite B et l'apparition d'une sclérose
en plaques avait été écarté par la
communauté scientifique et qu'aucun
15 élément de nature scientifique ne
permettait d'envisager l'existence d'un tel
lien ; qu'en considérant que l'absence de
lien scientifiquement établi entre la
vaccination et le déclenchement d'une
sclérose en plaques ne constituait pas un
obstacle dirimant aux prétentions des
demandeurs à l'indemnisation et ne leur
interdisait pas de tenter d'établir, par des
présomptions
graves,
précises
et
concordantes, cas par cas, l'imputabilité de
la maladie à la vaccination, tout en ayant
retenu qu'il existait une impossibilité de
prouver scientifiquement le lien de
causalité, la cour d'appel a violé l'article
1382 du code civil ;
2°/ que l'imputabilité de l'apparition d'une
sclérose en plaques à l'administration du
vaccin contre l'hépatite B ne peut être
admise qu'à la condition d'être apparue
dans un délai bref à compter de cette
administration ; qu'en l'espèce, la cour
d'appel a relevé que Mme X... avait
présenté les premiers symptômes d'une
sclérose en plaques « fin 1992 », après
avoir constaté qu'elle avait reçu une
première série d'injections du vaccin en
1986 ; qu'il en résultait qu'un délai de
plusieurs années s'était écoulé entre la
première administration du vaccin et
l'apparition chez Mme X... d'une sclérose
en plaques, ce qui devait conduire à
exclure tout lien entre le vaccin et cette
pathologie ; qu'en décidant le contraire, la
cour d'appel a violé l'article 1382 du code
civil ;
3°/ que l'imputabilité de l'apparition d'une
sclérose en plaques à l'administration du
vaccin contre l'hépatite B ne peut être
admise qu'à la condition d'être apparue
dans un délai bref à compter de cette
administration ; qu'en l'espèce, la cour
d'appel a relevé que Mme X... avait
présenté les premiers symptômes d'une
sclérose en plaques « fin 1992 », après
avoir relevé que la dernière vaccination
datait de février 1992, soit un délai
d'environ dix mois ; qu'à supposer que le
délai à prendre en considération ait débuté
à la date de la dernière injection de vaccin,
sa durée devait conduire à exclure toute
proximité temporelle entre le vaccin et
l'apparition de la sclérose en plaques ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel
a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, après
avoir
exactement
énoncé
que
l'impossibilité de prouver scientifiquement
tant le lien de causalité que l'absence de
lien entre la sclérose en plaques et la
vaccination contre l'hépatite B, laisse place
à une appréciation au cas par cas, par
présomptions, de ce lien de causalité, a
estimé qu'au regard de l'état antérieur de
Mme X..., de son histoire familiale, de son
origine ethnique, du temps écoulé entre les
injections et le déclenchement de la
maladie, et du nombre anormalement
important des injections pratiquées, il
existait des présomptions graves, précises
et concordantes permettant d'établir le lien
entre les vaccinations litigieuses et le
déclenchement de la sclérose en plaques
dont elle était atteinte ; que le moyen n'est
fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi
principal, pris en ses deuxième et
troisième branches :
Vu l'article 1386-4 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de
Mme X..., l'arrêt, après avoir exactement
retenu que la seule implication du produit
dans la maladie ne suffit pas à établir son
défaut ni le lien de causalité entre ce
défaut et la sclérose en plaques, relève
qu'un produit ne peut être retiré du marché
du seul fait qu'il ne répond pas à l'attente
particulière d'une personne, que le
bénéfice attendu du vaccin contre
l'hépatite B, par le public utilisateur, est
avant tout une protection efficace contre
ce virus, ce qui est le cas, ce pourquoi le
vaccin contre l'hépatite B, qui a
probablement sauvé des milliers de vie
pour lesquelles le risque "hépatite B" était
infiniment plus grand que le risque "
sclérose en plaques", n'a pas été retiré du
marché et a reçu jusqu'à aujourd'hui les
autorisations requises, que si le ministère
de la santé a mis un terme aux campagnes
de vaccination systématiques, cette réserve
ne peut contribuer à établir le caractère
défectueux du produit ;
16 Attendu qu'en se déterminant ainsi, par
une considération générale sur le rapport
bénéfice/risques de la vaccination, après
avoir admis qu'il existait en l'espèce des
présomptions
graves,
précises
et
concordantes tant au regard de la situation
personnelle de Mme X... que des
circonstances
particulières
résultant
notamment du nombre des injections
pratiquées, de l'imputabilité de la sclérose
en plaques à ces injections, sans examiner
si ces mêmes faits ne constituaient pas des
présomptions
graves
précises
et
concordantes du caractère défectueux des
doses qui lui avaient été administrées, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu
de statuer sur les autres griefs du pourvoi
principal:
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE (…)
Document 12 : article L. 1142-1 II du Code de la santé publique
II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme
mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une
affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du
patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont
directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu
pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de
l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié
au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et
professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à
l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités
professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte
permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème
spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.
17