Chapitre 10 FAMILLES SOMMABLES, SÉRIES DOUBLES

Chapitre 10
FAMILLES SOMMABLES , SÉRIES DOUBLES
Mohamed TARQI
Table des matières
1
Ensembles dénombrables
1
2
Familles sommables
2.1 Notion de sommabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Cas des réels positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Familles sommables de complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4
4
4
7
3
Séries doubles
3.1 Sommation par paquets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Séries doubles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Produit de deux suites sommables. Produit de Cauchy . . . . . . . . . . . . .
9
9
12
13
•••••••••••
1
Ensembles dénombrables
Définition 1.1.
1. On dit qu’un ensemble I est dénombrable si, et seulement si, il existe une
bijection de I sur une partie de N.
2. On dit qu’un ensemble I est au plus dénombrable si, et seulement si, il est en bijection avec
une partie de N.
Exemples :
1. Soit P (resp. J ) l’ensemble des entiers naturels pairs (resp. impairs). Les applicaf : N −→ P
f : N −→ J
et
sont des bijections. Donc P et J sont
n 7−→ 2 n
n 7−→ 2 n + 1
dénombrables. D’une manière général les parties infinies de N sont dénombrables.
tions
2. Tout ensemble fini est au plus dénombrable car il est en bijection avec à une partie
de N de la forme [[1, n]] (n ∈ N) .
Proposition 1.1. Soit I un ensemble. S’il existe une application injective f : I −→ N,
alors I est au plus dénombrable.
1
C HAPITRE 10
FAMILLES SOMMABLES ,
SÉRIES DOUBLES
Démonstration : En effet, l’ensemble I est en bijection avec une partie de N, donc I est
u
un ensemble au plus dénombrable.
t
Exemple : Les ensembles Nk (pour un entier k ≥ 1), sont dénombrables. En effet, soit
p 1 , ..., p k des nombres premiers distincts. D’après le théorème fondamental de la décomposition d’un entier en produit de facteurs premiers, l’application
f:
Nk
−→ N
a
(a 1 , ..., a k ) 7−→ p 1a1 ...p k k
est une injection.
Nk est au plus dénombrable, et comme il est infini, il est dénombrable.
Proposition 1.2. Si f : E −→ F est une surjection et si E est dénombrable, alors F est
dénombrable.
Démonstration : Pour tout y ∈ F , la surjectivité de f entraîne que l’ensemble f −1 { y} est
non vide. Définissons une fonction g : F −→ E en prenant, pour chaque y ∈ F un élément
g( y) ∈ f −1 { y}. On a donc trouvé une fonction g : F −→ E telle que f ◦ g = id F (ce qu’on
appelle une section de la fonction f ). En particulier, g est injective et F est donc dénomu
brable.
t
Exemples : Les ensembles Z et Q sont dénombrables, en effet, les applications suivantes :
ϕ:
ψ:
N3
−→ Q
N2
−→ Z
p
et
sont des surjections.
( n, p, q) 7−→ (−1)n
( n, m) 7−→ (−1)n m
q+1
Proposition 1.3.
1. Toute produit fini d’ensembles dénombrables est un ensemble dénombrable,
c’est-à-dire si I 1 , ..., I k sont dénombrables, I 1 × ... × I k l’est également.
2. Toute réunion dénombrable d’ensembles dénombrables est un ensemble déS
nombrable, c’est-à-dire si I =
I i et que J et les ( I i ) i∈ J sont dénombrables, I
i∈ J
l’est également.
Démonstration : Pour i ∈ [[1, k]], soit ϕ i : I i −→ N une injection. L’application
f : I 1 × ... × I k −→ Nk
(a 1 , ..., a k ) 7−→ ϕ1 (a 1 ), ..., ϕk (a k )
est alors une injection. Comme Nk est dénombrable, I 1 × ... × I k l’est aussi.
Pour le deuxième point, soit ϕ : J −→ N une injection et, pour n ∈ ϕ( J ), on considère une
injection ψn : I ϕ−1 (n) −→ N. Pour chaque élément e ∈ E , on note m( e) = min ϕ( i ) et χ( e) =
i ∈ I,e∈ I i
( m( e), ψm(e) ( e)). L’application χ : I −→ N2 est bien définie car m( e) ∈ ϕ( J ) par définition, et
u
c’est alors une injection, donc I est dénombrable.
t
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SÉRIES DOUBLES
Remarque : Attention : comme on le verra plus loin, un produit infini, même dénombrable, d’ensembles dénombrables n’est presque jamais dénombrable.
T HÉORÈME 1.1. (Cantor, 1891). Soit E un ensemble. Il n’existe pas de bijection f :
E −→ P (E ).
Démonstration : Supposons qu’il existe une telle bijection f : E −→ P (E ). Posons
A = { x ∈ E / x ∉ f ( x)} .
Puisque A ⊂ E , on peut trouver x0 tel que f ( x0 ) = A . On a donc soit x0 ∈ A , soit x ∉ A .
• Si x0 ∈ A , par définition, x0 6= f ( x0 ) = A , une contradiction ;
• si x0 ∉ A , par définition, x0 f ( x0 ) = A , une contradiction.
L’hypothèse de départ était donc absurde : il n’existe pas de telle bijection.
u
t
Exemple : P (N) n’est pas dénombrable. Il est de même de l’ensemble {0, 1}N des suites à
éléments dans {0, 1}, en effet, l’application
f:
{0, 1}N −→ P (N)
( u n )n∈N 7−→ { n ∈ N/ u n = 1}
est une bijection ( sa bijection réciproque est définie par
f −1 : P (N) −→ {0, 1}N
, où χ A
A
7−→ χ A
désigne la fonction indicatrice de A ) . Cette exemple montre que le produit dénombrable
d’ensembles dénombrables n’est pas dénombrable.
Proposition 1.4. L’intervalle [0, 1] de R n’est pas dénombrable.
Démonstration : On peut faire une preuve type dichotomie. Supposons que
[0, 1] = { xn , n ∈ N}.
L’un des deux intervalles [0, 31 ] et [ 23 , 1] ne contient pas x0 , si c’est les deux, on fait un
choix et on note [a 0 , b0 ] l’intervalle obtenu qui est de longueur 31 et qui ne contient pas x0 .
On recommence avec cet intervalle et on obtient [a 1 , b1 ] de longueur 19 ne contenant pas
x1 . Etc... On obtient ainsi deux suites (a n ) et ( b n ) telles que la première soit croissante, la
deuxième décroissante et b n+1 − a n+1 = b n −3 a n et xn 6∈ [a n , b n ]. La limite commune à ces deux
u
suites est un réel de [0, 1] qui ne peut être l’un des x i .
t
Corollaire 1.1. L’ensemble R n’est pas dénombrable.
f : R −→ ]0, 1[
x
est strictement croissante donc bijecx 7−→ 1+e e x
tive. Et comme [0, 1] n’est pas dénombrable, il est de même de ]0, 1[ car [0, 1] =]0, 1[∪{0, 1},
u
donc R aussi n’est pas dénombrable.
t
Démonstration :
L’application
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2
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SÉRIES DOUBLES
Familles sommables
2.1
Notion de sommabilité
Dans tout ce qui suit, I désigne un ensemble dénombrable d’indices. On rappelle aussi
qu’un ensemble I est dénombrable si, et seulement si, s’il existe une une suite croissante
( Jn )n∈N dont la réunion est égale à I . En effet, soit ϕ une bijection de N dans I , on pose
Jn = ϕ([[0, a n ]]), où (a n )n∈N est une suite croissante non stationnaire d’entiers.
Soit u = (u i ) i∈ I une famille de nombres complexes indexée par I , pour J ⊂ I , partie finie
de I , on ,notera :
S J ( u) =
X
uj
j∈ J
Définition 2.1. On dit que la famille (u i ) i∈ I est sommable s’il existe S (u) ∈ E tel que :
∀ε > 0, ∃ J0 ∈ PF ( I ) tel que ∀ J ∈ PF ( I ), J0 ⊂ J ⇒ kS J ( u) − S k ≤ ε.
Remarque :
1. Si S (u) existe, il est unique, c’est la somme de la famille (u i ) i∈ I , on le note
S ( u) =
X
ui.
i∈ I
2. L’ensemble des familles de nombres complexes sommables indexées par I est un
X
C-espace vectoriel sur lequel l’application ( u i ) i∈ I 7→ u i est linéaire.
i∈ I
Définition 2.2. Soit (u i ) i∈ I une famille d’éléments de K indexée par I . On dit que (u i ) i∈ I est
sommable si, et seulement si, (| u i |) i∈ I est sommable en tant que famille de réels positifs.
2.2
Cas des réels positifs
Proposition 2.1. Soit (u i ) i∈ I ∈ (R+ ) I une famille de réels positifs indexée par un ensemble dénombrable I . La famille est sommable si, et seulement si, l’ensemble
(
)
S J ( u) =
X
u i / J partie finie de I
j∈ J
est majoré ( dans R+ ) ). Lorsque c’est les cas, la somme de cette famille est :
(
S ( u) = sup S J ( u) =
)
X
u i / J partie finie de I .
j∈ J
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FAMILLES SOMMABLES ,
SÉRIES DOUBLES
Démonstration : Supposons la famille (u i ) i∈ I est sommable de somme S , et soit J0 ∈
PF ( I ) tel que |S J (u) − S | ≤ 1 pour tout J ∈ PF ( I ) contenant J0 , donc |S J (u)| ≤ 1 + |S |. Soit
alors M = max S K (u), on a donc, pour tout J ∈ P F ( I ) :
K ⊂ J0
|S J | = |S J ∪ J0 − S J0 \ J | ≤ |S J ∪ J0 − S | + |S − S J0 \ J | ≤ 1 + |S | + M
Inversement, soit S la borne supérieure de {S J (u) =
P
j∈ J
u i / J ∈ PF ( I )}, alors pour tout ε > 0,
il existe J0 ∈ PF ( I ) tel que S − ε ≤ S J0 ≤ S et donc pour tout J ∈ PF ( I ) contenant J0 on a
S − ε ≤ S J0 ≤ S J ≤ S , d’où :
|S − S J | ≤ ε.
u
t
On voit donc que la famille (u i ) i∈ I est sommable, de somme S .
Exemple :
1
i2 × j2
Considérons la famille (u i j ) i∈N∗2 indexé par I = N∗2 , avec ∀( i, j ) ∈ I, u i j =
. Soit J ∈ PF ( I ) il existe n ∈ N∗ tel que J ⊂ [[1, n]]2 .
Soit maintenant n un tel entier :
X
(i, j)∈[[1,n]]2
Ã
!
Ã
! Ã
!Ã
! Ã
!
n 1 X
n X
n
n 1
n 1
n 1
n 1 2
X
X
X
X
X
1
1
=
=
=
=
,
2
2
2
2
2
i 2 × j 2 i=1 j=1 i 2 × j 2
i =1 i
j =1 j
i =1 i
j =1 j
i =1 i
X
X 1
converge.
Soit
S
sa
somme.
∀
J
∈
P
(
I
)
,
u i j ≤ S 2 . Donc
F
2
n
n≥1
(i, j)∈ J
X
( u i j )(i, j)∈ I est sommable et
u i j ≤ S2.
(i, j)∈ J
X
X
2
Montrons que S =
u i j = sup
u i j . S 2 est déjà un majorant de l’ensemble :
de plus, on sait que
(i, j)∈ I
J ∈F (I) (i, j)∈ J
(
A=
)
u i j / J ∈ PF ( I ) .
X
(i, j)∈ J
Ã
n 1
X
Soit ε > 0, lim
2
n→∞
i =1 i
!2
ÃÃ
= S 2 , et comme
n 1
X
2
i =1 i
!2 !
Ã
n
n 1
X
est croissante. Alors S 2 = sup
2
i =1 i
!2
.
!
n 1 2
n X
n
X
X
1
2
,
d’où
S
−
ε
<
. C’est-à-dire : S 2 − ε <
Soit donc n ∈ N∗ tel que S 2 − ε <
2
2
2
i
i
×
j
i =1 j =1
i =1
X
X
1
u i j ∈ A . Donc
= S2.
2 × j2
i
2
∗
2
(i, j)∈[[1,n]]
(i, j)∈N
Ã
Proposition 2.2. Soit (u i ) i∈ I et (v i ) i∈ I deux familles de réels positifs telles que ∀ i ∈
I, u i ≤ v i . Alors :
1. Si (v i ) i∈ I est sommable, il en est de même de (u i ) i∈ I et on a :
X
i∈ I
ui ≤
X
vi .
i∈ I
2. Si (u i ) i∈ I n’est pas sommable, il en est de même de (v i ) i∈ I .
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SÉRIES DOUBLES
Démonstration :
1. Pour toute partie finie J de I , on a 0 ≤
X
P
i∈ J
ui ≤
P
i∈ J
vi ≤
P
i∈ I
v i , donc l’ensemble {S J (v) =
v i / J partie finie de I } est majoré et par conséquent la famille (v i ) i∈ I est sommable
j∈ J
et
P
i∈ I
ui ≤
P
vi .
i∈ I
2. Dans ce cas l’ensemble {S J (v) =
P
v i / J partie finie de I } n’est pas majoré, donc la
j∈ J
famille (v i ) i∈ I n’est pas sommable.
u
t
Exemples :
1. I = N∗2 et ∀( i, j ) ∈ I, v i j =
vi j ≤
1
i2 × j2
2
i4 + j4
. Pour tout ( i, j ) ∈ N∗2 , on a : i 4 + j 4 ≥ 2 i 2 × j 2 . D’où
= u i j . Comme la famille ( u i j )(i, j)∈N∗2 est sommable (d’après un exemple
précédent), alors la famille (v i j )(i, j)∈N∗2 est sommable.
µ ¶
1
1 ln( i + 2)
≤
. La famille
2.
. On a ∀ i ∈ N ,
est non sommable. On
i ¶ i
i i∈N∗
i ∈N∗
µ
ln( i + 2)
en déduit que la famille
est non sommable.
i
i ∈N∗
µ
ln( i + 2)
i
¶
∗
T HÉORÈME 2.1. S’il existe une suite croissante ( Jn )n∈N de parties finies de I , dont la
réunion est égale à I telle que (S Jn (u))n∈N soit une suite majorée, alors la famille u
est sommable et
S ( u) = sup S Jn ( u) = lim S Jn ( u).
n→∞
n∈N
Réciproquement, si u est sommable, cette égalité est valable pour toute suite ( Jn )n∈N
S
de parties finies de I avec I =
Jn .
n∈N%
Démonstration : Si J ⊂ I est une partie finie, on a J ⊂ Jn pour n assez grand, comme les
réels manipulés sont positifs, ∃ N ∈ N, ∀n ≥ N ,
S J ( u) ≤ S Jn ( u) ≤ lim S Jn ( u)
n→∞
et ce pour tout J . On a donc la sommabilité de u avec :
S ( u) ≤ lim S Jn ( u)
n→∞
avec égalité, puisque l’inégalité inverse est évidente par définition. Réciproquement, si
u est sommable, le raisonnement précédent peut être fait pour toute suite ( Jn )n∈N avec
S
u
I=
Jn .
t
n∈N%
Dans le cas de I = N, on a la caractérisation :
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Proposition 2.3. Une suite u = (u n )n∈N de réels positifs est sommable si, et seulement
si, la série de terme u n converge et on a alors
S ( u) =
X
n∈N
un =
∞
X
un.
n=0
Démonstration : il suffit d’appliquer le théorème précédent avec Jn = [[0, n]].
Remarque :
L’égalité
P
n∈N
un =
∞
P
n=0
u
t
u n montre, dans le cas d’une série à termes positifs, on
ne tient pas compte de l’ordre "naturel" sur N, d’apparition des termes. Donc pour une
série convergente à termes positifs, une modification de l’ordre d’apparition des termes
de la série ne change pas la nature ou la somme de la série.
2.3
Familles sommables de complexes
On rappelle qu’une famille (u i ) i∈ I ∈ C I est sommable si, et seulement si, la famille des
modules (| u i | i∈ I ) l’est.
Théorème et définition 2.1. Soit (u i ) i∈ I ∈ C I une famille complexe sommable. Pour
S
toute suite ( Jn )n∈N de sous familles finies de I avec I =
Jn , la suite (S Jn )n∈N
n∈N%
converge. Sa limite ne dépend pas de la suite ( Jn )n∈N choisie, et on posera :
S ( u) =
X
u i = lim
n→∞
i∈ I
X
ui
i ∈ Jn
Démonstration : Montrons que la suite (S Jn )n∈N est de Cauchy dans C, en effet :
n ≤ m =⇒ |S Jm ( u) − S Jn ( u)| ≤ S Jm (| u|) − S Jn (| u|).
Ce qui permet de conclure, puisque (S j n (| u|))n∈N est convergente.
Pour voir que la limite ne depend pas de la suite ( Jn )n∈N choisie, considérons deux telles
suites ( Jn )n∈N et (K n )n∈N et formons L n = Jn ∩ K n . Cette suite de parties est non vide à
partir d’un certain rang, et vérifie
[
I=
L n.
n∈N%
En effet, si i ∈ I , ∃ n1 et n2 avec i ∈ Jn1 , et i ∈ K n2 , donc i ∈ L max{n1 ,n2 } , puisque les deux
suites sont croissantes, on a :
|S Jn ( u) − S L n ( u)| ≤ S Jn (| u|) − S L n (| u|).
et comme
lim S Jn (| u|) = lim S L n (| u|) = S (| u|)
n→∞
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n→∞
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alors
lim S Jn ( u) = lim S L n ( u) = lim S Jn ∩K n ( u) = lim S K n ( u).
n→∞
n→∞
n→∞
n→∞
u
t
Dans le cas particulier I = N, on a le résultat suivant :
Proposition 2.4. Une suite à termes complexes u = (u n )n∈N est sommable si, et seulement si, la série de terme général u n est absolument convergente, et on a alors
S ( u) =
X
n∈N
un =
∞
X
un.
n=0
Remarque : Ici encore, l’ordre de l’apparition des termes n’intervient pas dans la définition de S (u), plus précisément on a :
Corollaire 2.1. Toute série complexe absolument convergente est commutativement
∞
P
convergente, c’est-à-dire si
n=0
jective, la série
P
u n est absolument convergente, alors ∀ϕ : N → N bi-
u ϕ(n) est absolument convergente et
∞
P
n=0
u ϕ(n) =
∞
P
n=0
un
Démonstration : Si la famille u = (u n )n∈N est sommable, la convergence absolue de
en découle puisque
n
X
∀ n ∈ N,
∞
P
n=0
u ϕ(n)
| u ϕ(k) | = S ϕ[[0,n]] (| u|).
k=0
De plus, comme ϕ est bijective, on a :
N=
[
n∈N
ϕ([[0, n]])
et par conséquent
X
p∈N
u p = lim
n→∞
Soit encore
X
u p = lim
n→∞
p∈ϕ([[0,n]])
∞
X
n=0
un =
∞
X
X
q∈[[0,n]]
u ϕ(q) =
X
q∈N
u ϕ(q) .
u ϕ(n)
n=0
u
t
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Remarque : La condition de la convergence absolue, donnée par le corollaire, est néces∞ (−1) n+1
X
, de somme ln 2. Notons (S n )n∈N la suite de
n
n=1
ses sommes partielles. À partir de cette série, on construit une nouvelle série en prenant p
termes positifs, puis q termes négatifs, puis p termes positifs,..., c’est ainsi, si par exemple
p = 1 et q = 2, on forme la série de terme général
saire, en effet, considérons la série
µ
¶
1
1
1
1
1
1
vn =
−
−
=
−
, n ∈ N∗ .
2n − 1 4n − 2 4n 2 2n − 1 2n
Montrons que la nouvelle série est convergente et que sa somme S =
ln 2
. En effet, soit
2
(S 0 n )n∈N la suite des sommes partielles de la nouvelle série, on peut écrire :
¶ µ
¶
1 1 1
1 1
1
1
+ + + ... +
− + + ... +
1 3 5
2m − 1
2 4
4m
µ
¶ µ
¶
1
1
1 1 1
1 1
+ + + ... +
=
− + + ... +
1 2 3
2m
2 4
2m
µ
¶
1
1 1
− + + ... +
2 4
4m
S 0m = S 3m =
µ
Compte tenu de
1+
1
1
+ ... + = ln n + γ + ε( n)
2
n
avec lim ε(n) = 0 ( γ étant la constante d’Euler ), on obtient
n→∞
S 3m = ln 2 +
où lim ϕ(m) = 0, et par conséquent S =
m→∞
3
3.1
1 1
ln + ϕ( m)
2 2
ln 2
.
2
Séries doubles
Sommation par paquets
On s’intéresse dans cette partie à des regroupements de termes par paquets d’une famille
de nombres complexes.
Proposition 3.1. (Associativité) Soit (u i ) i∈ I une famille sommable de C de somme S , et
soit ( I n )n∈N une partition de I . Alors, pour tout n ∈ N, la famille (u i ) i∈ I n est sommable
de somme S n , la famille (S n )n∈N est aussi sommable et on a :
S=
∞
X
n=0
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sn =
∞
X
Ã
!
X
ui .
n=0 i ∈ I n
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Démonstration : Il est évident que, pour tout n ∈ N , la sous-famille (u i ) i∈ I n est sommable.
Soit ε > 0 donné, il existe J0 ∈ PF ( I ) telle que pour toute partie finie J de I contenant I , on
ait :
¯
¯
¯
X ¯¯
¯
u i ¯ ≤ ε.
¯S −
¯
¯
i∈ J
On a J0 =
S
n∈N
( J0 ∩ I n ) =
S
n∈ M
( J0 ∩ I n ) où M = { n ∈ N/ J0 ∩ I n 6= ;}, c’est un ensemble fini, car
J0 est fini.
Soit maintenant L une partie finie de N et contenant M . Pour tout n ∈ L la sommabilité de
la famille (u i ) i∈ I n , entraîne l’existence d’une partie K n ∈ PF ( I n ) vérifiant :
¯
¯
¯
¯
X
ε
¯
¯
ui¯ ≤
¯s n −
¯
¯
2p
i ∈K
où p = card L
n
On peut de plus imposer J0 ∩ I n ⊂ K n , alors
J0 =
[
( J0 ∩ I n ) ⊂
n∈ M
et on obtient finalement pour J =
[
n∈ L
S
n∈ L
[
( J0 ∩ I n ) ⊂
K n,
n∈ L
Kn :
¯
¯
¯
¯ ¯
¯
¯X
¯
¯X
¯
X ¯¯ ¯¯ X
¯
¯
¯
¯
s n − S¯ ≤ ¯
sn −
u i ¯ + ¯ u i − S¯
¯
¯ n∈ L
¯
¯ n∈ L
¯ ¯ i∈ J
¯
i∈ J
¯
Ã
!¯
¯X
¯ ε
X
¯
¯
≤ ¯
sn −
ui ¯ +
¯ n∈ L
¯ 2
i ∈K n
¯
¯
¯ ε
X
X ¯¯
¯
ui¯ +
≤
¯s n −
¯
¯ 2
i ∈K n
n∈ L
X ε
ε
≤
+ = ε.
2
n∈ L 2 p
Cette inégalité, vraie pour tout L ∈ PF (N) contenant M , montre que la famille (s n )n∈N est
sommable, de somme S .
u
t
Remarque :
Ce résultat signifie qu’on peut, pour calculer
X
u i , remplacer chaque sous-
i∈ I
famille (u i ) i∈ I n par la somme de ses termes.
Exemple : On montre que la famille ( z pq )(p,q)∈N∗2 est sommable si, et seulement si, | z| < 1
( voir séries doubles ). Pour sommer on peut utiliser la partition ( I n )n∈N∗ où I n = {( p, q) ∈
N∗2 / pq = n}. On a donc
X
(p,q)∈N∗2
z
pq
=
∞
X
Ã
!
X
z
n=1 (p,q)∈ I n
pq
=
∞
X
d ( n) z n
n=1
où le cardinal d (n) = card I n est le nombre de diviseurs de n.
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Rédigé par: M.Tarqi
C HAPITRE 10
FAMILLES SOMMABLES ,
Cas particulier :
Soit
une nouvelle série
P
P
SÉRIES DOUBLES
u n une série à termes dans un espace vectoriel normé E . Formons
vn , en posant v0 =
ϕP
(0)
k=0
u k et ∀ n ≥ 1, vn =
ϕP
(n)
k=ϕ(n−1)+1
u k où ϕ : N → N une
application strictement croissante. On a le résultat suivant :
T HÉORÈME 3.1. Si la série
P
u n converge, la série
P
vn converge et a même somme.
La réciproque est vraie si la suite (u n )n∈N tend vers 0 et la suite (ϕ(n + 1) − ϕ(n))n∈N ( la
taille des paquets ) est majorée.
Démonstration : Notons S n (u) =
S n ( v) =
n
P
k=0
ϕX
(0)
u k et S n (v) =
uk +
k=0
n
X
n
P
vk . On a donc :
k=0
ϕX
(p)
uk =
p=1 k=ϕ(p−1)+1
ϕX
(n)
uk.
k=0
La suite (S n (v))n∈N est donc une sous-suite de la suite convergente (S n (u))n∈N , ce qui montre
la première assertion.
Réciproquement, soit V =
∞
P
n=0
vn et K tel que ∀ n ∈ N, |ϕ( n + 1) − ϕ( n)| ≤ K . Soit n ∈ N et p
l’unique entier tel que ϕ( p − 1) < n ≤ ϕ( p), on a alors :
S p (v) − S n ( u) = S ϕ(p) ( u) − S n ( u) =
ϕX
(p)
uk.
k= n+1
Soit ε > 0 et n0 ∈ N tel que ∀n ≥ n0 , on a : ku n k ≤
k S p ( v ) − S n ( u )k ≤
ϕX
(p)
ε
2K
. Alors ∀n ≥ n0 , on a :
k u k k ≤ (ϕ( p) − n)
k= n+1
ε
ε
≤ .
2K 2
ε
D’autre part, il existe n1 ∈ N tel que ∀n ≥ n1 , on a kV − S n (v)k ≤ . Si on choisit n ≥
2
max( n 0 , n 1 ) on a p ≥ n 1 et donc
kV − S n ( u)k ≤ kV − S p (v)k + kS p (v) − S n ( u)k ≤ ε.
Ce qui montre que la série
P
u n converge vers V .
u
t
Corollaire 3.1. Si E = R et si ∀k ∈ [ϕ(n − 1), ϕ(n)] tous les u k sont de même signe, alors
P
la série vn converge.
Démonstration : En effet, dans ce cas on aura :
ϕX
(p)
¯
¯
(p)
¯ ϕX
¯
¯
¯
| S p ( v ) − S n ( v )| ≤
|u k | = ¯
u k ¯ = |v p |
¯k=ϕ(p−1)+1 ¯
k=ϕ(p−1)+1
On achève alors la démonstration comme dans le cas précédent.
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u
t
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C HAPITRE 10
FAMILLES SOMMABLES ,
SÉRIES DOUBLES
Remarque : La réciproque n’est pas valable en toute généralité comme le montre l’exemple
P
de la série (−1)n et de ϕ(n) = 2n, on alors vn = 0.
3.2
Séries doubles
X
Proposition 3.2. T HÉORÈME DE F UBINI : Soit
u nm une série double à termes de
nÊ0,mÊ0
signe quelconque. On suppose que :
X
• pour tout entier naturel n, la série
u nm converge absolument et on note :
mÊ0
∀ n ∈ N,
an =
+∞
X
m=0
• la série
X
+∞
X
a0n =
et
u nm
| u nm |
m=0
a0n converge.
nÊ0
Alors, on a :
• la série (simple)
X
a n converge absolument et on note :
nÊ0
S=
+∞
X
an =
n=0
• pour tout entier naturel j , la série
+∞
X
Ã
+∞
X
!
u nm .
n=0 m=0
X
u nm converge absolument,
i Ê0
• notant b m =
+∞
X
u nm pour tout entier naturel m, la série
n=0
u nm =
n=0 m=0
+∞
X
an = S =
n=0
+∞
X
m=0
b m converge absolu-
mÊ0
ment vers ce même réel S , c’est à dire que :
+∞
X +∞
X
X
bm =
+∞
X +∞
X
u nm .
m=0 n=0
En particulier, toute série double absolument convergente est convergente.
Démonstration : Il suffit d’appliquer le théorème de sommation par paquets à la partiS
u
tion N2 =
t
({ n} × N).
n∈N
Exemples :
1. Considérons la famille ( (p+1q)α )(p,q)∈N2 . La condition α > 1 est nécessaire pour la convergence de la série à q fixé. Si cette condition est vérifié, alors on a :
Z
+∞
q+1
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Z +∞
∞
dt X
1
dt
≤
≤
,
α
α
t
tα
q
p=1 ( p + q)
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C HAPITRE 10
FAMILLES SOMMABLES ,
ou encore
SÉRIES DOUBLES
∞
X
1
1
1
1
1
≤
≤
,
α − 1 ( q + 1)α−1 p=1 ( p + q)α α − 1 qα−1
encadrement qui permet de conclure à la sommation de la famille si, et seulement si,
α > 2.
2. Pour x > 1, on définit ζ( x) =
∞
P
n=1
1
nx .
Montrons que
∞
X
(ζ( n) − 1) = 1.
n=2
On a
∞
X
(ζ( k) − 1) =
∞ X
∞ 1
X
k=2 n=2
k=2
nk
.
Considérons la suite double ( n1k )n,k≥2 .
On a :
∞
P
1
est une série géométrique, à termes positifs, convergente. En
• ∀ n ≥ 2, la série
nk
k=2
outre
∞ 1
X
k=2
• La série
nk
=
1
n( n − 1)
∞
X
1
est convergente. En outre
n=2 n( n − 1)
∞
X
¶
∞ µ 1
X
1
1
=
−
=1
n
n=2 n( n − 1)
n=2 n − 1
µ
Donc d’après le critère de sommabilité (théorème de Fubini), La famille
sommable et donc
∞
X
(ζ( k) − 1) =
k=2
3.3
!
Ã
∞ X
∞ 1
X
k=2 n=2
nk
=
Ã
!
∞ X
∞ 1
X
n=2 k=2
nk
=
1
nk
¶
est
n,k≥2
∞
X
1
= 1.
n=2 n( n − 1)
Produit de deux suites sommables. Produit de Cauchy
Théorème et définition 3.1. Si a = (a n )n∈N et b = (b n )n∈N sont deux suites complexes
sommables, la suite double (a p b q )(p,q)∈N2 est sommable. On l’appelle produit de Cauchy des familles a et b et on a :
X
(p,q)∈N2
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a pbq =
∞
X
ap
p=0
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∞
X
bq.
q=0
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C HAPITRE 10
FAMILLES SOMMABLES ,
SÉRIES DOUBLES
Démonstration : La suite double positive (|a p b q |)(p,q)∈N2 est sommable puisque la série
Ã
∞ X
∞
X
!
|a p b q |
p=0 q=0
est convergente. Le résultat en découle, avec
X
a pbq =
(p,q)∈N2
Ã
∞ X
∞
X
!
∞
X
a pbq =
p=0 q=0
ap
p=0
∞
X
bq =
q=0
X
X
ap
p∈N
bq.
q∈N
u
t
b n sont deux suites à termes dans K absolument converP
P
P
gentes. On appelle série produit de Cauchy de a n et b n la série c n définie
Corollaire 3.2. Si
P
par : ∀n ∈ N, c n =
a n et
n
P
p=0
P
a p b n− q =
de somme
P
p+ q= n
∞
X
a p b q . Cette série est absolument convergente,
∞
X
cn =
n=0
an
n=0
∞
X
bn.
n=0
Démonstration : La famille (a p b q ) est sommable, d’après ce qui précède. Si on pose :
Jn = {( p, q) ∈ N2 /0 ≤ p + q ≤ n}
On construit une suite croissante de parties finis de N2 , de réunion égale à N2 . On a donc
lim
n→∞
X
a p b q = lim
(p,q)∈ Jn
n→∞
n
X
ck =
k=0
X
a pbq =
(p,q)∈N2
X
p∈N
ap
X
bq
q∈N
Ce qui prouve la convergence de la série et détermine sa somme. La convergence absolue
est une conséquence de la majoration
|cn| ≤
n
X
|a k || b n−k |
k=0
La série majorante étant convergente, car produit de Cauchy de deux séries convergentes
u
à termes positifs.
t
Remarque :
série
X
Si
X
a n et
X
b n sont deux séries à termes complexes semi-convergentes, la
c n n’est pas nécessairement convergente. Par exemple si
(−1)n
a n = b n = p , ( n ≥ 1)
n
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C HAPITRE 10
la série
∞
P
n=1
FAMILLES SOMMABLES ,
c n avec c n = (−1)n
puisque
nP
−1
k=1
p 1
k(n− k)
diverge, car son terme général ne tend pas vers 0,
∀ k ∈ [1, n], k( n − k) =
donc | c n | ≥
2( n − 1)
.
n
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SÉRIES DOUBLES
³ n ´2
2
³
n ´2 ³ n ´2
− k−
≤
,
2
2
• • • • • • • • ••
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