ne sacrifions pas le modèle français

La lettre du syndicat de la profession Comptable
EDITO DE CAROLE CHERRIER PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION CAC, MEMBRE DU BUREAU NATIONAL DE L'IFEC
Réforme européenne et rotation obligatoire :
ne sacrifions pas le modèle français !
ous y sommes, le trilogue va commencer. Depuis 2008, la crise
N
Rotation obligatoire = concentration du
financière a conduit la Commission Européenne à revisiter le système
marché.
d'audit européen. À présent, l'Union Européenne a rendu publique plusieurs
Ces constats faits, nous pouvons légitimement
propositions destinées à "rétablir la confiance".
nous demander ce que ces mesures vont
L'une d'elle, la rotation obligatoire des cabinets, semble désormais incontournable.
apporter à la France.
C'est l'Italie qui constitue le poste d'observa-
Toute la profession s’est mobilisée contre la rotation obligatoire.
tion privilégié pour la Commission Euro-
Depuis le début, la profession s'oppose vigoureusement à cette mesure. Nous
péenne. Depuis 2010, la rotation des cabinets
sommes convaincus que le changement régulier de commissaire aux comptes
d'audit y est obligatoire tous les
et les appels d'offre qui en découlent, entraînent systématiquement des guerres
9 ans. La durée du mandat est, elle aussi, de
d'enchères à intervalle régulier.
9 ans, tandis que le délai de viduité est de
3 ans. Mais nous n’avons aucun recul sur cette organisation : le décret y est
Rotation obligatoire = audit au rabais et baisse de qualité.
appliqué depuis trois ans seulement !
Que dire de l'indépendance, de l'objectivité et de l'esprit critique des auditeurs,
Nous avons un modèle français qui fonctionne, déconcentré et indépendant,
qui sont nécessaires au bon fonctionnement des marchés financiers et des
alors préservons-le !
économies ?
Nous pouvons craindre qu'avec une rotation imposée, le risque de recherche
Rotation obligatoire = appauvrissement du modèle français !
d'une certification sans réserve augmente nécessairement à chaque exercice
Suite à cette large consultation des parties prenantes, l’Union européenne, par la
de sélection d'un cabinet d'audit.
voix du commissaire européen Michel BARNIER, semble retenir la rotation
obligatoire, qui reste, peut être, l'unique proposition comprise par tous.
Rotation obligatoire = perte d’indépendance.
Ainsi, même si la France devait en payer le prix, l’Union européenne s’en trouverait
Cette mesure vise à déconcentrer le marché, or nous n'en avons pas besoin en
grandie.
France : près de 600 cabinets auditent actuellement les EIP en France et notre
marché est bien moins concentré que dans les autres pays européens. Pire,
Alors, pour préserver notre modèle français, nous devons obtenir une
nous soutenons l'idée, que la rotation entraînerait à court terme la concentration
rotation longue et donner au co-commissariat, la prime conséquente qui
du marché, car il n'est pas certain que les cabinets locaux souhaitent participer
préservera son bon fonctionnement, c'est essentiel.
à des appels d'offre ; l'investissement serait trop lourd, sur un marché déjà
Et pour être sûr que jamais cette mesure ne dévie un jour, hors champ EIP,
chronophage.
vers nos PME, négocions, lors du trilogue, la limitation de ce règlement
aux grosses PME, au sens de la directive prospectus 2003/71/CE, qui ne
La Lettre ifec et vous
dépassent pas deux des trois seuils : bilan 43 M €, chiffre d’affaires 50M €,
est éditée par l’Institut Français des Experts-Comptables
et des Commissaires aux Comptes
139, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris.
Tél. : 01 42 56 49 67 - Fax : 01 42 25 52 61
E-mail : [email protected] - www.ifec.fr
Maquette Richard Girolet
effectif 250.
Cette proposition trouve tout son sens au niveau européen et aurait
le mérite de préserver, un tout petit peu, notre beau modèle français. n
N°2 Septembre 2013
et vous
Entre maîtrise du risque professionnel
et apport de valeur
L
e contexte de crise économique durable met à rude épreuve la pérennité
et de ses clauses est limitée dans le temps et en
des engagements contractuels de nos clients. Nombre d’entre eux sont
montant, que la rédaction des clauses est suffi-
forcés de constater au mieux que leurs contrats ne les protègent pas face aux
samment précise sur les engagements et/ou
exigences du marché, au pire à constater par pertes et profits des obligations
tâches à fournir, que les clauses de pénalités com-
dont ils n’avaient jusque-là pas mesuré la portée.
portent des sanctions proportionnées au préjudice
Et cela concerne toutes les entreprises ! Cette réalité doit interpeller le com-
direct subi et à la capacité de l’entreprise à absor-
missaire aux comptes et l’inciter à adapter son programme de travail en
ber de telles pénalités, que le contrat prévoit ex-
conséquence.
pressément des clauses de révision, de fin ou de
Les PME / TPE sont particulièrement exposées au risque contractuel car elles
renouvellement de contrat et de résiliation anticipée et, enfin, que le contrat
disposent d’un accès généralement plus limité aux expertises juridiques, voire
prévoit les modalités de règlement des litiges et précise la territorialité du
ne mesurent pas le risque. Par exemple, les clauses de sorties, même des
contrat.
contrats les plus anodins tels que les locations de photocopieurs, réservent
La réalisation de ces travaux doit être réalisée par un collaborateur expérimenté
parfois de douloureuses surprises. Le commissaire aux comptes devra conduire
sous la supervision, voire conjointement, avec le signataire des comptes an-
une revue détaillée des contrats car certaines entreprises jouent leur survie,
nuels.
et le commissaire aux comptes sa crédibilité notamment dans son appréciation
Et si une bonne appréhension des risques inhérents permet au praticien de
du risque de continuité d’exploitation.
réduire son risque professionnel et de focaliser les travaux de ses équipes,
Certaines clauses sont à analyser en priorité. Il convient d’identifier les clauses
elle est aussi une formidable occasion d’engager un dialogue à forte valeur
qui génèrent l’essentiel des différends commerciaux, tels que le retard majeur,
ajoutée avec son client ! n
l’infaisabilité, l’interruption brutale, le forfait mal borné, la défaillance du client.
Le commissaire aux comptes vérifiera en priorité que l’application du contrat
Philippe VInCEnT
Président de la commission internationale
COMMUNICATION
Vous avez dit “com” ? Comme c’est bizarre !
ertains d’entre nous s’interrogeront : « pourCquoi
parler de la communication dans l’exercice de notre mission d’audit alors que, dans le cadre
du projet de loi sur le choc de simplification administrative, notre profession risque de perdre des
milliers de mandats ? ».
En premier lieu, il est nécessaire d’avoir confiance
dans la mobilisation de la profession et de nos instances, afin de démontrer l’intérêt général de maintenir le niveau de sécurité de la communication
financière des entités françaises.
Surtout, il est de la responsabilité individuelle de
chacun d’entre nous de démontrer la valeur ajoutée
de notre mission. Pour cela, la communication est
un formidable outil de valorisation de nos travaux, à
condition de garder à l’esprit qu’une communication
efficiente de l’auditeur est une question de savoirfaire et de savoir-être !
Le savoir-faire est la mise en application dans nos
travaux des 21 NEP à notre disposition, qui nous
imposent, selon l’environnement de l’entité auditée,
de communiquer à la direction et aux organes mentionnés à l’article L823-16 du code de commerce.
La présentation des comptes rendus sur l’évaluation
du contrôle interne, l’assistance à l’inventaire et la
synthèse aux dirigeants sont autant de moments
forts de communication dans le cadre de notre mission, qui permettront aux dirigeants de prendre
pleinement connaissance des résultats de notre mission, de matérialiser toute la valeur ajoutée apportée
à la communication financière de l’entité et à sa
sécurisation.
Le second volet d’une communication efficiente est
le savoir-être. En effet, il ne suffit pas de transmettre
une information pertinente, encore faut-il qu’elle soit
présentée oralement, expliquée et comprise.
Pour y parvenir, il est nécessaire de garder à l’esprit
qu’une communication efficace, c’est :
- Etablir un document simple, synthétique et accessible à ses destinataires,
- Faire preuve d’empathie,
- Adopter une attitude ouverte au dialogue.
C’est à ces conditions que nous préserverons le présent de nos missions,
que nous préparons l’avenir et la
pérennisation de la profession.
Il est de notre devoir collectif d’assurer un avenir à
nos jeunes confrères en préservant notre périmètre
de mission et en démontrant aux pouvoirs politiques
que le commissaire aux comptes loin d’être une
contrainte administrative, est un maillon essentiel
dans la chaîne de sécurisation de l’information
financière. n
Philippe GAudRIE
et vous
APPRÉHENDER LE RISQUE CONTRACTUEL
Trouver un premier
mandat ?
Migration sEpa
alerte !
À 5 mois de l’échéance, les commissaires aux comptes doivent
s’assurer dès à présent dans le cadre de leur mission permanente
de l’avancement du passage au SEPA de
leurs clients.
Agir commercialement et
se préparer
en se formant !
C
omme pour la plupart de nos missions,
obtenir un mandat de CAC se fait majoritai-
rement par prescription. Les appels d’offres sont
trop souvent inaccessibles lorsque nos équipes sont
restreintes. En conséquence, il faut cultiver son relationnel avec les clients (nos meilleurs prescripteurs),
L
er
e 1 février 2014, l'ensemble des systèmes
les Confrères, les Avocats…
de paiement passera aux normes euro-
Tisser des liens avec nos Confrères peut se faire rapidement lorsque nous
péennes SEPA. Les virements et prélèvements
avons les compétences pointues sur certains domaines. Ainsi, les Jeunes
nationaux ne pourront plus être émis.
Professionnels peuvent intervenir en tant que spécialistes et en soutien grâce à
Moins de 5 mois nous séparent de la date butoir
la souplesse de leur planning. Maîtriser les IFRS, les méthodes d’évaluation, un
et il s’avère, à ce jour, que de nombreuses entre-
secteur d’activité (ex : immobilier), une organisation (ex : audit informatique),
prises françaises n’ont pas encore pris conscience
être disponible rapidement, sont autant d‘atouts à faire valoir. De là, proviendra
des enjeux de cette migration.
cette affinité, cette reconnaissance par le Confrère d’où une possible prescription
Or l’ensemble des systèmes d’information de l’entreprise va être impacté : virement
découlera.
des salaires, règlement des cotisations sociales et des fournisseurs, prélèvements
Fréquenter les réunions professionnelles permet de faire connaître ses compé-
clients.
tences. Savoir et faire savoir, toujours communiquer. Un mail, un coup de télé-
Même si l’entreprise sous-traite l’ensemble des opérations, il existe des délais
phone suffisent parfois à déclencher ces missions. Profitez des nombreuses
incompressibles de plusieurs mois pour l’obtention et la mise en place des
rencontres IFEC où des formations pour échanger des cartes de visite : on ne
éléments permettant le passage au SEPA et la mise en œuvre des modifications
sait jamais ! N’hésitez pas non plus à vous rapprocher du CJEC pour trouver
informatiques et des tests techniques.
des contacts et connaître les tarifs pratiqués actuellement ! Dans les Compagnies,
Le manque d’anticipation et de préparation risque de conduire les entreprises
participer aux commissions jeunes ou formations pourront également vous
vers des difficultés à la fois de fonctionnement et financières dans le cas de
mettre le pied à l’étrier.
blocage de leurs paiements.
Lorsque le premier mandat se profile, il faut réagir rapidement et se rapprocher
Compte tenu des enjeux et pour faire suite aux recommandations de la CnCC
de sa Compagnie afin de vérifier son inscription, les formations (internet…).
(Communiqué du 23 juillet 2013), nous vous préconisons de vous enquérir
Suivant le code de commerce, il faut suivre alors 40 heures de formation
dés à présent auprès de vos clients de l’avancement de leur passage au
réparties en deux volets : d’une part, 20 h obligatoires mises en œuvre par la
SEPA en leur demandant de vous communiquer leur planning de migration
Compagnie nationale sous la forme d’e-learning et 20 h de formations homolo-
et les modifications envisagées de leurs procédures internes et vous assurer
guées par le comité scientifique et portant sur les domaines suivants : la déon-
qu’ils seront prêts pour cette échéance.
tologie, les NEP, les bonnes pratiques professionnelles identifiées et la doctrine
D’autant que la nEP 570 conduit le commissaire aux comptes à s’interroger sur
professionnelle, les techniques d'audit et d'évaluation du contrôle interne, le
les difficultés opérationnelles dans le cas d’un changement de technologie ou
cadre juridique de la mission de commissaire aux comptes et les matières
réglementaire. Mieux vaut prévenir… n
comptables, financières, juridiques et fiscales.
Anne-Cécile MARIn
Les compétences des jeunes sont reconnues. Il n’y a pas de fatalité, il n’y
a que des opportunités pour ceux qui persisteront dans ce métier, créateur
de confiance ! n
et vous
Florent BuRTIn
Président de la section IFEC Paris île-de-France
Utile, vous avez dit utile ?
L
e choc de simplification initié par le gouvernement nous
sur le respect et la confiance qu’ils doivent lui porter, et sur l’indé-
a rappelé combien l’image réductrice et négative de
pendance “absolue” et la compétence dont il doit faire montre. Il est
“charge administrative” colle encore à la mission du CAC dans
ainsi le seul auditeur légal, à pouvoir intervenir en amont des décisions
la TPE/PME et reste largement répandue dans l’esprit du public,
des dirigeants. Il est le seul à pouvoir s’inscrire pleinement dans le
alors qu’elle n’est partagée ni par les syndicats patronaux, ni
domaine de la prévention au sens le plus large.
par la chancellerie.
Il protège assurément le dirigeant-actionnaire qui n’aspire pas à se
La bataille du sens et de l’utilité du CAC dans la TPE/PME doit
complaire dans la délinquance financière et garantit une meilleure
donc se poursuivre et s’amplifier.
consistance de l’activité économique de l’entreprise en qualifiant
D’abord une métaphore empruntée au rugby de la vie des affaires,
l’information financière à sa source, et ce faisant à un coût réduit.
en pro D2 ou en fédérale terrain des TPE/PME. Les entreprises sont
Quand on sait que les TPE/PME sont les entreprises qui ont le plus de
les joueurs et le CAC l’arbitre. Il serait insensé de vouloir supprimer
difficultés à disposer de moyens satisfaisants pour s’assurer de la
l’arbitre pour relancer la croissance. Ce sont les règles du jeu qu’il
pleine adéquation de leurs actions avec leur cadre légal et règle-
faut adapter. Pour préserver l’esprit sportif, garantir une saine concur-
mentaire, on peut aisément en déduire que les missions du CAC
rence respectueuse des règles, éviter la casse, il faut au contraire
trouvent une utilité d’autant plus grande que la structure dans
donner plus de place à l’arbitre.
laquelle il intervient est de taille réduite.
L’utilité du CAC se fonde évidemment sur sa mission légale qui peut
Enfin, l’intervention du CAC dans les TPE/PME renforce la consistance
l’amener à “sanctionner” : émettre observations, réserves ou refus
du tissu économique de proximité. Ses travaux de veille et de pré-
de certifier, informer des difficultés ou irrégularités relevées, révé-
vention renforcent la sécurité de l’emploi local. Or, l’emploi reste et
ler…. Ces aspects particuliers, constituent le socle de l’image du
restera une priorité, la première pour l’économie des régions et des
CAC au service de l’intérêt général et de la collectivité. Mais ils ne
territoires. La construction actuelle des seuils imposant l’intervention
sont pas très porteurs auprès du dirigeant-actionnaire de la TPE/PME,
d’un CAC dans la TPE/PME devrait privilégier davantage les effectifs
même si les statistiques montrent que la “sanction” reste l’exception,
des entreprises concernées. En France, un seuil de 20 salariés devrait
ce qui tend à démontrer que le CAC est bien utile. Mais son utilité ne
apparaître plus approprié à la nature et à l’organisation du tissu
peut pas s’analyser selon les mêmes critères que ceux qui régissent
économique de proximité de la plupart des régions.
un prestataire de services lambda ou un magistrat enquêteur. Le
Si la culture n’est pas une marchandise, l’audit légal à la française
cadre légal précis de son intervention et son indépendance portée par
n’est assurément pas une charge administrative, ni une “taxe”.
le triptyque : loi / code de déontologie / contrôle de qualité indépendant,
Sachons résister au chant des sirènes de la pensée unique. Mais
l’amènent inexorablement à devoir concilier à tout prix intérêt de son
sachons avant tout faire prendre conscience de notre utilité au
mandant et intérêt général, alors qu’il reste honoré par son “client”.
grand public. n
denis LESPRIT
Vice-Président de la CnCC
C’est sa force, car le CAC reste un professionnel libéral. Il s’oblige
donc à construire une relation privilégiée avec ses mandants, fondée
GROUPE DE TRAVAIL
“Universitaires et Recherches”
ionel Escaffre, Président de la commission Formation de l’IFEC, com-
Lmissaire aux comptes à Paris et Professeur des Universités a été nommé
bCréer une publication annuelle offrant la possibilité aux
par le bureau national de la CNCC Président du Groupe de travail “Universitaires
vue sur un thème choisi par numéro ;
confrères et aux chercheurs de confronter leurs points de
et Recherches”. Ce groupe, composé d’enseignants chercheurs et de praticiens
bÉtablir un lien régulier avec l’IFAC Education pour
de l’audit, s’est fixé plusieurs objectifs dont :
promouvoir la Recherche francophone en audit au sein des
bOrganiser une journée annuelle de recherches sur le commissariat aux
instances internationales. n
comptes en liaison avec le Département DMF ;
bRépondre aux besoins du bureau national pour défendre scientifiquement
une position normative, juridique ou politique ;
Lionel ESCAFFRE
Président du Groupe de travail de la CnCC
“universitaires et Recherches”