LE SCHWANNOME DU PETIT ÉPIPLOON : UNE OBSERVATION RARE A. BOUGTAB, H. HACHI, M.KASSMAOUI, Ch. BAROUDI, F. TIJANI, A. OTTMANY, L. LAÂLOU, A. JALIL, S. BENJELLOUNE, A. SOUADKA RESUME Les sch wannomes sont des tumeurs neurog é n i q u e s issues de la gaine du Schwann. La localisation digestive est ra re. Le cas que nous rap p o rtons concerne un schwannome du petit épiploon chez une patiente âgée de 42 ans. Le traitement chirurgical a consisté en une exérèse tumorale élargie à l’antre gastrique en monobloc. L’étude de la pièce a conclu à un schwannome bénin confirmé par les données immuno-histochimiques. Après un recul de 12 mois, la patiente est toujours vivante indemne de toute récidive ou métastases. Les schwannomes sont des tumeurs neurogéniques issues de la gaine de Schwann. Si la localisation digestive est rare, la localisation épiploïque reste exceptionnelle. Dans le présent article, nous rapportons le cas d’un schwannome bénin développé au dépens du petit épiploon. OBSERVATION Mme H.G âgée de 42 ans, sans antécédents pathologiques particuliers. 4 mois auparavant, la patiente a présenté des douleurs de l’hypochondre droit associées à des vomissements alimentaires. Cette symptomatologie s’est exacerbée au fil du temps. A l’admission, la patiente est dans un état général bien conservé. La palpation abdominale a révélé une volumineuse masse occupant l’épigastre, le flanc droit et mesurant 18 cm dans son grand diamètre. Cette masse est difficilement mobilisable, de consistance ferme, à surface lisse. L’examen somatique est sans anomalie, en particulier il n’y a pas de lésions dermatologiques pouvant rentrer dans le cadre de la maladie de Von RECKLINGHAUSEN (VR). L’échographie avait objectivé une masse de 18 cm semblant être aux dépens du lobe gauche du foie, à paroi épaissie et nécrosée au centre. La tomodensitométri e apporte les mêmes données que l’échographie : tumeur dépendant du lobe gauche du foie à centre nécrosé avec des adénopathies cœlio-mésentériques satellites. Biologiquement, le bilan hépatique de même que la crase sont normaux. Les marqueurs tumoraux en l’occurrence (a FP et ACE sont à des valeurs normales. La patiente n’avait pas de contre indications à la ch i ru rgi e. La voie d’ab o rd empruntée est une médiane se prolongeant en sous costal droit. L’exploration per opératoire à retrouvé une tumeur développée au dépens du petit épiploon mesurant environ 20 cm, très vascularisée. Contrairement aux données de l’imagerie, le foie est strictement normal. La petite courbure gastrique est intimement adhérente à la tumeur. La radicalité du geste chirurgical a nécessité une gastrectomie polaire inférieure en monobloc avec un rétablissement de la continuité digestive selon le procédé de Péan. Les suites opératoires étaient simples. L’étude histo-pathologique de la pièce a révélé un schwannome bénin du petit épiploon. La paroi de la petite courbure gastrique est indemne. Les adénopathies loco-régionales enlevées sont réactionnelles et indemnes de tout envahissement tumoral. L’ é t u d e immuno-histochimique confirme le diagnostic du schwannome étant donnée l’immuno-réactivité positive à la PS 100. La négativité de l’antiactine a éliminé une origine musculaire. Après un recul de 12 mois, la patiente est toujours vivante indemne de toute récidive ou métastases. DISCUSSION Les schwannomes sont des tumeurs neurogéniques développées aux dépens des cellules de Schwann. Elles représentent environ 10,8 % des tumeurs bénignes du tube digestif. Au cours de la maladie de Van Recklingausen (VR) c’est le grêle qui est le plus souvent intéressé suivi de l’estomac. L’analyse des données de la littérature révèle une augmentation relative de la fréquence par rapport aux autres tumeurs bénignes du tube digestif. Un grand nombre de tumeurs restent muettes et toutes les observations ne sont pas certes publiées. L’éventail d’âge est très étendu (10 à 80 ans) (6). Les schwannomes digestifs ne se révèlent généralement qu’à un âge avancé et la tranche d’âge la plus concernée se situe entre 40 et 60 ans. En outre, les formes isolées se manifestent à un âge plus avancé que celui des formes associées à la maladie de VR (2). La majorité des auteurs s ’ a c c o rdent sur la répartition égale entre les 2 sexes, il semble néanmoins que les schwannomes bénins affectent Service de Chirurgie Carcinologique - Institut National d’oncologie Sidi Mohamed Ben Abdellah - Rabat- Maroc Médecine du Maghreb 2000 n°80 A. BOUGTAB, H. HACHI, M.KASSMAOUI, Ch. BAROUDI, F. TIJANI, A. OTTMANY, 28 préférentiellement la femme (notre cas). La maladie de VR est le facteur étiologique le plus important des schwannomes. C’est une phacomatose, une entité hérédo-familiale caractérisée par la présence de malformations tumorales à type de tâches nævipigmentaires dans les organes ectodermiques en premier lieu la peau et le système nerveux. Bien que la maladie de VR soit considérée comme un désordre autosomique dominant environ 50 % des cas sont considérés comme de nouvelles mutations. D’autres auteurs soulignent le rôle des facteurs traumatiques (opératoires ou autres) dans la genèse des schwannomes (3). Le traumatisme opératoire entraînerait « un coup de fouet» dans les schwannomes associés à la maladie de VR et favoriserait la dégénérescence. Les manifestations cliniques sont étroitement en rapport avec le siège, le volume. Les signes cliniques manquent certes de spécificité, mais les plus habituels sont les douleurs abdominales, les troubles de transit, les saignements hématé-mèses et moelena et enfin des complications chirurgicales peuvent inaugurer la scène clinique à type d’occlusion ou de péritonite par rupture de la tumeur dans la cavité péritonéale. Dans les schwannomes péritonéaux, le diagnostic morphologique est basé sur l’échographie ou mieux sur la tomodensitométrie qui détermine le siège, étudie la densité de la tumeur et recherche les localisations secondaires en particulier hépatiques. L’aspect tomodensitométrique le plus classique est celui d’une tumeur hyper-vascularisée avec des plages hypodenses traduisant des zones de nécrose ou des zones de dégénérescence kystique. Dans le cas de notre patiente le scanner a rattaché la tumeur au foie c’est dire l’intérêt primordial de l ’ ex p l o ration ch i ru rgicale. Macroscopiquement c’est une tumeur pleine, encapsulée, de coloration blanchâtre ou rouge veineux violacée, de surface régulière mais fréquemment polylobée. La taille de ces tumeurs est variable allant du petit nodule à des tumeurs volumineuses. La tranche de section apparaît blanchâtre, nacrée, dense, homogène. Le développement excessif de la tumeur est à l’origine d’une nécrose hémorragique dont peut résulter un aspect multiloculaire et pseudo-kystique. De même les schwannomes volumineux, par leurs remaniements secondaires finissent par perdre leurs capsules et adhérent aux organes de voisinage. De point de vue microscopique, le schwannome est fait de cellules allongées ou rubanées à cytoplasme acidophile qui paraît finement fibrillaire aux forts grossissements. Les noyaux s’agen- cent parallèlement les uns aux autres en prenant une disposition palissadique caractéristique. Les mitoses peuvent occasionnellement s’observer dans les schwannomes bénins. Elles ne sont pas inquiétantes si la tumeur présente les autres caractéristiques du schwannome bénin. La différenciation entre le caractère bénin et malin reste toujours difficile et parfois seule l’évolution permet de trancher. Dans le cas où les techniques histologiques de routine n’ont pas permis un diagnostic de certitude l’immuno-histochimie aide considérablement au diagnostic : l’immuno-réactivité fo rt e m e n t positive à la PS 100 est compatible avec un schwannome, les autres marqueurs sont : le marqueur des lymphocytes naturel k i l l e r, la protéine neuro filament, la neurone spécifi q u e enolase, la vimentine et la desmine. La dégénérescence maligne est toujours à craindre, son incidence est diversement évaluée, en raison du faible nombre de cas rapportés dans la littérature on l’estime à 12-18 % (1). Les atypies cellulaires ne traduisent que de simples dystrophies en rapport avec les troubles métaboliques. Une grande taille de la tumeur reste un élément de mauvais pronostic sans avoir une signification absolue de malignité. Certains éléments suggèrent la malignité : les calcifications, l’hémorragie, l’hyper-cellularité, l’activité mitotique élevée de l’aspect épithelioïde (7). Parfois le diagnostic de malignité n’est établi que sur l’existence de métastases. Le traitement ch i ru rgical reste le moye n thérapeutique le plus efficace, il vise à éradiquer la tumeur et à éviter les récidives. Les modalités de l’acte opératoire ainsi que l’étendue de l’exérèse dépendent du siège de la tumeur, de son volume et de l’existence éventuelle de métastases. Plus l’acte chirurgical est radical, meilleur est le pronostic. Concernant le curage ganglionnaire, les auteurs préconisent un curage lorsque la biopsie ganglionnaire en extemporanée s’avère positive. La présence de métastases hépatiques ne contre-indique pas la chirurgie (4) et enfin la reprise chirurgicale est indiquée pour les récidives si les conditions techniques le permettent. Les facteurs de mauvais pronostic sont : l’âge extrême, les schwannomes entrant dans le cadre de la maladie de VR et la grande taille de la tumeur. Quant au pronostic histologique des schwannome, il est évalué par le même grade histo-pronostique que celui des sarcomes mous. Il tient compte de 3 facteurs : le degré de différenciation, l’importance de remaniements nécrotiques et l’importance de l’activité mitotique. BIBLIOGRAPHIE 1 - BEAUBOEUF MB Schwannomes et schwannosarcomes duodénaux. Mémoire pour titre d’assistant étranger. Paris 1978 2 - CHEVRELET ET CHEVREL J.P Les cancers digestifs. Paris 1970, 224-225. 3 - GRIMOND M Les tumeurs bénignes gastro-duodénales. Lyon chir 1970 ; 161-163. 4 - NILSON B. JONHSON Malignant neurinoms of the duodenum. Report of case and review of the literature. Acta chir. Scand. 1957, 357-367. Médecine du Maghreb 2000 n°80 5 - RIN GNAULT Schwannosarcome duodénal avec métastases hépatiques traités par duodénopancréatectomie céphalique. Chirurgie 1975, 101 ; 316-320. 6 - SAITOH NASU KAMIYAMAR Solitary neurofibroma of oesophagus. Acta pathologic JPN ; 1985, 35(2), 527-537. 7 - VALLOT T. Tumeurs bénignes de l’estomac. EMC. Estomac Intestin 85 (6) ; 9036. EVALUATION DES EFFETS… 3 Médecine du Maghreb 2000 n°80
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