3 - ResearchGate

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 438—441
CORRÉLATION ANATOMORADIOLOGIQUE / Digestif
Tumeur myofibroblastique inflammatoire
abdominale夽
S. Aptel a,∗, A. Gervaise a,b, A. Fairise a, P. Henrot c,
A. Leroux d, F. Guillemin e, V. Laurent a, D. Régent a
a
Service de radiologie adultes, CHU Nancy-Brabois, rue du Morvan, 54511
Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France
b
Service d’imagerie médicale, hôpital d’Instruction des Armées Legouest, 27, avenue de
Pantières, 57070 Metz, France
c
Service de radiodiagnostic, centre régional de lutte contre le cancer de Lorraine
Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
d
Service d’anatomie pathologique, centre regional de lutte contre le cancer de Lorraine
Alexis Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
e
Département de chirurgie, centre regional de lutte contre le cancer de Lorraine Alexis
Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
MOTS CLÉS
Néoplasies
abdominales ;
Pseudotumeur
inflammatoire ;
Scanner ;
Immunohistochimie ;
Tumeurs des tissus
mous
Les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires (IMT) font partie des pseudotumeurs
inflammatoires. Il s’agit de lésions rares, caractérisées en histologie par une prolifération
fibroblastique associée à des cellules inflammatoires réactionnelles, mimant un processus
malin. Décrites par Brunn pour la première fois en 1939 dans le poumon, un de ses sièges
de prédilection, elles peuvent atteindre tous les organes.
Observation
Une patiente de 20 ans consulte pour altération de l’état général, sueurs nocturnes et
dyspnée d’effort. L’examen clinique retrouve une masse hypogastrique. Le bilan biologique
révèle une anémie ferriprive. Le scanner abdomino-pelvien (Fig. 1) montre une lésion
pelvienne, bien limitée, arrondie, spontanément hypodense par rapport aux muscles. On
note une prise de contraste périphérique intense, en raison d’un contingent tissulaire très
vascularisé. La zone centrale reste hypodense au temps veineux (120 s) en faveur d’une
zone fibreuse ou de nécrose. Il n’existe pas d’adénopathies locorégionales. Devant une
lésion unique de grande taille, bien limitée, sans adénopathie ni organomégalie, chez
DOI de l’article original : 10.1016/j.diii.2012.02.002.
Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc
¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans
Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Aptel).
夽
2211-5706/$ — see front matter © 2012 Éditions franc
¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jradio.2011.11.007
Tumeur myofibroblastique inflammatoire abdominale
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Figure 1. Scanner abdomino-pelvien coupe axiale en contraste spontané : a : lésion pelvienne arrondie bien limitée, spontanément hypodense par rapport aux muscles, accompagnée d’un épanchement péritonéal de faible abondance. Scanner abdomino-pelvien coupe axiale
après injection de produit de contraste au temps veineux (120 s) ; b : il existe une prise de contraste périphérique avec une zone centrale
hypodense.
une patiente jeune, on évoque une lésion tumorale bénigne.
L’exérèse chirurgicale complète confirme la présence d’une
lésion se développant aux dépens du grand épiploon, mesurant 7 cm, avec en surface de nombreux vaisseaux congestifs
et une zone centrale fibro-nécrotique (Fig. 2). L’examen
histologique retrouve des cellules fusiformes myofibroblastiques associées à des infiltrats de cellules inflammatoires
(Fig. 3). Le marquage immunohistochimique ALK est positif.
Le diagnostic d’IMT est donc porté.
Discussion
Les IMT sont des lésions bénignes rares, à développement
ubiquitaire, et d’étiologie inconnue [1]. Ces lésions ont
été rapportées sous différentes appellations : pseudotumeur
inflammatoire, granulome plasmocytaire, fibroxanthome,
pseudolymphome, histiocytome, pseudotumeur xanthomateuse, tumeur fibromyxoïde pseudosarcomateuse, et même
fibrosarcome inflammatoire [1,2]. Actuellement, le terme
qui prévaut dans la littérature est tumeur myofibroblastique
inflammatoire.
Parmi ces lésions, on distingue deux entités [3] :
• les IMT peuvent survenir à tout âge, mais sont observées principalement chez les enfants et adultes jeunes,
avec une discrète prédominance féminine. L’expression
clinique des IMT abdominales est aspécifique : altération de l’état général, fièvre, perte de poids, malaise,
et troubles gastro-intestinaux. Une masse peut être palpée. La biologie trouve parfois une anémie ferriprive,
une thrombocytose, ou une hyper-gammaglobulinémie
polyclonale. Leurs caractéristiques communes immunohistologiques sont l’expression du gène ALK retrouvée
dans 50 % des cas ;
• les autres pseudotumeurs inflammatoires sont mal
définies. Il s’agit de proliférations fibroblastiques ou myofibroblastiques réactionnelles d’origine infectieuse ou
inflammatoire, et d’authentiques tumeurs bénignes ou de
faible grade de malignité. Plusieurs éléments cliniques et
histologiques doivent orienter vers ces diagnostics différentiels : un patient âgé, une atteinte cutanée ou sous
cutanée, ganglionnaire, splénique ou vésicale, un infiltrat de cellules lymphocytaires prédominant, des atypies
nucléaires modérées ou sévères, des mitoses atypiques,
de la nécrose.
L’aspect macroscopique d’une IMT est une masse, volontiers unique, polylobée, non encapsulée, ferme à surface
jaune ou brunâtre, détruisant le tissu qu’elle envahit, de
croissance lente. Elle peut comporter des remaniements
nécrotico-hémorragiques ainsi que des calcifications. La
taille est de 1 à 20 cm avec une moyenne de 7 cm [3].
Figure 2. Cas no 2. Aspect macroscopique après exérèse chirurgicale : a : la lésion se développe aux dépens du grand épiploon et comporte
de nombreux vaisseaux congestifs en surface. Après coupe b : la lésion est polymorphe avec une zone centrale fibro-nécrotique (étoile).
440
S. Aptel et al.
Figure 3. Cas no 2 : a : l’étude histologique montre la présence de cellules fusiformes myofibroblastiques associées à de cellules inflammatoires lymphocytaires et plasmocytaires (HES, × 40); b : expression immunohistochimique avec l’anticorps anti-ALK (précipité brun)
(b).
En microscopie il existe une composante de cellules fusiformes peu atypiques de type myofibroblastique [4], plus ou
moins fasciculée, dans un stroma hyalin, associée à de nombreuses cellules inflammatoires lympho-plasmocytaires. Il
existe peu d’activité mitotique. L’expression du gène ALK,
bien que non spécifique aux PTI, est observée dans environ
50 %. Le gène ALK (anaplastic lymphoma kinase), présent en 2p23, est impliqué dans la pathogénèse de cette
lésion. La présence de réarrangements clonaux de ce
gène dans les IMT de l’enfant et le jeune adulte est en
faveur d’une lésion de nature tumorale plutôt que réactionnelle.
Les localisations abdominales sont très variées : foie,
rate, pancréas, surrénales, espace rétropéritonéal, diaphragme, mésentère, tube digestif, etc. Les formes
mésentériques et omentales sont les plus fréquentes. Les
localisations abdominales ont une évolution plus péjorative
que les localisations extra-abdominales, avec 23 à 37 % de
récidives [5].
La sémiologie radiologique est mal définie en raison du
polymorphisme des IMT : seules de petites séries de cas sont
rapportées et les acquisitions multiphasiques permettant
une étude plus complète de la cinétique de rehaussement
sont rarement réalisées chez ces patients jeunes pour des
raisons évidentes de radioprotection. On trouve généralement une lésion unique de grande taille, exerc
¸ant un
effet de masse sur les organes de voisinage. Ses marges
sont plus ou moins bien limitées. Le scanner met volontiers en évidence une lésion hypodense ou isodense par
rapport aux muscles, homogène ou hétérogène. Les calcifications et les adénomégalies sont rares. La prise de
contraste est variable [6] : prise de contraste absente, précoce ou tardive ; homogène ou non : prise de contraste
périphérique avec aspect de nécrose ou fibrose centrale. On
retrouve les mêmes éléments sémiologiques en IRM. Cela
peut être expliqué par la composition tissulaire variable
des IMT, comportant un contingent fibreux, correspondant
à du tissu cicatriciel. Le délai de prise de contraste dépend
de son contingent vasculaire : prise de contraste précoce
en cas de fibrose jeune, inflammatoire cellulaire et œdémateuse ; une prise de contraste tardive si la fibrose est
mature, collagène. Il est donc en théorie souhaitable de
réaliser des acquisitions tardives, pour mettre en évidence
une prise de contraste tardive, même discrète. Compte tenu
des problèmes liés à l’irradiation chez des sujets jeunes,
il faut préférer exploration multiphasique non irradiante
telle que l’IRM. L’IMT reste un diagnostic d’élimination.
Parmi les diagnostics différentiels, on distingue les lésions
non tumorales, telles que les abcès ou les granulomes
tuberculeux, et les lésions tumorales bénignes ou malignes.
La tumeur desmoplastique à petites cellules rondes est
une tumeur maligne du sujet jeune, de mauvais pronostic, se caractérisant par une masse péritonéale unique
ou multiple localisée au sein de l’epiploon ou du mésentère. On doit également éliminer un lymphome ou une
GIST.
Le diagnostic définitif est histologique et le traitement
est chirurgical. Les récidives locorégionales sont possibles,
les métastases sont rares.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet aticle.
Références
[1] Levy AD, Rimola J, Mehrotra AK, Sobin LH. From the archives
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the mesentery: radiologic-pathologic correlation. Radiographics
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[2] Kovach SJ, Fischer AC, Katzman PJ, Salloum RM, Ettinghausen
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[3] Gleason BC, Hornick JL. Inflammatory myofibroblastic tumours:
where are we now? J Clin Pathol 2008;61(4):428—37.
Tumeur myofibroblastique inflammatoire abdominale
[4] Coffin cm, Patel A, Perkins S, Elenitoba-Johnson KS, Perlman E,
Griffin CA. ALK1 and p80 expression and chromosomal rearrangements involving 2p23 in inflammatory myofibroblastic tumor.
Mod Pathol 2001;14(6):569—76.
[5] Coffin cm, Watterson J, Priest JR, Dehner LP. Extrapulmonary inflammatory myofibroblastic tumor (inflammatory
441
pseudotumor). A clinicopathologic and immunohistochemical
study of 84 cases. Am J Surg Pathol 1995;19(8):859—72.
[6] Levy AD, Shaw JC, Sobin LH. Secondary tumors and
tumorlike lesions of the peritoneal cavity: imaging features with pathologic correlation. Radiographics 2009;29(2):
347—73.