HbA1c et risque coronarien dans le diabète de type 2

HbA1c et risque coronarien dans le diabète de type 2
par Ariane Sultan
février 2014
Zhao W, Katzmarzyk P, Horswell R, Wang Y, Johnson J, Hu G. HbA1c and Coronary Heart Disease
risk Among Diabetic Patients. Diabetes Care 2014;37:428–435. doi: 10.2337/dc13-1525
Si les études épidémiologiques ont mis en évidence un lien entre amélioration
de l’équilibre glycémique et réduction du risque cardio-vasculaire [1,2], cette
association reste plus discutée dans les études randomisées. Ainsi, l’UKPDS ne
retrouvait pas de réduction significative du risque cardiovasculaire dans le groupe
« traitement intensif » mais la population concernée était à faible risque
cardiovasculaire [3] ; en revanche, le suivi observationnel à 10 ans post-UKPDS est
en faveur d’un bénéfice cardiovasculaire chez les patients initialement randomisés
dans le groupe ayant bénéficié d’une prise en charge glycémique intensive, et ce
malgré des valeurs d’HbA1c similaires pendant le suivi [4]. Les études ACCORD,
ADVANCE et VADT n’ont cependant pas réussi à démontrer le bénéfice de la prise
en charge intensive de la glycémie sur le risque cardiovasculaire, chez des patients
aux caractéristiques très différentes de ceux de l’UKPDS [5,6,7]. Par conséquent, les
conclusions de ces études randomisées n’ont pas permis d’émettre des
recommandations solides en terme de pratique clinique. Ainsi, l’AHA, l’ACC et l’ADA
ont publié des recommandations prudentes (recommandations de classe IIb, niveau
de preuve A) en ce qui concerne le potentiel bénéfice cardiovasculaire lié à
l’amélioration de l’équilibre glycémique [8]. Il faut noter que la plupart des études
épidémiologiques n’ont utilisé qu’une mesure de l’HbA1c pour prédire le risque
d’événement coronarien. Enfin, très peu d’études ont analysé cette relation en
fonction de l’origine ethnique des sujets.
L’objectif de l’étude de Zhao et al. est donc de déterminer la relation entre taux
d’HbA1c (initiale et mesurée pendant le suivi) et risque d’événements coronariens
chez des patients diabétiques, et d’analyser cette relation en fonction de l’origine
ethnique des patients. Ces patients ont été inclus dans les hôpitaux publics de
Louisiane, qui prennent en charge plus d’un million de patients, majoritairement à
faibles revenus.
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Un registre des patients diabétiques suivis a été réalisé, ce qui a permis
d’inclure 30 102 patients diabétiques (12 592 sujets caucasiens et 17 510 sujets afroaméricains) sans antécédents cardiovasculaires, et chez lesquels l’évaluation des
facteurs de risque cardiovasculaire était complète.
Les patients caucasiens, majoritairement des femmes (63%), avaient un âge
moyen à l’inclusion de 52,4 ans, une HbA1c initiale de 7,4%. Les patients afroaméricains, majoritairement des femmes (65%), avaient un âge moyen à l’inclusion
de 50,4 ans, une HbA1c initiale de 8,1%. La répartition des traitements antidiabétiques, hypolipémiants et anti-hypertenseurs était comparable entre ces
groupes.
Le nombre moyen de mesures d’HbA1c pendant le suivi a été de 7,7. Le suivi
a été effectué jusqu’à la survenue d’un événement cardiovasculaire, ou du décès, ou
jusqu’à la fin de l’étude (mai 2012). L’association entre HbA1c et risque d’événement
coronarien a été analysée selon le modèle de Cox. L’HbA1c a été analysée de deux
façons : comme une variable catégorielle et comme une variable continue.
Pendant un suivi moyen de 6 ans, 7 258 patients (3 580 patients caucasiens
et 3 678 patients afro-américains) ont présenté un événement coronarien. Un risque
significativement accru d’événement coronarien était associé aux valeurs d’HbA1c
initiale les plus élevées, chez l’ensemble des patients, et ce après ajustement sur
l’âge et le sexe. Cette association restait significative y compris après ajustement sur
les autres facteurs confondants, et ce chez les patients caucasiens comme chez les
afro-américains. Ainsi, en analyse multivariée, les hazard ratio associés au risque
d’événement coronarien en fonction des différentes catégories de taux d’HbA1c
initiale (6% valeur de référence, de 6 à 6,9%, de 7 à 7,9%, de 8 à 8,9%, de 9 à 9,9%,
de 10 à 10,9% et supérieure à 11%) étaient respectivement de 1,00, 1,07, 1,16, 1,15,
1,26, 1,27 et 1,24 (1,10-1,40) (p trend = 0,002) pour les patients afro-américains.
Pour les patients caucasiens, les HR étaient respectivement de 1, 1,04, 1,15, 1,29,
1,41, 1,34, et 1,44 (p trend = 0,001).
Quand l’analyse était effectuée en considérant l’HbA1c comme une variable
continue, une association linéaire était observée. Chaque augmentation de 1% de
l’HbA1c initiale était associée à une augmentation significative de 2% du risque
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d’événements cardiovasculaires chez les patients afro-américains et de 6% chez les
patients caucasiens. Cette association était significativement plus forte chez les
patients caucasiens. Après ajustement sur le sexe, l’âge, le tabagisme et les
revenus, cette relation persistait. Il en était de même après ajustement sur la
présence d’un traitement antidiabétique oral.
En ce qui concerne l’analyse utilisant les dosages d’HbA1c effectués pendant
le suivi, la même association positive était retrouvée. Chaque augmentation de 1%
de l’HbA1c de était associée à une augmentation significative du risque
d’événements cardiovasculaires de 5% chez les patients afro-américains et de 11%
chez les patients caucasiens.
En conclusion, cette étude de cohorte confirme une association positive entre
la taux de l’HbA1c (initiale et valeur moyenne pendant le suivi) et le risque
d’événements coronariens chez des patients américains socio-économiquement
défavorisés, qu’ils soient afro-américains ou caucasiens.
Il faut souligner les forces de cette étude, à savoir taille de la cohorte,
population d’origine ethnique différente, durée importante du suivi ainsi que les
différents temps de mesure de la concentration de l’HbA1c. Ces données
épidémiologiques sont en faveur d’une stratégie de prise en charge glycémique dans
un objectif de réduction du risque cardiovasculaire. Il faut cependant garder à l’esprit
les résultats des études randomisées… Peut-être pourrait-on conclure : prise en
charge glycémique, pas forcément prise en charge intensive.
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Références
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Mots-clés
diabète type 2, HbA1c, risque cardiovasculaire
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