Relation entre taux de peptide C après transplantation de cellules d

Relation entre taux de peptide C après transplantation
de cellules d’îlots et paramètres du contrôle glycémique
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par Danièle Dubois-Laforgue
Janvier 2015
Brooks AM et al. Demonstration of an intrinsic relationship between endogenous C-peptide concentration and
determinants of glycemic control in type 1 diabetes following islet transplantation. Diabetes Care 2015, 38 :
105-112. doi: 10.2337/dc14-1656
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Le but ultime des traitements interventionnels dans le diabète de type 1 (DT1), qu’ils
soient de type immuno-préventif ou de remplacement cellulaire, est de rétablir une insulinosécrétion endogène suffisante pour réguler la glycémie. Un but secondaire est de préserver
une insulino-sécrétion résiduelle (le plus souvent estimée sur la base de la sécrétion de
peptide C en réponse à un repas-test). En effet, l’étude DCCT (Diabetes Control and
Complication Trial) a, entre autres, permis de démontrer que la persistance d’une insulinosécrétion significative (définie par un taux plasmatique de peptide C stimulé > 200 pM) dans
les années suivant le diagnostic de DT1, était associée à une réduction du risque de microangiopathie et d’hypoglycémie sévère [1, 2]. Une analyse plus récente a montré l’existence
d’une relation continue entre taux de peptide C stimulé à l’entrée dans l’étude et les doses
quotidiennes d’insuline, HbA1c ou encore le risque de rétinopathie dans les 7 années
suivantes, avec un effet bénéfique de taux de peptide C résiduels inférieurs au seuil
précédemment établi de 200 pM
[3]. Dans le cadre de la greffe de cellules d’îlots
pancréatiques, il a également été démontré une amélioration de l’équilibre glycémique, même
pour des greffons partiellement fonctionnels ne permettant pas d’atteindre une insulinoindépendance [4]. Le lien direct entre la sécrétion résiduelle d’insuline dans ce contexte et la
qualité du contrôle glycémique quotidien (notamment en termes de variabilité glycémique),
n’a jusqu’à présent pas été étudié.
C’est dans cette optique que l’équipe de Brooks a étudié de manière prospective et
parallèle, chez douze sujets receveurs de greffe d’îlots, les taux de peptide C stimulés et les
paramètres du contrôle glycémique sur la base de profils obtenus par mesure continue de
glucose (CGM). Les critères pour la transplantation étaient un peptide C indétectable et des
antécédents d’hypoglycémies sévères récurrentes. Des données métaboliques (évaluation de
la perception des hypoglycémies selon le questionnaire de Clarke et Gold, poids, dose
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quotidienne d’insuline, HbA1c, mesure de peptide C stimulé par repas test) étaient recueillies
avant la transplantation et à 1, 3, 6 et 12 mois de la transplantation puis tous les 3 à 6 mois
jusqu’à un maximum de 51 mois. Dans la semaine précédant chaque évaluation
métabolique, une mesure continue de la glycémie (CGM) était effectuée pendant 3 à 5 jours,
permettant de déterminer: (i) le temps passé en hypoglycémie (< 3 mM), normoglycémie (3 10 mM) et hyperglycémie (> 10 mM) ; (ii) la variabilité glycémique (SD), estimée par la
déviation standard à la moyenne ; (iii) la qualité du contrôle glycémique, estimée par 3 index:
le LBGI (Low Blood Glucose Index), prédicteur du risque d’hypoglycémie sévère, le HBGI
(High Blood Glucose Index), prédicteur du risque d’hyperglycémie, l’ADRR (Average Daily
Risk Ratio), prédicteur du risque combiné de variabilité glycémique dans les valeurs hautes et
basses de glycémie [5]. Ces trois indices (dont la valeur est obtenue par analyse des
données de CGM selon le programme Easy GV), permettent d’appréhender plus
correctement la variabilité glycémique, car ils réduisent, dans le calcul de la déviation
standard, l’excès de « poids » des excursions hyperglycémiques vs hypoglycémiques. Pour
l’analyse, les sujets étaient classés selon la fonction de leur greffon, définie par le niveau de
peptide C stimulé à chaque évaluation : faible, < 200 pM ; modérée entre 200 et 500 pM ;
bonne, entre 500 et 1000 pM ; excellente, > 1000 pM.
La médiane de suivi était de 18 mois (1 à 51), conduisant à 5 (1 à 14) évaluations
métaboliques par patient, soit un total de 74 durant l’étude. A un mois de la transplantation,
tous les patients présentaient une fonction primaire de leur greffon (peptide C stimulé > 50
pM), mais durant le suivi, un seul est parvenu à un sevrage insulinique total, maintenu dans le
temps. La restitution d’une insulino-sécrétion (peptide C stimulé 483 pM en fin d’étude,
compris entre 56 à 2207 pM) était associée à une récupération de la perception des
hypoglycémies, à une disparition des hypoglycémies sévères,
à une amélioration de
l’équilibre glycémique moyen (HbA1c 7,4 vs 9,7%), et à une diminution des besoins en
insuline (0,42 vs 0,60 U/kg/j). L’analyse des données selon la fonction du greffon (faible, n =
19, modérée, n = 15, bonne, n = 17, excellente, n = 23) montrait une amélioration graduelle
de tous les paramètres métaboliques avec le niveau de sécrétion insulinique. Pour exemple,
chez les sujets ayant une bonne fonction du greffon (500-1000 pM), comparativement à ceux
ayant une faible fonction (< 200 pM), l’HbA1c était de 6,9% (vs 8,7%), le temps passé en
normoglycémie était de 75% (vs 46%), la variabilité glycémique (SD) était réduite de moitié,
les indices de stabilité glycémique ADRR et HBGI étaient améliorés d’un facteur 3. Une
relation continue continue entre valeur de peptide C stimulée et paramètres de l’équilibre
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glycémique était par ailleurs mise en évidence : pour chaque augmentation de 100 pM, la
moyenne glycémique était réduite de 2,5%, la SD de 5%, le temps passé en dehors des
objectifs (3-10 mM) de 13%, l’ADRR de 7% et l’HBGI de 10%. Au-dessus du seuil de 200
pM, le temps passé en hypoglycémie était nul.
Cette étude démontre le lien étroit entre sécrétion insulinique résiduelle et qualité de
l’équilibre métabolique (estimée par l’HbA1c, la dose d’insuline quotidienne et les paramètres
de stabilité glycémique) chez les patients présentant un diabète de type 1, avec un impact
positif même pour des niveaux de sécrétion modestes. Une détérioration rapide de ces
paramètres était en effet notée chez les patients présentant une perte de fonction de leur
greffon, même si un contrôle parfait avait été obtenu précédemment avec un greffon
fonctionnel. Les résultats obtenus confirment ceux d’une étude récente [6] menée chez des
receveurs d’îlots pancréatiques, montrant une corrélation entre HbA1c, dose d’insuline et
variabilité glycémique (estimée par le coefficient de variation de la glycémie à jeun) d’une part,
et fonction du greffon (estimée par clamp hyperglycémique) d’autre part, et pour des niveaux
réduits de masse B fonctionnelle (18% de la normale). Cette étude souligne également que
même des niveaux faibles de peptide C sont suffisants pour réduire de manière substantielle
le risque d’hypoglycémie sévère. Dans l’étude DCCT, il avait été montré que les sujets dits
répondeurs (peptide C > 200 pM) et traités de manière intensive présentaient un risque 3 fois
moindre d’hypoglycémie sévère comparativement aux sujets non répondeurs. Ici,
les
patients ayant des taux de peptide C inférieurs à ce seuil mais détectables avaient une durée
médiane de temps passé en hypoglycémie (< 3 mM) de 0,5% !
En conclusion, cette étude démontre une relation continue entre taux de peptide C et
qualité du contrôle glycémique, et l’existence d’une réduction marquée du risque
d’hypoglycémie sévère pour des niveaux de sécrétion insulinique très modestes. Ces
données permettent de reconsidérer les bénéfices attendus d’un gain même minime de
fonction béta chez les patents soumis à une immuno-intervention ou à une greffe d’îlots
pancréatiques.
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Références
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[1] The Diabetes Control and Complications Trial Research Group. Effect of intensive therapy on residual betacell function in patients with type 1 diabetes in the Diabetes Control and Complications Trial. A randomized,
controlled trial. Ann Intern Med 1998, 128:517–523.
doi : 10.7326/0003-4819-128-7-199804010-00001
[2] Steffes MW et al. Beta-cell function and the development of diabetes-related complications in the Diabetes
Control and Complications Trial. Diabetes Care 2003, 26:832–836.
doi : 10.2337/diacare.26.3.832
[3] Lachin JM et al. DCCT/EDIC Research Group. Impact of C-peptide preservation on metabolic and clinical
outcomes in the Diabetes Control and Complications Trial. Diabetes 2014, 63:739–748.
doi : 10.2337/db13-0881
[4] Gorn L et al. Impact of islet transplantation on glycemic control as evidenced by a continuous glucose
monitoring system. J Diabetes Sci Tech 2008, 2:221–228.
PMID: 19885346
[5] Kovatchev BP et al. Evaluation of a new measure of blood glucose variability in diabetes. Diabetes Care
2006, 29:2433–2438.
doi : 10.2337/dc06-1085
[6] Gillard P et al. Minimal functional b-cell mass in intraportal implants that reduces glycemic variability in type 1
diabetic recipients. Diabetes Care 2013, 36: 3483–3488.
doi : 10.2337/dc13-0128
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Mots-clés
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Insulinosécrétion résiduelle, variabilité glycémique, hypoglycémie sévère, DCCT.
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