Actions de groupes. Exemples et applications.

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Algèbre
158 - ACTIONS
DE GROUPES .
E XEMPLES ET APPLICATIONS .
Prérequis : Notions de base en théorie des groupes, groupes symétrique, algèbre linéaire.
Notations : G un groupe multiplicatif de neutre e et X un ensemble.
I)
Définitions générales et premiers exemples
Déf 1 : Une action de G sur X est une application Φ définissant une loi externe Φ : G × X → X , (g , x) 7→ g · x qui vérifie
les critères ∀(g , g 0 ) ∈ G2 , ∀x ∈ X , g 0 · (g · x) = (g g 0 ) · x et ∀x ∈ X , e · x = x .
Rem 1 : Un autre point de vue consiste à se donner un homomorphisme Ψ : G → S(X), g 7→ ψg avec ψg : x 7→ g · x .
ex 1 : Soit (m, n) ∈ (N∗ )2 et K un corps. On peut considérer l’action du groupe G = GLm (K) × GLn (K) sur X = Mm,n (K)
par (P, Q) · A = PAQ−1 . Cette action décrit l’équivalence des matrices de format (m, n). En effet, deux matrices A et B
sont équivalentes si il existe deux matrices P et Q inversibles et telles que B = PAQ−1 .
©
ª
Déf 2 : Soit G un groupe et X ©un ensemble sur
lequel
G agit. Pour x ∈ X , l’orbite de x , notée G · x , est g · x|g ∈ G et
ª
son stabilisateur, noté Gx , est g ∈ G|g · x = x .
Prop 1 : Étant donné une action de groupe, la relation « appartenir à la même orbite » est une relation d’équivalence
sur X .
©
ª
Déf 3 : Soit G un groupe et X un ensemble sur lequel G agit. Le noyau de l’action est g ∈ G|g · x = x . Une action est
dite fidèle si son noyau est réduit au neutre de G. On dit qu’elle est transitive si elle ne possède qu’une seule orbite.
Rem 2 :
Ï Étant donné une action et l’application Ψ associée, G/ ker Ψ agit fidèlement sur X .
Ï On constate aussi que pour tout x ∈ X , Gx est un sous-groupe de G.
Déf 4 : La relation définie sur X par xR y ⇔ ∃g ∈ G|y = g · x est une relation d’équivalence dont les classes sont
appelées classes d’intransitivité.
ex 2 : L’action du précédent exemple n’est pas transitive. Elle induit une relation d’équivalence sur Mm,n (K). Deux matrices appartiennent à la même classe, donc sont équivalentes, si elles sont les matrices d’un même endomorphisme
φ ∈ L (Kn , Km ) dans des bases différentes. Les classes, donc les orbites forment une partition finie de Mm,n (K) paramétrée par les rangs possibles de 0 à min(m, n).
ex 3 : Sn agit sur J1, n K par l’application : Sn × J1, n K → J1, n K, (σ, x) 7→ σ(x). Le stabilisateur d’un entier de J1, n K est
l’ensemble des permutations dont il est un point fixe, cet ensemble est isomorphe à Sn−1 .
Déf 5 : Un groupe G agit sur lui-même par trois actions classiques :
Ï translation à gauche : g · x = g x
Ï translation à droite : g · x = xg −1
Ï automorphisme intérieur : g · x = g xg −1
Thm 1 : (de Cayley )
G est isomorphe à un sous-groupe de son groupe des permutations.
Preuve : On fait opérer G sur lui-même par translation à gauche. G opère alors simplement et transitivement, c’est à
dire que : ∀(a, b) ∈ G2 , ∃!g ∈ G, g · a = b . C’est ba −1 . G opère donc fidèlement, c’est le cas où a = b : on a g a = a d’où
g = aa −1 = e . L’homomorphisme Ψ : G → S(G) est injectif, d’où le résultat.
■
Rem 3 : La description du groupe par le moyen des automorphismes fournit un moyen de classer ses éléments. On
peut montrer que les éléments de Sn peuvent être ordonnés par ce biais là en fonction de leur structure dans leur
décomposition en produit de cycles disjoints.
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II )
Action d’un groupe fini sur un ensemble fini
Prop 2 : Soit x ∈ X . L’application φ : G/Gx → G · x , g 7→ g · x est bien définie et est une bijection.
Preuve : Soit x ∈ X , on considère la relation R x sur G définie par g R x h ⇔ g · x = h · x . Or ∀(g , h) ∈ G2 , g · x = h · x ⇔
h −1 g · x = x ⇔ h −1 g ∈ Gx ⇔ g ∈ h · Gx . On en déduit que G/Gx = {h · Gx |h ∈ G}.
La surjectivité est immédiate : ∀y ∈ Gx , ∃g ∈ G|y = g · x et donc g ∈ G/Gx convient.
Pour l’injectivité, c’est tout aussi rapide : φ(g 1 ) = φ(g 2 ) ⇔ g 1 · x = g 2 · x ⇔ g 1 R x g 2 ⇔ g 1 = g 2 .
■
Csq : Si G est fini, ∀x ∈ X , |G| = |Gx | × |G · x|.
Thm 2 : (Équation aux classes)
Si G et X sont finis, on note Θ un système complet de représentants de la relation d’équivalence d’intransitivité. Alors
X |G|
|X| =
x∈Θ |Gx |
Preuve : Si G est fini, ∀x ∈ X , |G| = |Gx | × |G · x|, d’où |G · x| =
en déduit le résultat.
|G|
. Puisque les orbites forment une partition de X , on
|Gx |
■
Thm 3 : (Formule de Burnside)
Si G et X sont finis, on note N le nombre des orbites, et Fix(g ) l’ensemble des points fixes de g , i.e. {x ∈ X|g · x = x}.
1 X
| Fix(g )|
Alors N =
|G| g ∈G
©
ª
Preuve : On calcule le cardinal de F = (g , x) ∈ G × X|g · x = x de deux façons différentes.
X X
X
Ï |F| =
Card{(g , x)|g · x = x} =
| Fix(g )|
g ∈G x∈X
g ∈G
N X |G|
N
X
X
X |G|
Ï |F| =
. Si on note O 1 , . . . O N les différentes orbites, on a |F| =
= |G| ×
|Gx | =
x∈X
x∈X |G · x|
i =1 x∈O i |O i |
i =1
|G| × N.
X
"
X
x∈O i
#
1
=
|O i |
■
Application : (Dénombrement de colliers)
On dispose d’un fil circulaire et de 4 perles bleues, 3 perles blanches et de 2 perles oranges. Combien de
colliers peut-on faire avec ce matériel ?
III ) Un exemple : Action de GLn (C) sur Dn (C) par conjugaison
Notation : Soit n ∈ N∗ . On note Dn (C) l’ensemble des matrices diagonalisables dans C.
Prop 3 : Soit Φ : GLn (C) × Dn (C) → Dn (C), (P, A) 7→ PAP −1 . Cette application définit une action du groupe GLn (C) sur
Dn (C).
Déf 6 : On dit que deux matrices sont semblables si elles sont dans la même orbite par l’action de GLn (C). L’orbite
d’une matrice A est appelée sa classe de similitude, on a donc : O (A) = {PAP −1 |P ∈ GLn (C)}
Prop 4 : Deux matrices semblables ont le même polynôme caractéristique.
Preuve
: Soit A ¤∈ Dn (C£) et P ∈ GLn (C). ¤
£
¤
£
det PAP −1 − XIn = det PAP −1 − XPP −1 = det P(A − XIn )P −1 = det P det [A − XIn ] det P −1 = det [A − XIn ]
■
Csq : Deux matrices sont semblables si et seulement si elles ont le même spectre à permutation des racines près et
en comptant leur multiplicité.
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Rem 4 : Ceci induit une définition non conventionnelle de la notion de spectre : pour pouvoir décrire la classe d’un
élément, on doit voir le spectre comme un élément de Cn à permutation des composantes près, c’est à dire de Cn /Sn .
Thm 4 : L’application φ : Dn (C)/GLn (C) → Cn /Sn , O (A) 7→ Spec(A) est bien définie et est bijective.
Preuve : Elle est bien définie car elle ne dépend pas du représentant de l’orbite choisie par définition du spectre.
Soit S = (λ1 , . . . , λn ) ∈ Cn /Sn . Alors il existe une matrice D diagonale de spectre S , Diag(λ1 , . . . , λn ). Soit alors A une
matrice de même spectre que D. Les valeurs propres de A sont alors encore λ1 , . . . , λn , donc A et D sont semblables
et O (A) = O (D).
■
Csq : Puisque la donnée des valeurs propres comptées avec multiplicité et à permutation près est équivalente à la
donnée du polynôme caractéristique, on en déduit que : le polynôme caractéristique est un invariant total de similitude
pour les matrices diagonalisables.
Rem 5 : Le polynôme minimal est un invariant mais pas total : Diag(1, 2, 2) et Diag(1, 1, 2) ont le même polynôme
minimal mais ne sont pas semblables, d’où l’importance de la multiplicité.
Sources :
1. Théorie des groupes, Jean Delcourt, Dunod
2. Les maths en tête Algèbre, Xavier Gourdon, Ellipses
3. Cours d’algèbre, Daniel Perrin, Ellipses
4. Algèbre et géométrie, François Combes, Bréal
5. Histoires hédonistes de groupes et de géométries tome 1, Caldero-Germoni, Calvage & Mounet
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