Bulletin juin 2014

Bulletin
NUMÉRO 104
éditorial
Allons-nous vers l’ère post-antibiotique ?
Philippe Berthelot
Président de la SF2H
L
’organisation mondiale de la santé, dans son rapport
Antimicrobial resistance : Global report on surveillance
2014 paru fin avril, vient de décréter que l’antibiorésistance n’est plus seulement une menace mais une réalité
concernant le monde [1]. Les points marquants de ce
document sont la mise en évidence de taux très élevés
de résistance aux antibiotiques dans de nombreuses parties du monde, l’absence de ces données de surveillance
dans d’autres parties et globalement le manque de partage et de standardisation des méthodologies utilisées.
Ces taux préoccupants concernent aussi bien des infections communautaires (tuberculose, gonococcie…) que
des infections associées aux soins.
La résistance des entérobactéries aux carbapénèmes,
et notamment pour Klebsiella pneumoniae, pose des
problèmes thérapeutiques et est responsable d’une
surmortalité [1,2]. La France reste « relativement » préservée avec 8,2 % de souches invasives d’Escherichia
coli résistant aux céphalosporines de troisième génération (C3 G) mais cette situation est préoccupante notamment en termes d’augmentation de la prescription des
carbapénèmes. Pour 1 654 souches de Klebsiella pneumoniae la résistance aux C3 G était à 25,3 % contre 0
pour la résistance aux carbapénèmes. En revanche, cette
résistance aux carbapénèmes pour K. pneumoniae était
de 26,7 % en Italie et 68,2 % en Grèce. À noter également l’augmentation rapide de cette résistance en Serbie
(11,2 % pour 100 souches invasives) et en Inde (jusqu’à
55 % des souches testées).
Concernant Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), la situation est aussi problématique avec
une augmentation en Afrique, en Amérique du Sud et
du Nord notamment. Aux États-Unis cette résistance de
S. aureus à la méticilline atteint 51,3 % en 2009-2010
(12 327 souches). En France, pour 4 716 souches invasives
recueillies en 2011, cette résistance atteignait 20,1 %.
Au total, cette synthèse publiée par L’OMS ne fait que
renforcer les messages d’alertes sur l’augmentation de
la résistance des bactéries aux antibiotiques. Elle nous
incite à continuer nos efforts pour minimiser la pression de
sélection des antibiotiques et lutter contre la transmission
croisée des microorganismes. Loin de nous décourager,
ces informations doivent nous inciter à être encore plus
particulièrement vigilants quant au repérage des patients
rapatriés et hospitalisés dans l’année à l’étranger de façon
à appliquer les recommandations récentes du Haut Conseil
de la santé publique sur la prévention de la transmission
croisée des bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes [3]. De même, comme rappelé dans
une instruction récente [4], l’application effective des précautions standard d’hygiène doit être une priorité nationale. Mobilisons-nous et mobilisons nos établissements
car l’enjeu est primordial sous peine de ne plus pouvoir
soigner nos patients en cas d’infection bactérienne.
1- http://www.who.int/drugresistance/documents/surveillancereport/en/
2- http://www.cdc.gov/drugresistance/threat-report-2013/pdf/ar-threats-2013-508.pdf
3- http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=372
4- http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/01/cir_37839.pdf
Conseil d’administration : M. Aggoune – L.-S. Aho-Glélé – N. Armand - R. Baron – Ph Berthelot – H. Blanchard – H. Boulestreau
A. Carbonne-Berger – P. Chaize – B. Croze – M. Erb – B. Grandbastien – Ph. Hartemann – B. Jarrige – O. Keita-Perse – C. Léger – D. Lepelletier
J.-C. Lucet – P. Parneix – A. Savey – L. Simon - Ph. Vanhems - J.-R. Zahar - D. Zaro-Gonii
Bureau : Président : Ph. Berthelot – Vice-Présidents : P. Parneix, D. Zaro-Goni
Secrétaires : L.-S. Aho-Glélé, B. Croze (adjointe) – Trésoriers : R. Baron, O. Keita-Perse (adjoint)
Conseil scientifique : L.-S. Aho-Glélé - N. Baghdadi - R. Baron - B. Croze - M. Erb - B. Grandbastien - O. Keita-Perse - D. Lepelletier - J.-C. Lucet - V. Merle A. Savey - Ph. Vanhems - J.-R. Zahar - D. Zaro-goni
HYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
77
Antibiorésistance
La déclaration de Paris
contre la résistance bactérienne
A propos de
Jean Carlet
Pour les membres de la World Alliance
WAAAR
Against Antibiotic Resistance (WAAAR)
avril 2014
[email protected]
L
’augmentation du nombre de bactéries résistantes aux
antibiotiques représente un danger écologique majeur.
Cette augmentation très alarmante, jointe à une absence
presque complète de nouveaux antibiotiques est un des problèmes de santé publique les plus graves de notre temps.
Les antibiotiques sont une classe thérapeutique unique, car
leurs usage et mésusage chez un patient peuvent affecter leur
efficacité chez d’autres patients. Les cibles des antibiotiques
sont les bactéries, organismes vivants qui peuvent évoluer en
acquérant des mécanismes de résistance très rapidement.
Ces bactéries résistantes peuvent alors être transmises facilement à d’autres personnes. Des échecs liés à ces bactéries
multirésistantes, initialement limités au secteur hospitalier
apparaissent maintenant dans la communauté. On estime le
nombre de décès liés à ces bactéries à 25 000 en Europe, et
23 000 aux USA.
Bien que la résistance aux antibiotiques soit une histoire sans
fin, elle est directement liée au volume d’antibiotiques utilisés.
Nous utilisons des quantités croissantes d’antibiotiques chez
l’homme et les animaux, ce qui déverse ces produits dans la
nature. L’impact environnemental de ce phénomène est considérable, entraînant le développement et la dissémination des
gènes d’antibiorésistance.
Nous devons lutter contre ces phénomènes en adoptant
des stratégies proactives comparables à celles utilisées
pour les espèces en voie de disparition, dans une philosophie de développement durable. Préserver l’efficacité
des antibiotiques et stabiliser l’écosystème bactérien doit
être un objectif global absolu.
Adhésion
à la sf2h
http://www.sf2h.net
78
WAAAR est un groupe de 700 personnes,
en provenance de 55 pays différents, et
représentants tous les acteurs (médecins, vétérinaires, microbiologistes, infectiologues, pharmacistes, infirmier[e]s,
biologistes de l’évolution, écologistes,
environmentalistes, usagers du système
de santé). L’alliance est soutenue par 85
sociétés savantes, et 50 groupes professionnels divers.
WAAAR : world alliance against antibiotic resistance
Sauvegarder les antibiotiques nécessitera un effort considérable et concerté des patients et des prescripteurs pour
appeler tous les responsables à assurer un accès facile à des
antibiotiques efficaces. L’objectif de WAAAR est d’attirer l’attention sur l’urgence et la gravité du danger, et de coordonner
un dialogue européen et international pour trouver des solutions efficaces. L’alliance est destinée à lutter pour la préservation des antibiotiques et à maintenir la pression chez les prescripteurs, les hommes et femmes politiques, les décideurs
de santé publique, les économistes, les usagers du système
de santé, l’industrie pharmaceutique, les agences internationales, et l’ensemble de la population. Les actions individuelles,
malgré leur bonne intention, sont vouées à l’échec sans un
dialogue international, un sens commun du danger, et un large
consensus sur les façons de procéder.
Waaar est sur le point de diffuser largement, sous forme
d’un communiqué de presse et de publications dans de nombreuses revues une déclaration solennelle contre la résistance
bactérienne.
Elles sont dorénavant réalisées uniquement par internet. Pour cela, nous vous
communiquons votre mot de passe et votre login afin d’accéder à votre espace
personnel. Si vous souhaitez adhérer à la SF2H pour l’année 2014, merci de cliquer sur le lien suivant « adhésion », à partir du site de la SF2H (http://www.sf2h.
net) et ainsi régler votre cotisation 2014.
N’hésitez pas à nous signaler toute éventuelle difficulté
en écrivant directement à : [email protected].
HYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
Antibiorésistance
Les BHRe en France :
trois questions à Vincent Jarlier
Vincent Jarlier
Laboratoire de bactériologie-Hygiène
Hôpital Pitié-Salpêtrière
1- Quel bilan faites-vous de la
situation des BHRe en France ?
Celui publié par l’InVS à la date du 14 mars 2014 pour les entérobactéries productrices de carbapénémase (EPC) et le 2 juillet
2013 pour les ERG, accessibles sur son site. Ils prennent en
compte les épisodes impliquant des BHRe notifiées via le signalement des infections nosocomiales ou rapportées par les CNR
ou les laboratoires de bactériologie à l’InVS et pour lesquelles
les mécanismes de résistance ont été confirmés et identifiés.
2- Que pensez-vous de la stratégie
de maîtrise utilisée ?
Les recommandations sont très claires et un consensus a
été trouvé entre les différents participants au groupe de travail. Parmi les points les plus discutés on retrouve l’intérêt
d’associer l’arrêt des transferts et le cohorting aux précautions
complémentaires contact ; pour certains les précautions complémentaires contact seules pouvaient suffire. Les données
de l’APHP décrivant l’évolution des situations à partir de très
nombreux cas index suivis sur le plan du nombre de contacts,
leur localisation, le nombre de dépistages et le nombre de
cas secondaires montrent que la mise en œuvre rapide des
recommandations dont le cohorting est payante pour prévenir les épidémies.
Cependant l’appropriation par les professionnels (hygiénistes,
cliniciens, bactériologistes, directions) n’est pas toujours optimale : les mesures ne sont pas toujours appliquées car tous
les acteurs n’ont pas toujours pris la mesure de la gravité de
la multirésistance aux antibiotiques. Pour certains, la résistance aux antibiotiques ne constitue qu’une gêne à la prise
en charge thérapeutique d’un patient donné à un moment
donné. Il semble que les mesures qui soient le moins bien
appliquées soient justement l’arrêt immédiat des transferts
(cas et contacts) et le cohorting et dans certaines régions on
a pu en mesurer les conséquences.
3- Quels seraient, d’après vous,
les points clés pour améliorer
l’efficacité de notre dispositif ?
■■ D’abord la conviction, elle est indispensable à chaque échelon de la mise en œuvre des mesures :
•• les autorités sanitaires doivent faire passer le message de la
gravité de la situation vis-à-vis de la résistance bactérienne aux
antibiotiques et donc la nécessité de se donner les moyens, au
sein de chaque établissement, de mettre en place les mesures
•• les équipes opérationnelles d’hygiène doivent savoir argumenter et convaincre les interlocuteurs locaux du caractère
incontournable de la mise en œuvre des mesures (cliniciens
HYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
et équipes soignantes, laboratoire de bactériologie, direction)
pour prévenir la survenue d’une épidémie
•• les cliniciens doivent prendre la mesure de ce qui se joue
au niveau mondial du point de vue du maintien de l’efficacité
des antibiotiques
•• le laboratoire de bactériologie doit tout faire, au moins au
niveau des CHU, pour mettre en œuvre les techniques de
bactériologie permettant un diagnostic de confirmation de la
production de carbapénémase dans les 24 heures, au moins
pour les plus fréquentes (OXA-48, NDM1 et KPC)
•• la direction doit donner les moyens du cohorting malgré les
contraintes financières actuelles car c’est de loin la mesure la
plus efficace pour prévenir la diffusion épidémique des BHRe.
■■ Ensuite l’importance de l’information au sens large :
•• prévenir les collègues lors des transferts des cas et des
contacts,
•• informer les services cliniques et l’EOH en temps réel (laboratoire de bactériologie) lors de la découverte d’un cas,
•• intervenir auprès des services de soin et de la direction pour
la mise en œuvre des mesures au plus vite (EOH)
•• disposer d’un système informatique permettant de repérer
les cas ou les contacts en cas de réhospitalisation,
•• informer les établissements lors des rapatriements sanitaires,
•• interroger les patients sur une éventuelle hospitalisation à
l’étranger au cours de l’année précédente.
Toute cette chaîne d’informations a pour objectif d’interrompre
immédiatement la transmission croisée par la mise en place
des précautions complémentaires contact, la recherche des
contacts (selon la situation), y compris transférés et organiser
les dépistages complémentaires et le cohorting lorsuq’ils sont
nécessaires. Le rapatriement des transferts peut permettre
de prévenir les départs de feux multiples.
Travailler par cercles concentriques pour dépister les contacts
est une bonne stratégie, mais en incluant tout de suite les
contacts qui ont déjà été transférés au moment de la découverte du cas index.
Les patients pris en charge par la même équipe soignante
restent des contacts, même si les précautions complémentaires contact ont été mises en œuvre dès le début.
Même pour un seul cas, le cohorting est utile, ou à défaut une
marche en avant très rigoureuse s’impose ; les précautions
complémentaires contact seules ne suffisent pas.
■■ Avoir un hygiéniste compétent qui a su entretenir des
relations de confiance avec les cliniciens et la direction pour
convaincre de l’intérêt des mesures.
79
Antibiorésistance
Les entérobactéries
productrices de
carbapénémase :
quelles méthodes diagnostiques
à la disposition des laboratoires ?
Introduction
Après les BMR (bactéries multirésistantes), représentées par les SARM
(staphylocoques résistants à la méticilline) et les EBLSE (entérobactéries
productrices de bêtalactamases à
spectre élargi), nous voyons émerger
depuis quelques années les BHR (bactéries hautement résistantes) qui correspondent aux EPC, (entérobactéries
productrices de carbapénémases), aux
ERV, (entérocoques résistants à la vancomycine) et aux ABRI, (Acinetobacter
baumannii résistants à l’imipénème).
Parmi ces BHR, ce sont les EPC qui
sont les plus difficiles à mettre en évidence et à détecter [2], car d’autres
mécanismes de résistance peuvent
donner les mêmes phénotypes de
résistance. C’est en partie une des raisons pour lesquelles certaines régions
du monde sont actuellement considérées comme zones d’endémie pour les
EPC (Inde, Grèce, Italie, etc.), alors que
d’autres ne sont confrontées pour l’instant qu’à des cas sporadiques et éventuellement à des bouffées épidémiques
[3]. Dans toutes ces situations épidémiologiques, le repérage précoce et
l’identification des EPC sont cruciaux.
Deux situations peuvent se présenter :
la détection de carbapénèmases dans
des souches responsables d’infections et la détection dans des souches
de portage. Pour ces deux cas, il est
essentiel de disposer d’outils efficaces
de diagnostic des EPC, permettant ainsi
un meilleur contrôle de leur dissémination.
Les différentes
carbapénèmases
Afin de bien les détecter il est essentiel de bien connaître ces enzymes qui
hydrolysent les carbapénèmes. Les carbapénèmases décrites chez les entérobactéries appartiennent aux trois
80
classes connues de bêta-lactamases
(classe A, B, D de la classification d’Ambler) [3] :
■■ La classe A correspond principalement aux enzymes de type KPC et
GES. Elles ont la particularité d’hydrolyser toutes les β-lactamines et leur activité in vitro est totalement ou partiellement inhibée par l’acide clavulanique.
Les carbapénèmases de type KPC ont
tout d’abord été décrites sur la côte est
des États-Unis en 1996 [4] avant d’être
identifiées dans la plupart des états
du pays. Ces souches ont également
été décrites en Grèce et en Israël où
elles semblent à l’heure actuelle endémiques [5].
■■ La classe B correspond aux métalloβ-lactamases de type VIM, IMP et
NDM. Ces enzymes hydrolysent très
fortement toutes les β-lactamines
à l’exception de l’aztréonam, et leur
activité in vitro est inhibée par l’EDTA.
Les enzymes de type VIM et IMP ont
rapidement diffusées dans le monde
entier et elles sont désormais endémiques dans certains pays tels que la
Grèce, l’Italie, l’Espagne, Taiwan et le
Japon [5]. De découverte plus récente,
NDM-1 a déjà été identifiée sur tous les
continents et le principal réservoir des
souches productrices de NDM-1 est le
sous-continent indien.
■■ la classe D correspond essentiellement aux enzymes de type oxacillinases (OXA-48, OXA-163, OXA-181).
Ces enzymes hydrolysent les carbapénèmes mais pas ou peu les céphalosporines de 3e génération. Toutefois, leur
présence est souvent couplée à celle
d’une BLSE, ce qui conduit à une multirésistance des souches. Depuis leur
premier isolement en Turquie en 2003,
les bactéries productrices d’OXA-48,
ont très largement émergé dans tous
les pays du pourtour méditerranéen,
notamment en France et en Afrique [5].
Véronique Dubois
PU bactériologie Université Bordeaux 2
PH bactériologie CHU de Bordeaux
Comment détecter une
carbapénèmases dans une
souche clinique en situation
pathologique ?
Les principaux germes produisant des
carbapénèmases sont surtout des
Klebsiella pneumoniae, mais également des Escherichia coli et des Enterobacter aerogenes. La détection de
ces bactéries s’appuie tout d’abord
sur la détermination de la sensibilité
aux carbapénèmes quelle que soit
la méthode utilisée, E-test, CMI des
méthodes automatisées en milieu
liquide… Cependant, le faible niveau
d’expression de la résistance aux carbapénèmes peut parfois laisser ces
antibiotiques sensibles. L’ertapénème,
quelle que soit la carbapénèmase en
cause, est souvent l’indicateur le plus
sensible pour la détection de cette
résistance [2]. Mais souvent la diminution de la sensibilité à l’ertapénème
est liée à d’autres mécanismes, notamment l’hyperproduction d’une céphalosporinase chromosomique ou plasmidique associée à une imperméabilité.
Afin d’écarter cette origine il est recommandé d’effectuer une détermination
de la sensibilité à l’ertapénème, avec
et sans cloxacilline qui est un inhibiteur
de la céphalosporinase. Toute diminution de sensibilité aux carbapénèmes
doit ouvrir la voie à des investigations
supplémentaires. De nombreuses techniques phénotypiques ont été proposées et utilisées pour identifier les EPC.
Le délai d’obtention des résultats est
important (48 - 72 heures), avec une
sensibilité et une spécificité variables
et une lourdeur technique souvent
reconnue. Classiquement, la première
technique utilisée est celle du test
microbiologique d’activité carbapénèmase dit du Hodge test (Figure 1), de
réalisation et d’interprétation difficiles.
Puis, phénotypiquement, on peut égaHYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
Antibiorésistance
PCR (polymerase chain réaction), éventuellement associée à un séquençage.
Elles permettent d’obtenir un résultat
très spécifique et très sensible, en 4
à 6 heures, à partir d’une souche suspecte, mais ces techniques restent onéreuses.
1
3
2
Figure 1 - Test phénotypique de Hodge
modifié : 1 et 3, souches de Klebsiella
pneumoniae productrices de carbapénémase ; 2, témoin négatif non producteur.
lement mettre à profit les propriétés de
chaque groupe d’enzymes pour tenter
de les identifier [2] en utilisant des molécules inhibitrices spécifiques. Mais souvent les carbapénèmases ne sont pas
les seules enzymes à être inhibées par
ces molécules rendant l’interprétation
délicate. Le test phénotypique le plus
utile, car spécifique, est celui qui permet la détection des carbapénèmases
de classe B par inhibition par l’EDTA
(disque ou bandelette Etest). Deux
techniques biochimiques de détection des EPC sont venues récemment
renforcer les tests disponibles. La première correspond à une application de
la technique de spectrométrie de masse
(MALDI-TOF) et consiste à rechercher
une modification du spectre d’un carbapénème sous l’effet d’une carbapénèmase [6]. Cette technique nécessite une
mise au point, du personnel entraîné et
un spectromètre de masse. La seconde
technique est le Carba NP test dont le
principe repose sur la mise en évidence,
par un indicateur coloré, d’une acidification du milieu lors de l’hydrolyse de
l’imipénème par une carbapénèmase
(Figure 2) [7]. Ces techniques biochimiques présentent l’avantage d’être
rapides (quelques heures) et de mettre
en évidence la production de tous les
types de carbapénémases. Enfin, il est
aussi possible d’utiliser des techniques
de biologie moléculaire, qui ciblent
les gènes codant pour les carbapénèmases. Ces techniques reposent sur la
HYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
Comment détecter
les porteurs d’EPC ?
La directive du 6 décembre 2010 de la
Direction générale de la santé, recommande en France l’identification des
patients porteurs. Cette détection se
fait par analyse d’écouvillonnage rectal
ou de selles chez les patients à risque.
Ces patients sont définis comme ceux
ayant été au contact d’un patient infecté/
colonisé ou comme ceux étant directement transférés d’un hôpital étranger. Plusieurs milieux de screening
sont actuellement commercialisés [8,
9], mais aucun d’entre eux ne permet
la détection de toutes les carbapénèmases, ce qui requiert souvent l’utilisation de plusieurs milieux simultanément.
Par ailleurs, le manque de spécificité de
ces milieux nécessite la confirmation de
la présence d’une carbapénèmases par
les outils cités au-dessus. Le délai d’obtention des résultats utilisant ces techniques de screening reste de 48 heures.
Certaines études indiquent l’intérêt des
techniques de PCR pour screener direcFigure 2 - Test biochimique de détection
d’une carbapénémase basé sur l’acidification du milieu.
tement dans les selles les porteurs de
souches KPC [10].
Conclusion
Il est indispensable d’être capable
d’identifier le plus rapidement possible
les souches productrices de carbapénèmases pour adapter au mieux la thérapeutique chez les patients infectés,
mais aussi pour limiter leur diffusion,
tout particulièrement en milieu hospitalier. Cependant, à l’heure actuelle la
démarche diagnostic reste longue et
difficile en l’absence d’un test unique
sensible, spécifique et peu coûteux.
Références
1- Nordmann P, Dortet L, Poirel L. Carbapenem
resistance in Enterobacteriaceae: here is the
storm! Trends Mol Med 2012;18(5):263-72.
2- Miriagou V, Cornaglia G, Edelstein M, et al.
Acquired carbapenemases in Gram-negative
bacterial pathogens: detection and surveillance
issues.Clin Microbiol Infect 2010;16:112-22.
3- Poirel L, Pitout JD, Nordmann P. Carbapenemases: molecular diversity and clinical
consequences. Future Microbiol 2007;2:501-12.
4- Yigit H, Queenan AM, Anderson GJ et al. Novel
carbapenemhydrolyzing beta-lactamase, KPC-1,
from a carbapenemresistant strain of Klebsiella
pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother
2001; 45: 1151-61.
5- Nordmann P, Cuzon G, Naas T. The real threat
of Klebsiella pneumoniae carbapenemase-producing bacteria. Lancet Infect Dis 2009; 9: 228-36.
6- Hrabák J, Walková R, Studentová V, Chudácková E, Bergerová T. Carbapenemase activity
detection by matrix-assisted laser desorption
ionization-time of flight mass spectrometry.
J Clin Microbiol 2011;49(9):3222-7.
7- Nordmann P, Poirel L, Dortet L. Rapid detection of carbapenemase-producing Enterobacteriaceae. Emerg Infect Dis 2012;18(9):1503-7.
8- Carrër A, Fortineau N, Nordmann P. Use of
the ChromID extended-spectrum beta-lactamase medium for detecting carbapenemaseproducing Enterobacteriaceae. J Clin Microbiol
2010;48:1913-4.
9- Samra Z, Bahar J, Madar-Shapiro L, et al. Evaluation of CHROMagar KPC for rapid detection of
carbapenem-resistant Enterobacteriaceae. J Clin
Microbiol 2008;46:3110-1.
10- Schechner V, Straus-Robinson K, Schwartz D,
et al. Evaluation of PCR-based testing for surveillance of KPC-producing carbapenem-resistant
members of Enterobacteriaceae family. J Clin
Microbiol 2009;47:3261-5.
81
SF2He –congrès
XXIV
travauxde
enla
cours
Société
française d ’ hygiène hospitalière
- Paris - 29-31
mai
2013
Les groupes de travail SF2H
Qualité de l’air dans les secteurs interventionnels
Comité de pilotage : Serge Aho (hygiéniste – pilote), Joseph Hajjar (hygiéniste - méthodologiste), Jean-Charles
Cêtre (hygiéniste), Michel Combet (ingénieur), Adrien Guilloteau (chargé de projet), Olivia Keita-Perse (hygiéniste - présidente du comité de pilotage), Simon Marmor (chirurgien orthopédiste), Anne Simon (hygiéniste), Rémi Systchenko
(SFED), Isabelle Thomassin-Naggara (SFR).
Méthode : Recommandation de pratiques cliniques (méthodologie HAS)
Les questions
A- Le concept de traitement de l’air
1-Quel est l’apport du traitement de l’air dans la prévention des infections, en comparaison avec les autres
mesures de prévention ?
1-a Au bloc opératoire
1-bDans les secteurs interventionnels autres que
les blocs opératoires
1-cSelon les différentes classes d’Altemeier
2-Quelle est la place de l’air dans la prévention de la
contamination des dispositifs médicaux en peropératoire (par rapport aux autres mesures dont l’efficacité
est démontrée) ?
3-Existe-t-il une corrélation entre la propreté particulaire
et la maîtrise de l’aérobiocontamination ?
4-Peut-on définir différentes qualités d’air pour différents
niveaux de risque (c’est-à-dire une qualité d’air unique
ou adaptée selon la spécialité) ?
5-Dès lors qu’un traitement d’air est nécessaire, quelles
sont les possibilités techniques actuelles en fonction
des qualités requises ?
5-aClassiques : filtration - surpression - renouvellement - régime de distribution
5-b Autres : UV - Plasmair…
B- L’exploitation du traitement de l’air
6-Est-il nécessaire de réaliser des contrôles microbiologiques/particulaires de l’air
7-Dès lors qu’il est nécessaire de réaliser des contrôles :
7-a Pour quel type de traitement d’air ?
7-b Pour quels secteurs ?
7-c Selon quelles techniques ?
7-d A quelle fréquence ?
7-e Par qui ?
7-fQuelle conduite à tenir en cas de non-conformité ?
8-Quels indicateurs de performance ou de fonctionnement doivent être présents en salle d’opérations (surpression, débit, température, niveau sonore…) ?
C- Les conditions d’utilisation du traitement de l’air
9-Quelle maintenance et quelle modalité de suivi (carnet/registre de suivi) ?
10-Quelles sont les mesures nécessaires pour préserver/
conserver la qualité de l’air préalablement définie ?
10-aLimitation du nombre de personnes en salle et
de l’ouverture des portes
10-bTenue vestimentaire spécifique y compris le port
du masque
10-cTemps de repos de la salle entre deux interventions y compris le temps du bionettoyage ?
10-d Bionettoyage des surfaces
11-Quel fonctionnement en dehors de l’activité ?
Isolement protecteur
Pilotes : Jean-Ralph Zahar, Didier Lepelletier, Philippe Vanhems, Nouara Bagdati
Méthode : Revue systématique de la littérature nationale et internationale et gradation des recommandations par la méthode Grade
L
’intérêt de ce groupe est ciblé sur les patients
neutropéniques (Leucocytes < 1000/mm3 et
polynucléaires neutrophiles < 500/mm3) hospitalisés dans tous types d’établissements, à l’exception des soins à domicile, secteurs de réanimation
et établissements médico-sociaux.
Plusieurs thèmes sont évoqués comme les
mesures de protection des patients à ajouter aux
précautions standard et leur levée, l’organisation
des locaux et le type de traitement d’air selon la
profondeur de la neutropénie, l’organisation des
soins en l’absence de sas, l’alimentation. La liste
82
des questions sera validée au décours de la revue
de la littérature.
Le projet a été validé au sein de la SF2H en avril
2014, les sociétés savantes partenaires sont en
cours de sollicitation et une réflexion est menée
pour définir les mots clé à utiliser pour la revue de
la littérature. Cette revue de la littérature sera complétée par un audit documentaire sur les protocoles
d’isolement protecteur en cours dans les établissements de santé et une enquête de prévalence
des patients neutropéniques : quels patients, dans
quelles unités et avec quelles organisations ?
HYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
e
SF2H – XXIV
travaux
congrès
en cours
de la S ociété
française d ’ hygiène hospitalière
- Paris - 29-31
mai
2013
Les contributions de la SF2H
Révision des recommandations de bonnes pratiques
pour la prise en charge et la prévention des Infections
Urinaires Associées aux Soins (IUAS) de l’adulte
Comité de pilotage : Jean-Pierre Bru (président, Spilf)), Patrick Coloby (AFU), Rémy Gauzit (Spilf), Joseph Hajjar
(SF2H), Olivia Keita-Perse (SF2H). Groupe de travail : Jean-Pierre Bastié (IDE urologie), Jean-Paul Boiteux (AFU),
Franck Bruyère (copilote-AFU), Gérard Carioux (AFU), Jean-Didier Cavallo (SFM), Christophe Clec’h (SRLF), Gaëtan
Gavazzi (Société Française de Gériatrie et Gérontologie), Patrice Laudat (SFM), Thanh Lecompte (SPILF), Vincent Le
Moing (pilote-SPILF), Marc Leone (SFAR), Alain Lepape (SFAR), Josiane Nunes (SF2H), Françoise Picard (IDE urologie),
Albert Sotto (SPILF), Bertrand Souweine (SRLF), Jean-Ralph Zahar (SF2H).
Question 1 : Comment définir et
diagnostiquer les IUAS ?
1- Quels sont les signes cliniques ?
2- Quels sont les critères microbiologiques ?
3- Comment faire le diagnostic microbiologique ?
4-Quels sont les critères définissant l’association aux
soins ?
Question 2 : Qui faut-il traiter ?
1- Faut-il traiter tous les patients symptomatiques ?
2-Faut-il traiter certains patients asymptomatiques ayant
une colonisation urinaire ?
2-aQuel est (sont) le(s) risque(s) de complication(s)
dans ces populations ?
2-bQuel rapport bénéfice/risque du traitement de
l’infection urinaire dans ces populations ?
Question 3 : Comment traiter les IUAS ?
1- Quelle est l’épidémiologie actuelle des IUAS ?
2-Quelles molécules utiliser selon le sexe, les comorbidités, les situations (préopératoire, présence de matériel
étranger), le diagnostic (colonisation ou infection), les
germes ?
3-Quelles durées de traitement anti-infectieux selon le
sexe, les comorbidités, les situations, (préopératoire,
présence de matériel étranger) le diagnostic (colonisation ou infection), les germes ?
4- Quel suivi ?
5-Quel bénéfice au changement de matériel urologique.
S’il existe quand l’effectuer ?
Question 4 : Comment prévenir les
infections sur matériel de drainage
urinaire ?
1-Qui doit/ne doit pas bénéficier d’un cathétérisme uréthral/sus-pubien ?
2-Parmi ceux nécessitant l’utilisation d’un matériel de
drainage urinaire :
2-aQuels sont les risques infectieux des différentes
techniques de drainage vésical ?
2-bQuels matériels réduisent le plus les risques
d’infection ?
3-Quelles pratiques lors de l’insertion réduisent le plus
les risques d’infection ?
4-Chez les patients cathétérisés quelles pratiques
réduisent le plus les risques infectieux :
- Quelles fréquences pour les changements ?
- Quelles indications de changement ?
- Quels avantages/inconvénients des irrigations
lavages vésicaux ?
- Quels avantages inconvénients à l’instillation d’antiseptiques/anti-infectieux ?
- Quels avantages inconvénients à l’utilisation d’antibiotiques prophylactiques/de probiotiques/de la phagothérapie ?
- Quelle conduite à tenir en cas d’obstruction?
Prévention de la transmission croisée
des BMR et BHRe en services de SSR-MPR
Ce travail est piloté par la SOFMER (Société Française de Médecine Physique et de Réadaptation) ; la SF2H est représentée par le Dr Anne Berger-Carbonne
L
es thèmes d’intérêt concernent l’organisation de la prise en charge d’un patient BMR
ou BHRe dans un SSR : quelle architecture des locaux, quelle organisation des soins,
quelles mesures à prendre : en chambre, au
niveau des plateaux techniques d’exploration,
HYGIÈNES - 2014 - Volume XXII - n° 2
de rééducation, quelles informations à transmettre entre les différentes unités, vers les
services de court séjour ?
Le groupe de pilotage doit valider la liste des
experts et l’ensemble du groupe validera la
liste des questions.
83
3, 4 et 5 juin 2015
XXVIe Congrès National de la Société
Française d’Hygiène Hospitalière
organisme gestionnaire
du développement
professionnel continu
www.sf2h.net
N° 2884
 Nouveaux concepts en architecture
hospitalière et leurs enjeux en termes de
risque infectieux : « Hôpital du futur »
 Simulation en santé et hygiène hospitalière
 Accès aux abords vasculaires
 Evaluation médico-économique des mesures
d’hygiène (efficience)