Anesthésiques locaux et anesthésie loco-régionale stomatologique Charles-Daniel ARRETO Discipline de Pharmacologie Université René Descartes-Paris 5 Le contenu de la cartouche d’anesthésique local La molécule d’anesthésique local Le vasoconstricteur Les agents de conservation La solution de remplissage La molécule d’anesthésique local Principe actif de la cartouche Extrait d’Erythroxylon coca: cocaïne (Niemann, 1860) Benzocaïne (Ritsert, 1890) Amyléine ou stovaïne (Fourneau, 1904) Procaïne (Einhorn, 1905)- Tétracaïne (1930) Lidocaïne (Löfgren, 1943)-Bupivacaïne (1963) Structure chimique des AL Les AL sont constitués par: Chaîne amine hydrophile R2 R3 N R1 Chaîne intermédiaire C=O NH 3HC Chaîne aromatique lipophile CH3 A m Les familles d’anesthésique locaux O = R1- C -NH -R2 Les amino-amides O = R1- C -O -R2 Les amino-esters R1- C -O -R2 Les amino-éthers Caractéristiques physico-chimiques d’anesthésique locaux Chaîne amine hydrophile pKa R2 R3 N R1 Liaison aux protéines Chaîne intermédiaire C=O NH Liposolubilité 3HC Chaîne aromatique lipophile CH3 Amino-amide A m Caractéristiques physico-chimiques d’anesthésique locaux R4 R3 N Chaîne amine hydrophile pKa R1 O Liaison aux protéines Liposolubilité Chaîne intermédiaire O = C Chaîne aromatique lipophile R2 NH2 Amino-ester Caractéristiques physico-chimiques des AL pKa: pouvoir de dissociation de la molécule ou degré d’ionisation Les AL se comportent comme des bases faibles avec leur fonction amine sur le pôle hydrophile L’équation de HendersonHasselbach: pKa-pH= log [A-]/[AL] Caractéristiques physico-chimiques des AL Liaison aux protéines Les AL se fixent sur les protéines par l’intermédiaire de leur fonction amine localisée sur le pôle hydrophile L’équation de HendersonHasselbach: pKa-pH= log [A-]/[AL] Caractéristiques physico-chimiques des AL Liposolubilité Les AL pénètrent dans les membranes lipidiques par leur fonction aromatique sur le pôle hydrophobe Evaluation du coefficient de partage huile/eau La cible pharmacologique des anesthésique locaux Les fibres nerveuses selon leur diamètre La cible pharmacologique des AL Fonction Diamètre (µm) Vitesse de conduction (m/s) Sensibilité aux AL α Proprioception-Motricité 12-20 β Toucher: presssion 5-12 γ Motricité des fuseaux neuro- 3-6 70-120 30-70 15-30 12-30 + ++ ++ +++ 3-15 ++++ Type de fibre A musculaires δ Douleur –Sensibilité thermiques 2-5 Fibres pré-ganglionnaires du système neuro-végétatif <3 Racine dorsale Douleur 0,4-1,2 0,5-2,3 +++++ Fibres sympathiques post-ganglionnaire Motricité des fuseaux neuromusculaires 0,3-1,3 0,7-2,3 ++++ B C La cible pharmacologique des anesthésique locaux Canaux sodiques Membrane axonale du neurone Anesthésique local Les effets pharmacologiques des anesthésiques locaux Sur le système nerveux central Sur le système cardio-vasculaire Sur la plaque motrice Sur la musculature lisse Les effets des AL sur le système nerveux central (SNC) Les anesthésiques locaux franchissent la BHE et exercent un effet dépresseur sur le SNC La toxicité pour le SNC dépend de la puissance de l’anesthésique local Les premières manifestations d’intoxication sont localisées sur le SNC sous la forme de manifestations préconvulsives Les effets de la lidocaïne sur SNC Concentrations plasmatique de lidocaïne (µ µg/ml) 0,5 à 4,5 4,5 à 7,5 > 7,5 Manifestations cliniques Impression de tête vide Etourdissement Somnolence et désorientation Activité anticonvulsivante Agitation psychomotrice Troubles du langage Frissons Tremblements et spasmes musculaires de la face et des extrémités Convulsions généralisées Dépression de l’activité des zones corticales et sous-corticales perte de connaissance Action sur le tronc cérébral (centre respiratoire, cardio-respiratoire, vagal) Les manifestations préconvulsives provoquées par la lidocaïne Manifestations subjectives Maux de tête Sensation de pression frontale Sensation de chaud et de froid Engourdissement des lèvres et de la langue Hallucination visuelle et auditive Assoupissement Somnolence Manifestations objectives Confusion voire absence Empâtement de la parole Nystagmus Fasciculation au niveau de la lèvre et de la langue, voire myoclonies (=généralisation de la crise) Réflexes monosynaptiques exagérément vifs Les effets des AL sur le système cardiovasculaire Tous les AL sont intrinsèquement arythmisants Au-delà de certaines concentrations, les AL peuvent: induire des troubles du rythme réduire la contractilité myocardique La lidocaïne possède un effet I- moins marqué que la tétracaïne Les effets cardiaques de la lidocaïne Concentrations plasmatique de lidocaïne (µ µg/ml) 2à5 5 à 10 > 10 Manifestations cliniques Effets anti-arythmiques Diminution de la fréquence des extrasystoles induites par perfusion de catécholamines Ralentissement de la vitesse de conduction intra-cardiaque Bradycardie sinusale Effet inotrope négatif Bloc auriculo-ventriculaire Dépression marquée de la contractilité myocardique Les effets cardio-vasculaires des AL Conséquences cliniques Interaction médicamenteuse avec certains anti-arythmisants: quinine, phénytoïne, ajmaline Les effets des anesthésiques locaux sur la plaque motrice Action inhibitrice Diminution de la libération d’acétylcholine Modification du flux de calcium Les effets des anesthésiques locaux sur la plaque motrice Conséquences cliniques Interaction médicamenteuse avec les curares compétitifs: gallamine, pancuronium Les effets des anesthésiques locaux sur la musculature lisse Effet antispasmodique Sur le tube digestif Sur les bronches… Le devenir des anesthésiques locaux Résorption Distribution Biotransformations Elimination La résorption des anesthésiques locaux Résorption Passage des AL dans la circulation sanguine Le vasoconstricteur Intérêt pharmacologique 1. Limiter la résorption de l’AL 2. Réduire la toxicité de l’AL 3. Limiter le saignement per-opératoire Les familles de vasoconstricteurs Les vasoconstricteurs catécholaminergiques Ex: Epinéphrine Les vasoconstricteurs non catécholaminergiques Ex: Félypressine Les vasoconstricteurs catécholaminergiques DCI µg par cartouche Récepteurs (spécificité en %) Epinéphrine 9,18,36 α=50; β=50 Norépinéphrine 60 α=80; β=20 Nordéphrine 180 α=?; β=? Phényléphrine 720 α=95; β=5 Contre-indications d’utilisation des vasoconstricteurs catécholaminergiques Relatives HTA sévère Artériosclérose Diabète Hyperthyroïdie Insuffisance coronaire Troubles du rythme ventriculaire Anesthésiques volatils halogénés Interactions médicamenteuses avec les vasoconstricteurs catécholaminergiques Antidépresseurs tricycliques; ex: imipramine (TOFRANIL°): AD IMAO non sélectifs; ex: iproniazide (MARSILID°): PE IMAO sélectifs; ex: toloxatone (HUMORYL°) moclobémide (MOCLAMINE°): PE Anesthésiques Guanéthidine Brétylium volatils halogénés: AD et apparentés: AD AD Les vasoconstricteurs non catécholaminergiques DCI µg par cartouche Récepteurs (spécificité en %) Félypressine 0,054 UI ADH Ornipressine 0,03 UI ADH La distribution des AL Distribution Transport des AL dans la circulation sanguine vers les sites récepteurs La distribution des AL Distribution Facteurs de variation: Liaison aux protéines plasmatiques Liaison aux tissus (poumons , rate,…) La distribution des amino-amides Liaison aux protéines: plasmatiques tissulaires Ex: Amidases pulmonaires La distribution des amino-amides Pathologie pulmonaires susceptibles d’augmenter la toxicité des AL ( Principales causes de l’effet shunt) Pneumopathie Pneumonies aigües disséminés sévères toxiques étendues Oedèmes pulmonaires aigus Embolies pulmonaires Anesthésies Ventilation prolongées assistée Pneumothorax Fermeture précoce des petites voies aériennes (sujets obèse ou âgé surtout en position couchée) BCPO: Asthme Bronchite chronique Emphysème panlobulaire Emphysème centrolubulaire La biotransformation des AL Biotransformations Modifications biochimiques des AL pour les rendre plus facilement éliminables La biotransformation des anesthésiques locaux Les amino-amides Les amino-esters La biotransformation des anesthésiques locaux Les amino-amides Le foie Les poumons La biotransformation des amino-amides Clairance hépatique (ClH): ClH= QH x Clint Clint= Σ (activités enzymatiques) Ex: Complexe enzymatique du cytochrome P450: Réaction d’hydroxylation QH: débit sanguin hépatique La biotransformation des amino-amides Complexe enzymatique du cytochrome P450: Sensibilité à l’induction ou à l’inhibition enzymatique donc modification du métabolisme hépatique possible: rallentissement accélération Interactions médicamenteuses: barbituriques Interactions médicamenteuses: propranolol cimétidine iproniazide anesthésiques halogénés La biotransformation des amino-amides Lidocaïne p-OH-Xylidine Complexe enzymatique cytochrome P450 Xylidine Glycine-Xylidine (GX) Mono-Ethyl-Xylidine (MEGX) La biotransformation des anesthésiques locaux Les amino-esters Le sang La biotransformation des amino-esters Pseudo-cholinestérases plasmatiques Procaïne Diéthyl-aminoéthanol + Acide para-amino-benzoïque Les interactions médicamenteuses avec les amino-esters Diéthyl-amino-éthanol Interactions médicamenteuses Digitaliques Les interactions médicamenteuses avec les amino-esters Acide para-amino-benzoïque Interactions médicamenteuses Sulfamides antibactériens Ex: sulfométhoxazole+triméthoprime BACTRIM® L’élimination des anesthésiques locaux Elimination Passage des AL dans les urines ou dans les fèces L’élimination des amino-amides Ex: articaïne Ex: bupivacaïne Incidents et accidents liés aux AL Toxicité générale Neurotoxicité locale Réactions allergiques Incidents et accidents liés aux AL Toxicité générale Amino-amides Agents conservateurs Incidents et accidents liés aux AL Réactions allergiques Amino-esters Agents conservateurs Les agents conservateurs Maintien des qualités physico-chimiques et bactériologiques des cartouches: Assurer la stabilité du pH Maintenir aseptique la solution d’AL Empêcher l’oxydation du vasoconstricteur Les agents conservateurs Agents conservateurs Produit à conserver Propriétés Parahydroxybenzoate de méthyle Solution injectable Antiseptique Parahydroxybenzoate de propyle Solution injectable Antiseptique Métabisulfite de sodium ou de potassium Vasoconstricteur Anti-oxydant Ethylène Diamine Tétra Acétate (EDTA) Agent conservateur (Sulfites) Chélateur de métaux lourds La solution de remplissage Solution saline pour préparations injectables: •Isotonique •Stérile •Apyrogène (LPS <0,03 unités par ml) Quelle molécule choisir? Chez le sujet sain sans modifications physiologiques: Quelle molécule choisir? Chez le sujet sain avec des modifications physiologiques: Chez l’enfant Chez la femme enceinte Chez le sujet âgé Quelle molécule choisir? Chez le sujet âgé: >70 ans Insuffisance rénale: surveillance de la clairance rénale ClR Si ClR <10 ml/min , réduire dose 50% Quelle molécule choisir? Chez la femme enceinte Passage materno-fœtal de l’AL: Rapport concentration fœtale/ concentration maternelle 1. Articaïne (+++) 2. Lidocaïne (+) 3. Mépivacaïne (+) Quelle molécule choisir? Chez l’enfant Quelle molécule choisir? Chez le sujet atteint de pathologies: Porphyries hépatiques Pas d’amino-amides sauf l’articaïne ou un amino-ester http://www.orpha.net/xor/emergency/ Quelle molécule choisir? Chez le sujet atteint de pathologies: Porphyries hépatiques Chez le porteur sain ou chez le patient en rémission longue: Utilisation de l'Articaïne Adrenalinée autorisée avec contrôle urinaire réalisé le lendemain de l'intervention avec envoi de l'échantillon des premières urines du matin au Centre Français des Porphyries (Hôpital Louis Mourier, AP-HP). Quelle molécule choisir? Chez le sujet atteint de pathologies: Porphyries hépatiques Chez le patient chronique (crises aiguës récurrentes): S'entretenir avec un médecin du Centre Français des Porphyries (Hôpital Louis Mourier, AP-HP). Quelle molécule choisir? Chez le sujet atteint de pathologies: Porphyries hépatiques Articaïne Bibliographie 1. Conseiller Ch., Guesnon P., Leoni J.: Anesthésiques locaux. In Pharmacologie Clinique, bases de la thérapeutique, 2e édition, Giroud J-P, Mathé G., Meyniel G. Ed. Expansion Scientifique Française, Paris, 1988, 1041-1070 2. Catterall W., Mackie K.: Local Anesthetics. In Goodman and Gilman’s The Pharmacological Basis of Therapeutics, Ninth Edition, Hardman J.-G., Limbird L.-E. Ed. McGraw-Hill, New York, 1996, 331-347 3. Covino B.-G., Vassallo H.-G.: Local anesthetics mechanisms of action in clinical use Ed Grune and Stratton, New york, 1976 4. Gaudy J.-F., Arreto C.-D.: Manuel d’analgésie locale en odonto-stomatologie Ed Masson, 1999, 39-58
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