Nutrition et cancer

Diététique en pratique médicale courante
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Nutrition et cancer
Les cancers sont des maladies multifactorielles
dans le déterminisme duquel interviennent des
facteurs individuels (prédisposition génétique,
âge) et des facteurs liés à l'environnement et au
comportement : tabagisme, consommation d'alcool, habitudes alimentaires, nature des aliments
et exposition à risque (soleil, infections virales
chroniques, produits toxiques).
On estime à 30 % la part de l'alimentation dans
la genèse des cancers, mais il est bien difficile
d'établir des liens de causalité, sauf exception.
L'hypothèse avancée pour expliquer les liens entre
la cancérogenèse et la nutrition est l'interaction
des nutriments avec :
• l'expression des oncogènes ;
• la régulation épigénétique ;
•les mécanismes de réparation des lésions des
acides nucléiques.
En l'état, les données disponibles justifient des
actions préventives de santé publique.
L'évolution d'un cancer avéré soulève également
de nombreux problèmes nutritionnels dans la
mesure où elle expose, directement ou indirectement (du fait du traitement), à des difficultés alimentaires et au risque de dénutrition. Un
diagnostic nutritionnel et une prise en charge diététique spécifique sont à même d'améliorer la
qualité de vie et le pronostic.
34
Chapitre 
naises des première et deuxième générations
ayant émigré aux États-Unis dont l'incidence du
cancer du côlon, très basse au Japon, a rejoint celle
de la population américaine. Ceci illustre à l'évidence le rôle de l'environnement et, plus particulièrement, des habitudes alimentaires qui sont
peu à peu devenues celles du pays d'accueil.
L'alimentation intervient potentiellement à tous
les stades de la cancérogenèse :
• initiation : elle est due à la mutation d'un gène
cellulaire induite par un carcinogène de l'environnement qui s'avère génotoxique. Son action
peut être contrée par les anti-oxydants, les
enzymes de réparation de l'ADN, ou par des
enzymes de détoxification des carcinogènes.
L'alimentation est rarement carcinogène par ce
biais mais intervient soit par contamination par
un carcinogène, soit en interagissant avec les
phénomènes de protection (par exemple une
alimentation pro-oxydante) ;
• promotion tumorale : des événements non
génotoxiques favorisent la prolifération de la
cellule initiée en clone. À ce stade, l'alimentation peut jouer un rôle en encourageant la synthèse de facteurs de croissance et en modifiant
la signalisation intracellulaire ;
• croissance et dissémination tumorales : la
transition entre tumeur bénigne et maligne et la
dissémination sont favorisées par des facteurs
de croissance pouvant être modulés par l'alimentation et par des nutriments comme les
acides gras. Une forte dose d'anti-oxydants peut
jouer un rôle défavorable en s'opposant à la mort
cellulaire des cellules mutées.
L'alimentation intervient par :
• la nature et la quantité des aliments ;
• les polluants qu'elle véhicule ;
•les traitements culinaires qui modifient les
nutriments.
Mécanismes de la relation
alimentation–cancer
L'impact de l'alimentation sur la cancérogenèse
est inégal comme le suggère la grande variation
géographique de l'incidence des cancers en rapport avec certaines habitudes alimentaires.
L'interaction entre l'alimentation et le génome est
bien illustrée par l'étude des populations japo-
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VI. Pathologies générales
Le poids corporel, l'activité physique, le déséquilibre alimentaire, l'exposition à d'autres facteurs cancérigènes et l'état physiologique sont
d'autres paramètres à prendre en compte.
Surcharge pondérale
L'obésité et le surpoids sont des facteurs de risque
indépendants de certains cancers (sein, endomètre, œsophage, côlon, etc.). Une augmentation
de 5 kg/m2 de l'IMC serait associée à une augmentation significative du risque de cancer de
l'œsophage, du rein et de l'endomètre (voir encadré ci-après).
En corollaire, l'exercice physique apparaît comme
un facteur protecteur dans plusieurs études.
Facteurs nutritionnels
et alimentaires (tableaux 34.1 et 34.2)
L'état nutritionnel, les aliments et les modes de
cuisson peuvent être délétères ou protecteurs.
Tableau 34.1 Principaux cancers associés aux habitudes alimentaires
VADS
Alcool
+++
Sel, salaison
++
Estomac
Foie
Côlon
Sein
+++
+
++
++
+
Charcuterie
++
Excès, obésité
++
Aflatoxines
Endomètre
+++
++
++
++
VADS : voies aérodigestives supérieures.
Tableau 34.2 Principaux aliments ou micronutriments ayant un effet positif sur la prévention
des cancers
VADS
Poumon
Estomac
Côlon
Sein
Prostate
Vessie
Légumes
++
++
+++
+++
++
+
+
Fruits
++
++
+++
Caroténoïdes
++
Fibres
+
Activité Physique
+++
Réfrigération
+++
Poids et cancer
Les mécanismes physiopathologiques de la relation entre l'indice de corpulence et le risque de
cancer restent hypothétiques. Il est vraisemblable que les anomalies hormonales associées à
l'obésité sont en cause. L'hyperinsulinisme, l'élévation de l'IGF-1 et de sa biodisponibilité, la
diminution de l'adipokinémie et l'hyperœstradiolémie liée à l'excès d'activité aromatase du
tissu adipeux sont autant de perturbations susceptibles d'être mutagènes. L'existence d'un état
inflammatoire de bas grade associé à l'obésité est
un autre facteur cancérogène. Par ailleurs, l'excès d'apport énergétique, habituel dans l'obésité,
favorise la production d'espèces réactives à
l'oxygène favorisant la cancérogenèse.
Le surpoids et l'obésité majorent non seulement
le risque de certains cancers mais aussi les
risques de récidive et de mortalité. L'obésité est
un paramètre péjoratif en cas de traitement
chirurgical en raison de la plus grande fréquence
des complications pré- et postopératoires et des
comorbidités plus fréquentes. La prise de poids
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Chapitre 34. Nutrition et cancer
observée dans les cancers du côlon et du sein
traités est également assortie d'un pronostic
évolutif plus mauvais.
L'impact de l'activité physique qui a un effet favorable sur la gestion du poids et de la masse grasse
s'avère bénéfique quant à l'incidence et au pronostic de certains cancers. Modérée ou soutenue,
elle est associée à une diminution du risque de
cancer colorectal de l'ordre de 30 à 40 %.
Il n'y a pas à ce jour d'études prouvant le bénéfice
d'une perte de poids quant au pronostic d'un
cancer traité. Néanmoins, en l'état des données
disponibles, il est légitime de postuler qu'une
réduction des apports énergétiques dans le cadre
d'une alimentation équilibrée et la pratique
régulière d'une activité physique sont à même de
prévenir le cancer chez un sujet en bonne santé
et chez les survivants d'un cancer traité.
Alcool
Fruits, légumes et fibres
alimentaires
Le lien entre alcool et cancers des voies aéro­
digestives supérieures (VADS) de même
qu'entre alcool et cancer primitif du foie repose
sur un haut niveau de preuve. Il existe également une relation entre alcool et cancer du sein
ou colorectal. Il existe un effet-dose mais le
risque apparaît même pour une consommation
faible d'alcool (10 g/j) sans qu'il y ait de véritable seuil.
Le rôle protecteur des fruits et légumes est probable. Un niveau de consommation élevé de fruits
et légumes est associé à une réduction de l'incidence globale des cancers (VADS, poumon, estomac, pancréas, côlon, rectum et vessie). L'effet
protecteur des fruits et légumes est attribué à la
réduction du stress oxydatif et à une meilleure
détoxification des xénobiotiques carcinogènes. Il
s'y ajoute un possible effet favorable des microconstituants de type polyphénols (flavonols des
pommes, catéchine du raisin, anthocyanes des
fruits rouges, etc.) ou des caroténoïdes comme le
lycopène dont la tomate est riche.
Le rôle protecteur des fibres a été surestimé.
L'ajustement de l'apport en fibres sur les principaux
facteurs de risque à partir des données épidémiologiques disponibles met en évidence une diminution non significative du cancer du côlon attribuable
aux fibres. En revanche, une consommation insuffisante (< 10 g/j) est associée à une augmentation
significative du risque de cancer du côlon.
Graisses
Une augmentation du risque de cancer liée à la
consommation de graisses a été décrite chez la
femme ménopausée. Elle est attribuée à une augmentation de la production endogène accrue
d'œstrogènes.
La réduction de 15 % des apports énergétiques
par une diminution des graisses semble associée à
un moindre risque de rechute du cancer du sein
en rémission.
Viande rouge et poisson
Anti-oxydants et micronutriments
Il existe une corrélation entre une consommation
importante de viandes rouges ou transformées (>
160 g/j) versus une consommation faible (< 20 g/j)
et l'incidence du cancer colorectal (augmentation
du risque de 35 %).
La combustion des graisses contenues dans les
viandes cuites à haute température ou sur la
flamme (barbecue) produit des hydrocarbures
aromatiques polycycliques et des amines hétérocycliques hautement cancérogènes. Il est souhaitable de ne pas consommer les parties carbonisées.
Une consommation élevée de poisson (> 80 g/j)
versus faible (< 10 g/j) est associée à une diminution du risque de cancer colorectal (−31 %).
Une supplémentation en anti-oxydants (vitamine
A, bêtacarotène, vitamine C, vitamine E, sélénium) n'a pas d'effets sur l'incidence des cancers
ou sur la mortalité par cancer (revue Cochrane).
Les résultats de l'étude de supplémentation SU.VI.
MAX réalisée en France confirment cet avis bien
qu'une analyse par sous-groupe ait montré une
diminution de l'incidence des cancers uniquement chez les hommes supplémentés.
Les effets antiprolifératifs et de différenciation
de la vitamine D et du calcium mis en évidence
expérimentalement n'ont pas été retrouvés chez
l'homme.
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VI. Pathologies générales
Composants alimentaires
cancérogènes
Certains composants des aliments, naturels ou
formés ou introduits secondairement, peuvent
s'avérer cancérogènes expérimentalement :
• nitrosamines : ces substances hautement cancérigènes néoformées en milieu acide (cavité gastrique), par l'action des nitrites sur les amines
secondaires contenues dans l'alimentation, ou
présentes dans les aliments eux-mêmes seraient
responsables de cancers gastriques ;
•aflatoxine : cette mycotoxine produite par une
moisissure de l'arachide favorise l'apparition
de cancers hépatocellulaires en présence d'une
­co-infection virale (virus de l'hépatite B) ;
• pesticides : parmi la centaine de pesticides utilisés, il en est peu dont le pouvoir cancérogène a
été établi ; certains auraient une action synergique avec d'autres carcinogènes ;
•additifs : bien qu'ils soient souvent incriminés,
aucune preuve n'a permis d'établir le potentiel
cancérogène des additifs autorisés ;
• édulcorants intenses : aucun édulcorant n'apparaît cancérogène aux doses autorisées, mais la
polémique persiste au sujet de l'aspartame ;
•substances produites par les procédés culinaires : des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) peuvent se former par
pyrosynthèse lors du fumage, du grillage des
viandes ou de la torréfaction. Les HAP qui ont
un effet mutagène sont responsables de cancers
du poumon et de l'estomac chez la souris.
Prévention nutritionnelle
des cancers
Principes
Les mesures préventives alimentaires préconisées
sont argumentées par les résultats des études épidémiologiques. Elles varient quelque peu selon le
cancer considéré :
• la consommation d'alcool, l'excès calorique et la
surcharge pondérale accroissent le risque du
cancer du sein. Une alimentation riche en
légumes le réduit ;
•il est probable qu'une alimentation riche en
viandes et en produits céréaliers raffinés, avec
un apport alcoolique important et un apport
en fibres insuffisant, favorise le cancer
colorectal, alors qu'une activité physique régulière et une alimentation à faible charge énergétique pourraient en réduire l'incidence de
près de 50 % ;
• le cancer de l'estomac est avant tout lié à l'infection par Helicobacter pylorii, et non plus à l'ingestion de nitrosamines. Une alimentation trop
salée et trop riche en salaisons et fumaisons
pourrait favoriser la persistance de cette
infection ;
•une alimentation riche en fruits et légumes
pourrait diminuer l'incidence du cancer du
poumon de près de 30 %.
Il va de soi que ces considérations émises à propos d'un type de cancer n'ont de sens que dans le
cadre d'une alimentation standard équilibrée. Un
débat persiste pour quelques aliments et leurs
composés. Il en est ainsi des phytoestrogènes, du
lait et du calcium (à la fois protecteurs et possiblement nocifs selon la dose) et d'une subcarence en
vitamine D qui aurait un effet délétère.
Recommandations
L'Institut national du cancer et le réseau NACRe
(réseau National Alimentation Cancer Recherche)
ont formulé des recommandations pour la prévention des cancers fondées sur quelques grands
principes intégrés dans le PNNS :
• sont conseillés :
–une consommation de fruits et légumes à hauteur de 400 g/j associée à un régime équilibré
diversifié,
–une alimentation riche en fibres,
–le maintien d'une corpulence normale dès
l'enfance en évitant les aliments à forte charge
énergétique,
–l'allaitement maternel qui est associé à une
moindre incidence du cancer du sein,
–une activité physique régulière :
–plusieurs essais randomisés contrôlés ont
montré qu'une activité physique était indiquée en prévention primaire, secondaire et
comme adjuvant thérapeutique,
–pratiquée de façon régulière avant mais
aussi pendant et après le traitement d'un
cancer, elle améliore la qualité de vie, diminue la sensation de fatigue et est associée
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Chapitre 34. Nutrition et cancer
à une réduction significative du risque de
mortalité globale et du taux de récidive ;
• sont déconseillés :
–l'alcool : sous quelque forme que ce soit en ne
dépassant pas 2 verres de vin/j chez l'homme
et 1 verre de vin/j chez la femme,
–la consommation excessive de viandes rouges (au
maximum 500 g/semaine) en évitant les modes
de cuisson au barbecue ou directement sur la
flamme. La viande rouge peut être utilement
remplacée par de la viande blanche, du poisson,
de la volaille ou des œufs. La part des charcuteries grasses ou très salées doit être réduite,
–la consommation de sel et d'aliments salés est
délétère.
Au total, le profil d'une alimentation diversifiée, relativement frugale et équilibrée développée
dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires s'applique également au cancer. Les
compléments alimentaires ou les supplémentations en additifs divers n'ont pas apporté la preuve
scientifique de leur intérêt. Les régimes dits « anticancer », souvent très déséquilibrés, n'ont pas fait
la preuve de leur efficacité.
Le stockage des denrées périssables doit limiter
le risque de contamination fongique. La réfrigération et la congélation ralentissent la pullulation
microbienne et la production des nitrosamines et
réduisent le recours aux salaisons et fumaisons.
La préparation des aliments doit privilégier la
cuisson à température modérée. La consommation d'aliments trop grillés ou brûlés doit être
occasionnelle.
apports habituels. La prise en charge nutritionnelle du patient cancéreux doit être intégrée au
projet de soins spécifiques.
Dénutrition cancéreuse
La dénutrition cancéreuse est secondaire à :
•une réduction des apports nutritionnels (anorexie, modification du goût, asthénie, syndrome
dépressif, effets centraux des cytokines inflammatoires, mucite post-thérapeutique) ;
•une augmentation des dépenses énergétiques
lorsque la maladie est évoluée ;
• un besoin protéique accru par augmentation du
catabolisme ;
• une déperdition des réserves adipeuses due à un
facteur lipolytique d'origine tumorale.
Nutrition et traitement
anticancéreux
La prise en charge nutritionnelle appartient pleinement aux soins de support listés dans la circulaire du 20 février 2005 sur l'organisation des
soins en cancérologie.
•La plupart des médications anticancéreuses
entraînent des nausées et des vomissements
qu'il faut prévenir par des anti-émétiques avant,
pendant et dans les jours qui suivent la
chimiothérapie.
•L'anorexie et l'asthénie sont habituelles, même
avec les médicaments ciblés moins émétisants.
• L'appétit ne peut être maintenu ou amélioré sans
une prise en charge globale de la douleur, des
troubles psychologiques, des mycoses buccales
et des troubles digestifs.
•Les troubles du goût sont fréquents (voir encadré ci-après).
•La radiothérapie est responsable d'une asthénie
et d'une anorexie et, dans les cancers ORL
notamment, d'une mucite qui empêche souvent
toute prise alimentaire orale.
•La chirurgie génère une asthénie et une anorexie postopératoires.
Tous ces traitements relèvent d'une prise en
charge nutritionnelle spécifique avec, parfois, une
assistance nutritionnelle par voie entérale ou
parentérale pour éviter l'installation souvent très
rapide d'une dénutrition qui est un redoutable facteur de morbidité et d'intolérance au traitement.
Prise en charge nutritionnelle
du patient cancéreux
La maladie cancéreuse expose à un risque permanent de dénutrition soit du fait de l'évolution du
cancer soit du fait du traitement. La signification
pronostique péjorative de la dénutrition qui diminue les défenses et altère davantage encore la qualité de vie rend son dépistage et son traitement
précoce hautement souhaitables.
L'évaluation systématique des ingesta par une
échelle analogique visuelle permet d'identifier les
patients à risque de dénutrition dès lors que les
ingesta sont diminués d'un tiers par rapport aux
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VI. Pathologies générales
Le traitement de la dénutrition chez un cancéreux n'a pas de particularités remarquables.
L'objectif est d'apporter dans les meilleures conditions mais par tous les moyens possibles des aliments facilement absorbables, quantitativement
suffisants et qualitativement adaptés à la situation
clinique et métabolique. Les indications des compléments nutritionnels oraux, de la nutrition entérale ou parentérale sont les mêmes que dans le
traitement de la dénutrition d'autres étiologies
(voir chapitre 7).
Les modifications du goût
• aliments semblant trop salés : éviter les aliments naturellement salés ; privilégier les aliments frais ou congelés (conserves riches en sel) ;
• perception d'un goût métallique : poissons,
œufs, féculents et légumes en préférant les
légumes aux féculents. Les mets gagnent à être
accompagnés d'une sauce de type béchamel.
Lorsqu'il n'existe pas de contre-indications (traitement immunosuppresseur), la consommation
d'un pamplemousse en début de repas permet de
neutraliser ce goût.
Le dégoût alimentaire est limité par :
• la prise de plats froids (jambon, volaille froide,
rôti) ;
• l'éviction des aliments qui sont l'objet d'un
dégoût ;
• l'éloignement des odeurs (hotte, aération de la
cuisine).
Une modification du goût des aliments survenant fréquemment au cours de la chimiothérapie peut induire une perte d'appétit. Il est donc
important d'en limiter les conséquences par
quelques solutions et astuces adaptées aux problèmes :
• aliments paraissant fades : privilégier les aliments à goût fort (fromages fermentés, charcuterie, jambon fumé, etc.) ; confectionner des
sauces à base de citron, de soja et utiliser de la
moutarde, du raifort ou du ketchup ;
• aliments paraissant amers : remplacer la
viande rouge par des viandes blanches, du poisson, des œufs, des préparations à base de laitages ou d'œufs. Utiliser des aliments à base de
menthe pour la sensation de fraîcheur ;
Les fiches diététiques 34.1 et 34.2 proposent
une synthèse de l'alimentation du malade cancéreux.
Fiche diététique 34.1
Alimentation du malade cancéreux
Principes généraux
L'état de santé dépend pour une grande part
du maintien des apports à un bon niveau pour
empêcher l'apparition d'une dénutrition. La
vigilance alimentaire et la surveillance pondérale sont des éléments importants de la prise
en charge quels que soient le stade de la maladie ou le traitement. En pratique, tout cancéreux est à risque de dénutrition. Il faut qu'il en
soit conscient grâce à une information fournie
dans le cadre de l'éducation thérapeutique.
L'alerte nutritionnelle doit être donnée pour
toute perte pondérale supérieure à 1 kg.
L'alimentation doit être suffisante et variée.
À la phase de rémission ou à distance des
séquences thérapeutiques, l'alimentation souhaitable est une alimentation standard équilibrée tant qu'elle est tolérée.
La prévention et la lutte contre la dénutrition
peuvent faire appel à :
 une alimentation enrichie sur le plan énergétique ;
 des compléments nutritifs oraux administrés dans les règles de l'art (voir chapitre 7) ;
 une nutrition artificielle.
Le fractionnement des prises alimentaires sur
la base de trois repas et deux collations est un
moyen intéressant pour maintenir des apports
suffisants en dépit de l'anorexie et des effets
secondaires des traitements.
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Chapitre 34. Nutrition et cancer
L'enrichissement alimentaire relève des
mêmes principes que chez la personne âgée
dénutrie (voir chapitre 3).
Les aliments facilement absorbables sont à
privilégier : produits laitiers, œufs et féculents
en purée ou pain trempé.
La poursuite de la perte de poids en rapport
avec des apports insuffisants en dépit de la
mise en œuvre de ces préceptes est une indication de nutrition artificielle.
 Les légumes cuits éventuellement mixés
ou mélangés aux féculents ou à un potage
sont souhaitables à chaque repas.
 Les légumes crus et la salade peuvent être
consommés en fonction de la tolérance
individuelle.
 Le repas est complété par des fruits pelés et
bien mûrs.
 Les matières grasses et surtout les huiles
sont utilisées autant que de besoin pour
rendre l'alimentation plus savoureuse.
 L'appétit est préservé en évitant la prise
de produits sucrés avant ou au début du
repas.
 L'eau plate ou aromatisée est la boisson
idéale et les boissons alcooliques doivent être
limitées. Le fait de boire modérément pendant la prise alimentaire ramollit et humecte
les aliments, ce qui facilite la déglutition.
Choix des aliments
 L'alimentation quotidienne doit être suffisante, variée et équilibrée ce qui revient à
consommer des produits laitiers à chaque
repas (petit-suisse, faisselle, yaourt, fromage blanc), de la viande ou du poisson au
moins 1 fois par jour et jusqu'à cinq œufs
par semaine.
 Les céréales et/ou les féculents sont idéalement présents à chaque repas.
Fiche diététique 34.2
Alimentation du malade cancéreux : situations particulières
Chimiothérapie
Principes généraux
La plupart des drogues anticancéreuses sont
émétisantes et sont de plus à l'origine d'une
anorexie, d'une perte ou d'une modification
du goût et d'une bouche sèche. L'approche
diététique est un complément important des
drogues anti-émétisantes.
L'objectif est de manger mieux et plus « utile »
en augmentant la densité énergétique du bol
alimentaire à volume constant. En effet, il serait
illusoire de vouloir faire manger plus. Pour
atteindre cet objectif, les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont d'une grande utilité.
Quelques conseils pratiques aident à améliorer la tolérance alimentaire :
 réduire l'alimentation le jour de la chimiothérapie ;
 éviter les odeurs de cuisine ;
 privilégier les repas froids, neutres ;
 améliorer la présentation des plats ;
 préparer des repas « portionnables » à
l'avance afin de faciliter le fractionnement
de la prise alimentaire ;
 ne pas trop saler et utiliser avec doigté les
épices et les condiments pour exhauster le
goût ;
 ne pas forcer à manger mais donner envie
en s'adressant aux sens et à l'imaginaire ;
 ne pas imposer d'heures fixes ;
 manifester de l'empathie.
Choix des aliments
Il s'agit de maintenir les apports alimentaires
en faisant manger mieux sans manger plus.
Les besoins en micronutriments d'un patient
cachectique sont identiques à ceux d'un sujet
sain.

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VI. Pathologies générales

Des conseils alimentaires généraux simples
et pratiques à enseigner au patient ou à son
entourage facilitent l'alimentation en ne perdant pas de vue qu'il faut donner envie de
manger :
 améliorer la présentation des plats en privilégiant la fraîcheur, les viandes blanches, le
poisson, les légumes, les fruits, la glace ;
 favoriser le fractionnement des repas en
préparant des repas « portionnables » à
l'avance ;
 éviter les plats en sauce, les fritures ;
 enrichir les préparations (beurre, œufs, fromage râpé, crème, etc.) ;
 boire plutôt entre les repas. Ni boissons
alcoolisées (sauf demande express) ni boissons gazeuses ;
 utiliser des exhausteurs de goût discrets (ne
pas trop saler, éviter les épices fortes) ;
 manger dans un endroit agréable (pas à la
cuisine en raison des odeurs), sans se forcer
et sans s'imposer d'horaires stricts ;
 recourir aux compléments nutritionnels
pour atteindre un apport énergétique suffisant (> 1500 kcal/j) en variant les arômes,
les températures et les textures et en
les proposant en dehors des repas (voir
tableau ci-dessous).
Compléments nutritionnels oraux (CNO) disponibles
Types de CNO
Présentation
Noms commerciaux
Eau gélifiée
Poudre
Clinutren® instant thickener
Resource® thicken up
Gelodiet® poudre
Magic Mix®
Nutilis®
Apports
Pot sucré ou
édulcoré
Clinutren® thickened drink
Resource® eau gélifiée
Gelodiet®
0 à 125 kcal/unité
CNO ternaires liquides :
– hypercaloriques
– hyperprotéinés
– avec ou sans fibres
– avec ou sans lactose
– sucrés ou édulcorés
– salés
– Crème liquide
aromatisée
– Flacon
– Canette
– Potage
Clinutren HP/HC
Clinutren® 1,5
Fortimel®
Delical®
Protenplus®
Resource® DB
Diasip®
Fresubin® 2 kcal drink
Renutryl®
Clinutren® 1,5 soup
Resource® soup
Delical® potage
– 300 kcal à
400 kcal/20 g prot.
– 600 kcal/38 g prot.
– 200 à 300 kcal/11 à
14 g prot.
CNO ternaires pâteux :
– hypercaloriques
– hyperprotéinés
– avec ou sans fibres
– avec ou sans lactose
– sucré ou édulcoré
– salés
– Crème dessert
(125/200 g)
– Poudre en boîte
– Repas mixé
(300 g)
Fresubin® crème
Clinutren® dessert
Fortimel® crème
Floridine®
Delical® crème
Resource® crème DB
Resource® céréales HP
Resource® céréales instant
Clinutren® céréales
Delical® plat mixé
Resource® menu energy
Resource® mix
HP/Clinutren® mix
– 130 à 260 kcal/9 à
19 g prot.
– 300 à 500 kcal/21 à
30 g prot.
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Chapitre 34. Nutrition et cancer
Jus hyperprotéiné :
– hypercalorique (sans
lipides)
– sucré ou édulcoré
Flacon 200 mL
aromatisés
Provide Xtra®
Clinutren® fruits
Fortimel® jucy
Delical® boisson fruitée
Protéines (protéines de
lait)
Poudre
Resource® instant protéines
Protifar® plus
Delical® poudre de protéines
Mucite chimio- ou radio-induite
200 à 300 kcal/8 à 11 g
prot.
 manger lentement de petites quantités d'une alimentation onctueuse à texture « molle » : hachée, purées, bouillies
épaisses, alimentation mixée, « petits pots
de bébé », fromages frais, crèmes, flans ;
 potages enrichis mixés, milk-shakes,
yaourts liquides, CNO liquides ;
 privilégier les produits laitiers et les glaces ;
 l'ananas mâché assez longuement nettoie
les muqueuses en cas de mycose ;
 supprimer la pomme de terre dont les particules sont irritantes ;
 utiliser des compléments nutritionnels
froids ou glacés ;
 boire à la paille pour réduire le contact avec
la muqueuse ;
 en cas de dysphagie aux liquides, utiliser
une poudre épaississante dans les préparations liquides afin d'assurer une hydratation suffisante.
Si l'alimentation orale est impossible, il y a
lieu d'envisager une alimentation artificielle.
La mucite, fréquente après la radiothérapie
et certaines chimiothérapies (fluoro-uracile),
se manifeste par une sécheresse buccale, une
altération du goût, des ulcérations et des douleurs responsables d'une odynophagie avec
une quasi-incapacité à s'alimenter.
Dans l'attente de l'efficacité du traitement
médicamenteux (bains de bouche à l'eau
bicarbonatée, antalgiques, xylocaïne visqueuse appliquée sur les lésions et antifongiques), quelques conseils diététiques aident
à passer le cap (voir tableau ci-après) :
 ne pas s'alimenter ou boire immédiatement
après l'administration des traitements ;
 écarter les aliments irritants (épices, alcool,
sel, vinaigre, condiments acides, croûtes du
pain, trop chauds…) ;
 sucer des glaçons ;
 proposer une alimentation tiède ou froide,
de texture lisse, peu sucrée, peu salée, ni
acide ni irritante ;
Aliments autorisés et interdits en cas de mucite (adaptation à faire selon la tolérance
personnelle)
Aliments
Aliments interdits
Aliments autorisés
Viandes
Charcuterie
Poisson
– Viandes et poissons panés
– Poisson en conserve au vin ou
au vinaigre
–
–
–
–
Laitages
Fromage fermenté
Fromage fort (chèvre)
– Tous les laits, fromage blanc, fromages à pâte molle
ou à pâte cuite
– Yaourt
Céréales et
féculents
Croûte de pain
Pommes de terre en flocon
(irritation des muqueuses)
Purée de pommes de terre seule
– Mie de pain, biscottes trempées
– Pâtes, riz bien cuit, semoule, tapioca, flocons
d'avoine
– Légumes secs selon tolérance
Légumes
Tous, si crus
Tomates (irritantes)
– Tous mais cuits
– Assaisonnement sans vinaigre ni citron ni vinaigrette
Toutes les viandes et poissons cuisinés
Quenelles
Viande hachée
Toutes les charcuteries

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VI. Pathologies générales

Aliments
Aliments interdits
Aliments autorisés
Fruits
Tous, si crus
Fruits à coques
– Tous si cuits
– Banane selon tolérance
Matières
grasses
Toutes y compris la mayonnaise
Produits sucrés
Desserts à l'alcool
– Pâtisserie
– Glace
– Flan
Boissons
– Toutes les boissons alcooliques
– Jus de fruits pur jus
– Eau gazeuse
–
–
–
–
Condiments
Tous
Sel en quantité modérée
Eau
Eau aromatisée, sirop
Café, thé, tisane, chocolat
Bouillon
Hyposialorrhée
 privilégier une alimentation à base de féculents (riz, pâtes) ;
 boire abondamment notamment des sodas
dégazéifiés (cola) servis à température
ambiante ;
 boire du thé noir infusé ;
 consommer des boissons salées en cas de
diarrhée profuse ;
 limiter le lait (lactose) ;
 supprimer les fibres des légumes et des
fruits crus, les légumineuses, les céréales
complètes.
 Provoquer une stimulation salivaire par
mâchonnement ou en suçant des bonbons
acidulés.
 Assurer une alimentation moelleuse en
ajoutant de la crème, du beurre, de la
sauce, de la mayonnaise et avaler une cuillère à soupe d'huile avant le repas.
 Boire, en particulier pendant les repas.
 Limiter les épices, la moutarde, l'alcool, les
agrumes, les tomates, l'ananas et les noix.
Diarrhée chimio- ou radio-induite
En plus du traitement médicamenteux symptomatique, des mesures diététiques sont utiles
à conseiller :
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