Diététique en pratique médicale courante © 2014, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Nutrition et cancer Les cancers sont des maladies multifactorielles dans le déterminisme duquel interviennent des facteurs individuels (prédisposition génétique, âge) et des facteurs liés à l'environnement et au comportement : tabagisme, consommation d'alcool, habitudes alimentaires, nature des aliments et exposition à risque (soleil, infections virales chroniques, produits toxiques). On estime à 30 % la part de l'alimentation dans la genèse des cancers, mais il est bien difficile d'établir des liens de causalité, sauf exception. L'hypothèse avancée pour expliquer les liens entre la cancérogenèse et la nutrition est l'interaction des nutriments avec : • l'expression des oncogènes ; • la régulation épigénétique ; •les mécanismes de réparation des lésions des acides nucléiques. En l'état, les données disponibles justifient des actions préventives de santé publique. L'évolution d'un cancer avéré soulève également de nombreux problèmes nutritionnels dans la mesure où elle expose, directement ou indirectement (du fait du traitement), à des difficultés alimentaires et au risque de dénutrition. Un diagnostic nutritionnel et une prise en charge diététique spécifique sont à même d'améliorer la qualité de vie et le pronostic. 34 Chapitre naises des première et deuxième générations ayant émigré aux États-Unis dont l'incidence du cancer du côlon, très basse au Japon, a rejoint celle de la population américaine. Ceci illustre à l'évidence le rôle de l'environnement et, plus particulièrement, des habitudes alimentaires qui sont peu à peu devenues celles du pays d'accueil. L'alimentation intervient potentiellement à tous les stades de la cancérogenèse : • initiation : elle est due à la mutation d'un gène cellulaire induite par un carcinogène de l'environnement qui s'avère génotoxique. Son action peut être contrée par les anti-oxydants, les enzymes de réparation de l'ADN, ou par des enzymes de détoxification des carcinogènes. L'alimentation est rarement carcinogène par ce biais mais intervient soit par contamination par un carcinogène, soit en interagissant avec les phénomènes de protection (par exemple une alimentation pro-oxydante) ; • promotion tumorale : des événements non génotoxiques favorisent la prolifération de la cellule initiée en clone. À ce stade, l'alimentation peut jouer un rôle en encourageant la synthèse de facteurs de croissance et en modifiant la signalisation intracellulaire ; • croissance et dissémination tumorales : la transition entre tumeur bénigne et maligne et la dissémination sont favorisées par des facteurs de croissance pouvant être modulés par l'alimentation et par des nutriments comme les acides gras. Une forte dose d'anti-oxydants peut jouer un rôle défavorable en s'opposant à la mort cellulaire des cellules mutées. L'alimentation intervient par : • la nature et la quantité des aliments ; • les polluants qu'elle véhicule ; •les traitements culinaires qui modifient les nutriments. Mécanismes de la relation alimentation–cancer L'impact de l'alimentation sur la cancérogenèse est inégal comme le suggère la grande variation géographique de l'incidence des cancers en rapport avec certaines habitudes alimentaires. L'interaction entre l'alimentation et le génome est bien illustrée par l'étude des populations japo- 321 0002102187.INDD 321 4/17/2014 7:13:39 PM VI. Pathologies générales Le poids corporel, l'activité physique, le déséquilibre alimentaire, l'exposition à d'autres facteurs cancérigènes et l'état physiologique sont d'autres paramètres à prendre en compte. Surcharge pondérale L'obésité et le surpoids sont des facteurs de risque indépendants de certains cancers (sein, endomètre, œsophage, côlon, etc.). Une augmentation de 5 kg/m2 de l'IMC serait associée à une augmentation significative du risque de cancer de l'œsophage, du rein et de l'endomètre (voir encadré ci-après). En corollaire, l'exercice physique apparaît comme un facteur protecteur dans plusieurs études. Facteurs nutritionnels et alimentaires (tableaux 34.1 et 34.2) L'état nutritionnel, les aliments et les modes de cuisson peuvent être délétères ou protecteurs. Tableau 34.1 Principaux cancers associés aux habitudes alimentaires VADS Alcool +++ Sel, salaison ++ Estomac Foie Côlon Sein +++ + ++ ++ + Charcuterie ++ Excès, obésité ++ Aflatoxines Endomètre +++ ++ ++ ++ VADS : voies aérodigestives supérieures. Tableau 34.2 Principaux aliments ou micronutriments ayant un effet positif sur la prévention des cancers VADS Poumon Estomac Côlon Sein Prostate Vessie Légumes ++ ++ +++ +++ ++ + + Fruits ++ ++ +++ Caroténoïdes ++ Fibres + Activité Physique +++ Réfrigération +++ Poids et cancer Les mécanismes physiopathologiques de la relation entre l'indice de corpulence et le risque de cancer restent hypothétiques. Il est vraisemblable que les anomalies hormonales associées à l'obésité sont en cause. L'hyperinsulinisme, l'élévation de l'IGF-1 et de sa biodisponibilité, la diminution de l'adipokinémie et l'hyperœstradiolémie liée à l'excès d'activité aromatase du tissu adipeux sont autant de perturbations susceptibles d'être mutagènes. L'existence d'un état inflammatoire de bas grade associé à l'obésité est un autre facteur cancérogène. Par ailleurs, l'excès d'apport énergétique, habituel dans l'obésité, favorise la production d'espèces réactives à l'oxygène favorisant la cancérogenèse. Le surpoids et l'obésité majorent non seulement le risque de certains cancers mais aussi les risques de récidive et de mortalité. L'obésité est un paramètre péjoratif en cas de traitement chirurgical en raison de la plus grande fréquence des complications pré- et postopératoires et des comorbidités plus fréquentes. La prise de poids 322 0002102187.INDD 322 4/17/2014 7:13:39 PM Chapitre 34. Nutrition et cancer observée dans les cancers du côlon et du sein traités est également assortie d'un pronostic évolutif plus mauvais. L'impact de l'activité physique qui a un effet favorable sur la gestion du poids et de la masse grasse s'avère bénéfique quant à l'incidence et au pronostic de certains cancers. Modérée ou soutenue, elle est associée à une diminution du risque de cancer colorectal de l'ordre de 30 à 40 %. Il n'y a pas à ce jour d'études prouvant le bénéfice d'une perte de poids quant au pronostic d'un cancer traité. Néanmoins, en l'état des données disponibles, il est légitime de postuler qu'une réduction des apports énergétiques dans le cadre d'une alimentation équilibrée et la pratique régulière d'une activité physique sont à même de prévenir le cancer chez un sujet en bonne santé et chez les survivants d'un cancer traité. Alcool Fruits, légumes et fibres alimentaires Le lien entre alcool et cancers des voies aéro digestives supérieures (VADS) de même qu'entre alcool et cancer primitif du foie repose sur un haut niveau de preuve. Il existe également une relation entre alcool et cancer du sein ou colorectal. Il existe un effet-dose mais le risque apparaît même pour une consommation faible d'alcool (10 g/j) sans qu'il y ait de véritable seuil. Le rôle protecteur des fruits et légumes est probable. Un niveau de consommation élevé de fruits et légumes est associé à une réduction de l'incidence globale des cancers (VADS, poumon, estomac, pancréas, côlon, rectum et vessie). L'effet protecteur des fruits et légumes est attribué à la réduction du stress oxydatif et à une meilleure détoxification des xénobiotiques carcinogènes. Il s'y ajoute un possible effet favorable des microconstituants de type polyphénols (flavonols des pommes, catéchine du raisin, anthocyanes des fruits rouges, etc.) ou des caroténoïdes comme le lycopène dont la tomate est riche. Le rôle protecteur des fibres a été surestimé. L'ajustement de l'apport en fibres sur les principaux facteurs de risque à partir des données épidémiologiques disponibles met en évidence une diminution non significative du cancer du côlon attribuable aux fibres. En revanche, une consommation insuffisante (< 10 g/j) est associée à une augmentation significative du risque de cancer du côlon. Graisses Une augmentation du risque de cancer liée à la consommation de graisses a été décrite chez la femme ménopausée. Elle est attribuée à une augmentation de la production endogène accrue d'œstrogènes. La réduction de 15 % des apports énergétiques par une diminution des graisses semble associée à un moindre risque de rechute du cancer du sein en rémission. Viande rouge et poisson Anti-oxydants et micronutriments Il existe une corrélation entre une consommation importante de viandes rouges ou transformées (> 160 g/j) versus une consommation faible (< 20 g/j) et l'incidence du cancer colorectal (augmentation du risque de 35 %). La combustion des graisses contenues dans les viandes cuites à haute température ou sur la flamme (barbecue) produit des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des amines hétérocycliques hautement cancérogènes. Il est souhaitable de ne pas consommer les parties carbonisées. Une consommation élevée de poisson (> 80 g/j) versus faible (< 10 g/j) est associée à une diminution du risque de cancer colorectal (−31 %). Une supplémentation en anti-oxydants (vitamine A, bêtacarotène, vitamine C, vitamine E, sélénium) n'a pas d'effets sur l'incidence des cancers ou sur la mortalité par cancer (revue Cochrane). Les résultats de l'étude de supplémentation SU.VI. MAX réalisée en France confirment cet avis bien qu'une analyse par sous-groupe ait montré une diminution de l'incidence des cancers uniquement chez les hommes supplémentés. Les effets antiprolifératifs et de différenciation de la vitamine D et du calcium mis en évidence expérimentalement n'ont pas été retrouvés chez l'homme. 323 0002102187.INDD 323 4/17/2014 7:13:40 PM VI. Pathologies générales Composants alimentaires cancérogènes Certains composants des aliments, naturels ou formés ou introduits secondairement, peuvent s'avérer cancérogènes expérimentalement : • nitrosamines : ces substances hautement cancérigènes néoformées en milieu acide (cavité gastrique), par l'action des nitrites sur les amines secondaires contenues dans l'alimentation, ou présentes dans les aliments eux-mêmes seraient responsables de cancers gastriques ; •aflatoxine : cette mycotoxine produite par une moisissure de l'arachide favorise l'apparition de cancers hépatocellulaires en présence d'une co-infection virale (virus de l'hépatite B) ; • pesticides : parmi la centaine de pesticides utilisés, il en est peu dont le pouvoir cancérogène a été établi ; certains auraient une action synergique avec d'autres carcinogènes ; •additifs : bien qu'ils soient souvent incriminés, aucune preuve n'a permis d'établir le potentiel cancérogène des additifs autorisés ; • édulcorants intenses : aucun édulcorant n'apparaît cancérogène aux doses autorisées, mais la polémique persiste au sujet de l'aspartame ; •substances produites par les procédés culinaires : des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) peuvent se former par pyrosynthèse lors du fumage, du grillage des viandes ou de la torréfaction. Les HAP qui ont un effet mutagène sont responsables de cancers du poumon et de l'estomac chez la souris. Prévention nutritionnelle des cancers Principes Les mesures préventives alimentaires préconisées sont argumentées par les résultats des études épidémiologiques. Elles varient quelque peu selon le cancer considéré : • la consommation d'alcool, l'excès calorique et la surcharge pondérale accroissent le risque du cancer du sein. Une alimentation riche en légumes le réduit ; •il est probable qu'une alimentation riche en viandes et en produits céréaliers raffinés, avec un apport alcoolique important et un apport en fibres insuffisant, favorise le cancer colorectal, alors qu'une activité physique régulière et une alimentation à faible charge énergétique pourraient en réduire l'incidence de près de 50 % ; • le cancer de l'estomac est avant tout lié à l'infection par Helicobacter pylorii, et non plus à l'ingestion de nitrosamines. Une alimentation trop salée et trop riche en salaisons et fumaisons pourrait favoriser la persistance de cette infection ; •une alimentation riche en fruits et légumes pourrait diminuer l'incidence du cancer du poumon de près de 30 %. Il va de soi que ces considérations émises à propos d'un type de cancer n'ont de sens que dans le cadre d'une alimentation standard équilibrée. Un débat persiste pour quelques aliments et leurs composés. Il en est ainsi des phytoestrogènes, du lait et du calcium (à la fois protecteurs et possiblement nocifs selon la dose) et d'une subcarence en vitamine D qui aurait un effet délétère. Recommandations L'Institut national du cancer et le réseau NACRe (réseau National Alimentation Cancer Recherche) ont formulé des recommandations pour la prévention des cancers fondées sur quelques grands principes intégrés dans le PNNS : • sont conseillés : –une consommation de fruits et légumes à hauteur de 400 g/j associée à un régime équilibré diversifié, –une alimentation riche en fibres, –le maintien d'une corpulence normale dès l'enfance en évitant les aliments à forte charge énergétique, –l'allaitement maternel qui est associé à une moindre incidence du cancer du sein, –une activité physique régulière : –plusieurs essais randomisés contrôlés ont montré qu'une activité physique était indiquée en prévention primaire, secondaire et comme adjuvant thérapeutique, –pratiquée de façon régulière avant mais aussi pendant et après le traitement d'un cancer, elle améliore la qualité de vie, diminue la sensation de fatigue et est associée 324 0002102187.INDD 324 4/17/2014 7:13:40 PM Chapitre 34. Nutrition et cancer à une réduction significative du risque de mortalité globale et du taux de récidive ; • sont déconseillés : –l'alcool : sous quelque forme que ce soit en ne dépassant pas 2 verres de vin/j chez l'homme et 1 verre de vin/j chez la femme, –la consommation excessive de viandes rouges (au maximum 500 g/semaine) en évitant les modes de cuisson au barbecue ou directement sur la flamme. La viande rouge peut être utilement remplacée par de la viande blanche, du poisson, de la volaille ou des œufs. La part des charcuteries grasses ou très salées doit être réduite, –la consommation de sel et d'aliments salés est délétère. Au total, le profil d'une alimentation diversifiée, relativement frugale et équilibrée développée dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires s'applique également au cancer. Les compléments alimentaires ou les supplémentations en additifs divers n'ont pas apporté la preuve scientifique de leur intérêt. Les régimes dits « anticancer », souvent très déséquilibrés, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Le stockage des denrées périssables doit limiter le risque de contamination fongique. La réfrigération et la congélation ralentissent la pullulation microbienne et la production des nitrosamines et réduisent le recours aux salaisons et fumaisons. La préparation des aliments doit privilégier la cuisson à température modérée. La consommation d'aliments trop grillés ou brûlés doit être occasionnelle. apports habituels. La prise en charge nutritionnelle du patient cancéreux doit être intégrée au projet de soins spécifiques. Dénutrition cancéreuse La dénutrition cancéreuse est secondaire à : •une réduction des apports nutritionnels (anorexie, modification du goût, asthénie, syndrome dépressif, effets centraux des cytokines inflammatoires, mucite post-thérapeutique) ; •une augmentation des dépenses énergétiques lorsque la maladie est évoluée ; • un besoin protéique accru par augmentation du catabolisme ; • une déperdition des réserves adipeuses due à un facteur lipolytique d'origine tumorale. Nutrition et traitement anticancéreux La prise en charge nutritionnelle appartient pleinement aux soins de support listés dans la circulaire du 20 février 2005 sur l'organisation des soins en cancérologie. •La plupart des médications anticancéreuses entraînent des nausées et des vomissements qu'il faut prévenir par des anti-émétiques avant, pendant et dans les jours qui suivent la chimiothérapie. •L'anorexie et l'asthénie sont habituelles, même avec les médicaments ciblés moins émétisants. • L'appétit ne peut être maintenu ou amélioré sans une prise en charge globale de la douleur, des troubles psychologiques, des mycoses buccales et des troubles digestifs. •Les troubles du goût sont fréquents (voir encadré ci-après). •La radiothérapie est responsable d'une asthénie et d'une anorexie et, dans les cancers ORL notamment, d'une mucite qui empêche souvent toute prise alimentaire orale. •La chirurgie génère une asthénie et une anorexie postopératoires. Tous ces traitements relèvent d'une prise en charge nutritionnelle spécifique avec, parfois, une assistance nutritionnelle par voie entérale ou parentérale pour éviter l'installation souvent très rapide d'une dénutrition qui est un redoutable facteur de morbidité et d'intolérance au traitement. Prise en charge nutritionnelle du patient cancéreux La maladie cancéreuse expose à un risque permanent de dénutrition soit du fait de l'évolution du cancer soit du fait du traitement. La signification pronostique péjorative de la dénutrition qui diminue les défenses et altère davantage encore la qualité de vie rend son dépistage et son traitement précoce hautement souhaitables. L'évaluation systématique des ingesta par une échelle analogique visuelle permet d'identifier les patients à risque de dénutrition dès lors que les ingesta sont diminués d'un tiers par rapport aux 325 0002102187.INDD 325 4/17/2014 7:13:40 PM VI. Pathologies générales Le traitement de la dénutrition chez un cancéreux n'a pas de particularités remarquables. L'objectif est d'apporter dans les meilleures conditions mais par tous les moyens possibles des aliments facilement absorbables, quantitativement suffisants et qualitativement adaptés à la situation clinique et métabolique. Les indications des compléments nutritionnels oraux, de la nutrition entérale ou parentérale sont les mêmes que dans le traitement de la dénutrition d'autres étiologies (voir chapitre 7). Les modifications du goût • aliments semblant trop salés : éviter les aliments naturellement salés ; privilégier les aliments frais ou congelés (conserves riches en sel) ; • perception d'un goût métallique : poissons, œufs, féculents et légumes en préférant les légumes aux féculents. Les mets gagnent à être accompagnés d'une sauce de type béchamel. Lorsqu'il n'existe pas de contre-indications (traitement immunosuppresseur), la consommation d'un pamplemousse en début de repas permet de neutraliser ce goût. Le dégoût alimentaire est limité par : • la prise de plats froids (jambon, volaille froide, rôti) ; • l'éviction des aliments qui sont l'objet d'un dégoût ; • l'éloignement des odeurs (hotte, aération de la cuisine). Une modification du goût des aliments survenant fréquemment au cours de la chimiothérapie peut induire une perte d'appétit. Il est donc important d'en limiter les conséquences par quelques solutions et astuces adaptées aux problèmes : • aliments paraissant fades : privilégier les aliments à goût fort (fromages fermentés, charcuterie, jambon fumé, etc.) ; confectionner des sauces à base de citron, de soja et utiliser de la moutarde, du raifort ou du ketchup ; • aliments paraissant amers : remplacer la viande rouge par des viandes blanches, du poisson, des œufs, des préparations à base de laitages ou d'œufs. Utiliser des aliments à base de menthe pour la sensation de fraîcheur ; Les fiches diététiques 34.1 et 34.2 proposent une synthèse de l'alimentation du malade cancéreux. Fiche diététique 34.1 Alimentation du malade cancéreux Principes généraux L'état de santé dépend pour une grande part du maintien des apports à un bon niveau pour empêcher l'apparition d'une dénutrition. La vigilance alimentaire et la surveillance pondérale sont des éléments importants de la prise en charge quels que soient le stade de la maladie ou le traitement. En pratique, tout cancéreux est à risque de dénutrition. Il faut qu'il en soit conscient grâce à une information fournie dans le cadre de l'éducation thérapeutique. L'alerte nutritionnelle doit être donnée pour toute perte pondérale supérieure à 1 kg. L'alimentation doit être suffisante et variée. À la phase de rémission ou à distance des séquences thérapeutiques, l'alimentation souhaitable est une alimentation standard équilibrée tant qu'elle est tolérée. La prévention et la lutte contre la dénutrition peuvent faire appel à : une alimentation enrichie sur le plan énergétique ; des compléments nutritifs oraux administrés dans les règles de l'art (voir chapitre 7) ; une nutrition artificielle. Le fractionnement des prises alimentaires sur la base de trois repas et deux collations est un moyen intéressant pour maintenir des apports suffisants en dépit de l'anorexie et des effets secondaires des traitements. 326 0002102187.INDD 326 4/17/2014 7:13:40 PM Chapitre 34. Nutrition et cancer L'enrichissement alimentaire relève des mêmes principes que chez la personne âgée dénutrie (voir chapitre 3). Les aliments facilement absorbables sont à privilégier : produits laitiers, œufs et féculents en purée ou pain trempé. La poursuite de la perte de poids en rapport avec des apports insuffisants en dépit de la mise en œuvre de ces préceptes est une indication de nutrition artificielle. Les légumes cuits éventuellement mixés ou mélangés aux féculents ou à un potage sont souhaitables à chaque repas. Les légumes crus et la salade peuvent être consommés en fonction de la tolérance individuelle. Le repas est complété par des fruits pelés et bien mûrs. Les matières grasses et surtout les huiles sont utilisées autant que de besoin pour rendre l'alimentation plus savoureuse. L'appétit est préservé en évitant la prise de produits sucrés avant ou au début du repas. L'eau plate ou aromatisée est la boisson idéale et les boissons alcooliques doivent être limitées. Le fait de boire modérément pendant la prise alimentaire ramollit et humecte les aliments, ce qui facilite la déglutition. Choix des aliments L'alimentation quotidienne doit être suffisante, variée et équilibrée ce qui revient à consommer des produits laitiers à chaque repas (petit-suisse, faisselle, yaourt, fromage blanc), de la viande ou du poisson au moins 1 fois par jour et jusqu'à cinq œufs par semaine. Les céréales et/ou les féculents sont idéalement présents à chaque repas. Fiche diététique 34.2 Alimentation du malade cancéreux : situations particulières Chimiothérapie Principes généraux La plupart des drogues anticancéreuses sont émétisantes et sont de plus à l'origine d'une anorexie, d'une perte ou d'une modification du goût et d'une bouche sèche. L'approche diététique est un complément important des drogues anti-émétisantes. L'objectif est de manger mieux et plus « utile » en augmentant la densité énergétique du bol alimentaire à volume constant. En effet, il serait illusoire de vouloir faire manger plus. Pour atteindre cet objectif, les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont d'une grande utilité. Quelques conseils pratiques aident à améliorer la tolérance alimentaire : réduire l'alimentation le jour de la chimiothérapie ; éviter les odeurs de cuisine ; privilégier les repas froids, neutres ; améliorer la présentation des plats ; préparer des repas « portionnables » à l'avance afin de faciliter le fractionnement de la prise alimentaire ; ne pas trop saler et utiliser avec doigté les épices et les condiments pour exhauster le goût ; ne pas forcer à manger mais donner envie en s'adressant aux sens et à l'imaginaire ; ne pas imposer d'heures fixes ; manifester de l'empathie. Choix des aliments Il s'agit de maintenir les apports alimentaires en faisant manger mieux sans manger plus. Les besoins en micronutriments d'un patient cachectique sont identiques à ceux d'un sujet sain. 327 0002102187.INDD 327 4/17/2014 7:13:41 PM VI. Pathologies générales Des conseils alimentaires généraux simples et pratiques à enseigner au patient ou à son entourage facilitent l'alimentation en ne perdant pas de vue qu'il faut donner envie de manger : améliorer la présentation des plats en privilégiant la fraîcheur, les viandes blanches, le poisson, les légumes, les fruits, la glace ; favoriser le fractionnement des repas en préparant des repas « portionnables » à l'avance ; éviter les plats en sauce, les fritures ; enrichir les préparations (beurre, œufs, fromage râpé, crème, etc.) ; boire plutôt entre les repas. Ni boissons alcoolisées (sauf demande express) ni boissons gazeuses ; utiliser des exhausteurs de goût discrets (ne pas trop saler, éviter les épices fortes) ; manger dans un endroit agréable (pas à la cuisine en raison des odeurs), sans se forcer et sans s'imposer d'horaires stricts ; recourir aux compléments nutritionnels pour atteindre un apport énergétique suffisant (> 1500 kcal/j) en variant les arômes, les températures et les textures et en les proposant en dehors des repas (voir tableau ci-dessous). Compléments nutritionnels oraux (CNO) disponibles Types de CNO Présentation Noms commerciaux Eau gélifiée Poudre Clinutren® instant thickener Resource® thicken up Gelodiet® poudre Magic Mix® Nutilis® Apports Pot sucré ou édulcoré Clinutren® thickened drink Resource® eau gélifiée Gelodiet® 0 à 125 kcal/unité CNO ternaires liquides : – hypercaloriques – hyperprotéinés – avec ou sans fibres – avec ou sans lactose – sucrés ou édulcorés – salés – Crème liquide aromatisée – Flacon – Canette – Potage Clinutren HP/HC Clinutren® 1,5 Fortimel® Delical® Protenplus® Resource® DB Diasip® Fresubin® 2 kcal drink Renutryl® Clinutren® 1,5 soup Resource® soup Delical® potage – 300 kcal à 400 kcal/20 g prot. – 600 kcal/38 g prot. – 200 à 300 kcal/11 à 14 g prot. CNO ternaires pâteux : – hypercaloriques – hyperprotéinés – avec ou sans fibres – avec ou sans lactose – sucré ou édulcoré – salés – Crème dessert (125/200 g) – Poudre en boîte – Repas mixé (300 g) Fresubin® crème Clinutren® dessert Fortimel® crème Floridine® Delical® crème Resource® crème DB Resource® céréales HP Resource® céréales instant Clinutren® céréales Delical® plat mixé Resource® menu energy Resource® mix HP/Clinutren® mix – 130 à 260 kcal/9 à 19 g prot. – 300 à 500 kcal/21 à 30 g prot. 328 0002102187.INDD 328 4/17/2014 7:13:42 PM Chapitre 34. Nutrition et cancer Jus hyperprotéiné : – hypercalorique (sans lipides) – sucré ou édulcoré Flacon 200 mL aromatisés Provide Xtra® Clinutren® fruits Fortimel® jucy Delical® boisson fruitée Protéines (protéines de lait) Poudre Resource® instant protéines Protifar® plus Delical® poudre de protéines Mucite chimio- ou radio-induite 200 à 300 kcal/8 à 11 g prot. manger lentement de petites quantités d'une alimentation onctueuse à texture « molle » : hachée, purées, bouillies épaisses, alimentation mixée, « petits pots de bébé », fromages frais, crèmes, flans ; potages enrichis mixés, milk-shakes, yaourts liquides, CNO liquides ; privilégier les produits laitiers et les glaces ; l'ananas mâché assez longuement nettoie les muqueuses en cas de mycose ; supprimer la pomme de terre dont les particules sont irritantes ; utiliser des compléments nutritionnels froids ou glacés ; boire à la paille pour réduire le contact avec la muqueuse ; en cas de dysphagie aux liquides, utiliser une poudre épaississante dans les préparations liquides afin d'assurer une hydratation suffisante. Si l'alimentation orale est impossible, il y a lieu d'envisager une alimentation artificielle. La mucite, fréquente après la radiothérapie et certaines chimiothérapies (fluoro-uracile), se manifeste par une sécheresse buccale, une altération du goût, des ulcérations et des douleurs responsables d'une odynophagie avec une quasi-incapacité à s'alimenter. Dans l'attente de l'efficacité du traitement médicamenteux (bains de bouche à l'eau bicarbonatée, antalgiques, xylocaïne visqueuse appliquée sur les lésions et antifongiques), quelques conseils diététiques aident à passer le cap (voir tableau ci-après) : ne pas s'alimenter ou boire immédiatement après l'administration des traitements ; écarter les aliments irritants (épices, alcool, sel, vinaigre, condiments acides, croûtes du pain, trop chauds…) ; sucer des glaçons ; proposer une alimentation tiède ou froide, de texture lisse, peu sucrée, peu salée, ni acide ni irritante ; Aliments autorisés et interdits en cas de mucite (adaptation à faire selon la tolérance personnelle) Aliments Aliments interdits Aliments autorisés Viandes Charcuterie Poisson – Viandes et poissons panés – Poisson en conserve au vin ou au vinaigre – – – – Laitages Fromage fermenté Fromage fort (chèvre) – Tous les laits, fromage blanc, fromages à pâte molle ou à pâte cuite – Yaourt Céréales et féculents Croûte de pain Pommes de terre en flocon (irritation des muqueuses) Purée de pommes de terre seule – Mie de pain, biscottes trempées – Pâtes, riz bien cuit, semoule, tapioca, flocons d'avoine – Légumes secs selon tolérance Légumes Tous, si crus Tomates (irritantes) – Tous mais cuits – Assaisonnement sans vinaigre ni citron ni vinaigrette Toutes les viandes et poissons cuisinés Quenelles Viande hachée Toutes les charcuteries 329 0002102187.INDD 329 4/17/2014 7:13:43 PM VI. Pathologies générales Aliments Aliments interdits Aliments autorisés Fruits Tous, si crus Fruits à coques – Tous si cuits – Banane selon tolérance Matières grasses Toutes y compris la mayonnaise Produits sucrés Desserts à l'alcool – Pâtisserie – Glace – Flan Boissons – Toutes les boissons alcooliques – Jus de fruits pur jus – Eau gazeuse – – – – Condiments Tous Sel en quantité modérée Eau Eau aromatisée, sirop Café, thé, tisane, chocolat Bouillon Hyposialorrhée privilégier une alimentation à base de féculents (riz, pâtes) ; boire abondamment notamment des sodas dégazéifiés (cola) servis à température ambiante ; boire du thé noir infusé ; consommer des boissons salées en cas de diarrhée profuse ; limiter le lait (lactose) ; supprimer les fibres des légumes et des fruits crus, les légumineuses, les céréales complètes. Provoquer une stimulation salivaire par mâchonnement ou en suçant des bonbons acidulés. Assurer une alimentation moelleuse en ajoutant de la crème, du beurre, de la sauce, de la mayonnaise et avaler une cuillère à soupe d'huile avant le repas. Boire, en particulier pendant les repas. Limiter les épices, la moutarde, l'alcool, les agrumes, les tomates, l'ananas et les noix. Diarrhée chimio- ou radio-induite En plus du traitement médicamenteux symptomatique, des mesures diététiques sont utiles à conseiller : 330 0002102187.INDD 330 4/17/2014 7:13:43 PM
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