LA REVUE DE LA MTRL REVUE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION DE LA MTRL – N° 83 – SEPTEMBRE 2014 – 1 ¤ Mutuelle et Santé L’hôpital public dans la tourmente financière ÉDITORIAL La Revue de la MTRL Mutuelle et Santé n° 83 VIE DE LA MTRL • Brèves • Plaidoyer pour la médecine intégrative avec le Tout-Lyon • Les rencontres prévention du second semestre • L’info en continu, c’est mtrl-id.com 3 ÉCONOMIE DE LA SANTÉ Le ministère de la Santé organise le black-out sur la transparence… avec des décrets écrits en sous-main par les firmes 8 SOINS ET SANTÉ La contraception par pilule 12 SAVOIR Alcool, quand tu nous tiens ! 14 DOSSIER L’incroyable histoire du BCG 2e partie 18 ZOOM La maladie de Lyme : un casse-tête ! 20 La Revue de la MTRL - Mutuelle et Santé est la publication officielle de la MTRL, une Mutuelle pour tous, 37, avenue Jean-Jaurès 69007 Lyon Tél. : 04 72 60 13 00. Fax : 04 72 60 13 01 N° Azur : 0 810 811 494 Internet : mtrl.fr et reflexe-prevention-sante.mtrl.fr Second site web : mtrl-id.com e-mail : [email protected] et [email protected] N° de CPPAP : 0417 M 05960. 21e année – trimestriel – septembre 2014 – n° 83 Le numéro : 1 ¤, dans tous les bureaux et agences de la MTRL. Abonnement annuel : 4 ¤. Directeur de la publication : Romain Migliorini. Administrateur : Thierry Thévenet. Éditeur délégué : Les Éditions du Chaland. ISSN : 1253-921X Impression : IMAYE Graphic, 53000 Laval. La reconquête impossible de la Sécurité sociale L ’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI), signé en janvier 2013 par le gouvernement et les partenaires sociaux – FO et la CGT n’ont pas signé –, prévoit entre autres dispositions d’étendre la complémentaire santé à l’ensemble des salariés avant le 1er janvier 2016, mesure qui vise notamment les salariés des petites et moyennes entreprises dans lesquelles il n’existe pas aujourd’hui de couverture collective. Première interrogation : le financement de cette couverture devant être partagé pour moitié entre employeurs et salariés, quid pour tous ceux – chômeurs, retraités… – qui n’entrent pas dans le plan ? Les pouvoirs publics n’ont toujours pas défini précisément les modalités d’application de cette mesure ni la date exacte de son lancement, mais le principe même de cette extension de protection par les complémentaires santé entérine le fait que, dorénavant, ces dernières deviennent les cogérantes de l’assurance maladie avec la Sécurité sociale. Historiquement, le mutuellisme s’est constitué dans le cadre d’un syndicalisme de combat pour apporter des garanties de protection sociales minimales auxquelles le patronat se refusait à participer, ne rémunérant – dans les conditions de l’époque ! – que le travail fourni. A la Libération, la création de la “Sécu” représenta une formidable avancée sociale pour les salariés, à quoi le patronat fut obligé de souscrire, et les mutuelles, qui se créèrent en nombre dans les années cinquante et soixante, apportaient juste cette petite part, précisément “complémentaire”, que les salariés recherchaient par adhésion volontaire. Aujourd’hui, la couverture offerte par la Sécurité sociale atteint à peine 60 % pour les patients qui ne sont pas en affection de longue durée. C’est dire le reste à charge pour les organismes complémentaires et ce qu’il en coûte nécessairement à leurs adhérents, dont les cotisations, déjà élevées, ne peuvent qu’augmenter. Ainsi, nombreux sont ceux qui finissent par renoncer à cette couverture et, pour partie d’entre eux, à renoncer également à toute forme de soins. Comme l’exprime parfaitement le professeur Brigitte Dormont, responsable de la chaire santé de l’université Paris-Dauphine : « On ne réduit pas la dépense des ménages en transférant sur les complémentaires des remboursements que ne fait plus l’Assurance maladie : on ne fait que transférer une couverture financée sur un mode solidaire sur une couverture facultative financée majoritairement par des primes indépendantes du revenu. Ce faisant, on crée de l’inégalité. L’ANI, avec la généralisation de la complémentaire santé au sein des entreprises, va amplifier encore le phénomène. »* Alors l’ANI, nouvelle avancée de l’esprit mutualiste ou cadeau empoisonné ? Disons plutôt carte forcée que les mutuelles ne peuvent qu’assumer de bonne grâce en sachant bien que la reconquête impossible de la Sécurité sociale les contraint, malheureusement, à cautionner son effacement progressif sans qu’elles y aient participé en quoi que ce soit. Le président, Romain Migliorini * Interview publiée dans viva.presse.fr [http://www.viva.presse.fr/brigitte-dormont-notre-secu-n-est-pas-aussi-solidaire-qu-on-le-pense-169782] Vie de la MTRL DES CONFÉRENCES GRAND PUBLIC L a MTRL est le partenaire « mutuelle » du Centre Léon-Bérard depuis de nombreuses années. A ce titre, nous souhaitons vous présenter le programme des conférences grand public organisées par l’Espace rencontre information du Centre, qui se dérouleront à Léon-Bérard, 28 rue Laënnec, 69008 Lyon. Reconstruction mammaire immédiate : la reconstruction du sein dans le même temps que la chirurgie d’ablation. Dr Christelle Faure, Dr Nicolas Carrabinn, Dr Christophe Ho Quoc (chirurgiens sénologues). Lundi 13 octobre 2014, à 17 h 30. Cancer et travail : quels espoirs pour demain ? Dr Pierre Heudel, oncologue, Mme Nathalie Vallet Renart, Association Entreprise et Cancer, Valérie Lugon de VL Conseil, et les Services Santé au travail et l’équipe du service social DISSPO du CLB. Mardi 21 octobre 2014 à 17 h 30. Quelle est la place de la médecine personnalisée dans le traitement des cancers du sein aujourd’hui ? Dr Olivier Tredan, oncologue médical, département de médecine. Mardi 4 novembre 2014 à 16 heures. Nutrition, alliée du corps. Dr Dominique Cellier, médecin nutritionniste. Mercredi 10 décembre 2014 à 17 h 30. L’AGENCE MTRL DE LYON-VAISE DÉMÉNAGE ans le but de disposer d’un nouvel espace d’accueil rénové, plus vaste, adapté et mieux situé au cœur de ce grand quartier en pleine évolution, l’agence MTRL de Lyon-Vaise s’installera en octobre prochain à l’adresse suivante : 7, rue de Bourgogne 69009 Lyon. D Les horaires et le numéro de téléphone sont inchangés : 04 37 27 86 00. INAUGURATION DE L’AGENCE MTRL DE LOUHANS RÉNOVÉE ux termes de travaux importants permettant une totale rénovation, l’agence MTRL de Louhans a été inaugurée le mardi 17 juin en présence d’une nombreuse assistance réunie autour de MM. Romain Migliorini, président, et Etienne Depeyre, directeur général de la MTRL, ainsi que de Mme Christine Buatois, 2e adjointe au maire de la ville. La MTRL développe depuis plusieurs années un partenariat dynamique et cordial avec la municipalité, notamment dans le cadre du Forum « Bien-être et santé en Bourgogne » ou de conférences de santé. Cette agence rénovée et modernisée, idéalement située au cœur de Louhans, en Bresse bourguignonne, sous les arcades historiques, nous permet d’accueillir adhérents et visiteurs dans un espace accueillant et professionnalisé. Les équipes MTRL sont à votre disposition, 6 Grande-Rue à Louhans. A Tél. : 03 85 69 49 40 et [email protected] La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 3 4 La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 5 Vie de la MTRL LA MTRL, PARTENAIRE DE LA 2E BIENNALE PEINTURE ET SCULPTURE DE CUISEAUX (71) Puvis de Chavannes, Autoportait inachevé. possède également une agence à Cuiseaux, petite ville dans L al’estMTRL de la Saône-et-Loire, proche du Jura. Forte d’un patrimoine historique important, Cuiseaux développe des initiatives culturelles originales sous le vocable « Pays des peintres » à travers la Biennale peinture et sculpture. Cet événement se déroulera du 13 au 28 septembre autour d’un programme de grande qualité : conférences et expos autour de Pierre Puvis de Chavannes (éminent peintre du XIXe siècle, dont la famille vécut et vit toujours à Cuiseaux), diverses expositions de peintures et sculptures, films, cours de peinture/sculpture, concours de peintres dans la rue… Une biennale au rayonnement croissant soutenue par la MTRL. Pour en savoir plus : www.cuiseaux-paysdespeintres.fr Edouard Vuillard, La chambre, 1899. Les Rencontres Prévention de la MTRL L a MTRL a lancé en 2014 une nouvelle initiative au service de ses adhérents. Un programme de réunions thématiques a été mis en place pour le premier semestre. Voici celui du second semestre. Les rencontres se déroulent au siège de la Mutuelle, 37 avenue Jean-Jaurès (Lyon 7e), le plus souvent les jeudis, à 18 heures. Jeudi 25 septembre, 18 heures : La contraception sans risque existe-t-elle ? (Dr Christelle Charvet) Jeudi 25 septembre, 18 heures : Le syndrome d’apnées du sommeil (Dr Michel Nasr) Important : ce 25 septembre 2014 auront lieu deux réunions santé à la même heure, dans deux salles séparées. Mercredi 1er octobre, 18 heures : Aïe, j’ai mal au dos ! (Dr Christian Ricard-Meille) Jeudi 9 octobre, 18 heures : Peut-on prendre du poids tout en surveillant son alimentation ? (Dr Jean-Louis Masson) Mercredi 15 octobre, 18 heures : L’avènement de la phytothérapie, son abandon et sa renaissance (François Gautier, PDG Laboratoire Biogemm) Jeudi 23 octobre, 18 heures : Parcours de vie, parcours de soin (Dr Pascal Dureau) Jeudi 30 octobre, 18 heures : Les éléments de la prévention cardiovasculaire (Dr Guy Durand de Gevigney) Mercredi 5 novembre, 18 heures : La maladie de Lyme (Dr Christiane Ricard-Meille) Jeudi 13 novembre, 18 heures : Nouvelles techniques d’imagerie et de prise en charge chirurgicale dans le domaine cardiologique (Dr Guy Durand de Gevigney) 6 Vendredi 14 novembre, 18 heures : L’exercice comme première nécessité vitale de prévention santé (Jérôme Simian, préparateur physique) Jeudi 20 novembre, 18 heures : Urgence ou précipitation ? (Dr Pascal Dureau) Jeudi 27 novembre, 18 heures : La colonne vertébrale, prévention : pourquoi et comment ? (Maxime Nouchy, kinésithérapeute) Vendredi 28 novembre, 18 heures : Faire de l’exercice, mais que faire ? (Jérôme Simian) Jeudi 4 décembre, 18 heures : La cigarette électronique (Dr Michel Nasr) Mercredi 10 décembre, 18 heures : Place de la gemmothérapie au sein de la phytothérapie et des médecines naturelles (François Gautier) Mercredi 17 décembre, 18 heures : Mon genou me fait mal et gonfle (Dr Christiane Ricard-Meille) Pour toute information, contacter Mme Frédérique Ersoonmez au 01 44 71 52 41 ou par mail : [email protected] La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Vie de la MTRL L’info en continu, c’est mtrl-id.com, le site information et développement de la Mutuelle L A SÉCU, notre “Sécu”, se retire sur la pointe des pieds de la protection sociale. « A coup de forfaits, de franchises, de déremboursements, d’effritements successifs, on a poussé les Français vers l’obligation d’avoir une complémentaire santé. Ce transfert s’est fait insidieusement, sans débat démocratique. » Telle est l’affirmation d’un chargé de recherche en sociologie au CNRS dont on pourra lire les propos sur notre site, ainsi que ceux de trois autres spécialistes des questions de santé, qui ont, tous quatre, répondu à une enquête de viva.presse.fr à l’occasion d’une série La Sécu a 70 ans… Alors, une mutuelle pour tous, ainsi que l’Accord national interprofessionnel le préconise : avancée sociale spectaculaire ou cadeau empoisonné ? A vous de juger. LES PETITS DÉJEUNERS D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION DU T OUT LYON ET DE LA MTRL L e prochain rendez-vous est fixé au 26 septembre, au siège de la MTRL, et sera animé par le Pr Henri Joyeux, chirurgien cancérologue, sur le thème “Diabète, obésité, cancers et maladies auto-immunes, des rhumatismes à l’Alzheimer”. Comme on peut le lire dans ce même numéro de revue, les comptes rendus sont publiés régulièrement dans les colonnes du Tout Lyon, qu’à notre tour nous reproduisons dans ces pages. Une collaboration qui a déjà donné naissance à un ouvrage édité par le Tout Lyon et disponible sur demande au siège de la MTRL, 37 avenue Jean-Jaurès. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 7 SUNSHINE ACT A LA FRANÇAISE Le ministère de la Santé sur la transparence… Le texte qui suit, signé Anne Chailleu, illustre, encore une fois, la connivence des pharmaceutiques à travers un financement à flux tendu par ces derniers d’un dans les médias, s’ils parlent vraiment au nom de leurs compétences reconnues ou confortablement pour les services publicitaires qu’ils leur procurent. a loi Bertrand, votée le 29 décembre 2011 dans les suites du scandale du Mediator, avait prévu la publication des liens d’intérêts liant professionnels et industries de santé. Dix-huit mois furent nécessaires pour voir paraître un premier décret, dont le Formindep s’inquiétait déjà des importantes insuffisances. Les premières publications sur les sites des ordres professionnels1 et des entreprises sont consultables depuis octobre 2013. Six mois après l’entrée en vigueur effective de cette loi, il est temps d’en faire un bilan, alors qu’un nouveau projet de décret du gouvernement menace déjà de fermer cette fragile parenthèse de transparence, en reportant à octobre 2015 la mise en ligne de nouvelles données sur un site public. L Des déclarations aux actes, le grand écart des entreprises Le LEEM, le lobby de l’industrie pharmaceutique française, revendique l’antériorité de l’idée de « transparence des liens d’intérêts comme vecteur de confiance »2. Il y a néanmoins loin de la coupe aux lèvres car, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, à la date requise seules 10 % des entreprises concernées s’étaient pliées à leurs obligations. Une proportion 8 déjà observée pour la publication des liens avec les associations de patients. L’aspect qualitatif n’était pas non plus au rendez-vous, puisque seule une entreprise sur deux fournissait aux ordres des données sous une forme lisible et exploitable. Les sites des entreprises quant à eux rivalisent d’inventivité pour faire obstacle au patient lambda qui comme moi souhaiterait savoir si son médecin entretient des liens d’intérêts. Difficiles à localiser, voire introuvables, les données sont éparpillées sur plus de 300 sites d’entreprises3, fournies le plus souvent sous forme d’annuaires géants composés de fichiers non indexés pouvant atteindre plusieurs centaines de pages4. A la difficulté de compulser ces grimoires s’ajoute parfois une coquetterie : certains laboratoires ont été jusqu’à “aléatoiriser” leur registre5. Des centaines de pages, sans index, ni même d’ordre alphabétique… La transparence est bien lointaine. Que les entreprises aient peu joué le jeu n’a rien de bien surprenant. Aucune n’a réellement envie de voir apparaître au grand jour les millions dépensés en déjeuners, les réunions de « formation » à visée marketing, les noms des experts « conseillers en communication » qui interviennent sur les plateaux de télévision sans jamais mentionner leurs liens. Le gouvernement contre la transparence Moins attendu est le blocage du gouvernement sur ce dossier. Les 18 mois de gestation du décret 2013-414 ont produit au terme de plusieurs versions un monstre, amputant de larges pans une loi pourtant adoptée d’un commun accord par les députés de tous bords. Le 17 juillet 2013, un rapport d’information critique, déposé par Catherine Lemorton, présidente (PS) de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, et le député Arnaud Robinet (UMP), rapporteur de la loi Bertrand, évoquait déjà « un rendez-vous manqué ». En cause, la disparition de l’obligation de déclaration des liens les plus significatifs et problématiques : contrats de consultants aux montants occultés, voire contrats non déclarés, pour peu que l’entreprise ou le médecin bénéficie des diverses brèches introduites par le décret gouvernemental. Des brèches telles que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) et le Formindep formaient chacun un recours au Conseil d’Etat pour excès de pouvoir, le gouvernement ayant selon eux indûment affaibli la portée de la transparence. Une incroyable bataille à front renversé : les professionnels de santé exigent davantage de transparence, et c’est le gouvernement, censément garant de celle-ci, qui s’y oppose… Le rapport de l’Inspection La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Économie de la santé organise le black-out avec des décrets écrits en sous-main par les firmes responsables de la santé – ministère en première ligne – et des laboratoires grand nombre de patrons hospitaliers dont on peut se demander, lorsqu’ils interviennent s’ils ne sont que les obligés des entreprises du médicament qui les rétribuent http://www.formindep.org/Le-ministere-de-la-sante-organise.html générale des affaires sociales (IGAS), qui pointait en 2008 “la forte opacité” des rémunérations des médecins hospitaliers par les firmes, ne serait hélas pas démenti en 20146. En effet, selon la formule lapidaire du CNOM, le décret allégé, vidé de l’essentiel, permet de “savoir tout des croissants, rien des contrats”. Transparence en trompe l’œil Pour mesurer l’ampleur de ce décalage entre réalité et publication officielle, permis aussi bien par le détricotage systématique de la loi par l’action gouvernementale que par le manque de coopération des entreprises de santé, il suffit de chercher les liens de leaders d’opinion bien connus. Ces médecins stars, généralement professeurs des hôpitaux, habitués des médias et des colloques scientifiques, recherchés par les firmes pour leur grande influence sur les prescriptions de leurs confrères. Lorsqu’ils écrivent un article dans un journal scientifique ou médical, ou interviennent en public sur un produit de santé, ces médecins sont tenus de déclarer leurs liens d’intérêts. La comparaison de ces déclarations de liens par les médecins euxmêmes avec les déclarations faites par les firmes est édifiante. Le Pr Bernard Charbonnel, ancien chef du service d’endocrinologie du CHU de Nantes, est un leader La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 d’opinion dans le domaine du diabète. Selon les données accessibles via le moteur de recherche tenu par le Conseil national de l’Ordre des médecins7, le Pr Charbonnel serait consultant pour 4 laboratoires (Sanofi-Aventis, Lilly, JNB-Développement et Novartis). Ces données sont partielles : selon sa déclaration d’intérêts au Quotidien du médecin8, sur les mêmes 12 mois, le Pr Charbonnel a bien été rémunéré en tant que consultant par ces 4 firmes… mais également par 7 autres : Astrazeneca, Boehringer Ingelheim, BMS, Merck, Novo Nordisk, Roche, Takeda. Une activité exercée dans le cadre de sa société par actions simplifiée (SAS), dont les derniers comptes déposés indiquent un résultat pour 2012 de 171 382 ¤9, supérieur à la rémunération d’un praticien hospitalier. Le Pr Jean-Yves Le Heuzey, cardiologue à l’Hôpital européen GeorgesPompidou, est également un ancien expert des agences de santé et le corédacteur de recommandations professionnelles de la Société européenne de cardiologie (ESC). Seuls ses contrats avec 3 laboratoires, Servier, Daiichi Sankyo, Meda Pharma, apparaissent dans le moteur de recherche du CNOM. Mais le professeur en déclare lui-même trois fois plus sur la même période (Servier, Sanofi, Meda, MSD, Bayer, BMS, numéro 83 Boehringer, Daiichi, GSK) auprès de la Société française de cardiologie10. Le Pr Guy Vallancien est urologue à l’Institut Montsouris. C’est également un influenceur de premier plan, régulièrement sollicité par les médias et par les ministres de la Santé, qui lui commandent missions et rapports. Le Pr Vallancien déclare spontanément lui-même des liens avec Takeda, Medtronic ou Janssen Cilag11. Surtout, il préside et détient selon ses déclarations 43,5 % des parts de la société Convention on Health Analysis and Management, qui organise chaque année à Chamonix la convention homonyme. On y débat, sur invitation uniquement, de l’avenir de la santé en France, dans une approche très libérale. On s’intéresse à la loi Sunshine : on y expose ainsi que grâce à cette loi « les aboyeurs de l’indépendance deviennent eux-mêmes suspects de totalitarisme car leur fonds de commerce s’évanouit devant la transparence des liens entre industriels et médecins »12. La société présente une liste impressionnante de “partenaires”, laboratoires pharmaceutiques (Sanofi, Roche, Novartis), assureurs, agences de relations publiques, acteurs de la dépendance ou des dispositifs médicaux qui trouvent là l’enceinte favorable à la diffusion de leurs messages13. De cette entreprise de relations publiques réalisant 454 200 ¤ de chiffre d’affaires pour 9 Économie de la santé un résultat de 49 786 ¤ en 201114, Guy Vallancien déclare retirer un revenu de 15 000 ¤. Le nom de Guy Vallancien ou de la société CHAM n’amène néanmoins aucun résultat dans la base du CNOM. Ni contrats ni même croissants ! Oncologue médiatique, ex-directeur de l’Institut national du cancer (INCa), David Khayat n’apparaît dans le registre du CNOM que pour un unique contrat de consultant signé avec Astrazeneca. De ses déclarations auprès du journal d’oncologie clinique (JCO), il ressort qu’il est également consultant pour Celgene15. La loi Sunshine était censée également faire une certaine lumière sur les sociétés commerciales, sociétés savantes et autres associations de services hospitaliers, financées en quasi-totalité par les firmes car elles relaient notamment leurs actions de « formation ». Gynecole SARL est une société qui propose notamment une tournée nationale, « les samedis de la contraception ». Organisés six fois par an, ces congrès sont entièrement gratuits pour les participants, déjeuner inclus. Conforme à l’adage « si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit », le modèle économique de ces congrès repose en effet sur la vente aux firmes d’espaces publicitaires (stands) et de prestations de communication. En clair, du temps de cerveau de médecins disponible. La société a ainsi participé à la communication de crise des laboratoires commercialisant des pilules de 3e et 4e générations, ou à la promotion de la pilule du surlendemain pour le laboratoire HRA Pharma. Les deux animateurs de la société, les médiatiques gynécologues Christian Jamin et David Elia déclarent de nombreux liens, pas moins de 26 firmes pour David Elia. Gynecole SARL réalise un chiffre d’affaires en 2013 de 256 000 ¤ pour un résultat de 110 000,16 ¤16. Le moteur de recherche du CNOM ne renvoie néanmoins aucun résultat pour la société. Les données du laboratoire HRA Pharma sont quant à elles introuvables sur son site et inexploitables sur le site du CNOM. 10 “Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles ! Or si un aveugle Les associations de services hospitaliers “fonctionnent dans des conditions très opaques au bénéfice de certains médecins praticiens hospitaliers, et cette opacité pourrait masquer des dérives, par exemple à travers la prise en charge de dépenses personnelles. De plus, la gestion de ces structures consomme du temps de travail des praticiens dont on peut penser qu’il serait mieux employé dans des activités plus en rapport avec leurs compétences”, écrivait l’IGAS en 200817. MAPAR (Mise au point en anesthésie et réanimation) est depuis plus de 30 ans l’association du service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (AP-HP). Elle organise chaque année un congrès national et édite la bible des anesthésistesréanimateurs, les « protocoles ». Elle propose également aux anesthésistesréanimateurs une formation « MAPAR Neige » à Valmorel pour les sports d’hiver, et « MAPAR mer » à Cuba pour mieux passer l’hiver, auxquelles s’est ajoutée cette année une formation golf en Turquie pour le printemps, hélas annulée par le Club Méditerranée qui devait l’héberger18. Alors que le code de déontologie des entreprises du médicament19 prohibe les formations tenues dans « des lieux réputés pour leurs infrastructures de loisirs ou qui sont somptuaires ou excentriques », l’association s’affranchit pour sa part de ce genre de considération et va jusqu’à permettre à la famille des congressistes de se joindre à la formation, des activités étant prévues pour les enfants. Les excursions et activités de loisirs sont par ailleurs indissociables du séminaire, cela afin de maintenir la convivialité. Selon le registre du CNOM, 2 laboratoires (Takeda et Prostrakan) déclarent chacun la location d’un stand lors du congrès annuel MAPAR (5 561 $ pour Takeda). En réalité, plus de 30 laboratoires exposants ont loué à l’association de tels stands, pour un prix unitaire vraisemblablement au moins équivalent. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Pieter Bruegel the Elder, The Blind Leading the Blind , 1568. guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou.” Matthieu (15,14) Black-out total jusqu’en octobre 2015 ? Malgré les graves lacunes que nous venons d’illustrer, cette transparence était une avancée, encore excessive au goût de certains. Le coup de grâce viendra finalement du gouvernement. Un projet de décret modificatif est en passe d’être publié, censé préciser les modalités pratiques de fonctionnement du site public des liens d’intérêts. Un site pour lequel la Direction générale de la Santé (DGS) sollicitait l’avis du Formindep20. Alors que la mise en ligne des liens sur ce site était prévue au fil de l’eau, dans les 15 jours de leur contractualisation, et ce dès ce premier trimestre 2014, le Premier ministre et la ministre de la Santé laissent désormais aux firmes un délai pour transmettre les données nécessaires, qui court jusqu’en… octobre 2015. Alors même que le site, développé par le 1. Consulter le site d’hébergement provisoire des liens d’intérêts mis en place par l’Ordre des médecins 2. Communiqué de presse du LEEM 3. Voir la liste, tenue par le blog Loi Bertrand, de la société de gestion de la relation client Market iT Économie de la santé ministère de la Santé, est prêt à être mis en ligne. Pire, le décret modificatif suspend immédiatement la publication par les conseils ordinaux, qui ne publient donc que les archives antérieures à juin 2013. Les données pourraient donc être gelées jusqu’à 27 mois avant d’être réellement accessibles au citoyen. Les nouveaux liens n’y apparaîtront ensuite que dans les 6 mois de leur établissement. Autant dire un enterrement. Entre-temps, seuls subsisteraient les sites des entreprises, lorsqu’ils existent, et leurs annuaires de centaines de pages illisibles, le décret ne précisant aucune exigence de qualité pour ceux-ci. Ni moteur de recherche ni même ordre alphabétique. Bien au contraire, il va jusqu’à prévoir que les données pourront être publiées sur un site qui n’est pas même celui de l’entreprise, mais un site « identifiable à partir d’informations mises à disposition du public par tout autre moyen par cette même entreprise ». La prochaine fois que vous entendrez, ou lirez, un médecin renvoyer à sa déclaration d’intérêts “disponible sur le site Sunshine”, vous saurez qu’il s’agit d’une demi-vérité car ces données sont déjà périmées et très incomplètes. Au terme de mes pérégrinations de citoyenne et patiente soucieuse des liens de nos soignants, je n’aurai qu’un conseil à ceux qui voudraient tenter l’aventure : à vos cartes au trésor, le jeu de piste ne fait que commencer… 䊓 Anne Chailleu (17 mars 2014) 10. Déclaration sur le site de la SFC 11. Déclaration sur son site personnel 12. Extrait de la vidéo introductive à la table ronde numéro 3 13. http://www.canalcham.fr/fr/cham2013… 4. Voir par exemple le tableur illisible des laboratoires Lundbeck 14. Comptes disponibles auprès du registre du commerce 5. Parcourir par exemple le registre inutilisable du laboratoire Baxter 15. Déclaration disponible sur le site du JCO 6. Rapport IGAS RM2008-147P chapitre 4, pages 71 et suivantes 16. Comptes disponibles auprès du registre du commerce 7. http://www.sunshine-act.ordre.medecin.fr/ liste_donnees_exploitables 17. Rapport IGAS RM2008-147P page 77 8. Disponible sur le site du QDM 19. Code de déontologie disponible sur le site du LEEM 9. Comptes disponibles auprès du registre du commerce 20. Lire l’échange de courrier sur cette sollicitation La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 18. Voir par exemple le programme de l’édition MER 2014 11 Soins et santé La contraception par pilule Elle passe de plus en plus mal, la pilule… u’en est-il de l’évolution de la contraception en France, 16 mois après le communiqué de l’ANSM alertant patientes et médecins sur les risques vasculaires des pilules ? Dans le numéro 78 de la revue de la MTRL, nous reprenions les différentes données du problème. Les pilules œstro-progestatives présentent deux types de risques vasculaires : 䉴 les risques veineux (insuffisance veineuse chronique, phlébite et embolie pulmonaire). Ces risques sont majorés en cas d’antécédents familiaux ou personnels de phlébite ou d’embolie pulmonaire, de surpoids, d’immobilisation, de voyage en avion surtout long-courrier ; 䉴 les risques artériels (hypertension artérielle, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux). Ces risques sont majorés par les antécédents familiaux ou personnels de problèmes vasculaires artériels, le surpoids et surtout l’intoxication tabagique. Q 12 Depuis la commercialisation de la première pilule en 1961, ces risques sont connus, mais la balance bénéfice-risque avait toujours profité à la pilule, puisque le risque vasculaire de la grossesse existe. Des générations de pilule se sont succédé pour améliorer le confort des patientes, limiter les risques de prise de poids, d’acné, de douleurs de règles, de règles abondantes ; ainsi sommes-nous passés de la 1re génération de pilule à la 2e (pilules au levonorgestrel), à la 3e (pilules au gestodène), puis à la 4e (pilules à la drospirénone). Sont arrivés aussi sur le marché des contraceptifs œstro-progestatifs par voie vaginale (anneau) ou par patchs. Malheureusement, si le confort apporté par ces pilules a pu paraître meilleur, il est apparu que le risque vasculaire allait croissant avec la succession des générations de pilules. Résumé des faits 䊉 26/10/2011 : publication d’une étude dans le British Medical Journal montrant que le risque de thrombose veineuse est deux fois plus important chez les utilisatrices de contraceptifs oraux de 3e génération par rapport à ceux de 2e génération. 䊉 14/11/2011 : communiqué de l’ANSM reprécisant les risques thrombo-emboliques : 䉴 risque de 5 à 10 cas/100 000 femmes par an en l’absence de contraception ; 䉴 risque de 20 cas/100 000 femmes si utilisation de COC de 2e génération ; risque de 40 cas/100 000 femmes si COC de 3e génération ; 䉴 risque de 60 cas/100 000 femmes en cours de grossesse. Le rapport bénéfice-risque des contraceptifs oraux reste positif. L’Agence nationale de sécurité du médicament a adressé un courrier aux professionnels de santé rappelant la bonne pratique de l’information en termes de contraception : 1) Prescrire en première intention des pilules de 2e génération, moins dangereuses sur le plan vasculaire. 2) Informer les patientes, lors d’une consultation dédiée à la contraception, des différentes méthodes de contraception pour que leur choix soit éclairé. 䉴 L’évolution des ventes de contraceptifs oraux Sans surprise, les ventes de contraceptifs oraux combinés de 3e-4e générations ont chuté : si l’on compare les ventes dans la période janv. 2013déc. 2013 versus janv. 2014-avr. 2014, la chute est de 48 %, s’accélérant à partir de juin 2013 pour atteindre 50 %. Cela n’est pas sans rappeler l’effondrement des ventes de traitements hormonaux substitutifs après la publication de l’étude WHI en juillet 2002 : - 73 % en 9 ans… sauf que prendre un traitement hormonal substitutif est seulement un confort, alors que prendre une contraception efficace assure l’absence de grossesse, ce qui évite les accidents médicaux des IVG, des accouchements. Parallèlement, les ventes de contraceptifs oraux de 1re et 2e générations ont augmenté de 32 %. Le ratio entre les ventes des COC de re 1 et 2e génération par rapport aux COC de 3e et 4e génération est de La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Soins et santé Ventes de COC de 1re et 2e générations Ventes de COC de 3e et 4e générations 2 500 Nombre de plaquettes vendues (103) Nombre de plaquettes vendues (103) 3 500 2013 3 000 2 500 2012 2012 2 000 1 500 1 000 2013 2 000 01 déc. 01 janv. 01 févr. 01 mars 01 avr. 01 mai 01 juin 01 juill. 01 août 01 sept. 01 oct. 01 nov. 01 déc. 01 déc. Données mensuelles (janv. 2012/déc. 2012 vs janv. 2013/déc. 2013) Données Celtipharm 79 % versus 21 % entre janvier et avril 2014 alors qu’il était de 52 % versus 48 % entre janvier et avril 2012. Qu’en est-il des autres méthodes contraceptives ? Tous les chiffres se rapportent à une comparaison entre la période janv. 2013-avr. 2014, par rapport aux chiffres de 2012. Les ventes de progestatifs contraceptifs ont augmenté de 8,1 %. Les ventes de contraception non orale, type patchs ou anneau, ont baissé de 15 %. La baisse de vente des contraceptifs oraux a profité aux dispositifs intra-utérins (autrefois appelés stérilets), en particulier au cuivre dont la vente augmente de 45 % ; rappelons que la pose d’un DIU au cuivre ou à hormones est possible même chez une femme qui n’a pas eu d’enfant, mais que la durée et l’abondance des règles sont majorées par rapport à la pilule. 01 janv. 01 févr. 01 mars 01 avr. 01 mai 01 juin 01 juill. 01 août 01 sept. 01 oct. Données mensuelles (janv. 2012/déc. 2012 vs janv. 2013/déc. 2013) Données Celtipharm Comment analyser ces chiffres ? 䊉 Nous pourrions penser que les patientes bien informées, qui préféraient une contraception orale, ont choisi dans l’intérêt de leur santé des pilules de 2e génération. Il y a eu effectivement une peur des patientes, mais il y a aussi un paramètre qui a pu influencer les ventes : les pouvoirs publics ont supprimé le remboursement des pilules de 3e génération dès le 31 mars 2013. Certaines patientes ont donc demandé une pilule remboursée, obligatoirement, de 1re ou de 2e génération. 䊉 Les chiffres qui sont analysés sont des chiffres de vente et non pas des chiffres de poursuite de contraception ; nombre de patientes qui avaient opté pour un DIU le font enlever pour des règles douloureuses ; certaines patientes débutent par une pilule de 2e génération et, en raison d’effets secondaires, vont demander une modification de leur contraception. 䊉 Il est trop tôt pour dire si le nombre croissant d’IVG est en relation avec les modifications de méthodes contraceptives mais, quelle que soit la cause, c’est inquiétant pour les risques thrombo-emboliques car la grossesse les majore (risque : 60 cas/ 100 000 femmes). Conclusion Nous assistons à une modification des choix contraceptifs en France depuis les recommandations émises par l’ANSM, au détriment des pilules de 3e-4e générations et au bénéfice des contraceptions intra-utérines. Il paraît nécessaire de continuer à surveiller cette évolution en termes de poursuite et d’efficacité de contraception, le chiffre des IVG étant un élément d’analyse, autant qu’en termes de risques thrombo-emboliques. 䊓 Dr Christelle Charvet gynéco-obstétricienne Evolution du nombre d’IVG depuis 2002 France métropolitaine 216 854 215 000 Et le nombre d’IVG ? Il a sensiblement augmenté. 210 000 205 000 203 346 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Source : DRESS La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 13 01 nov. 01 déc. Savoir Alcool, quand tu nous tiens ! ’alcool est un merveilleux produit. Prenons l’exemple d’un adolescent ou d’une adolescente. Mettons Jacques. Il rencontre l’alcool lors d’une fête avec ses copains. Quelques verres le transforment : il devient gai, audacieux, drôle, sensuel, spontané, séduisant, imaginatif. Ses yeux pétillent, la vie est légère. Il aperçoit le meilleur de lui-même et de la vie. Il ose se montrer tel qu’il est, ce qui en fait un être chaleureux. L’alcool l’a allumé, il est sorti de sa grisaille. C’est la fête. L Quel est le secret de ce produit ? L’alcool est un anesthésique des douleurs du corps et aussi de celles de l’esprit, ce qui provoque un soulagement. Parmi ces douleurs de l’esprit, il en est une qui pèse sur nos épaules à tous : c’est la culpabilité. D’où provient-elle ? Nous sommes accablés en permanence par ce que nous sommes, car nous savons que nous pourrions être bien meilleur. Nous nous désespérons d’être si imparfait, si mal fini. L’écart entre ce que nous sommes et ce que nous pourrions être est la source permanente de reproches que nous faisons à nous-même. Cette culpabilité nous pollue intérieurement. Elle est source notamment de dépression. Or, avec la prise d’alcool, nous anesthésions cette culpabilité. Pendant un moment, elle se volatilise et 14 tout s’allège, car nous osons enfin nous montrer comme nous sommes, avec nos travers. Nous n’avons plus besoin de nous cacher. D’où cette perception transformée de nousmême et des autres. Pour en revenir à Jacques, il découvre que lorsqu’il se prend comme il est, il est finalement bien meilleur ! La nostalgie du premier verre C’est seulement quand l’effet de l’alcool retombe que les choses se compliquent. En effet, il a expérimenté qu’il pouvait être génial puis il est redevenu basique. Cela crée une nostalgie qui est d’autant plus forte quand l’épisode a donné lieu à un moment d’intimité et de chaleur humaine. Dorénavant, Jacques sait qu’il peut être tout autre alors qu’avant il n’en avait pas conscience. Maintenant, il se trouve amputé d’une partie de lui-même. Si on ne lui apprend pas qu’il pourrait retrouver l’expérience par d’autres moyens que l’alcool, il va insensiblement multiplier les occasions de boire. Le paradoxe, c’est que le corps, en particulier le système nerveux, s’habitue très bien à l’alcool. Comme dans un couple : au début, l’alcool sait bien exciter le système nerveux puis celui-ci s’habitue au point qu’il faille progressivement augmenter la dose d’alcool pour retrouver l’effet premier. Mais la lune de miel du début s’est envolée, et c'est là qu’il faut faire attention. Heureusement que tous les jeunes qui passent par là ne deviennent pas alcooliques. Cinq paramètres favorisant l’emprise de l’alcool 1. La relation avec le produit. Un danger est d’utiliser l’alcool comme un super-médicament. Au début, il peut être antidépresseur, euphorisant, désinhibiteur, dopant…, mais ensuite ces effets positifs s’inversent. Le risque est de banaliser cet usage car, pendant que la personne court après un résultat qui lui échappe de plus en plus, elle ne traite pas la source profonde de son mal-être et, avec l’alcool, celui-ci ne fait qu’augmenter. L’autre danger est représenté par toutes les consommations automatiques ou rituéliques sans aucune conscience de ce que l’on fait et pourquoi on le fait : je bois devant la télé, je bois à telle heure, je bois avec tels copains, je bois quand je suis à tel endroit, etc. Toutes ces consommations banalisées pendant des années attachent l’alcool à la personne, et inversement. 2. Les événements de vie. Généralement, les jeunes comme Jacques se calment quand ils commencent à construire leur vie, car cela leur donne une estime d’eux-mêmes qui suffit à modérer et à maîtriser leur consommation. Ce qui peut déclencher de nouveau le processus, ce La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Savoir peut être un événement grave et douloureux de la vie : la perte d’un proche, ou d’un emploi, par exemple. Ce peut être aussi toute situation susceptible de ruiner l’estime que la personne avait conquise vis-àvis de soi-même. 3. Le terrain de fragilité de la personne. Les personnes qui sont exposées à la dépendance sont souvent hypersensibles. Elles souffrent particulièrement de la dysharmonie, du mensonge, du manque d’amour. L’alcool est une tentative de se protéger en se mettant dans une bulle. 4. Les souffrances négligées. Toute souffrance que l’on garde en soi sans tenter de la dépasser va finir par se manifester soit au niveau du corps par une maladie, soit au niveau d’un comportement comme celui de boire, soit par de la dépression. D’où l’intérêt d’apprendre aux jeunes à exprimer leurs sentiments et à chercher de vraies solutions à leurs maux plutôt que de les étouffer dans leur cœur en les bâillonnant avec un produit tel que l’alcool. 5. La perte d’une espérance. Si la personne perd la foi en un futur qui lui permette d’épanouir ses possibilités, alors elle peut être tentée d’anesthésier son désespoir dans l’alcool. L’érosion progressive d’un capital de liberté Selon l’impact de ces paramètres, le buveur grignote son capital de liberté par rapport à l’alcool. Il devient alcoolique quand il a totalement perdu ce capital. Pour lui, et aussi pour son entourage, l’alcool devient un enfer. Le système nerveux s’est tellement bien habitué à l’alcool qu’il a besoin d’une alcoolémie positive en permanence, sinon il disjoncte (épilepsie, delirium). Pour l’alcoolique, boire est une obligation. Même s’il est très volontaire, il lui est presque aussi impossible d’être abstinent que d’arrêter de respirer. Il n’a plus qu’une seule préoccupation : comment boire suffisamment souvent pour ne pas prendre le risque d’être en manque ? Sa vie oscille entre deux La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 personnages : le gentil qui fait tout pour être aimé, et le pénible qui est tellement mal qu’il attaque ses proches et la terre entière. Le buveur et son entourage Il y a trois aspects : 1. L’entourage familial ou professionnel déploie beaucoup d’énergie pour atténuer, voire cacher les conséquences des alcoolisations d’une personne proche, qu’ils veulent aider et dont ils veulent lui épargner des conséquences fâcheuses. Par exemple, si le buveur rentre ivre, le conjoint va tout nettoyer et le mettre au lit. Ce qui fait que, le lendemain, le buveur qui a oublié ce qui s’est passé n’en a plus aucune trace. Au travail, ce peut être de passer derrière pour corriger un oubli ou une erreur. Ces bonnes actions pourraient aider l’alcoolique en lui montrant qu’on l’aime bien, mais elles ont en fait pour conséquence de l’isoler d’avantage de la réalité et des conséquences de son addiction. Ce qui fait qu’il devra aller encore plus loin pour avoir la conviction d’être dans une impasse et avoir l’énergie de s’en sortir. Le système familial ou professionnel va supporter pendant des années une vie de plus en plus difficile en cherchant un équilibre avec le buveur jusqu’à ce qu’un jour le buveur soit jeté avec perte et fracas tellement l’entourage n’en peut plus. 2. Cet entourage qui n’en peut plus n’a cessé de faire pression sur le buveur pour qu’il arrête l’alcool, et même si le buveur fait la sourde oreille pendant longtemps, de guerre lasse il finit par obtempérer : il va voir le médecin pour faire une cure. Mais s‘il le fait juste pour calmer le jeu, sans conviction, cette cure ne sert à rien et, à la prochaine difficulté, il numéro 83 reboira en ayant encore plus le sentiment qu’il est nul. 3. En fait, la conduite addictive n’est pas que le reflet de la souffrance du buveur, elle est aussi celui de la souffrance de toute une famille. Alors, chaque membre de la famille croit que tout son malheur vient du buveur. En réalité, nous avons tous une histoire traumatique qui nous fait souffrir et, pour aller mieux, nous ne pouvons nous occuper que de la nôtre, sans pouvoir changer les autres. L’expérience montre que si, au lieu de faire pression sur le buveur, un ou plusieurs membres de la famille décident de s’occuper de leurs propres souffrances et d’aller vers une bonne vie, c’est la meilleure aide qu’ils puissent apporter à celui qui est dépendant, car alors il est devant le fait qu’il n’y a que lui qui peut sauver sa peau. La spirale des pertes Pendant des années, rien n’apparaît au grand jour : le corps semble bien supporter l’intoxication, et l’entourage tant familial que professionnel essaie de rattraper les dégâts au fur et à mesure pour éviter une catastrophe. Sauf que l’alcoolique ajoute à la dose dont son corps a besoin une dose en plus pour noyer son impuissance, sa honte et son désespoir. Puis, inexorablement, apparaissent des fautes professionnelles, 15 Savoir des accidents, des problèmes avec la justice, des crises de couple, la perte des amis, le placement des enfants ou simplement leur mépris. Quand le travail et le conjoint disparaissent, c’est toute l’insertion sociale qui est mise en cause, avec le danger de clochardisation. L’intoxication finit par provoquer l’atteinte du foie, du pancréas, des jambes, des yeux, de la raison, de la vie… La décision de la liberté La décision de sortir de l’alcool implique de faire le deuil d’un monde pour en découvrir un meilleur. L’alcoolique va perdre sa bouteille, qui est sa compagne d’infortune et son refuge. Il va perdre l’image de nullité qu’il s’est forgée et ses copains de médiocrité. Il va devoir renoncer à être la victime qui monopolise toutes les inquiétudes et qui pollue la vie de l’entourage autant que la sienne. Il va renoncer à la dépendance affective, à la passivité, à vouloir tout, tout de suite. Il va renoncer à la non-vie. Il va passer d’avachi à debout. Il sait ce qu’il va perdre, mais il a du mal à imaginer ce qu’il va gagner : le plaisir du corps et de l’énergie retrouvée, des relations authentiques et chaleureuses, des fêtes sans sombrer, la fierté de se dépasser, une vie responsable qui se construit, des rêves qui deviennent possibles. Il accédera aussi à la possibilité d’aider ceux qui n’ont pas encore fait la route. Dans sa nouvelle vie, il va falloir qu’il cherche à obtenir sans l’alcool les effets de la lune de miel avec l’alcool. Il a besoin qu’on lui dise : « Dans votre cas précis, j’ai vu des personnes dont la vie s’est transformée. » Tant que la décision n’est prise que pour calmer le jeu sous la pression de l’entourage, le résultat s’effondrera à la prochaine anicroche. Seule une décision pour sauver sa vie aura suffisamment de force. Mais décider de renoncer à sa dépendance ne veut pas dire détester celui qui a bu : au contraire, il va falloir comprendre et aimer l’alcoolique. Pourquoi n’a-t-il pas pu faire autrement ? Décider, c’est aussi reconnaître son impuissance par rapport à l’alcool et demander de l’aide. Vouloir s’en sortir seul est encore une illusion, car il y a deux niveaux de dépendance à dépasser. William Hogarth, Gin Lane, 1751. Toucher le fond L’alcoolique emploie cette expression pour dire qu’à un moment de cette descente aux enfers une perte un peu plus insupportable déclenche sa décision de tout faire pour en sortir. Ce peuvent être les violentes douleurs d’une pancréatite, la perte de la vue ou des jambes, la peur de la folie ou simplement la proximité de la mort. Ce peut être aussi de ne plus supporter de croiser le regard de son enfant… Cependant, le mystère demeure sur cette force qui lui permet d’inverser la spirale. Instinct de survie, certes, mais aussi instinct de sur vie marquant le retour d’une espérance. S’il n’a pas sombré, il peut vivre une belle aventure. Même si la dégradation de sa santé est installée, la marge de réversibilité est étonnante et peut lui permettre de construire une vie meilleure que la précédente. 16 La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Sortir de la dépendance du corps Nous avons vu que le corps de l’alcoolique réclame une alcoolémie positive en permanence. Cette assuétude est tenace mais, au bout de 3 ou 4 jours sans alcool, le système nerveux se calme et cesse de réclamer sa dose. Le problème, dans la dépendance physique, est donc de passer ce cap car, dès les premières heures sans la dose d’alcool nécessaire, il apparaît des tremblements, des sueurs, des angoisses qui peuvent évoluer en delirium tremens, avec un risque vital. Or ces symptômes sont amplifiés par le stress, la peur, le sentiment d’insécurité, la douleur physique ou une maladie, par exemple. Le sevrage doit donc se faire sous surveillance médicale, dans un climat de sécurité, de calme, de respect, d’accueil et d’écoute de la personne. Des médicaments doivent être prescrits pour calmer le système nerveux pendant une brève durée, mais plus les conditions d’accueil sont bonnes, moins il y a besoin de doses importantes car, en fin de compte, l’esprit est plus fort que le corps. Ainsi, très rapidement, l’état de la personne s’améliore. Cependant, la partie ne fait que commencer. En effet, l’usine chimique de la dépendance a été mise en veilleuse par l’absence de la molécule alcool, mais elle est toujours prête à redémarrer en cas de réalcoolisation, même si c’est vingt ans après. Le corps ne perd pas la mémoire. C’est ce qui est difficile à accepter pour l’alcoolique, car il rêve de pouvoir à nouveau décider de boire ou de ne pas boire. Tant qu’il ne l’a pas vérifié lui-même, il ne croit pas vraiment celui qui affirme que cette liberté est définitivement perdue. Il demande un médicament pour se donner le change, car en réalité le deuil de l’alcool n’est pas fait. Or ce deuil le délivrerait. Ce besoin de faire ses propres expériences est à l’origine de bien des réalcoolisations, précoces ou tardives. Ce ne sont pas des échecs, mais une occasion de renforcer sa détermination en en tirant un enseignement. C’est une invitation à vivre plus consciemment. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 Sortir de la dépendance de l’esprit Il s’agit d’un combat au long cours, mais les bénéfices s’en font sentir dès le départ. La méthode C.R.A.V.E. résume la démarche 1. Comprendre qu’être alcoolique n’a rien de déshonorant, l’alcool étant si banalisé qu’il est très facile de se faire piéger. Comprendre qu’à un moment donné l’alcool a été une stratégie pour gérer une souffrance de solitude, de séparation, un besoin de reconnaissance, de protection, d’harmonie. Comprendre ce besoin dans le précis de son histoire. Comprendre que l’alcool peut être un désespoir d’amour mais aussi un désespoir de vérité. Comprendre que la culpabilité n’est pas bonne conseillère alors que reprendre la responsabilité de ce qui nous arrive est le seul moyen de sauver sa vie. Comprendre que la vie peut toujours redémarrer même dans la pire des extrémités. 2. Réconciliation avec soi-même. Alcoolique ou non, nous ne pouvons accéder à une vie meilleure que si nous tentons d’aimer nos travers. Cela passe par une compréhension de nous-même et de notre histoire. C’est ainsi que le buveur devra un jour pouvoir dire : « Oui, je suis passé par cet enfer, mais ça m’a permis d’accéder à une vie que je n’aurais pas osé espérer. » C’est depuis cette tentative de réconciliation avec lui-même qu’il va avoir l’énergie de la démarche. Cependant, au départ, il se déteste. Ce sont les yeux et les mots d’amour de celui qui l’accompagne qui vont lui donner le goût d’aller chercher en lui cet amour. 3. Atteindre sans alcool ce qui était recherché dans l’alcool. Vivre sans alcool ne peut être se résigner à une numéro 83 vie terne. Celui qui veut arrêter doit se poser la question de ce qu’il recherchait au départ dans le fait de boire et dans la façon de boire : vivre l’ivresse, tromper l’ennui, supporter un travail harassant, anesthésier la douleur d’avoir perdu l’être aimé, se donner du courage, se défouler, faire la fête, passer un moment d’intimité chaleureuse avec soi-même ou avec l’autre, se faire une bulle protectrice, etc. Alors, ça va être le programme pour que son abstinence soit heureuse. 4. Vivre ses envies. Pendant des années, l’alcool est devenu le seul but. L’envie de départ est devenue une enmort. L’alcool a stérilisé le terrain fertile des envies, si nécessaires à notre épanouissement. Car d’envie en envie nous allons vers le meilleur de nousmême. Après un sevrage, il faut du temps pour que ce monde germe à nouveau. La personne doit chaque jour se poser la question : qu’est-ce qui va me rendre vivant aujourd’hui, maintenant ? Comment je peux oser aller vers quelque chose qui me fait envie ? Ne pas trahir ses envies permet de dégonfler le pouvoir de l’alcool qui, sinon, tente de se manifester par des envies intenses de boire, appelées craving. 5. Entraide. Pour que l’abstinence soit tout à fait heureuse, l’ancien buveur a souvent besoin de transmettre à d’autres la route fabuleuse par laquelle il est passé. Cependant, bien des égarements sont possibles si cette aide se fait sans précaution et sans un cadre précis. C’est là l’intérêt des associations d’anciens buveurs. Conclusion Buveur ou non-buveur, la réconciliation avec nous-même est la clé de l’indépendance. 䊓 Dr Pierre Radisson 17 Dossier L’incroyable histoire du BCG IIE PARTIE LA BATAILLE POLITIQUE AUTOUR DU près de telles condamnations (exposées dans la 1re partie de cet article – cf. numéro précédent), on serait en droit de penser que le BCG va être abandonné. Mais il ne s’agit plus d’une querelle scientifique, car l’enjeu est désormais commercial et financier. La vente de millions de doses de vaccins est un pactole très convoité. La contestation continue, les réticences se manifestent, mais les disciples de feu Albert Calmette sont passés maîtres dans ce que Marcel Ferru appelle « le rejet superbe de la critique » et « l’élimination matérielle de la contestation ». Durant ces années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale, les bécégistes s’efforcent toujours d’imposer leur vaccin aux Français. Les années de guerre vont naturellement ralentir leur action, mais celle-ci reprendra de plus belle dès 1945. Cette fois, les industriels du vaccin sont décidés à obtenir des pouvoirs publics que le BCG devienne obligatoire. Ils craignent en effet que la contestation et l’abstention ne se développent. N’ont-ils pas entendu un ancien président de l’Académie de médecine, le docteur Rist, déclarer, le 22 mai 1945, au sujet de la vaccination BCG chez les externes des hôpitaux de Paris : « Il est paradoxal de constater que presque tous ceux qui refusent la prémunition sont fils de médecins. » Paradoxal ? En fait, il s’agit d’un désaveu absolu, bien que malheureusement semi-clandestin, de l’immense majorité du corps médical. Mieux encore, en avril 1948, Marcel Ferru, préparant ses articles pour le Concours médical, demande à son ami Martinet, médecin de dispen- A 18 saire à Sallanches, de lui confirmer les informations qu’il avait recueillies lors d’une conférence faite au personnel auxiliaire de Haute-Savoie. Et Martinet lui répond : « Il est bien exact que j’ai fait l’an dernier une conférence aux assistantes sociales du département, au nombre de 60 à 70 environ. J’avais pour mission de leur présenter objectivement ce qu’est le BCG, comment on l’administre et ce qu’il faut en attendre. Ayant terminé, j’ai demandé à celles qui, désormais, le conseilleraient fortement dans les familles, de lever le bras : le pourcentage a été de 5 % et, comme je demandais les raisons pour lesquelles elles ne le conseilleraient pas, elles m’ont répondu qu’elles avaient été témoins d’accidents ou plutôt de troubles variés. » Des parlementaires sous influence… La discussion du projet de loi par l’Assemblée nationale a lieu durant les premiers mois de 1949. Il sera entériné le 8 avril, au moment des vacances de Pâques, avec dix-sept députés seulement présents dans l’hémicycle. Il vise à rendre la vaccination par le BCG obligatoire pour tous les enfants en bas âge et pour les moins de trente ans qui présenteront une épreuve tuberculinique négative. Toutefois, le projet doit encore être soumis au Sénat (qui se nomme à l’époque le « Conseil de la République »). Pour commencer, les sénateurs veulent qu’une enquête soit menée pour connaître l’opinion réelle du corps médical sur la question du BCG. Le Journal officiel du 13 juillet 1949 publie le compte rendu in extenso de la 57e séance du Conseil de la République. Le docteur Bernard Lafay BCG (rapporteur de la Commission de la santé publique) dresse un tableau apocalyptique de la menace de tuberculose sur le peuple français et cite à l’appui de ses dires des taux de mortalité dont on ne trouvera nulle part la référence, mais qui ont de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. Lafay ne va-t-il pas jusqu’à affirmer : « Sur seize Français qui naîtront demain, trois auront la tuberculose et, sur ces trois Français, un mourra ! » Prétendre en 1949 que plus du cinquième des Français à naître allait contracter la tuberculose et que le tiers de ces malades allait mourir, cela revenait à annoncer pour les générations futures, compte tenu de la population de l’époque (41 millions) et de la prévision démographique pour les années 70 (50 millions) environ 3 millions et demi de morts de tuberculose en France avant le dernier quart du siècle. Que de telles énormités puissent être proférées à la tribune du Sénat sans susciter de réactions, alors que de nombreux sénateurs sont des médecins, voilà qui laisse songeur… …mais aussi de courageux réfractaires Après ce discours péremptoire du sénateur Lafay, le président du Conseil de la République ouvre la discussion devant un auditoire de 240 sénateurs. Plusieurs orateurs interviennent, et la nomenclature des objections formulées ou des amendements proposés occupera 24 colonnes du Journal officiel. Les interventions les plus remarquables seront celles du sénateur Rochereau et du sénateur Marcilhacy (futur candidat à la présidence de la République, en 1965). Rochereau déclare qu’il lui semble « anormal et ahurissant » que l’on veuille contaminer des organis- La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Dossier Les prédictions apocalyptiques du bon docteur Lafay – dont la longue carrière politique n’a pas dû lui laisser beaucoup de temps pour s’intéresser sérieusement à la médecine ! mes en bonne santé en leur inoculant un microbe bien vivant, fût-il atténué, sous « le prétexte moliéresque qu’un jour ceux-ci peuvent se trouver en contact avec la maladie ». On ne saurait trop louer la lucidité de M. Rochereau, qui résume ainsi en une phrase la folie absolue des apprentis sorciers de la vaccination, et que regretter que ce seul argument n’ait pas semblé décisif au Sénat tout entier. Et le sénateur Rochereau va terminer sur des remarques capitales concernant la liberté individuelle. Cette déclaration d’une extrême importance mériterait, à notre avis, de figurer dans une anthologie des définitions fondamentales de la démocratie : « Le projet qu’on vous demande de voter fait de l’individu un être sans personnalité, condamné à subir, ainsi que ses enfants, les interventions sans mesure qu’un Etat sans discrétion inflige de plus en plus à ses administrés. Je ne m’attaque pas au BCG, pour la raison que je ne puis l’apprécier. Ce que j’attaque, c’est l’obligation généralisée que vous faites à tous les enfants d’être vaccinés par le BCG. L’obligation de faire vacciner au BCG tous les enfants des familles de France condamne définitivement une des libertés essentielles de tout père de famille – seul responsable de ses enfants – : le choix de son médecin et le choix de sa médecine. C’est pour ou contre cette liberté absolue que vous avez à vous prononcer… » Et Henri Rochereau conclut sur ce défi personnel d’une rare audace : « Je suis père de quatre enfants. Je prends l’engagement formel du haut de la tribune du Parlement français de m’opposer par tous les moyens à l’application dans ma famille de la loi sur le BCG. » Tout de même, il ne sera pas seul, et le sénateur Pierre Marcilhacy vient à la rescousse. Il déclare avoir interrogé plus de soixante médecins et avoir conclu de cette enquête que le corps médical est très divisé dans La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 cette affaire. Il soulève lui aussi la question de la liberté individuelle menacée et s’efforce à son tour d’ouvrir les yeux de ses collègues sur l’ombre du totalitarisme qui se profile derrière ce projet aberrant : « ...C’est au moment où le corps médical est divisé que vous voulez nous faire voter la vaccination obligatoire avec sanction pénale ! Mais quelles responsabilités prenez-vous ! (...) Au nom de quoi allez-vous imposer de faire vacciner nos enfants ? Vous nous répondez : au nom de la protection des autres. Jusqu’où allez-vous aller avec ce système ? La liberté de la personne humaine est en jeu ! » La discussion se poursuit en séance de nuit. Le projet est finalement adopté par 218 voix contre 22. Quoi qu’il en soit, notons à titre de consolation qu’à partir du moment où fut adoptée la loi scélérate les Français entrèrent en résistance et la contrainte fut un échec. Les refus de la vaccination se multiplièrent, au point que les dérobades atteignirent 50 % chez les étudiants et 70 % chez les élèves des écoles élémentaires. La Presse médicale du 15 décembre 1962 rapportait que le nombre des vaccinés n’avait cessé de baisser depuis la promulgation de la loi, au point de tomber de 80 à 35 % dans un dispensaire de la région parisienne. Moins de tuberculeux dans les pays qui refusent le BCG Le 24 novembre 1967, au Cercle d’études pédiatriques, le Pr Mande déclare : « Les Hollandais ne se servent pas du BCG depuis 1940 et sont arrivés à un taux de mortalité de 1,8 en perfectionnant le dépistage et le traitement correct de ceux-ci, contre 14 en France. A 13 ans, l’index tuberculinique est de 2 % dans les écoles de Hollande, alors qu’en France il est de 15 et 25 % selon les régions. Ce résultat est lamentable… » On doit également citer ce passage pour le moins inquiétant d’un article du Dr J. Stéphani paru en 1950 : « La bécégite est en somme une tuberculose qui atteint l’appareil lymphatique dans son ensemble et à un degré que l’on commence à peine à soupçonner. (...) La bécégite est numéro 83 une réalité. Ce bacille vivant envahit l’appareil lymphatique et s’y installe exactement suivant les habitudes de son ancêtre. Et personne ne peut nous décrire aujourd’hui comment il évoluera au cours des décennies à venir… Il faut que les médecins non spécialisés se le disent et qu’on le leur redise : ce n’est pas un vaccin qu’ils manient, ce n’est pas une vaccination qu’ils font. Ils créent de propos délibéré une primoinfection chez un sujet vierge, autrement dit le début d’une maladie dont ils ne connaissent qu’imparfaitement l’évolution (…) Cette micropathologie de la bécégite est encore inconnue. Et c’est pourtant là le point crucial, qui aurait dû être élucidé avant d’oser vacciner un seul être humain… » Ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur les maladies auto-immunes, comme par exemple la sclérose en plaques, feraient bien d’examiner les antécédents vaccinaux des malades et feraient peut-être de terrifiantes découvertes. En 1997, l’OMS attribuait l’échec de la lutte mondiale contre la tuberculose à plusieurs raisons et notamment à une « confiance exagérée dans le BCG ». En France, l’obligation de vaccination par le BCG chez l’enfant et l’adolescent a été suspendue officiellement au cours de l’été 2007 (décret n° 2007-1111 du 17 juillet 2007), au profit d’une recommandation de vaccination d’une population plus ciblée ; et personne ne s’est étonné qu’on efface une loi par un simple décret ! Le 5 mars 2010, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a recommandé la levée de l’obligation de vaccination par le BCG pour les professionnels et étudiants des carrières sanitaires et sociales. Ainsi, il aura fallu 60 années à la République française pour jeter enfin aux orties la plus invraisemblable escroquerie sanitaire de notre histoire ! Mais trois générations de Français portent dans leur corps un invisible ennemi… A l’exception des personnes qui sont entrées en résistance passive et ont soustrait leurs enfants au vaccin. 䊓 Pierre Lance 19 Zoom La maladie de Lyme : un casse-tête ! ette maladie infectieuse, appelée borréliose ou maladie des tiques, est due à des bactéries de la famille des spirochètes, transmises par des insectes hématophages (tiques). La plus répandue est Borrelia burgdorferi, mais il existe un large éventail de la famille des borrélies. Elle a été décrite pour la première fois en 1894 par le Dr Pick-Herxheimer. En 1972 apparurent les premiers cas d’arthrite sous forme d’épidémie simulant des poussées de polyarthrite rhumatoïde chez des sujets jeunes habitant Lyme, une petite commune du Connecticut, aux Etats-Unis, qui donna son nom à la maladie. C Fréquence L’Institut Pasteur évalue entre 12 000 à 15 000 le nombre de nouveaux cas par an. Mais, dès lors que cette maladie ne fait pas partie des maladies à « déclaration obligatoire », il est facile pour les pouvoirs publics d’en minimiser l’incidence. Pour les associations comme « Lyme sans frontières », ce chiffre est très en deçà de la réalité, faute de tests diagnostiques fiables, de formation des médecins et d’information du public. C’est ainsi qu’en Allemagne on recenserait 60 000 à 100 000 nouveaux cas par an. Selon le Dr Petra Hopf-Seidel, près de 800 000 Allemands seraient infectés. Il faut reconnaître que le diagnostic clinique et biologique de la maladie est difficile à réaliser tant les symptômes sont multiples et variés. Les patients souffrent d’une myriade de troubles inflammatoires, neurologiques, musculaires, cutanés, articulaires qui laissent les médecins démunis et parfois sceptiques. Le point le plus crucial dans le fait que cette maladie soit sous-diagnostiquée est que les tests de dépistage (commercialisés par le laboratoire Mérieux) sont inadaptés au dépistage des bactéries borrélies européennes et occultent ainsi jusqu’à 70 % des porteurs infectés. C’est ainsi que de nombreuses personnes sont infectées et ignorent que des bactéries redoutables contaminent leur organisme. C’est le cas de 20 % d’Alsaciens qui ont développé des anticorps, attestant d’une contamination. Agents infectieux Ces bactéries sont des micro-organismes à corps grêle et spiralé, mobile grâce à des mouvements en vrille. Elles présentent un grand nombre d’espèces ou sous-espèces : Borrelia burgdorferi stricto sensu, Borrelia garinii, Borrelia afzelii, Borrelia bavariensis, Borrelia spielmanii, Borrelia bissettii, Borrelia lusitaniae, Borrelia valaisiana et beaucoup d’autres inconnues. Il semblerait que la maladie de Lyme ait accompagné l’homme depuis des milliers d’années, voire des temps 20 immémoriaux (Otzi retrouvé dans un glacier aurait été contaminé par la bactérie Borrélie). Cette maladie a envahi toute la planète. On l’a recensée sur tous les continents, y compris l’Antarctique. Toute l’Europe est aujourd’hui concernée. B. afzelii est plus répandue dans le nord de l’Europe, B. burgdorferi s.s. en Europe occidentale, B. lusitaniae dans le bassin méditerranéen. La B. spielmanii s’est répandue en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Slovénie, Hongrie, Ukraine et d’autres Etats, alors que la B. valazisiana sévit au Royaume-Uni ainsi que dans de nombreux autres pays européens. Les patients sont souvent co-infectés par d’autres bactéries, parasites et virus. C’est, entre autres, une explication de l’inefficacité des traitements. Les co-infections les plus courantes recèlent des micro-organismes tels que Bartonella (maladie de la griffe du chat), mycoplasmes, chlamydiae, des infections à rickettsie ou des organismes parasitaires tels que babesia. Si ces co-infections ne sont pas correctement diagnostiquées et traitées, les patients restent malades de manière chronique. Les vecteurs Les tiques sont de petits insectes hématophages de la famille des araignées qui vivent du sang des animaux. Quand la tique est porteuse d’une bactérie, elle peut la transmettre en piquant l’animal ou l’homme. Aujourd’hui, on a pris conscience que la tique, principale porteuse des bactéries, n’est pas la seule. D’autres insectes hématophages sont également vecteurs de contamination : araignées, moustiques, poux, puces, taons, aoûtats et autres insectes piqueurs. Ainsi, c’est potentiellement une grande partie de la population qui peut être en contact avec l’une ou l’autre des espèces de borrélies. Même si les symptômes n’apparaissent pas systématiquement, ils peuvent se manifester des années et même plusieurs décennies après une piqûre infectante. En Europe, 10 à 40 % des tiques sont porteuses de bactéries. Toutefois, la contamination varie fortement d’une région à l’autre. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Zoom Pour se développer, la tique, qui passe par 3 stades (larve, nymphe, adulte), doit « vampiriser » un hôte en effectuant un « repas sanguin ». Les nymphes, qui se tapissent dans les herbes et les litières de feuilles, se nourrissent principalement du sang de petits animaux tels les écureuils, les lézards, les lapins, les souris, les oiseaux migrateurs et les ongulés (cervidés et suidés). Un cerf peut héberger 200 tiques. Elles peuvent monter à l’assaut des chiens allongés dans les feuilles. Ce qui explique que les chasseurs, les forestiers et les promeneurs en forêt en sont les plus atteints. La présence d’un animal domestique (chat) à la maison augmenterait le risque de positivité de 30 %. La transmission peut être surprenante. On retrouve ces bactéries dans les steaks qui échappent à la cuisson. Par ailleurs, elles peuvent se transmettre de mère à enfant lors de l’accouchement. De nombreuses borrélies peuvent rester enkystées dans les cellules sanguines sans que l’on puisse les détecter. C’est sous cette forme qu’elles peuvent être transfusées chez une personne non porteuse et resurgir bien plus tard quand les conditions deviennent favorables à leur développement. Des études sur la souris l’ont confirmé. Va-t-on ainsi vers un nouveau scandale du sang ? perte de sensibilité, sensation d’engourdissement, d’atteintes des articulations, de la peau (maladie de Pick-Herxheimer, lymphocytome cutané bénin, acrodermatite atrophiante chronique) qui apparaissent surtout sur les membres. Elles seraient dues à la Borrelia afzelii. La Borrelia burgdorferi peut survivre 6 semaines dans du sang humain destiné à la transfusion. Il serait conseillé de les détecter lors des dons de sang. Les signes particuliers sont attribués à telle ou telle borrélie. Ainsi, ils peuvent survenir plus fréquemment dans les pays où ces bactéries sont plus fréquentes. Les douleurs articulaires dues à B. burgdorferi sont plus fréquentes dans les pays européens. Ce sont des douleurs intermittentes avec ou sans gonflement. La gonalgie est fréquente. Les complications neurologiques sont dues plus particulièrement à B. garinii. Les formes tardives peuvent être redoutables. Diagnostic différentiel Il consiste à passer en revue l’ensemble des diagnostics possibles qui peuvent égarer le médecin. La maladie de Lyme est une grande simulatrice. La borrélie joue à cache-cache. Elle peut imiter n’importe quelle maladie comme naguère la syphilis, une autre maladie à spirochète qui évoluait aussi en 3 stades. Signes et symptômes Cette maladie vectorielle se développe de manière endéL’incubation dure en général 1 à 2 semaines mais peut mique à travers le monde. Elle simule n’importe quel s’étendre sur 1 mois. Quelques jours après la morsure de tique, une rougeur processus de maladie connue en médecine et les tests de peut apparaître sur la peau, de la forme d’un anneau. On détection sont aléatoires. Les médecins passent à côté de appelle cette rougeur un érythème Incidence de la borréliose de Lyme cette maladie et se retrouvent migrant (EM). Sans traitement, en France (pour 100 000 habitants) dans une situation problématil’EM persiste quelques semaines à que. A leur décharge, il faut quelques mois puis disparaît. A ce reconnaître qu’elle imite la polystade, les antibiotiques sont efficaarthrite rhumatoïde, la sclérose ces mais deviendraient inactifs par en plaques, la mononucléose, la la suite du fait de la présence de fibromyalgie, les maladies neurovirus et autres parasites. dégénératives. Elle s’accompagne L’évolution se fait en trois stades Incidence de fatigue chronique, de troubles de manière un peu schématique : 51 - 90 21 - 50 de la mémoire, de dépression, 䊉 Stade primaire : zone de rougeur 11 - 20 1 - 10 d’hallucinations, de douleurs centrée sur le point de piqûre, qui 0 thoraciques. s’étend sur les bords (érythème chroTous ces patients vivent un nique migrant), accompagnée d’un véritable calvaire car à leurs dousymptôme de type grippal avec mal leurs s’ajoute l’incompréhension de gorge, fatigue, fièvre, douleurs du corps médical qui finit par musculaires et articulaires, nuque Source : d’après Letrillart et al., 2005 mettre en doute leur équilibre raide et douloureuse mais sans signes Enquête 1999-2000 psychique lequel par ailleurs peut respiratoires typiques de la grippe. être perturbé par l’infection. Les patients sont condamnés 䊉 Stade secondaire : survenue, quelques semaines à quelques mois après la piqûre, de troubles neurologiques (hypersensi- à pratiquer le « nomadisme médical », passant ainsi de bilité à la lumière et aux sons, acouphènes, vertiges, ménin- médecin en médecin, à la recherche d’une réponse à leurs gite, paralysie des nerfs crâniens, insomnie, myélite, maux, allant jusqu’à consulter une dizaine de spécialistes encéphalite), douleurs articulaires et musculaires migrantes, sans jamais trouver la cause de leur maladie. Sans oublier que la maladie de Lyme qui, en simulant toutes les malatroubles cardiaques (péricardite, arythmie). dies connues en médecine, coûte des milliards d’euros aux 䊉 Stade tertiaire : apparition, quelques mois ou quelques années plus tard, de pertes de mémoire et de concentration, systèmes de santé. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 21 Zoom Examens sérologiques En premier lieu, on recherche les anticorps dirigés contre les bactéries, d’abord par la technique immuno-enzymatique (Elisa). Si ce test quantitatif est positif, on procède à une recherche par immuno-empreinte (Western Blot ou WB). Il isole dans le sang des protéines issues de la bactérie, permettant de préciser quelle souche est en cause et le degré d’infection. Ces tests sont peu fiables, plus de la moitié des tests Elisa restent négatifs en dépit de la présence infectieuse, du fait de la variabilité et du grand nombre de sous-espèces de Borrelia. Aux Etats-Unis, on a démontré que le test Elisa détectait une quantité d’anticorps chez à peine 75 % des patients. Il n’est pas assez sensible, son seuil est trop élevé. Par ailleurs, il a été calibré pour la détection des borrélies de la côte est des Etats-Unis ; celui de Western Blot n’est pas plus performant, dû à la présence d’une centaine de types de maladie de Lyme aux Etats-Unis et plus de 300 dans le monde. En outre, la plupart des Western Blot ne testent qu’un type à la fois ; et ils peuvent donner des faux positifs, en particulier lorsqu’il y a une maladie auto-immune ou des infections aiguës autres que Lyme. Mais la recherche avance. On met au point d’autres tests, en particulier le PCR (Polymerase Chain Reaction), un test moléculaire très sensible pour les infections européennes. On peut rechercher la présence de l’ADN de la bactérie, par PCR, dans des biopsies réalisées sur l’érythème migrant ou dans du liquide synovial. Dans ces cas, la recherche par PCR est utile car, en présence de borrélies, 70 à 90 % des biopsies seront positives. On peut aussi rechercher l’ARN, qui joue un rôle de messager pour la réplication des bactéries. Les anticorps L’interprétation des examens indirects est aléatoire sans le secours des signes cliniques. Ainsi, après la morsure d’une tique et la confirmation d’une contamination, les tests deviennent inutiles dès lors que la sérologie est le plus souvent négative, ou alors elle va témoigner d’un contact ancien avec une bactérie. Les anticorps IgM apparaissent 4 à 6 semaines après, suivis des IgG, 2 à 3 semaines plus tard. Ces anticorps doivent être confirmés par le Western Blot. Il serait intéressant de vérifier le diagnostic de la maladie auto-immune en analysant les gènes HLA qui matérialisent le terrain auto-immun et la présence des auto-anticorps, lesquels sont initialement des IgM ensuite des IgG (caractéristique des intoléConseils pour ôter le parasite : n’utilirances alimentaires), sez jamais éther ou alcool, car la tête avec une spécificité resterait dans la peau favorisant l’inprécise et une forte toxication. Il existe un petit appareil affinité pour les autotrès simple et peu coûteux, le « crochet antigènes. O’TOM », sorte de petit pied-de-biche qui permet d’éliminer la tique en entier (en pharmacie). 22 MALADIE DE LYME : UNE MALADIE AUTO-IMMUNE ! L’accumulation dans les milieux biologiques d’une substance reconnue comme étrangère à ceux-ci et de façon définitive, ou qui se présente à trop fortes doses, se comporte comme un super-antigène et finira par générer une maladie auto-immune. La liste de ces antigènes est illimitée : 䉴 Remèdes chimiques pris au long cours (statines, IPP, biphosphonate, pilule, traitement hormonal substitutif), intolérances alimentaires (caséines du lait, gluten, soja), pesticides, parasites (paludisme), additifs alimentaires, aspartame… 䉴 Virus : cytomégalovirus, Epstein-Barr (mononucléose), virus de l’hépatite B… 䉴 Bactéries : outre les borrélies, les Chlamydiae pneumoniae et C. trachomatis… Dans cette litanie d’agents agresseurs, les borrélies s’avèrent de redoutables bactéries. Elles disposent d’un camouflage exceptionnel. Elles peuvent se démultiplier, se diviser, s’enkyster. Elles disposent d’un génome particulier qui leur permet de s’adapter en permanence en élaborant des protéines de surface qui s’accolent aux protéines des organismes ou tissus voisins. Cette activité proliférante stimule le système immunitaire, qui réagit en élaborant des anticorps contre ces protéines de surface, lesquels vont donner lieu à des autoanticorps au sein de divers organes (sclérose en plaques, maladie de Charcot, diabète, polyarthrite rhumatoïde, spondyl-arthrite ankylosante, thyroïdite d’Hashimoto…). Ainsi, à ce mécanisme si complexe représenté par le jeu diabolique de ces micro-organismes, il faut ajouter d’autres germes infectieux qui accompagnent la maladie de Lyme. Pour nous protéger contre tout antigène, notre organisme dispose de cinq filtres ou cinq barrières sollicitées selon l’importance de l’agression antigénique. Neuroborréliose Les signes neurologiques apparaissent chez 15 % des patients infectés environ. Ils peuvent être déclenchés par la plupart des borrélies, mais on observe plus souvent une infection à B. garinii. Les signes neurologiques les plus fréquents sont : méningite, paralysie faciale, fourmillements, vascularite cérébrale, mais aussi et plus rarement myélites, chorée, encéphalite. Après un long cheminement, les borrélies perturbent le système immunitaire et altèrent le fonctionnement des synapses neuronales et la myélinisation des fibres nerveuses. Ces bactéries sont équipées de flagelles composés d’une protéine appelée flagelline. Les lymphocytes B élaborent des anticorps anti-flagelline. Mais, dès lors que la myéline présente la même structure chimique, ces anticorps s’attaquent à la myéline et modifient la communication neuronale. Par ailleurs, les borrélies peuvent s’enkyster et franchir ainsi la BHE. Au cœur des cellules nerveuses, elles se reconstituent et altèrent les corps neuronaux. Le traitement naturel Considérant la complexité de la maladie de Lyme et de ses nombreuses problématiques, le traitement devra prendre en La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 Zoom compte la cause, l’évolution, les troubles, les symptômes liés à l’activation du système immunitaire. Seule une médecine de terrain pourra venir à bout de cette pathologie si particulière et déroutante. Les remèdes chimiques au long cours sont déconseillés dès lors qu’ils sont antigéniques et rendent poreuse la muqueuse intestinale. On peut éventuellement recourir aux antibiotiques au stade primaire de l’incubation, matérialisé par l’érythème migrant. Après ce stade, l’apparition d’autres éléments infectieux, notamment les virus, rend inopérante l’action des antibiotiques. L’ensemble des symptômes est lié à l’activation du système immunitaire : 䉴 Dès lors que cette maladie est auto-immune (présence d’anticorps IgM et IgG, en attente d’antigène HLA), prendre un immuno-régulateur naturel. Un seul existe : Immuno-régul 1re semaine 3 fois 2 gélules loin des repas, puis 3 gélules (Labo Phyt’Inov). 䉴 Pour enrayer l’ensemble du contexte infectieux (borrélies, micro-organismes, virus, parasites), nous privilégions les huiles essentielles à phénol et monoterpenols à prendre au moins pendant 3 mois, si maladie au stade primaire, sinon 6 à 12 mois (Thym à thujanol, thymol, origan, achillée millefeuille, rhizome de curcuma de Java. A prendre en gélules). Ces HE sont antivirales, anti-inflammatoires et antioxydantes. 䉴 Les pré- et probiotiques modulent le système immunitaire et colmatent l’inflammation, principal paramètre de la dysbiose. L’efficacité est dépendante des souches utilisées. Chaque gélule doit contenir au moins 10 milliards de bactéries pour s’opposer aux bactéries pathogènes. Orthoflore (1 gélule le matin) couplé à la propolis rouge (4 fois 2 gélules). 䉴 Booster les défenses immunitaires. Dans un tel terrain dégradé par un ensemble d’assauts antigéniques, le système immunitaire s’épuise. Nous disposons de micro-nutriments pour le renforcer : 䉴 Les béta-glucanes extraits de la levure du boulanger ou de champignons (Maïtake, Shitake). 䉴 L’échinacée stimule la lignée blanche, les cytokines, le TNF alpha (tumor necrosis factor). 䉴 Les alkylglycérols contenus dans l’huile de foie de chimère. 䉴 Les vitamines B, cofacteurs enzymatiques. 䉴 Les oligo-éléments : fer, zinc, cuivre. On retrouve ces ingrédients dans une formule : Stimu+ (3 fois, 2 gélules). 䉴 Les systèmes enzymatiques sont très sollicités. Les enzymes sont indispensables au déroulement de la quasi-totalité des réactions biochimiques. Enzy-20 recèle 20 enzymes. Prendre 2 gélules avant les 2 repas. 䉴 Le foie est en première ligne quand il est confronté à un afflux de molécules chimiques étrangères. Sylidium contient du chardon marie, du desmodium, du Chrysanthellum americanum et de l’huile essentielle de carotte cultivée. 1 gélule avant les 2 repas. 䉴 Les acides gras polyinsaturés de la famille oméga-3 (graines de lin, huile de colza, huiles de poisson) ont des propriétés La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2014 䉬 numéro 83 anti-inflammatoires et assurent la bonne santé cardiovasculaire et la régénération nerveuse (Lyprinol ou EPA-Krill 2 fois 2 gélules) Tous ces produits sont disponibles au labo Phyt’Inov. 䉴 Glycérophosphate de magnésium 200 mg + glycérophosphate de calcium 300 mg pour 1 gélule N°120. Prendre 2 fois 2 gélules, à réaliser en pharmacie. Crise aiguë Effectuer 2 lavements à 48 heures d’intervalle avec : 䉴 Soit une infusion d’une cuillère à soupe de café arabica (bio de préférence) dans 3/4 de litre d’eau bouillante pendant 5 minutes. Le café arabica contient de l’acide chloragénique. 䉴 Soit une infusion de 10 têtes de camomille dans 3/4 de litre d’eau bouillante pendant 10 minutes. Diluer ensuite dans 1,25 l d’eau froide afin d’amener le tout à 37 °C. 䉴 Vitamine C naturelle : Cynorrhodon vitamine C 2 à 4 gélules (Labo Phyt’Inov). 䉴 Chlorure de magnésium : 1 sachet de 20 g dans 1 litre d’eau boire, 1/2 verre 3 fois par jour. Homéopathie Remède de base : Borrelia 200 K (1 dose, 3 fois par jour pendant les poussées). 䉴 Remède de fond : Borrelia 200 K (2 doses par semaine pendant 1 mois). 䉴 Enchaîner par : Borrelia 1000 K (3 doses à 10 jours d’intervalle). Borrelia 104 K (3 doses à 10 jours d’intervalle) On peut se procurer les dilutions de Borrelia auprès de la Pharmacie des Archers, à Epernay. 䉴 Prévention et éducation Les mesures de protection comportent le port de vêtements recouvrant (port de chaussures montantes, notamment), l’utilisation de répulsifs et examen attentif du corps au retour d’une promenade en forêt pour repérer et enlever les tiques (un détachement précoce, en utilisant par exemple une goutte d’huile essentielle pour l’endormir, limite la probabilité de transmission de l’infection). Ainsi, cette pathologie infectieuse qui s’apparente à une épidémie mondiale représente un extraordinaire challenge pour la médecine moderne. Il est temps de dénoncer un déni de cette infection bien identifiée, mais négligée par les pouvoirs publics et les universitaires. Un mur de silence s’est érigé, organisé par un contre-mouvement de l’industrie pharmaceutique et des caisses d’assurance maladie (ces lobbies achètent des opinions à grand renfort d’argent). 䊓 Dr Jean-Pierre Willem www.docteurwillem.fr [email protected] Pharmacie des Archers, 1 rue des Archers, BP 30, 51201 Epernay Cedex. Fax : 03 26 57 93 25 Labo Phyt’Inov, Au Village 72,2904 Bressaucourt (Suisse). Tél. : 0080099007222. (Demandez un bon de commande + documentation) 23
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