83 - Monespassur

LA REVUE DE LA MTRL
REVUE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION DE LA MTRL – N° 83 – SEPTEMBRE 2014 – 1 ¤
Mutuelle et Santé
L’hôpital public
dans la tourmente financière
ÉDITORIAL
La Revue de la MTRL
Mutuelle et Santé
n° 83
VIE DE LA MTRL
• Brèves
• Plaidoyer pour la médecine
intégrative avec le Tout-Lyon
• Les rencontres prévention
du second semestre
• L’info en continu, c’est mtrl-id.com
3
ÉCONOMIE DE LA SANTÉ
Le ministère de la Santé organise
le black-out sur la transparence…
avec des décrets écrits en sous-main
par les firmes
8
SOINS ET SANTÉ
La contraception par pilule
12
SAVOIR
Alcool, quand tu nous tiens !
14
DOSSIER
L’incroyable histoire du BCG
2e partie
18
ZOOM
La maladie de Lyme :
un casse-tête !
20
La Revue de la MTRL - Mutuelle et Santé
est la publication officielle de la MTRL,
une Mutuelle pour tous,
37, avenue Jean-Jaurès 69007 Lyon
Tél. : 04 72 60 13 00. Fax : 04 72 60 13 01
N° Azur : 0 810 811 494
Internet : mtrl.fr et reflexe-prevention-sante.mtrl.fr
Second site web : mtrl-id.com
e-mail : [email protected] et [email protected]
N° de CPPAP : 0417 M 05960.
21e année – trimestriel – septembre 2014 – n° 83
Le numéro : 1 ¤, dans tous les bureaux et agences
de la MTRL. Abonnement annuel : 4 ¤.
Directeur de la publication : Romain Migliorini.
Administrateur : Thierry Thévenet.
Éditeur délégué : Les Éditions du Chaland.
ISSN : 1253-921X
Impression : IMAYE Graphic, 53000 Laval.
La reconquête impossible
de la Sécurité sociale
L
’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI), signé en
janvier 2013 par le gouvernement et les partenaires sociaux – FO
et la CGT n’ont pas signé –, prévoit entre autres dispositions d’étendre
la complémentaire santé à l’ensemble des salariés avant le 1er janvier 2016,
mesure qui vise notamment les salariés des petites et moyennes entreprises dans
lesquelles il n’existe pas aujourd’hui de couverture collective.
Première interrogation : le financement de cette couverture devant être partagé
pour moitié entre employeurs et salariés, quid pour tous ceux – chômeurs,
retraités… – qui n’entrent pas dans le plan ?
Les pouvoirs publics n’ont toujours pas défini précisément les modalités
d’application de cette mesure ni la date exacte de son lancement, mais le
principe même de cette extension de protection par les complémentaires santé
entérine le fait que, dorénavant, ces dernières deviennent les cogérantes de
l’assurance maladie avec la Sécurité sociale.
Historiquement, le mutuellisme s’est constitué dans le cadre d’un syndicalisme
de combat pour apporter des garanties de protection sociales minimales
auxquelles le patronat se refusait à participer, ne rémunérant – dans les
conditions de l’époque ! – que le travail fourni. A la Libération, la création de
la “Sécu” représenta une formidable avancée sociale pour les salariés, à quoi le
patronat fut obligé de souscrire, et les mutuelles, qui se créèrent en nombre dans
les années cinquante et soixante, apportaient juste cette petite part, précisément
“complémentaire”, que les salariés recherchaient par adhésion volontaire.
Aujourd’hui, la couverture offerte par la Sécurité sociale atteint à peine 60 %
pour les patients qui ne sont pas en affection de longue durée. C’est dire le reste
à charge pour les organismes complémentaires et ce qu’il en coûte nécessairement
à leurs adhérents, dont les cotisations, déjà élevées, ne peuvent qu’augmenter.
Ainsi, nombreux sont ceux qui finissent par renoncer à cette couverture et, pour
partie d’entre eux, à renoncer également à toute forme de soins.
Comme l’exprime parfaitement le professeur Brigitte Dormont, responsable de
la chaire santé de l’université Paris-Dauphine : « On ne réduit pas la dépense
des ménages en transférant sur les complémentaires des remboursements que ne
fait plus l’Assurance maladie : on ne fait que transférer une couverture financée
sur un mode solidaire sur une couverture facultative financée majoritairement
par des primes indépendantes du revenu. Ce faisant, on crée de l’inégalité.
L’ANI, avec la généralisation de la complémentaire santé au sein des entreprises,
va amplifier encore le phénomène. »*
Alors l’ANI, nouvelle avancée de l’esprit mutualiste ou cadeau empoisonné ?
Disons plutôt carte forcée que les mutuelles ne peuvent qu’assumer de bonne
grâce en sachant bien que la reconquête impossible de la Sécurité sociale les
contraint, malheureusement, à cautionner son effacement progressif sans qu’elles
y aient participé en quoi que ce soit.
Le président,
Romain Migliorini
* Interview publiée dans viva.presse.fr
[http://www.viva.presse.fr/brigitte-dormont-notre-secu-n-est-pas-aussi-solidaire-qu-on-le-pense-169782]
Vie de la MTRL
DES CONFÉRENCES GRAND PUBLIC
L
a MTRL est le partenaire « mutuelle » du Centre Léon-Bérard depuis de nombreuses années. A ce titre, nous souhaitons
vous présenter le programme des conférences grand public organisées par l’Espace rencontre information du Centre, qui
se dérouleront à Léon-Bérard, 28 rue Laënnec, 69008 Lyon.
Reconstruction mammaire immédiate : la reconstruction
du sein dans le même temps que la chirurgie d’ablation.
Dr Christelle Faure, Dr Nicolas Carrabinn, Dr Christophe Ho
Quoc (chirurgiens sénologues).
Lundi 13 octobre 2014, à 17 h 30.
Cancer et travail : quels espoirs pour demain ?
Dr Pierre Heudel, oncologue, Mme Nathalie Vallet Renart,
Association Entreprise et Cancer, Valérie Lugon de VL
Conseil, et les Services Santé au travail et l’équipe du service
social DISSPO du CLB.
Mardi 21 octobre 2014 à 17 h 30.
Quelle est la place de la médecine personnalisée
dans le traitement des cancers du sein aujourd’hui ?
Dr Olivier Tredan, oncologue médical, département
de médecine.
Mardi 4 novembre 2014 à 16 heures.
Nutrition, alliée du corps.
Dr Dominique Cellier, médecin nutritionniste.
Mercredi 10 décembre 2014 à 17 h 30.
L’AGENCE MTRL DE LYON-VAISE DÉMÉNAGE
ans le but de disposer d’un nouvel espace d’accueil
rénové, plus vaste, adapté et mieux situé au
cœur de ce grand quartier en pleine évolution, l’agence MTRL de Lyon-Vaise s’installera
en octobre prochain à l’adresse suivante :
7, rue de Bourgogne 69009 Lyon.
D
Les horaires et le numéro de téléphone
sont inchangés : 04 37 27 86 00.
INAUGURATION DE L’AGENCE MTRL DE LOUHANS RÉNOVÉE
ux termes de travaux importants permettant une totale rénovation, l’agence MTRL de Louhans
a été inaugurée le mardi 17 juin en présence d’une nombreuse assistance réunie autour de
MM. Romain Migliorini, président, et Etienne Depeyre, directeur général de la MTRL, ainsi que
de Mme Christine Buatois, 2e adjointe au maire de la ville.
La MTRL développe depuis plusieurs années un partenariat dynamique et cordial avec la municipalité, notamment dans le cadre du
Forum « Bien-être et santé en Bourgogne » ou de conférences de santé.
Cette agence rénovée et modernisée, idéalement située au cœur
de Louhans, en Bresse bourguignonne, sous les arcades
historiques, nous permet
d’accueillir adhérents et
visiteurs dans un espace
accueillant et professionnalisé.
Les équipes MTRL sont à votre disposition, 6 Grande-Rue
à Louhans.
A
Tél. : 03 85 69 49 40 et [email protected]
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Vie de la MTRL
LA MTRL, PARTENAIRE DE LA 2E BIENNALE PEINTURE
ET SCULPTURE DE CUISEAUX (71)
Puvis de Chavannes, Autoportait inachevé.
possède également une agence à Cuiseaux, petite ville dans
L al’estMTRL
de la Saône-et-Loire, proche du Jura.
Forte d’un patrimoine historique important, Cuiseaux développe
des initiatives culturelles originales sous le vocable « Pays des peintres »
à travers la Biennale peinture et sculpture. Cet événement se déroulera
du 13 au 28 septembre autour d’un programme de grande qualité :
conférences et expos autour de Pierre Puvis de Chavannes (éminent
peintre du XIXe siècle, dont la famille vécut et vit toujours à Cuiseaux),
diverses expositions de peintures et sculptures, films, cours de
peinture/sculpture, concours de peintres dans la rue…
Une biennale au rayonnement
croissant soutenue par la MTRL.
Pour en savoir plus :
www.cuiseaux-paysdespeintres.fr
Edouard Vuillard, La chambre, 1899.
Les
Rencontres
Prévention de la MTRL
L
a MTRL a lancé en 2014 une nouvelle initiative au service de ses adhérents. Un programme de réunions thématiques
a été mis en place pour le premier semestre. Voici celui du second semestre. Les rencontres se déroulent au siège de
la Mutuelle, 37 avenue Jean-Jaurès (Lyon 7e), le plus souvent les jeudis, à 18 heures.
Jeudi 25 septembre, 18 heures : La contraception sans
risque existe-t-elle ? (Dr Christelle Charvet)
Jeudi 25 septembre, 18 heures : Le syndrome d’apnées
du sommeil (Dr Michel Nasr)
Important : ce 25 septembre 2014 auront lieu deux réunions
santé à la même heure, dans deux salles séparées.
Mercredi 1er octobre, 18 heures : Aïe, j’ai mal au dos !
(Dr Christian Ricard-Meille)
Jeudi 9 octobre, 18 heures : Peut-on prendre du poids tout
en surveillant son alimentation ? (Dr Jean-Louis Masson)
Mercredi 15 octobre, 18 heures : L’avènement de
la phytothérapie, son abandon et sa renaissance
(François Gautier, PDG Laboratoire Biogemm)
Jeudi 23 octobre, 18 heures : Parcours de vie, parcours
de soin (Dr Pascal Dureau)
Jeudi 30 octobre, 18 heures : Les éléments de la prévention
cardiovasculaire (Dr Guy Durand de Gevigney)
Mercredi 5 novembre, 18 heures : La maladie de Lyme
(Dr Christiane Ricard-Meille)
Jeudi 13 novembre, 18 heures : Nouvelles techniques
d’imagerie et de prise en charge chirurgicale dans le
domaine cardiologique (Dr Guy Durand de Gevigney)
6
Vendredi 14 novembre, 18 heures : L’exercice
comme première nécessité vitale de prévention
santé (Jérôme Simian, préparateur physique)
Jeudi 20 novembre, 18 heures : Urgence ou
précipitation ? (Dr Pascal Dureau)
Jeudi 27 novembre, 18 heures : La colonne
vertébrale, prévention : pourquoi et comment ?
(Maxime Nouchy, kinésithérapeute)
Vendredi 28 novembre, 18 heures : Faire de
l’exercice, mais que faire ? (Jérôme Simian)
Jeudi 4 décembre, 18 heures : La cigarette
électronique (Dr Michel Nasr)
Mercredi 10 décembre, 18 heures : Place de
la gemmothérapie au sein de la phytothérapie
et des médecines naturelles (François Gautier)
Mercredi 17 décembre, 18 heures : Mon genou
me fait mal et gonfle (Dr Christiane Ricard-Meille)
Pour toute information,
contacter Mme Frédérique Ersoonmez au
01 44 71 52 41 ou par mail :
[email protected]
La Revue de la MTRL
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Vie de la MTRL
L’info en continu, c’est mtrl-id.com,
le site information et développement de la Mutuelle
L
A SÉCU, notre “Sécu”, se retire sur la pointe des pieds de la protection
sociale. « A coup de forfaits, de franchises, de déremboursements,
d’effritements successifs, on a poussé les Français vers l’obligation
d’avoir une complémentaire santé. Ce transfert s’est fait insidieusement,
sans débat démocratique. »
Telle est l’affirmation d’un chargé de recherche en sociologie au CNRS
dont on pourra lire les propos sur notre site, ainsi que ceux de trois autres
spécialistes des questions de santé, qui ont, tous quatre, répondu à une
enquête de viva.presse.fr à l’occasion d’une série La Sécu a 70 ans…
Alors, une mutuelle pour tous, ainsi que l’Accord national interprofessionnel le préconise : avancée sociale spectaculaire ou cadeau empoisonné ?
A vous de juger.
LES PETITS DÉJEUNERS D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION
DU T OUT LYON ET DE LA MTRL
L
e prochain rendez-vous est fixé au 26 septembre, au siège de la MTRL,
et sera animé par le Pr Henri Joyeux, chirurgien cancérologue, sur le thème “Diabète, obésité, cancers et
maladies auto-immunes, des rhumatismes à l’Alzheimer”.
Comme on peut le lire dans ce même numéro de revue, les
comptes rendus sont publiés régulièrement dans les colonnes
du Tout Lyon, qu’à notre tour nous reproduisons dans ces
pages. Une collaboration qui a déjà donné naissance à un
ouvrage édité par le Tout Lyon et disponible sur demande au
siège de la MTRL, 37 avenue Jean-Jaurès.
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SUNSHINE ACT A LA FRANÇAISE
Le ministère de la Santé
sur la transparence…
Le texte qui suit, signé Anne Chailleu, illustre, encore une fois, la connivence des
pharmaceutiques à travers un financement à flux tendu par ces derniers d’un
dans les médias, s’ils parlent vraiment au nom de leurs compétences reconnues ou
confortablement pour les services publicitaires qu’ils leur procurent.
a loi Bertrand, votée le
29 décembre 2011 dans les
suites du scandale du Mediator,
avait prévu la publication des liens
d’intérêts liant professionnels et
industries de santé.
Dix-huit mois furent nécessaires
pour voir paraître un premier décret,
dont le Formindep s’inquiétait déjà
des importantes insuffisances. Les
premières publications sur les sites
des ordres professionnels1 et des
entreprises sont consultables depuis
octobre 2013.
Six mois après l’entrée en vigueur
effective de cette loi, il est temps
d’en faire un bilan, alors qu’un nouveau projet de décret du gouvernement menace déjà de fermer cette
fragile parenthèse de transparence,
en reportant à octobre 2015 la mise
en ligne de nouvelles données sur un
site public.
L
Des déclarations aux actes,
le grand écart des entreprises
Le LEEM, le lobby de l’industrie
pharmaceutique française, revendique l’antériorité de l’idée de « transparence des liens d’intérêts comme vecteur de confiance »2.
Il y a néanmoins loin de la coupe
aux lèvres car, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, à la
date requise seules 10 % des entreprises concernées s’étaient pliées à
leurs obligations. Une proportion
8
déjà observée pour la publication
des liens avec les associations de
patients. L’aspect qualitatif n’était
pas non plus au rendez-vous, puisque seule une entreprise sur deux
fournissait aux ordres des données
sous une forme lisible et exploitable.
Les sites des entreprises quant à eux
rivalisent d’inventivité pour faire
obstacle au patient lambda qui
comme moi souhaiterait savoir si
son médecin entretient des liens
d’intérêts. Difficiles à localiser, voire
introuvables, les données sont éparpillées sur plus de 300 sites d’entreprises3, fournies le plus souvent sous
forme d’annuaires géants composés
de fichiers non indexés pouvant
atteindre plusieurs centaines de
pages4. A la difficulté de compulser
ces grimoires s’ajoute parfois une
coquetterie : certains laboratoires
ont été jusqu’à “aléatoiriser” leur
registre5. Des centaines de pages,
sans index, ni même d’ordre alphabétique… La transparence est bien
lointaine. Que les entreprises aient
peu joué le jeu n’a rien de bien
surprenant. Aucune n’a réellement
envie de voir apparaître au grand
jour les millions dépensés en déjeuners, les réunions de « formation » à
visée marketing, les noms des
experts « conseillers en communication » qui interviennent sur les
plateaux de télévision sans jamais
mentionner leurs liens.
Le gouvernement
contre la transparence
Moins attendu est le blocage du gouvernement sur ce dossier. Les 18 mois
de gestation du décret 2013-414 ont
produit au terme de plusieurs versions
un monstre, amputant de larges pans
une loi pourtant adoptée d’un commun accord par les députés de tous
bords. Le 17 juillet 2013, un rapport
d’information critique, déposé par
Catherine Lemorton, présidente (PS)
de la Commission des affaires sociales
de l’Assemblée nationale, et le député
Arnaud Robinet (UMP), rapporteur
de la loi Bertrand, évoquait déjà « un
rendez-vous manqué ». En cause, la
disparition de l’obligation de déclaration des liens les plus significatifs et
problématiques : contrats de consultants aux montants occultés, voire
contrats non déclarés, pour peu que
l’entreprise ou le médecin bénéficie
des diverses brèches introduites par le
décret gouvernemental. Des brèches
telles que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) et le Formindep formaient chacun un recours
au Conseil d’Etat pour excès de pouvoir, le gouvernement ayant selon eux
indûment affaibli la portée de la
transparence. Une incroyable bataille
à front renversé : les professionnels de
santé exigent davantage de transparence, et c’est le gouvernement, censément garant de celle-ci, qui s’y
oppose… Le rapport de l’Inspection
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Économie de la santé
organise le black-out
avec des décrets écrits en sous-main par les firmes
responsables de la santé – ministère en première ligne – et des laboratoires
grand nombre de patrons hospitaliers dont on peut se demander, lorsqu’ils interviennent
s’ils ne sont que les obligés des entreprises du médicament qui les rétribuent
http://www.formindep.org/Le-ministere-de-la-sante-organise.html
générale des affaires sociales (IGAS),
qui pointait en 2008 “la forte opacité”
des rémunérations des médecins hospitaliers par les firmes, ne serait hélas
pas démenti en 20146. En effet, selon
la formule lapidaire du CNOM, le
décret allégé, vidé de l’essentiel, permet de “savoir tout des croissants, rien
des contrats”.
Transparence en trompe l’œil
Pour mesurer l’ampleur de ce décalage entre réalité et publication officielle, permis aussi bien par le détricotage systématique de la loi par l’action gouvernementale que par le
manque de coopération des entreprises de santé, il suffit de chercher les
liens de leaders d’opinion bien
connus. Ces médecins stars, généralement professeurs des hôpitaux, habitués des médias et des colloques
scientifiques, recherchés par les firmes pour leur grande influence sur
les prescriptions de leurs confrères.
Lorsqu’ils écrivent un article dans un
journal scientifique ou médical, ou
interviennent en public sur un produit de santé, ces médecins sont
tenus de déclarer leurs liens d’intérêts. La comparaison de ces déclarations de liens par les médecins euxmêmes avec les déclarations faites par
les firmes est édifiante.
Le Pr Bernard Charbonnel, ancien
chef du service d’endocrinologie du
CHU de Nantes, est un leader
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d’opinion dans le domaine du diabète. Selon les données accessibles
via le moteur de recherche tenu par
le Conseil national de l’Ordre des
médecins7, le Pr Charbonnel serait
consultant pour 4 laboratoires
(Sanofi-Aventis, Lilly, JNB-Développement et Novartis). Ces données sont partielles : selon sa déclaration d’intérêts au Quotidien du
médecin8, sur les mêmes 12 mois, le
Pr Charbonnel a bien été rémunéré
en tant que consultant par ces 4 firmes… mais également par 7 autres :
Astrazeneca, Boehringer Ingelheim,
BMS, Merck, Novo Nordisk,
Roche, Takeda. Une activité exercée
dans le cadre de sa société par
actions simplifiée (SAS), dont les
derniers comptes déposés indiquent
un résultat pour 2012 de
171 382 ¤9, supérieur à la rémunération d’un praticien hospitalier.
Le Pr Jean-Yves Le Heuzey, cardiologue à l’Hôpital européen GeorgesPompidou, est également un ancien
expert des agences de santé et le corédacteur de recommandations professionnelles de la Société européenne
de cardiologie (ESC). Seuls ses
contrats avec 3 laboratoires, Servier,
Daiichi Sankyo, Meda Pharma,
apparaissent dans le moteur de
recherche du CNOM. Mais le professeur en déclare lui-même trois fois
plus sur la même période (Servier,
Sanofi, Meda, MSD, Bayer, BMS,
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Boehringer, Daiichi, GSK) auprès de
la Société française de cardiologie10.
Le Pr Guy Vallancien est urologue
à l’Institut Montsouris. C’est également un influenceur de premier
plan, régulièrement sollicité par les
médias et par les ministres de la
Santé, qui lui commandent missions
et rapports. Le Pr Vallancien déclare
spontanément lui-même des liens
avec Takeda, Medtronic ou Janssen
Cilag11. Surtout, il préside et détient
selon ses déclarations 43,5 % des
parts de la société Convention on
Health Analysis and Management,
qui organise chaque année à Chamonix la convention homonyme. On y
débat, sur invitation uniquement, de
l’avenir de la santé en France, dans
une approche très libérale. On s’intéresse à la loi Sunshine : on y expose
ainsi que grâce à cette loi « les
aboyeurs de l’indépendance deviennent
eux-mêmes suspects de totalitarisme car
leur fonds de commerce s’évanouit
devant la transparence des liens entre
industriels et médecins »12. La société
présente une liste impressionnante de
“partenaires”, laboratoires pharmaceutiques (Sanofi, Roche, Novartis),
assureurs, agences de relations publiques, acteurs de la dépendance ou
des dispositifs médicaux qui trouvent
là l’enceinte favorable à la diffusion
de leurs messages13. De cette entreprise de relations publiques réalisant
454 200 ¤ de chiffre d’affaires pour
9
Économie de la santé
un résultat de 49 786 ¤ en 201114,
Guy Vallancien déclare retirer un
revenu de 15 000 ¤. Le nom de Guy
Vallancien ou de la société CHAM
n’amène néanmoins aucun résultat
dans la base du CNOM. Ni contrats
ni même croissants !
Oncologue médiatique, ex-directeur de l’Institut national du cancer
(INCa), David Khayat n’apparaît
dans le registre du CNOM que pour
un unique contrat de consultant signé
avec Astrazeneca. De ses déclarations
auprès du journal d’oncologie clinique (JCO), il ressort qu’il est également consultant pour Celgene15.
La loi Sunshine était censée également faire une certaine lumière sur les
sociétés commerciales, sociétés savantes et autres associations de services
hospitaliers, financées en quasi-totalité
par les firmes car elles relaient notamment leurs actions de « formation ».
Gynecole SARL est une société qui
propose notamment une tournée
nationale, « les samedis de la contraception ». Organisés six fois par an,
ces congrès sont entièrement gratuits
pour les participants, déjeuner inclus.
Conforme à l’adage « si c’est gratuit,
c’est que c’est vous le produit », le
modèle économique de ces congrès
repose en effet sur la vente aux firmes
d’espaces publicitaires (stands) et de
prestations de communication. En
clair, du temps de cerveau de médecins disponible. La société a ainsi participé à la communication de crise
des laboratoires commercialisant des
pilules de 3e et 4e générations, ou à la
promotion de la pilule du surlendemain pour le laboratoire HRA
Pharma. Les deux animateurs de la
société, les médiatiques gynécologues
Christian Jamin et David Elia déclarent de nombreux liens, pas moins de
26 firmes pour David Elia. Gynecole
SARL réalise un chiffre d’affaires en
2013 de 256 000 ¤ pour un résultat
de 110 000,16 ¤16. Le moteur de
recherche du CNOM ne renvoie
néanmoins aucun résultat pour la
société. Les données du laboratoire
HRA Pharma sont quant à elles
introuvables sur son site et inexploitables sur le site du CNOM.
10
“Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles ! Or si un aveugle
Les associations de services hospitaliers “fonctionnent dans des conditions
très opaques au bénéfice de certains
médecins praticiens hospitaliers, et cette
opacité pourrait masquer des dérives, par
exemple à travers la prise en charge de
dépenses personnelles. De plus, la gestion
de ces structures consomme du temps de
travail des praticiens dont on peut penser
qu’il serait mieux employé dans des activités plus en rapport avec leurs compétences”, écrivait l’IGAS en 200817.
MAPAR (Mise au point en anesthésie et réanimation) est depuis plus de
30 ans l’association du service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital du
Kremlin-Bicêtre (AP-HP). Elle organise chaque année un congrès national et édite la bible des anesthésistesréanimateurs, les « protocoles ». Elle
propose également aux anesthésistesréanimateurs
une
formation
« MAPAR Neige » à Valmorel pour les
sports d’hiver, et « MAPAR mer » à
Cuba pour mieux passer l’hiver, auxquelles s’est ajoutée cette année une
formation golf en Turquie pour le
printemps, hélas annulée par le Club
Méditerranée qui devait l’héberger18.
Alors que le code de déontologie
des entreprises du médicament19 prohibe les formations tenues dans « des
lieux réputés pour leurs infrastructures
de loisirs ou qui sont somptuaires ou
excentriques », l’association s’affranchit pour sa part de ce genre de considération et va jusqu’à permettre à la
famille des congressistes de se joindre
à la formation, des activités étant prévues pour les enfants. Les excursions
et activités de loisirs sont par ailleurs
indissociables du séminaire, cela afin
de maintenir la convivialité.
Selon le registre du CNOM,
2 laboratoires (Takeda et Prostrakan)
déclarent chacun la location d’un
stand lors du congrès annuel
MAPAR (5 561 $ pour Takeda). En
réalité, plus de 30 laboratoires exposants ont loué à l’association de tels
stands, pour un prix unitaire vraisemblablement au moins équivalent.
La Revue de la MTRL
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Pieter Bruegel the Elder, The Blind Leading the Blind , 1568.
guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou.” Matthieu (15,14)
Black-out total
jusqu’en octobre 2015 ?
Malgré les graves lacunes que nous
venons d’illustrer, cette transparence
était une avancée, encore excessive au
goût de certains. Le coup de grâce
viendra finalement du gouvernement.
Un projet de décret modificatif est
en passe d’être publié, censé préciser
les modalités pratiques de fonctionnement du site public des liens d’intérêts. Un site pour lequel la
Direction générale de la Santé (DGS)
sollicitait l’avis du Formindep20. Alors
que la mise en ligne des liens sur ce
site était prévue au fil de l’eau, dans
les 15 jours de leur contractualisation, et ce dès ce premier trimestre
2014, le Premier ministre et la ministre de la Santé laissent désormais aux
firmes un délai pour transmettre les
données nécessaires, qui court
jusqu’en… octobre 2015. Alors
même que le site, développé par le
1. Consulter le site d’hébergement provisoire des liens d’intérêts
mis en place par l’Ordre des médecins
2. Communiqué de presse du LEEM
3. Voir la liste, tenue par le blog Loi Bertrand, de la société de gestion
de la relation client Market iT
Économie de la santé
ministère de la Santé, est prêt à être
mis en ligne.
Pire, le décret modificatif suspend
immédiatement la publication par
les conseils ordinaux, qui ne
publient donc que les archives antérieures à juin 2013. Les données
pourraient donc être gelées jusqu’à
27 mois avant d’être réellement
accessibles au citoyen. Les nouveaux
liens n’y apparaîtront ensuite que
dans les 6 mois de leur établissement. Autant dire un enterrement.
Entre-temps, seuls subsisteraient les
sites des entreprises, lorsqu’ils existent, et leurs annuaires de centaines
de pages illisibles, le décret ne précisant aucune exigence de qualité pour
ceux-ci. Ni moteur de recherche ni
même ordre alphabétique. Bien au
contraire, il va jusqu’à prévoir que
les données pourront être publiées
sur un site qui n’est pas même celui
de l’entreprise, mais un site « identifiable à partir d’informations mises à
disposition du public par tout autre
moyen par cette même entreprise ».
La prochaine fois que vous entendrez, ou lirez, un médecin renvoyer à
sa déclaration d’intérêts “disponible
sur le site Sunshine”, vous saurez qu’il
s’agit d’une demi-vérité car ces données sont déjà périmées et très incomplètes. Au terme de mes pérégrinations de citoyenne et patiente soucieuse des liens de nos soignants, je
n’aurai qu’un conseil à ceux qui voudraient tenter l’aventure : à vos cartes
au trésor, le jeu de piste ne fait que
commencer…
䊓
Anne Chailleu
(17 mars 2014)
10. Déclaration sur le site de la SFC
11. Déclaration sur son site personnel
12. Extrait de la vidéo introductive à la table ronde numéro 3
13. http://www.canalcham.fr/fr/cham2013…
4. Voir par exemple le tableur illisible des laboratoires Lundbeck
14. Comptes disponibles auprès du registre du commerce
5. Parcourir par exemple le registre inutilisable du laboratoire Baxter
15. Déclaration disponible sur le site du JCO
6. Rapport IGAS RM2008-147P chapitre 4, pages 71 et suivantes
16. Comptes disponibles auprès du registre du commerce
7. http://www.sunshine-act.ordre.medecin.fr/
liste_donnees_exploitables
17. Rapport IGAS RM2008-147P page 77
8. Disponible sur le site du QDM
19. Code de déontologie disponible sur le site du LEEM
9. Comptes disponibles auprès du registre du commerce
20. Lire l’échange de courrier sur cette sollicitation
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2014
䉬
numéro 83
18. Voir par exemple le programme de l’édition MER 2014
11
Soins et santé
La contraception par pilule
Elle passe de plus en plus mal, la pilule…
u’en est-il de l’évolution de
la contraception en France,
16 mois après le communiqué de l’ANSM alertant patientes et
médecins sur les risques vasculaires
des pilules ?
Dans le numéro 78 de la revue de
la MTRL, nous reprenions les différentes données du problème.
Les pilules œstro-progestatives
présentent deux types de risques
vasculaires :
䉴 les risques veineux (insuffisance
veineuse chronique, phlébite et
embolie pulmonaire). Ces risques
sont majorés en cas d’antécédents
familiaux ou personnels de phlébite
ou d’embolie pulmonaire, de surpoids, d’immobilisation, de voyage
en avion surtout long-courrier ;
䉴 les risques artériels (hypertension
artérielle, infarctus du myocarde,
accidents vasculaires cérébraux).
Ces risques sont majorés par les
antécédents familiaux ou personnels de problèmes vasculaires artériels, le surpoids et surtout
l’intoxication tabagique.
Q
12
Depuis la commercialisation de la première pilule en 1961,
ces
risques
sont
connus,
mais
la
balance bénéfice-risque avait toujours profité à la pilule, puisque
le risque vasculaire de
la grossesse existe.
Des générations de
pilule se sont succédé
pour améliorer le
confort des patientes,
limiter les risques de
prise de poids, d’acné,
de douleurs de règles,
de règles abondantes ;
ainsi
sommes-nous
passés de la 1re génération de pilule à
la 2e (pilules au levonorgestrel), à la
3e (pilules au gestodène), puis à la 4e
(pilules à la drospirénone). Sont arrivés aussi sur le marché des contraceptifs œstro-progestatifs par voie
vaginale (anneau) ou par patchs.
Malheureusement, si le confort
apporté par ces pilules a pu paraître
meilleur, il est apparu que le risque
vasculaire allait croissant avec la succession des générations de pilules.
Résumé des faits
䊉 26/10/2011 : publication d’une
étude dans le British Medical Journal
montrant que le risque de thrombose
veineuse est deux fois plus important
chez les utilisatrices de contraceptifs
oraux de 3e génération par rapport à
ceux de 2e génération.
䊉 14/11/2011 : communiqué de
l’ANSM reprécisant les risques
thrombo-emboliques :
䉴 risque de 5 à 10 cas/100 000 femmes
par an en l’absence de contraception ;
䉴 risque de 20 cas/100 000 femmes si
utilisation de COC de 2e génération ;
risque de 40 cas/100 000 femmes si
COC de 3e génération ;
䉴 risque de 60 cas/100 000 femmes
en cours de grossesse.
Le rapport bénéfice-risque des
contraceptifs oraux reste positif.
L’Agence nationale de sécurité du
médicament a adressé un courrier aux
professionnels de santé rappelant la
bonne pratique de l’information en
termes de contraception :
1) Prescrire en première intention des
pilules de 2e génération, moins dangereuses sur le plan vasculaire.
2) Informer les patientes, lors d’une
consultation dédiée à la contraception, des différentes méthodes de
contraception pour que leur choix
soit éclairé.
䉴
L’évolution des ventes
de contraceptifs oraux
Sans surprise, les ventes de contraceptifs oraux combinés de 3e-4e générations ont chuté : si l’on compare les
ventes dans la période janv. 2013déc. 2013 versus janv. 2014-avr.
2014, la chute est de 48 %, s’accélérant à partir de juin 2013 pour
atteindre 50 %.
Cela n’est pas sans rappeler l’effondrement des ventes de traitements
hormonaux substitutifs après la
publication de l’étude WHI en juillet
2002 : - 73 % en 9 ans… sauf que
prendre un traitement hormonal
substitutif est seulement un confort,
alors que prendre une contraception
efficace assure l’absence de grossesse,
ce qui évite les accidents médicaux
des IVG, des accouchements.
Parallèlement, les ventes de contraceptifs oraux de 1re et 2e générations
ont augmenté de 32 %.
Le ratio entre les ventes des COC de
re
1 et 2e génération par rapport aux
COC de 3e et 4e génération est de
La Revue de la MTRL
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numéro 83
Soins et santé
Ventes de COC de 1re et 2e générations
Ventes de COC de 3e et 4e générations
2 500
Nombre de plaquettes vendues (103)
Nombre de plaquettes vendues (103)
3 500
2013
3 000
2 500
2012
2012
2 000
1 500
1 000
2013
2 000
01
déc.
01
janv.
01
févr.
01
mars
01
avr.
01
mai
01
juin
01
juill.
01
août
01
sept.
01
oct.
01
nov.
01
déc.
01
déc.
Données mensuelles (janv. 2012/déc. 2012 vs janv. 2013/déc. 2013)
Données Celtipharm
79 % versus 21 % entre janvier et avril
2014 alors qu’il était de 52 % versus
48 % entre janvier et avril 2012.
Qu’en est-il des autres
méthodes contraceptives ?
Tous les chiffres se rapportent à une
comparaison entre la période janv.
2013-avr. 2014, par rapport aux chiffres de 2012.
Les ventes de progestatifs contraceptifs ont augmenté de 8,1 %. Les ventes de contraception non orale, type
patchs ou anneau, ont baissé de 15 %.
La baisse de vente des contraceptifs oraux a profité aux dispositifs
intra-utérins (autrefois appelés stérilets), en particulier au cuivre dont la
vente augmente de 45 % ; rappelons que la pose d’un DIU au cuivre
ou à hormones est possible même
chez une femme qui n’a pas eu d’enfant, mais que la durée et l’abondance des règles sont majorées par
rapport à la pilule.
01
janv.
01
févr.
01
mars
01
avr.
01
mai
01
juin
01
juill.
01
août
01
sept.
01
oct.
Données mensuelles (janv. 2012/déc. 2012 vs janv. 2013/déc. 2013)
Données Celtipharm
Comment analyser
ces chiffres ?
䊉 Nous pourrions penser que les
patientes bien informées, qui préféraient une contraception orale, ont
choisi dans l’intérêt de leur santé des
pilules de 2e génération. Il y a eu effectivement une peur des patientes, mais il
y a aussi un paramètre qui a pu influencer les ventes : les pouvoirs publics ont
supprimé le remboursement des pilules
de 3e génération dès le 31 mars 2013.
Certaines patientes ont donc demandé
une pilule remboursée, obligatoirement, de 1re ou de 2e génération.
䊉 Les chiffres qui sont analysés sont
des chiffres de vente et non pas des
chiffres de poursuite de contraception ; nombre de patientes qui avaient
opté pour un DIU le font enlever
pour des règles douloureuses ; certaines patientes débutent par une pilule
de 2e génération et, en raison d’effets
secondaires, vont demander une
modification de leur contraception.
䊉 Il est trop tôt pour dire si le nombre croissant d’IVG est en relation
avec les modifications de méthodes
contraceptives mais, quelle que soit la
cause, c’est inquiétant pour les risques thrombo-emboliques car la
grossesse les majore (risque : 60 cas/
100 000 femmes).
Conclusion
Nous assistons à une modification
des choix contraceptifs en France
depuis les recommandations émises
par l’ANSM, au détriment des pilules
de 3e-4e générations et au bénéfice
des contraceptions intra-utérines.
Il paraît nécessaire de continuer à
surveiller cette évolution en termes de
poursuite et d’efficacité de contraception, le chiffre des IVG étant un élément d’analyse, autant qu’en termes
de risques thrombo-emboliques. 䊓
Dr Christelle Charvet
gynéco-obstétricienne
Evolution du nombre d’IVG depuis 2002
France métropolitaine
216 854
215 000
Et le nombre
d’IVG ?
Il a sensiblement
augmenté.
210 000
205 000
203 346
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Source : DRESS
La Revue de la MTRL
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septembre 2014
䉬
numéro 83
13
01
nov.
01
déc.
Savoir
Alcool,
quand tu nous tiens !
’alcool est un merveilleux
produit. Prenons l’exemple d’un
adolescent ou d’une adolescente. Mettons Jacques. Il rencontre
l’alcool lors d’une fête avec ses
copains. Quelques verres le transforment : il devient gai, audacieux,
drôle, sensuel, spontané, séduisant,
imaginatif. Ses yeux pétillent, la vie
est légère. Il aperçoit le meilleur de
lui-même et de la vie. Il ose se
montrer tel qu’il est, ce qui en fait un
être chaleureux. L’alcool l’a allumé, il
est sorti de sa grisaille. C’est la fête.
L
Quel est le secret
de ce produit ?
L’alcool est un anesthésique des douleurs du corps et aussi de celles de
l’esprit, ce qui provoque un soulagement. Parmi ces douleurs de l’esprit,
il en est une qui pèse sur nos épaules
à tous : c’est la culpabilité. D’où provient-elle ? Nous sommes accablés en
permanence par ce que nous sommes, car nous savons que nous pourrions être bien meilleur. Nous nous
désespérons d’être si imparfait, si mal
fini. L’écart entre ce que nous sommes et ce que nous pourrions être est
la source permanente de reproches
que nous faisons à nous-même.
Cette culpabilité nous pollue intérieurement. Elle est source notamment de dépression.
Or, avec la prise d’alcool, nous
anesthésions cette culpabilité. Pendant un moment, elle se volatilise et
14
tout s’allège, car nous osons enfin
nous montrer comme nous sommes,
avec nos travers. Nous n’avons plus
besoin de nous cacher. D’où cette
perception transformée de nousmême et des autres.
Pour en revenir à Jacques, il découvre que lorsqu’il se prend comme il
est, il est finalement bien meilleur !
La nostalgie du premier verre
C’est seulement quand l’effet de l’alcool retombe que les choses se compliquent. En effet, il a expérimenté
qu’il pouvait être génial puis il est
redevenu basique. Cela crée une nostalgie qui est d’autant plus forte
quand l’épisode a donné lieu à un
moment d’intimité et de chaleur
humaine. Dorénavant, Jacques sait
qu’il peut être tout autre alors
qu’avant il n’en avait pas conscience.
Maintenant, il se trouve amputé
d’une partie de lui-même. Si on ne
lui apprend pas qu’il pourrait retrouver l’expérience par d’autres moyens
que l’alcool, il va insensiblement
multiplier les occasions de boire.
Le paradoxe, c’est que le corps, en
particulier le système nerveux, s’habitue très bien à l’alcool. Comme dans
un couple : au début, l’alcool sait bien
exciter le système nerveux puis celui-ci
s’habitue au point qu’il faille progressivement augmenter la dose d’alcool
pour retrouver l’effet premier. Mais la
lune de miel du début s’est envolée, et
c'est là qu’il faut faire attention.
Heureusement que tous les jeunes
qui passent par là ne deviennent pas
alcooliques.
Cinq paramètres favorisant
l’emprise de l’alcool
1. La relation avec le produit. Un
danger est d’utiliser l’alcool comme
un super-médicament. Au début, il
peut être antidépresseur, euphorisant, désinhibiteur, dopant…, mais
ensuite ces effets positifs s’inversent. Le risque est de banaliser cet
usage car, pendant que la personne
court après un résultat qui lui
échappe de plus en plus, elle ne
traite pas la source profonde de son
mal-être et, avec l’alcool, celui-ci ne
fait qu’augmenter.
L’autre danger est représenté par
toutes les consommations automatiques ou rituéliques sans aucune
conscience de ce que l’on fait et pourquoi on le fait : je bois devant la télé,
je bois à telle heure, je bois avec tels
copains, je bois quand je suis à tel
endroit, etc.
Toutes ces consommations banalisées pendant des années attachent
l’alcool à la personne, et inversement.
2. Les événements de vie. Généralement, les jeunes comme Jacques se
calment quand ils commencent à
construire leur vie, car cela leur
donne une estime d’eux-mêmes qui
suffit à modérer et à maîtriser leur
consommation. Ce qui peut déclencher de nouveau le processus, ce
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2014
䉬
numéro 83
Savoir
peut être un événement grave et
douloureux de la vie : la perte d’un
proche, ou d’un emploi, par exemple. Ce peut être aussi toute situation susceptible de ruiner l’estime
que la personne avait conquise vis-àvis de soi-même.
3. Le terrain de fragilité de la personne. Les personnes qui sont exposées à la dépendance sont souvent
hypersensibles. Elles souffrent particulièrement de la dysharmonie, du
mensonge, du manque d’amour. L’alcool est une tentative de se protéger
en se mettant dans une bulle.
4. Les souffrances négligées. Toute
souffrance que l’on garde en soi sans
tenter de la dépasser va finir par se
manifester soit au niveau du corps
par une maladie, soit au niveau d’un
comportement comme celui de
boire, soit par de la dépression. D’où
l’intérêt d’apprendre aux jeunes à
exprimer leurs sentiments et à chercher de vraies solutions à leurs maux
plutôt que de les étouffer dans leur
cœur en les bâillonnant avec un
produit tel que l’alcool.
5. La perte d’une espérance. Si la personne perd la foi en un futur qui lui
permette d’épanouir ses possibilités,
alors elle peut être tentée d’anesthésier son désespoir dans l’alcool.
L’érosion progressive
d’un capital de liberté
Selon l’impact de ces paramètres, le
buveur grignote son capital de liberté
par rapport à l’alcool. Il devient
alcoolique quand il a totalement
perdu ce capital.
Pour lui, et aussi pour son entourage, l’alcool devient un enfer. Le
système nerveux s’est tellement bien
habitué à l’alcool qu’il a besoin d’une
alcoolémie positive en permanence,
sinon il disjoncte (épilepsie, delirium). Pour l’alcoolique, boire est
une obligation. Même s’il est très
volontaire, il lui est presque aussi
impossible d’être abstinent que d’arrêter de respirer. Il n’a plus qu’une
seule préoccupation : comment
boire suffisamment souvent pour ne
pas prendre le risque d’être en
manque ? Sa vie oscille entre deux
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2014
䉬
personnages : le gentil qui fait tout
pour être aimé, et le pénible qui est
tellement mal qu’il attaque ses
proches et la terre entière.
Le buveur et son entourage
Il y a trois aspects :
1. L’entourage familial ou professionnel déploie beaucoup d’énergie pour
atténuer, voire cacher les conséquences des alcoolisations d’une personne
proche, qu’ils veulent aider et dont ils
veulent lui épargner des conséquences fâcheuses. Par exemple, si le
buveur rentre ivre, le conjoint va tout
nettoyer et le mettre au lit. Ce
qui fait que, le lendemain, le
buveur qui a oublié ce qui s’est
passé n’en a plus aucune trace.
Au travail, ce peut être de passer derrière pour corriger un
oubli ou une erreur. Ces bonnes actions pourraient aider
l’alcoolique en lui montrant
qu’on l’aime bien, mais elles
ont en fait pour conséquence
de l’isoler d’avantage de la réalité et des conséquences de son
addiction. Ce qui fait qu’il devra aller
encore plus loin pour avoir la conviction d’être dans une impasse et avoir
l’énergie de s’en sortir. Le système
familial ou professionnel va supporter pendant des années une vie de
plus en plus difficile en cherchant un
équilibre avec le buveur jusqu’à ce
qu’un jour le buveur soit jeté avec
perte et fracas tellement l’entourage
n’en peut plus.
2. Cet entourage qui n’en peut plus
n’a cessé de faire pression sur le
buveur pour qu’il arrête l’alcool, et
même si le buveur fait la sourde
oreille pendant longtemps, de guerre
lasse il finit par obtempérer : il va voir
le médecin pour faire une cure. Mais
s‘il le fait juste pour calmer le jeu,
sans conviction, cette cure ne sert à
rien et, à la prochaine difficulté, il
numéro 83
reboira en ayant encore plus le sentiment qu’il est nul.
3. En fait, la conduite addictive n’est
pas que le reflet de la souffrance du
buveur, elle est aussi celui de la souffrance de toute une famille. Alors,
chaque membre de la famille croit
que tout son malheur vient du
buveur. En réalité, nous avons tous
une histoire traumatique qui nous fait
souffrir et, pour aller mieux, nous ne
pouvons nous occuper que de la
nôtre, sans pouvoir changer les autres.
L’expérience montre que si, au lieu de
faire pression sur le buveur, un ou
plusieurs membres de la famille décident de s’occuper de leurs propres
souffrances et d’aller vers une bonne
vie, c’est la meilleure aide qu’ils puissent apporter à celui qui est dépendant, car alors il est devant le fait qu’il
n’y a que lui qui peut sauver sa peau.
La spirale des pertes
Pendant des années, rien n’apparaît
au grand jour : le corps semble bien
supporter l’intoxication, et l’entourage tant familial que professionnel
essaie de rattraper les dégâts au fur
et à mesure pour éviter une catastrophe. Sauf que l’alcoolique ajoute
à la dose dont son corps a besoin
une dose en plus pour noyer son
impuissance, sa honte et son désespoir. Puis, inexorablement, apparaissent des fautes professionnelles,
15
Savoir
des accidents, des problèmes avec la
justice, des crises de couple, la perte
des amis, le placement des enfants
ou simplement leur mépris. Quand
le travail et le conjoint disparaissent, c’est toute l’insertion sociale
qui est mise en cause, avec le danger
de clochardisation. L’intoxication
finit par provoquer l’atteinte du
foie, du pancréas, des jambes, des
yeux, de la raison, de la vie…
La décision de la liberté
La décision de sortir de l’alcool
implique de faire le deuil d’un monde
pour en découvrir un meilleur. L’alcoolique va perdre sa bouteille, qui
est sa compagne d’infortune et son
refuge. Il va perdre l’image de nullité
qu’il s’est forgée et ses copains de
médiocrité. Il va devoir renoncer à
être la victime qui monopolise toutes
les inquiétudes et qui pollue la vie de
l’entourage autant que la sienne. Il va
renoncer à la dépendance affective, à
la passivité, à vouloir tout, tout de
suite. Il va renoncer à la non-vie. Il va
passer d’avachi à debout.
Il sait ce qu’il va perdre, mais il a du
mal à imaginer ce qu’il va gagner : le
plaisir du corps et de l’énergie
retrouvée, des relations authentiques et chaleureuses, des fêtes
sans sombrer, la fierté de se
dépasser, une vie responsable
qui se construit, des rêves qui
deviennent possibles. Il accédera aussi à la possibilité d’aider
ceux qui n’ont pas encore fait la
route. Dans sa nouvelle vie, il va
falloir qu’il cherche à obtenir
sans l’alcool les effets de la lune
de miel avec l’alcool.
Il a besoin qu’on lui dise :
« Dans votre cas précis, j’ai vu
des personnes dont la vie s’est
transformée. »
Tant que la décision n’est
prise que pour calmer le jeu
sous la pression de l’entourage,
le résultat s’effondrera à la prochaine anicroche. Seule une
décision pour sauver sa vie aura
suffisamment de force.
Mais décider de renoncer à
sa dépendance ne veut pas dire
détester celui qui a bu : au
contraire, il va falloir comprendre et aimer l’alcoolique.
Pourquoi n’a-t-il pas pu faire
autrement ?
Décider, c’est aussi reconnaître son impuissance par rapport à l’alcool et demander de
l’aide. Vouloir s’en sortir seul
est encore une illusion, car il y
a deux niveaux de dépendance
à dépasser.
William Hogarth, Gin Lane, 1751.
Toucher le fond
L’alcoolique emploie cette expression pour dire qu’à un moment de
cette descente aux enfers une perte
un peu plus insupportable déclenche sa décision de tout faire pour en
sortir. Ce peuvent être les violentes
douleurs d’une pancréatite, la perte
de la vue ou des jambes, la peur de
la folie ou simplement la proximité
de la mort. Ce peut être aussi de ne
plus supporter de croiser le regard
de son enfant…
Cependant, le mystère demeure sur
cette force qui lui permet d’inverser la
spirale. Instinct de survie, certes, mais
aussi instinct de sur vie marquant le
retour d’une espérance.
S’il n’a pas sombré, il peut vivre
une belle aventure. Même si la dégradation de sa santé est installée, la
marge de réversibilité est étonnante et
peut lui permettre de construire une
vie meilleure que la précédente.
16
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2014
䉬
numéro 83
Sortir de la dépendance
du corps
Nous avons vu que le corps de l’alcoolique réclame une alcoolémie
positive en permanence. Cette assuétude est tenace mais, au bout de 3 ou
4 jours sans alcool, le système nerveux se calme et cesse de réclamer sa
dose. Le problème, dans la dépendance physique, est donc de passer ce
cap car, dès les premières heures sans
la dose d’alcool nécessaire, il apparaît
des tremblements, des sueurs, des
angoisses qui peuvent évoluer en delirium tremens, avec un risque vital.
Or ces symptômes sont amplifiés par
le stress, la peur, le sentiment d’insécurité, la douleur physique ou une
maladie, par exemple.
Le sevrage doit donc se faire sous
surveillance médicale, dans un climat
de sécurité, de calme, de respect,
d’accueil et d’écoute de la personne.
Des médicaments doivent être prescrits pour calmer le système nerveux
pendant une brève durée, mais plus
les conditions d’accueil sont bonnes,
moins il y a besoin de doses importantes car, en fin de compte, l’esprit
est plus fort que le corps.
Ainsi, très rapidement, l’état de la
personne s’améliore. Cependant, la
partie ne fait que commencer. En effet,
l’usine chimique de la dépendance a
été mise en veilleuse par l’absence de la
molécule alcool, mais elle est toujours
prête à redémarrer en cas de réalcoolisation, même si c’est vingt ans après.
Le corps ne perd pas la mémoire.
C’est ce qui est difficile à accepter
pour l’alcoolique, car il rêve de pouvoir
à nouveau décider de boire ou de ne
pas boire. Tant qu’il ne l’a pas vérifié
lui-même, il ne croit pas vraiment celui
qui affirme que cette liberté est définitivement perdue. Il demande un médicament pour se donner le change, car
en réalité le deuil de l’alcool n’est pas
fait. Or ce deuil le délivrerait.
Ce besoin de faire ses propres expériences est à l’origine de bien des réalcoolisations, précoces ou tardives. Ce
ne sont pas des échecs, mais une occasion de renforcer sa détermination en
en tirant un enseignement. C’est une
invitation à vivre plus consciemment.
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2014
䉬
Sortir de la dépendance
de l’esprit
Il s’agit d’un combat au long cours,
mais les bénéfices s’en font sentir dès
le départ.
La méthode C.R.A.V.E. résume la
démarche
1. Comprendre qu’être alcoolique n’a
rien de déshonorant, l’alcool étant si
banalisé qu’il est très facile de se faire
piéger. Comprendre qu’à un moment
donné l’alcool a été une stratégie
pour gérer une souffrance de solitude, de séparation, un besoin de
reconnaissance, de protection, d’harmonie. Comprendre ce besoin dans
le précis de son histoire. Comprendre
que l’alcool peut être un désespoir
d’amour mais aussi un désespoir de
vérité. Comprendre que la culpabilité
n’est pas bonne conseillère alors que
reprendre la responsabilité de ce qui
nous arrive est le seul moyen de sauver sa vie. Comprendre que la vie
peut toujours redémarrer même dans
la pire des extrémités.
2. Réconciliation avec soi-même.
Alcoolique ou non, nous ne pouvons
accéder à une vie meilleure que si
nous tentons d’aimer nos travers.
Cela passe par une compréhension de
nous-même et de notre histoire. C’est
ainsi que le buveur devra un jour
pouvoir dire : « Oui, je suis passé par
cet enfer, mais ça m’a permis d’accéder à une vie que je n’aurais pas osé
espérer. » C’est depuis cette tentative
de réconciliation avec lui-même qu’il
va avoir l’énergie de la démarche.
Cependant, au départ, il se déteste.
Ce sont les yeux et les mots d’amour
de celui qui l’accompagne qui vont
lui donner le goût d’aller chercher en
lui cet amour.
3. Atteindre sans alcool ce qui était
recherché dans l’alcool. Vivre sans
alcool ne peut être se résigner à une
numéro 83
vie terne. Celui qui veut arrêter doit
se poser la question de ce qu’il recherchait au départ dans le fait de boire et
dans la façon de boire : vivre l’ivresse,
tromper l’ennui, supporter un travail
harassant, anesthésier la douleur
d’avoir perdu l’être aimé, se donner
du courage, se défouler, faire la fête,
passer un moment d’intimité chaleureuse avec soi-même ou avec l’autre,
se faire une bulle protectrice, etc.
Alors, ça va être le programme pour
que son abstinence soit heureuse.
4. Vivre ses envies. Pendant des
années, l’alcool est devenu le seul but.
L’envie de départ est devenue une enmort. L’alcool a stérilisé le terrain fertile des envies, si nécessaires à notre
épanouissement. Car d’envie en envie
nous allons vers le meilleur de nousmême. Après un sevrage, il faut du
temps pour que ce monde germe à
nouveau. La personne doit chaque
jour se poser la question : qu’est-ce
qui va me rendre vivant aujourd’hui,
maintenant ? Comment je peux oser
aller vers quelque chose qui me fait
envie ? Ne pas trahir ses envies permet de dégonfler le pouvoir de l’alcool qui, sinon, tente de se manifester par des envies intenses de boire,
appelées craving.
5. Entraide. Pour que l’abstinence
soit tout à fait heureuse, l’ancien
buveur a souvent besoin de transmettre à d’autres la route fabuleuse par
laquelle il est passé. Cependant, bien
des égarements sont possibles si cette
aide se fait sans précaution et sans un
cadre précis. C’est là l’intérêt des
associations d’anciens buveurs.
Conclusion
Buveur ou non-buveur, la réconciliation avec nous-même est la clé de
l’indépendance.
䊓
Dr Pierre Radisson
17
Dossier
L’incroyable histoire du BCG
IIE PARTIE
LA
BATAILLE POLITIQUE AUTOUR DU
près de telles
condamnations
(exposées dans la
1re partie de cet article –
cf. numéro précédent), on
serait en droit de penser
que le BCG va être abandonné. Mais il ne s’agit
plus d’une querelle scientifique, car
l’enjeu est désormais commercial et
financier. La vente de millions de
doses de vaccins est un pactole très
convoité. La contestation continue,
les réticences se manifestent, mais les
disciples de feu Albert Calmette sont
passés maîtres dans ce que Marcel
Ferru appelle « le rejet superbe de la
critique » et « l’élimination matérielle
de la contestation ».
Durant ces années qui précèdent la
Seconde Guerre mondiale, les bécégistes s’efforcent toujours d’imposer
leur vaccin aux Français. Les années
de guerre vont naturellement ralentir
leur action, mais celle-ci reprendra de
plus belle dès 1945. Cette fois, les
industriels du vaccin sont décidés à
obtenir des pouvoirs publics que le
BCG devienne obligatoire. Ils craignent en effet que la contestation et
l’abstention ne se développent.
N’ont-ils pas entendu un ancien président de l’Académie de médecine, le
docteur Rist, déclarer, le 22 mai
1945, au sujet de la vaccination BCG
chez les externes des hôpitaux de
Paris : « Il est paradoxal de constater
que presque tous ceux qui refusent la
prémunition sont fils de médecins. »
Paradoxal ? En fait, il s’agit d’un désaveu absolu, bien que malheureusement semi-clandestin, de l’immense
majorité du corps médical. Mieux
encore, en avril 1948, Marcel Ferru,
préparant ses articles pour le
Concours médical, demande à son
ami Martinet, médecin de dispen-
A
18
saire à Sallanches, de lui
confirmer les informations qu’il avait recueillies
lors d’une conférence faite
au personnel auxiliaire de
Haute-Savoie. Et Martinet lui répond : « Il est
bien exact que j’ai fait l’an
dernier une conférence aux assistantes
sociales du département, au nombre de
60 à 70 environ. J’avais pour mission
de leur présenter objectivement ce qu’est
le BCG, comment on l’administre et ce
qu’il faut en attendre. Ayant terminé,
j’ai demandé à celles qui, désormais, le
conseilleraient fortement dans les
familles, de lever le bras : le pourcentage a été de 5 % et, comme je demandais les raisons pour lesquelles elles ne le
conseilleraient pas, elles m’ont répondu
qu’elles avaient été témoins d’accidents
ou plutôt de troubles variés. »
Des parlementaires
sous influence…
La discussion du projet de loi par l’Assemblée nationale a lieu durant les
premiers mois de 1949. Il sera entériné le 8 avril, au moment des vacances de Pâques, avec dix-sept députés
seulement présents dans l’hémicycle.
Il vise à rendre la vaccination par le
BCG obligatoire pour tous les enfants
en bas âge et pour les moins de trente
ans qui présenteront une épreuve
tuberculinique négative. Toutefois, le
projet doit encore être soumis au
Sénat (qui se nomme à l’époque le
« Conseil de la République »).
Pour commencer, les sénateurs veulent qu’une enquête soit menée pour
connaître l’opinion réelle du corps
médical sur la question du BCG. Le
Journal officiel du 13 juillet 1949
publie le compte rendu in extenso de
la 57e séance du Conseil de la République. Le docteur Bernard Lafay
BCG
(rapporteur de la Commission de la
santé publique) dresse un tableau
apocalyptique de la menace de tuberculose sur le peuple français et cite à
l’appui de ses dires des taux de mortalité dont on ne trouvera nulle part la
référence, mais qui ont de quoi faire
dresser les cheveux sur la tête. Lafay
ne va-t-il pas jusqu’à affirmer : « Sur
seize Français qui naîtront demain,
trois auront la tuberculose et, sur ces
trois Français, un mourra ! » Prétendre
en 1949 que plus du cinquième des
Français à naître allait contracter la
tuberculose et que le tiers de ces malades allait mourir, cela revenait à
annoncer pour les générations futures, compte tenu de la population de
l’époque (41 millions) et de la prévision démographique pour les années
70 (50 millions) environ 3 millions et
demi de morts de tuberculose en
France avant le dernier quart du siècle. Que de telles énormités puissent
être proférées à la tribune du Sénat
sans susciter de réactions, alors que de
nombreux sénateurs sont des médecins, voilà qui laisse songeur…
…mais aussi
de courageux réfractaires
Après ce discours péremptoire du
sénateur Lafay, le président du
Conseil de la République ouvre la
discussion devant un auditoire de
240 sénateurs. Plusieurs orateurs
interviennent, et la nomenclature des
objections formulées ou des amendements proposés occupera 24 colonnes du Journal officiel. Les interventions les plus remarquables seront celles du sénateur Rochereau et du sénateur Marcilhacy (futur candidat à la
présidence de la République, en
1965). Rochereau déclare qu’il lui
semble « anormal et ahurissant » que
l’on veuille contaminer des organis-
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numéro 83
Dossier
Les prédictions
apocalyptiques du bon
docteur Lafay – dont la
longue carrière politique
n’a pas dû lui laisser
beaucoup de temps pour
s’intéresser sérieusement
à la médecine !
mes en bonne santé en leur inoculant
un microbe bien vivant, fût-il atténué, sous « le prétexte moliéresque
qu’un jour ceux-ci peuvent se trouver
en contact avec la maladie ». On ne
saurait trop louer la lucidité de
M. Rochereau, qui résume ainsi en
une phrase la folie absolue des
apprentis sorciers de la vaccination, et
que regretter que ce seul argument
n’ait pas semblé décisif au Sénat tout
entier. Et le sénateur Rochereau va
terminer sur des remarques capitales
concernant la liberté individuelle.
Cette déclaration d’une extrême
importance mériterait, à notre avis,
de figurer dans une anthologie des
définitions fondamentales de la
démocratie : « Le projet qu’on vous
demande de voter fait de l’individu un
être sans personnalité, condamné à
subir, ainsi que ses enfants, les interventions sans mesure qu’un Etat sans
discrétion inflige de plus en plus à ses
administrés. Je ne m’attaque pas au
BCG, pour la raison que je ne puis
l’apprécier. Ce que j’attaque, c’est l’obligation généralisée que vous faites à tous
les enfants d’être vaccinés par le BCG.
L’obligation de faire vacciner au BCG
tous les enfants des familles de France
condamne définitivement une des
libertés essentielles de tout père de
famille – seul responsable de ses enfants
– : le choix de son médecin et le choix
de sa médecine. C’est pour ou contre
cette liberté absolue que vous avez à
vous prononcer… » Et Henri Rochereau conclut sur ce défi personnel
d’une rare audace : « Je suis père de
quatre enfants. Je prends l’engagement
formel du haut de la tribune du Parlement français de m’opposer par tous les
moyens à l’application dans ma famille
de la loi sur le BCG. »
Tout de même, il ne sera pas seul,
et le sénateur Pierre Marcilhacy vient
à la rescousse. Il déclare avoir interrogé plus de soixante médecins et
avoir conclu de cette enquête que le
corps médical est très divisé dans
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cette affaire. Il soulève lui aussi la
question de la liberté individuelle
menacée et s’efforce à son tour d’ouvrir les yeux de ses collègues sur l’ombre du totalitarisme qui se profile
derrière ce projet aberrant : « ...C’est
au moment où le corps médical est
divisé que vous voulez nous faire voter
la vaccination obligatoire avec sanction
pénale ! Mais quelles responsabilités
prenez-vous ! (...) Au nom de quoi
allez-vous imposer de faire vacciner nos
enfants ? Vous nous répondez : au nom
de la protection des autres. Jusqu’où
allez-vous aller avec ce système ? La
liberté de la personne humaine est en
jeu ! » La discussion se poursuit en
séance de nuit. Le projet est finalement adopté par 218 voix contre 22.
Quoi qu’il en soit, notons à titre de
consolation qu’à partir du moment
où fut adoptée la loi scélérate les
Français entrèrent en résistance et la
contrainte fut un échec. Les refus de
la vaccination se multiplièrent, au
point que les dérobades atteignirent
50 % chez les étudiants et 70 % chez
les élèves des écoles élémentaires. La
Presse médicale du 15 décembre 1962
rapportait que le nombre des vaccinés
n’avait cessé de baisser depuis la promulgation de la loi, au point de tomber de 80 à 35 % dans un dispensaire
de la région parisienne.
Moins de tuberculeux dans
les pays qui refusent le BCG
Le 24 novembre 1967, au Cercle
d’études pédiatriques, le Pr Mande
déclare : « Les Hollandais ne se servent
pas du BCG depuis 1940 et sont arrivés à un taux de mortalité de 1,8 en
perfectionnant le dépistage et le traitement correct de ceux-ci, contre 14 en
France. A 13 ans, l’index tuberculinique est de 2 % dans les écoles de Hollande, alors qu’en France il est de 15 et
25 % selon les régions. Ce résultat est
lamentable… » On doit également
citer ce passage pour le moins inquiétant d’un article du Dr J. Stéphani
paru en 1950 : « La bécégite est en
somme une tuberculose qui atteint l’appareil lymphatique dans son ensemble
et à un degré que l’on commence à
peine à soupçonner. (...) La bécégite est
numéro 83
une réalité. Ce bacille vivant envahit
l’appareil lymphatique et s’y installe
exactement suivant les habitudes de son
ancêtre. Et personne ne peut nous
décrire aujourd’hui comment il évoluera au cours des décennies à venir…
Il faut que les médecins non spécialisés
se le disent et qu’on le leur redise : ce
n’est pas un vaccin qu’ils manient, ce
n’est pas une vaccination qu’ils font. Ils
créent de propos délibéré une primoinfection chez un sujet vierge, autrement dit le début d’une maladie dont
ils ne connaissent qu’imparfaitement
l’évolution (…) Cette micropathologie
de la bécégite est encore inconnue. Et
c’est pourtant là le point crucial, qui
aurait dû être élucidé avant d’oser vacciner un seul être humain… »
Ceux qui s’interrogent aujourd’hui
sur les maladies auto-immunes,
comme par exemple la sclérose en
plaques, feraient bien d’examiner les
antécédents vaccinaux des malades et
feraient peut-être de terrifiantes
découvertes. En 1997, l’OMS attribuait l’échec de la lutte mondiale
contre la tuberculose à plusieurs raisons et notamment à une « confiance
exagérée dans le BCG ». En France,
l’obligation de vaccination par le
BCG chez l’enfant et l’adolescent a
été suspendue officiellement au cours
de l’été 2007 (décret n° 2007-1111
du 17 juillet 2007), au profit d’une
recommandation de vaccination
d’une population plus ciblée ; et personne ne s’est étonné qu’on efface
une loi par un simple décret ! Le
5 mars 2010, le Haut Conseil de la
santé publique (HCSP) a recommandé la levée de l’obligation de vaccination par le BCG pour les professionnels et étudiants des carrières
sanitaires et sociales. Ainsi, il aura
fallu 60 années à la République française pour jeter enfin aux orties la
plus invraisemblable escroquerie
sanitaire de notre histoire ! Mais trois
générations de Français portent dans
leur corps un invisible ennemi… A
l’exception des personnes qui sont
entrées en résistance passive et ont
soustrait leurs enfants au vaccin. 䊓
Pierre Lance
19
Zoom
La maladie de Lyme :
un casse-tête !
ette maladie infectieuse, appelée borréliose ou maladie des tiques, est due à des bactéries de la famille des
spirochètes, transmises par des insectes hématophages (tiques). La plus répandue est Borrelia burgdorferi, mais
il existe un large éventail de la famille des borrélies.
Elle a été décrite pour la première fois en 1894 par le
Dr Pick-Herxheimer. En 1972 apparurent les premiers cas
d’arthrite sous forme d’épidémie simulant des poussées de
polyarthrite rhumatoïde chez des sujets jeunes habitant
Lyme, une petite commune du Connecticut, aux Etats-Unis,
qui donna son nom à la maladie.
C
Fréquence
L’Institut Pasteur évalue entre 12 000 à 15 000 le nombre
de nouveaux cas par an. Mais, dès lors que cette maladie ne
fait pas partie des maladies à « déclaration obligatoire », il
est facile pour les pouvoirs publics d’en minimiser l’incidence. Pour les associations comme « Lyme sans frontières »,
ce chiffre est très en deçà de la réalité, faute de tests diagnostiques fiables, de formation des médecins et d’information
du public.
C’est ainsi qu’en Allemagne on recenserait 60 000 à
100 000 nouveaux cas par an. Selon le Dr Petra Hopf-Seidel,
près de 800 000 Allemands seraient infectés.
Il faut reconnaître que le diagnostic clinique et biologique de
la maladie est difficile à réaliser tant les symptômes sont multiples et variés. Les patients souffrent d’une myriade de troubles
inflammatoires, neurologiques, musculaires, cutanés, articulaires qui laissent les médecins démunis et parfois sceptiques.
Le point le plus crucial dans le fait que cette maladie soit
sous-diagnostiquée est que les tests de dépistage (commercialisés par le laboratoire Mérieux) sont inadaptés au dépistage
des bactéries borrélies européennes et occultent ainsi jusqu’à
70 % des porteurs infectés. C’est ainsi que de nombreuses
personnes sont infectées et ignorent que des bactéries redoutables contaminent leur organisme. C’est le cas de 20 %
d’Alsaciens qui ont développé des anticorps, attestant d’une
contamination.
Agents infectieux
Ces bactéries sont des micro-organismes à corps grêle et spiralé, mobile grâce à des mouvements en vrille. Elles présentent
un grand nombre d’espèces ou sous-espèces : Borrelia burgdorferi stricto sensu, Borrelia garinii, Borrelia afzelii, Borrelia
bavariensis, Borrelia spielmanii, Borrelia bissettii, Borrelia lusitaniae, Borrelia valaisiana et beaucoup d’autres inconnues.
Il semblerait que la maladie de Lyme ait accompagné
l’homme depuis des milliers d’années, voire des temps
20
immémoriaux (Otzi retrouvé dans un glacier aurait été
contaminé par la bactérie Borrélie).
Cette maladie a envahi toute la planète. On l’a recensée sur
tous les continents, y compris l’Antarctique. Toute l’Europe
est aujourd’hui concernée. B. afzelii est plus répandue dans
le nord de l’Europe, B. burgdorferi s.s. en Europe occidentale, B. lusitaniae dans le bassin méditerranéen. La B. spielmanii s’est répandue en Allemagne, en France, aux Pays-Bas,
en Slovénie, Hongrie, Ukraine et d’autres Etats, alors que la
B. valazisiana sévit au Royaume-Uni ainsi que dans de nombreux autres pays européens.
Les patients sont souvent co-infectés par d’autres bactéries,
parasites et virus. C’est, entre autres, une explication de l’inefficacité des traitements. Les co-infections les plus courantes
recèlent des micro-organismes tels que Bartonella (maladie de
la griffe du chat), mycoplasmes, chlamydiae, des infections
à rickettsie ou des organismes parasitaires tels que babesia.
Si ces co-infections ne sont pas correctement diagnostiquées
et traitées, les patients restent malades de manière chronique.
Les vecteurs
Les tiques sont de petits insectes hématophages de la famille
des araignées qui vivent du sang des animaux. Quand la
tique est porteuse d’une bactérie, elle peut la transmettre en
piquant l’animal ou l’homme.
Aujourd’hui, on a pris conscience que la tique, principale
porteuse des bactéries, n’est pas la seule. D’autres insectes
hématophages sont également vecteurs de contamination :
araignées, moustiques, poux, puces, taons, aoûtats et autres
insectes piqueurs. Ainsi, c’est potentiellement une grande
partie de la population qui peut être en contact avec l’une
ou l’autre des espèces de borrélies. Même si les symptômes
n’apparaissent pas systématiquement, ils peuvent se manifester des années et même plusieurs décennies après une
piqûre infectante.
En Europe, 10 à 40 % des tiques sont porteuses de bactéries. Toutefois, la contamination varie fortement d’une
région à l’autre.
La Revue de la MTRL
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Pour se développer, la tique, qui passe par 3 stades (larve,
nymphe, adulte), doit « vampiriser » un hôte en effectuant
un « repas sanguin ». Les nymphes, qui se tapissent dans les
herbes et les litières de feuilles, se nourrissent principalement du sang de petits animaux tels les écureuils, les
lézards, les lapins, les souris, les oiseaux migrateurs et les
ongulés (cervidés et suidés). Un cerf peut héberger
200 tiques. Elles peuvent monter à l’assaut des chiens
allongés dans les feuilles. Ce qui explique que les chasseurs,
les forestiers et les promeneurs en forêt en sont les plus
atteints. La présence d’un animal domestique (chat) à la
maison augmenterait le risque de positivité de 30 %.
La transmission peut être surprenante. On retrouve ces
bactéries dans les steaks qui échappent à la cuisson. Par ailleurs, elles peuvent se transmettre de mère à enfant lors de
l’accouchement.
De nombreuses borrélies peuvent rester enkystées dans les
cellules sanguines sans que l’on puisse les détecter. C’est sous
cette forme qu’elles peuvent être transfusées chez une personne non porteuse et resurgir bien plus tard quand les
conditions deviennent favorables à leur développement. Des
études sur la souris l’ont confirmé. Va-t-on ainsi vers un nouveau scandale du sang ?
perte de sensibilité, sensation d’engourdissement, d’atteintes
des articulations, de la peau (maladie de Pick-Herxheimer,
lymphocytome cutané bénin, acrodermatite atrophiante
chronique) qui apparaissent surtout sur les membres. Elles
seraient dues à la Borrelia afzelii.
La Borrelia burgdorferi peut survivre 6 semaines dans du
sang humain destiné à la transfusion. Il serait conseillé de les
détecter lors des dons de sang.
Les signes particuliers sont attribués à telle ou telle borrélie. Ainsi, ils peuvent survenir plus fréquemment dans
les pays où ces bactéries sont plus fréquentes.
Les douleurs articulaires dues à B. burgdorferi sont plus fréquentes dans les pays européens. Ce sont des douleurs intermittentes avec ou sans gonflement. La gonalgie est fréquente.
Les complications neurologiques sont dues plus particulièrement à B. garinii.
Les formes tardives peuvent être redoutables.
Diagnostic différentiel
Il consiste à passer en revue l’ensemble des diagnostics possibles qui peuvent égarer le médecin.
La maladie de Lyme est une grande simulatrice. La borrélie joue à cache-cache. Elle peut imiter n’importe quelle
maladie comme naguère la syphilis, une autre maladie à
spirochète qui évoluait aussi en 3 stades.
Signes et symptômes
Cette maladie vectorielle se développe de manière endéL’incubation dure en général 1 à 2 semaines mais peut
mique à travers le monde. Elle simule n’importe quel
s’étendre sur 1 mois.
Quelques jours après la morsure de tique, une rougeur processus de maladie connue en médecine et les tests de
peut apparaître sur la peau, de la forme d’un anneau. On détection sont aléatoires.
Les médecins passent à côté de
appelle cette rougeur un érythème
Incidence
de
la
borréliose
de
Lyme
cette maladie et se retrouvent
migrant (EM). Sans traitement,
en France (pour 100 000 habitants)
dans une situation problématil’EM persiste quelques semaines à
que. A leur décharge, il faut
quelques mois puis disparaît. A ce
reconnaître qu’elle imite la polystade, les antibiotiques sont efficaarthrite rhumatoïde, la sclérose
ces mais deviendraient inactifs par
en plaques, la mononucléose, la
la suite du fait de la présence de
fibromyalgie, les maladies neurovirus et autres parasites.
dégénératives. Elle s’accompagne
L’évolution se fait en trois stades
Incidence
de fatigue chronique, de troubles
de manière un peu schématique :
51 - 90
21 - 50
de la mémoire, de dépression,
䊉 Stade primaire : zone de rougeur
11 - 20
1 - 10
d’hallucinations, de douleurs
centrée sur le point de piqûre, qui
0
thoraciques.
s’étend sur les bords (érythème chroTous ces patients vivent un
nique migrant), accompagnée d’un
véritable calvaire car à leurs dousymptôme de type grippal avec mal
leurs s’ajoute l’incompréhension
de gorge, fatigue, fièvre, douleurs
du corps médical qui finit par
musculaires et articulaires, nuque
Source : d’après Letrillart et al., 2005
mettre en doute leur équilibre
raide et douloureuse mais sans signes
Enquête 1999-2000
psychique lequel par ailleurs peut
respiratoires typiques de la grippe.
être perturbé par l’infection. Les patients sont condamnés
䊉 Stade secondaire : survenue, quelques semaines à quelques
mois après la piqûre, de troubles neurologiques (hypersensi- à pratiquer le « nomadisme médical », passant ainsi de
bilité à la lumière et aux sons, acouphènes, vertiges, ménin- médecin en médecin, à la recherche d’une réponse à leurs
gite, paralysie des nerfs crâniens, insomnie, myélite, maux, allant jusqu’à consulter une dizaine de spécialistes
encéphalite), douleurs articulaires et musculaires migrantes, sans jamais trouver la cause de leur maladie. Sans oublier
que la maladie de Lyme qui, en simulant toutes les malatroubles cardiaques (péricardite, arythmie).
dies connues en médecine, coûte des milliards d’euros aux
䊉 Stade tertiaire : apparition, quelques mois ou quelques
années plus tard, de pertes de mémoire et de concentration, systèmes de santé.
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21
Zoom
Examens sérologiques
En premier lieu, on recherche les anticorps dirigés contre
les bactéries, d’abord par la technique immuno-enzymatique (Elisa). Si ce test quantitatif est positif, on procède à
une recherche par immuno-empreinte (Western Blot ou
WB). Il isole dans le sang des protéines issues de la bactérie, permettant de préciser quelle souche est en cause et le
degré d’infection.
Ces tests sont peu fiables, plus de la moitié des tests Elisa
restent négatifs en dépit de la présence infectieuse, du fait de
la variabilité et du grand nombre de sous-espèces de Borrelia.
Aux Etats-Unis, on a démontré que le test Elisa détectait
une quantité d’anticorps chez à peine 75 % des patients. Il
n’est pas assez sensible, son seuil est trop élevé. Par ailleurs,
il a été calibré pour la détection des borrélies de la côte est
des Etats-Unis ; celui de Western Blot n’est pas plus performant, dû à la présence d’une centaine de types de maladie
de Lyme aux Etats-Unis et plus de 300 dans le monde. En
outre, la plupart des Western Blot ne testent qu’un type à la
fois ; et ils peuvent donner des faux positifs, en particulier
lorsqu’il y a une maladie auto-immune ou des infections
aiguës autres que Lyme.
Mais la recherche avance. On met au point d’autres
tests, en particulier le PCR (Polymerase Chain Reaction),
un test moléculaire très sensible pour les infections européennes. On peut rechercher la présence de l’ADN de la
bactérie, par PCR, dans des biopsies réalisées sur l’érythème migrant ou dans du liquide synovial. Dans ces cas,
la recherche par PCR est utile car, en présence de borrélies, 70 à 90 % des biopsies seront positives. On peut aussi
rechercher l’ARN, qui joue un rôle de messager pour la
réplication des bactéries.
Les anticorps
L’interprétation des examens indirects est aléatoire sans le
secours des signes cliniques.
Ainsi, après la morsure d’une tique et la confirmation
d’une contamination, les tests deviennent inutiles dès lors
que la sérologie est le plus souvent négative, ou alors elle va
témoigner d’un contact ancien avec une bactérie. Les anticorps IgM apparaissent 4 à 6 semaines après, suivis des IgG,
2 à 3 semaines plus tard. Ces anticorps doivent être confirmés par le Western Blot.
Il serait intéressant de vérifier le diagnostic de la maladie
auto-immune en analysant les gènes HLA qui matérialisent
le terrain auto-immun et la présence des auto-anticorps,
lesquels sont initialement des IgM ensuite des IgG (caractéristique des intoléConseils pour ôter le parasite : n’utilirances alimentaires),
sez jamais éther ou alcool, car la tête
avec une spécificité
resterait dans la peau favorisant l’inprécise et une forte
toxication. Il existe un petit appareil
affinité pour les autotrès simple et peu coûteux, le « crochet
antigènes.
O’TOM », sorte de petit pied-de-biche
qui permet d’éliminer la tique en entier
(en pharmacie).
22
MALADIE DE LYME : UNE MALADIE AUTO-IMMUNE !
L’accumulation dans les milieux biologiques d’une substance reconnue comme étrangère à ceux-ci et de façon définitive, ou qui se présente à trop fortes doses, se comporte
comme un super-antigène et finira par générer une maladie
auto-immune.
La liste de ces antigènes est illimitée :
䉴 Remèdes chimiques pris au long cours (statines, IPP,
biphosphonate, pilule, traitement hormonal substitutif), intolérances alimentaires (caséines du lait, gluten, soja), pesticides,
parasites (paludisme), additifs alimentaires, aspartame…
䉴 Virus : cytomégalovirus, Epstein-Barr (mononucléose),
virus de l’hépatite B…
䉴 Bactéries : outre les borrélies, les Chlamydiae pneumoniae
et C. trachomatis…
Dans cette litanie d’agents agresseurs, les borrélies s’avèrent
de redoutables bactéries. Elles disposent d’un camouflage
exceptionnel. Elles peuvent se démultiplier, se diviser, s’enkyster. Elles disposent d’un génome particulier qui leur
permet de s’adapter en permanence en élaborant des protéines de surface qui s’accolent aux protéines des organismes ou
tissus voisins. Cette activité proliférante stimule le système
immunitaire, qui réagit en élaborant des anticorps contre ces
protéines de surface, lesquels vont donner lieu à des autoanticorps au sein de divers organes (sclérose en plaques,
maladie de Charcot, diabète, polyarthrite rhumatoïde, spondyl-arthrite ankylosante, thyroïdite d’Hashimoto…). Ainsi,
à ce mécanisme si complexe représenté par le jeu diabolique
de ces micro-organismes, il faut ajouter d’autres germes
infectieux qui accompagnent la maladie de Lyme.
Pour nous protéger contre tout antigène, notre organisme dispose de cinq filtres ou cinq barrières sollicitées
selon l’importance de l’agression antigénique.
Neuroborréliose
Les signes neurologiques apparaissent chez 15 % des patients
infectés environ. Ils peuvent être déclenchés par la plupart des
borrélies, mais on observe plus souvent une infection à B. garinii.
Les signes neurologiques les plus fréquents sont : méningite, paralysie faciale, fourmillements, vascularite cérébrale,
mais aussi et plus rarement myélites, chorée, encéphalite.
Après un long cheminement, les borrélies perturbent le
système immunitaire et altèrent le fonctionnement des
synapses neuronales et la myélinisation des fibres nerveuses.
Ces bactéries sont équipées de flagelles composés d’une
protéine appelée flagelline. Les lymphocytes B élaborent des
anticorps anti-flagelline. Mais, dès lors que la myéline présente la même structure chimique, ces anticorps s’attaquent
à la myéline et modifient la communication neuronale.
Par ailleurs, les borrélies peuvent s’enkyster et franchir
ainsi la BHE. Au cœur des cellules nerveuses, elles se reconstituent et altèrent les corps neuronaux.
Le traitement naturel
Considérant la complexité de la maladie de Lyme et de ses
nombreuses problématiques, le traitement devra prendre en
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compte la cause, l’évolution, les troubles, les symptômes liés
à l’activation du système immunitaire. Seule une médecine de
terrain pourra venir à bout de cette pathologie si particulière
et déroutante.
Les remèdes chimiques au long cours sont déconseillés dès
lors qu’ils sont antigéniques et rendent poreuse la muqueuse
intestinale. On peut éventuellement recourir aux antibiotiques au stade primaire de l’incubation, matérialisé par l’érythème migrant. Après ce stade, l’apparition d’autres
éléments infectieux, notamment les virus, rend inopérante
l’action des antibiotiques.
L’ensemble des symptômes est lié à l’activation du système
immunitaire :
䉴 Dès lors que cette maladie est auto-immune (présence
d’anticorps IgM et IgG, en attente d’antigène HLA), prendre un immuno-régulateur naturel. Un seul existe :
Immuno-régul 1re semaine 3 fois 2 gélules loin des repas,
puis 3 gélules (Labo Phyt’Inov).
䉴 Pour enrayer l’ensemble du contexte infectieux (borrélies,
micro-organismes, virus, parasites), nous privilégions les
huiles essentielles à phénol et monoterpenols à prendre au
moins pendant 3 mois, si maladie au stade primaire, sinon 6
à 12 mois (Thym à thujanol, thymol, origan, achillée millefeuille, rhizome de curcuma de Java. A prendre en gélules).
Ces HE sont antivirales, anti-inflammatoires et antioxydantes.
䉴 Les pré- et probiotiques modulent le système immunitaire
et colmatent l’inflammation, principal paramètre de la
dysbiose. L’efficacité est dépendante des souches utilisées.
Chaque gélule doit contenir au moins 10 milliards de bactéries pour s’opposer aux bactéries pathogènes. Orthoflore
(1 gélule le matin) couplé à la propolis rouge (4 fois 2 gélules).
䉴 Booster les défenses immunitaires.
Dans un tel terrain dégradé par un ensemble d’assauts
antigéniques, le système immunitaire s’épuise. Nous disposons de micro-nutriments pour le renforcer :
䉴 Les béta-glucanes extraits de la levure du boulanger ou de
champignons (Maïtake, Shitake).
䉴 L’échinacée stimule la lignée blanche, les cytokines, le
TNF alpha (tumor necrosis factor).
䉴 Les alkylglycérols contenus dans l’huile de foie de chimère.
䉴 Les vitamines B, cofacteurs enzymatiques.
䉴 Les oligo-éléments : fer, zinc, cuivre.
On retrouve ces ingrédients dans une formule : Stimu+
(3 fois, 2 gélules).
䉴 Les systèmes enzymatiques sont très sollicités. Les enzymes
sont indispensables au déroulement de la quasi-totalité des
réactions biochimiques. Enzy-20 recèle 20 enzymes. Prendre
2 gélules avant les 2 repas.
䉴 Le foie est en première ligne quand il est confronté à un
afflux de molécules chimiques étrangères. Sylidium contient
du chardon marie, du desmodium, du Chrysanthellum americanum et de l’huile essentielle de carotte cultivée. 1 gélule
avant les 2 repas.
䉴 Les acides gras polyinsaturés de la famille oméga-3 (graines
de lin, huile de colza, huiles de poisson) ont des propriétés
La Revue de la MTRL
䉬
septembre 2014
䉬
numéro 83
anti-inflammatoires et assurent la bonne santé cardiovasculaire et la régénération nerveuse (Lyprinol ou EPA-Krill
2 fois 2 gélules)
Tous ces produits sont disponibles au labo Phyt’Inov.
䉴 Glycérophosphate de magnésium 200 mg + glycérophosphate de calcium 300 mg pour 1 gélule N°120. Prendre
2 fois 2 gélules, à réaliser en pharmacie.
Crise aiguë
Effectuer 2 lavements à 48 heures d’intervalle avec :
䉴 Soit une infusion d’une cuillère à soupe de café arabica
(bio de préférence) dans 3/4 de litre d’eau bouillante
pendant 5 minutes. Le café arabica contient de l’acide
chloragénique.
䉴 Soit une infusion de 10 têtes de camomille dans 3/4 de
litre d’eau bouillante pendant 10 minutes. Diluer ensuite
dans 1,25 l d’eau froide afin d’amener le tout à 37 °C.
䉴 Vitamine C naturelle : Cynorrhodon vitamine C 2 à
4 gélules (Labo Phyt’Inov).
䉴 Chlorure de magnésium : 1 sachet de 20 g dans 1 litre
d’eau boire, 1/2 verre 3 fois par jour.
Homéopathie
Remède de base : Borrelia 200 K (1 dose, 3 fois par jour
pendant les poussées).
䉴 Remède de fond : Borrelia 200 K (2 doses par semaine
pendant 1 mois).
䉴 Enchaîner par : Borrelia 1000 K (3 doses à 10 jours
d’intervalle). Borrelia 104 K (3 doses à 10 jours d’intervalle)
On peut se procurer les dilutions de Borrelia auprès de la
Pharmacie des Archers, à Epernay.
䉴
Prévention et éducation
Les mesures de protection comportent le port de vêtements
recouvrant (port de chaussures montantes, notamment),
l’utilisation de répulsifs et examen attentif du corps au retour
d’une promenade en forêt pour repérer et enlever les tiques
(un détachement précoce, en utilisant par exemple une
goutte d’huile essentielle pour l’endormir, limite la probabilité de transmission de l’infection).
Ainsi, cette pathologie infectieuse qui s’apparente à une
épidémie mondiale représente un extraordinaire challenge
pour la médecine moderne. Il est temps de dénoncer un déni
de cette infection bien identifiée, mais négligée par les
pouvoirs publics et les universitaires. Un mur de silence s’est
érigé, organisé par un contre-mouvement de l’industrie
pharmaceutique et des caisses d’assurance maladie (ces
lobbies achètent des opinions à grand renfort d’argent). 䊓
Dr Jean-Pierre Willem
www.docteurwillem.fr
[email protected]
Pharmacie des Archers, 1 rue des Archers, BP 30, 51201 Epernay Cedex. Fax : 03 26 57 93 25
Labo Phyt’Inov, Au Village 72,2904 Bressaucourt (Suisse). Tél. : 0080099007222.
(Demandez un bon de commande + documentation)
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