2 : Biotopes

Séminaire de bactériologie 2014
Jocelyne Favet
2 : Habitats / Biotopes1
Sur plus de 500.000 espèces bactériennes connues seulement 200 sont pathogènes.
La majorité vit dans notre environnement. Ce qui signifie que la pathogénie n’est que
l’exploitation d’une niche écologique parmi d’autres. Depuis le début, les bactéries s’adaptent
continuellement aux changements de leur environnement. Elles occupent tous les biotopes sur
cette planète.
Micro-organismes
Par ce terme on désigne les organismes très petits.
Cela comprend:
1. les procaryotes: bactéries et archées
2. les levures (eucaryotes)
3. les moisissures (eucaryotes)
4. les algues (eucaryotes)
5. les protozoaires (eucaryotes).
1
Saccharomyces. cerevisiae, tiré de Prescott, Microbiologie, 2003
3
2
4
5
Virus
Ce ne sont pas des organismes. Ils n’ont pas de vraie cellule. En-dehors de leur hôte, ils sont
inertes, proches du monde abiotique. Quand ils parasitent leur hôte, ils agissent comme des
êtres vivants, notamment en prenant la direction du métabolisme grâce aux gènes qu’ils
apportent. Leur génome est très petit et ne contient que les gènes inconnus de la cellule hôte.
Il est soit en ADN, soit en ARN!
Types trophiques chez les bactéries
Les bactéries occupent des biotopes variés. De ce fait elles ont des métabolismes très
différents. Les types trophiques (trophos = nourriture) décrivent la manière de trouver de
l’énergie. Il existe 2 sources d’énergie:
• énergie lumineuse: phototrophie
• énergie chimique: chimiotrophie
1
Un biotope est caractérisé par l’ensemble de ses paramètres physico-chimiques. Il peut y avoir plusieurs
biotopes dans un habitat.
1
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Bactéries phototrophes anoxygéniques
Ces bactéries tirent leur énergie de la lumière (phototrophes) mais sans libérer de l’oxygène
(anoxygéniques) (contrairement aux plantes supérieures). Elles vivent en milieu anoxique
(dépourvu d’oxygène). Elles sont autotrophes (fixent le CO2).
Bactéries phototrophes oxygéniques
Elles tirent leur énergie de la photosynthèse (= énergie lumineuse, elles sont phototrophes)
avec dégagement d’oxygène (oxygéniques). Ce sont les cyanobactéries ou « algues
bleues »2. Elles sont autotrophes (fixent le CO2).
Bactéries chimio-lithotrophes
Elles tirent leur énergie de l’oxydation de molécules (chimiotrophes) minérales, comme le
fer, le soufre ou l’hydrogène (lithotrophes). Elles sont autotrophes (fixent le CO2).
Bactéries chimio-organotrophes
Elles tirent leur énergie de l’oxydation (chimiotrophes) de composés organiques
(organotrophes). Elles sont hétérotrophes (ne fixent pas le CO2).
NB: toutes les bactéries doivent synthétiser toutes leurs molécules organiques. Les
organotrophes dégradent les molécules organiques qu’elles prélèvent dans l’environnement
pour en tirer de l’énergie ainsi que des précurseurs pour leurs synthèses.
Conditions de croissance dans l’environnement
Dans l’environnement, l’apport de nutriments est épisodique. La croissance est le plus
souvent discontinue. Elle va dépendre :
• de la richesse en nutriments
• du type trophique et de la quantité d’énergie
• des conditions physico-chimiques (température, oxygène…)
• de la stabilité / instabilité de ces conditions.
Le temps entre chaque série de division est le temps de génération. Il varie beaucoup selon
les bactéries. Quelques exemples mesurés dans les conditions optimales:
Escherichia coli (flore intestinale): 21 min
Bacillus subtilis (sol): 26 min
Bacillus megaterium (sol): env. 90 min
Clostridium botulinum (botulisme): 34,8 min
Mycobacterium tuberculosis (tuberculose): env. 12h
Treponema pallidum (syphilis) : 33h
Il existe dans l’environnement des bactéries qui ont un temps de génération beaucoup plus
long (peu d’énergie à disposition).
Paramètres physicochimiques (conditions environnementales)
Les paramètres environnementaux d’un biotope définissent les conditions de vie. Seuls les
micro-organismes adaptés peuvent s’y implanter. Les principaux paramètres physicochimiques sont :
2
Ancien nom peu utilisé maintenant, parce que ce ne sont pas des algues!
2
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•
•
•
•
•
disponibilité de l’eau / pression osmotique
acidité / alcalinité
température
pression
teneur en oxygène.
Disponibilité de l’eau
Eau / activité de l’eau
Les bactéries ont besoin d’eau liquide pour vivre.
Leur cellule est délimitée par une paroi rigide suivie d’une
membrane cytoplasmique.
échanges
paroi
La membrane plasmique est le siège de
tous les échanges avec l’extérieur.
Elle est semi-perméable (elle « trie » ce
qui peut entrer dans la cellule).
Pour conserver ce rôle, il est nécessaire
qu’elle soit plaquée contre la paroi
X
Si l’eau manque, la membrane se décolle de la paroi et les
échanges avec l’extérieur vont cesser.
Elles doivent vivre dans un milieu hypotonique (plus dilué
que le cytoplasme), de telle façon que leur membrane
colle à la paroi, ce qui facilite les échanges, notamment
l’introduction de nutriments (solubilisés).
Saccharose
H2O
H2O
Saccharose
H2O
H2O
H2O
H2O
Saccharose
milieu hypotonique
milieu hypertonique
On parle d’activité de l’eau. Elle mesure l’eau disponible dans un milieu.
L’eau peut être présente, mais retenue par exemple par du sucre ou du sel. Dans ce cas, elle
n’est pas disponible. Ces milieux ont une forte pression osmotique (hypertoniques).
Il existe des micro-organismes qui font exception à la règle en tolérant une pression
osmotique plus élevée = (osmotolérants).
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Enfin, comme pour tous les paramètres physico-chimiques, il y a des bactéries qui ont subi
une adaptation qui leur confère une tolérance extrême à une forte pression osmotique
(bactéries osmophiles ou halophiles3).
Le terme halophile est utilisé pour les milieux salés (NaCl) / osmophile est plutôt utilisé pour
les milieux sucrés. Les deux impliquent une pression osmotique élevée du milieu.
Exemples : Halobacterium (Archée) dans les lacs salés ou la mer Morte ; Haloferax
(Archée), halobactérie de forme aplatie, totalement dépendante d’une forte concentration de
NaCl.
Acidité / alcalinité (pH)
La majorité des bactéries vit à un pH proche de la neutralité (6-7). Mais il existe des
bactéries qui produisent de l’acide, par fermentation par exemple, et qui supportent des pH de
4-5.Par exemple les bactéries lactiques (yoghourt) (bactéries acidophiles).
Il y a enfin les bactéries extrêmes qui vivent dans des environnements très acides, en
général volcaniques (présence d’acide sulfurique) (pH 1).
D’autres sont adaptées à des pH alcalin (10-11). Par exemple dans des lacs alcalins en Afrique
(bactéries alcalophiles).
(Tableau ci-dessous : Prescott, 2003).
3
Ces bactéries sont des Archées pour la plupart.
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Taux de croissance
Acidité / Alcalinité
acidophiles
acidophiles
extrêmes
0
1
2
3
neutrophiles
alcalophiles
4
5
6
7
8
9
10
11
12
pH
5
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Le graphique montre le taux de croissance, avec un optimum aux différents pH pour chaque
classe de tolérance.
Exemples : bactéries des sources chaudes acides au parc de Yellowstone (par ex. dans Sulfur
Caldron, une des sources les plus acides du parc). Sulfolobus vit dans des eaux très chaudes et
acides, les bactéries s’attachent aux cristaux de soufre. Elles sont à la fois acidotolérantes et
thermophiles.
Cellule de Ferroplasma (couleurs
artificielles).
Wikipedia.
Prescott, 2003
Température
La température est déterminante et sélectionne activement les espèces capables de vivre dans
un biotope donné.
Parmi les extrêmes, il y a les Archées qui colonisent les milieux océaniques froids. Comme
la péninsule antarctique, où les bactéries vivent dans l’eau froide sous la couche de glace. On
peut les observer au microscope par épifluorescence.
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Mais il y a aussi à l’opposé des Hyperthermophiles dans l’eau bouillante. Dans la source
chaude de Boulder Spring (Parc de Yellowstone), la température est de 1-2°C supérieure à la
température d’ébullition. Les dépôts minéraux autour de la source sont majoritairement
constitués de soufre et de silice.
(b) Observation microscopique de procaryotes qui se sont développés sur une lame immergée.
Dans d’autres zones du parc on trouve des cyanobactéries qui vivent à une température de
73°C.
Enfin, citons Thermus aquaticus, bactérie thermophile dont on a tiré une enzymes très utile
en génomique : la Taq polymérase.
T.D.Brock: bioinfo.bact.wisc.edu/themicrobialworld/LAHT/b27/html
Exemples : Archées hyperthermophiles dans un solfatare du Parc de Yellowstone. De la
vapeur riche en hydrogène s’échappe (microaérophilie). A cause de la chaleur et de l’acidité,
seuls les procaryotes peuvent s’y développer.
L’Imperial Geyser est une source d’eau en ébullition à pH neutre. De nombreuses espèces
sont présentes.
Sulfolobus, déjà cité pour son acidophilie extrême, se retrouve dans une source géothermale
acide riche en fer. La bactérie oxyde soufre et fer.
Pression
La pression ne varie pas beaucoup en surface, par contre elle va jouer un rôle important dans
les océans (pression hydrostatique). Elle peut atteindre 1000 atm4 dans les zones les plus
profondes des océans (11.000 m de profondeur).
4
1 atmosphère équivaut à peu près à 1 bar.
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Attention, l’échelle de droite correspond aux extrêmes barophiles, beaucoup moins
abondantes que les autres.
Oxygène
Le métabolisme entraîne des oxydations. En présence d’oxygène, des radicaux oxydants
toxiques sont produits. Seules les bactéries aérobies ont les moyens de neutraliser ces
radicaux.
Bactéries aérobies
• strictes (dépendent de l’O2)
• micro-aérophiles
• anaérobies facultatives
Bactéries anaérobies
• strictes (meurent en présence d’O2)
• aérotolérantes
Les bactéries qui ne produisent pas les enzymes protectrices n’ont pas d’autre choix que de
vivre à l’abri de l’oxygène.
Ci-dessous, le schéma illustre le choix de différentes espèces de bactéries en fonction de la
teneur en oxygène. Les cultures se font dans un milieu semi-solide contenant un agent
réducteur (l’indicateur rose montre la zone oxydée) (les points sont des colonies
bactériennes) :
a) aérobies stricts; (b) anaérobies stricts; (c) anaérobies facultatifs; (d) microaérophiles; (e)
anaérobies aérotolérants.
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Les grands cycles de la matière
Les sources de carbone, d’azote, de fer, etc… ne seraient pas éternelles si ces éléments
n’étaient pas recyclés. Les organismes supérieurs en sont incapables. Pour chaque étape de
transformation, que ce soit la minéralisation ou l’assimilation, des bactéries spécialisées ou
simplement organotrophes interviennent.
Recyclage de la matière
assimilation/autotrophie
minéral
biomasse
organique
Dégradation
des déchets
organiques
minéralisation
Assimilation = incorporation de molécules minérales dans la matière organique.
Minéralisation = dégradation complète de la matière organique en molécules minérales.
Cycle interne: fait circuler la matière organique via la chaîne alimentaire sans
minéralisation.
Cyle du carbone
Tous les organismes vivants contiennent du carbone. Ce carbone vient essentiellement du
CO2 de l’atmosphère. Les volcans jouent un rôle important en libérant du CO2.
Note : Énergies fossiles: nous libérons du CO2 qui date du Carbonifère (-300 millions
d’années environ). Mis « en réserve » à cette époque, il est libéré aujourd’hui et vient en
surplus du cycle actuel.
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Les bactéries sont adaptées non seulement aux caractéristiques physico-chimiques de leur
environnement, mais aussi aux éléments nutritifs à disposition dans leur biotope. Elles
s’inscrivent donc dans une fonction qui fait partie de l’ensemble des grands cycles de la
matière.
Changements environnementaux / Adaptation
Les sols et les océans sont dynamiques, ils épousent les changements physiques et chimiques
qui ont lieu au cours du temps. Et cela depuis toujours.
Il peut s’agir de changements saisonniers, mais aussi de changements importants comme
ceux qui sont survenus dans le passé:
•
Tectonique des plaques
Changements dûs aux mouvement des plaques
tectoniques, ce qui a influencé le climat
Il y a 250 Ma (Permien-Trias)
existait un supercontinent:
La Pangée
Wikipedia
•
•
Il y a aussi l’apparition de montagnes qui modifie les conditions hygrométriques de
part et d’autre. Par exemple la Cordillère des Andes crée par la collision de la plaque
de Nazca avec la plaque sud-américaine. Vu sa hauteur, la Cordillère des Andes fait
barrage à l’humidité venant de l’est. D’où le désert d’Atacama réputé le plus aride de
la planète.
Les glaciations liées à des conditions astronomiques (éloignement du Soleil) ou
diminution du taux de CO2 : la glace fait écran en réfléchissant les rayons solaires
(albedo élevé). La disparition des glaces provoque une augmentation de la température
car le rayonnement n’est plus réfléchi mais absorbé par les mers.
Les oscillations de l’axe de rotation de la Terre. Le Sahara a changé plusieurs fois
de climat : on y trouve les traces de grands lacs et des fossiles d’animaux aquatiques.
Il est désertique depuis environ 3000 ans.
Ces évènements ont eu des effets sur:
• La température, qui a des répercussions sur tous les organismes vivants et sur
l’évolution du sol
• La pluviosité: un changement drastique modifie complètement flore et faune
Tous ces grands changements climatiques ont eu une répercussion sur les êtres vivants. Les
bactéries ont dû s’adapter. Notons que les changements majeurs de climat ont été très lents, ce
qui a permis une adaptation de la microflore et de la faune.
En ce sens, la Lune nous a rendu service en limitant l’oscillation de l’axe de rotation de la
Terre, ce qui a ralenti les changements climatiques.
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Adaptation
L’adaptation a un nouveau biotope ou nutriment se fait:
• soit par mutations (lié au hasard)
• soit par échanges de matériel génétique entre bactéries.
Les bactéries qui ont acquis de nouveaux gènes utiles pour coloniser ce nouvel environnement
vont survivre et, de génération en génération, les nouveaux caractères accumulés peuvent
donner une nouvelle espèce.
3 écotypes cohabitent
dans un habitat, mais ils
occupent des niches
écologiques différentes.
L’écotype I va peu à peu
se modifier suite à une
série
de
mutations
adaptatives*.
Finalement, une nouvelle
espèce est née.
Mutations adaptatives: le taux de
mutations augmente en réponse à la
pression de l’environnement.
Bactéries du sol
Dans les sols vit une communauté biologique complexe qui varie selon les conditions
physico-chimiques. On y trouve: virus, bactéries, champignons, protozoaires, insectes, vers,
nématodes, plantes et animaux supérieurs. Ils constituent en général une chaîne alimentaire
dans laquelle les bactéries photosynthétiques et les plantes jouent un rôle essentiel en
fixant le CO2 atmosphérique (apport de matière organique).
Bactéries fixatrices d’azote
L’azote est indispensable pour les cellules vivantes qui en ont besoin pour leurs protéines et
leurs acides nucléiques entre autres. Les bactéries récupèrent en général les nitrates dans le sol
ou dans les océans.
Mais il y a des sols pauvres en azote où les êtres vivants ne peuvent vivre. Là interviennent les
bactéries capables de fixer l’azote atmosphérique. Seules certaines espèces sont capables de
fixer l’azote gazeux. Cela nécessite un système particulier et un moyen de gérer l’oxygène:
• ce processus requière beaucoup d’énergie, il faut donc une bonne oxygénation
• les enzymes qui fixent l’azote sont inhibées par l’oxygène, il faut donc les protéger et
éviter tout contact avec lui.
Beaucoup de bactéries ont trouvé la solution en s’associant avec d’autres organismes. Mais il
y a des espèces solitaires.
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Nostoc (cyanobactérie filamenteuse) qui fixe
l’azote atmosphérique :
L’azote est fixé dans les hétérocystes,
imperméables à l’oxygène (qui inhibe la
réaction), mais perméables à l’azote.
Le groupe aminé ainsi formé est distribué
aux autres cellules, qui en retour, fournissent
l’énergie nécessaire aux hétérocystes
http://forum.mikroscopia.com/topic/4163-nostocspvaucher/
Nostoc fait partie des pionniers dans les lieux désertiques. Elles et d’autres bactéries fixatrices
d’azote permettent à d’autres végétaux d’y vivre.
Actinomycètes
Ce sont des hôtes habituels du sol. Il en existe beaucoup de genres, certains produisent des
antibiotiques, d’autres sont thermophiles et participent à la maturation du compost.
(Wikipedia)
Protozoaires
Les protozoaires, règne animal, jouent un rôle régulateur sur les populations bactériennes
qu’ils broutent, aussi bien sur terre qu’en mer. Ce sont, avec certains virus, leurs principaux
prédateurs. Dans le sol, ils recyclent rapidement une biomasse importante qui est mise à
disposition de la communauté biologique.
Importance des populations microbiennes
Les sols peuvent contenir une population microbienne importante:
• jusqu’à 108 – 109 bactéries/g de terre (poids sec)
• jusqu’à plusieurs centaines de mètre de mycélium fongique/g de terre.
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Vie dans le sol
Distribution des micro-organismes dans le sol (Prescott, 2003)
Diffusion de l’oxygène
dans un sol
La diffusion de l’oxygène se
fait environ 4000 x plus vite
dans un sol que dans l’eau!
C’est pourquoi dans un sol
saturé en eau, il y a plus
d’anaérobies que d’aérobies.
Prescott, 2003
On a trouvé des bactéries à de très grandes profondeur: 6.100 m en Alaska, 3.350 m dans une
mine d’or sud-africaine. Les populations changent en fonction des paramètres physicochimiques:
• notamment de la diminution de l’oxygène
• la température interne du sol augmente de 3°C tous les 100 m.
On pense que la limite d’occupation se trouve à 60°C (environ 2000 m). En milieu anoxique,
on trouve des méthanogènes (Archées) et autres bactéries lithotrophes. Elles fixent le CO2,
utilisent l’hydrogène (ces gaz doivent être présents!).
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Analyse du méthane : basée sur l’analyse des isotopes du carbone
Production de méthane
En fonction de la profondeur, le
méthane
est
d’origine
biologique (de 0 à 1.500 m),
puis mixte, puis d’origine
chimique (de 1.800 à 4.000 m).
Parallèlement à la profondeur,
on a noté l’époque où ces
couches étaient en surface: à
4.000 m la couche date du
Triassique, c’est-à-dire 200 Ma.
(Crétacé sup. 100 - 66 Ma;
Tertiaire 66 – 2,5 Ma)
L’atmosphère contient environ
1,1% de C-13
Le rapport entre les 2 isotopes (C-12 et C-13) donne un δ très négatif pour la production
bactérienne (très peu de C-13), tandis qu’il est moins négatif pour la production chimique. 5
La formation de colonies à 1500 m de profondeur, ainsi que la production de méthane par les
méthanogènes, indiquent que ces bactéries sont actives et donc vivantes. Ces bactéries vivent
en anaérobiose, elles utilisent le CO2, l’hydrogène et des sulfures. A ces profondeurs, il n’y a
plus de décomposition, donc il faut une source de CO2! La microbiologie souterraine n’en est
qu’à ses débuts. La difficulté majeure est de prélever des échantillons à ces profondeurs sans
les contaminer.
Bactéries dans les océans
La vie dans les océans est gérée par différents paramètres:
• lumière (phénomène de surface)
• profondeur avec effet de la pression hydrostatique
• température (variable selon la profondeur)
• contenu en nutriments (modification selon la profondeur)
• oxygénation de l’eau (vie différente dans les sédiments)
• salinité
Dans les milieux aquatiques, il y a des changements importants de concentration des
matériaux, qu’ils soient gazeux, solides ou dissous. C’est dû au mouvement en milieu fluide.
Les micro-organismes doivent répondre rapidement à ces changements et choisir le milieu qui
leur convient le mieux, même s’il s’agit de choisir le niveau dans la colonne d’eau. La
communauté microbienne est donc essentiellement contrôlée par le mélange et le mouvement
des éléments nutritifs, oxygène et déchets. La matière organique de la surface peut couler
rapidement à de grandes profondeurs: cela crée des sédiments riches en éléments nutritifs.
Des micro-organismes vont y proliférer, mais pas n’importe lesquels!
L’oxygène s’appauvrit dans les profondeurs et souvent les sédiments contiennent une flore
plutôt anaérobie qui va décomposer ces déchets. Ce processus libère des gaz qui vont
remonter, créant un habitat pour d’autres bactéries.
5
L’analyse est basée sur les proportions relatives des deux isotopes stables du carbone : C-12 et C-13. Les
bactéries préfèrent utiliser le plus léger (C-12), tandis que les synthèses abiotiques utilisent les deux.
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L’eau limite la diffusion de l’oxygène. Sa solubilité est aussi diminuée, en particulier par les
températures élevées et les basses pressions. De ce fait, les organismes aérobies peuvent
consommer l’oxygène plus vite qu’il n’est fourni. Cela crée des zones hypoxiques ou
anoxiques. C’est particulièrement vrai dans les couches inférieures d’un lac par exemple, où
la lumière ne pénètre pas.
Distribution entre Bacteria et Archaea selon la
profondeur de l’eau
Le méthane est produit par des bactéries méthanogènes (Archées). Ce gaz est peu soluble
dans l’eau, il a donc tendance à remonter et diffuser dans l’atmosphère où il sera
progressivement détruit par les groupes OH-. Le déchet microbien idéal qui ne s’accumule
pas. Sauf en profondeur dans les océans où la température est assez basse pour le faire geler.
C’est un souci avec le réchauffement climatique: si les océans se réchauffent trop, ils vont
libérer massivement le méthane.
Dans la troposphère6 (basse atmosphère), le méthane peut:
• augmenter l’effet de serre (il est plus efficace que le CO2)
• provoquer la formation d’ozone troposphérique
• son oxydation complète libère des radicaux OH- qui sont les principaux oxydants des
gaz dans la troposphère (formation d’acides, smog)
Dans la stratosphère7, le méthane est oxydé par le rayonnement solaire et produit de la
vapeur d’eau, donc des radicaux OH-, qui sont à l’origine de la destruction de la couche
d’ozone.
Cohabitation des diverses communautés
Comme dans le sol, il y a des communautés en compétition.
Elles utilisent différentes armes pour se battre:
• occupation de l’espace
6
La troposphère est la couche d’atmosphère située juste au-dessus de la croûte terrestre, elle va de 0 à 20 km
d’altitude.
7
La stratosphère est la couche d’atmosphère située au-dessus de la troposphère, elle va de 20 à 50 km d’altitude
environ (elle contient la couche d’ozone).
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• production d’antibiotiques
• modification de taille pour éviter certains prédateurs
Les espèces marines sont adaptées à la haute teneur en sel, elles en ont besoin. En milieu
marin comme sur terre, les échanges génétiques se font entre espèces différentes par transferts
horizontaux, pourvu qu’il y ait un rapprochement physique dans un biotope donné.
Vie dans les sédiments
Les déchets organiques subissent un sort quelque peu différent selon leur poids. Les objets
lourds tombent plus rapidement et constituent une source de nourriture importante pour les
micro-organismes des sédiments. Les micro-déchets ou flocons vont mettre beaucoup plus de
temps pour descendre, ce qui laisse le temps à différentes populations de bactéries de s’y
attaquer.
« snow bacteria »
profondeur
Bactéries en compétition pour l’utilisation de
cette source de nourriture
Augmentation de la pression et diminution de
l’oxygène, les bactéries « abandonne » ce qui
reste
Une nouvelle communauté bactérienne
s’installe…
Augmentation de la pression et diminution de
l’oxygène, les bactéries « abandonne » ce qui
reste
Dégradation du solde dans les
sédiments
On estime à environ 1029 le nombre d’unicellulaires qui peuplent les fonds marins!8
Récemment, les biologistes américains ont découvert que les micro-organismes piégés dans
les sédiments sont actifs et se reproduisent activement. Les microbes étudiés vivaient jusqu’à
15 m sous la surface de l’eau. A noter qu’on a identifié une vie microbienne jusqu’à plus de
1500 m de profondeur sous le plancher océanique! Ces micro-organismes vivent en
anaérobiose.
Conclusion
En conclusion, que ce soit sur terre ou en mer, il existe une immense variété de Bactéries et
d’Archées. Elles participent toutes aux grands cycles de la matière. Une partie est
symbiotique, c’est-à-dire que ces bactéries s’associent aux organismes supérieurs.
Leur multiplication est rapide. Sans l’intervention des protozoaires et des virus spécifiques
(bactériophages), la masse biologique due aux bactéries provoquerait un déséquilibre général.
8
900 milliards de milliards de milliards d’unicellulaires.
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