Réponses aux clefs de lecture - Les Petits Classiques Larousse

J’ai soif d’innocence
Et autres nouvelles à chute
Romain Gary
Édition présentée, annotée et commentée
par Carine PERREUR,
docteur ès lettres
1
Clefs de lecture
J’ai soif d’innocence
Action et personnages
1. Le narrateur considère-t-il Taratonga comme son égale ? Le regard qu’il porte sur elle change-t-il au cours de
la nouvelle ?
Réponse :
Taratonga vit sur une « petite île perdue », loin du monde que le narrateur veut fuir. Celui-ci
dit apprécier sa générosité mais la suppose, en même temps, incapable de connaître quoi que ce
soit à l’art. Lorsqu’il déclare ne pas vouloir lui donner « l’impression qu’elle était une sauvage qui
se servait des œuvres d’un des plus grands génies du monde pour faire des paquets », il révèle
en fait le fond de sa pensée.
Taratonga est, selon lui, tout d’abord, son amie, celle qui accepte qu’il vive sur son île sans
devoir dépenser d’argent. Elle est ensuite celle qui lui offre l’incroyable possibilité de posséder
des toiles inconnues de Gauguin. Lorsque, soudain, elle cesse de lui donner ces toiles, elle passe
de son statut d’amie valorisée, de grande dame, à celui de sauvage : « malgré toutes leurs
qualités, les indigènes de Taratora ont également quelques graves défauts dont une certaine
légèreté », s’exclame-t-il alors.
Ces « indigènes » redeviennent des « êtres merveilleux » quand Taratonga lui ouvre les
portes de sa réserve de tableaux. Le regard du personnage sur Taratonga et son peuple évolue
donc en fonction de ce qu’il pense pouvoir obtenir d’eux. Il ne considère jamais Taratonga comme
son égale mais, selon les cas, comme une généreuse femme peu éduquée, comme une
innocente sauvage ou comme une indigène sans importance.
Son regard change une dernière fois lorsqu’il apprend qu’elle n’est, en fait, pas du tout
innocente, naïve et facile à tromper. Elle passe alors de l’« un des êtres les plus nobles » qui
soit à un être méprisable avili par « les calculs les plus sordides ».
2. Taratonga est-elle aussi innocente et naïve que le suppose le narrateur ? Que cherche-t-elle à faire ?
Réponse :
Contrairement au point de vue restrictif du narrateur, Taratonga n’est pas cette sauvage aux seins
nus qu’il se plaît à imaginer fermée à toute culture extérieure. Elle connaît le monde moderne, l’a
fréquenté et exerce un travail rémunéré qui la met en contact direct avec la civilisation moderne.
Elle est cultivée, connaît la peinture et son histoire et n’ignore pas non plus la valeur de l’argent.
Elle est donc parfaitement capable de percer à jour le narrateur, de comprendre qu’il n’est pas
honnête dans ses déclarations, que son dégoût de l’argent n’est pas réel et qu’il tente de profiter
de sa générosité. En lui offrant ses fausses toiles de Gauguin et en jouant son jeu, elle lui tend un
piège et lui donne une leçon.
3. Comment comprenez-vous cette phrase : « Mais tous les préjugés de notre civilisation, que je tenais malgré
tout bien ancrés en moi, m’empêchaient d’accepter un tel cadeau sans rien offrir en échange. » Pensez-vous
que le personnage a d’autres préjugés ? Lesquels ?
Réponse :
Le personnage s’attribue ici un préjugé plutôt positif : la civilisation lui aurait appris qu’un
échange doit être équitable. Malgré ses tentatives de fuir la civilisation et le monde de l’argent, il
se sentirait donc obligé d’offrir quelque chose à Taratonga en échange des objets de grande
valeur qu’elle semble lui remettre. Les préjugés du personnage sont très apparents tout au long
de la nouvelle. Ils concernent notamment la manière restrictive dont il envisage son hôte et son
mode de vie. Ce qu’il lui offre en échange de son cadeau n’est d’ailleurs pas conforme à la valeur
qu’il lui attribue.
Genre et thèmes
1. Avez-vous l’impression que le personnage est parfaitement honnête, qu’il donne ses véritables motivations ?
Son récit peut-il être perçu comme ironique ? Appuyez votre réponse sur des citations issues du texte.
Réponse :
Le personnage se prétend noble et désintéressé mais la narration invite le lecteur à
comprendre qu’il est en fait loin d’être cet être idéal et sans goût pour le profit. La nouvelle est, en
ce sens, ironique : le lecteur doit décrypter les propos du personnage pour comprendre ce qu’il
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pense réellement. Lorsqu’il déclare qu’« un domestique y est un salarié et non un ami et s’attend
à être payé au bout du mois », le lecteur distingue ce que cache son raisonnement : le
personnage ne cherche pas simplement à retrouver une innocence perdue, il tente de profiter du
monde et des autres sans devoir dépenser son précieux argent. Ses discours sont donc à prendre
à l’envers.
2. Relevez les passages où le personnage parle d’argent. Quels sont les termes qu’il emploie ? Comment son
discours évolue-t-il ?
Réponse :
Dans un premier temps, le personnage déclare vouloir s’éloigner de l’argent, d’un « monde
mercantile entièrement tourné vers les biens matériels » où la « lutte pour le profit » s’oppose à
son « âme d’artiste ». Il cherche le « désintéressement », sans « mesquine considération
d’intérêt ». Il est donc déçu de découvrir qu’à Papeete, l’argent a bien cours : « tout y a un prix, un
salaire, un domestique y est un salarié et non un ami et s’attend à être payé au bout du mois ».
Son arrivée à Taratora répond cependant à tous ses espoirs puisque l’argent semble y être
absent ; le narrateur décrit de manière négative tout ce qui a trait à l’argent, aux « considérations
de notre capitalisme mesquin », auquel il oppose cette vie simple où tout est accessible « sans
bourse délier, sur la base de l’amitié et de la fraternité la plus simple et la plus touchante et dans
le respect mutuel ».
Le changement survient lorsque le personnage pense découvrir une toile de Gauguin. Pour
la première fois, il ne parle pas d’argent de manière négative mais s’exclame que cette toile,
« vendue à Paris, devait valoir cinq millions » : l’argent et les biens matériels, qu’il prétendait
dénigrer, réapparaissent dans sa vie. Il se sentait prêt à refuser l’argent pour profiter de ce qu’on
lui offre mais pas à rejeter ce qui lui permettrait de gagner de l’argent. Lorsque Taratonga lui
montre sa collection de peintures, son exclamation est similaire : « cela devait aller chercher dans
les trente millions ». Il lui propose alors, tout d’abord sa « superbe montre en or » puis « un peu
d’argent » : « sept cent mille francs ». La précision de ces sommes montre que le monde
mercantile est encore bien ancré en lui.
3. Comment comprendre le titre de la nouvelle ? De quoi le personnage veut-il s’éloigner, en partant pour la
Polynésie, et que pense-t-il y découvrir ? Son vœu est-il exaucé ?
Réponse :
Le titre de la nouvelle, « J’ai soif d’innocence » – qui apparaît également dans le texte –, renvoie à
la quête menée par le personnage. Il recherche un monde primitif et naturel idéalisé, qui ne soit
pas perverti par la civilisation, où l’argent et la modernité n’existeraient pas. Selon son point de
vue, il cherche à s’éloigner du règne de l’argent, de la compétition, de la recherche du profit pour
retrouver des rapports humains plus simples et plus vrais. Son discours laisse toutefois supposer
qu’il cherche à s’éloigner d’un monde où les autres font plus de profit que lui, où la fortune dont il
rêve est difficile à obtenir, où la compétition joue en sa défaveur. En rejoignant les îles, il pense
découvrir un paradis préservé. Sa quête se révélera être impossible : l’argent, la civilisation, le
monde extérieur se manifestent toujours. Papeete est, pour lui, décevante parce qu’elle
ressemble trop au monde qu’il connaît. Quant à Taratora, elle semble, tout d’abord, correspondre
à ses attentes, avant qu’il ne découvre que l’innocente Taratonga n’est finalement pas conforme à
l’image de la sauvage naïve et facile à berner qu’il voulait voir en elle.
Écriture
1. Taratonga envoie une lettre au propriétaire de l’hôtel pour lui raconter sa rencontre avec le narrateur. Rédigez
sa lettre.
Réponse :
Tandis que le personnage se donne, au fil de son récit, le beau rôle, Taratonga n’est pas dupe de
ses manœuvres. Elle pourra donc décoder ses grands discours et son apparent désintéressement
pour montrer ce qu’il cherche vraiment et s’amuser du bon tour qu’elle lui joue en lui faisant croire
qu’il vient de découvrir des toiles inconnues de Gauguin.
2. En partant de la dernière affirmation du narrateur, inventez une suite au texte.
Réponse :
Le narrateur achève son récit en déclarant : « Il ne me restait vraiment qu’à me retirer dans une
île déserte et à vivre seul avec moi-même si je voulais satisfaire mon lancinant besoin de
pureté. » La nouvelle pourrait donc se poursuivre de deux manières différentes : soit le
personnage choisit effectivement de partir pour une île vraiment déserte où il sera certainement
encore déçu ; soit il retrouve, malgré tout, la civilisation, avec le souvenir amer de son expérience.
3. Préparez une présentation sur le peintre Gauguin : qui était-il, quel lien avait-il avec la Polynésie ? Trouvez un
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tableau de Gauguin qui ressemble aux descriptions données par le texte.
Le tableau mentionné dans la nouvelle est un tableau fictif. Il ne s’agira donc pas de tenter de
retrouver précisément cette toile mais de découvrir l’œuvre de Gauguin, ses thèmes et couleurs et
de sélectionner un ou plusieurs tableaux qui pourraient ressembler à la description qu’en fait le
personnage : « Elle représentait un petit coin de la montagne tahitienne et des baigneuses au
bord d’une source, et les couleurs, les silhouettes, le motif lui-même étaient à ce point
reconnaissables que, malgré le mauvais état de la toile, il était impossible de s’y tromper. »
Parmi les nombreux tableaux tahitiens de Gauguin pourraient par exemple être cités :
Femmes de Tahiti (Sur la plage), 1891, musée d’Orsay, Paris
Arearea (Joyeusetés), 1892, musée d’Orsay, Paris
Fatata te miti (Près de la mer), 1892, National Gallery of Art, Washington
Matamoe (Le Paysage aux paons), 1892, musée des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou
Pastorales tahitiennes, 1893, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg
Hina Tefatou (La Lune et la Terre), 1893, Museum of Modern Art, New York
Pape moe (Eau mystérieuse), 1893, fondation Anda-Bührle, Zurich
Mahana no atua (Le jour de Dieu), 1894, Art Institute of Chicago, Chicago
Nave, Nave Moe, 1894, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg
Te pape mave nave (L’Eau délicieuse), 1898, National Gallery of Art, Washington.
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Clefs de lecture
Un humaniste
Action et personnages
1. Où et quand la nouvelle se déroule-t-elle ? À quels événements historiques renvoie-t-elle ? Quels en sont les
indices dans le texte ?
Réponse :
La nouvelle se déroule en Allemagne, à Munich, entre les années 1933-1934 et les années 1950.
Le texte commence avec « l’arrivée au pouvoir en Allemagne du Führer Adolf Hitler » (Hitler
devient chancelier en 1933 puis Fürher en 1934), se poursuit avec « les premières années du
régime », « la guerre » (la Seconde Guerre mondiale de 1939-1945) puis « la chute du régime
hitlérien » et, enfin, l’année 1950 autour de laquelle se clôt la nouvelle.
Les éléments qui évoquent la guerre et le régime nazi sont nombreux : des termes comme
« aryen », « les proclamations antisémites du nouveau chancelier », « tous ceux dont l’extrait de
naissance laissait à désirer », « l’uniforme nazi », « des jeunes gens en uniforme », « les
bombardements », « la chute du régime hitlérien » sont ainsi des références directes à la guerre
et au régime mis en place.
L’Allemagne est également présente dans le nom des personnages (Karl Lœwy, une déclinaison
du patronyme Lévy, qui souligne que le personnage est juif ; Schutz, un mot allemand qui signifie,
ironiquement, « protection), le nom des lieux (Munich, Schillerstrasse) ou quelques termes de
vocabulaire (« Herr » et « Frau », qui signifient « monsieur » et « madame » ; l’adjectif
« gemütlich » ; l’expression de salutation « Grüss Gott » ; le « schnaps » que les personnages
boivent).
2. Pourquoi Karl Loewy décide-t-il de se cacher ? Que craint-il ?
Réponse :
Le personnage de Karl Lœwy est juif et, en tant que tel, est menacé par le régime nazi et ses
« proclamations antisémites ». Sa religion n’est mentionnée qu’une seule fois, à la fin de la
nouvelle mais elle est évoquée plusieurs fois à demi-mot : Lœwy mentionne ses « frères de
race », appartient à « ceux dont l’extrait de naissance laissait à désirer ». Il décide donc de se
cacher au moment où les lois antisémites se durcissent et où il commence à craindre d’être
arrêté. Lorsque l’accès à son usine lui est interdit et qu’il est brutalisé par des membres des
jeunesses hitlériennes, il comprend que personne ne viendra le sauver.
L’ami de Herr Karl qui, « revenu d’émigration » à la fin de la nouvelle, vient lui rendre visite est
probablement également juif et il a choisi une autre option pour éviter la déportation : le départ à
l’étranger.
3. Quel est le projet de Karl Loewy ? Comment Herr Schutz l’exécute-t-il ?
Réponse :
L’idée de Karl Lœwy est de se cacher dans sa cave pendant toute la durée de la guerre ;
optimiste, il est persuadé que la guerre et le régime nazi ne dureront pas et qu’il pourra, ensuite,
retrouver sa vie tranquille. Il confie sa maison et son usine de jouets à son domestique afin que
ses biens ne soient pas réquisitionnés par le régime, comme l’étaient ceux des Juifs allemands. À
la fin de la guerre, il prévoyait de récupérer sa maison et son usine. Herr Schutz, dont on ignore
s’il est foncièrement mauvais ou s’il profite simplement de l’opportunité qu’il découvre, exécute
parfaitement la première partie du projet. Il le fait ensuite dévier en choisissant de mentir à son
ancien patron. En prétendant que la guerre n’est pas finie, il rend le retour au monde de Karl
Lœwy impossible et peut donc continuer à profiter, en toute quiétude, des biens de celui-ci. La
« vente fictive », dont la véritable nature n’est connue que par Schutz et Lœwy, prend l’apparence
d’une réelle transmission : « les papiers étaient là pour prouver qu’il était devenu le propriétaire
légitime de l’affaire ».
4. Que se passe-t-il à la fin ? Les nouvelles apportées par Herr Schutz sont-elles conformes à la réalité ? Les
deux époux sont-ils vraiment les « fidèles amis » de Karl Loewy ?
Réponse :
Le cours des événements bascule lorsque Karl choisit de se couper complètement du monde en
se réfugiant dans la lecture des classiques de sa bibliothèque. Refusant la radio puis les journaux,
il n’a plus aucun contact direct avec l’extérieur si ce n’est à travers le couple Schutz. Ceux-ci
réinventent les nouvelles pour qu’elles ne puissent pas donner à Lœwy l’envie de sortir de sa
cachette. Gary souligne bien la duplicité du couple en évoquant tout d’abord la fin de la guerre et
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le retour de l’abondance, avant de parler des « mauvaises nouvelles » qu’apportent Herr Schutz.
Celles-ci ne sont, évidemment, pas conformes à la réalité historique, l’Angleterre n’a jamais été
occupée par Hitler. Karl Lœwy, parce qu’il fait confiance aux êtres humains et qu’il croit les
informations qu’on lui apporte, peut voir dans les époux Schutz des amis fidèles. La réalité est
bien différente.
Langue
1. En quoi peut-on qualifier cette nouvelle d’ironique ? Illustrez votre réponse par des citations, en précisant
comment elles doivent être interprétées.
Réponse :
Le point de vue dominant dans la nouvelle est celui de l’optimiste Herr Karl. Confiant en
l’humanité, il ne perçoit pas le mal et le mensonge. Il sera pourtant trompé par ses domestiques.
La clef de cette trahison, qui invite à interpréter la fin du texte en décodant les formules ironiques,
est donnée par la visite de l’ami de Herr Karl, à la fin de la guerre. En prétendant que « Herr
Lœwy n’habitait plus ici » avant de préparer un plateau pour nourrir celui-ci, Herr Schutz fait
pénétrer le lecteur dans son stratagème.
Lorsque Herr Karl, malade, songe qu’« il faudrait un médecin, mais il ne peut pas exposer les
Schutz à ce risque ; ils seraient perdus si on savait qu’ils cachent un Juif humaniste dans leur
cave depuis des années », le lecteur perçoit l’ironie tragique de son affirmation : le personnage
accepte de ne pas être soigné pour protéger les domestiques qui le cachent au péril de leur vie.
Ceux-ci le laissent en fait mourir sciemment pour ne pas que leur trahison soit perçue.
La confiance de Herr Lœwy en l’humanité conduit à une inversion des rôles ; le prisonnier est
celui qui remonte le moral de son tortionnaire. Lœwy ne met pas en doute les propos de Herr
Schutz et lui fait partager son optimisme. « Herr Schutz ressort toujours de la cave fortement
rasséréné » est une conclusion particulièrement ironique.
L’ironie finale apparaît dans les dernières phrases qui, en reproduisant les messages d’amitié
émus du personnage mourant, souligne qu’il reste jusqu’au bout aveugle au véritable rôle de ses
anciens domestiques : « on sent qu’il mourra heureux, en tenant dans chacune de ses mains la
main de ses fidèles amis, et avec la satisfaction d’avoir vu juste ».
2. Relevez les éléments qui caractérisent Karl Loewy. Quel portrait dessinent-ils du personnage ?
Réponse :
Karl Lœwy est à la fois un bon vivant, qui apprécie ses livres, ses alcools et ses cigares, et un
optimiste, qui a une confiance inébranlable en l’humanité. Son métier, « fabricant de jouets »,
s’accorde avec son caractère : il pose un regard innocent sur le monde en n’envisageant toujours
que le bon côté des choses et des êtres. Son physique correspond à son mode de vie et à ses
convictions : il est un « homme rond, au teint rose, aux lunettes malicieuses, aux lèvres fines dont
les contours paraissaient avoir gardé la trace de tous les bons mots qu’elles avaient lancés ».
3. Comment comprenez-vous, dans le contexte de la nouvelle, l’expression : « Chassez le naturel, il revient au
galop » ? En quoi rejoint-elle la vision que Karl Loewy a de l’humanité ?
Réponse :
L’expression « Chassez le naturel, il revient au galop » signifie qu’il est impossible de changer la
nature profonde de quelqu’un, que celle-ci réapparaît toujours avec d’autant plus de force.
Envisagée selon le point de vue optimiste de Karl Lœwy et appliquée à la situation de l’Allemagne
au début de la guerre, cette expression suggère que l’homme, naturellement bon, finira par
montrer son vrai visage, et que celui-ci sera positif. La guerre et la cruauté des hommes ne sont
pas, selon le personnage, conformes à la nature humaine.
Écriture
1. En utilisant les éléments donnés par le texte, imaginez une journée de Karl Loewy dans sa cave aménagée, en
prenant soin de décrire, en même temps, sa cachette.
Réponse :
Quelques éléments sont mentionnés dans le texte pour décrire la cachette de Karl Lœwy : la
pièce est confortable, elle contient une bibliothèque, du vin et des liqueurs, des boîtes de cigare,
un lit avec un chevet. Un détail important est le fait que la cachette est située dans une cave. Elle
est donc souterraine, sans lumière naturelle et hermétiquement close, sans autre point de contact
avec l’extérieur que cette trappe que Herr Schutz ouvre pour lui rendre visite – Karl Lœwy pourra
peut-être entendre les pas de ses domestiques lorsqu’ils traversent la bibliothèque mais il ne
pourra rien voir au-delà des murs de sa cave.
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Les journées de Karl Lœwy sont rythmées par les visites de Herr Schutz, qui lui apporte son repas
« deux fois par jour à midi et à sept heures » et vient discuter avec lui. Selon la période choisie
dans la nouvelle, Karl Lœwy pourra également écouter la radio et lire les journaux ; simplement se
plonger dans ses livres ou être faible et alité, avec Frau Schutz venant déposer chaque matin un
bouquet de fleurs sur son chevet.
2. Réécrivez les grandes lignes de l’histoire en la centrant, cette fois, sur le personnage de Herr Schutz (ou de
Frau Schutz).
Réponse :
Le point de vue adopté dans la nouvelle est celui de Karl Lœwy, un naïf optimiste qui envisage
tous les événements qu’il perçoit de manière positive. Le regard du couple Schutz soulignera
donc ce que ses analyses et perceptions pouvaient avoir de faux. Les différents événements et le
projet machiavélique des deux époux pourront y apparaître de manière plus directe.
3. Herr Schutz, à la fin du texte, apporte chaque jour des « mauvaises nouvelles » à Herr Loewy. Imaginez, à sa
manière, à quoi aurait pu ressembler le monde si la guerre s’était achevée autrement.
Réponse :
En mettant en perspective les principaux camps qui s’opposaient au cours de la Seconde Guerre
mondiale (l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, l’empire japonais contre les Alliés : Royaume-Uni,
URSS, États-Unis), les possibilités d’une autre fin pour la Seconde Guerre mondiale sont
multiples et n’impliquent pas forcément, comme dans les récits de Herr Schutz, une victoire de
l’Allemagne nazie.
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Clefs de lecture
Le faux
Action et personnages
1. Pourquoi S... refuse-t-il, au début du texte, de céder aux demandes de Baretta ? Quel rôle S... accorde-t-il à
l’art ?
Réponse :
S…, expert en art et collectionneur, est persuadé que Baretta a acheté un faux tableau de Van
Gogh. Son refus de l’aider vient de sa certitude : il attache une importance primordiale à
l’authenticité et se sent donc dans l’obligation de dénoncer ce qu’il voit comme une supercherie.
Baretta et S... ne défendent pas les mêmes valeurs. Pour Baretta, l’achat du Van Gogh est une
transaction financière. L’un de ses arguments forts est qu’il l’a « payé trois cent mille dollars ».
Pour S..., il s’agit en quelque sorte de défendre l’honneur de l’art, de refuser de rabaisser une
œuvre de Van Gogh au niveau d’une transaction financière. L’art, pour S..., joue un rôle
important ; il y voit l’une des seules choses vraies, belles, authentiques. Il se sert de cet épisode
pour tenter de donner une leçon à Baretta.
2. En quoi consiste la vengeance de Baretta ? Pourquoi est-elle particulièrement subtile et efficace ?
Réponse :
S… a fait en sorte que sa fortune, légale et illégale, soit inattaquable ; selon ses propres mots,
« rien ni personne ne pouvait plus le menacer ». Baretta l’attaque donc sur un autre plan en
retrouvant le passé caché de sa femme et en le révélant accompagné de cette phrase qui lui
donne tout son sens : « Le chef-d’œuvre de votre collection est un faux ». Les convictions de S...
(l’authenticité compte plus que tout et sa femme est un chef-d’œuvre) rendent cette vengeance
d’autant plus cruelle.
3. Pourquoi S... demande-t-il un divorce pour « faux et usage de faux » ? Pourquoi la formule est-elle jugée
« scandaleuse » ?
Réponse :
S... a remarqué Alfiera, sa future femme, pour sa beauté. Le paragraphe qui décrit leur rencontre
souligne l’importance que S... a accordé à son apparence. Il la décrit comme étant d’une beauté
« rare », « un chef-d’œuvre ». Il la rapproche ainsi de l’un des tableaux de sa collection et
s’appuie sur cette comparaison lorsque, après avoir découvert qu’Alfiera lui a menti sur son vrai
visage, modifié par chirurgie esthétique, il demande son divorce pour « faux et usage de faux » –
un « faux » est normalement un document écrit falsifié. Alfiera, par cette formule, n’est pas
envisagée comme une femme, une épouse, mais comme un objet vendu à S... pour enrichir sa
collection artistique.
Langue
1. Relevez les termes placés en italique dans le texte. Que souligne l’italique, dans chacun des cas ? Joue-t-il
toujours le même rôle ?
Réponse :
L’italique peut jouer différents rôles dans un texte littéraire. Les italiques présents dans la nouvelle
renvoient à plusieurs usages distincts.
1) L’italique peut permettre de souligner un mot, de le mettre en valeur dans le texte :
- « sa beauté était rare, au sens propre du mot » : l’italique souligne l’adjectif, pour éviter qu’il soit
simplement associé au nom pour composer une expression courante, « une beauté rare ».
- « Le chef-d’œuvre de votre collection est un faux » : l’italique permet, dans ce cas, d’insister sur
l’affirmation, de montrer que cette petite phrase qui bouleverse la vie de S... résonne dans sa tête,
qu’il ne peut arrêter de l’entendre.
2) Les termes étrangers non francisés sont placés en italique :
- « quelques restes de latifundia » : l’italique sert à souligner un terme issu d’une langue
étrangère.
- « Kurlik ! » est également un terme étranger, une exclamation argotique que le narrateur ne
traduit pas mais qui rappelle ses origines.
3) L’italique est employé pour désigner les titres d’œuvres littéraires ou artistiques :
- « la Crucifixion de Tolède » ; « la Madone bleue » : La Crucifixion de Tolède et La Madone bleue
sont des tableaux.
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2. Relevez, dans le texte, plusieurs métaphores et expliquez-les.
Réponse :
Ces métaphores pourront notamment être relevées dans le texte : « S... n'ignorait rien de ces
flèches d'ailleurs fatiguées qui sifflaient derrière son dos » ; « le visage au bec hideux » ; « sa
moustache épaisse et noire, soigneusement teinte, qui eût été beaucoup plus à sa place sur le
visage de quelque carabinier que sur celui d'un authentique descendant du roi des Deux-Siciles,
dressa ses lances, prête à charger ».
3. Que signifie cette phrase : « Il comprenait ce besoin de couvrir la trace des gorgonzolas et des salamis sur ses
murs par des toiles de maîtres, seuls blasons dont l’argent peut encore chercher à se parer. » ?
Réponse :
S..., par cette phrase, résume l’ascension sociale de son rival. Baretta est « parti d’une petite
épicerie de Naples pour se trouver aujourd’hui à la tête du plus grand trust d’alimentation
d’Italie ». Les gorgonzolas et les salamis sont des produits italiens connus, qui renvoient à son
métier d’épicier. Son désir de reconnaissance, sa recherche de respectabilité lui font investir dans
l’art. Les toiles de maîtres qu’il achète viennent ainsi « couvrir la trace » de ses origines. Les
blasons renvoient aux anciens seigneurs : selon S..., ceux qui veulent un statut social différent, ne
pouvant plus acheter de titre de noblesse, se tournent maintenant vers l’art.
Écriture
1. Journaliste, vous devez écrire un article sur S... décrivant son ascension, depuis son enfance difficile jusqu’à
sa vie fastueuse de grand collectionneur. Servez-vous des éléments mentionnés dans le texte, que vous
pourrez compléter à votre manière.
Réponse :
Le passage allant de « Pas mal, pour un petit va-nu-pieds de Smyrne » à « sans faire figure de
parvenu » montre les deux pôles opposés de la vie de S... : il a grandi dans les bas-fonds de
Smyrne, petit voyou se débrouillant comme il le pouvait pour survivre, puis est devenu un riche
marchand et un collectionneur reconnu. L’étape intermédiaire, qui lui ouvre les portes du succès
et de la fortune, n’est pas mentionnée et pourra donc être inventée. Sa rencontre avec Alfiera, leur
amour inattendu et leur mariage constituent une autre étape de sa vie. Une dernière étape, qui ne
fera pas nécessairement partie de l’article rédigé, couvre la période du procès retentissant, du
divorce et du retrait du monde de S...
2. Vous êtes, comme S..., confronté à un mensonge qui a de grandes conséquences sur votre vie. Racontez.
Réponse :
Plusieurs étapes devront apparaître dans le récit : l’exposé de la situation ou du conflit initial
menant au mensonge, l’énoncé du mensonge puis des conséquences qu’il a sur le narrateur de
l’histoire.
3. Retranscrivez le débat causé par la demande de divorce inhabituelle de S... : proposez les arguments que S...
utilise pour justifier sa demande, et les arguments contraires, qui font que sa demande est rejetée.
Réponse :
L’argumentation de S... s’appuiera sur sa définition de l’art, sa recherche de l’authenticité et son
impression d’avoir été trahi par les mensonges délibérés de la famille d’Alfiera. Les arguments
contraires pourront souligner qu’Alfiera est une femme et non un autre tableau de la collection de
S..., qu’un être humain n’est pas vrai ou faux. La demande de S... étant rejetée, le parti adverse
aura donc le dernier mot…
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Clefs de lecture
Citoyen pigeon
Action et personnages
1. Où et quand la nouvelle se déroule-t-elle ? En quoi le lieu et l’époque jouent-ils un rôle important dans
l’histoire ?
Réponse :
La nouvelle se déroule à Moscou, en URSS., en 1932. Les deux personnages, Rakussen et son
ami, sont tous deux américains et ils travaillent à la Bourse. En 1929, New York est marquée par
un grand krach boursier qui ruine de nombreuses personnes. La Bourse continue à chuter
pendant les années suivantes, la crise s’installe ; la nouvelle, en se situant à cette époque,
évoque ce contexte financier. Les États-Unis et l’URSS reposent sur deux systèmes politiques
différents et cette différence joue également un rôle dans l’histoire : les deux Américains
choisissent de partir en URSS parce qu’ils y voient un moyen d’échapper à leur pays d’origine, de
s’éloigner du système capitaliste qui les a ruinés. L’opposition entre les deux pays apparaît
également dans le regard de Rakussen, qui, fier Américain, refuse d’admettre les possibles
qualités du pays rival. L’URSS communiste est, aux yeux des deux hommes, un étrange mystère,
qui rend possible leurs interprétations extravagantes. Le pays est nouveau et inconnu ; les
pigeons peuvent, alors, peut-être y conduire des traîneaux…
2. Que se passe-t-il à la fin ? Où le narrateur dit-il se trouver ? Où peut-on supposer qu’il se trouve réellement ?
Réponse :
Le narrateur prétend se trouver, en compagnie de son ami Rakussen, dans un club. Mais
Rakussen est « perché sur le lustre » puis désigné comme « ce maudit oiseau » : il semble être
devenu un pigeon. Le narrateur a lui aussi des ailes. Son exclamation finale : « nurse, nurse »,
suggère qu’il se trouve non pas dans un club pour gentlemen mais, plutôt, dans un hôpital,
probablement psychiatrique. L’étrange épisode russe pourrait ainsi être le fruit de son
imagination… ou la cause de sa folie.
Langue
1. Expliquez cette phrase : « Au propre et au figuré nous avions besoin de valeurs nouvelles… » Que désignent
ici le « propre » et le « figuré » et quel(s) sens donner alors à ces « valeurs nouvelles » ?
Réponse :
Le « propre » et le « figuré » renvoient au sens propre et au sens figuré d’un mot. Le sens propre
d’un mot est son sens premier, le sens figuré, plus abstrait ou imagé, dérive de ce sens premier.
Les deux amis ont donc à la fois besoin de valeurs financières, de nouvelles devises, en tant
qu’agents de change ruinés, et de valeurs différentes de celles que pouvaient leur offrir leur pays
d’origine et leur univers.
2. Repérez les différents registres de langue employés dans les dialogues.
Réponse :
Dans des dialogues entre amis, le registre de langue peut souvent être familier. Ici, il n’en sera
e
rien. Le texte, écrit dans un style classique et situé au début du XX siècle, met en scène deux
hommes éduqués, d’un milieu social sans doute élevé – l’appartenance à un club en est
notamment un signe –, qui s’expriment dans une langue choisie.
Le discours du pigeon mêle un registre soutenu et un vocabulaire familier, qui provoque une
rupture finale. L’expression qu’il emploie (« vous vous saoulez la gueule en pleine rue comme des
animaux ») surprend au milieu de son discours soigné. Elle vient souligner de manière
dédaigneuse l’inadéquation de l’attitude des deux touristes, tout en révélant la bonne maîtrise de
la langue que possède cet étrange pigeon.
Écriture
1. De retour aux États-Unis, Rakussen et le narrateur racontent leur voyage à un ami. Imaginez leur dialogue.
Rakussen insistera sur les éléments négatifs du séjour et tous deux devront présenter à leur manière leur
rencontre avec le pigeon.
Réponse :
Dans leur partie du dialogue, les deux personnages pourront parler des raisons de leur voyage,
des lieux visités, Rakussen insistant fréquemment sur la supériorité américaine. Puis ils
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présenteront, à leur manière, l’apparition de cet étrange cocher et leur stupeur en voyant qu’il
s’agissait d’un pigeon doué de parole.
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Clefs de lecture
Tout va bien sur le Kilimandjaro
Action et personnages
1. Pourquoi Albert Mézigue est-il appelé le « pionnier de la géographie » ?
Réponse :
e
Dans ce petit village du XIX siècle, les grands voyageurs ne sont sans doute pas nombreux.
Albert Mézigue, en accomplissant un tour du monde qu’il documente par ses cartes postales, est
probablement le premier à faire un tel voyage. Ses aventures lui font explorer des terres
inconnues, dans « les circonstances les plus extraordinaires ». Il est un découvreur de terres et,
par là même, il enrichit la géographie connue.
2. Pourquoi semble-t-il « affectionner particulièrement » les cartes postales imprimées par la maison Sulim
Frères ?
Réponse :
Les cartes postales qu’il choisit ont été « imprimées au tournant du siècle à Marseille » ; elles sont
donc fabriquées et vendues près du lieu où il habite. Ce détail révèle déjà que le grand voyageur
n’a, en fait, jamais quitté le sud de la France. Représentant les « merveilles du monde », ces
cartes postales montrent les paysages qu’il prétendra être en train de visiter. Il n’aurait
évidemment pas pu, en ne quittant pas la France, réellement acheter des cartes postales dans de
lointains pays, les cartes de la maison Sulim Frères constituent donc la solution idéale pour ce
voyageur imaginaire.
3. Que veut dire Albert Mézigue lorsqu’il écrit : « Ainsi, ils m’ont élevé un monument. C’est cuit, je ne pourrai
jamais plus revenir. Adeline, j’ai réalisé ton rêve de gloire, mais à quel prix ? » ?
Réponse :
Le monument élevé à la gloire d’Albert Mézigue transforme celui-ci en héros. Or, le personnage
ne ressemble en rien à cette image. En revenant chez lui, en se confrontant avec cette image
idéalisée, il ne serait renvoyé qu’à ses mensonges. En se tenant à distance, il reste ce héros
admiré, ce « pionnier de la géographie ». Il s’est réinventé en aventurier pour tenter de séduire
Adeline qui « rêvait d’épouser un grand explorateur » mais, ne pouvant revenir, il la perd malgré
tout.
4. Comment comprendre la fin ?
Réponse :
Les Mémoires du Vieux Marseille du commissaire Pujol révèlent la véritable fin d’Albert Mézigue :
Albert, le coiffeur, est bien Albert Mézigue. Pendant toutes ces années, il n’a pas parcouru le
monde mais est resté à Marseille, travaillant comme coiffeur et regardant, depuis la fenêtre de sa
chambre, l’embarcadère d’où il ne partait jamais. Albert n’avait pas l’âme d’un aventurier et il
meurt lorsqu’il apprend que celle pour laquelle il s’est ainsi exilé l’avait en fait oublié depuis
longtemps et avait épousé son rival, Pichardon.
Langue
1. Que signifie, dans le contexte de la nouvelle, l’expression « tous les lions ont des poux » ?
Réponse :
Le lion est l’image d’un animal fort, puissant mais il peut, comme tous les animaux, être attaqué
par ces petites créatures insignifiantes que sont les poux. Même les grands hommes, donc, ne
font pas l’unanimité, ils ont toujours des ennemis pour s’opposer à eux. L’opposition est même
inhérente à leur statut. Le dicton est sans doute construit par Gary en référence à la célèbre
phrase de Georges Clemenceau : « La démocratie, c’est le pouvoir pour les poux de manger les
lions ».
2. Albert Mézigue donne-t-il, dans ses cartes postales, beaucoup de détails sur les pays qu’il est censé visiter ?
Pourquoi ? Quel genre d’information choisit-il surtout d’apporter ?
Réponse :
Les pays qu’il prétend visiter sont décrits de manière simplifiée ; faux aventurier, Albert Mézigue
donne sur ses cartes postales quelques détails qui ressemblent à des notices encyclopédiques ou
à des brochures touristiques. Ses connaissances sur ces pays sont indirectes, comme l’indique
notamment la formule « tous les voyageurs sont d’accord là-dessus » qui accompagne son
évocation du désert d’Arabie. Les descriptions sont donc condensées en quelques détails
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significatifs (les neiges éternelles du Kilimandjaro, les bourrasques du Pôle, les boas constrictors
du Congo, la soif dans le désert, les moustiques dans la jungle) ou présentées sous la forme
d’énumérations qui regroupent un ensemble de ces détails (particulièrement sur la carte du
Tchad).
3. La carte postale envoyée du Tchad comporte des parenthèses. Quel rôle celles-ci jouent-elles ? En quoi
peuvent-elles être révélatrices du statut particulier des cartes écrites par le personnage ?
Réponse :
Les parenthèses présentes dans la carte du Tchad, et dans celle du Tibet, permettent à leur
auteur d’ajouter des informations sur les pays qu’il évoque, d’expliquer la géographie, la culture, la
population des pays qu’il est censé visiter, à la manière d’une définition de dictionnaire ou
d’encyclopédie. Albert Mézigue n’y rassemble pas les informations personnelles qui pourraient
être attendues dans une carte postale envoyée à la femme aimée, ni les détails précis remarqués
par le regard d’un grand aventurier, mais des éléments génériques et communs qui font
ressembler son message à une leçon condensée de géographie africaine. Le personnage, peuton en déduire, parcourt son encyclopédie pour décrire ces pays qu’il prétend connaître.
Écriture
1. En démêlant le vrai du faux, recomposez la chronologie de l’histoire d’Albert Mézigue. Vous vous appuierez sur
les dates données par le texte.
Réponse :
Les dates sont nombreuses dans la nouvelle ; il sera facile, à partir de celles-ci, de recomposer
l’histoire d’Albert Mézigue en rétablissant sa chronologie exacte.
- 1860 : Naissance d’Albert Mézigue à Touchagues.
- 1880 : Albert Mézigue quitte Touchagues (il « avait quitté à vingt ans son village natal »).
Il commence sans doute peu après à envoyer ses cartes postales.
- 2 juin 1885 : Albert Mézigue demande Adeline en mariage.
- 1887 : Une statue lui a été érigée dans son village. Il comprend qu’il ne pourra plus y revenir.
- 1890 : Adeline et Pichardon se marient ; ils auront sept enfants (Adeline s’appelle Adeline
Pichardon « depuis vingt ans déjà »).
- Jeudi 20 juin 1910 : Albert, coiffeur, meurt d’une crise cardiaque
- 1913 : publication des Mémoires du Vieux Marseille par le commissaire Pujol, qui révèlent la
triste fin d’Albert Mézigue.
2. Écrivez le discours qui aurait pu être prononcé le jour de l’inauguration de la statue. Les qualités supposées du
« grand explorateur » et ses nombreux voyages devront notamment y être mis en avant.
Réponse :
Les formules qui lui sont associées dans le texte pourront être utilisées : Albert Mézigue est un
« pionnier de la géographie », un « conquérant des terres vierges » ; ses milliers de cartes
postales lui ont également valu le titre de « barde provençal ». Ses cartes ont été envoyées
d’endroits aussi divers que le Kilimandjaro, les pôles, le Congo, le Tibet, le Tchad, le désert
d’Arabie, la jungle amazonienne, le Mexique et elles ont été, chaque fois, associées à de grands
dangers, des aventures et découvertes affrontés et surmontés par l’intrépide Albert Mézigue. Sa
fin solitaire et le véritable sens de son aventure ne seront pas, ici, évoqués directement : il s’agit
de glorifier le héros, non de révéler son vrai visage.
3. En respectant le style d’Albert Mézigue, imaginez le texte d’autres cartes postales qu’il aurait pu envoyer,
depuis différents pays.
Réponse :
Les cartes postales écrites par Albert Mézigue sont brèves et mêlent généralement quelques
informations de base sur le pays avec de petits messages personnels adressés à leur
destinataire, des messages d’amour pour Adeline aux petites piques envoyées à son rival, en
passant par les questions et conseils sur les rhumatismes de la mère d’Adeline.
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Clefs de lecture
Je parle de l’héroïsme
Action et personnages
1. Qui raconte l’histoire ? Quelle conséquence ce choix narratif a-t-il sur le récit ?
Réponse :
Le narrateur de l’histoire est également l’un de ses personnages, le conférencier venu parler de
l’héroïsme à Haïti. La narration présente donc son point de vue sur l’histoire. Le conférencier étant
vantard et imbu de lui-même, son récit est fortement influencé par son regard. Le lecteur doit donc
reconstruire la véritable aventure vécue par le personnage derrière ses discours.
2. Quels arguments le conférencier donne-t-il pour suggérer son héroïsme ? Peut-il être considéré comme un
héros ?
Réponse :
Le narrateur n’a qu’une connaissance théorique de l’héroïsme. Tout ce qu’il connaît du danger, de
la peur et de la manière de les affronter vient des livres qu’il a lus. Il se présente comme un
spécialiste de l’héroïsme sans n’avoir jamais rien accompli d’héroïque, sans avoir été confronté à
une situation pouvant effectivement le mettre à l’épreuve. « C’est un sujet qui m’est familier : j’ai
passé de longues heures dans ma bibliothèque à l’étudier », commence-t-il ainsi par expliquer.
Puis il « [glisse] quelques "nous" assez suggestifs, bien que discrets » dans ses propos pour
donner l’impression qu’il ressemble aux héros et aventuriers qu’il cite, alors même que ses seuls
voyages ont été accomplis « comme passager des grandes lignes aériennes ». Lorsque le
professeur Bonbon le félicite ironiquement pour sa « grande expérience personnelle du sujet », le
conférencier mentionne encore une fois non pas ses actes héroïques avérés mais ses
connaissances indirectes : il connaît « personnellement Jules Roy » et a « le même éditeur ». La
fréquentation des grands hommes suffit, à ses yeux, à faire de lui un héros.
3. Pourquoi le professeur Bonbon emmène-t-il le personnage chasser le requin ? Pourquoi choisit-il cet endroit
précis pour la chasse ?
Réponse :
Le professeur Bonbon a compris que l’auteur de la conférence n’a pas réellement une nature
héroïque. Il décide de confronter le conférencier en ridiculisant son faux héroïsme. Vivant sur
place, le professeur ne peut ignorer que « de mémoire d'homme, il n'y a jamais eu de requins aux
Iroquois » mais il se doute bien que son invité, lui, croira en leur présence. Il ne s’agit pas de le
mettre réellement en danger mais de lui faire croire qu’il affronte un danger. D’où l’importance de
la préparation, la tenue de plongée à revêtir, les accessoires qui la complètent, les conseils que le
professeur lui donne, qui font monter la tension et préparent la chute.
Langue
1. « [Nous] mîmes le cap au large sur une eau qu’aucune crainte du cliché ne peut m’empêcher de qualifier
d’émeraude. » Quel est le sens du mot « cliché » ? Expliquez la phrase.
Réponse :
Un cliché est une idée rendue banale par son utilisation trop fréquente. « Émeraude » est un
qualificatif attendu pour l’eau d’une mer exotique. Le personnage se rattache donc à tous ceux
qui, avant lui, ont décrit l’océan de cette manière. Il reconnaît le cliché mais l’utilise malgré tout.
En bon « littérateur », il prend toutefois la peine de signaler qu’il est conscient d’employer un
cliché.
2. Relevez les termes qui caractérisent le professeur Bonbon. Sont-ils positifs ou négatifs ? Comment évoluent-ils
au fil de la nouvelle ?
Réponse :
Le narrateur utilise ces termes pour décrire son hôte : « goguenard », « bonhomie », « aimable »,
« placidement », « avec douceur », « obligeamment », « suavité révoltante », « bonhomie
apparente », « air diabolique », « gaiement », « cynique », « diabolique ».
Les termes qui caractérisent le professeur Bonbon sont donc, dans un premier temps, positifs.
Après un petit doute initial (le personnage lui trouve un air « goguenard » pendant sa conférence),
le conférencier s’accorde à trouver sympathique ce professeur qui le complimente sur son
discours et lui offre la possibilité de révéler son caractère héroïque. Son point de vue commence à
basculer lorsque le conférencier est confronté à la réalité de la chasse au requin que lui propose
le professeur : la gentillesse de celui-ci commence alors à devenir suspecte. Il parle avec
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« douceur », « obligeamment », puis avec une « suavité révoltante ». Le conférencier a
l’impression de percer son masque de gentillesse : sous sa « bonhomie apparente », il perçoit
« un air diabolique ». Le professeur Bonbon n’est alors plus sympathique et accueillant, mais
moqueur. Il s’amuse « gaiement » des déboires du piètre pêcheur, devient « cynique » et
« diabolique ». Le texte suit le point de vue du conférencier, les adjectifs caractérisant le
professeur Bonbon s’accordent donc au regard qu’il porte sur le personnage et qui se modifie
progressivement tandis qu’il comprend ses véritables desseins.
3. Pourquoi la dernière phrase prononcée par le conférencier s’achève-t-elle par des points de suspension ? Que
remplacent-ils ?
Réponse :
Les points de suspension servent ici à indiquer que le personnage poursuit son discours sans que
l’auteur ne le développe. En présentant une phrase incomplète, il suggère que le personnage
reprend sa conférence telle qu’il l’avait prononcée la première fois. Les termes qu’il emploie dans
le début de sa phrase sont identiques à ceux mentionnés lors de sa première conférence. Il
poursuivra certainement son discours sans chercher à le modifier. Il montre ainsi que, même si la
réalité (la désastreuse chasse au requin manquée) s’est chargée de lui prouver que ses discours
sur les héros sont seulement théoriques, il ne changera pas ce qu’il affirme.
Écriture
1. Imaginez un autre épisode qui ridiculiserait, de manière similaire, un personnage de votre choix.
Réponse :
Comme dans la nouvelle, trois éléments devront apparaître dans le texte :
- la présentation du personnage vantard et de ses défauts qui donnent envie au second
personnage de le ridiculiser ;
- le stratagème choisi pour le ridiculiser ;
- les conséquences de la scène et la manière dont le personnage pris en tort réagit.
2. Racontez en un paragraphe l’épisode de la chasse au requin selon le point de vue du conférencier, puis selon
le point de vue du professeur Bonbon.
Réponse :
Le conférencier racontera sa pêche au requin comme une aventure héroïque : il a dû enfiler un
équipement compliqué et perfectionné, il a failli être attaqué par un dangereux barracuda, il a
croisé la route d’un requin et, pour défendre sa vie, lui a tiré dessus avec son fusil. L’énorme
animal a emporté son arme tandis que lui se réfugiait sur le bateau.
Le professeur Bonbon portera un regard beaucoup plus cynique et réaliste sur la pêche manquée.
Il sait, d’emblée, que le lieu choisi n’est pas fréquenté par les requins. Il peut voir la peur de son
invité et les fanfaronnades qu’il utilise pour la dissimuler. Il attend qu’il se ridiculise et ne sera pas
déçu. Il le regarde enfiler son équipement, le voit descendre dans l’eau puis remonter aussi vite
qu’il le peut à la surface et rejoindre, tremblant, le bateau, sans son fusil. Il écoute son explication
à laquelle il ne peut croire. Les nageurs noirs lui expliquent ensuite ce qu’ils ont vu : l’homme,
affolé, a tout simplement tiré sur le bateau.
3. En utilisant les éléments que le personnage met en avant dans le texte, écrivez une notice biographique de
quelques lignes le présentant.
Réponse :
Le personnage est « un littérateur », un lettré qui fait des conférences et parle de l’héroïsme parce
qu’il a passé « de longues heures dans [sa] bibliothèque à l’étudier. » Il possède « le ruban des
palmes académiques » et est fier de le montrer. Il est attentif à son apparence, il vient de faire
« une petite cure amaigrissante au cours de laquelle [il a]réussi à perdre une vingtaine de kilos. Il
est séducteur – il repère « le nombre de jolies femmes dans le public ». Il remarque qu’il a « une
agilité étonnante chez un homme de [son] âge » et n’a donc plus vingt ans. Il est un « passager
des grandes lignes aériennes » et a donc voyagé à travers le monde. Il a écrit et publié des textes
– il connaît « personnellement Jules Roy » et a « le même éditeur » que lui. Il est attentif au fait
« d’avoir sa légende » et fait tout pour la faire exister.
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