LA LETTRE DU CABINET DROIT DE LA FAMILLE N°4 – MARS 2015 LES PARTS SOCIALES DANS UN REGIME DE COMMUNAUTE Par Sabine Gié-Divaris Sabine Gié-Divaris [email protected] Associé DEA de droit privé Il est fréquent qu’un époux exerce son activité professionnelle, commerciale, artisanale, agricole, industrielle ou libérale, au travers d’une société. La société est alors généralement une société commerciale par la forme SNC, SA, SARL, SAS ou une Société Civile Professionnelle. Un époux peut également détenir un actif immobilier ou mobilier au travers d’une société. Celle-ci est alors fréquemment une Société Civile Immobilière ou une Société Civile de gestion de portefeuille. La qualité d’associé, y compris dans un régime de communauté, appartient à l’époux qui a acquis les parts. Lui seul donc peut exercer les prérogatives attachées à cette qualité, que ce soit pendant le mariage, pendant la procédure de divorce et après le divorce. Cela dit, il faut prêter attention aux dispositions de l’article 1832-2 du Code Civil, suivant lesquelles, lorsqu’un époux acquiert à l’aide de biens communs, des parts sociales non négociables (celles pour lesquelles la cession est subordonnée à l’autorisation préalable de la société), son conjoint peut revendiquer la moitié des parts acquises et donc acquérir aussi la qualité d’associé. Cette règle est d’autant plus importante qu’elle est applicable au cours de la procédure de divorce, en ce sens que la qualité d’associé peut être revendiquée jusqu’à ce que le jugement de divorce soit prononcé de manière définitive. Autrement dit à l’occasion d’une procédure de divorce, le conjoint peut solliciter la qualité d’associé pour la moitié des parts et ainsi participer à la gestion sociale. La menace de revendication est en tout état de cause bien réelle. D’où l’intérêt dans un régime de communauté et concernant des parts non négociables de faire renoncer le conjoint à la qualité d’associé lors de la constitution de la société, dont il doit en tout état de cause obligatoirement être tenu informé. Cette renonciation est en effet irrévocable. Sous réserve de ce qui précède, la qualité d’associé ne pose donc pas en soi de difficulté. Il en va différemment pour la qualification des parts sociales : constituent-t-elles un bien propre de l’époux associé ou un bien appartenant à la communauté ? Droit de la famille n°4 – Mars 2015 1 1ère Hypothèse : le titre est librement négociable (Actions d’une SA, SCA, SAS) Dès lors que le titre a été acquis à titre onéreux pendant le mariage, il est commun sauf s’il a été acquis en remploi de fonds propres. Tant que dure le mariage, l’époux associé peut disposer librement des titres et notamment les céder seul. En revanche à la dissolution du mariage les règles de l’indivision se substituent à celles de la gestion concurrente, et les titres relèvent alors de la gestion conjointe. L’ex époux associé ne peut plus en conséquence les céder sans l’accord de son ex-conjoint. (Article 815-3 du code civil). Le titre fait partie de la masse à partager et peut être attribué à l’ex-conjoint de l’époux associé et ce nonobstant toute clause d’agrément dans les statuts s’il s’agit d’une SA. (Article L 228-23C .Com.). 2ème Hypothèse : le titre n’est pas librement négociable (Parts de Société civile, SNC, SARL) Le titre est également commun dès lors qu’il a été acquis à titre onéreux pendant le mariage, sauf le cas du remploi. Pendant la durée du mariage, et c’est là une différence très importante par rapport à la première hypothèse envisagée, l’article 1424 du Code Civil soumet à la cogestion la cession des parts sociales non négociables, ce qui signifie qu’un époux sans l’accord de son conjoint, ne peut céder les titres de la société dont il est associé y compris si la société en question constitue son outil de travail. Au vu de ces dispositions, les titres sociaux non négociables sont donc des biens communs ou à tout le moins, ils en ont l’apparence. La jurisprudence a cherché à concilier l’intuitu personae marqué existant dans les sociétés dont les titres ne sont pas négociables et les règles du régime de communauté, protectrices des intérêts des deux époux. Depuis 1991, la position de la Cour de Cassation est bien établie : elle décide que seule la valeur des parts sociales non négociables entre en communauté, non les parts elles-mêmes. Cette analyse emporte des conséquences importantes en cas de séparation du couple, au cours de l’indivision post-communautaire : - la valeur des parts figure dans l’indivision post communautaire qui s’accroit de leurs revenus ; les parts de l’époux associé sont reprises par celui-ci, comme s’il s’agissait de biens propres ; la valeur des parts s’impute sur les droits de l’époux associé dans la communauté. Droit de la famille n°4 – Mars 2015 2 Un arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 22 octobre 2014 est venu affiner cette construction. En effet, au moment du prononcé du divorce, la communauté est dissoute (elle l’est même rétroactivement à compter de l’assignation en divorce). A cette date, les époux ne sont plus communs en biens mais propriétaires indivis. Comme indiqué dans la première hypothèse envisagée, ce sont donc les règles du droit de l’indivision qui sont censées s’appliquer. Cette règle devrait emporter comme conséquence que l’époux associé et divorcé ne pourrait céder son entreprise sans l’accord de son ex-conjoint, celui-ci n’y ayant pas forcément intérêt notamment puisqu’il bénéficie des dividendes… C’est précisément sur ce point que l’arrêt susvisé constitue une avancée puisqu’il a décidé que dès lors que la communauté ne recueillait à la dissolution de celle-ci que la valeur des parts sociales non négociables, (la Finance) et non la qualité d’associé (le Titre), le conjoint associé pouvait en disposer seul. L’époux associé divorcé a donc la faculté de céder seul ses titres non négociables dont la valeur dépend de l’indivision post-communautaire. Mais l’arrêt susvisé protège néanmoins l’ex-conjoint, en indiquant que la valeur à retenir ne peut être la valeur de cession mais celle au jour du partage. L’indivisaire non associé aura donc toujours la faculté d’alléguer que le prix de cession ne correspond pas à la valeur des parts au jour du partage. Les solutions qui viennent d’être exposées, démontrent que régime de communauté n’est donc pas forcément le plus adapté à l’entrepreneur associé, par exemple dans une SARL. Il faut cependant savoir que si elles ne conviennent pas, il est toujours possible de les écarter par contrat de mariage, y compris en restant dans un régime de communauté. L’entrepreneur peut en effet avoir le double souci de faire bénéficier son conjoint de l’enrichissement de la communauté, tout en protégeant sa société d’une éventuelle crise conjugale. S. GIÉ-DIVARIS Selarl Chemouli Dalin Stoloff & Associés 42 rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris Tél. : 33 (0)1 45 49 49 99 Fax. :33 (0)1 53 63 43 20 www.iea-avocats.fr Droit de la famille n°4 – Mars 2015 3
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