Le DÉFI DE LA FORMATION CONTINUE Qui ne s’intéresse pas à développer des connaissances dans un domaine qui lui est cher ? Qu’il s’agisse de hobbies, d’initiation à de nouvelles technologies, de cours pour son activité professionnelle, tout un chacun peut se retrouver ainsi dans un processus d’apprentissage. Cela concerne naturellement également les personnes ayant une déficience intellectuelle. intellectuelle à s’approprier les gestes du quotidien afin qu’ils puissent emménager dans leur propre logement et mener une vie la plus autonome possible a suscité des réactions de scepticisme au début. Mais l’expérience développée, les résultats obtenus confirment que le défi a été relevé. Avec le soutien de l’IDHEAP, la responsable de la structure tire un bilan très largement positif, riche d’enseignements et de pistes pour le futur. Ce numéro de Nota Bene est consacré à ce thème. Monique Richoz, directrice cantonale, [email protected] Dans les années huitante, fortes des résultats de recherches portant sur les apprentissages de personnes adultes ayant une déficience intellectuelle, des organisations comme Solidarité-Handicap mental (SHM) et Pro Infirmis misaient sur la création d’un projet dédié à la formation continue. Portée par SHM, la Formation continue pour adultes handicapés (FCPA) va fêter cette année ses 30 ans d’existence. Prisée par les utilisateurs, la FCPA occupe une place largement reconnue, comme peuvent l’être les écoles-club ou les universités populaires. Sur la base d’expériences concluantes menées dans différentes villes de Suisse alémanique, Pro Infirmis Vaud lançait le Service de formation à la vie autonome (SFVA) il y a 15 ans. Amener des adultes ayant une déficience FORMATION ET VIE EN MILIEU ORDINAIRE, BILAN A l’heure où l’ONU rappelle, avec la Convention relative aux personnes handicapées, le droit que tout individu a d’avoir la vie qu’il a choisie, le Service de formation à la vie autonome (SFVA) fête ses 15 ans. « J’ai pas trop besoin que tout le monde vienne m’aider, me dire ce que je dois faire. Moi c’est la liberté. » Maxime « J’ai le droit de payer, j’ai le droit de voter, j’ai le droit d’aller chez le médecin, j’ai le droit d’aller chez le podologue, j’ai le droit d’aller chez la masseuse, j’ai le droit à l’assurance maladie, j’ai le droit d’aller chez le dentiste, j’ai le droit d’aller à l’hôpital, ces choses-là. » Ce service a pour objectif de transmettre et partager les compétences utiles à une vie la plus autonome possible à des adultes ayant une déficience intellectuelle. Par un processus Emilie progressif de prise d’indépendance, les apprenants découvrent leurs droits et devoirs et font les apprentissages utiles à leur projet. 15 ans, c’est l’occasion de faire le bilan1 sur les parcours des 28 apprenants qui ont passé par le SFVA. 22 diplômes ont été décernés et parmi eux, 19 personnes vivent dans leur propre appartement. Afin de mener leur projet à bien, ils bénéficient de soutiens personnalisés pour les aider à entretenir leur intérieur, faire du sport ou préparer des repas. La vie en milieu ordinaire implique également des tâches administratives portées par le curateur et/ou parent. Sur 13 proches interrogés, 12 se réjouissent des compétences acquises par les apprenants en formation et de la plus-value qu’apporte la vie en milieu ordinaire. Ils s’inquiètent aussi du maintien des compétences acquises et du risque d’isolement. Ces préoccupations, associées aux désirs de formation des anciens apprenants, représentent un nouveau défi pour le SFVA. Line Lachat, cheffe de service, [email protected] 1 « La formation continue comme soutien à la vie en milieu ordinaire » (2014), L. Lachat, Recherche menée sous la supervision de l’IDHEAP ROMAIN 22 ANS, EN FORMATION AU SFVA Le SFVA offre de multiples possibilités pour Romain. L’entrée est graduelle avec une période adaptative pour la véritable intégration. La formation hebdomadaire débute chaque jour à midi et finit en soirée. Romain se transforme constamment. Il a créé un vrai contact avec lui-même et son entourage au travers des activités formatrices proposées. Cette expérience donne un sens neuf et amplifié à sa vie. Son goût de l’apprentissage couvre son intérêt limité pour certaines tâches, il comprend leur nécessité et a plaisir à ses propres productions : rangement, cuisine, mais aussi sorties. Il comprend l’utilité des «domesticitudes» et de prendre soin de lui. Le résultat est probant sur sa maturité, il gère des évènements qui l’auraient déstabilisé auparavant. Son univers s’élargit, il développe les relations manquantes dans le cadre familial. La stimulation positive exercée par le programme est parfois difficile à gérer. Après chaque étape aboutie, l’encadrement permet l’observation, le repositionnement réaliste selon les besoins. La progression se fait grâce à cette inter-collaboration. Romain a acquis une réelle autonomie et se développe harmonieusement, certains domaines (gestion de l’argent) restent à développer. Le SFVA, solide interface, lui permet de faire des trajets sécurisés par luimême, d’accéder à des loisirs, de se gérer dans le temps. Marie Christine Friedrich, maman de Romain LES REPRÉSENTATIONS DE L’AUTONOMIE NUIT DE LA FORMATION Les résultats de ma recherche « L’autonomie : qu’en disent les personnes avec une déficience intellectuelle ? »2 démontrent que ces personnes possèdent clairement leur définition et leur représentation de l’autonomie. 30 ans du FCPA, 29 mai 2015, 18h à 22h, Grande salle d’Epalinges Informations : http://solidarite-handicap.ch/30ans Les personnes interviewées perçoivent l’autonomie comme un état et non un processus, synonyme d’indépendance. À travers leurs représentations, elles affirment une grande envie de l’exercer dans le quotidien et de ne plus avoir besoin de soutien. Elles souhaitent être reconnues comme des adultes et être actrices de leur vie. Les personnes ont ressenti des abus de pouvoir, des sentiments d’infantilisation et de surveillance lors de leur vécu familial ou institutionnel. Cela pourrait être dû à un manque d’exercice de l’autonomie du jugement au sein de ces milieux de vie. Cependant, certaines institutions, comme le SFVA, ont réussi à tenir compte du nouveau paradigme du travail social qui veut rendre l’individu sujet et acteur. Ce nouveau paradigme implique que la notion de processus de l’autonomie doit être clarifiée. De plus, les personnes doivent pouvoir exercer une part d’indépendance et d’autodétermination. Il est également essentiel de leur permettre de réaliser leurs envies et leurs aspirations. Ainsi, l’environnement a désormais une part de responsabilité afin d’intégrer la personne ayant une déficience intellectuelle au sein de la société et la rendre actrice, ce n’est plus seulement le souci de la personne. Loraine Matthey, éducatrice sociale, [email protected] 2 « L‘autonomie : qu’en disent les personnes avec une déficience intellectuelle ? Représentations de trois apprenants du Service de formation à la vie autonome de Pro Infirmis, à propos de leur autonomie » (2014), L. Matthey, Travail présenté à la Haute école de travail social et de la santé, EESP, Lausanne, pour l’obtention du Bachelor of Arts HES-SO en travail social LES TIC : DES FACILITATEURS POUR LES APPRENTISSAGES ET L’INTÉGRATION A l’ère du numérique et du virtuel, les technologies de l’information et de la communication, les TIC, font partie de nos habitudes de vie. L’accès aux informations et l’utilisation d’applications sur nos mobiles se font de plus en plus de manière spontanée et sont accessibles à un très large public. Le smartphone ou la tablette permet d’utiliser discrètement des aides virtuelles qui s’avèrent judicieuses pour nombre de personnes handicapées. Une multitude d’applications gratuites ou peu coûteuses facilitent les pratiques du quotidien. On le voit par exemple avec l’application « BigNames » qui permet aux malvoyants d’agrandir les caractères de la liste des contacts sur le smartphone. Pour les personnes n’ayant pas accès à l’expression verbale, les applications « icoon » et « çated » facilitent la communication grâce au langage des images. « iWordQ » apporte une aide à la lecture et à l’écriture. Ou encore « Siri » où l’on utilise la voix pour envoyer des messages ou fixer des rendez-vous. La fonction « commande vocale » permet de dicter oralement un mot ou un groupe de mots qui seront recherchés sur Internet. Ainsi, l’outil numérique offre l’opportunité d’allier communication, apprentissages et plaisir grâce à des applications conçues selon un mode accessible et ludique. Tanja Poloskei, formatrice, [email protected] LE HANDICAP, ÇA ÉVOQUE QUOI POUR VOUS ? NICOLAS LEUBA, préside Vaud Routes (Ass. Routière Vaudoise) et la section vaudoise de l’Union Professionnelle Suisse de l’Automobile (UPSA). Il est membre du comité de Pro Infirmis Vaud. « Elle a éclairé ma route, mon action. Côtoyer un proche touché par le handicap permet de se rendre compte des difficultés qu’il rencontre au quotidien. Ma sœur trisomique m’a ainsi ouvert les yeux sur les besoins d’accompagnement nécessaires aux personnes atteintes de handicaps. C’est à ses côtés que j’ai réalisé à quel point notre société et nos infrastructures doivent être inclusives pour permettre l’intégration des personnes atteintes physiquement ou mentalement. L’insertion est tout simplement la clé de leur développement harmonieux. En particulier, un accès à la mobilité, que ce soit au moyen de véhicules motorisés individuels et collectifs spécialisés, ou par des transports publics adaptés et performants, est indispensable. Ces méthodes de transport leurs permettront d’avoir accès aux services nécessaires à leur santé, à leurs soins, à leurs loisirs, à leur travail, mais aussi à la qualité de vie de leurs « proches aidants » et de leur famille. Dans cette optique, j’estime indispensable, en complément du rail, d’investir également dans l’adaptation de notre réseau routier. En défendant ces investissements, les professionnels des métiers de l’automobile, des transports et des infrastructures souhaitent aussi relayer les besoins des personnes en situation de handicap dans le domaine de la mobilité. Agissons ensemble pour que leurs chemins de vie soient praticables ». Direction cantonale Rue du Grand-Pont 2 bis • 1003 Lausanne Tél. 021 321 34 34 • Fax 021 321 34 35 [email protected] www.proinfirmis.ch • www.info-handicap.ch CCP 10–9080–6 Prochaine parution : août 2015 Impressum Rédaction et édition : Pro Infirmis Vaud Maquette et mise en page : www.delarze.ch Impression : offerte par Masset SA Tirage : 2’400 exemplaires
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