les crustacés décapodes du messinien récifal d

LES CRUSTACÉS DÉCAPODES DU MESSINIEN RÉCIFAL D'ORANIE (ALGÉRIE)
-
L
1
par
JEAN-PAUL SAINT MARTIN
*&
PAL MÜLLER
**
RÉSUMÉ
ABSTRACT
Les récifs coralliens du Messinien d'Oranie (Algérie
occidentale) renferment souvent des restes identifiables de Décapodes (carapaces, propodes). Six formes,
citées pour la première fois dans le Miocène supérieur
d'Algérie, sont mises en évidence et une espèce nouvelle est proposée (Lachnopodus murdjadjensis).
Cette association de Décapodes apparaît caractéristique du milieu récifal et ses affinités sont discutées.
The Messinian coral reefs of Oranie (western Algeria) often contain determinable remnants of decapods
(carapaces, chelae). Six species are mentioned, all of
them for the first time from the Upper Miocene of
Algeria. Further, a new species (Lachnopodus murdjadjensis) is proposed. This decapod association
seems to be a characteristic reefdwelling one. Hs affinities are discussed.
MOTS-CLÉS : CRUSTACÉS, DÉCAPODES, SYSTÉMATIQUE, RÉCIFS CORALLIENS, MESSINIEN, ALGÉRIE.
KEY-WORDS : CRUSTACEA, DECAPODS, SYSTEMATICS, CORAL REEFS, MESSINIAN, ALGERIA.
INTRODUCTION
Jusqu'à présent peu de travaux avaient été consacrés aux Crustacés Décapodes du Néogène d'Oranie.
Van Straelen (1934) avait signalé quelques espèces de
Décapodes provenant de lieux et niveaux divers, puis
décrit (1936) quatre espèces nouvelles portant ainsi le
nombre de Décapodes « sahéliens» d'Algérie à six
espèces : Calappa saheliensis VAN SrRAELEN, Hyas
oranensis VAN SrRAELEN, Maja arambourgi VAN
SrRAELEN, Cancer deshayesi MILNE EDWARDS, Cancer sp., et Geryon latifrons VAN STRAELEN. Toutes
ces formes provenaient des marnes jaunes dites « des
Planteurs », attribuées maintenant au Messinien
(Moissette 1984).
Cependant le Messinien est représenté également
par des faciès récifaux coralliens connus dans toute la
Méditerranée (Esteban 1979, Rouchy 1982, Saint
Martin 1987). Müller (1986) a décrit une faunule de
Décapodes provenant du complexe récifal de Santa
Pola (Espagne) et cité à titre de comparaison certaines
formes d'Oranie récoltées par l'un de nous (J.P. Saint
Martin). Ces dernières sont l'objet du présent travail.
* Institut de Paléontologie, Muséum national d'Histoire naturelle, 8 rue de Buffon, 75005 Paris (France) .
.. Magyar Allami Fôldtani Intézet, H-1024 Kàplàr u .Il, Budapest (Hongrie).
Geobios, n° 21, fasc. 2
p. 251-257, 2 fig., 1 pl.
Lyon, avril 1988
-252-
LES RÉCIFS MESSINIENS D'ORANIE
La présence d'édifices récifaux coralliens du Messinien en Oranie est maintenant bien connue (Rouchy
1982, Rouchy et alii 1982, Saint Martin 1984, Saint
Martin & Chaix 1981, Saint Martin et alii 1983). Largement répartis dans toute l'Oranie (fig. 1), ils présentent des caractéristiques variables, liées à leur situation paléogéographique et aux conditions locales
d'environnement. La faune récifale associée se compose principalement de Bivalves, Gastéropodes, Echinides (Fréneix et alii 1987, Saint Martin 1987, Saint
Martin et alii 1985). Cependant les restes de Crustacés
Décapodes ne sont pas rares et se rencontrent en
divers points des récifs. Un certain nombre de carapaces assez bien préservées ont pu être récoltées à l'intérieur du bâti récifal, tandis que les articles se retrouvent aussi bien dans le remplissage inter colonial que
dans les sédiments biodétritiques périphériques. Quelques gisements se sont révélés plus particulièrement
riches en exemplaires de Décapodes : Souk el Khemis
(Oranie occidentale, en bordure des Traras), Djebel
Murdjadjo (proches environs d'Oran) et Aih Oumata
(bordure méridionale des Monts des Tessala) .
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Substrat anté - néogene
Roches volcaniques
Néogène - Quaternaire
**
Fig. 1 -
Récifs coralliens messiniens
Carte de situation des affleurements de récifs coralliens du Messinien d' Oranie et des principaux gisements à Crustacés Décapodes :
1, Souk el Khemis ; 2, Douar Sidi Bou Azza ; 3, Djebel Murdjadjo ; 4, Tafaraoui ; 5, Hammar Semmoumet ; 6, Aïn Oumata.
Location map of coral reef outcrops in the Messinian of Oranie and of the principal deposits containing Decapod Crustaceans.
-253 -
DESCRIPTION DES ESPÈCES
Famille Callianassidae DANA, 1852
Famille Xanthidae (sens large»)) DANA, 1851
Genre Callianassa LEACH, 1814
Genre Daira DE HAAN, 1833
? Callianassa sp. nov. ?
Daira speciosa (REuss, 1871)
(pl. 1, fig. 7)
(pl. 1, fig. 1-2)
LoCALITÉS ET MATÉRIEL :
Douar Sidi bou Azza, propode gauche.
1984 - Daira speciosa (REUSS) ; Müller: p. 90, pl. 79
fig. 1-6, pl. 80, fig. 1-2.
1986 - Daira speciosa (REuss) ; Müller, p. 26.
DESCRIPTION :
LoCALITÉS ET MATÉRIEL :
Paume(l) allongée, presque 1,5 fois plus longue que
haute. Une série de six trous pilifères se distingue au
long de la marge supérieure. Le genre Callianassa doit
être regardé comme un taxon collectif car les pinces ne
fournissent pas de base pour la distinction entre plusieurs genres voisins. La forme allongée de la paume
suggère qu'il s'agit là d'une espèce nouvelle.
Souk el Khemis, 2 carapaces (moules internes) ; Ain
Oumata, 2 carapaces (moules ·internes).
Famille DroInÜdae DE HAAN, 1833
OBSERVATION:
La carapace ovale, ornementée de tubercules, est
identique à celle des exemplaires paratéthysiens. Nous
n'avons constaté aucun trait qui distinguerait cette
forme miocène de Daira perlata (HERBST), espèce
actuelle indo-pacifique. Ce n'est que par prudence
que nous hésitons à réunir ces espèces éloignées dans
le temps (Müller 1984, p. 48).
Genre Dromia WEBER, 1795
Dromia cf. neogenica MÜLLER, 1979
(pl. 1, fig. 3-4)
Genre Actaea DE HAAN, 1833
« Actaea » calzadai MÜLLER, 1986
1984 -
Dromia neogenica MÜLLER: p. 63, pl. 29,
fig. 1-6.
1986 - Dromia neogenica MÜLLER; Müller: p. 26.
LoCALITÉS ET MATÉRIEL :
Souk el Khemis, propode droit.
(pl. 1, fig. 8)
1986 - « Actaea » calzadai n.sp. Müller: p. 29, pl. 1
fig . 1,2.
LoCALITÉS ET MATÉRIEL :
Hammar Semmoumet, une carapace; Tafaraoui,
une carapace.
DESCRIPTION :
Paume courte, marge supérieure très brève avec des
traces de denticules. Sa forme est identique à celle des
exemplaires badéniens, mais comme les pinces des
diverses espèces de Dromia sont assez uniformes, leur
identification reste un peu douteuse.
(1) Le terme de paume, bien qu'assez peu usité, est utilisé pour désigner plus particulièrement la partie massive du propode à l'exception de la partie fixe qui la prolonge.
OBSERVATION:
Les deux carapaces, partiellement endommagées
mais bien conservées, sont tout à fait identiques à celles décrites à Santa Pola (Müller 1986), un peu plus
grandes toutefois. Elles sont elliptiques, médiocrement bombées. Le front est bilobé. Il y a cinq dents
antéro-Iatérales, y compris la dent latérale.
(2) Comme la systématique de l'ancien groupe des Xanthidae s' est
vite développée ces dernières années, nous utilisons par commodité
le système de G1aessner (1969) .
-254-
Genre Xantho LEACH, 1804
Xantho cf. moldavicus (IANAKEVITCH, 1977)
1984 -
Xantho moldavicus (IANAKEVITCH) ; Müller : p. 92, pl. 86, fig. 3.
LoCALITÉ ET MATÉRIEL :
Souk el Khemis, une pince.
DESCRIPTION :
Le petit propode gauche (longueur: 7 mm), à surface lisse, est semblable à ceux récoltés en Paratéthys,
avec une paume mince, se rétrécissant proximalement; son état de conservation (il est partiellement
décortiqué) ne permet pas de détermination plus précise.
Genre Lachnopodus STIMPSON, 1858
Lachnopodus murdjadjensis n.sp.
(text-fig. 2 et pl. 1, fig. 5-6)
1986 - « Etisus» n.sp. ; Müller: p. 26, partim.
DIAGNOSE:
Lachnopodus à carapace ovalaire, grande, plus
large que longue, peu bombée, à front saillant et dont
les trois premières dents antéro-latérales sont larges et
arrondies.
DESCRIPTION :
La carapace est élargie, peu bombée, lisse avec des
sillons modérément profonds. Régions gastriques
bien délimitées. Front saillant. Orbites relativement
petites. Crêtes épigastriques courtes mais bien fortes.
Quatre dents antéro-latérales. Les trois premières sont
arrondies et larges. La dernière dent est épineuse.
OBSERVATIONS:
La détermination des Xanthidae fossiles d'après
leurs carapaces est délicate. Malgré cela, la ressemblance frappante entre la forme messinienne et Lachnopodus rodgersi STIMPSON ou L. tahitensis DE MAN
(voir Serene 1986) nous permet d'affirmer leur
parenté. Seuls quelques caractères les distinguent.
Ainsi l'espèce miocène présente une seconde dent latérale de forme spéciale, alors qu'elle est simple pour les
espèces récentes, un front un peu plus saillant et des
crêtes épigastriques plus fortes .
....................
. DERIVATIO NOMINIS :
Du Djebel Murdjadjo d'où proviennent jusqu'à
présent tous les exemplaires récoltés.
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Locus TYPICUS :
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Djebel Murdjadjo près d'Oran.
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STRATUM TYPICUM :
« Récif à Porites », Messinien.
MATÉRIEL:
3 carapaces (moules internes).
1 cm
HOLOTYPE :
Pl. 1, fig. 5 ; FSL 164 505.
Fig. 2 -
Lachnopodus murdjadjensis n.sp. ; détail de la carapace.
Detail of the carapace.
Geobios
nO 21, fase. 2
PI. 1
J.-P. Saint Martin & P. Muller
PLANCHE 1
Fig. 1,2 - Callianassa sp. (x 4,4) ; Douar Sidi Bou Azza. FSL 164 501.
Fig. 3,4 - Dromia cf. neogenica MÜLLER (x 2,8) ; Souk el Khemis. FSL 164 502.
Fig. 5 - Lachnopodus murdjadjensis n.sp. (x 2), Holotype ; Murdjadjo. FSL 164 505.
Fig. 6 - Lachnopodus murdjadjensis n.sp. (x 2), Paratype ; Murdjadjo. FSL 164 506.
Fig. 7 - Daira speciosa (REUSS) (x 1,8) ; Souk el Khemis. FSL 164 503.
Fig. 8 - Actaea calzadai MÜLLER (x 4,2) ; Hammar Semmoumet. FSL 164 504.
Tous les exemplaires messiniens, récoltés par Jean-Paul Saint Martin, sont conservés dans les collections de l'Université ClaudeBernard, Lyon 1.
-255 -
AFFINITÉS DES ESPÈCES DE DÉCAPODES RÉCOLTÉES
La prédominance des Xanthidae est bien caractéristique d'une faune récifale et de substrats durs. Ainsi,
Daira perlata vit actuellement sur les récifs coralliens,
comme certaines espèces de Lachnopodus et d'Actaea
(Serene 1972). Cependant ces formes ne sont pas obligatoirement liées aux coraux vivants ; ainsi certains
représentants de ces trois genres sont mentionnés également sur des substrats non coralliens.
Trois espèces reconnues sont présentes aussi dans
les calcaires récifaux du Badénien (Langhien + Serravallien inférieur) tandis que Actaea calzadai et Lachnopodus murdjadjensis semblent être cantonnés,
pour le moment, aux seuls récifs coralliens du Messinien et pourraient présenter éventuellement, de ce
fait, une signification stratigraphique.
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Manuscrit déposé le 27.01.1988
Manuscrit définitif reçu le 31.03.1988

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