Rencontre M. Struillou

SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL EMPLOI FORMATION ECONOMIE
FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE
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Qu’attendons-nous du nouveau directeur général du travail ?
Le nouveau DGT, Yves Struillou, a souhaité rencontrer les OS du ministère. Une délégation du BN du SNUTEFE
FSU, composée de Betty Benoît, Johann Elizéon, François Cassard et Dominique Maréchau, a donc eu un
entretien avec lui (accompagné de son adjoint Y. Calvez) le 25 Avril.
C’est un point positif que le DGT, nouvellement nommé, veuille rencontrer les OS (ce qui n’était pas vraiment le
souci du précédent), il n’en restait pas moins qu’au-delà du principe, nous avions un certain nombre d’attentes
vis-à-vis de lui. Nous les avons donc énumérées, puis complétées par des questions plus ponctuelles.
Nous reprenons ci-dessous les points que nous avons abordés dans notre introduction à l’entretien.
I Nos attentes vis-à-vis du DGT en général :
Le DGT c’est celui qui au sein du ministère est responsable de l’écriture des textes correspondants aux
engagements politiques du ministre et du gouvernement. Nous sommes donc en droit d’attendre de lui que ce
qu’il élabore soit conforme aux grands principes du droit du travail, soit nourri des retours d’expérience des
agents du ministère et qu’il puisse être un conseil du ministre sur ces aspects, loin de toute prise de position
partisane dévoyant le droit pour défendre telle politique circonstancielle (en disant cela, nous avons en tête
quelques contre-exemples datant de la mandature précédente).
Le DGT, c’est aussi celui qui traite et signe les décisions sur recours dirigés contre les décisions de l’inspection
du travail et des Direccte en matière de droit du travail. Nous sommes donc en droit d’attendre de lui rigueur
juridique, impartialité et indépendance par rapport aux pouvoirs économiques. Nul doute que le rédacteur
chevronné du manuel bien connu et le magistrat administratif qu’est le nouveau DGT aura à cœur de satisfaire à
ces principes (parce que là aussi, des contre-exemples récents sont encore en nos mémoires).
Le DGT c’est aussi, maintenant, l’incarnation de l’autorité centrale de l’inspection du travail au sens de l’OIT.
Nous attendons donc de lui qu’il soit le garant des conditions d’exercice des missions d’inspection du travail,
dans les moments calmes comme dans les moments tourmentés, par exemple lorsque des agents de contrôle
sont attaqués, verbalement, physiquement, politiquement et juridiquement. Nous attendons donc qu’au-delà
des mots convenus, les missions et les agents de l’inspection soient valorisés et, quand les circonstances
l’exigent, défendus et soutenus, y compris concrètement par la mise en œuvre de la protection fonctionnelle et
par des dépôts de plainte (là encore, des contre-exemples des dernières années nous sont encore présents à
l’esprit).
Le DGT joue aussi un rôle en proposant des modifications, des améliorations, dans les modes de
fonctionnement et d’intervention du système d’inspection du travail. Nous attendons de lui, comme certains
DRT d’il y a quelques années, qu’il s’appuie sur l’avis des agents de contrôle pour élaborer des innovations (là
aussi, bien sûr, un contre-exemple très récent est dans toutes les têtes : le projet de loi sur les nouveaux
pouvoirs de l’inspection du travail).
II Nos attentes en particulier dans la période présente :
Vous le savez, vous arrivez dans un ministère en ébullition, confronté à une énième réforme que l’on a voulu
nous vendre comme celle qui allait rendre le ministère fort. Nous pensons que ce n’est pas du tout le cas et ce
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que nous disent nos collègues de travail, qu’ils soient syndiqués ou non, nous laisse à penser que cette
appréciation est très majoritaire dans nos services.
En tous les cas, l’expression des organisations syndicales représentatives des agents, recueillie à plusieurs
reprises en CTM, et tout récemment encore à l’occasion de la promulgation en force du décret du 20 mars 2014,
reste majoritairement défavorable à ce plan.
Dans quelques jours le CHSCT ministériel va se voir présenter le rapport d’expertise qu’il a commandé au cabinet
Alternatives Ergonomiques, puis être consulté sur le plan d’action qu’en tirera le ministère pour prévenir les
risques signalés par ce rapport. La lecture de ce document, malgré toutes les limites qui nt présidé à son
élaboration (caractère tardif au regard du calendrier de la réforme, temps très contraint pour l’étude, …), est très
éclairante. Il y est mis en lumière, dans d’autres termes, certes pas les nôtres, un certain nombre de tares
inhérentes à la réforme en cours : absence de diagnostic préalable, les choix implicites, l’absence de visibilité des
véritables objectifs, l’impréparation des modalités de mise en œuvre, l’impact sur les conditions de travail,
l’absence du dialogue social.
Cette réforme ayant, pour sa part la plus formalisée, été élaborée au sein de la DGT, vous avez aujourd’hui une
responsabilité importante quant à son devenir. Pour notre part, en nous appuyant sur plusieurs notations du
rapport des expertes, nous voulons vous poser plusieurs questions :
Êtes -vous prêts à discuter, à recréer un véritable dialogue social, en considérant que les organisations
syndicales sont bien représentatives des agents et qu’il n’y a pas de majorité silencieuse qui serait en décalage
avec les propositions des OS ? – Condition nécessaire pour sortir de la situation actuelle de tension.
Êtes -vous prêts à revenir sur le fond de la réforme ? – Le diagnostic, les choix non explicités (suppression des
CT, PTE, création des UC, …), les objectifs réels du projet (réductions d’effectifs, reprise en main hiérarchique de
l’inspection), la diminution des effectifs de contrôle due à l’effet combiné de la mise en place des RUC et de la
baisse des effectifs de référence.
Prenez-vous la mesure des impacts de la réforme ? – négation du travail réel, absence de perspective pour les
B et C, risques psycho-sociaux engendrés.
Nous demandons clairement une suspension de la réforme en cours pour :
obtenir un diagnostic précis s’appuyant sur une analyse du travail réel ;
réamorcer le dialogue social.
Réponses du DGT Yves STRUILLOU :
Il apprécie la « fiche de poste du DGT » que nous lui avons définie : « la fiche de poste, je signe en bas ». Il est
prêt à se nourrir de l’expérience des services déconcentrés, la DGT ne doit pas rester « distante et haut
perchée ». En tant qu’autorité centrale, « on fera ce qu’il faudra », tout en ajoutant que la protection
fonctionnelle ne sera pas systématique « certains comportements ne seront pas défendus parce qu’ils ne sont
pas défendable ». Il prône « l’impartialité pour tout le monde ».
Concernant la réforme, « je ne l’ai pas conçue, mais j’y adhère » ; elle est « porteuse d’avenir ». Il conteste
l’absence de diagnostic et parle d’un diagnostic qui n’est pas partagé. « Quand on n’est pas d’accord, on n’est pas
d’accord… ». Il concède qu’il y a eu, dans les services d’inspection, une succession de réformes que l’on pourrait
qualifier de violentes. Il aurait préféré que cette réforme se passe dans un contexte différent : avec, au moins, un
maintien des effectifs. Il évoque les atouts du SIT (proximité, engagement), mais aussi ses inconvénients : le
cloisonnement des sections et des pratiques professionnelles et le degré de conflit entre IT et CT qui est « monté
en puissance ». Il prône en conséquence le travail collectif sur un mode organisé. Ni reprise en main ni
caporalisation de l’inspection, « Il ne s’agit pas de tuer le collectif qui existe, mais de l’appuyer, de l’organiser,
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adossé à une structure ».Le travail collectif, dit-il, ne peut dépendre de la bonne volonté des agents de contrôle,
il faut la continuité du service public, en citant comme exemple l’équipe régionale contrôle amiante mise en
œuvre en Auvergne.
Il n’apprécie pas si l’on souligne que son plaidoyer pour le travail collectif s’adresse exclusivement aux agents de
contrôle et qu’il y a d’autres réponses à apporter au sentiment d’isolement et aux demandes d’appui des agents
de terrain qu’un renforcement de la hiérarchie. Certes pour le DGT, l’administration doit mettre en place les
conditions du travail collectif, « il faut que la DGT sorte plus d’outils professionnels », mais le ton, peu
convaincant semblait plus un vœu pieux qu’une réelle volonté.
L’entretien touchant à sa fin, nous n’avons pu que glisser certaines questions ponctuelles.
Une remarque sur les mesures d’actualité de simplification administrative, pouvant conduire à un éventuel
passage au régime déclaratif pour la dérogation à la durée quotidienne du travail l’a fait blêmir : « nous avons eu,
à la DGT, la même réaction que celle que vous exprimez, nous avons considéré que cela posait un problème et
cette éventualité a été écartée, mais comment se fait-il que vous soyez au courant ? Nous avons interrogé des
chefs de pôle T, sans doute ont-ils consulté dans les services ? Nous n’avons pas, comme vous pointé la
contradiction avec la récente jurisprudence Séphora… mais c’est tout à fait judicieux ! ». Il a été un peu surpris
d’avoir à constater que les grands principes évoqués en début d’entretien sur les liens nécessairement interactifs
entre la DGT et les services déconcentrés étaient pour nous quelque chose de très concret.
Nous avons soulevé l’idée que l’inversion de la hiérarchie des normes, avec le recours à la négociation collective
et la marginalisation du principe de faveur, contribue à l’affaiblissement du rôle de l’Etat. Il ne partage pas ce
souci et pense qu’il faut nuancer en appréciant à quel niveau ce recours peut être plus efficace. Au vu des
pratiques au sein de la majorité des pays de l’UE, il s’attend au développement d’une « nouvelle articulation
entre la norme et la norme négociée ». Autant le savoir !
Sur la complexification de la réglementation en général et particulièrement l’insistance du respect du
contradictoire dans la circulaire sur le licenciement des salariés protégés, il a conscience que cela peut poser des
problèmes pratiques. Hubert Rose l’avait promis et « on travaille à faire en sorte que ça soit au demandeur de
fournir les pièces à l’autre partie ». Mais il faut le temps que ça se fasse. Nous avons aussi évoqué, au titre de la
complexification, les nouveaux décrets et circulaire relatifs à la dérogation à l’interdiction du travail sur machines
dangereuses pour les jeunes, et l’engagement de sortir un questions-réponses facilitant le travail des agents de
contrôle. Là aussi, « la DGT y travaille ».
« Quand vous le souhaitez, on se revoit…. Madame, Messieurs, ravi de cette prise de contact. »
Parmi tous les points que nous n’avons pas pu évoquer nous nous assurons en partant que la situation des
médecins inspecteurs est bien à son agenda. La prochaine fois il faudra aussi aborder les questions des agents et
missions qui relèvent de la DGT au-delà des seuls agents de contrôle en section (administration centrale,
ingénieurs de prévention et autres agents des pôles T en UT et UR).
Au total, il est possible qu’il y ait, au 13° étage de la Tour Mirabeau, un peu plus d’écoute que précédemment
(sauf sur la réforme Sapin, vrai sujet de fond, ce qui rend dubitatif), mais il reste à vérifier, dans la pratique, que
cela va au-delà de la déclaration d’intention. Nous devons continuer à être exigeants et vigilants.
Nous incitons les agents à faire de même. Au-delà de celle du ministre, certaines têtes de notre administration
viennent de changer. Les nouvelles équipes, en phase d’installation, ont tendance à exhiber les œillères
laissées par leurs prédécesseurs. Pour elles, le sillon amorcé ne doit pas dévier, elles s’attachent à rester dans
une trace qui, en fait, pourrait s’avérer être une ornière. Il nous appartient à tous de leur expliquer qu’on va
droit dans le mur à poursuivre ainsi sans un minimum de réflexion et de remise en cause. C’est la condition
sine qua non d’une sortie collective de l’impasse du dialogue dans laquelle nous sommes embourbés.
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