Vendredi 31 janvier 2014 Bernarda Fink | Anthony Spiri B e rnard a

Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Dans le cadre du cycle Forêts du 31 janvier au 6 février
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse
suivante : www.citedelamusique.fr
Bernarda Fink | Anthony Spiri | Vendredi 31 janvier 2014
Vendredi 31 janvier 2014
Bernarda Fink | Anthony Spiri
Cycle Forêts
C’est la jungle imaginaire de Kipling qui a inspiré à Charles Koechlin ses plus belles pages. Quant à la forêt des
romantiques allemands (der Wald), elle fait entendre ses murmures dans les lieder de Schumann ou de Mahler.
Avant le XIXe siècle, les musiciens considèrent la forêt comme un décor pittoresque, une sorte de toile peinte
où peuvent se dérouler des chasses ou des scènes mythologiques. C’est avec le romantisme, dans l’alliance
étroite de la musique avec la poésie, que naissent les vrais décors naturels, écrins des métamorphoses du
sentiment – dans la culture germanique portée vers le fantastique, comme dans la culture scandinave habitée
d’étranges légendes (Grieg, Sibelius). De nombreux lieder et poèmes symphoniques (Liszt, Koechlin, Roussel)
ont pour cadre la forêt. L’opéra peut aussi y mettre en scène l’enchantement féerique ou la terreur nocturne
(Les Troyens de Berlioz, Siegfried de Wagner, Hänsel und Gretel de Humperdinck ou Erwartung de Schönberg).
Sans oublier certains tableaux sylvestres des grands ballets de Tchaïkovski.
« Dans la nature, dans les rêves de la solitude des forêts, de même que dans le labyrinthe du cœur de l’homme,
sommeille, depuis les origines, un chant merveilleux et éternel », écrivait Eichendorff. C’est une étroite affinité
qui lie Schumann au poète romantique, comme en témoigne le Liederkreis op. 39. De l’évocation chromatique
du crépuscule (Zwielicht) aux mirages entrevus dans les bois (Im Walde), on y entend sans cesse le bruissement
d’un lointain (In der Fremde) qui rayonne d’une inquiétante étrangeté. La forêt des Waldszenen op. 82, un recueil
de petites pièces pour piano dans l’esprit des Scènes d’enfants, est plutôt celle du Paysage souriant ou des Fleurs
solitaires, même si, au détour de ces clairières, c’est parfois un Lieu maudit qui surgit, peint avec des dissonances
douloureuses. Les vers de Verlaine, mis en musique par Debussy en 1891, lui font écho : « Le son du cor s’afflige
vers les bois… ».
Les aventures de Mowgli et autres fables animalières de Rudyard Kipling, publiées en deux volumes en 1894 et
1895, ont très tôt inspiré Charles Koechlin. Ses Trois poèmes du Livre de la jungle, écrits en 1899, furent suivis par
une série de poèmes symphoniques puisant à cette même source, comme Les Bandar-log (un « scherzo des
singes » composé en 1939). La forêt qu’évoque Koechlin dans ces pages si modernes et inventives est aussi celle
qui dicta à Albert Roussel le « poème de la forêt » qu’est sa Première Symphonie (1906). Un programme sylvestre,
donc, que complète le Concerto pour la main gauche de Ravel, interprété par Nicholas Angelich.
DU VENDREDI 31 JANVIER AU JEUDI 6 FÉVRIER
VENDREDI 31 JANVIER – 20H
Robert Schumann
Waldszenen op. 82
Liederkreis op. 39 (sur des textes
d’Eichendorff )
Claude Debussy
Trois mélodies (sur des textes de
Verlaine) Manuel de Falla
Trois mélodies (sur des textes de
Théophile Gautier)
Gustav Mahler
Lieder
Bernarda Fink, mezzo-soprano
Anthony Spiri, piano
SAMEDI 1er FÉVRIER – 11H
CLASSIC LAB
SAMEDI 1er FÉVRIER – 15H
FORUM
Les forêts et l’enchantement sonore
15h Table ronde
Animée par Rémy Stricker,
musicologue. Avec la participation
d’Hélène Pierrakos, musicologue, et
de Jean-Pierre Lefebvre, germaniste.
17h30 Concert
Œuvres de Franz Liszt, Emmanuel
Chabrier, Albert Roussel, Claude
Debussy, Béla Bartók, Richard
Strauss, Edvard Grieg, Eduard
Schütt
Laurent Cabasso, piano
Forêts en musiques
SAMEDI 1er FÉVRIER 2014 – 20H
Avec les élèves du Conservatoire de
Paris, Benoît Faucher et Lucie Kayas
MERCREDI 5 FÉVRIER – 9H30,
10H45, 15H30 ET 16H30
JEUDI 6 FÉVRIER - 9H30, 10H45,
14H30 ET 15H30
SPECTACLE JEUNE PUBLIC
Charles Koechlin
Les Bandar-Log op. 176
Maurice Ravel
Concerto pour la main gauche
Albert Roussel
Symphonie n° 1 « Le Poème de la forêt »
Orchestre du Conservatoire de Paris
Patrick Davin, direction
Nicholas Angelich, piano
Concert précédé d’un Flash Concert
à 19h.
Le Son de la sève
Installation-concert dans les arbres
Association 16 rue de Plaisance,
Benoît Sicat et Nicolas Camus,
interprétation
VENDREDI 31 JANVIER 2014 – 20H
Amphithéâtre
Robert Schumann
Waldszenen op. 82
Liederkreis op. 39
entracte
Claude Debussy
Trois mélodies d’après Paul Verlaine Manuel de Falla
Trois mélodies d’après Théophile Gautier
Gustav Mahler
Lieder
Bernarda Fink, mezzo-soprano
Anthony Spiri, piano
Fin du concert vers 21h50.
4
Robert Schumann (1810-1856)
Waldszenen [Scènes de la forêt] op. 82
Eintritt [Entrée]
Jäger auf der Lauer [Chasseur à l’affût]
Einsame Blumen [Fleurs solitaires]
Verrufene Stelle [Lieu maudit]
Freundliche Landschaft [Paysage souriant]
Herberge [Auberge]
Vogel als Prophet [Oiseau prophète]
Jagdlied [Chanson de chasse]
Abschied [Adieu]
Composition : 1848-1849.
Dédiés à Annette Preusser.
Publication : décembre 1850, Senf, Leipzig.
Durée : environ 20 minutes.
Les Waldszenen op. 82 sont les petites sœurs, à une décennie d’intervalle, des Kinderszenen op. 15 ;
pages d’album aussi concises qu’émouvantes, elles explorent cette fois le monde forestier où
s’épanouit l’âme allemande et où résonne le cor des légendes, depuis Arnim et Brentano jusqu’à
Mahler et au-delà. Voyage aussi symbolique que géographique, ces Scènes de la forêt devaient,
comme les Nachtstücke, se voir adjoindre des pans de littérature, ici sous forme d’extraits de poèmes ;
seul Verrufene Stelle en gardera la trace. Le « cycle de paysage », pour reprendre une expression de
Charles Rosen, se voit solidement lié par le biais, outre des rappels mélodiques, des tonalités : si bémol
majeur pour les n° 1, 3, 5 et 9, sa sous-dominante mi bémol majeur (n° 6, n° 8) et sa tierce ré (majeur
pour le n° 2, mineur pour les n° 4 et 7).
L’on entre (Eintritt) dans la forêt et le recueil en douceur, avec une mélodie souvent chantée par la main
gauche mais qui se reflète de façon bien schumannienne à la main droite ; l’on poursuit en fanfares
entrecoupées de sinueux triolets, avant d’enchaîner sur les douces broderies en croches de ces Fleurs
solitaires où, çà et là, une dissonance rude met comme un coup d’aiguille. « Les leurs, si haut croissent-elles, /
Sont pâles ici comme la mort ; /Une seule d’entre elles, au centre, / Se dresse dans sa parure rouge sombre. / Elle
ne l’a point reçue du soleil : / Jamais elle n’en rencontra la chaleur ; / Elle la tient de la terre, / Car elle a bu du sang
humain », nous dit en empruntant ses mots à Hebbel la partition de Lieu maudit. Rythmes doublement
pointés, désolation d’harmonies blanches, tritons, méandres mélodiques : l’hallucination est poignante.
La joie revient dans les deux pièces suivantes, achevées dans la douceur, avant le second joyau de cette
collection, un Oiseau prophète léger, délicat, tout tissé de groupes-fusées détendus, délicieusement acide
de dissonances, plein d’une magique fantaisie. Une virile Chanson de chasse, où l’on entend le Schumann
exubérant, débouche enfin sur le doux Adieu, qui retrouve l’atmosphère du premier morceau et se berce
du balancement du trois (les triolets de l’accompagnement) contre deux (les croches de la mélodie).
Angèle Leroy
5
Liederkreis op. 39, cycle de douze lieder sur des poèmes de Joseph von Eichendorff
1. In der Fremde (Loin du pays natal)
2. Intermezzo
3. Waldesgespräch (Conservation sylvestre)
4. Die Stille (Le silence)
5. Mondnacht (Nuit de lune)
6. Schöne Fremde (Beauté des espaces lointains)
7. Auf einer Burg (Dans un château)
8. In der Fremde (Loin du pays natal)
9. Wehmut (Mélancolie)
10. Zwielicht (Pénombre)
11. Im Walde (Dans la forêt)
12. Frühlingsnacht (Nuit de printemps)
Composition : 1840.
Durée : environ 25 minutes.
De la poésie de Joseph Eichendorff (1788-1857), l’un des poètes favoris des musiciens
romantiques allemands, Erika Tunner écrit : « Contrairement à Gœthe, à Hölderlin, à Heine aussi,
Eichendorff ne propose pas une nouvelle vision du monde. […] Son univers est strictement limité :
Il n’est jamais amer. […] C’est un monde de simplicité, de naturel, de sentiments vrais, où passent des
personnages attentifs au chant des oiseaux, au ciel bleu, aux forêts frémissantes de cascades et de
musique, tandis que meurt au loin l’appel du cor, un peu comme le célèbre tableau d’Altdorfer
Le Chevalier dans la forêt. » C’est durant le mois de mai 1840 que Robert Schumann compose
le Liederkreis op 39. Loin des déchirures associées à Heinrich Heine, le style proprement
« merveilleux » d’Eichendorff procure le support d’une inspiration frémissante et quasi enchantée,
fortement ancrée dans la relation au monde extérieur. Une forme d’immédiateté, d’intensité
vibrante (insufflée par l’art de nouvelliste d’Eichendorff ?) contribue à faire de ces douze pièces
brèves un ensemble de purs joyaux sonores.
Intermédiaires entre l’intériorité schubertienne et la perfection concentrée des mélodies d’Alban
Berg, ces douze tableaux s’articulent en deux volets isométriques dont les relations tissées entre
les diverses pièces répondent à de subtils renvois internes (littéraires et musicaux). La première
partie du cycle offre une progression thématique menant de la calme sonorité voilée de In der
Fremde (Loin du pays natal) à l’ivresse exaltée de Schöne Fremde (Beauté des espaces lointains),
apogée du cycle. La seconde partie résonne comme un écho étrange, quasi fantastique, aux
sonorités joyeuses des six pièces initiales. Les tournures archaïsantes y abondent, évoquant tour
à tour le choral (Auf einer Burg), le contrepoint et l’écriture luthée baroque (Zwielicht) et les
formules de cadence plagale aux saveurs anciennes… Autant d’éléments qui inclinent le cercle
à se refermer dans un climat de mélancolie profonde et désolée. Cependant, l’ultime pièce – selon
le processus essentiellement schumannien de la circularité poético-musicale – « clôt » le cycle sur
6
une sorte d’aube nouvelle : Frühlingsnacht (Nuit de printemps). Les accords pressants (de rythme
binaire, en triolets de doubles croches) répondent en miroir à l’ineffable rêverie harmonique de
Mondnacht (Nuit de lune).
Constance Himelfarb
Claude Debussy (1862-1918)
Trois mélodies d’après Paul Verlaine
La Mer est plus belle
Le Son du cor s’afflige
L’échelonnement des haies
Composition : 1891.
Publication : 1901, Hamelle, Paris.
Durée : environ 8 minutes.
« Verlainiennes jusqu’au bout des croches » : c’est ainsi que l’écrivain Pierre Louÿs parle des trois
mises en musique de Verlaine composées par son ami Debussy en 1891. Rien de bien surprenant
lorsqu’on sait la place prépondérante accordée au poète par le musicien durant plus de deux
décennies, des premières esquisses en 1882 jusqu’au second recueil des Fêtes galantes, composé
en 1904. Verlaine lui offre un mélange inimitable de mélancolie et de simplicité ainsi qu’une
langue profondément musicale, tous traits qui le poussent à dépasser le modèle un peu suranné
de la mélodie du XIXe siècle pour proposer une déclamation plus souple et une répartition des
rôles entre voix et piano moins schématique. Bien qu’un peu convenus, les arpèges de piano qui
ouvrent la première pièce du recueil, La Mer est plus belle, donnent du corps à cet évocateur
tableau aquatique, rehaussé de quelques enchaînements mélodiques savoureux et nuancé par
une ligne mélodique ductile. Plus intime, Le Son du cor s’afflige est aussi plus moderne, comme
l’affirme dès les premières mesures l’introduction, avec son utilisation des notes répétées et son
brouillage des repères rythmiques. Simplicité apparente et émotion forment les piliers de ce « soir
monotone » tout irrigué de mélancolie. Plus incisif avec ses quintolets de main droite et sa petite
mélodie de main gauche dans le registre médium du piano, L’échelonnement des haies a des airs
de chanson, aussi séduisante que le paysage dépeint par Verlaine.
7
Manuel de Falla (1876-1946)
Trois mélodies d’après Théophile Gautier
Les Colombes
Chinoiserie
Séguidille
Composition : 1909-1910.
Publication : 1910.
Durée : environ 8 minutes.
Composées lors du (long) séjour parisien de Falla, les Trois mélodies de 1909-1910 témoignent
de l’immersion dans la culture française du compositeur, qui abandonne ici son espagnol natal
pour les vers de Théophile Gautier, l’un des poètes favoris des mélodistes du XIXe siècle (Berlioz,
Duparc, Bizet, Massenet, d’Indy, Fauré, Chausson… y sacrifièrent tous). Elles présentent un
mélange entre l’influence stylistique des compositeurs français, et tout particulièrement de
Debussy – un compositeur que Falla estimait beaucoup, et dont il sollicita l’avis à propos de
ce recueil –, et des traits espagnols dans la déclamation ou l’harmonie. Le métissage est visible
dès la première mélodie, Les Colombes, qui « sortent du nid debussyste sous l’aube d’une tristesse
mélancolique » (Pascale Saint-André). Il s’infléchit du côté espagnol pour la Séguidille, au charme
de laquelle Debussy s’était lui aussi laissé prendre dans sa jeunesse : aux poncifs du texte, dressant
le portrait d’une Espagnole haute en couleur (« Voilà / la véritable Manola », une manola étant une
fille aux mœurs légères des quartiers populaires de Madrid), répondent les espagnolades que
Falla maîtrise parfaitement : exclamations parlées, broderies au piano et à la voix, etc. Quant
à la Chinoiserie, introduite par une énumération a cappella de toutes celles que le poète n’aime
pas, elle illustre le rêve d’Orient des Européens (pensons, une fois encore, à Debussy, mais aussi
à Ravel) : gamme par tons, sonorités de boîte à musique convoyées par une séduisante partie
de piano, mélodie vocale aisée et aux contours définis, friande de quartes.
8
Gustav Mahler (1860-1911)
Frühlingsmorgen – extrait de Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit
Composition : 1880-1883.
Im Lenz
Winterlied
Composition : 1880.
Ablösung im Sommer – extrait de Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit
Composition : 1887-1890.
Blicke mir nicht in die Lieder - extraits de Rückert-Lieder
Ich bin der Welt abhanden gekommen - extraits de Rückert-Lieder
Composition : 1901.
En parallèle d’esquisses d’œuvres de musique de chambre ou d’opéras, genres qui se verront par
la suite abandonnés, le jeune Mahler donne dès la seconde moitié des années 1870 ses premiers
lieder ; mais il faut attendre le début de la décennie suivante pour que certains soient jugés
dignes de publication. Écrits en 1880, Im Lenz et Winterlied devaient faire partie d’un recueil dédié
à Joséphine Poisl, la fille du maître des postes d’Iglau, en Bohême. Mais Mahler semble avoir
renoncé à achever l’œuvre et les trois premiers lieder composés, sur des textes du compositeur
lui-même, n’ont donc jamais été publiés. Ceux-ci partagent avec la cantate Das klagende Lied,
conçue en grande partie à la même époque, une inspiration et même des matériaux communs.
Premiers lieder qui nous soient parvenus, ils manifestent déjà, mêlés à des échos schumanniens,
la singularité du ton mahlérien.
À peine plus tardif, Frühlingsmorgen, qui chante la nature sans prétention, emprunte son texte
à Richard von Volkmann, un chirurgien poète à ses heures (sous le pseudonyme de Richard
Leander). Il fut publié en 1892 dans un recueil composite, intitulé Lieder und Gesänge aus der
Jugendzeit, réunissant des textes divers et des poèmes extraits du Knaben Wunderhorn. C’est
à cette ample collection de poèmes populaires parue au début du XIXe siècle, qui renouvela
la poésie germanique et représenta une source d’inspiration inépuisable pour de nombreux
musiciens (parmi lesquels Mahler tient la première place), qu’appartient Ablösung im Sommer.
Animalière, comme Des Antonius von Padua Fischpredigt, cette saynète à la cruauté voilée nourrira
– dans une dynamique de perméabilité entre lieder et symphonie caractéristique de Mahler –
le scherzo de la Troisième Symphonie, composée quelques années plus tard.
9
Blicke mir nicht in die Lieder et Ich bin der Welt abhanden gekommen inaugurent quant à eux les
« années Rückert » de Mahler, qui consacra au poète romantique (1788-1866), auquel Schubert
et surtout Schumann avaient déjà eu recours, les recueils des Rückert-Lieder de 1901 et les
Kindertotenlieder de 1904. Ils sont cette fois pensés directement pour l’orchestre, mais le
compositeur, fidèle à son habitude, ne manqua pas d’en donner également une version
pianistique. D’un lyrisme intime, les poèmes de Rückert inspirent au compositeur des pièces en
demi-teinte. Ich bin der Welt abhanden gekommen, dont le compositeur disait : « c’est moi-même »,
est un poignant chant de solitude, tandis que Blicke mir nicht in die Lieder dessine une « étude du
furtif et de l’insaississable » (Stéphane Goldet) à l’image des abeilles évoquées par le poème.
Angèle Leroy
10
Robert Schumann
Liederkreis, op. 39
1. ln der Fremde
1. Loin du pays natal
Aus der Heimat hinter den Blitzen rot
Sillonnés d’éclairs rougeoyants
Da kommen die Wolken her,
Les nuages viennent du pays natal,
Aber Vater und Mutter sind lange tot,
Père et mère, hélas, depuis longtemps sont morts,
Es kennt mich dort keiner mehr.
Plus personne ne me connaît là-bas.
Wie bald, ach wie bald kommt die stille Zeit,
Qu’il viendra vite, hélas si vite, le temps
Da ruhe ich auch, und über mir
Où je reposerai moi aussi, et au-dessus de moi
Rauscht die schöne Waldeinsamkeit,
La forêt solitaire bruira dans sa splendeur,
Und keiner kennt mich mehr hier.
Et plus personne ne me connaîtra ici.
2. Intermezzo
2. Intermezzo
Dein Bildnis wunderselig
Ton image merveilleuse
Hab ich im Herzensgrund,
Demeure au plus profond de mon cœur,
Das sieht so frisch und fröhlich
En tout instant elle me regarde,
Mich an zu jeder Stund’.
Avec tant de candeur et de gaîté.
Mein Herz still in sich singet
Mon cœur chantonne doucement
Ein altes schönes Lied,
Une vieille chanson
Das in die Luft sich schwinget
Qui s’élance dans les airs,
Und zu dir eilig zieht.
Se hâtant à ta rencontre.
11
3. Waldesgespräch
3. Conversation sylvestre
Es ist schon spät, es ist schon kalt,
L’heure est avancée et il fait déjà froid,
Was reitest du einsam durch den Wald?
Que chevauches-tu, solitaire, à travers les bois ?
Der Wald ist lang, du bist allein,
La forêt est vaste et tu es seule,
Du schöne Braut ! Ich führ dich heim!
Belle demoiselle ! Laisse-moi te reconduire !
« Groß ist der Männer Trug und List,
« Combien sont grands le mensonge et la ruse des hommes,
Vor Schmerz mein Herz gebrochen ist,
Mon cœur est brisé d’une douleur intense;
Wohl irrt das Waldhorn her und hin,
Les appels du cor retentissent ici, puis là,
o flieh ! Du weißt nicht, wer ich bin. »
Fuis ces lieux! Tu ignores qui je suis. »
So reich geschmückt ist Roß und Weib,
À voir monture et femme aussi richement parées,
So wunderschön der junge Leib,
Et la si grande beauté de la jeune créature,
Jetzt kenn ich dich - Gott steht mir bei !
Je te reconnais - Dieu me vienne en aide !
Du bist die Hexe Lorelei. –
Lorelei, la sorcière, tel est ton nom.
« Du kennst mich wohl - vom hohen Stein
« Oh oui, tu me connais - du haut de ton rocher
Schaut still mein Schloß tief in den Rhein.
Mon château se reflète en silence dans les eaux profondes du
Es ist schon spät, es ist schon kalt,
Rhin.
Kommst nimmermehr aus diesem Wald. »
L’heure est avancée et il fait déjà froid,
De cette forêt plus jamais tu ne sortiras ! »
4. Die Stille
4. Le silence
Es weiß und rät es doch keiner,
Nul ne sait ni ne peut deviner
Wie mir so wohl ist, so wohl!
À quel point je suis heureux !
Ach, wüßt es nur einer, nur einer,
Si seulement un seul être le savait, oui un seul,
Kein Mensch es sonst wissen soll !
Et à part lui aucun autre !
So still ist’s nicht draußen im Schnee,
Le silence de la campagne enneigée,
So stumm und verschwiegen sind
Celui des étoiles muettes et secrètes,
Die Sterne nicht in der Höh,
Là-haut, au firmament,
Als meine Gedanken sind.
Sont loin de la quiétude de mes pensées.
Ich wünscht’, es wäre schon Morgen,
Je voudrais qu’il soit déjà demain;
Da fliegen zwei Lerchen auf,
Là-bas s’envolent deux alouettes,
Die überfliegen einander,
Planant l’une au-dessus de l’autre,
Mein Herz folgt ihrem Lauf.
Et mon cœur suit leur course.
Ich wünscht’, ich wäre ein Vöglein
Je voudrais être un oiselet
Und zöge über das Meer,
Pour survoler les mers,
Wohl über das Meer und weiter,
Et voler bien au-delà des océans,
Bis daß ich im Himmel wär!
Et parvenir jusqu’au ciel !
12
5. Mondnacht
5. Nuit de lune
Es war, als hätt’ der Himmel,
On eût dit que le ciel
Die Erde still geküßt,
Avait donné à la terre un doux baiser,
Daß sie im Blütenschimmer
Et que dans la lumière évanescente des fleurs
Von ihm nur träumen müßt.
Elle ne rêvait plus que de lui.
Die Luft ging durch die Felder,
La brise caressait les champs
Die Ähren wogten sacht,
Et berçait doucement les épis,
Es rauschten leis die Wälder,
Les forêts bruissaient faiblement,
So sternklar war die Nacht.
Dans la pureté de la nuit étoilée.
Und meine Seele spannte
Et mon âme, déployant
Weit ihre Flügel aus,
Tout grand ses ailes,
Flog durch die stillen Lande,
Survolait la campagne silencieuse,
Als flöge sie nach Haus.
Comme si elle revenait au pays.
6. Schöne Fremde
6. Beauté des espaces lointains
Es rauschen die Wipfel und schauern,
Les cimes des arbres bruissent et frissonnent
Als machten zu dieser Stund
Comme si, à cette heure avancée,
Um die halbversunkenen Mauern
Autour de ces murs à demi écroulés
Die alten Götter die Rund.
Les dieux antiques faisaient leur ronde.
Hier hinter den Myrtenbäurnen
Ici, derrière les buissons de myrte,
ln heimlich dämmernder Pracht,
Dans la splendeur mystérieuse du crépuscule,
Was sprichst du wirr wie in Träumen
Quel langage troublant me tiens-tu,
Zu mir, phantastische Nacht?
Tel un rêve, ô nuit fantastique ?
Es funkeln auf mich alle Sterne
Les étoiles scintillent au-dessus de moi,
Mit glühendem Liebesblick,
Me jetant des regards langoureux,
Es redet trunken die Ferne
Les lointains parlent avec ivresse
Wie vom künftigem, großem Glück.
D’un immense bonheur à venir.
13
7. Auf einer Burg
7. Dans un château
Eingeschlafen auf der Lauer
Le vieux chevalier s’est endormi
Oben ist der alte Ritter ;
Là-haut, en faisant le guet.
Drüber gehen Regenschauer,
Une pluie torrentielle se déverse des cieux
Und der Wald rauscht durch das Gitter.
Et la forêt bruit à travers les grilles.
Eingewachsen Bart und Haare
Sa barbe et ses cheveux ne font plus qu’un,
Und versteinert Brust und Krause,
Sa poitrine et sa collerette se sont pétrifiées.
Sitzt er viele hundert Jahre
Cela fait des siècles et des siècles
Oben in der stillen Klause.
Qu’iI est assis là-haut dans son repaire tranquille.
Draußen ist es still’ und friedlich,
Silence et paix règnent aux alentours,
Alle sind ins Tal gezogen,
Tous se sont réfugiés dans la vallée.
Waldesvögel einsam singen
Seuls quelques oiseaux de la forêt
ln den leeren Fensterbogen.
Chantent dans les arcades vides des fenêtres.
Eine Hochzeit tährt da unten
Une noce passe en contrebas
Auf dem Rhein im Sonnenscheine,
Sur le Rhin ensoleillé,
Musikanten spielen munter,
Des musiciens jouent avec entrain,
Und die schöne Braut, die weinet.
Et la jolie mariée verse des larmes.
8. ln der Fremde
8. Loin du pays natal
Ich hör’ die Bächlein rauschen
J’entends le bruissement des ruisseaux,
lm Walde her und hin.
Parcourir toute la forêt.
lm Walde, in dem Rauschen,
Dans cette forêt, dans ces bruissements,
Ich weiß nicht, wo ich bin.
Je ne sais plus où je suis.
Die Nachtigallen schlagen
Les rossignols chantent
Hier in der Einsamkeit,
Ici, dans cette solitude,
Als wollten sie was sagen
Comme s’ils voulaient évoquer
Von der alten, schönen Zeit.
Les beaux jours d’antan.
Die Mondesschimmer fliegen,
Les reflets de la lune fuient,
Als säh ich unter mir
Et je crois voir à mes pieds
Das Schloß im Tale liegen,
Le château au fond de la vallée,
Und ist doch so weit von hier!
Alors qu’il est si loin d’ici !
Als müßte in dem Garten,
Dans le jardin, il me semble voir
Voli Rosen weiß und rot,
Parmi les roses blanches et rouges,
Meine Liebste auf mich warten,
Ma bien-aimée qui m’attend
Und ist doch so lange tot.
Alors que depuis si longtemps elle a quitté ce monde.
14
9. Wehmut
9. Mélancolie
Ich kann wohl manchmal singen,
Il m’arrive de chanter,
Als ob ich fröhlich sei,
Comme si j’étais gai,
Doch heimlich Tränen dringen,
Mais en secret des larmes m’assaillent,
Da wird das Herz mir frei.
Et soulagent mon cœur oppressé.
Es lassen Nachtigallen,
C’est ainsi que les rossignols,
Spielt draußen Frühlingsluft,
Dès que souffle la brise printanière,
Der Sehnsucht Lied erschallen
Font entendre leur chant nostalgique
Aus ihres Kerkers Gruft.
Du fond de leur sinistre cachot.
Da lauschen alle Herzen,
Tous les cœurs sont alors à l’affût,
Und alles ist erfreut,
Tout baigne dans la joie,
Doch keiner fühlt die Schmerzen,
Car nul ne perçoit la douleur,
lm Lied das tiefe Leid.
La profonde détresse de ce chant.
10. Zwielicht
10. Pénombre
Därnmrunq will die Flügel spreiten,
Le crépuscule s’apprête à étendre ses ailes,
Schaurig rühren sich die Bäume,
Les arbres frissonnent d’effroi,
Wolken ziehn wie schwer Träurne -
Des nuages passent tels de mauvais rêves -
Was will dieses Grau’n bedeuten?
Que signifie cette angoisse ?
Hast ein Reh du lieb vor andern,
Si un chevreuil t’est plus cher entre tous,
Laß es nicht alleine grasen,
Ne le laisse pas aller paître seul,
Jäger ziehn im Wald und blasen,
Des chasseurs errent dans la forêt avec leurs cors,
Stimmen hin und wieder wandern.
Et leurs voix retentissent de loin en loin.
Hast du einen Freund hienieden,
Si tu as un ami ici-bas,
Trau ihm nicht zu dieser Stunde,
Ne lui fais pas confiance à cette heure,
Freundlich wohl mit Aug’und Munde,
Aussi amicaux que soient son regard et son sourire
Sinnt er Krieg im tück’schen Frieden.
Il songe au combat dans cette paix trompeuse.
Was heut gehet müde unter,
Ce qui s’achève ce soir dans la lassitude
Hebt sich morgen neu geboren.
Renaîtra demain à une vie nouvelle.
Manches geht in Nacht verloren -
Aux égarements la nuit est propice -
Hüte dich, sei wach und munter!
Prends garde, soit vigilant et vif !
15
11. lm Walde
11. Dans la forêt
Es zog eine Hochzeit den Berg entlang,
Une noce s’étirait sur le versant de la montagne,
Ich hörte die Vögel schlagen,
J’entendais le chant des oiseaux;
Da blitzten viel Reiter, das Waldhorn klang,
Des cavaliers surgissent nombreux, le cor retentit,
Das war ein lustiges Jagen!
Quelle joyeuse chevauchée !
Und eh’ ich’s gedacht, war alles verhallt,
À peine l’ai-je réalisé que tout s’est évanoui,
Die Nacht bedecket die Runde,
Les ténèbres sont tombées sur la sphère terrestre
Nur von den Bergen noch rauschet der Wald
Et un frisson d’effroi traverse
Und mich schauert’s im Herzensgrunde.
Le fin fond de mon âme.
12. Frühlingsnacht
12. Nuit de printemps
Über’n Garten durch die Lüfte
Au-dessus du jardin, traversant les airs,
Hört’ ich Wandervögel ziehn,
J’entendis passer les oiseaux migrateurs,
Das bedeutet Frühlingsdüfte,
Annonciateurs des senteurs printanières,
Unten fängt’s schon an zu blüh’n.
Dans la vallée les premières fleurs éclosent.
Jauchzen möcht ich, möchte weinen,
J’ai envie de crier ma joie, j’ai envie de pleurer,
Ist mir’s doch, als könnt’s nicht sein!
J’ai pourtant du mal à y croire !
Alte Wunder wieder scheinen
Les miracles d’antan renaissent,
Mit dem Mondesglanz herein.
Dans la splendeur du clair de lune.
Und der Mond, die Sterne sagen’s,
La lune et les étoiles le disent,
Und im Traume rauscht’s der Hain,
Le bosquet le murmure dans son rêve,
Und die Nachtigallen schlagen’s:
Et les rossignols le chantent à plein gosier :
Sie ist deine ! Sie ist deine!
Elle est tienne, elle est tienne !
Joseph von Eichendorff
Traduction © Sony 1995
16
Claude Debussy
Trois mélodies d’après Verlaine
La Mer est plus belle
Le Son du cor s’afflige
La mer est plus belle
Le son du cor s’afflige vers les bois,
Que les cathédrales,
D’une douleur on veut croire orpheline
Nourrice fidèle,
Qui vient mourir au bas de la colline,
Berceuse de râles,
Parmi la bise errant en courts abois.
La mer qui prie
La Vierge Marie !
L’âme du loup pleure dans cette voix,
Qui monte avec le soleil, qui décline
Elle a tous les dons
D’une agonie on veut croire câline,
Terribles et doux.
Et qui ravit et qui navre à la fois.
J’entends ses pardons
Gronder ses courroux.
Pour faire mieux cette plainte assoupie,
Cette immensité
La neige tombe à longs traits de charpie
N’a rien d’entêté.
A travers le couchant sanguinolent,
O! si patiente,
Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Même quand méchante !
Tant il fait doux par ce soir monotone,
Un souffle ami hante
Où se dorlote un paysage lent.
La vague, et nous chante :
« Vous sans espérance,
Mourez sans souffrance ! »
L’échelonnement des haies
L’échelonnement des haies
Et puis sous les cieux
Moutonne à l’infini, mer
Qui s’y rient plus clairs,
Claire dans le brouillard clair,
Elle a des airs bleus.
Qui sent bon les jeunes baies.
Roses, gris et verts...
Plus belle que tous,
Des arbres et des moulins
Meilleure que nous !
Sont légers sur le vert tendre,
Où vient s’ébattre et s’étendre
L’agilité des poulains.
Dans ce vague d’un Dimanche,
Voici se jouer aussi
De grandes brebis,
Aussi douces que leur laine blanche.
Tout à l’heure déferlait
L’onde roulée en volutes,
De cloches comme des flûtes
Dans le ciel comme du lait.
17
Manuel de Falla
Trois mélodies d’après Théophile Gautier
Les Colombes
Séguidille
Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,
Un jupon serré sur les hanches,
Un beau palmier, comme un panache vert
Un peigne énorme à son chignon,
Dresse sa tête, où le soir les colombes
Jambe nerveuse et pied mignon,
Viennent nicher et se mettre à couvert.
Œil de feu, teint pâle et dents blanches :
Alza ! olà !
Mais le matin elles quittent les branches ;
Voilà
Comme un collier qui s’égrène, on les voit
La véritable manola.
S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches,
Et se poser plus loin sur quelque toit.
Gestes hardis, libre parole,
Sel et piment à pleine main,
Mon âme est l’arbre où tous les soirs comme elles,
Oubli parfait du lendemain,
De blancs essaims de folles visions
Amour fantasque et grâce folle :
Tombent des cieux, en palpitant des ailes,
Alza ! olà !
Pour s’envoler dès les premiers rayons.
Voilà
La véritable manola.
Chinoiserie
Chanter, danser aux castagnettes,
Ce n’est pas vous, non, madame, que j’aime,
Et, dans les courses de taureaux,
Ni vous non plus, Juliette, ni vous,
Juger les coups des toreros,
Ophélia, ni Béatrix, ni même
Tout en fumant des cigarettes :
Laure la blonde, avec ses grands yeux doux.
Alza ! olà !
Voilà
Celle que j’aime à présent, est en Chine ;
La véritable manola.
Elle demeure, avec ses vieux parents,
Dans une tour de porcelaine fine,
Au fleuve Jaune, où sont les cormorans ;
Elle a des yeux retroussés vers les tempes,
Un pied petit, à tenir dans la main,
Le teint plus clair que le cuivre des lampes,
Les ongles longs et rougis de carmin ;
Par son treillis elle passe sa tête,
Que l’hirondelle, en volant, vient toucher,
Et, chaque soir, aussi bien qu’un poète,
Chante le saule et la fleur du pêcher.
18
Gustav Mahler
Lieder
Frühlingsmorgen
Matin de printemps
Es klopft an das Fenster der Lindenbaum.
À la fenêtre le tilleul frappe
Mit Zweigen blütenbehangen:
Avec ses branches couvertes de fleurs :
Steh’ auf! Steh’ auf!
Debout ! Debout !
Was liegst du im Traum?
Pourquoi être couché à rêver ?
Die Sonn’ ist aufgegangen!
Le soleil est levé !
Steh’ auf! Steh’ auf!
Debout ! Debout !
Die Lerche ist wach, die Büsche weh’n!
L’alouette est réveillée, les buissons s’agitent au vent,
Die Bienen summen und Käfer!
Les abeilles et les scarabées bourdonnent !
Steh’ auf! Steh’ auf!
Debout ! Debout !
Und dein munteres Lieb’ hab ich auch schon geseh’n.
Et ton amoureuse plein d’entrain, je l’ai vue aussi.
Steh’ auf, Langschläfer!
Debout, lève-tard,
Langschläfer, steh’ auf!
Lève-tard, debout !
Steh’ auf! Steh’ auf!
Debout ! Debout !
Im Lenz
Au printemps
Sag’ an, du Träumer am lichten Tag.
Dis-moi, toi le rêveur en plein jour,
Was willst du heut’ mit dem Bangen?
Que veux-tu dire aujourd’hui avec ces peurs ?
Du wandelst so stumm durch Lenz und Hag,
Tu traverses si silencieusement printemps et bosquet,
Als wärst du von Blindheit befangen.
Comme si tu étais frappé de cécité.
« Ich bin nicht blind und sehe doch nicht,
« Je ne suis pas aveugle et pourtant je ne vois pas,
Mir ist nicht dunkel und ist nicht licht.
Il ne fait pas sombre, mais il ne fait pas jour,
Könnt’ lachen und könnte weinen.
Je pourrais rire et je mourrais pleurer.
Doch sagen könnt’ ich es keinem. »
Mais je ne pourrais en parler à personne. »
O sieht dich die Sonne so freundlich an,
Oh le soleil te sourit si doucement,
Was sollen dir Schmerz und Reue?
Que te veulent souffrance et regret ?
Wirf ab deine Last, du traurige Mann,
Pose ton fardeau, homme triste,
Und freu’ dich an Sonne und Bläue.
Et réjouis-toi du soleil et du ciel bleu.
« Mich freut keine Sonne, mich freut kein Blau
« Je n’ai de plaisir ni du soleil, ni du ciel bleu
Und hab’ doch den Frühling so gerne.
Et pourtant j’aime tant le printemps.
Ach, die ich allein nur am liebsten erschau,
Hélas, celle que j’aime voir plus que tout
Die weilt schon lang in der Ferne. »
Est partie au loin depuis longtemps. »
19
Winterlied
Chant d’hiver
Über Berg und Tal
Au-dessus de la montagne et de la vallée
Mit lautem Schall
Avec un son pur
Tönet ein Liedchen.
Une petite chanson résonne.
Durch Schnee und Eis
À travers neige et glace
Dringt es so heiß
Elle sonne si chaude
Bis zu dem Hüttchen.
Jusqu’à la petite maison.
Wo das Feuer brummt,
Là où le feu ronfle,
Wo das Rädchen summt
Là où le rouet bourdonne
Im traulichen Stübchen.
Dans la confortable petite pièce.
Um den Tisch herum
Autour de la table
Sitzen sie stumm.
Ils sont assis en silence.
Hörst du mich, Liebchen?
M’entends-tu, ma chérie ?
Im kalten Schnee,
Dans la neige froide,
Sieh! wie ich steh’,
Regarde ! comme je me tiens
Sing’ zu Dir, Mädchen!
En train de chanter pour toi, ma mie !
Hat denn mein Lied
Est-ce ma chanson
So dich erglüht
Qui te fait rougir
Oder das Rädchen?
Ou est-ce le rouet ?
O liebliche Zeit
Ô doux moment,
Wie bist du so weit!
Comme tu es loin !
O selige Stunden!
Ô heures heureuses !
Ach nur ein Blick
Hélas, seulement un éclair
War unser Glück.
Fut notre bonheur,
Ewig verschwunden!
Pour toujours disparu !
Ablösung im Sommer
Relève en été
Kuckuck hat sich zu Tode gefallen
Le coucou est mort en tombant
An einer grünen Weiden,
Du saule vert !
Kuckuck ist tot! Kuckuck ist tot!
Le coucou est mort ! Le coucou est mort !
Wer soll uns jetzt den Sommer lang
Alors qui nous aidera
Die Zeit und Weil vertreiben?
À chasser le temps et l’ennui ?
Ei, das soll tun Frau Nachtigall,
Hé ! Ce sera Monsieur Rossignol,
Die sitzt auf grünem Zweige;
Qui est assis dans les feuilles vertes,
Die kleine, feine Nachtigall,
Le petit, le fin Rossignol,
Die liebe, süße Nachtigall!
L’adorable, le doux Rossignol !
Sie singt und springt, ist allzeit froh,
Il chante, il bondit, il est toujours joyeux,
Wenn andre Vögel schweigen.
Quand les autres oiseaux se taisent.
20
Wir warten auf Frau Nachtigall,
Nous attendons Monsieur Rossignol,
Die wohnt im grünen Hage,
Qui vit dans un bosquet vert,
Und wenn der Kukuk zu Ende ist,
Et quand le coucou arrive à sa fin,
Dann fängt sie an zu schlagen!
Alors il commence à jouer !
Blicke mir nicht in die Lieder!
Ne regarde pas mes chants !
Blicke mir nicht in die Lieder!
Ne regarde pas mes chants !
Meine Augen schlag’ ich nieder,
Mes yeux, je les baisse
Wie ertappt auf böser That;
Comme si j’avais commis une mauvaise action.
Selber darf ich nicht getrauen,
Je n’ose pas moi-même
Ihrem Wachsen zuzuschauen:
Les regarder grandir.
Deine Neugier ist Verrath.
Ta curiosité est une trahison !
Bienen, wenn sie Zellen bauen,
Les abeilles, quand elles construisent leurs alvéoles,
Lassen auch nicht zu sich schauen,
Ne laissent personne les regarder,
Schauen selber auch nicht zu.
Elles-mêmes ne les regardent pas.
Wann die reichen Honigwaben
Quand elles auront porté les riches rayons de miel
Sie zu Tag gefördert haben,
À la lumière du jour,
Dann vor allen nasche du!
Alors tu les verras avant tous !
Ich bin der Welt abhanden gekommen
Je me suis retiré du monde
Ich bin der Welt abhanden gekommen,
Je me suis retiré du monde
Mit der ich sonst viele Zeit verdorben,
dans lequel je n’ai que trop perdu mon temps;
Sie hat so lange von mir nichts vernommen,
il n’a depuis longtemps plus rien entendu de moi,
Sie mag wohl glauben, ich sei gestorben.
il peut bien croire que je suis mort !
Es ist mir auch gar nichts daran gelegen,
Et peu m’importe, à vrai dire,
Ob sie mich für gestorben hält,
s’il me pense mort,
Ich kann auch gar nichts sagen dagegen,
Et je n’ai rien à y redire,
Denn wirklich bin ich gestorben der Welt.
car il est vrai que je suis mort au monde.
Ich bin gestorben dem Weltgewimmel,
Je suis mort au monde et à son tumulte
Und ruh’ in einem stillen Gebiet.
et je repose dans un coin tranquille.
Ich leb’ allein in mir und meinem Himmel,
Je vis solitaire dans mon ciel,
In meinem Lieben, in meinem Lied.
dans mon amour, dans mon chant.
21
Bernarda Fink
Anthony Spiri
Née en Argentine de parents
Né aux États-Unis, Anthony Spiri
slovènes, Bernarda Fink reçoit sa
reçoit sa formation de pianiste
formation lyrique à l’Instituto Superior à Cleveland et à Boston puis au
de Arte del Teatro Colón. Elle est
Mozarteum de Vienne.
aujourd’hui soliste invitée des plus
De 1988 à 1993, il est l’assistant
prestigieuses formations mondiales :
d’enseignement de Nikolaus
le London Philharmonic, les Wiener et Harnoncourt. Anthony Spiri se produit
les Berliner Philharmoniker, le Royal
comme soliste, comme chambriste
Concertgebouw Orchestra, l’Orchestre et comme accompagnateur : son
Symphonique de la Radio Bavaroise,
répertoire s’étend du XVIIe siècle à la
l’Orchestre de Cleveland, et se produit musique contemporaine. Il a participé
sous la baguette des plus grands
à la création mondiale d’œuvres de
chefs tels que Riccardo Chailly, Sir
Sofia Gubaidulina, Rainer Bishof, York
John Eliot Gardiner, Valery Gergiev,
Höller et Wolfgang Rihm. Il accompagne
Nikolaus Harnoncourt ou Riccardo
en récital les plus grands artistes
Muti. Bernarda Fink se produit
lyriques, notamment Bernarda et
régulièrement en récital au
Marcos Fink, Edith Mathis, Peter
Musikverein et au Konzerthaus de
Schreier, Marjana Lipovšek et
Vienne, au Concertgebouw
Angelika Kirchschlager. En musique
d’Amsterdam et au Wigmore Hall de
de chambre, il se produit avec
London. On lui doit une cinquantaine
l’Ensemble Wien-Berlin, l’Ensemble
d’enregistrements récompensés par
Gidon Kremer, ou encore le Quatuor
divers Diapason d’Or et Grammy
Hagen. On a pu l’entendre comme
Awards. On a pu l’entendre cette
soliste sur les scènes internationales
saison dans divers grands projets,
avec l’Orchestre de Chambre
notamment dans une tournée
d’Europe, l’Orchestre du Mozarteum,
européenne de la Passion selon saint
la Camerata Academica de Salzbourg
Matthieu dirigée par René Jacobs,
ou encore avec l’Orchestre de
dans la Missa Solemnis dirigée par
Chambre de Bâle. Parmi ses
Herbert Blomstedt, dans Das Paradies
nombreux enregistrements (chez
und die Peri sous la direction de Sir
Harmonia Mundi, cpo, Orfeo, Oehms
Simon Rattle ou encore dans les
Classics, BMG ou Camerata Tokyo)
Kindertotenlieder dirigés par Andrés
citons ceux consacrés à la musique de
Orozco-Estrada. En 2006, Bernarda
la famille Bach ainsi que le Concerto
Fink a reçu la Médaille d’honneur
pour piano « Scarlattina » d’Alfredo
autrichienne des Arts et des Sciences
Casella et les œuvres pour piano
et, en février 2013, son frère Marcos et d’Eduard Marxsen, de Gabriel Fauré,
elle ont été distingués par le Prix le
Robert Schumann, Franz Schubert,
plus prestigieux de Slovénie, sous le
Richard Strauss et Joseph Marx.
mécénat de la Prešeren-foundation.
Anthony Spiri enseigne depuis 2001
à la Musikhochschule de Cologne.
22
Vivez les concerts filmés
à la Cité de la musique et à la Salle Pleyel
en direct et en différé sur Internet
Musiques classique et baroque, musique de chambre,
opéra, musiques du monde, jazz, pop-rock, electro...
citedelamusiquelive.tv
23
Photo © Franck Ferville • Licences Cité 1-1041550-2-101546-3-1041547 • Licences Pleyel 1-1056849 - 2-1056850 - 3-1056851
chez vous…
comme au concert
Et aussi…
> WEEK-END TURBULENCES
Deuxième partie
> MOZART ENFANT
Matthias Pintscher
Nouvelle(s) direction(s)
Mauricio Kagel
Die Stücke der Windrose (Western)
Igor Stravinski
Fanfare for a New Theater
Maurice Ravel
Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé
Bernd Aloïs Zimmermann
Sonate
Karol Szymanowski
Slopiewnie
Mauricio Kagel
Die Stücke der Windrose (Osten)
MERCREDI 26, VENDREDI 28 FÉVRIER,
MARDI 4 MARS, 19H30
Franz Schubert
Winterreise
Mark André
AZ Interstices pour Winterreise de Franz
Schubert (commande de l’Ensemble
intercontemporain, création mondiale)
Ensemble intercontemporain
Georg Nigl, baryton
Andreas Staier, piano
Julien Leroy, direction
Johan Simons, mise en scène
Michaël Borremans, décors
Jan Vandenhouwe, dramaturgie
Coproduction Cité de la musique, Ensemble
intercontemporain, Muziektheater Transparant
et KlaraFestival
SAMEDI 8 FÉVRIER, 20H
Anton Webern
Quatre lieder op. 13
Robert Schumann
Kinderszenen (extraits)
Anton Webern
Cinq lieder spirituels op. 15
Robert Schumann
Kinderszenen (extraits)
Giacinto Scelsi
Anahit
Matthias Pintscher
Study III for Treatise on the Veil
Robert Schumann
Kinderszenen (extraits)
Orchestre du Conservatoire de Paris
Élèves du Département des disciplines
vocales du Conservatoire de Paris
David Reiland, direction
Coproduction Cité de la musique,
Conservatoire de Paris.
Troisième partie
Marco Stroppa
Gla-dya
Giovanni Gabrieli
Sonata pian’e forte (extraits)
John Cage
Seven Haïku
Marc Garcia Vitoria
Œuvre nouvelle (commande de l’Etat,
création mondiale)
Charles Ives
The Unanswered Question
Le grand soir
Première partie
Wolfgang Amadeus Mozart
Mitridate
Ensemble intercontemporain
Matthias Pintscher, direction
Marisol Montalvo, soprano
Diana Axentii, mezzo-soprano
Hidéki Nagano, piano
Hae-Sun Kang, violon
Diégo Tosi, violon
Odile Auboin, alto
Coproduction Cité dela musique, Ensemble
> MÉDIATHÈQUE
En écho à ce concert, nous vous
proposons…
> Sur le site Internet http://
mediatheque.cite-musique.fr
… d’écouter un extrait audio dans les
« Concerts » :
Waldszenen op. 82 de Robert
Schumann par l’Orchestre national de
Montpellier Languedoc-Roussillon,
Aldo Ciccolini (piano), enregistré à la
Cité de la musique en avril 2008.
...de regarder un extrait vidéo dans les
« Concerts »
Didon et énée de Henry Purcell avec
Bernarda Fink (mezzo-soprano),
enregistré à la Cité de la musique en
novembre 2001
intercontemporain.
(Les concerts sont accessibles dans leur intégralité à la
Médiathèque de la Cité de la musique.)
… de regarder dans les « Dossiers
pédagogiques « :
Le romantisme et le postromantisme
dans les « Repères musicologiques »
>À la médiathèque
… de lire :
Claude Debussy, la mer est plus belle que
les cathédrales de Jean-Michel Nectoux
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice en chef adjointe : Gaëlle Plasseraud | Graphiste : Ariane Fermont | Stagiaire : Guillaume Bodeau
Imprimeur Diartist | Licences no 757541-757542-757543
VENDREDI 7 FÉVRIER, 20H