Utiles, les journalistes

Edition Spéciale
3 mai 2014, Cercle de Kinshasa
Vers un futur concerté
La première édition d’Hirondelle Débat,
organisée en partenariat avec Journalistes
en Danger (JED) à l’occasion de la Journée
mondiale de la Liberté de la presse,
ouvre un cycle de rencontres thématiques
nouvelles en RDC. Elles sont conçues
pour faciliter le contact et l’échange
entre des experts et un public d’acteurs
concernés. Il s’agit de susciter une conversation
des expériences, autour des enjeux qui
interpellent la société, pour garantir le
bien-vivre des générations futures.
Hirondelle Débat est un produit post-média.
Des professionnels de l’information (parce
que l’information construit le monde)
acceptent de transiter de leur geste
professionnel habituel vers la médiation.
Forts de leur savoir-faire, ils abordent des
sujets d’intérêt général avec un esprit de
responsabilité sociale pour accompagner les
expériences développées ci et là, trop
souvent isolées. Cette action - car il en s’agit
d’une - ne se limite pas à l’analyse ou à la
critique. Son objectif est d’ouvrir des voies
de réponses, de constructions partagées,
tendues vers une amélioration au bénéfice
de tous.
Hirondelle Débat a l’ambition de devenir un
rendez-vous de l’innovation et de l’apaisement. Innover pour dépasser les peurs et les
conservatismes. Construire la paix, bien plus
avant que le seul ordre public. S’obliger à
s’adresser au meilleur de l’autre, en exprimant
le meilleur expérimenté par chacun.
Patrick Busquet
Représentant national Fondation Hirondelle RDC.
Utiles, les journalistes...
A quoi sert un journaliste ? Un débat structuré comme une émission radio, animé par
Nana Bolodjua et Pellet Kipela de Radio Okapi. La profession s’est auto-interpellée
sur le métier, son cadre économique, et aussi sur sa fonction sociale.
A quoi sert un journaliste ?
Tel était le thème. Denis Faroud,
Chef média de la Fondation
Hirondelle en RDC, avait donné le
la : « Un débat au cœur de la cité
pour faire avancer les choses dans
un esprit constructif, en essayant de
déboucher sur une action ».
Bon signe :« Les 100 héros de l’info »,
nouvelle publication de Reporters
sans frontières (RSF) venait de classer
Tshivis Tshivuadi, présent à la table
des experts, parmi les journalistes
remarquables issus de 65 nationalités !
Le débat a mis un peu de temps
à s’installer. Pas facile de s’extraire
de l’institutionnel : parole savante
d’un côté, public passif de l’autre.
Peu à peu, chacun s’est employé à
installer une recherche de mutualisation,
une amorce de coopération. Les
prises de parole ont su se faire
respectueuses, polies, tout en étant
fermes, parfois. Une partie du débat
a porté sur les conditions sociales
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dans lesquelles travaillent les
journalistes. Anna Mayimona,
directrice d’UCOFEM (Union
Congolaise des Femmes des Médias),
a synthétisé la problématique :
« Combien d’entreprises de presse
proposent des contrats de travail à
leurs salariés? Quand on n’est pas
capable de les payer, alors ils travaillent
pour l’intérêt des sources d’information
qui… les financent. L’Etat, et
nous-mêmes, sommes responsables ».
• Un espace physique convivial,
associant experts et acteurs.
• 76 personnes pour 52 invitations
envoyées !
• 21 prises de parole de la salle,
17 interventions des experts,
pas de polémique.
• 2 propositions d’action.
Aussi a-t-on parlé de modèle
économique, de ressources
publicitaires, des facteurs matériels
qui déterminent le degré de la
liberté de la presse, de la crédibilité
de l’information. Plusieurs l’ont dit :
« Combien d’entreprises de presse
sont-elles des entreprises ?
L’aide aux médias est nécessaire
pour assurer l’existence des entreprises
de presse. La capacité des entreprises
à exister influe sur la qualité des
contenus ».
Willy Kaputa, gérant d’Immar en
RDC, a posé son point d’orgue :
« La presse devrait se remettre en
cause, définir pour qui elle travaille
réellement. Un système d’aides,
serait-il au bénéfice du public, des
entreprises, des journalistes, ou bien
des intérêts des promoteurs de
l’aide ? Beaucoup de médias ne sont
pas dirigés par des professionnels.
Les contenus en rapport avec les
questions fondamentales de notre
pays, intéressent-ils les éditeurs,
les journalistes, les publics ? Il faut
regarder ces situations et regarder
les journalistes à leur éclairage » •
Edition Spéciale: Journaliste en Danger
avec le soutien de
MONUSCO
A quoi sert un débat ?
Se poser des questions encore. Douter toujours. Ce qui n’empêche pas d’avoir quelques certitudes ou principes
ancrés en soi. La preuve avec ce débat. Il en est sorti quelque chose. Certes, on en est au stade de la parole, mais il
nous revient, à nous tous, participants, de faire vivre les idées jusqu’à leur réalisation.
« A quoi sert un journaliste ? » interrogeait ce
premier débat, avec quelque ironie. La rencontre
au Cercle de Kinshasa a démontré que la question
n’était pas si sotte. Mais on peut aussi légitimement
se demander : « A quoi sert un débat sur la
question ? » Peut-on y répondre et faire avancer
une cause en échangeant des points de vue ?
Combien de rencontres dans le monde, ce jour-là,
pour combien d’actions concrètes dans la foulée ?
Vous êtes d’ailleurs plusieurs à vous être exprimés
sur cette crainte, sur l’air de : « On a passé un bon
moment, c’était instructif, on rentre chez nous et
on oublie tout ? »
D’abord, observons que parler à son voisin
concerné par les mêmes préoccupations que soi,
c’est mieux que de ne pas se parler. Surtout, des
choses ont été dites, et pas seulement par les cinq
experts réunis pour l’occasion, mais aussi par les
invités de la salle, experts eux aussi (lire en pages
3 et 4). Formaliser une idée devant un public, faire
avancer une réflexion peut déboucher sur un
projet. A commencer par ceux évoqués ce samedi
De la parole aux actes
après-midi de mai : une instance congolaise qui
défendrait la liberté de la presse et protégerait
aussi des abus des journalistes, ou encore la tenue
d’Etats généraux de la presse. Lire ci-dessous, dans
cette page
Notons enfin qu’un ancien ministre des médias,
présent à ce débat, et l’actuel ministre titulaire du
portefeuille, dans un autre lieu, se prononçaient
pour la même chose, au même moment: la
dépénalisation des délits de presse. Peut-être un
signe. Un premier pas en tous cas. •
Denis Faroud, Chef média Fondation Hirondelle RDC.
La rencontre a produit deux propositions, qu’il s’agit de porter à réalité.
Proposition de la tribune
Par la voie de Tshivis Tshivuadi, JED a avancé une
proposition autour de la question de la viabilité des
médias. Avec un objectif : comment les
médias peuvent-ils être des acteurs de développement ?
Pour toutes les questions de la profession (accès
à l’information et pratiques de la profession, par
exemple), il faut un interlocuteur pour les pouvoirs
publics. JED invite à imaginer une « structure
fédératrice des organes médiatiques et des acteurs
de la société. Elle jouerait le rôle d’un comité de
pilotage de la liberté de la presse, en pensant des
réponses économiques, déontologiques,
juridiques… »
Proposition de la salle
« Nous ne sommes qu’à Kinshasa », a remarqué
Modeste Shabani, Président du Conseil
d’Administration de la FRPC. Il souhaite que
puissent-être organisés des Etats généraux de la
presse, débouchant sur des propositions
concrètes. Il a aussi appelé à la refonte législative,
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« avec la prise en compte des radios
associatives et communautaires ».
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Salle et tribune : propos experts
Sélection de prises de paroles, venues de la salle comme de la tribune, dans un mouvement d’expertises partagées.
« Etre capable, au-delà de l’éthique, de la
déontologie et des contextes, de collecter,
traiter et diffuser de l’information ».
Espérance Bayedila, docteur en communication.
« Analyser, comprendre les faits, avec une
fonction missionnaire pour contribuer au
bien-être collectif. Avançons, cherchons les
remèdes pour notre profession malade ».
Didier Mumengi, ancien ministre de
l’Information.
« Nous sommes des employeurs de presse,
nous recrutons. Les critères ? Répondre aux
attentes du public ou bien ne satisfaire qu’à la
déontologie ? C’est selon les situations
rencontrées que l’on peut dire ».
« Aujourd’hui, un journaliste ne sert à rien, car ce
qu’il fait est fait par tout le monde : blogs, sites,
webradio, etc. Le métier est dilué dans un espace où
il n’a pas de place. Dans notre pays, il n’a pas
d’espace de droit. »
« Les journalistes existent, en dépit des difficultés
de la profession ».
« Comme pour toute profession, ce sont les acteurs
qui doivent porter la nôtre vers l’excellence.
A l’image de notre pays, la profession de
journaliste n’est pas dans l’excellence ».
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avec le soutien de
MONUSCO
« Il y a une nouvelle réalité dans le monde : des gens
qui ne sont pas journalistes, font de l’information.
Il faut les accueillir, ne pas s’opposer à eux.
Ils peuvent aider. Le journalisme de qualité aura
toujours sa place ».
« La liberté de la presse n’est pas combattue par le
pouvoir. Mais le pouvoir préfère utiliser des
professionnels qui n’en sont pas pour faire passer
ses messages. »
« Le métier manque de repères. Nous manquons de
références. Ceux qui ont exercé avant nous ne nous
ont peut-être pas présenté leur meilleur côté.
L’enseignement n’a pas été adapté aux évolutions
de la société. Il faudrait aussi encourager les
initiatives venant des journalistes eux-mêmes ».
Evénementiel produit par Hirondelle Communication, service
spécialisé de la Fondation Hirondelle. Hirondelle Débat associe
dans un environnement convivial, des experts et un public
concerné autour d’un thème, avec des partenaires.
L’événement est porté par une communication dédiée, des
vidéos et photos en prolongent l’impact sur les réseaux. Cette
première édition a été rendue possible grâce à l’Unesco, la
Monusco et JED
MONUSCO
Directrice :
Virginie Ebner ([email protected] +243 817 150 098)
Chef Média :
Denis Faroud ([email protected] +243 817 007 493)
Illustrations de Dorothée Clette, réalisées au cours des échanges.
Elle a offert ses croquis à la Fondation Hirondelle, en hommage à la
qualité du débat.
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