Métropolisation, cohésion et performances : quels futurs pour nos

Métropolisation, cohésion et performances : quels futurs pour nos
territoires
http://asrdlf2014.org/
UNE PERSPECTIVE
INSTITUTIONNELLE SUR LA
DYNAMIQUE DES MARQUES
TERRITORIALES DANS LA
FILIÈRE VIN – L'EXEMPLE DU
CHAMPAGNE
Dr. DITTER Jean-Guillaume
Groupe ESC Dijon Bourgogne
29 rue Sambin - BP 50608 – F-21006 DIJON Cedex
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Résumé
Cette communication, qui se situe au croisement de plusieurs disciplines - théorie institutionnelle, économie
régionale et marketing – a pour but d'analyser un processus complexe, la création et l'évolution d'une marque
territoriale, à partir de l'exemple du champagne. Notre point de départ est que le succès d’une marque territoriale
se base sur l'existence d'un cadre institutionnel cohérent, qui va régir les interactions entre acteurs locaux dans le
cadre de démarches collectives. Ce cadre institutionnel est par ailleurs lui-même l’aboutissement d’un long
processus de confrontation/coopération entre les acteurs économiques bénéficiaires de la marque. Nous nous
intéressons au cas particulier du vignoble champenois pour mettre en évidence des changements de perception
des vignerons et négociants locaux vis-à-vis de la marque territoriale « champagne » en fonction de leur classe
générationnelle, qui peut aller jusqu'à la remise en cause du système qui la fonde. On commence par présenter le
cadre de la théorie institutionnelle avant de s'intéresser à l'évolution du vignoble champenois et de la marque
territoriale champagne. Pour finir, on présente les premiers résultats de notre recherche, fondée sur des focus
groups et entretiens individuels.
Mots-clés
Institutions, coopétition, marque territoriale, champagne
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1. Introduction
Cette communication, qui se situe au croisement de plusieurs disciplines - économie institutionnelle, économie
régionale et marketing – a pour but d'analyser un processus complexe, la création et l'évolution d'une marque
territoriale, à partir de l'exemple du champagne. Notre point de départ est que le succès d’une marque territoriale
se base sur l'existence d'un cadre institutionnel cohérent, qui va régir les interactions entre acteurs locaux dans le
cadre de démarches collectives. Ce cadre institutionnel est par ailleurs lui-même l’aboutissement d’un long
processus de confrontation/coopération entre les acteurs économiques bénéficiaires de la marque.
Cette simple observation nous amène à considérer la marque territoriale comme un outil marketing évolutif dans
le temps car le cadre institutionnel sur lequel se fonde son succès n'est pas figé. En l’espèce, une construction
institutionnelle reflète une période donnée, fournissant des solutions à des problèmes passés. Or ces solutions ne
correspondent pas nécessairement à la situation présente ; ils peuvent devenir des contraintes plus que des
avancées pour les agents locaux. Nous retrouvons ici l’une des raisons du changement institutionnel. Tout l’enjeu
est alors de mesurer les différentes pressions qui peuvent le remettre en cause. Considérant cette possibilité, on
se demande comment une marque territoriale peut évoluer en fonction de l’évolution du dispositif institutionnel qui
la sous-tend. La remise en cause de ce dernier peut-elle en particulier être considérée comme une menace pour
la gestion de la marque ?
Pour répondre à cette question, nous nous intéressons au cas particulier du vignoble champenois : notre papier
met en évidence des changements de perception des vignerons et négociants locaux vis-à-vis de la marque
territoriale « champagne » en fonction de leur classe générationnelle, qui peut aller jusqu'à la remise en cause du
système qui la fonde. Notre hypothèse est que le changement générationnel peut perturber le bon fonctionnement
du cadre institutionnel et in fine celui de la marque. On commence par présenter le cadre de la théorie
institutionnelle avant de s'intéresser à l'évolution du vignoble champenois et de la marque territoriale champagne.
Pour finir, on présente les premiers résultats de notre recherche, fondée sur des focus groups et entretiens
individuels.
2. Institutions et marque territoriale
2.1. Institutions et changement institutionnel
On regroupe sous le terme d'approche institutionnelle un ensemble diversifié d'écoles de pensée au croisement de
l'économie, de la sociologie ou de l'histoire, dont le point commun est de s'intéresser aux institutions et à leur impact
sur les comportements et la coordination des agents économiques. Trouvant ses origines dans les travaux de
Weber et Durkheim (Scott, 1995), son développement est porté par un auteur majeur, Commons (1950), qui
distingue les « transactions », interactions par lesquelles deux ou plusieurs individus s'échangent des droits de
propriété et les « institutions », actions collectives qui contrôlent les actions individuelles. Un de ses apports est de
différencier institutions informelles (la coutume) et institutions formelles, ces dernières étant pour lui des
organisations, telles que l'État, les entreprises ou les syndicats.
North (1990, 2005) définit les institutions comme « les règles formelles ou des contraintes informelles et leurs
modes de mise en œuvre qui encadrent et régulent les comportements des acteurs économiques » et ont pour
objet de simplifier les interactions entre les acteurs en limitant les possibilités d'interprétation et de confusion. Il
différencie clairement les institutions, les règles du jeu, des organisations, qui en sont les « joueurs ». Il identifie
des institutions informelles implicites ou tacites, qui sont des normes sociales, conventions, habitudes personnelles,
ou encore routines organisationnelles. Dans les sociétés complexes, les institutions informelles sont complétées
par des institutions formelles, qui sont explicites et se présentent sous forme de constitutions, lois, règlements,
codes, dont la fonction principale est de coordonner et standardiser les interactions entre les acteurs au sein d'une
société.
Les modes de mise en œuvre sont essentiellement la crainte de l'exclusion, en ce qui concerne les institutions
informelles, et la contrainte publique pour ce qui est des institutions formelles (Didry et Vincensini, 2010). Scott
(1995) distingue pour sa part trois modes opérationnels de fonctionnement des institutions. Les institutions
coercitives sont définies comme un ensemble de règles et un système de sanctions qui contraignent le
comportement des acteurs. Les institutions normatives guident celui-ci en définissant ce qui est attendu et/ou
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approprié selon les circonstances. Enfin, les institutions culturelles se composent d'un ensemble d'habitudes de
pensée et de raisonnements auxquels sont associés des types de comportements.
Les comportements individuels des acteurs économiques sont en conséquence guidés à des degrés plus ou moins
importants par les institutions qui les entourent, l'action économique s'inscrivant dans un contexte social. Les
organisations doivent arbitrer entre recherche de l'efficacité et respect des règles du jeu. La légitimité, en tant que
conformation aux normes d'un système donné, est de fait au cœur de la relation établie entre institutions et les
organisations. Une organisation va construire sa légitimité en se conformant strictement aux normes définies par
son environnement institutionnel, selon un phénomène de mimétisme. Elle peut aussi chercher à influencer son
environnement et participer à la production de normes.
Un questionnement central de l'approche institutionnelle est d'ailleurs celui de la dynamique des institutions, à
savoir les conditions dans lesquels elles émergent, se pérennisent et se transforment (Thelen, 2005). Les
institutions génèrent en effet chez les acteurs économiques des comportements tendant à les reproduire et
renforcer selon un phénomène de « cristallisation » pour aboutir à la constitution d'une « matrice institutionnelle »,
ensemble d'institutions propres à un territoire et une époque donnés. Toutefois, si les institutions s'imposent en
effet aux acteurs économiques en tant que « règles du jeu », sont elles-mêmes un produit des comportements et
stratégies desdits acteurs, ainsi que des compromis auxquels ils aboutissent dans leurs interactions North (1990).
Le comportement des agents économiques et leurs interactions sont contraints par les institutions existantes,
produit cumulatif et historique des comportements et changements passés, tout en contribuant à les transformer
de façon plus ou moins intentionnelle.
Boxenbaum (2004) identifie deux origines possibles du changement institutionnel, qui peut être dû à une pression
extérieure au système, ou bien provenir de l'action des acteurs eux-mêmes, en fonction de leurs intérêts et pouvoir
d'influence, ou bien de la transformation des schémas mentaux. Les organisations ne sont donc pas uniquement
contraintes par leur environnement institutionnel, mais exercent également des pressions sur celui-ci, qui constitue
de ce fait un espace d'actions pour les organisations, pouvant aller jusqu'à la modification des règles du jeu
(Chabaud et al., 2005). La perspective de Williamson, selon qui la sélection des institutions vise à maximiser
l'efficience du système, est nuancée par North qui la considère comme une résultante des rapports de force entre
les acteurs. Ceux-ci vont donc chercher à favoriser les institutions qui leur permettent en particulier de satisfaire
leur intérêt individuel, y compris aux dépens de la performance globale du système (Didry et Vincensini, 2010). Ce
changement sera graduel, les institutions informelles évoluant plus lentement que les institutions formelles, et
contraint par la matrice institutionnelle d'origine.
Les acteurs susceptibles d'influencer les dites règles sont qualifiés d'entrepreneurs institutionnels (Bourcieu, 2001).
Ce sont des acteurs qui créent des normes, des modèles, des valeurs et comportements en cohérence avec leur
identité et intérêts, qu'ils établissent comme standard et légitime vis-à-vis des autres. Leur caractéristique principale
tient à leur capacité à tisser de nouveaux liens répondant à la défense et la promotion de leurs intérêts propres en
contribuant à former une nouvelle configuration du réseau dans lequel ils opèrent (Boyer et al., 2007).
2.2. La notion de marque territoriale
Une marque est "un « signe » permettant de distinguer précisément les produits ou prestations de services d'une
entreprise de ceux de ses concurrents" (définition INSEE), de façon à créer une rente. Si une marque donnée
appartient généralement à une seule entreprise, il existe des marques collectives, utilisées conjointement par
plusieurs d'entre elles, qui les dotent d'une notoriété et d'une image communes dans l'esprit du consommateur.
Parmi celles-ci, la notion émergente de marque « territoriale » se rapporte à un produit lié de façon indissoluble à
un lieu particulier en raison de caractéristiques propres qui ne peuvent être répliquées hors du territoire considéré
(Charters et al., 2011)1.
D’un point de vue marketing, une marque territoriale est une entité structurée complexe qui, au-delà d'une origine
définie et généralement partagée, présente trois aspects majeurs (Menival, Charters, 2013).

Tout d'abord, elle suppose des relations de coopétition (Nalebuff et Brandenburger, 1997), ce qui signifie
l'existence combinée de relations de concurrence et de coopération entre acteurs d'un secteur spécifique sur
Nous n'utilisons pas dans ce papier la notion de marque territoriale selon sa définition habituelle d'outil de valorisation d'un
territoire par ses acteurs.
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un territoire donné. Cela les amène à partager une vision et comprendre une culture, une histoire et une
mythologie (Zineldin 2004; Gnyawali, He et al 2008). Ce point est fondamental si les demandes et les attentes
individuelles doivent être englobées dans le bien commun. Ces dynamiques de coopétition sont déjà
appliquées par certains auteurs à l'analyse des dynamiques dans les vignobles français (Cusin et al., 2014).

Ensuite, il doit y avoir un gestionnaire de la marque territoriale, qui peut catalyser les activités de marketing et
de promotion individuelles pour éviter les décisions dommageables à la marque territoriale (Charters, Mitchell
& Menival, 2011). Ce gestionnaire de marque peut avoir le pouvoir de réglementer la production afin de
maintenir un niveau commun de qualité. Il propose un lieu de discussion afin de renforcer la coopétition et il
défend la position de tous les acteurs de la garantie d'une image collective.

Pour finir, cette marque doit ajouter une valeur perceptible par les consommateurs, en termes de qualité et/ou
de typicité. Ainsi, les consommateurs français qui achètent du camembert savent qu'ils vont obtenir un bien
qui est produit selon les normes contrôlées, avec un style cohérent et un nom reconnu, et donc généralement
acceptable par tous.
L'existence d'une marque territoriale est un processus complexe résultant de la valorisation individuelle et collective
par une multiplicité d'acteurs locaux (insiders) de ressources naturelles (sol, climat) et construites (historiques,
culturelles et sociales) propres à un territoire donné (Hervás-Oliver et Albors-Garrigós, 2007). La valorisation de
ces ressources difficilement transférables ou imitables permet aux insiders de se différencier de leurs concurrents
potentiels (outsiders) en envoyant au consommateur un signal de « qualité différenciée » (Corade et Delhomme,
2008). La marque territoriale est donc le produit de stratégies individuelles et collectives encadrées par une matrice
institutionnelle qui régit les relations entre acteurs.
Dans la filière vin, les marques territoriales sont par exemple généralement représentées par des labels, dont les
appellations d'origine contrôlée – institutions formelles qui se présentent comme un ensemble de normes et
réglementations contribuant à protéger de la concurrence un produit ancré territorialement en délimitant le territoire
et les conditions de la production par l'imposition d'un cahier des charges contraignant – ne sont qu'une forme
parmi d'autres. Les AOC s’appuient par ailleurs sur des valeurs et pratiques développées dans la durées, donc des
institutions de nature plus informelles, et s’appuient sur des mécanismes de gouvernance territoriale spécifiques,
ayant pour objet de faciliter la coopération entre acteurs et le respect des règles communes (Corade et al., 2012).
Le cadre de l'économie institutionnelle est particulièrement pertinent lorsqu'on cherche à comprendre le succès
d'une marque territoriale. Un territoire peut en effet être analysé comme un ensemble d'institutions ayant cours sur
un espace géographique donné, qui lui donnent son identité et facilitent les interactions entre agents. Il est un
système d'acteurs partageant un système d’institutions formelles et informelles commun (Ditter et Brouard, 2013).
La constitution d'une marque territoriale suppose donc le respect de ces normes, routines, en bref d'un ensemble
d'institutions formelles et informelles acceptées par tous. Le manager de la marque est pour sa part un producteur
de règles, qui contraint les autres acteurs.
Ces institutions résultent de compromis entre les acteurs, et sont acceptées par ceux-ci dans la mesure où elles
contribuent à la création d’une valeur ajoutée. Elles sont donc susceptibles d'être remises en cause si cette valeur
ajoutée est perçue comme insuffisante par certains acteurs susceptibles d’exercer une pression réelle sur leur
environnement institutionnel.
3. Objet de la recherche: la filière vitivinicole champenoise
Charters et al. (2013) relèvent que les producteurs et négociants champenois sont parvenus à combiner une
approche individualiste à une perspective collectiviste résultant de l’existence d’une marque territoriale forte. Les
Grandes Maisons de Champagne (Moët, Taittinger, Veuve Cliquot) cherchant à mettre en œuvre une stratégie de
qualité vont imposer aux vignerons l’idée d’une spécificité du Champagne fondée sur l’origine géographique du
raisin, sur la base d'une AOC (Barrère, 2003). Elles mettent à profit la grande crise de 1910 pour questionner le
modèle de développement antérieur, entaché de fraudes par des négociants faisant appel à une matière première
importée, pour mettre à profit leurs avantages spécifiques (capacité à innover, possibilité de produire un vin de
qualité, connaissance des marchés extérieurs).
Au début du vingtième siècle, les relations entre les vignerons et négociants de champagne se limitent à l’achat de
raisin en fonction des besoins. Ce contact limité entraîne une méfiance réciproque des deux professions,
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entretenant des relations plutôt conflictuelles. Cette méfiance connaît son apogée au début du XXe siècle. Ainsi,
après les faibles récoltes de 1910, dues à la crise phylloxérique et des conditions climatiques désastreuses, des
révoltes vigneronnes éclatent à l’encontre des négociants soupçonnés d’acheter du vin en dehors de la zone
champagne. C’est paradoxalement à partir de ce conflit ouvert que les professions développent une première
coopération. Ainsi, deux phases successives peuvent être relevées à l’époque (Barrère, 2003, 163) : une phase
d’affrontement tendu entre les professions et une phase de concertation.
La phase d’affrontement découle principalement de la grande pauvreté des vignerons. Même si les vins de
Champagne développent une grande notoriété au cours des siècles, les gains engendrés ne profitent pas à ces
derniers. A la veille de la Révolution française, alors que le succès est au rendez-vous, la situation est désastreuse
dans les vignobles où la pauvreté et la famine sont de mise [Clause, 1988, 19]. La situation s’améliore quelque peu
durant le XIXe siècle, les vignerons ayant accès à la propriété. Cependant, elle reste très instable, les revenus
dépendant complètement des aléas climatiques, ainsi que des ventes réalisées par les négociants. Cette instabilité
est réduite pour un temps.
Après 1850, « l’essor du vin de Champagne et la technique quasi industrielle de sa préparation sont devenus tels
que les négociants achètent, sans trop de difficultés, un vin qu’ils savent traiter » (ibid., 28). Puis, elle réapparaît
avec la crise du phylloxera qui, paradoxalement, entraîne une surproduction en Champagne, à partir de 1885. En
l’espèce, alors que les surfaces de production ne cessent de se réduire, le prix du kilo de raisin chute, des
négociants s’approvisionnant dans d’autres régions (Anjou, Midi) pour élaborer leur vin. Cette situation entraîne
des révoltes vigneronnes d’abord dans la Marne, puis dans l’Aube et de nouveau dans la Marne où, en avril 1911,
l’armée charge les vignerons.
La phase de coopération est engagée peu de temps après l’intervention de l’armée, tant les négociants que les
vignerons ayant tout à perdre. Le premier objectif a été de définir le contenu de l’appellation champagne. Dans ce
sens, la fédération des Syndicats de la Champagne et le Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (SCVC)
présentent des revendications communes. Pendant cette phase de coopération chacun trouve un intérêt à définir
une délimitation géographique viticole. D’un côté, les vignerons champenois veulent devenir les fournisseurs
exclusifs des négociants champenois, afin de garantir la stabilité du prix du kilo de raisin et donc leur revenu. D’un
autre côté, les négociants cherchent à stabiliser la qualité du raisin afin de garantir une adéquation entre la qualité
intrinsèque et l’image de qualité de leur vin. Ce besoin de coopération est réaffirmé en 1932, suite à la fermeture
de marchés extérieurs. Cette mévente fait gonfler les stocks de vins et entraîne un effondrement du prix du raisin.
Cela amène à institutionnaliser les relations interprofessionnelles. Ainsi, lors du décret-loi de 1935, la commission
spéciale de la Champagne délimitée (commission de Châlons) est créée afin de garantir les intérêts de chacun.
On retrouve ici les bases de ce qui devient le CIVC (Comité Champagne) crée en 1941 (Lagauche, 1970). Le CIVC
devient alors matrice organisationnelle qui cristallise les relations interprofessionnelles champenoises. En
l’occurrence, le CIVC est aujourd’hui le lieu de rencontre entre négociants et récoltants pour toutes négociations
concernant le fonctionnement de la filière. Chacune de ces décisions devient force de loi à l’ensemble des acteurs
de la filière viticole champenoise. En cela, il se présente comme le gestionnaire d’une marque territoriale
« Champagne » (Charters et al., 2013).
En premier lieu, les acteurs de champagne ont développé une forme de coopétition sous couvert des syndicats
des maisons et des producteurs. Ensuite, le CIVC gère la marque « champagne » en collaboration avec les
syndicats. Il commercialise le produit, effectue des recherches et du développement dans la production, protège
sa propriété intellectuelle, sert de médiateur entre les parties en conflit de l'entreprise (régional), et a la
responsabilité du contrôle de la qualité. D'autre part, il est également utilisé comme moyen de contrôler
l'écoulement du vin sur le marché, en réponse à la demande, afin d’éviter les excédents. En outre, il gère une
promotion collective et contrôle en partie la commercialisation individuelle. Enfin, le nom «Champagne» donne de
la valeur à la fois pour les producteurs et les consommateurs par l'identification du produit.
Cette organisation collective explique en grande partie le succès international de la marque champagne (Barrère,
2003, 2007). Les exigences liées à l'origine du raisin et celles liées à la qualité de la viticulture sont combinées
dans une logique de jeu à somme positive : la stratégie AOC permet en effet aux producteurs et négociants les
moins importants de bénéficier de l’effet d’entraînement et de réputation créé par la perception de qualité attribuée
aux grandes marques, en particulier sur les marchés internationaux. Les vignerons se situent quant à eux en
situation de monopole d’approvisionnement. La question est maintenant de savoir si cette coordination peut être
maintenue dans le temps. La matrice organisationnelle au sein de la filière résulte compromis souvent fragiles et
5
sans cesse renouvelés. Considérant les comportements actuels des acteurs du vignoble, il est possible que les
institutions garantissant le fonctionnement collectif de la marque territoriale ne puissent pas perdurer.
4. Méthodologie et premiers résultats de la recherche
4.1. Méthode d'investigation
Notre connaissance sur l’évolution des producteurs champenois implique une connaissance approfondie de leur
perception du dispositif institutionnel qui les régie et de leurs perspectives d’évolution. Face à cet enjeu, nous avons
décidé d’adopter une série d’études qualitatives qui reste la meilleure méthode d’investigation dans le cadre d’une
étude exploratoire (Calder, 1977). Notre première démarche a consisté à mettre en œuvre deux focus groups de
6 vignerons chacun. L’objectif étant de mesurer l’éventuelle évolution des producteurs vis-à-vis de leur
environnement institutionnel, ces deux groupes ont été construits en fonction de l’âge des interviewés, l’un
regroupant une classe d’âge allant de 35 à 43 ans et l’autre de 46 à 52 ans. Ces groupes ont étaient mis dans
deux pièces séparées. Chacun d’entre eux ont mené des échanges concernant la thématique suivante : « Qu’estce que font les jeunes différemment. Sur quels points pensent-ils différemment ? ». Les échanges, d’une durée
d’une ½ heures, ont été enregistrés puis retranscrits et analysés de manière contextuelle.
Les résultats alors obtenus nous ont permis de mettre en œuvre une deuxième démarche à partir d'onze interviews
individuelles. Menées sur le principe des catégories établies lors des focus groups, nous avons interrogé trois
producteurs récemment retraités (1 propriétaire terrien, 1 petit négociant et 1 responsable d’une grande maison),
quatre en activité depuis au moins 10 ans (1 propriétaire terrien, 2 petits négociants, 1 grand négociant) et quatre
nouveaux arrivants (2 vignerons, deux négociants). Les interviews ont été menées à l'aide un guide d’entretien
semi-directif constitué de quatre thématiques :
1.
2.
3.
4.
Comment percevez-vous le vigneron champenois ?
Comment percevez-vous le négociant champenois ?
Comment percevez-vous votre syndicat ?
Comment percevez-vous l’interprofession ?
Chaque interview a duré une heure puis a été retranscrite sur la base d’enregistrements. L’analyse des résultats
est de nature contextuelle.
4.2. Résultats
4.2.1.
Les focus groups
Les focus groups nous ont permis de soulever l’existence d’un changement de perceptives selon les différentes
générations de vignerons mais pas comme nous l'avions supposé au départ. En l’espèce, la différence se situe
moins dans l’âge que la date d’activité des vignerons. Il est ainsi ressorti trois catégories d’acteurs : ceux qui sont
à la fin de leur activité, ceux qui sont en place et ceux qui arrivent. La première catégorie reste très attachée aux
valeurs collectives qui constituent la marque territoriale champenoise mais considèrent que ceux qui viennent
prendre leur place ne la respectent pas. Pour eux, le cœur du métier des vignerons champenois est la culture de
la vigne, la commercialisation étant l’apanage des négociants.
La deuxième catégorie donne également une importance à l’existence de l’interprofession et d’un système collectif
mais considèrent qu’elle ne reflète pas parfaitement l’évolution du vigneron qui se voit partagé entre plusieurs
métiers : la culture de la vigne, la transformation du raisin et la vente du vin. Les négociants et surtout les grandes
maisons n’en restent pas moins des éléments fondamentaux, garantissant la notoriété de tous, en tant que
« locomotives ». Les individus de cette deuxième catégorie s’inquiètent de la montée individualiste des nouveaux
arrivants.
La troisième catégorie de vignerons est plutôt en désaccord avec le système collectif qu’ils pensent être trop proche
des intérêts du négoce par rapport à ceux des vignerons. Ils considèrent que leur syndicat ne reflète plus leurs
intérêts et que les règles édictées sont plus une lourdeur administrative qu’un atout pour leur activité, notamment
concernant les droits de succession. La rentabilité de leur activité prime sur le reste même s’ils sont conscients de
l’importance de l’image collective « Champagne ». Pour eux, l’activité première du vigneron est la vente, que cela
soit le kilo de raisin ou le champagne, la transformation du raisin en vin et la culture de la vigne étant plutôt vécues
comme des contraintes, facilement externalisables à leur yeux.
6
4.2.2.
Les interviews individuelles
Les interviews individuelles ont globalement confirmé les profondes différences relevées lors des focus groups,
que cela soit pour les vignerons mais aussi pour les négociants. Nous pouvons ainsi regrouper nos résultats selon
trois catégories d’acteurs : les "cristallisés", les "révoltés" et les "belliqueux".
Les cristallisés
Ce groupe est constitué des trois acteurs nouvellement retraités. Il est intéressant de soulever la forte concordance
de leurs perceptions, qu’ils soient vignerons ou négociants. Pour les interviewés nommés « cristallisés », le
construit institutionnel est pleinement efficient. Quels que soient les éléments abordés, il est fait allusion à ce qui
se faisait avant. Ainsi, l’interprofession est vue comme un construit améliorant la situation des acteurs.
« L’interprofession est essentielle pour tous, il y a beaucoup de sagesse pour un intérêt collectif. Pour comprendre
cela, il faut se souvenir des comportements individualistes qui existaient avant »
De fait, le rôle des familles d’acteur est clairement défini. D’un côté, les vignerons travaillent la vigne : « Le vigneron
champenois est celui respect du travail des générations d’avant, qui respect la terre et le climat quand il est dans
les vignes ». D’un autre côté, les négociants sont ceux qui poussent le champagne en avant grâce à leur marque
commerciale : « Le champagne est la marque générique. Elle doit être perpétuellement renforcée par le travail des
négociants pour pouvoir se démarquer des autres vins ». De la même façon, ils mettent en avant l’importance des
syndicats professionnels qui émettent une seules voix au sein du CIVC malgré la diversité qui existe au sein des
deux grandes familles.
Les révoltés
Ce groupe est constitué des quatre acteurs en activité depuis au moins 10 ans. Ce groupe, quelle que soit son
appartenance professionnelle, présente une certaine rupture en ayant un double discours. En premier lieu, ils
tiennent des propos similaires à ceux relevés au sein des « cristallisés », à savoir l’importance de l’interprofession,
du rôle d’unification des syndicats professionnels. Toutefois, ces propos sont régulièrement tempérés par le
sentiment de règles subies : « Nous n’avons pas le choix. C’est un système dans lequel il n’y a pas de place pour
les égoïstes ». Plus encore, il apparaît une certaine méfiance de ces règles qui proviennent du passé : « Je crois
que ce sont des règles de savoir vivre. Et comme toutes ces règles, je crois qu’il faut s’en méfier. Ce n’est pas
parce que l’on a toujours fait comme cela qu’il faut continuer à le faire ».
Par ailleurs, il apparaît une certaine confusion des rôles des deux grandes familles, la délimitation des métiers étant
remise en cause : « Cela change entre les parents et nous. Je pense que tout cela est amené à disparaître : cette
mentalité du vigneron qui va dans ses vignes et qui va dans ses vignes parce qu’il les aime ». Pour ces interviewés,
un vigneron est concerné par l’ensemble du processus de production, allant de la vigne à la vente : « Vous avez
encore des vignerons qui vont dans leurs vignes. Mais vous avez aussi une évolution pour certains qui décident
de faire leur vin. Mais ce n’est pas tout de le faire, il faut aussi le vendre. Donc on prend un ouvrier dans la vigne,
on va faire les salons le week-end, on va coller les étiquettes. Faire toute la recherche marketing etc. Les trois
niveaux de l’industrie ».
De même, une distinction est faite au sein même des négociants, différence qui entraîne une perception
radicalement différente des règles collectives : « Il y a les grosses sociétés de négoce, par exemple, qui sont cotées
en bourse, les gens qui sont à la tête de ces sociétés-là ne s’embêtent pas je pense avec les pratiques et les us et
coutumes il y a peut-être une deuxième catégorie de maisons, les maisons qui sont plus familiales comme les
nôtres, où il y a plus, effectivement, une culture liée au monde du champagne ».
Finalement, leur activité peut fonctionner sans l’aide des syndicats professionnel et de l’interprofession. Ainsi un
des négociants explique qu’il ne « pense pas qu’il y ait de travail en commun de la part des maisons. Les maisons
savent suffisamment bien faire elles même leur communication Je ne suis pas sûr qu’on arrive à trouver une
communication commune pour l’ensemble des adhérents à l’UMC ». De même, l’un des vignerons explique sa
différence : « Moi, mes parents ont toujours été sous contrat et puis moi j’ai dit non, mais je veux être libre. »
Les belliqueux
On retrouve ici les quatre nouveaux arrivants au sein de la filière viticole champenoise. La particularité de ce groupe
est sa forte hétérogénéité. Il n’y a pas de cohérence d’ensemble entre les deux familles d’acteurs, ni même à
7
l’intérieur de chaque famille. Leur seul point commun se trouve dans leur position plutôt individualiste et leur
perception négative de ceux de leur propre groupe et de ceux de l’autre groupe. En l’occurrence, un des vignerons
résume assez bien la situation : « Les grandes familles n’ont plus de cohérence. Je crois que des vrais récoltants
manipulant, il ne doit pas y en avoir beaucoup en Champagne, c’est peut-être de l’ordre de 15 ou 20%. (…) De
même les négociants d’aujourd’hui sont des personnes qui sont arrivées à leur poste par compétence, pas par leur
historique. Et ils sont diligentés, mis à leur poste, par un groupe. Et il leur faut amener un maximum de résultat. Un
maximum de profits, de dynamisme, quel que soit le dégât que cela peut faire. »
L’autre vigneron explique quant à lui que « le champagne s’est construit autour du produit et maintenant on a
basculé gentiment vers une organisation en termes de distribution, de marketing ». Finalement, les acteurs pensent
avant tout à leur propre situation et voit l’interprofession comme un terrain d’affrontement et non pas de conciliation :
« C’est un jeu entre le négoce et le vignoble, avec un pouvoir qui bascule de l’un à l’autre en fonction des cycles ».
L’idée d’une seule voix commune à la champagne ne serait plus qu’une simple apparence sans fondement réels :
« Ce qui est essentiel, c’est qu’on fasse croire qu’on parle tous de la même voix ».
5. Conclusion
À l’issue de cette première étape de notre recherche, on montre qu’au sein du vignoble champenois, les différences
de perceptions entre acteurs locaux vis-à-vis du cadre institutionnel qui les régit, ne tiennent pas tant à leur nature
– vigneron ou négociant – ou à leur âge qu’à leur date d’entrée en activité. Les plus anciens se sentent parfaitement
à l’aise avec le système tel qu’il existe, dont ils perçoivent les avantages individuels. La seconde génération, tout
en contestant certains aspects de ce même système, s’en sentent qui qu’il en soit partie-prenante et ne le remettent
pas en cause en tant que tel. Les plus acteurs les récents sont pour finir les plus critiques vis-à-vis du cadre
institutionnel champenois, qu’ils contestent radicalement.
À ce stade, les tensions perçues entre les acteurs du vignoble champenois, ne remettent pour le moment pas en
cause les compromis passés qui forment sa matrice institutionnelle. Toutefois, le groupe des « belliqueux » nous
semble former un vivier d’acteurs susceptibles de modifier les équilibres existants. Si certaines sont susceptibles
d’opter pour une des stratégies de passager clandestin, voire d’opter pour une sortie radicale du système, il est
possible que certains d’entre eux adoptent une posture d'entrepreneurs institutionnels potentiels pour le
transformer de l’intérieur.
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