La nature de la décision modifiant le montant de redevances

<ITEMDOCT> <INTITULE>
La nature de la décision modifiant le montant de redevances domaniales pour occupation du
domaine public
</INTITULE> <CORPS> <DEVLPMT>[1] L'arrêt Chambre de commerce et d'industrie du
Varréalise une unification de la compétence juridictionnelle pour la connaissance des litiges
relatifs aux produits domaniaux.
La requérante contestait les redevances domaniales qu'elle devait verser, les unes au titre
d'une autorisation d'occupation, les autres en sa qualité de concessionnaire d'ouvrages
aménagés sur le domaine public. Or, on le sait, la nature juridique des droits perçus en
contrepartie de l'occupation du domaine public, indépendamment de toute utilisation d'un
service annexe ou d'un ouvrage public déterminé, varie en considération de leur mode
d'établissement.
S'ils sont perçus en application d'un tarif établi par voie unilatérale, ils constituent des taxes
assimilées aux contributions indirectes (T. confl. 20 janv. 1945, Robin c/ Cne de Noiseau,
Lebon, p. 273 : à propos d'une autorisation de dépôt de bois sur la voirie communale ; Civ. 13
janv. et 25 févr. 1947, JCP1947.II.3914, note J. L. : à propos de la pose de canalisations ;
Cons. d'Et., sect., 20 déc. 1957, Bonnard, Lebon, p. 698 : utilisation d'une prise d'eau ; 15
mars 1978, Sté d'affichage et de publicité Noirclerc, Lebon, tables, p. 727 ; D. 1978. IR. 217,
obs. P. Delvolvé : pose de panneaux publicitaires ; 22 nov. 1985, Ville de la Courneuve, Lebon,
p. 333 ; D. 1986. IR. 147, obs. F. Llorens ; AJDA 1986.117, note Richer et Com. 17 nov. 1987,
Bull. civ. IV, n° 240 : à propos des droits de place dans les halles, foires et marchés). En
revanche, s'ils résultent d'un contrat d'occupation et non d'un tarif préétabli, ils revêtent le
caractère de redevances (Cons. d'Et. 30 juin 1939, Ville de Granville, Lebon p. 441 ; 2 mai
1969, Sté d'affichage Giraudy, Lebon, p. 238).
Le contentieux de ces dernières relève de la juridiction administrative en application de l'art. L.
84 c. dom. Et. qui lui attribue les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du
domaine public tandis que celui des taxes domaniales relève du juge judiciaire dès lors qu'elles
sont assimilées à des contributions indirectes (art. 1946-1 CGI).
Il faut cependant préciser que pour autant, les actes réglementaires qui fixent le tarif de ces
redevances relèvent du juge administratif (Cons. d'Et., ass., 22 mars 1929, Sté de
construction d'embranchements industriels, Lebon, p. 355 ; 3 févr. 1933, Synd. des pêcheurs
du Tréport, Lebon, p. 154 ; 10 févr. 1978, Min. Economie et Finances c/ Scudier, Lebon, p. 66
; 23 nov. 1984, Sté des marchés aux cuirs de la Villette, Lebon, tables, p. 612 ; 8 juill. 1985,
Huyghes-Despointes, RJF 1985/10, n° 1328).
La demande de la Chambre de commerce et d'industrie du Var était donc portée devant une
juridiction incompétente pour sa partie concernant la taxe due au titre de l'autorisation
d'occupation de terre-pleins du domaine public. Pourtant, le Conseil d'Etat se prononce
également sur ce point retenant implicitement mais nécessairement sa compétence.
Pour asseoir cette évolution de la jurisprudence, le commissaire du Gouvernement suggérait
deux voies.
Tout d'abord, il faisait valoir qu'il n'y aurait pas d'obstacles insurmontables à voir dans la
redevance versée pour la seule occupation du domaine public une redevance pour service
rendu.
Sans doute, n'entre-t-elle pas tout à fait dans le cadre de la définition des redevances de
service rendu donnée par le Conseil d'Etat pour lequel il s'agit de sommes « demandées aux
usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé ou les frais
d'établissement et d'entretien d'un service public et qui trouvent leur contrepartie directe dans
les prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage » (Cons. d'Et. 21 nov.
1958, Synd. nat. des transports aériens, Lebon, p. 572 ; D. 1959.475, concl. Chardeau, note
Trotabas ; AJDA 1958.471, note Drago ; Cons. const., Décis. n° L. 76-92, 6 oct. 1976, Rev. dr.
publ.1977.464, note Favoreu et Philip ; Cons. d'Et. 18 janv. 1985, D'Antin de Vaillac, Lebon, p.
12 ; Rev. dr. publ.1985.804, note J.-M. Auby ; 3 déc. 1986, OPHLM de Paris c/ Préfet de la
région Ile-de-France, Gaz. Pal. 1987.1.359, note F. Moderne).
Il est en effet difficile d'affirmer que la redevance domaniale est destinée à couvrir les charges,
frais d'établissement et d'entretien d'un service public. Mais dans la mesure où la mise à
disposition privative du domaine public constitue une prestation de service, rien n'interdirait de
faire évoluer une définition conçue pour les tarifs des services publics afin de l'adapter au cas
particulier du domaine public.
Le commissaire du Gouvernement envisageait, en second lieu et alternativement, que le
Conseil d'Etat veuille s'en tenir à la qualification de taxe jusque-là donnée aux redevances
domaniales établies par un acte unilatéral.
Mais, selon lui, rien n'imposait que l'on y voie des taxes assimilées aux contributions
indirectes.
On peut rappeler, en effet, que l'autorité administrative peut instaurer un prélèvement
pécuniaire à l'occasion d'un service rendu ou d'une prestation fournie aux redevables. En ce
qui les concerne, la tendance de la jurisprudence est à déterminer la compétence
juridictionnelle en fonction des caractéristiques propres de la contribution demandée. En effet,
le critère de la distinction entre contributions directes et indirectes, après avoir été celui du
mode de recouvrement (Cons. d'Et., sect., 16 mars 1945, Sté des Usines Renault, Lebon, p.
52) est maintenant celui de la nature même de la taxe (T. confl. 10 juill. 1956, Sté Bourgogne
Bois, Lebon, p. 586 ; Cons. d'Et., sect., 24 févr. 1978, req. 2653, RJF 1978.140, n° 207 : à
propos de la taxe communale sur l'électricité).
En conséquence, toute créance correspondant à une opération de puissance publique
accomplie dans le cadre de la gestion d'un service public ressortit donc à la compétence de la
juridiction administrative (Cons. d'Et., sect., 13 janv. 1961, Magnier, Lebon, p. 32 ; 27 mai
1981, Magras, Lebon, p. 241 : à propos des droits de quai à Saint-Barthélémy ; 24 juill. 1981,
Ville de Strasbourg c/ OPIC, JCP 1984.II.20317, concl. Schricke : à propos de droits établis à
l'occasion du permis de construire).
C'est en se fondant sur cette jurisprudence que le commissaire du Gouvernement pouvait
conclure qu'aucun élément ne permet d'assimiler la redevance domaniale qui résulte des
prérogatives dont dispose l'Administration dans l'exploitation de son domaine public à une
contribution indirecte.
La juridiction administrative est donc désormais compétente pour en connaître. L'arrêt laisse
cependant ouvert le débat sur la nature de la redevance d'occupation du domaine public.
Il faut simplement rappeler que l'art. R 56 c. dom. Et. dispose que « Toute redevance stipulée
au profit du Trésor doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au
concessionnaire ».
Cette disposition s'applique à toutes les redevances d'occupation domaniale qu'elles résultent
d'une autorisation unilatérale ou d'une concession (Cons. d'Et., sect., 10 févr. 1978, Min.
Economie et Finances c/ Scudier, Lebon, p. 66 ; AJDA 1978.677). Ce dernier arrêt juge que «
la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée en fonction non
seulement de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du
domaine public pour laquelle la permission est délivrée mais aussi de l'avantage spécifique que
constitue le fait d'être autorisé à jouir d'une façon privative d'une partie du domaine public ».
On peut légitimement se demander si de telles exigences sont compatibles avec la qualification
de taxe dès lors qu'il ne s'agit plus de taxes assimilées à une contribution indirecte.
Si les droits afférents à l'occupation du domaine public étaient considérés comme des
redevances de service rendu même dans le cas où ils résultent d'un tarif instauré par voie
unilatérale, il en résulterait également une unification de leur nature juridique sans qu'il y ait
lieu désormais de distinguer selon qu'ils sont perçus en application d'un tarif général pré-établi
ou d'une stipulation contractuelle. Une curiosité du droit des participations dues au titre de
l'occupation du domaine public disparaîtrait ainsi.
L'arrêt commenté ne permet pas cependant, en l'état, de tirer de telles conclusions.
</DEVLPMT></CORPS>
Mots clés :
DOMAINE PUBLIC * Domaine public maritime * Redevance domaniale * Modification *
Décision * Service des domaines * Nature * Service technique * Avis
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Recueil Dalloz © Editions Dalloz 2009