LE CABINET CYPRIEN KOFFI HOUNKANRIN

REPUBLIQUE DE CÔTE
D’IVOIRE
-------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
-------------------TRIBUNAL DE COMMERCE
D’ABIDJAN
-------------------RG N° 2153/2013
JUGEMENT
CONTRADICTOIRE du
07/03/2014
-----------------Affaire :
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 07 MARS 2014
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du sept mars deux mil quatorze tenue au siège dudit
Tribunal, à laquelle siégeaient :
Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du
Tribunal ;
Messieurs OUATTARA Lassina,
EMERUWA EDJIKEME, assesseurs ;-
DAGO
Isidore
et
Avec l’assistance de Maître DOLEGBE Léonie SELIKA,
Greffier ;
A rendu le jugement dont la teneur suit entre :
LES AYANTS-DROIT de feu
SABRAOUI ABBAS
LE CABINET CYPRIEN KOFFI
HOUNKANRIN
CONTRE
MONSIEUR NAOUFAL
NAAMAN
MADAME DIAB RITA
ANTOINE
MAITRE JULES AVLESSI
DECISION :
Contradictoire
Reçoit les ayants droit de feu
SABRAOUI ABBAS en leur action ;
Les y dit partiellement fondés ;
Constate que monsieur NAOUFAL
NAAMAN et madame DIAB RITA
ANTOINE sont déchus du droit au
renouvellement du bail ;
Dit que le bail liant les parties a pris fin
depuis le 31 Mai 2012 et que les
locataires sont depuis lors des
occupants sans droit ni titre ;
Ordonne l’expulsion subséquente de
monsieur NAOUFAL NAAMAN et de
madame DIAB RITA ANTOINE des
lieux qu’ils occupent, tant de leur
personne, de leurs biens, que de tout
occupant de leur chef ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire
de la présente décision.
Condamne les défendeurs aux dépens
-LES AYANTS DROIT de feu SABRAOUI ABBAS, à savoir :
*madame FATEN ABBAS SABRAOUI, née à Abidjan en 1968 ;
*madame SAMIA ABBAS SABRAOUI née à Abidjan en 1971 ;
*mademoiselle BATOUL ABBAS SABRAOUI née à Abidjan en
1975 ;
*madame SARAH ABBAS SABRAOUI née à TYR en 1979 ;
*monsieur MOHAMED BEN ABBAS SABRAOUI né en 1977 à
Abidjan
*monsieur IBRAHIM ABBAS SABRAOUI né en 1982 à Abidjan ;
Tous représentés par monsieur MOHAMED BEN ABBAS
Directeur de société, de nationalité libanaise domicilié à Abidjan
Marcory Résidentiel, rue des Antilopes, 30 BP 1 Abidjan 30 ;
Lesquels font élection de domicile au cabinet CYPRIEN KOFFI
HOUNKANRIN, avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y
demeurant, Boulevard de la République-Angle 2 Avenue Lamblin,
Immeuble « LE SIGNAL », 2ème étage Abidjan Plateau, 04 BP 386
Abidjan 04, téléphone : 20 22 18 73 ; fax : 20 22 18 72, constitué
aux fins de présentes et de leurs suites ;
Demandeurs comparaissant et concluant par leur conseil
susnommé ;
D’une part,
Et
MONSIEUR NAOUFAL NAAMAN, colocataire de trois portes
à usage de restaurant à l’immeuble de feu SABRAOUI ABBAS,
objet du TF 10215, rez-de-chaussée, sis à Marcory Résidentiel, Rue
de la Paix ;
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MADAME DIAB RITA ANTOINE, colocataire de trois portes à
usage de restaurant à l’immeuble de feu SABBRAOUI ABBAS,
objet du TF 10215 rez-de-chaussée, sis à Marcory Résidentiel, Rue
de la Paix ;
Ayant pour conseil maître JULES AVLESSI, avocat près la Cour
d’Appel d’Abidjan ;
Défendeurs comparaissant
susnommé ;
et
concluant
par
leur
conseil
D’autre part ;
Enrôlée le 24 décembre 2013 pour l’audience du 27 décembre
2014, l’affaire a été appelée et renvoyée au 17 janvier 2014, puis au
24 janvier 2014 à la demande des défendeurs pour tentative de
conciliation ;
Le Tribunal ayant constaté la non conciliation, a renvoyé l’affaire
au 21 février 2014 pour instruction ;
A cette date, la cause étant en état d’être jugée, elle a été mise en
délibéré pour jugement être rendu le 27 mars 2014 ;
Advenue cette date, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur
suit:
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs demandes ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 17 décembre 2013, les ayants
droit de feu SABRAOUI ABBAS à savoir : madame FATEN ABBAS
SABRAOUI, madame SAMIA ABBAS SABRAOUI, mademoiselle
BATOUL ABBAS SABRAOUI, madame SARAH ABBAS
SABRAOUI, monsieur MOHAMED BEN ABBAS SABRAOUI,
monsieur IBRAHIM ABBAS SABRAOUI ont fait servir assignation
à monsieur NAOUFAL NAAMAN et à madame DIAB RITA
ANTOINE d’avoir à comparaître devant le Tribunal de Commerce
d’Abidjan, pour entendre :
-dire que monsieur NAOUFAL NAAMAN et madame DIAB RITA
ANTOINE sont déchus du droit au renouvellement du bail ;
-dire que le bail liant les parties a pris fin depuis le 31 Mai 2012 et
que les locataires sont depuis lors des occupants sans droit ni
titre ;
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-ordonner l’expulsion subséquente de monsieur NAOUFAL
NAAMAN et à madame DIAB RITA ANTOINE des lieux qu’ils
occupent, tant de leur personne, de leurs biens, que de tout
occupant de leur chef ;
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
nonobstant toute voie de recours ;
Les ayants droit de feu SABRAOUI ABBAS exposent au soutien de
leur action, que par contrat à durée déterminée de trois ans
renouvelable par tacite reconduction ayant pris effet depuis le 1er
juin 1997, monsieur NAOUFAL NAAMAN et madame DIAB RITA
ANTOINE ont pris à bail des locaux pour l’exploitation d’un
restaurant au rez-de-chaussée de l’immeuble de feu SABBRAOUI
ABBAS, objet du TF 10215 sis à Marcory Résidentiel, Rue de la
Paix ;
De son vivant, disent-ils, SABBRAOUI ABBASS qui n’admettait
pas la vente de boissons alcoolisés dans son local avait obtenu
l’expulsion des défendeurs mais a dû y renoncer sur intervention
de certaines autorités ;
Cependant les locataires n’ayant pas respecté leur engagement
locatif, des mises en demeure leur ont été servies ;
Ils expliquent que le contrat de bail étant arrivé à expiration le 31
Mai 2012 pour la dernière période triennale, ils ont décidé de ne
pas le renouveler et l’ont donc signifié aux locataires en leur
précisant qu’aucun loyer ne serait dû ou réclamé à compter du 31
mai 2012 ;
Les locataires ont alors saisi le juge des loyers du Tribunal de
Première Instance d’Abidjan en contestation de cet exploit, et ils
ont pour leur part, formulé à cette occasion une demande
reconventionnelle en expulsion ;
Le juge ayant fait droit à leur demande en expulsion, ils ont, par
exploit d’huissier, signifié la décision aux locataires le
30/08/2012 ;
Les locataires ayant fait appel de cette décision, la Cour d’Appel
d’Abidjan a, par arrêt en date du 22 février 2013, estimé que le
juge des référés était incompétent pour prononcer leur expulsion ;
Ils arguent qu’ils saisissent donc le juge du fond pour entendre
prononcer l’expulsion des défendeurs ;
En effet, affirment les demandeurs, les locataires se devaient
conformément à l’article 124 de l’acte uniforme OHADA sur le
droit commercial général, de demander le renouvellement de leur
bail ;
Ne l’ayant pas fait, ils sont déchus de leur droit au renouvellement
du bail et les dispositions des articles, 101, 102, 103, 107 123 et 124
de l’acte uniforme précité étant d’ordre public conformément à
l’article 134 dudit acte, il ne peut y être dérogé par des conventions
des parties ;
Répondant aux arguments des défendeurs, ils arguent qu’à la
différence du contrat de travail, le contrat de bail à durée
déterminée demeure tel, sauf pour les parties d’en disposer
autrement ;
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Selon les demandeurs la loi est d’application immédiate et toutes
les dispositions contraires sont nulles et de nul effet ;
Le contrat liant les parties étant en cours au moment de l’entrée en
vigueur des nouvelles dispositions de l’acte uniforme sur le droit
commercial général, les parties doivent s’y soumettre ;
En réplique, les défendeurs font valoir qu’à la conclusion du
contrat, le local se trouvait dans un état de délabrement avancé qui
a nécessité avec l’accord du bailleur des modifications profondes,
notamment la construction d’une mezzanine, des toilettes, la pose
d’une nouvelle toiture etc.
Le loyer a été régulièrement augmenté à la fin de chaque période
triennale ;
Ils relèvent que c’est contre l’exploit illégal et illégitime en date du
29 mai 2012 qu’ils ont protesté ;
Les parties, disent-ils, sont liées par un contrat de bail à durée
déterminée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction et
ledit contrat a effectivement été plusieurs fois renouvelés pour une
période de trois ans, jusqu’u 12 juin 2012 ;
Ce mode de renouvellement tacite, est devenu la loi des parties ;
Les dispositions de l’article 124 de l’acte uniforme sur le droit
commercial général ne sauraient être appliquées ;
Selon les défendeurs, le contrat de bail à durée déterminée s’est
mué en contrat à durée indéterminée ;
Il est indéniable, dans ce cas, que la partie qui entend résilier le
contrat, doit donner un congé de six mois à l’autre ;
Les demandeurs ne leur ayant pas servi congé, leur demande en
expulsion est mal fondée ;
Aux dires des demandeurs, ils ont toujours respecté leurs
obligations contractuelles et sont à jour dans le paiement des
loyers ;
Ils font noter qu’en application de l’article 127 de l’acte uniforme
sus indiqué, le bailleur doit justifier d’un motif grave à leur
encontre pour prétendre les expulser ;
Tel n’étant pas le cas, ils doivent être déboutés ;
Ils affirment qu’en omettant de préciser que le contrat de bail est
renouvelable par tacite reconduction, les parties ont décidé de ne
pas le renouveler comme tel, de sorte que le bail ayant continué
au-delà de cette période, il est réputé être à durée indéterminée
depuis le 31 mai 2012 ;
SUR CE
En la forme
Sur le caractère de la décision
Les défendeurs ayant comparu et conclu, il sied de statuer par
décision contradictoire ;
Sur la recevabilité de l’action
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L’action des demandeurs ayant été introduite dans les forme et
délai prescrits par la loi, il convient de la recevoir ;
AU FOND
Sur la nature du contrat de bail et le constat de la
déchéance
Les parties se contredisent quant à la nature du contrat de bail, les
demandeurs estimant que les parties sont liées par un contrat de
bail à durée déterminée, tandis que les défendeurs prétendent qu’il
s’agit d’un bail à durée déterminée qui a été plusieurs fois
renouvelé et qui s’est mué en un contrat à durée indéterminée ;
Il est constant, en l’espèce, que les parties sont liées par un contrat
de bail à durée déterminée de trois ans conclu le 10 juin 1997 et
ayant pris effet le 1er juin 1997 ;
Ledit contrat renouvelable suivant la convention des parties, a
effectivement été plusieurs fois renouvelé pour une période de
trois ans, jusqu’au 31 Mai 2012 ;
Il s’agit donc là d’un contrat à exécutions successives du fait qu’il
existe entre les parties un rapport continu d’obligation ;
Un tel contrat bien qu’ayant été conclu avant l’entrée en vigueur le
15 Mai 2011 de l’acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010
portant sur le droit commercial général, a continué à s’exécuter
dans le temps ;
L’article 306 de cet acte uniforme prévoyant qu’il abroge l’acte
uniforme du 17 avril 1997 portant sur le droit commercial général,
la convention des parties qui était en cours d’exécution au moment
de l’entrée en vigueur du nouvel acte uniforme, reste désormais
régi par ledit acte ;
Aux termes de l’article 104 de l’acte uniforme OHADA portant
droit commercial général « Les parties fixent librement la durée
du bail. Le bail à usage professionnel peut être conclu pour une
durée déterminée ou indéterminée. A défaut d’écrit ou de terme
fixé, le bail est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Le bail prend effet à compter de la signature du contrat, sauf
convention contraire des parties. » ;
En l’espèce le contrat de bail conclu par les parties l’a été pour une
durée déterminée de trois ans qui a été plusieurs fois renouvelée ;
Bien qu’ayant été plusieurs fois renouvelé, ce contrat demeure un
contrat à durée déterminée, car contrairement à la matière sociale
où le renouvellement d’un contrat de travail au-delà d’une période
de deux ans, le mue en contrat à durée indéterminée, le bail garde
sa nature de contrat à durée déterminée malgré la durée et le
nombre de ses renouvellements, dès lors que ladite durée est
déterminée, à moins que les parties n’en conviennent autrement
en prévoyant une durée indéterminée ;
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S’agissant du renouvellement, l’article 124 de l’acte uniforme sus
indiqué dont les dispositions sont d’ordre public, en application de
l’article 134 du même acte uniforme, dispose : « Dans le cas du
bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement
de son bail en vertu de l’article 123 ci-dessus peut demander le
renouvellement de celui-ci, par signification d’huissier de justice
ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception
effective par le destinataire, au plus tard trois mois avant la date
d’expiration du bail.
Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans
ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail.
Le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de
renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration du bail
est réputé avoir accepté le principe du renouvellement de ce
bail. » ;
Ce texte met à la charge du preneur l’obligation, sous peine de
déchéance, de solliciter le renouvellement de son bailleur par acte
d’huissier ou par tout moyen permettant d’établir la réception
effective par le bailleur, et cette demande doit être faite au plus
tard trois mois avant la date d’expiration du bail ;
Il s’agit d’une disposition d’ordre public, à laquelle il ne peut être
dérogé ;
En la présente cause, le bail ayant été renouvelé pour une période
de trois ans et venant à expiration le 31 Mai 2012, il revenait aux
preneurs de solliciter le renouvellement de leur contrat de bail ;
Ne l’ayant pas fait, alors que le bailleur n’entendait plus poursuivre
le bail, ils sont déchus de ce droit, en application de l’article 124
précité ;
Il y a donc lieu de constater cette déchéance ;
Il en résulte que depuis le 31 Mai 2012, les défendeurs sont des
occupants sans droit ni titre ;
Il sied, dès lors, d’en tirer les conséquences en ordonnant leur
expulsion des lieux loués qu’ils occupent tant de leur personne, de
leurs biens que de tout occupant de leur chef ;
Sur l’exécution provisoire
Les demandeurs sollicitent également l’exécution provisoire de
la décision ;
Cependant, les conditions de l’exécution provisoire telles que
prévues par les articles 145 et 146 du code de procédure civile,
commerciale et administrative ne sont pas réunies en l’espèce ;
En effet, il n’y a ni titre authentique ou privé non contesté, ni
aveu ou promesse reconnue ;
En outre, la présente cause n’est relative ni à une contestation
entre voyageurs, et hôteliers ou transporteurs ni à un jugement
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nommant un séquestre ou prononçant une condamnation à
caractère alimentaire, encore moins à un jugement allouant une
provision sur des dommages-intérêts en réparation d'un
préjudice non encore évalué ;
Enfin les demandeurs ne rapportent pas la preuve de l’extrême
urgence à même de justifier l’exécution provisoire ;
Il sied, dans ces circonstances, de dire n’y avoir lieu à exécution
provisoire ;
Sur les dépens
Les défendeurs succombant, il sied de les condamner aux dépens
de l’instance ;
PAR CES MOTIFS
Statuant
ressort ;
publiquement,
contradictoirement,
et
en
premier
Reçoit les ayants droit de feu SABRAOUI ABBAS en leur action ;
Les y dit partiellement fondés ;
Constate que monsieur NAOUFAL NAAMAN et madame DIAB
RITA ANTOINE sont déchus du droit au renouvellement du bail ;
Dit que le bail liant les parties a pris fin depuis le 31 Mai 2012 et
que les locataires sont depuis lors des occupants sans droit ni
titre ;
Ordonne l’expulsion subséquente de monsieur NAOUFAL
NAAMAN et de madame DIAB RITA ANTOINE des lieux qu’ils
occupent, tant de leur personne, de leurs biens, que de tout
occupant de leur chef ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne les défendeurs aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que
dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
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