3.3 - L’analyse de la performance financière de l’entreprise Les enjeux La performance financière est à la fois le révélateur et la condition du succès de la stratégie de l’entreprise Au sein du conseil, les administrateurs sont appelés à prendre des décisions essentielles qui affectent à la fois la création de valeur de l’entreprise (investissements majeurs, acquisitions, cessions…) et sa répartition (distribution de dividendes, émission d’instruments financiers…). Il appartient à l’administrateur d’avoir une connaissance aussi approfondie que possible de ces questions afin qu’il puisse porter un jugement indépendant sur l’action de la direction. Il doit être en mesure de participer activement aux débats du conseil, de déceler d’éventuelles difficultés opérationnelles et d’exprimer une conviction personnelle au moment des prises de décisions du conseil. Ces enjeux sont d’autant plus importants lorsque l’entreprise est cotée car toute rupture de confiance avec les investisseurs se traduit pas une chute immédiate de sa valeur et, partant, une difficulté accrue pour financer la croissance future. Les bonnes pratiques de l’administrateur XX Identifier les paramètres-clés de la valeur de l’entreprise L'administrateur doit suivre au minimum les informations suivantes : JJ la rentabilité des capitaux engagés dans chaque activité de l’entreprise qui consiste à rapporter le résultat d’exploitation après impôts aux actifs qui ont permis de le générer (actifs immobilisés et besoin en fonds de roulement) ; 119 JJ le coût du capital de chaque activité qui est une information que la direction doit communiquer au conseil. Il représente le taux de rentabilité minimal que l’entreprise requiert dans ses projets d’investissement ; JJ les flux de liquidités mesurés pour chaque activité de l’entreprise qui se calculent en soustrayant du résultat d’exploitation après impôts la variation du besoin en fonds de roulement et des actifs immobilisés (tangibles et intangibles) ; JJ le risque qui pèse sur le montant, le calendrier et la probabilité d’occurrence des flux de liquidité ; JJ enfin, la valeur estimée de chaque activité de l’entreprise. Si la société est cotée, l’administrateur doit, en outre, s’interroger sur les attentes des actionnaires afin de s’assurer que l’entreprise a bien les moyens de les satisfaire. Cette analyse qui porte sur la rentabilité espérée des capitaux engagés (qui peut être supérieure au coût du capital) et sur la croissance attendue permet d’ajuster la stratégie de l’entreprise en conséquence ou bien de changer la politique de communication. La direction générale doit d’ailleurs être en mesure de justifier les éventuels décalages qui existent entre la perception des investisseurs exprimée dans le cours de bourse et les estimations internes de la valeur intrinsèque. XX Recueillir l’information nécessaire à l’analyse En premier lieu, pour une analyse efficace, au-delà de l’information financière légale dont il dispose, l’administrateur exigera de la direction générale des compléments: JJ un bilan mettant clairement en évidence, d’une part, l’actif économique de chaque activité de l’entreprise (besoins en fonds de roulement, actifs tangibles et intangibles) et, d’autre part, la nature des fonds engagés (fonds propres et dettes) ; JJ un compte de résultat suffisamment détaillé pour comprendre la formation des différents résultats, et dont la structure permet de calculer aisément les rentabilités économiques et les éléments critiques de revenus et de coûts propres à chaque activité significative ; 120 Le vade-mecum de l’administrateur : les grandes décisions JJ un tableau de flux construit en distinguant les flux d’exploitation, d’investissement pour identifier facilement la génération des flux économiques avant financement de chaque entité significative ; JJ des projections de flux d’exploitation, d’investissement, de financement correspondant au budget et au plan stratégique. Présentées sous le même format que les documents précédents, elles permettront à l’administrateur de mettre facilement en perspective les estimations de la direction générale par rapport aux performances passées. Surtout, elles lui donneront les moyens de vérifier que l’entreprise a les moyens financiers de son développement ; JJ les éléments-clés de performance. En deuxième lieu, l’administrateur a la possibilité de s’adresser aux commissaires aux comptes qui, dans le cadre de leurs missions d’audit légal, réalisent des revues analytiques mettant en évidence les différents paramètres de la rentabilité des entreprises. Certaines circonstances permettent également à l’administrateur d’obtenir des informations détaillées sur la valeur de l’entreprise : JJ l’application de la norme comptable IAS 36 (test de dépréciation ou impairment test) oblige les entreprises à tester annuellement la valeur recouvrable de leurs actifs ; JJ lors d’une acquisition, l’entreprise procède avant l’opération à une évaluation de la cible et des synergies potentielles (comme une allocation du prix d’acquisition dans le cadre des travaux comptables qui suivent l’opération) ; JJ les opérations de restructuration juridique ou fiscale interne donnent généralement lieu à des travaux d’évaluation. Lorsqu’ils sont exécutés professionnellement, notamment par des experts indépendants, ces travaux constituent une mine d’information sur la dynamique financière de l’entité concernée. En dernier lieu, si l’entreprise est cotée, la vision financière de l’administrateur pourra s’enrichir de la lecture de rapports élaborés par des tiers (analystes financiers ou les agences de notation) ou encore les présentations qui sont faites à la communauté financière à l’occasion de rencontres avec les analystes (road shows), avec une restitution des questions les plus fréquemment posées. Le vade-mecum de l’administrateur : les grandes décisions 121 XX Développer l’expertise financière du conseil Compte tenu du caractère technique de l’expertise financière, il est bon qu’un comité prépare les travaux du conseil et s’assure que l’information remise aux administrateurs est complète et claire. Bien souvent, cette tâche est assurée par le comité des comptes. Mais, dans la mesure où leurs responsabilités comptables sont beaucoup accrues, certains conseils préfèrent la confier à un autre comité (un comité financier). On peut aussi penser que le comité stratégique doit s’intéresser de manière permanente aux implications financières des stratégies opérationnelles. Pour les décisions les plus complexes ou celles qui peuvent conduire à une perception de conflits d’intérêts, le conseil pourra juger plus prudent de s’adjoindre l’assistance d’un conseil extérieur ou d’un expert indépendant. XX S’assurer que la dimension financière est intégrée dans les décisions du conseil Comme pour l’ensemble de ses responsabilités, le conseil fixe le niveau d’implication qu’il souhaite adopter dans les décisions financières de l’entreprise, éventuellement de manière formelle dans son règlement intérieur. Par ailleurs, l’administrateur vérifie que tout plan stratégique comporte un chapitre sur la dimension financière des choix proposés. Pour une prise de décision éclairée, devrait être considéré comme incomplet tout dossier d’acquisition sans une évaluation précise de la valeur intrinsèque de la cible, de celle des synergies anticipées, de l’impact du paiement sur la structure financière et des réactions potentielles du marché. Enfin, compte tenu de sa responsabilité à l’égard des actionnaires – que l’entreprise soit cotée ou non – le conseil doit donner à la direction des objectifs explicites de progression des résultats. Ces objectifs font naturellement partie des critères de son évaluation (cf chapitre 3.7 « L’évaluation de la performance des dirigeants »). 122 Le vade-mecum de l’administrateur : les grandes décisions
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