Dépression et troubles cognitifs

FICHE PRATIQUE
Dépression
PROMOTION DE L’AMÉLIORATION
DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
4
Dans le cadre du programme MobiQual
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
En EHPAD, 50% à 80% des personnes accueillies sont atteintes d'une maladie d'Alzheimer
ou d'une maladie apparentée et donc de troubles cognitifs.
En EHPAD, 40% des personnes accueillies seraient atteintes de dépression.
- Un épisode dépressif majeur surviendrait chez 10 à 15% des résidents dans la première année suivant
l’admission dans l’établissement
La dépression aggrave le pronostic fonctionnel et la perte d'autonomie.
Les troubles cognitifs constituent un facteur de risque de dépression, et, inversement,
des antécédents de dépression sont un facteur de risque de maladie d'Alzheimer.
Un constat : une intrication forte chez le sujet âgé
Des questions auxquelles il n'est pas toujours possible de répondre
L'association de symptômes dépressifs et de troubles cognitifs pose questions car nombre d'entre-eux
sont communs à la dépression et aux pathologies démentielles :
Les symptômes dépressifs sont-ils réactionnels à l'existence de troubles cognitifs ? (la personne a conscience
de ses troubles et de la perte de ses capacités ; un diagnostic de pathologie démentielle lui a été annoncé).
Les symptômes dépressifs sont-ils une des formes d'expression des dysfonctionnements cérébraux
organiques en rapport avec le processus de la démence, qu'il soit dégénératif ou vasculaire ?
Les troubles cognitifs sont-ils l'expression d'une dépression, sans lien avec une pathologie démentielle ?
En pratique, observer chez une personne âgée un syndrome dépressif doit
faire rechercher l'existence de troubles cognitifs et, inversement, le diagnostic
de troubles cognitifs doit faire rechercher des symptômes dépressifs associés.
Une classification
L'association de symptômes dépressifs et de troubles cognitifs peut donc être classifiée en trois grands
cadres :
La dépression tardive avec troubles cognitifs significatifs, dans laquelle les troubles cognitifs observés peuvent
soit régresser avec l’amélioration de la dépression, soit évoluer vers une démence.
La dépression symptomatique d’un début de démence, dans laquelle le trouble de l’humeur est une des
expressions symptomatiques de la démence.
La dépression secondaire au syndrome démentiel, dans laquelle le trouble de l’humeur tend généralement à
aggraver l’évolution des déficits cognitifs.
Dépression et troubles cognitifs
RAPPEL
Dépression et troubles cognitifs
FICHE
PRATIQUE
4
Dépression
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
Une forme clinique : la dépression à début tardif
La dépression à début tardif est une
dépression survenant chez une personne
de 60 ans et plus, jusque-là sans antécédent
dépressif. C’est la forme la plus fréquemment
rencontrée chez les sujets âgés. Des troubles
cognitifs y sont souvent associés.
En faire précocement le diagnostic a un
intérêt majeur car elle est un facteur
de risque d'évolution vers une maladie
d'Alzheimer ou apparentée. Par ailleurs, au plan
thérapeutique, la réponse aux traitements
classiques est moins bonne que dans les
formes plus précoces de dépression. Son
évolution est plus souvent chronique, avec
un risque plus important de rechutes.
LA DÉPRESSION VASCULAIRE
Particularités cliniques
- Un ralentissement psychomoteur
- Une perte d’insight (capacité à auto-juger ses problèmes)
- Des troubles cognitifs plus prononcés, notamment concernant
les capacités frontales : raisonnement, jugement, planification.
Intérêt diagnostique de l’imagerie cérébrale
- L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de mettre
en évidence les anomalies vasculaires de la substance blanche
et, souvent, des séquelles d’accidents vasculaires cérébraux
(AVC).
La dépression vasculaire est une forme de dépression tardive associée aux pathologies vasculaires
et aux facteurs de risques cérébro-vasculaires (voir encadré). Distinguer cette forme de dépression
permet d'envisager une action préventive par le biais de la lutte contre les facteurs de risque vasculaire.
Par contre, aucune étude n'a montré que la spécificité étiologique de cette forme de dépression justifie
une approche thérapeutique spécifique.
Les étapes du diagnostic
Le diagnostic de dépression chez une personne présentant des troubles cognitifs suit des étapes systématiques : (1) repérer les situations à risque et les signes d'alerte, (2) évaluer la dépression et l'apathie,
(3) recherche de signes de gravité de la dépression (risque suicidaire).
1. Repérer et signaler les situations à risque et les signes d'alerte
Les signes d'alerte sont essentiellement des signes qui marquent un changement par rapport à l’état
habituel, que ce soit un changement environnemental ou un changement de l'état de la personne (physique, psychique et/ou cognitif) (voir aussi fiche pratique "Repérer les signes de dépression" et grille
"repérage et démarche diagnostique de la dépression en cas de maladie d'Alzheimer ou apparentée").
L'entrée en institution et la première année suivant l'entrée en institution : périodes à haut risque de dépression
La survenue d'un événement potentiellement traumatique : perte d'un être cher, séparation d'avec un animal
domestique, hospitalisation, maladie entraînant une diminution subite de certaines capacités, etc.
Un changement dans le traitement médicamenteux
Des signes physiques
- Des troubles du sommeil inhabituels ou qui s'aggravent
- Une fatigue inhabituelle, un ralentissement moteur
- Des douleurs
- D'autres plaintes ou signes physiques (perte de poids, troubles digestifs, respiratoires ou cardiaques, etc.)
Des changements de l'humeur et/ou des comportements
- Tristesse
- Ralentissement psychomoteur, baisse de l’expression verbale
- Refus de soins ou de traitement
- Repli sur soi, sentiment d’inutilité, de dévalorisation, de culpabilité
- Anorexie
- Anxiété, troubles du caractère (irritabilité, colère, impatience) et/ou délire (thèmes de la ruine, du préjudice)
- Apathie (perte d'initiative, d'intérêt et/ou de l'expression des émotions.
FICHE
PRATIQUE
Dépression
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
4.1
Des signes cognitifs
- Une aggravation des signes cognitifs existants
- L'apparition de nouveaux signes cognitifs.
DES PIÈGES À ÉVITER :
- Penser que les troubles cognitifs "protègent" de la dépression.
- Attribuer à une symptomatologie dépressive des signes physiques sans avoir vérifié au préalable l'absence
de pathologie somatique sous-jacente dont l'humeur dépressive serait la conséquence directe.
- Attribuer d'emblée les changements d'humeur, de comportement ou l'aggravation de troubles cognitifs à
une pathologie démentielle déjà diagnostiquée sans rechercher d'autres signes de dépression.
2. Évaluer les troubles cognitifs, la dépression et l'apathie
L'évaluation des troubles cognitifs, de la dépression et de l'apathie s'intègre à celle plus globale de l'état
physique et fonctionnel de la personne. Selon la gravité de l'atteinte cognitive, des outils d'évaluation
différents sont utilisés. L'évaluation de l'apathie est importante car celle-ci peut être confondue à tort
avec la dépression (voir fiche pratique "Dépression et apathie").
L’UTILISATION DES OUTILS D’ÉVALUATION EST IMPORTANTE :
- Elle permet d’objectiver les troubles.
- Elle donne l’occasion aux professionnels de partager leur vécu des troubles.
- Elle valorise la parole des soignants.
Évaluation cognitive au minimum par le MMSE (Mini Mental State Examination)
En l’absence de détérioration cognitive sérieuse (MMSE > 15)
- La Mini GDS (Geriatric Depression Scale) (repérage en 4 questions).
- La GDS, échelle d’auto-évaluation de référence (15 à 30 items).
- L'Inventaire apathie (versions auto-questionnaire, auprès du soignant, de l'accompagnant).
En cas de démence sévère (MMSE < 15)
- L’échelle de dépression de Cornell pour la démence (Cornell scale for dépression in dementia).
- Le NPI-ES (NeuroPsychiatric Inventory), version équipe soignante, domaines dépression et apathie.
Rechercher les autres symptômes de l'épisode dépressif (DSM-IV)
LE DOUBLE ENJEU DU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
ENTRE DÉMENCE ET/OU DÉPRESSION :
1. Ne pas diagnostiquer une dépression chez une personne atteinte de troubles cognitifs est une
occasion manquée d'améliorer ses capacités fonctionnelles et sa qualité de vie.
2. Diagnostiquer à tort une dépression expose la personne aux effets indésirables des traitements
psychotropes qui auraient pu lui être épargnés.
3. Évaluer la gravité de la dépression (risque suicidaire)
Si un état dépressif est diagnostiqué, il est indispensable d'en évaluer la gravité et le risque suicidaire
associé (voir fiche pratique "La crise suicidaire") afin d'adapter la prise en charge en urgence (avis spécialisé, hospitalisation, etc.).
Rechercher des signes psychologiques de gravité : tristesse, découragement, désespoir intenses, perte de
l'estime de soi, sentiment d'incurabilité, de dévalorisation
Rechercher des signes physiques tels qu'une perte de poids importante, un état de dénutrition, voire de
déshydratation.
Rechercher des signes fonctionnels : repli sur soi, refus de soin, refus de manger ou de boire, etc.
Rechercher l'expression d'idées suicidaires, si la personne a envisagé un scénario et s'il est réalisable.
FICHE
PRATIQUE
4.1
Dépression
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
La prise en soins
Les bases du traitement et du suivi d'une dépression chez une personne atteinte de troubles cognitifs sont
les mêmes que chez une personne n'ayant pas de troubles cognitifs (voir fiches pratiques "Les traitements
médicamenteux de la dépression", "les thérapeutiques non pharmacologiques").
Quelques particularités méritent cependant d'être soulignées :
Porter une attention vigilante aux formes non verbales d'expression de la souffrance des personnes et à la
bonne prise du traitement. En effet, les troubles cognitifs entraînent une fragilité accrue, des difficultés de
l'expression verbale.
Informer les proches et les associer à la démarche thérapeutique est d'autant plus important que les troubles
cognitifs diminuent, chez ces personnes, leur niveau de compréhension de leur maladie et des soins à mettre
en œuvre .
Adopter une démarche volontariste de repérage des signes de dépression chez l'aidant principal, lui-même
à risque.
Les traitements médicamenteux sont adaptés en fonction de l'origine des troubles cognitifs.
1. Informer la personne et son entourage sur l'état dépressif et les soins à mettre en œuvre
L'existence de troubles cognitifs ne doit pas être le prétexte pour ne pas informer la personne sur son état et
la démarche thérapeutique à mettre en œuvre : informations sur la dépression, sur le traitement, sur l'importance
de la prise régulière du traitement, sur le suivi, la durée, etc.
La famille, l’entourage sont associés à la prise en charge avec l’accord du patient.
Le succès du traitement de la dépression dépend fortement de la qualité
de l'ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE élaborée entre le patient, ses proches
et l'ensemble des professionnels intervenant autour de la personne.
2. Le traitement médicamenteux
En cas de maladie d'Alzheimer, il est conseillé de :
prescrire un antidépresseur SANS effet anticholinergique (voir fiche pratique "Le traitement médicamenteux"),
d'éviter les co-prescriptions, notamment à visée sédative ou anxiolytique,
de vérifier la prise réelle du médicament.
3. Les thérapeutiques non médicamenteuses
Le soutien psychologique est précoce. Les modalités de ce soutien et la mise en œuvre de thérapeutiques
spécifiques (voir fiche pratique "Les thérapeutiques non pharmacologiques") varient en fonction des patients
et des compétences et ressources locales : médecin traitant, psychologue, psychiatre, kinésithérapeute,
ergothérapeute, psychomotricien, centre de psychogériatrie, hôpital de jour, PASA, accueil de jour, etc.
L’ensemble de l’équipe est impliquée dans la prise en charge, dans tous les gestes du quotidien.
- Adopter des comportements rassurants, valorisants pour la personne (voir tableau).
- Proposer une participation aux actes de la vie quotidienne, à des ateliers, des activités en fonction de la
personnalité de la personne, de ses centres d'intérêt, de son humeur, etc.
FICHE
PRATIQUE
Dépression
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
4.2
RASSURER, VALORISER AU QUOTIDIEN
COMPORTEMENTS À PRIVILÉGIER AU QUOTIDIEN
Reconnaître l’existence de la tristesse de la personne,
sans entretenir ses idées noires et ruminations
Adopter une attitude bienveillante
Privilégier l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne
Valoriser la participation aux actes de la vie quotidienne, aux ateliers, activités
Mettre en avant les aspects positifs de telle situation,
telle activité, tel événement
Éviter que la personne s'ennuie
COMPORTEMENTS À ÉVITER AU QUOTIDIEN
Ne jamais forcer la personne à accomplir un geste
ou à participer à une activité (pas d’abus de pouvoir,
de réprimande, de ton autoritaire)
Ne pas solliciter de façon incessante
Ne pas aller trop vite, ni faire ou proposer plusieurs
choses à la fois
Ne pas laisser la personne seule dans sa chambre,
dans l’obscurité
Ne pas tout faire à sa place
Ne pas faire la morale à la personne, ne pas lui faire de
remarques humiliantes ni du chantage, ne pas infantiliser
4. Le suivi
Une évaluation au minimum hebdomadaire de l’efficacité de la prise en charge est prévue au début.
Des réévaluations de suivi sont planifiées : évaluation de la dépression, évaluation cognitive, surveillance du
poids et de l'état nutritionnel.
Le recours à un avis spécialisé est envisagé en cas de gravité de l’état et/ou d’inefficacité :
- En cas de doute diagnostique.
- En cas de signes de gravité de la dépression.
- En cas de complexité du traitement (comorbidités).
- En cas d’échec du traitement de 1ère intention.
Une hospitalisation est envisagée lorsque le pronostic vital ou fonctionnel est engagé et en cas de refus de
soins d’une dépression sévère ou de verbalisation d’idées suicidaires.
FICHE
PRATIQUE
4.2
Dépression
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
Dépression et troubles cognitifs
FICHE
PRATIQUE