les limitations au droit a la securite sociale des detenus

LES LIMITATIONS AU DROIT A LA SECURITE SOCIALE DES
DETENUS : UNE DOUBLE PEINE ?
Actes du colloque du 28 novembre 2008 à la Maison des Parlementaires
BEPERKING VAN HET RECHT OP SOCIALE ZEKERHEID
VAN GEDETINEERDEN : EEN DUBBELE STRAF ?
Colloquium op 28 november 2008 in het Huis van de Parlementairen
LES LIMITATIONS AU DROIT A LA SECURITE SOCIALE
DES DETENUS : UNE DOUBLE PEINE ?
sous la direction de
Véronique VAN DER PLANCKE
Chercheuse au Centre Droits fondamentaux et Lien social (FUNDP)
Chercheuse associée au Centre de Philosophie du droit (UCL)
Avocate au Barreau de Bruxelles
et
Guido VAN LIMBERGHEN
Professeur à la VUB
Vakgroep Sociaal Recht
Xavier DIJON
Directeur du Centre Droits fondamentaux et Lien social (FUNDP Namur)
Wouter VANDENHOLE
Docent mensenrechten, houder UNICEF-leerstoel kinderrechten,
Faculteit Rechten, Universiteit Antwerpen (UA)
Roland RASSON et Anneli VERSTRAETE
Inspecteurs Maatschappelijk Werk
Thierry MOREAU
Professeur à la Faculté de droit de l’UCL
Président de l’Ecole de criminologie de l’UCL
Avocat au Barreau de Nivelles
Prof. dr. Gijsbert VONK
Hoogleraar socialezekerheidsrecht Rijksuniversiteit Groningen
en Vrije Universiteit Amsterdam
Philippe AUVERGNON
Directeur de recherche au CNRS,
Comptrasec UMR CNRS 5114,
Université Montesquieu-Bordeaux IV
Hugues-Olivier HUBERT
Maître de conférences aux FUNDP et à l’ULB
Membre du Centre Droits fondamentaux et Lien social (FUNDP)
Chercheur à la Fédération des Centres de Service Social
Sonja SNACKEN
Professeur à la VUB
Vakgroep Criminologie
2010
Comment la justice est rendue chez un peuple appelé les
« Negritos »?
Lorsqu’un membre de la communauté provoque des dégâts chez
un autre membre de la communauté, la personne est placée au
centre d’un cercle formé par toutes les personnes qu’il/elle
connait. L’assemblée dure un jour entier. Chacun à son tour, les
personnes du cercle raconte à celui qui se trouve au centre toutes
les bonnes choses que ce dernier a faites par le passé, et qui ont
contribué à enrichir leur vie. Cette pratique « judiciaire » est
fondée sur une conception de l’Humanité très particulière, notre
nature humaine est ainsi faite que, lorsque nous sommes en
contact avec notre être profond, notre force intérieure, notre plus
grand plaisir dans la vie est de contribuer au bien-être de nos
semblables. Le but du système « judiciaire » des Negritos est ainsi
de reconnecter à nouveau l’homme avec cette force.
Annick NÖLLE, Collapsing the field of energy
REMERCIEMENTS
Les remerciements que nous devons à la Revue de Droit Pénal et de
Criminologie qui nous ouvre ses dossiers vont également à Mme la
Sénatrice Clotilde NYSSENS qui a accueilli notre initiative, ainsi qu’aux
Membres de la Chambre des Représentants qui ont accepté de parrainer ce
colloque : M. le Vice-président Herman DE CROO, Mme Karine LALIEUX et
M. Peter VANVELTHOVEN.
Notre gratitude va ensuite à la Fondation Roi Baudouin, à la Loterie
Nationale, à la VUB et aux FUNDP pour avoir permis, par leur
financement notamment, la réalisation de la journée d’étude et la
publication des actes.
Sans l’excellent travail de mise en page et d’harmonisation des différentes
contributions réalisé par Mme Christiane DELVIGNE, secrétaire au Centre
« Droits fondamentaux & Lien social », le présent recueil n’aurait pu voir le
jour. Qu’elle en soit très vivement remerciée.
Enfin, nous adressons un merci tout particulier au Professeur Xavier DIJON,
pour sa relecture approfondie des textes et son essentiel accompagnement
de tous les instants.
PRESENTATION
par Xavier DIJON
Directeur du Centre Droits fondamentaux et Lien social
(FUNDP Namur)
PRESENTATION
Ce dossier de la Revue de droit pénal et de criminologie rassemble les contributions
exposées au colloque tenu le 28 novembre 2008 à la Maison des Parlementaires de
Bruxelles sur ‘les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double
peine ?’ organisé conjointement par le Vakgroep Sociaal Recht de la Vrije
Universiteit Brussel et le Centre Droits fondamentaux et Lien social des Facultés
universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, cette rencontre faisait suite à une
recherche menée par les deux institutions universitaires prénommées, avec l’appui
de la Fondation Roi Baudouin, à la requête de l’asbl Réseau Détention et
Alternatives, bientôt suivie par sa consœur néerlandophone Netwerk Samenleving en
Detentie.
Dans le présent recueil, Véronique van der Plancke et Guido van Limberghen
formulent des questionnements et propositions de réforme en prolongement de
l’étude entreprise en 2007, dans une perspective principalement de droit positif
belge1. Mais nous voulions aller plus loin. Au colloque (et donc aussi en ce dossier),
nous avons amplifié la recherche en trois directions : il s’agissait d’abord de
s’affranchir de la technicité des analyses menées dans l’ouvrage à propos de
l’application aux détenus des diverses branches de la sécurité sociale (chômage,
pensions, allocations familiales, etc.) ou de l’assistance sociale, ainsi que du travail
pénitentiaire, d’où les réflexions de fond de Wouter Vandenhole, Véronique van der
Plancke, Hugues-Olivier Hubert et Sonja Snacken sur les liens à nouer entre peine et
protection sociale ; (…) ; il s’agissait ensuite de descendre sur le terrain en exposant
à la fois le vécu des détenus (Thierry Moreau) et l’expérience quotidienne des
services psycho-sociaux des établissements pénitentiaires (Anneli Verstraete et
Roland Rasson) sur le sujet qui nous occupe ; il s’agissait enfin d’élargir le champ
de la réflexion en allant voir ce qui se passe chez nos voisins sur les mêmes sujets,
en l’occurrence la protection sociale aux Pays-Bas (Gijsbert Vonk) et le travail
pénitentiaire en France (Philippe Auvergnon).
Pourquoi un tel approfondissement ? Dans le but de mieux articuler, d’une part, la
reconnaissance des droits sociaux dont on dit qu’ils sont inhérents à tout être humain
(si du moins on en croit les instruments internationaux et nationaux relatifs à la
matière), d’autre part, la privation de liberté que prévoit la loi pénale à l’encontre
des auteurs des infractions les plus graves.
1
Cette recherche, coordonnée par Mme Myriam BODART (DF & LS, Namur), est publiée
en français dans V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, La sécurité sociale des
(ex-)détenus et de leurs proches, Bruxelles, La Charte, coll. Droit en mouvement, 2008,
517 p. et en néerlandais dans G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, De sociale
zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brussel, Die Keure, reeks Recht en
sociale zekerheid, 2008, 437 p.
SOCIAL ET PENAL
C’est que les deux objectifs, – du droit social et du droit pénal – semblent
contradictoires. Il faut donc beaucoup de temps et de réflexion pour ajuster leur
équilibre lorsque ces deux branches du droit se rencontrent sur la même personne, le
détenu. L’une et l’autre logique, il est vrai, visent la sécurité. Mais alors que,
grossièrement dit, la logique pénale cherche à protéger la société du mal, la logique
sociale poursuit le même objectif à l’encontre du malheur. Apparemment, la
différence entre ces deux risques provient donc de la liberté individuelle.
Le « malheur », en effet, n’est pas voulu : perte du travail, accident, maladie,
vieillesse, pauvreté ou misère s’imposent à un sujet qui préférerait ne pas connaître
de telles contrariétés, tandis que le « mal » relève, semble-t-il, de l’engagement de la
volonté de ce même sujet comme le disent d’ailleurs les pénalistes lorsqu’ils mettent
en évidence l’élément moral de l’infraction. Il ne faut donc pas confondre, dit-on,
ces deux risques que sont le mal et le malheur : pauvreté n’est pas vice.
Devant le malheur d’un de ses membres, la société manifeste une réaction
d’inclusion placée sous le signe de la justice distributive ; devant le mal, elle réagit
d’une tout autre manière, par l’exclusion invoquant la justice rétributive. Dans le
premier cas, les liens se resserrent : en prenant une image médicale, on dirait que le
corps (social) se solidarise avec son membre malade, comme pour lui apporter une
poche de sang ou une réserve d’oxygène. Le bien commun, constitué soit par les
régimes contributifs propres à la sécurité sociale, soit par les contributions générales
qui alimentent les régimes d’assistance sociale, sera en effet affecté aux sujets qui
doivent affronter l’infortune. Dans le second cas, au contraire, l’image de
l’amputation se présente pour conjurer le mal : ne convient-il pas, de fait, de couper
le lien avec cette partie gangreneuse du corps social ou, au moins, de faire
comprendre au délinquant combien il ne mérite plus de profiter de cette liberté dont
il a si mal usé, ni donc des faveurs de la société dont il a trompé la confiance ?
L’opposition des deux dynamiques semble donc insurmontable. Pourtant, la Loi de
principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le
statut juridique des détenus laisse entendre une conciliation plus humaine des deux
logiques. Certes la peine reste incontournable dans la mesure où le sujet doit être
ramené, d’une façon ou d’une autre, au bon usage de sa liberté. Mais dans la mesure
où cette peine consiste en une privation de liberté, la loi de principes exige, comme
on sait, de limiter la peine à cette seule privation, sans porter atteinte aux autres
droits du détenu. Le propos vaut donc aussi pour les droits sociaux de la personne
emprisonnée, comme le montrent les exposés réunis en ce dossier.
En ces contributions, en particulier celle que Wouter Vandenhole consacre au droit
fondamental à la sécurité sociale, on entend en effet tous les efforts consentis par les
juristes pour donner aux droits sociaux une effectivité toujours plus grande. Les
grands axes sont tracés devant les pouvoirs publics par les trois verbes récurrents :
12
respecter les droits, les protéger, les réaliser. On insiste sur la juridicité de tels
droits en toute leur extension : même en matière d’assistance sociale, l’octroi
discrétionnaire des aides n’appartient-il pas à un passé révolu ? Des constructions
jurisprudentielles hardies ne situent-elles pas désormais le droit aux allocations dans
l’orbite de la protection du suprême droit de propriété ? Quant au travail
pénitentiaire, abordé dans la contribution de Philippe Auvergnon, le moment semble
venu de le faire entrer dans l’orbite du droit en accordant au détenu mis au travail les
protections garanties à l’ensemble des travailleurs.
Mais comment comprendre cette préférence donnée par la Loi de principes et par
tous les défenseurs des droits des détenus à la logique d’inclusion de la justice
distributive sur la logique d’exclusion de la justice rétributive ? Derrière ces
réflexions élaborées pour solidifier le statut juridique des détenus se profile peut-être
une double logique : celle des droits de l’homme d’abord, car si la dignité est
incompressible pour tous, on ne peut la rogner au détriment des êtres les plus
fragiles, mais peut-être aussi celle d’un correctif à apporter au principe même de la
peine.
UN REGARD POSITIF
Les droits de l’homme, entend-on plusieurs fois en ce dossier, en écho d’ailleurs à la
jurisprudence de Strasbourg, ne s’arrêtent pas à la porte de la prison. Qu’est-ce à
dire sinon qu’une société doit sans cesse se rappeler que l’enfermement ne peut pas
tuer l’espoir. Sans doute, à l’entrée de l’enfer que décrit Dante est-il écrit : « Vous
qui entrez ici, laissez toute espérance ! »2, mais même si elle y ressemble à certains
égards, la prison ne peut devenir (ou rester) cet enfer.3 Sans doute encore, la peine, –
son nom même l’indique -, ne peut-elle que faire mal, puisqu’il s’agit de réagir au
mal qu’a commis le délinquant, mais la punition n’est pas absolue : elle vise un être
humain qui reste un être humain et qui, à ce titre, mérite que lui soient reconnus ses
droits humains. Dès lors que la rétribution entend faire comprendre aux parties en
présence, c’est-à-dire au délinquant mais aussi au reste de la société, que le lien
social ne peut pas être impunément entamé par la commission d’une infraction
grave, n’est-ce pas ce lien social qu’il faut mettre en évidence ? Autrement dit,
puisque c’est le lien social qui rappelle, par le moyen de la peine, son ordre de
justice, ne doit-il pas maintenir dans la peine elle-même toute la force de ce lien ?
2
3
Dante ALIGHIERI, La divine comédie, L’Enfer, chant III.
Pour un témoignage saisissant sur la réalité de l’enfermement et ses effets dévastateurs,
v. Ph. LANDENNE, Peines en prison, l’addition cachée, Bruxelles, Larcier, coll. Crimen,
2008, préface de Fr. TULKENS, postface de D. KAMINSKI. A la fin de l’ouvrage, l’auteur
évoque un dernier visage : « Je connais bien Enzo. Il m’a confié régulièrement ses
tourments à chaque étape de son parcours derrière les murs. Je sais qu’il n’exagère pas
lorsqu’il évoque le déchaînement infernal des conséquences dramatiques de son
incarcération pour les siens et pour lui. Comme la majorité des détenus, il est
convaincu que personne ne veut comprendre la profondeur de ses peines éprouvées en
prison et il se perçoit méprisé dans son humanité. » (p. 222).
13
La doctrine pénale évoque souvent le paradoxe pénitentiaire (exclure pour inclure)
ou encore les tensions repérables entre les différentes fonctions (rétribution,
prévention générale, prévention spéciale) de la peine. Mais pour entrer dans une
intelligence plus profonde, ne faut-il pas insérer le caractère négatif (pénible) de
cette peine dans la dynamique positive du lien social lui-même ? En d’autres termes
encore, si la peine se comprend comme la réaction du corps social à l’injustice qui
affecte son propre lien interne, il faut donc prendre la justice de ce lien (en gros, le
respect de l’intégrité physique, morale et patrimoniale d’autrui) non seulement
comme le point de départ à partir duquel doit s’énoncer, par contraste,
l’incrimination du comportement déviant, mais également comme le point d’arrivée
de la peine qui frappe un tel comportement. Parce qu’elle est une exigence du droit
inhérent au lien social, la peine doit se dérouler entièrement sous l’empire de ce
droit, et en vue de la réintégration du délinquant dans ce lien social. Le respect des
droits de l’homme à l’intérieur de la prison ne manifeste-t-il pas au mieux cette
dynamique positive ? Portée par l’espoir, cette perspective développée par la Loi de
principes permettrait en tout cas à la prison d’élargir son heureuse différence par
rapport à l’enfer.4
UN DEBUT DE REPARATION
Mais si la préférence donnée ainsi à la logique d’inclusion (ici, par la reconnaissance
des droits sociaux) sur la logique d’exclusion inhérente à la prison s’explique
d’abord par le regard positif que la société continue à porter sur le détenu qui reste
titulaire de tous ses droits fondamentaux (autres, du moins, que sa liberté de
circulation), elle pourrait s’expliquer aussi, réciproquement en quelque sorte, par le
regard plus sévère que, cette fois, le détenu porterait sur le reste de la société. Car
avant de se retrouver coupé du lien social par son enfermement, le délinquant était
peut-être déjà, à l’air libre, poussé aux marges de la société. L’exposé d’HuguesOlivier Hubert et Véronique van der Plancke montre bien cette dynamique de la
rupture sociale précédant déjà la relégation pénale : le sort le moins enviable (de la
less eligibility) se trouve vécu, avant la prison, dans le décrochage du sujet par
rapport au reste de la société.
S’il en va ainsi, où donc se trouve le mal que l’on prétend enfermer ? Le code pénal
donne sans doute sa réponse : le mal se trouve chez les personnes qui se sont
4
14
Vingt-cinq ans déjà avant le vote de la Loi Dupont, Lode VAN OUTRIVE écrivait : « En
creusant la question des droits des détenus on peut se demander si ceux-ci ne doivent
pas conserver tous les droits des autres citoyens, sauf celui de circuler dans la
communauté ? Ni la dissuasion, ni l’intimidation, ni la rétribution, ni même la
réhabilitation ne sont des justifications valables pour priver un détenu de ses droits
fondamentaux. Il ne faut rien ajouter à la réclusion : il est très douteux qu’on ait le droit
de disposer encore plus de la personne. » (L. VAN OUTRIVE, « Le système pénitentiaire
en Belgique : un système bloqué », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 1979.
3, p. 23).
rendues coupables des infractions incriminées par le texte. Or, avant d’émerger dans
les articles du code et les passages à l’acte du délinquant, le mal n’a-t-il pas déjà
couvé dans la façon d’organiser le lien social lui-même ? Nous l’avons rappelé plus
haut : pauvreté n’est pas vice ; dans le chef de la personne qui subit cette pauvreté,
certes, mais qu’en est-il dans la conscience de la société qui tolère cette pauvreté et
même, qui la produit ? Bien sûr, nous ne voulons pas dire par là que la mauvaise
distribution des richesses formerait la seule cause de la délinquance ; le dol réprimé
par la loi pénale se cache en effet en toutes les couches de la société, mais nous
devons tout de même reconnaître que la population qui remplit les prisons se trouve
largement constituée de sujets qui n’ont pas eu accès, à égalité avec les autres, aux
biens sociaux de l’emploi, du logement, de la formation, … Comme le relève Sonja
Snacken dans les conclusions du colloque, ce n’est peut-être pas la politique sociale
qui met les gens en prison mais la fragilité sociale augmente les risques de
criminalité et de privation de liberté. Lors donc qu’elle enferme la pauvreté derrière
les barreaux, la société ne devrait-elle pas parfois se poser la question de savoir si
elle n’y enferme pas en même temps son propre vice ? Dans ces conditions,
l’établissement ou le maintien d’une protection sociale au bénéfice des détenus
jouerait en quelque sorte, à leur égard, le rôle d’une justice ‘réparatrice’.
La Loi de principes du 12 janvier 2005 a consacré, en Belgique, un renversement
radical dans la manière de considérer le détenu, dont la situation doit être rapprochée
désormais le plus possible de celle que connaît tout autre sujet de droit habitant le
Royaume. Les exposés qui constituent le présent dossier montrent les conséquences
d’une telle option sur le plan de la protection sociale et du travail pénitentiaire. Mais
d’où vient que, de plusieurs côtés, on pressent que ce changement de perspective
prendra beaucoup de temps avant de devenir réalité effective ?5 Probablement parce
que, si la prison sert à changer la mentalité du détenu, la nouvelle législation exige,
elle, un changement de mentalité de la société elle-même. La parole est donc au
politique.
5
Dans son livre-témoignage évoqué plus haut, Ph. LANDENNE écrit : « Dès les premiers
jours qui suivent l’annonce de ce nouveau texte de loi, des détenus s’énervent et me
disent leur impatience parce qu’ils ne voient aucune différence dans leurs conditions de
vie alors que ‘la télévision a pourtant dit que ça allait changer’. Les propos amers ne
tardent pas : ‘on nous a encore fait de fausses promesses qui ne seront pas tenues avec
cette loi alors qu’on galère toujours de la même manière’… Difficile d’expliquer qu’il
faudra des années avant que le premier impact de cette nouvelle législation se fasse
progressivement sentir » (op.cit., p. 171).
15
HET MENSENRECHT OP SOCIALE ZEKERHEID VOOR
GEDETINEERDEN: SPROKKELS EN PRINCIPES
door Wouter VANDENHOLE
Docent mensenrechten, houder UNICEF-leerstoel
kinderrechten, Faculteit Rechten, Universiteit Antwerpen
UNICEF eerbiedigt de academische vrijheid van de houder van de leerstoel. De door de
houder ingenomen standpunten verbinden geenszins UNICEF.
Sociale zekerheid is een mensenrecht. Het wordt onder meer gewaarborgd in artikel
23, derde lid, 2° van de Belgische grondwet. Het is eveneens zeer in het algemeen
geformuleerd in artikel 9 van het Internationaal Verdrag inzake Economische,
Sociale en Culturele Rechten (IVESCR). Binnen de Raad van Europa bevat artikel
12 (Herzien) Europees Sociaal Handvest ((H)ESH) meer specifieke waarborgen
inzake het recht op sociale zekerheid. Artikel 13 (H)ESH garandeert het recht op
sociale bijstand.
Het is opvallend hoe weinig expliciete of specifieke aandacht besteed wordt aan de
groep van gedetineerden vanuit het perspectief van het mensenrecht op sociale
zekerheid.1 Het uitgangspunt moet zijn dat ook gedetineerden het recht op sociale
zekerheid genieten. Dat recht kan onderworpen worden aan beperkingen, maar enkel
indien aan de voorwaarden voor het opleggen van beperkingen voldaan is. Een
gedetineerde verliest zijn mensenrechten immers niet aan de gevangenispoort.
Daarnaast lijkt er een tendens te bestaan om (voormalige) gedetineerden als een
kwetsbare groep te beschouwen, die bijzondere bescherming verdient.
In wat volgt wordt het mensenrecht op sociale zekerheid eerst nader toegelicht. De
inhoud van het recht, de verplichtingen voor staten, en de mogelijke beperkingen op
het recht worden nader onderzocht. Vervolgens wordt toegelicht in welke mate
aandacht besteed is aan het recht op sociale zekerheid van gevangenen in het
bijzonder. Gezien de uiterst beperkte en versnipperde aandacht wordt in de derde
plaats op zoek gegaan naar algemene mensenrechtelijke principes inzake
gedetineerden. In het licht van dat normatief kader wordt ten slotte de huidige regel
van de schorsing van socialezekerheidsrechten van gedetineerden onder de loep
genomen.
I. HET RECHT OP SOCIALE ZEKERHEID
De terminologie inzake het recht op sociale zekerheid is niet eenduidig. In het
IVESCR lijkt het gebruikt te worden als omvattende term voor zowel het recht op
sociale zekerheid sensu stricto als het recht op sociale bijstand. In het (H)ESH wordt
het onderscheid tussen sociale zekerheid en sociale bijstand expliciet gemaakt (art.
12 respectievelijk art. 13), al is het vaak moeilijk vol te houden in de praktijk. Elders
hebben we voorgesteld om als algemene term het recht op sociale bescherming te
gebruiken, waarvan het recht op sociale zekerheid en het recht op sociale bijstand
1
Zie onze gelijkaardige vaststelling in verband met het recht op onderwijs en arbeid van
gedetineerden, in W. VANDENHOLE, “Recht op onderwijs, beroepsopleiding en arbeid
voor gedetineerden” in E. BREMS, S. SOTTIAUX, P. VANDEN HEEDE en W. VANDENHOLE
(eds.), Vrijheden en vrijheidsbeneming. Mensenrechten van gedetineerden, Antwerpen,
Intersentia, 2005, (221) 223.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
deel van uitmaken.2 In deze publicatie is er voor geopteerd om de term sociale
zekerheid als generieke term te gebruiken, en wordt bij die keuze pragmatisch
aangesloten.
Het recht op sociale zekerheid wordt gerekend tot de zogenaamde categorie van
economische, sociale en culturele mensenrechten. Die categorie van mensenrechten
heeft traditioneel minder aandacht genoten dan de categorie van burgerlijke en
politieke rechten, de zogenaamde vrijheidsrechten. Niettegenstaande de
herbevestiging van de ondeelbaarheid en onderlinge afhankelijkheid van alle
mensenrechten sinds de vroege jaren ’90, en de groeiende aandacht voor
economische, sociale en culturele rechten op internationaal vlak, blijft deze laatste
categorie van mensenrechten juridisch vaak stiefmoederlijk behandeld. Dat is a
fortiori zo voor het recht op sociale zekerheid, dat binnen de categorie van
economische, sociale en culturele rechten bijzonder weinig aandacht geniet.
De onderschikking van economische, sociale en culturele rechten komt niet enkel tot
uiting in de beperkte academische aandacht, maar ook in het zwakkere internationale
en Europese toezicht op de naleving – niet door hoven maar door comités – en in het
quasi-automatisme waarmee aan verdragsbepalingen inzake economische, sociale en
culturele rechten directe werking wordt ontzegd in de Belgische rechtspraak.3
A. RECHTSBRONNEN
Het recht op sociale zekerheid wordt zeer in het algemeen gewaarborgd in artikel 23,
derde lid, 2° van de Belgische grondwet en in artikel 9 IVESCR. Artikel 12 (H)ESH
bevat meer specifieke waarborgen inzake het recht op sociale zekerheid sensu
stricto. Artikel 13 (H)ESH waarborgt het recht op sociale bijstand en art. 14 (H)ESH
bevat het recht op het genot van sociale diensten.
Daarnaast vinden we het recht ook terug in mensenrechtenverdragen voor specifieke
groepen. Artikel 26 van het Verdrag over de Rechten van het Kind waarborgt elk
kind het recht om te genieten van het recht op sociale zekerheid. Meestal wordt het
recht op gelijke behandeling inzake sociale zekerheid beklemtoond. In art. 5 van het
Verdrag tot uitbanning van alle vormen van rassendiscriminatie verbinden staten
zich ertoe om rassendiscriminatie uit te bannen en gelijkheid voor de wet te
2
3
20
W. VANDENHOLE, “Article 26: The Right to Benefit From Social Security” in A. ALEN,
J. VANDE LANOTTE, E. VERHELLEN e.a. (eds.), A Commentary on the United Nations
Convention on the Rights of the Child, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff, 2007, 22-25.
Een mogelijke kentering in het quasi-automatisch ontzeggen van directe werking aan
bepalingen over economische, sociale en culturele rechten wordt mogelijk ingeluid door
een arrest van de Raad van State, waarin erkend wordt dat de negatieve verplichting
vervat in art. 4.4 Europees Sociaal Handvest directe werking heeft. Voor een
bespreking, zie W. VANDENHOLE, “Het leerstuk van de directe werking van
verdragsbepalingen inzake sociaal-economische mensenrechten in beweging” (noot
onder RvS 28 april 2008, nr. 182.454), RW 2008-09, 1000-1002.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
waarborgen inzake het genot van het recht op sociale zekerheid. De gelijke rechten
van vrouwen op sociale zekerheid, in het bijzonder in geval van pensioen,
werkloosheid, invaliditeit en andere onmogelijkheden om te werken, worden
gewaarborgd in art. 11, lid 1 van het Verdrag tot uitbanning van alle vormen van
vrouwendiscriminatie. Gelijke behandeling inzake het recht op sociale zekerheid
staat ook ingeschreven in art. 27 van het Verdrag inzake de Rechten van Migrerende
Werknemers.4
Daarnaast is het belangrijk te verwijzen naar een aantal verdragen van de
Internationale Arbeidsorganisatie (IAO) inzake sociale zekerheid, waaronder het
Verdrag Nr. 102 inzake sociale zekerheid (minimumnormen),5 en naar het Europees
wetboek sociale zekerheid.6 Ze bevatten precieze bepalingen inzake de te bieden
waarborgen in elk van de takken van de sociale zekerheid, en geven een meer
specifieke invulling aan het recht op sociale zekerheid. Alhoewel ze strikt genomen
geen mensenrechtenverdragen zijn, spelen ze toch een belangrijke rol, met name bij
de concrete invulling en het vastleggen van een minimumnorm voor het
mensenrecht op sociale zekerheid: art. 12 ESH verwijst expliciet naar het IAOverdrag Nr. 102, en art. 12 HESH naar het Europees wetboek.
B. INTERNATIONAALRECHTELIJKE BETEKENIS
1. Internationaal Verdrag inzake economische, sociale en culturele rechten
De inhoud van het recht op sociale zekerheid, zoals gewaarborgd door artikel 9
IVESCR, is verduidelijkt door het Comité voor Economische, Sociale en Culturele
Rechten (CESCR) in een algemene commentaar van 2008. Het recht op sociale
zekerheid wordt geacht instrumenteel te zijn voor de realisatie van een menswaardig
leven, en meer in het bijzonder van het recht op bescherming van het gezin (art. 10
IVESCR), het recht op een behoorlijke levensstandaard (art. 11 IVESCR) en het
recht op toegang tot gezondheidszorg (art. 12 IVESCR).7 Het recht op sociale
zekerheid kan zowel gerealiseerd worden door stelsels gebaseerd op bijdragen
(sociale verzekering) als door universele stelsels (sociale bijstand). Sociale bijstand
lijkt voor het Comité in de meeste gevallen onontbeerlijk, omdat sociale
4
5
6
7
Artikel 54 waarborgt gelijke behandeling inzake werkloosheidsuitkering voor
migrerende werknemers met papieren. Dit is het enige van de vermelde verdragen dat
nog niet is ondertekend noch geratificeerd door België.
Geratificeerd door België op 26 november 1959, goedgekeurd bij wet 11 september
1959 houdende goedkeuring van het Internationaal Verdrag (nr 102), betreffende de
minimumnormen der sociale zekerheid, aangenomen op 28 juni 1952 te Genève, door
de Algemene Conferentie van de Internationale Arbeidsorganisatie, tijdens haar vijf en
dertigste zitting, BS 9 december 1959.
Geratificeerd door België op 13 augustus 1969, in België in werking getreden op 14
augustus 1970.
CESCR, General Comment No. 19, The Right to Social Security (article 9), VN Doc.
E/C.12/GC/19, 4 februari 2008, §§ 1, 2, 11 en 12.
21
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
verzekeringen alleen er zelden zullen in slagen iedereen op voldoende wijze te
beschermen.8
Onderling verbonden en essentiële elementen van het recht op sociale zekerheid zijn
beschikbaarheid, behoorlijkheid en toegankelijkheid (availability, adequacy,
accessibility). Beschikbaarheid heeft betrekking op het bestaan van een duurzaam
systeem van sociale zekerheid, in het bijzonder voor inkomenszekerheid, toegang tot
gezondheidszorg en gezinssteun. Uitkeringen moeten behoorlijk zijn qua bedrag en
duur. Toegankelijkheid vereist dat iedereen gedekt is door het sociale
zekerheidssysteem, de bijdragen veroorloofbaar zijn, informatie beschikbaar is en
participatie in het beheer van het systeem mogelijk is.9
In overeenstemming met art. 2, § 1 IVESCR moeten verdragsstaten het recht op
sociale zekerheid geleidelijk realiseren, in functie van de maximaal beschikbare
middelen. Op dit algemene principe van geleidelijke realisatie maakt het Comité
systematisch twee uitzonderingen. Onmiddellijke verplichtingen gelden om het recht
op sociale zekerheid te waarborgen zonder discriminatie, en om bewuste, concrete
en gerichte stappen te zetten in de richting van volledige realisatie.10 Er geldt een
sterk vermoeden dat regressieve maatregelen verboden zijn. Het VN-Comité stelt
een zesvoudig criterium voor om de geoorloofdheid van retrogressieve maatregelen
inzake het recht op sociale zekerheid te beoordelen: of alternatieven grondig
onderzocht zijn; of echte participatie door de getroffen groepen in het onderzoeken
van de voorgestelde maatregelen en de alternatieven plaatsgevonden heeft; of de
maatregelen niet direct of indirect discriminerend zijn; of de maatregelen een
duurzame invloed zullen hebben op de realisatie van het recht op sociale zekerheid;
of het individu beroofd wordt van toegang tot het minimale basisniveau (“minimum
essential level”) van sociale zekerheid, tenzij alle beschikbare middelen gebruikt
zijn; en of toezichtsprocedures op nationaal vlak de hervormingen onderzocht
hebben.11
Verplichtingen voor verdragsstaten onder het IVZSCR worden opgedeeld in
verplichtingen tot eerbiedigen, beschermen en vervullen. Zo ook voor het recht op
sociale zekerheid. De verplichting tot eerbiedigen houdt onder meer in dat staten
zich moeten onthouden van inmenging in privé-initiatieven om sociale zekerheid te
verschaffen.12 De verplichting tot bescherming vereist een regulerend optreden van
de staat indien sociale zekerheidsstelsels beheerd worden door derden.13 De
verplichting tot vervullen-faciliteren houdt onder meer in dat staten wettelijke
erkenning aan het recht moeten geven, een sociale zekerheidsstrategie moeten
ontwikkelen en een actieplan aannemen om het recht te realiseren. Het opzetten van
8
9
10
11
12
13
22
Ibid., § 3.
Ibid., § 11.
Ibid., § 30.
Ibid., § 31.
Ibid., § 33.
Ibid., § 35.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
een stelsel gebaseerd op bijdragen valt onder deze (sub)verplichting.14 De
verplichting tot vervullen-verschaffen houdt in dat een staat sociale bijstand of
andere stelsels die niet op bijdragen gebaseerd zijn, zal moeten opzetten.15
Op staten rust tevens de kernverplichting om minimaal de vervulling te verzekeren
van het essentiële basisniveau van het recht. Voor het recht op sociale zekerheid gaat
het om volgende vijf componenten:
(1) toegang verzekeren tot het essentiële basisniveau van sociale zekerheid dat
noodzakelijk is om water en sanitatie, voedsel, fundamentele
basisgezondheidszorg, basishuisvesting en de meest fundamentele vormen van
onderwijs te verwerven;
(2) het recht op toegang tot sociale zekerheidsstelsels verzekeren op nietdiscriminatoire basis, in het bijzonder voor achtergestelde of gemarginaliseerde
groepen;
(3) een nationale sociale zekerheidsstrategie en actieplan opstellen en uitvoeren
voor de hele bevolking; het ontwerp en de periodieke evaluatie ervan moet
plaatsvinden in het kader van een participatief en transparant proces; de
strategie moet ook informatie bevatten over indicatoren en streefdoelen, zodat
vooruitgang kan beoordeeld worden;
(4) de mate waarin het recht op sociale zekerheid gerealiseerd wordt, opvolgen
(monitoring); en
(5) sociale bijstands- of andere programma’s opzetten om de achtergestelde en
gemarginaliseerde individuen en groepen te beschermen.16
Deze kernverplichtingen gelden onmiddellijk; het algemeen principe van
geleidelijke realisatie is niet van toepassing. Wel wordt rekening gehouden met de
financiële beperkingen van een land, voor zover elke inspanning geleverd is om alle
beschikbare middelen aan te wenden voor de prioritaire voldoening van de
kernverplichtingen.17 Regressieve maatregelen in strijd met de kernverplichtingen
vormen een schending van het IVESCR.18
Het Comité gaat in de Algemene Commentaar ook in op enkele specifieke takken
van de sociale zekerheid. Werkloosheidsuitkeringen moeten toegekend worden om
inkomensverlies te dekken wegens de onmogelijkheid om gepast werk te vinden.
Uitkeringen moeten gedurende een behoorlijke periode betaald worden, en nadat die
periode verstreken is, vervangen worden door andere vormen van bescherming. De
toekenningsvoorwaarden moeten redelijk en proportioneel zijn. De intrekking,
vermindering of schorsing van werkloosheidsuitkeringen moet nauwkeurig bepaald
14
15
16
17
18
Ibid., § 37.
Ibid., § 38.
Ibid., § 49.
Ibid., § 50.
Ibid., § 54.
23
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
zijn, op basis van redelijke en proportionele gronden, en voorzien bij wet.
Bovendien moeten er rechtsmiddelen openstaan tegen een dergelijke beslissing.19
Staten moeten tevens een stelsel opzetten om de financiële toegankelijkheid tot het
gezondheidssysteem mogelijk te maken. De ziekteverzekering moet voor iedereen
betaalbaar zijn, en elke levensbedreigende toestand, zwangerschap en bevalling,
algemene gezondheidszorg en hospitalisatie moeten gedekt worden.20
Staten moeten ervoor zorgen dat individuen het recht op sociale zekerheid zonder
discriminatie genieten. Bijzondere aandacht moet gaan naar individuen en groepen
die het traditioneel moeilijk hebben om dit recht uit te oefenen.21
Wat de gelijkheid tussen mannen en vrouwen betreft, moet onder meer de verplichte
pensioenleeftijd gelijk geschakeld worden; moeten vrouwen gelijke voordelen
genieten in de pensioenstelsels; en moet behoorlijk moederschapsverlof voor
vrouwen, vaderschapsverlof voor mannen, en ouderschapsverlof voor mannen en
vrouwen gewaarborgd worden.22
2. (Herzien) Europees Sociaal Handvest
Het (H)ESC bevat twee algemene bepalingen inzake het recht op sociale
bescherming, met name art. 12 over het recht op sociale zekerheid en art. 13 over het
recht op sociale bijstand. Sociale zekerheidsuitkeringen hebben betrekking op zekere
risico’s, zoals ziekte, handicap, moederschap, gezin, werkloosheid, ouderdom,
overlijden, weduwnaarschap, en beroepsongevallen of -ziekten. Onder het
toepassingsgebied van sociale bijstand in art. 13 vallen uitkeringen waarvoor men in
aanmerking komt op grond van individuele nood, zonder enige vereiste van
verbondenheid met een sociale zekerheidsstelsel, beroepsactiviteit of de betaling van
bijdragen.23
Beide artikels worden tot de kernbepalingen van het (H)ESH gerekend.24 Het
(H)ESH hanteert een à la carte-benadering: verdragsstaten kunnen binnen bepaalde
krijtlijnen zelf kiezen door welke bepalingen ze zich gebonden achten. Ze moeten
zichzelf niettemin verbinden tot een aantal kernartikels (vijf van de zeven in het
ESH, zes van de negen onder het HESH), en tevens tot een minimaal aantal andere
artikelen of genummerde paragrafen (10 artikelen of 45 genummerde paragrafen
onder het ESH, zestien artikelen of 63 genummerde paragrafen onder het HESH).25
19
20
21
22
23
24
25
24
Ibid., § 18.
Ibid., § 40.
Ibid., §§ 13-15.
Ibid., § 16.
ECSR, “Statement of Interpretation on Articles 12 and 13”, Conclusions XIII-4, 34-36.
ECSR, “General consideration on certain areas covered by the Charter: social
protection, General Introduction”, Conclusions XIII-4, 35.
Artikel 20 ESC; Artikel A, Deel III HESH.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
a) Recht op sociale zekerheid (art. 12 (H)ESH)
Artikel 12 HESH bevat vier paragrafen, en evenveel regels.26 De eerste paragraaf
waarborgt de organisatie of het behoud van een sociaal zekerheidsstelsel. In de
tweede paragraaf wordt een minimumniveau vastgelegd. Paragraaf drie voorziet in
een progressieve verhoging van het beschermingsniveau. De vierde paragraaf
moedigt maatregelen aan om een gelijke behandeling tussen de eigen onderdanen en
de onderdanen van andere verdragsstaten te verzekeren, en regelt ook de toekenning,
het behoud en de hervatting van sociale zekerheidsrechten.27
De eerste paragraaf over de organisatie of het behoud van een sociaal
zekerheidsstelsel is zeer algemeen geformuleerd. Het Europees Comité voor Sociale
Rechten (ECSR), dat toezicht houdt op de naleving van het (H)ESH, verwacht dat
een sociaal zekerheidssysteem de belangrijkste risico’s dekt, zoals gezondheidszorg,
ziekte, werkloosheid, ouderdom, arbeidsongelukken, gezin en moederschap,28
zonder dat noodzakelijk alle domeinen van de sociale zekerheid erin begrepen
moeten zijn.29 Bovendien moet het stelsel een aanzienlijk deel van de bevolking
dekken, behoorlijke vergoedingen op diverse domeinen bieden,30 en collectief
gefinancierd worden, namelijk door bijdragen van werknemers, werkgevers en het
staatsbudget.31
Een belangrijk criterium om het bestaan van een sociaal zekerheidssysteem te
beoordelen is de toereikendheid van uitkeringen. Inkomensvervangende uitkeringen
moeten in redelijke verhouding tot het eerdere inkomen staan, en mogen nooit onder
de armoedegrens gaan.32 De armoedegrens wordt gedefinieerd als 50% van het
mediaan geëquivaleerd inkomen van een huishouden (median equivalised household
income), berekend op basis van de Eurostat drempelwaarde voor armoederisico (atrisk-of-poverty threshold value).33 Sinds 2004 toetst het ECSR uitkeringen
systematisch aan deze armoedegrens. Het ECSR heeft dusver tweemaal een gebrek
aan conformiteit met art. 12, lid 1 vastgesteld wat werkloosheidsuitkeringen
betreft.34
26
27
28
29
30
31
32
33
34
België acht zich gebonden door artikel 12 HESH.
ECSR, Conclusions I, 62.
ECSR, Conclusions XIII-4, 37.
L. SAMUEL, Fundamental Social Rights – Case Law of the European Social Charter,
Straatsburg, Council of Europe Publishing, 2002, 286.
ECSR, Conclusies XIII-4, 37.
Zie bv. ECSR, Conclusions XVIII-1 (Nederland), 2006.
Ibid.
GOVERNMENTAL COMMITTEE OF THE EUROPEAN SOCIAL CHARTER, Report Concerning
Conclusions 2004, 2005, Doc. T-SG (2004) 26, § 210.
ECSR, Conclusions 2004 (Letland); ECSR, Conclusions XVIII-1 (Oostenrijk), 12.
25
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
De tweede paragraaf van artikel 12 ESH vereist dat een sociaal zekerheidsstelsel
minstens op gelijke hoogte staat als wat vereist is voor de ratificatie van het IAOverdrag Nr. 102 inzake sociale zekerheid (minimumregels). Staten moeten onder het
IAO-verdrag minstens drie van de negen delen, die elk een tak van de sociale
zekerheid behandelen, aanvaarden.35 Bovendien moet minstens één van die drie
betrekking hebben op werkloosheid, pensioen, arbeidsongeval of -ziekte, invaliditeit
of een uitkering voor de langstlevende.
De tweede paragraaf van artikel 12 Herzien ESH, waardoor België nu gebonden is,
verwijst naar het Europees wetboek sociale zekerheid. Onder dit wetboek zijn de
vereisten voor ratificatie hoger: minstens zes van de negen delen moeten aanvaard
worden.
Het Europees Comité voor Sociale Rechten oefent voor de meeste verdragsstaten,
waaronder België, slechts een indirect toezicht uit op de naleving van het tweede lid
van art. 12 (H)ESH. Het baseert zich met name op de bevindingen van het IAOExpertencomité voor de toepassing van verdragen en aanbevelingen, dat zowel
toezicht houdt op de naleving van het IAO-verdrag Nr. 102 als van het Europees
wetboek sociale zekerheid.36 Het volstaat niet dat de ratificatievereiste gehaald
wordt, het IAO-Expertencomité moet bovendien ook oordelen dat de staat het
betreffende verdrag effectief naleeft.37 Een uitzondering hierop vormt de situatie
waarin een staat een groter aantal delen aanvaard heeft dan het vereiste minimum; in
dat geval kan, in geval van implementatieproblemen, nog steeds voldaan zijn aan de
vereiste van art. 12, lid 2 (H)ESH.38
De derde paragraaf verplicht verdragsstaten tot een geleidelijke verhoging van het
beschermingsniveau. Staten moeten een voortdurende inspanning leveren om hun
sociaal zekerheidsstelsel geleidelijk te verbeteren.39 Niet-naleving van het
minimumniveau betekent automatisch ook een gebrek aan naleving van deze
verplichting.40 Het Comité moet dus bij verdragspartijen bij het ESH verbeteringen
kunnen waarnemen ten opzichte van de vroegere situatie, waarbij het stelsel uitstijgt
boven het vereiste minimumniveau van het IAO-verdrag nr. 102.41 Een bovengrens
voor de geleidelijke verbetering ligt onder het ESH bij het bereiken van de
35
36
37
38
39
40
41
26
Die negen delen zijn: gezondheidszorg; ziekteuitkering; werkloosheidsuitkering;
pensioen;
arbeidsongevaluitkering;
kinderbijslag;
moederschapsuitkering;
invaliditeitsuitkering en uitkering voor de langstlevende.
L. SAMUEL, Fundamental Social Rights – Case Law of the European Social Charter,
Straatsburg, Council of Europe Publishing, 2002, 288-289.
ECSR, Conclusions I, 62 ; Conclusions VIII, 153.
ECSR, Conclusions I, 62.
Ibid., 62 en 200.
Zie bijv. ECSR, Conclusions IV (Oostenrijk), 82.
ECSR, Conclusions III, 63.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
ratificatievereisten voor het Europees wetboek van sociale zekerheid.42 De
bovengrens onder het Herzien ESH zou het herziene Europees wetboek van sociale
zekerheid (1990) worden.43 Dat laatste is door 14 staten ondertekend, waaronder
België, maar nog door geen enkele staat geratificeerd.
Of er vooruitgang geboekt is wordt door het ECSR niet individueel, maar in zijn
algemeenheid beoordeeld onder de rapporteringsprocedure. Zo oordeelde het Comité
dat een toename in het aandeel in de kosten van de patiënt bij de consultatie van een
arts niettemin in overeenstemming was met het ESH, omdat rekening gehouden
werd met de mogelijkheden van de achtergestelde groepen, en omdat er een
aanzienlijke afname was in de gemiddelde bijdrage van de patiënten in de kosten.44
Een verplichting tot geleidelijke vooruitgang lijkt regressieve maatregelen uit te
sluiten. Het ECSR oordeelt echter eerder pragmatisch over regressieve maatregelen
met toepassing van het criterium van de objectieve en redelijke verantwoording. Er
moet met andere woorden een legitiem doel nagestreefd worden, de genomen
maatregelen moeten kunnen leiden tot de nagestreefde doelstelling, en ze moeten in
verhouding staan tot die doelstelling. Beperkende maatregelen moeten in de eerste
plaats noodzakelijk lijken om het behoud van een bestaand sociaal zekerheidsstelsel
te garanderen.45 Aan deze doelstelling is door het Comité een ruime invulling
gegeven: het kan bijvoorbeeld gaan om de consolidatie van de openbare financiën
zodat groeiende tekorten en interesten op schulden vermeden worden,46 om
maatregelen die inspelen op de demografische evolutie, of om sociale bescherming
meer te oriënteren naar tewerkstellingskansen.47 Er is echter ook een dubbele
benedengrens voor beperkende maatregelen: ze mogen niemand beroven van het
genot van effectieve bescherming tegen sociale en economische risico’s, en het
sociale zekerheidssysteem mag niet geleidelijk degenereren tot een stelsel van
minimale steun.48 Ten tweede wordt ook nagegaan of de genomen maatregelen
verantwoord zijn, namelijk geschikt zijn om de beoogde doelstelling te realiseren.49
De last van de hervormingen mag bijvoorbeeld niet vooral afgewenteld worden op
de economisch meest kwetsbare huishoudens.50 Dat maatregelen genomen zijn om
de tekortkomingen van het sociale welvaartsysteem ten gevolge van beperkende
42
43
44
45
46
47
48
49
50
ECSR, Conclusionss X-1 (Nederland), 113; ECSR, Conclusions XI-2 (Duitsland), 113.
Dit plafond werd voorgesteld door het Comité van Ministers, en aanvaard door het
ECSR, met verwijzing naar o.m. de voorbereidende werken (ECSR, Conclusions XII-1
(Nederland), 183-184.
Verklarend rapport bij het HESH, § 59. Zie ook D. HARRIS en J. DARCY, The European
Social Charter, New York, Transnational Publishers, 2001, 265.
ECSR, Conclusions XV-1, vol. 1 (België).
ECSR, “Statement of Interpretation on Articles 12 and 13”, Conclusions XIII-4, 143.
ECSR, Conclusions XIV-1 (Oostenrijk).
ECSR, Conclusions XIV-1 (Finland).
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 41-42.
ECSR, Conclusions XVI-1, vol. 2, 542 (Polen).
ECSR, Conclusions XIV-1 (Finland).
27
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
maatregelen te corrigeren, heeft geen invloed op de beslissing of de maatregelen in
overeenstemming zijn met artikel 12, § 3 (H)ESH.51
b) Recht op sociale en medische bijstand
Artikel 13 (H)ESH waarborgt het recht op sociale en medische bijstand. Zoals hoger
aangegeven is het criterium voor bijstand individuele nood. Artikel 12 en artikel 13
(H)ESH zijn nauw met elkaar verbonden. Meer dan eens wordt de overeenstemming
van een regeling of situatie met art. 12 onderzocht in samenhang met art. 13. Ook in
de tekst van het verdrag wordt dat verband expliciet gelegd: bijstand is enkel
verzekerd voor zover iemand onvoldoende middelen heeft en niet in staat is die
middelen door eigen inspanningen of van elders, in het bijzonder sociale
zekerheidsuitkeringen, te verwerven (art. 13, § 1 (H)ESH).
Door een recht op sociale en medische bijstand in het leven te roepen vormt het
Handvest duidelijk een breuk met de sfeer van liefdadigheid waarin sociale bijstand
vroeger plaatsvond.52 Artikel 13 (H)ESH roept een subjectief recht op sociale en
medische bijstand in het leven, dat afdwingbaar is voor de rechter.53 Bijgevolg mag
sociale bijstand niet onderworpen zijn aan een discretionaire toekenning. Er moet
een rechtsmiddel bij een onafhankelijke instantie openstaan. In hoger beroep moet
de zaak ten gronde bekeken worden, met behulp van objectief vastgelegde criteria,
en moet rechtshulp beschikbaar zijn.54 Wat Griekenland betreft, heeft het ECSR
herhaaldelijk tot niet-overeenstemming met het Handvest besloten omwille van het
gebrek aan precieze wettelijke definitie van wie geacht werd over onvoldoende
middelen te beschikken, en de discretionaire bevoegdheid van de overheden.55
De verplichting van de overheid onder het recht op sociale bijstand is veel ruimer
dan louter een overlevingsuitkering te verschaffen. Een sociaal bijstandssysteem
moet een geïntegreerde strategie van armoedebestrijding en empowerment van
individuen bevatten, zodat die individuen hun plaats als volwaardige leden van de
samenleving kunnen heropnemen. Vaak zullen tewerkstellingsmogelijkheden,
samen met beroepsopleiding, het kernelement vormen van dergelijke strategie.56 Op
die manier wordt uitkeringsafhankelijkheid vermeden. Art. 13, § 1 wordt
51
52
53
54
55
56
28
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 41-42.
ECSR, Conclusions I, 64. Zie ook ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4,
54.
Ibid. Zie ook Conclusions XV-1, 532 (Spanje).
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 56.
Zie ECSR, Conclusions XIII-2, 127 (Griekenland); Comité van Ministers,
Recommendation R ChS (93) 1 van 9 september 1993; ECSR, Conclusions XIV-1, 359360 (Griekenland); ECSR, Conclusions XV-1, 301-303 (Griekenland).
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIV-1, 52.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
vervolledigd door § 3, waarin het verstrekken van diensten voor behoeftigen wordt
opgelegd.57
Artikel 13 is een progressieve bepaling in de zin dat staten ervoor moeten zorgen dat
sociale en medische bijstand geleidelijk overbodig wordt. In die zin is bijstand
tijdelijk van aard.58
Bijstand kan in natura of cash verstrekt worden. Ongeacht de aard moet bijstand
verleend worden zolang de nood duurt, om de betrokkene te helpen verder een
behoorlijk leven te kunnen leiden.59 Om de effectiviteit van bijstand te beoordelen
toetst het Comité de hoogte van de bijstand aan de grens van 50% van het mediaan
geëquivaleerd inkomen.60 Het houdt hierbij rekening met het feit of de betrokkene
ook in aanmerking komt voor andere vormen van bijstand.61
De verplichting tot het verschaffen van medische bijstand heeft geen betrekking op
het aanbieden van gezondheidszorg, maar van financiële hulp of gratis
gezondheidszorg. Ook hier moet een beroep openstaan bij een onafhankelijk
orgaan.62
Beperkingen of voorwaarden voor sociale bijstand zijn voor het merendeel
onverzoenbaar met het Handvest, zoals bijvoorbeeld de vereiste van zes maanden
verblijf63 of de gewoonlijke verblijfplaats;64 of een minimumleeftijd.65 De koppeling
aan de bereidheid tot werken of tot het volgen van een beroepsopleiding66 kan enkel
indien de voorwaarde redelijk is, de lange-termijndoelstelling is om een duurzame
oplossing te vinden voor de deprivatieproblemen van de betrokkene, en een recht
van hoger beroep openstaat.67 De benadering is dus restrictiever dan wat het recht op
sociale zekerheid sensu stricto betreft. Sociale bijstand is dan ook het laatste vangnet
van sociale bescherming.
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIV-1, 52; ECSR, “General Introduction”,
Conclusions XIII-4, 59.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 55.
Ibid., 56.
ECSR, Conclusions XVII-1 (Belgïe).
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 56.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 57.
ECSR, Conclusions XV-1, 344 (Ijsland).
ECSR, Conclusions XIV-1, 429-431 (Ierland); L. SAMUEL, Fundamental Social Rights –
Case Law of the European Social Charter, Straatsburg, Council of Europe Publishing,
2002, 309.
ECSR, Conclusions XIV-1, 504 (Luxemburg); ECSR, Conclusions XV-1, 270-271
(Frankrijk).
D. HARRIS en J. DARCY, The European Social Charter, New York, Transnational
Publishers, 2001, 169.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 52. Voor het belang van het recht
op hoger beroep, zie ECSR, Conclusions XV-1, 376-380 (Italië); ECSR, Conclusions
XVIII-1, 29 (Italië).
29
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Artikel 13, § 2 (H)ESH verbiedt politieke of sociale discriminatie jegens personen
die bijstand genieten.68 Gedacht wordt met name aan het ontzeggen van kiesrecht of
werken bij de overheid.69 Enkel uitdrukkelijke bepalingen, zoals wetteksten, worden
getoetst aan dit verbod.70
Artikel 13, § 3 voorziet in advies en persoonlijke hulp om persoonlijke of familiale
nood te voorkomen, te verwijderen of te verlichten. Aan de verplichting tot
“voorkomen” is het progressief karakter van artikel 13 ontleend. Dit derde lid is
complementair met § 1:71 art. 13 vereist een systeem van sociale bijstand, waarin een
gïntegreerde benadering van armoedebestrijding centraal staat.72 Het Comité
verifieert de naleving van deze bepaling onder meer in het licht van de bestaffing
(aantal, kwalificatie, taken) en het beschikbare budget.73
De verhouding met art. 14, dat het recht op het genot van sociale welvaartsdiensten
waarborgt, is door het Comité gepreciseerd in zijn eerste conclusies. Artikel 13 heeft
enkel betrekking op diensten voor mensen met onvoldoende middelen of die het
risico lopen over onvoldoende middelen te beschikken. De verplichting voor staten
onder artikel 13, § 3 is bijgevolg veel preciezer en beperkter dan die onder art. 14
(H)ESH.74 Dit betekent echter niet dat aparte, specifieke diensten vereist zijn; het
volstaat dat specifieke zorg besteed wordt aan mensen met onvoldoende middelen of
die het risico lopen over onvoldoende middelen te beschikken.75 Bovendien moeten
sociale diensten toegankelijk zijn voor de gebruikers, onder andere door een goede
geografische verspreiding.76
c) Recht op het genot van sociale welvaartsdiensten
Artikel 14 (H)ESH waarborgt het recht op het genot van sociale welvaartsdiensten.
Zoals gezegd is hier een zekere overlapping met artikel 13, § 3 (H)ESH. Artikel 14
beoogt echter een veel ruimere groep van begunstigden, en biedt ook veel ruimere
waarborgen, namelijk elk initiatief om de ontwikkeling en aanpassing van
individuen aan de samenleving te vergemakkelijken. Ook deze bepaling wordt door
het ECSR als dynamisch of progressief beschouwd, omdat vanaf een bepaald niveau
van sociale ontwikkeling, niet zozeer het verstrekken van materiële bijstand, maar
68
69
70
71
72
73
74
75
76
30
ECSR, Conclusions I, 64.
L. SAMUEL, Fundamental Social Rights – Case Law of the European Social Charter,
Straatsburg, Council of Europe Publishing, 2002, 319.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 58; ECSR, Conclusions 1, 67.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 59.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIV-1, 52.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 59.
ECSR, Conclusies I, 64-65; ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 59.
ECSR, “General Introduction”, Conclusions XIII-4, 59.
Ibid., 60.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
diensten die advies en individuele hulp verschaffen moeten georganiseerd worden.77
Een verdragsstaat moet voortdurend zijn sociale welvaartsdiensten pogen te
verbeteren.78
Het recht op het genot van sociale welvaartdiensten vereist van verdragsstaten dat ze
een netwerk van sociale diensten opzetten om mensen te helpen om welzijn te
bereiken of te behouden, en sociale aanpassingsproblemen te overstijgen. Ter
aflijning van andere bepalingen onderzoekt het Comité onder art. 14, § 1 de
algemene organisatie en functioneren van sociale diensten. Sociale diensten hebben
betrekking op counseling, advies, rehabilitatie en andere vormen van steun door
sociale werkers, thuiszorgdiensten, residentiële zorg en noodzorg (opvangtehuizen).
Criteria betreffen effectieve en gelijke toegang, de kwaliteit van de aangeboden
diensten, en de rechten en participatie van cliënten. Een individueel recht op toegang
tot counseling en advies moet gewaarborgd worden aan iedereen die er mogelijk
nood aan heeft; toegang tot andere diensten kan onderworpen worden aan
voorwaarden, voor zover die niet te beperkend zijn en in elk geval zorg verzekeren
in geval van dringende nood. De rechten van cliënten moeten beschermd worden:
beslissingen moeten in overleg genomen worden, rechtsmiddelen moeten
beschikbaar zijn, en een recht van hoger beroep moet openstaan in geval van
beweringen van discriminatie en schendingen van de menselijke waardigheid. Het
recht op privacy moet geëerbiedigd worden. Indien sociale diensten verstrekt
worden tegen betaling, mogen de kosten niet zo hoog zijn dat ze de effectieve
toegang tot die diensten verhinderen. Individuen zonder voldoende financiële
middelen moeten gratis toegang krijgen. Sociale diensten moeten geografisch
voldoende verspreid zijn. Ze moeten tevens middelen krijgen die overeenstemmen
met hun verantwoordelijkheden en de noden van de gebruikers. Daarom moet er
voldoende en gekwalificeerd personeel zijn, moet de besluitvorming zo dicht
mogelijk bij de gebruikers staan, en moeten er mechanismen bestaan om de
toereikendheid van de diensten te overzien.79
Artikel 14, § 1 creëert een subjectief recht op diensten die, door gebruik te maken
van methodes van sociaal werk, bijdragen tot de welvaart en ontwikkeling van
individuen en groepen in de samenleving, en tot hun aanpassing aan de sociale
omgeving.80
3. Internationaal verdrag inzake burgerlijke en politieke rechten
Met toepassing van het gelijkheidsbeginsel heeft het Mensenrechtencomité zich
uitgesproken over het recht op sociale zekerheid. Staten zijn onder het Internationaal
Verdrag inzake Burgerlijke en Politieke Rechten (IVBPR) niet verplicht een sociale
77
78
79
80
ECSR, Conclusions I, 69.
D. HARRIS en J. DARCY, The European Social Charter, New York, Transnational
Publishers, 2001, 177.
Zie bijvoorbeeld ECSR, Conclusions XVII-2 (België).
ECSR, Conclusions I, 70.
31
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
zekerheidsstelsel te organiseren, maar als ze dat doen, moeten ze ervoor zorgen dat
dat niet in strijd is met het non-discriminatie- en gelijkheidsbeginsel.81
4. EVRM
Het EVRM waarborgt geen recht op sociale zekerheid. Het Europees Hof voor de
rechten van de mens heeft het recht op sociale zekerheid niettemin onrechtstreeks
getoetst via het recht op een eerlijk proces, het recht op gelijke behandeling en het
recht op eigendom. Als uitgangspunt geldt dat staten een ruime appreciatiemarge
genieten voor algemene economische of sociale maatregelen. Staten kennen immers
beter hun samenleving en de noden van de samenleving. Bovendien is de verdere
realisatie van economische en sociale rechten voornamelijk afhankelijk van de
financiële situatie. Het Hof respecteert daarom in principe socio-economische
beleidskeuzes, tenzij die manifest een redelijke grondslag ontberen.82
In 2005 vond een harmonisatie van de rechtspraak plaats, waarbij zowel voor de
toepasselijkheid van het recht op een eerlijk proces als het recht op eigendom het
niet langer uitmaakt of de sociale zekerheidsuitkeringen gebaseerd zijn op bijdragen
of niet.
Voor de toepasselijkheid van artikel 6, lid 1 EVRM is een geschil over een
burgerlijk recht vereist, wat op zijn beurt een economisch recht veronderstelt. Sinds
1993 aanvaardt het Hof dat ook in het geval van betwistingen over uitkeringen
waarvoor geen bijdragen betaald zijn, artikel 6, § 1 EVRM van toepassing is.83
Een grote kamer van het Hof in Straatsburg heeft in een ontvankelijkheidsbeslissing
van 6 juli 2005 elk recht op sociale uitkering onder de bescherming van het
eigendomsrecht gebracht, ongeacht de vraag of zo een recht al dan niet op bijdragen
gebaseerd was. Het recht op eigendom doet wel geen recht ontstaan om eigendom te
verwerven. Staten zijn met andere woorden vrij om al dan niet een sociaal
zekerheidssysteem uit te bouwen, of om te beslissen welke soort of omvang van
uitkeringen geboden wordt. Indien er echter wetgeving van kracht is die in een
wettelijk recht op een uitkering voorziet, dan doet die wetgeving een
eigendomsbelang ontstaan dat de bescherming geniet van artikel 1 Eerste Protocol.84
In een zaak tegen Ijsland, waar een wetswijziging ertoe geleid had dat een klein
groep mensen hun recht op invaliditeitspensioen verloren, oordeelde het Hof dat de
81
82
83
84
32
Voor een overzicht van de rechtspraak van het Mensenrechtencomité over het recht op
sociale zekerheid in het licht van het gelijkheidsbeginsel, zie W. VANDENHOLE, Nondiscrimination and Equality in the View of the UN Human Rights Treaty Bodies,
Antwerpen, Intersentia, 2005, 14-17 en 45-56.
Zie bv. EHRM 6 juli 2005 (ontv.), Stec e.a. t. Verenigd Koninkrijk, § 52.
EHRM 26 februari 1993, Salesi t. Italië; EHRM 24 juni 1993, Schuler-Zgraggen t.
Zwitserland.
EHRM 6 juli 2005 (ontv.), Stec e.a. t. Verenigd Koninkrijk.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
klager een uitzonderlijke en excessieve last moest dragen die niet te verantwoorden
was door het algemeen belang. De wetswijziging werd verantwoord met verwijzing
naar de financiële moeilijkheden van het pensioenfonds. Alhoewel erkend werd dat
dit een terechte bekommernis was, was de werkelijkheid er moeilijk mee te rijmen:
de grote meerderheid van gerechtigden bleef immers het zelfde pensioen genieten,
terwijl een kleine minderheid de meest drastische maatregel had moeten ondergaan,
namelijk het verlies van alle pensioenaanspraken.85 Een verstoring van het
evenwicht werd ook vastgesteld ten gevolge van de herziening van een in kracht van
gewijsde gegane beslissing waarin een ouderdomspensioen werd toegekend, en
waardoor het bedrag verlaagd werd.86
Een geheel ontoereikend bedrag van sociale zekerheidsuitkeringen kan in principe
vallen onder het toepassingsgebied van art. 3 EVRM.87
5. Samenvatting
Samengevat bevat het mensenrecht op sociale zekerheid dus vier vereisten:
beschikbaarheid (het bestaan van een stelsel van sociale zekerheid); de geleidelijke
verbetering van dat stelsel; toegankelijkheid, met inbegrip van non-discriminatie en
de betaalbaarheid van bijdragen; en kwaliteit. Kwaliteit blijkt onder meer uit de
toereikendheid van uitkeringen; de gedekte risico’s; en het personeel
toepassingsgebied, namelijk wie er gedekt wordt.
C. BETEKENIS IN DE BELGISCHE RECHTSORDE
De vraag of artikel 9 IVESCR, artikels 12-13 (H)ESH en art. 23, derde lid, 2°
directe werking hebben in de Belgische rechtsorde is tot dusver niet beslecht. Wel is
expliciet door de Raad van State aangenomen dat art. 10 IVESCR inzake
moederschapsbescherming geen directe werking heeft, evenmin als het IAO-verdrag
over arbeids- en tewekstellingsdiscriminiatie.88
Het Grondwettelijk Hof heeft erkend dat art. 23 GW. inzake het recht op sociale
bijstand een standstill uitwerking heeft: wetgevers mogen de bescherming die
wetgeving die van toepassing was op de dag dat artikel 23 in werking is getreden,
bood, niet aanzienlijk verminderen.89
Volgens het Grondwettelijk Hof is het recht op sociale zekerheid een van de rechten
die individuen in staat stelt, in combinatie met andere economische, sociale en
culturele rechten, om het recht om een menswaardig leven te leiden, te realiseren.
85
86
87
88
89
EHRM 12 oktober 2004, Kjartan Ásmundsson t. Ijsland, § 45.
EHRM 18 november 2004, Pravednaya t. Rusland, § 41.
EHRM 23 april 2002 (ontv.), Larioshina t. Rusland.
RvS 30 december 1993, nr. 45552, Soc. Kron. 1994, (244), 246.
Arbitragehof 27 nov. 2002, nr. 169/2002, B.6.4 en B.6.5; GwH 1 september 2008, nr.
132/2008, B.9.
33
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Om het recht op sociale zekerheid te waarborgen wordt aan de wetgever een ruime
beoordelingsvrijheid toegekend: enkel kennelijk onredelijke wettelijke maatregelen
kunnen afgekeurd worden. Volgens het Hof berust wetgeving waarbij de toekenning
van verhoogde kinderbijslag voor gehandicapte kinderen afhankelijk gesteld wordt
van een lichamelijke of geestelijke ongeschiktheid van minimaal 66 procent niet op
een kennelijk onredelijk oordeel, met name omdat het recht op sociale zekerheid ook
gewaarborgd wordt door andere wetgevingen.90
Het heeft tevens benadrukt dat inzake het recht op kinderbijslag kinderen in rechte
de begunstigden zijn van de bijslag. Bijgevolg zijn die voorwaarden die voor
werklozen het recht openen op werkloosheidsuitkeringen niet relevant om het
bedrag van de kinderbijslag te bepalen (meer in het bijzonder of er al dan niet recht
is op verhoogde bijslag).91 Het Hof heeft in de regeling waarbij aan kinderen van
niet-uitkeringsgerechtigde volledig werklozen geen verhoogde kinderbijslag wordt
toegekend zoals aan de uitkeringsgerechtigde, bovendien een schending van het nondiscriminatiebeginsel in het Verdrag over de Rechten van het Kind (art. 2)
vastgesteld, dat immers “verbiedt dat het kind wordt gediscrimineerd op basis van de
status van de ouders, wettige voogden of familieleden van het kind.”92
II. HET RECHT OP SOCIALE ZEKERHEID VOOR GEDETINEERDEN
Algemeen valt op dat aan gedetineerden zelden specifieke aandacht besteed wordt in
het licht van het recht op sociale zekerheid. In wat volgt worden de weinige
verwijzingen naar het recht op sociale zekerheid van gedetineerden en exgedetineerden gesprokkeld. Vervolgens worden enkele algemene principes
geformuleerd, die voornamelijk ontleend kunnen worden aan de rechtspraak inzake
mensenrechten van gevangenen in het algemeen.
A. SPECIFIEKE BEPALINGEN
1. Verenigde Naties
a) Internationaal Verdrag inzake Economische, Sociale en Culturele Rechten
In art. 9 IVESCR wordt niet expliciet verwezen naar gedetineerden. In zijn
algemene commentaar over het recht op sociale zekerheid (2007) vraagt het CESCR
op grond van het non-discriminatie- en gelijkheidsbeginsel speciale aandacht van
verdragsstaten voor die individuen en groepen die traditioneel moeilijkheden
90
91
92
34
Arbitragehof 26 april 2007, nr. 66/2007, B10.3-B10.6.
GwH 30 oktober 2008, nr. 145/2008, B.5 en B.7.1.
GwH 30 oktober 2008, nr. 145/2008, B.7.2.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
ondervinden om hun recht op sociale zekerheid uit te oefenen. Daarbij maakt het
expliciet melding van gedetineerden (zowel gehechten als gevangenen).93
b) IAO-verdragen
In het IAO-verdrag inzake dwangarbeid (Nr. 29) wordt geen melding gemaakt van
sociale zekerheid. Het IAO-Comité heeft in een algemene opmerking van 2002 over
dit verdrag, die handelde over de privatisering van gevangenissen en
gevangenisarbeid, verduidelijkt dat privatisering van gevangenisarbeid enkel kan
voor zover er geen dwangarbeid mee gemoeid is. Uit het beginsel van vrije
toestemming leidt het Comité ook af dat de arbeidsvoorwaarden die van toepassing
zijn op gevangenen die voor de privésector arbeid verrichten, die van een vrije
arbeidsverhouding moeten benaderen, bijvoorbeeld inzake het bestaan van een
arbeidscontract, loonniveau, sociale zekerheid en veiligheid en gezondheid.94
Het IAO-verdrag over minimumstandaarden inzake sociale zekerheid (Nr. 102) laat
de schorsing van socialezekerheidsuitkeringen toe gedurende de periode dat een
persoon door de overheid onderhouden wordt. op Voor zover de uitkering hoger is
dan de waarde van het onderhoud, moet dat verschil wel aan de verwanten van de
uitkeringsgerechtigde gegeven worden (art. 69(b)). Een gelijkaardige bepaling is
terug te vinden in de verdragen over arbeidsongevallenvergoedingen (art. 21, § 1, b,
Nr. 121), invaliditeits-, pensioen en uitkeringen voor de langstlevende (art. 32, § 1, b
Nr. 128), en ziekteverzekering (art. 28 § 1, g, Nr. 130). Onder het IAO-verdrag nr.
168 over de bevordering van tewerkstelling en bescherming tegen werkloosheid van
1988, waar België geen verdragspartij bij is, kan een werkloosheidsuitkering
opgeschort worden in geval van een tijdelijke schorsing van tewerkstelling zonder
een breuk in de tewerkstellingsverhouding zolang als de uitkeringsgerechtigde een
andere inkomensvervangende uitkering geniet, maar met uitzondering van
kinderbijslag, en op voorwaarde dat de opgeschorte uitkering niet hoger is dan de
andere uitkering.
c) Standaard minimumregels voor de behandeling van gevangenen
De standaard minimumregels voor de behandeling van gevangenen van de
Verenigde Naties, aangenomen in 1955, bevatten twee specifieke bepalingen over
sociale zekerheidsrechten van veroordeelde gedetineerden. Een richtinggevend
principe is dat de behandeling van gedetineerden niet hun uitsluiting uit de
samenleving, maar hun blijvend behoren tot de samenleving moet accentueren. In
het licht daarvan moeten stappen gezet worden om socialezekerheidsrechten en
andere sociale uitkeringen van gevangenen zo veel mogelijk als het recht en de straf
het toelaten, veilig te stellen (§ 61). Specifiek wat gevangenisarbeid betreft, moet
93
94
CESCR, General Comment No. 19, The Right to Social Security (article 9), VN Doc.
E/C.12/GC/19, 4 februari 2008, § 31.
ILO Committee of Experts on the Application of Conventions and Recommendations,
General Observation concerning Convention No. 29, 2002, § 10.
35
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
voorzien worden in een vergoeding voor beroepsziekten en arbeidsongevallen die
niet minder gunstig is dan voor werknemers buiten de muren (§ 74(2)).95
2. Raad van Europa
a) (Herzien) Europees Sociaal Handvest
Artikels 12-14 (H)ESH verwijzen niet expliciet naar gedetineerden.
Bij de toetsing van art. 12, § 2 ESH in de jaren ’70 heeft het Europees Comité voor
Sociale Rechten zich bezorgd getoond over de situatie in Oostenrijk, waarbij de
personen ten laste van een verzekerde die in de gevangenis verbleef, onder bepaalde
voorwaarden, uitkeringen ontzegd konden worden.96 Uiteindelijk lijkt het Comité
het thema niet langer aangekaart te hebben omdat het IAO-Comité er geen graten in
zag. In de jaren ’90 nam het Comité onder art. 12, § 3 kennis van de mogelijkheid in
Denemarken om kinderbijslag te betalen aan de echtgenote van gevangenen.97
Het Comité heeft ex-gedetineerden gekwalificeerd als een kwetsbare groep wat het
gebruik van sociale diensten betreft (art. 14 ESH).98
Meer specifieke mensenrechtenbepalingen kunnen gevonden worden voor
gevangenisarbeid. Het ECSR vereist net als het IAO-Comité een strikte regulering
van gevangenisarbeid, o.m. wat sociale zekerheid betreft, in het bijzonder indien
gevangenen voor privé-bedrijven werken.99 In het kader van het toezicht op art. 12,
§ 3 nam het Comité midden de jaren ’90 kennis van de uitbreiding in Frankrijk van
ziekte- en pensioenuitkeringen tot gedetineerden die buiten de gevangenis
tewerkgesteld werden.100
b) (Herzien) Europees Wetboek voor Sociale Zekerheid
Het (Herzien) Europees Wetboek voor Sociale Zekerheid bevat een enkele
verwijzing naar ex-gedetineerden. Wat werkloosheidsvergoedingen betreft, moeten
verdragsstaten naast een verplichte groep van verzekerden ook minstens twee
categorieën van personen uit een lijst van acht kiezen, die eveneens recht kunnen
95
96
97
98
99
100
36
Standard Minimum Rules for the Treatment of Prisoners, adopted by the First United
Nations Congress on the Prevention of Crime and the Treatment of Offenders, held at
Geneva in 1955, and approved by the Economic and Social Council by its resolution
663C (XXIV) of 31 July 1957 and 2076 (LXII) of 13 may 1977.
ECSR, Conclusions VI (Oostenrijk), 82.
ECSR, Conclusions XIII-4 (Denemarken), 146.
ECSR, “Statement of Interpretation on Article 14, § 1”, Conclusions 2005.
ECSR, Conclusions XVI-1 (Duitsland), 242-243.
ECSR, Conclusions XIII-2 (Frankrijk), 110.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
hebben op werkloosheidsvergoeding. Ex-gedetineerden behoort tot die lijst van acht
categorieën.101
Schorsing van uitkeringen is mogelijk zolang een rechthebbende onderhouden wordt
door de staat (art. 68 Europees Wetboek; art. 74, § 1, g Herzien Europees Wetboek).
Het Comité van Ministers heeft in zijn resolutie over Estland van mei 2008 een
vraag gesteld aan Estland over de schorsing van het pensioen gedurende de periode
van detentie.102 Die vraag kwam er op aangeven van het IAO-comité, dat toezicht
houdt op de naleving van het Europees Wetboek voor Sociale Zekerheid. De Raad
van Ministers wil meer in het bijzonder vernemen of in overeenstemming met de
bepaling van art. 68(b), het gedeelte van het pensioen dat de waarde van het
onderhoud in hechtenis of gevangenschap overstijgt, doorbetaald wordt aan zij die
ten laste zijn van de uitkeringsgerechtigde.103 Voor zover we hebben kunnen nagaan,
is het de eerste keer dat de schorsing van pensioenrechten voor gevangenen aandacht
gekregen heeft van de Raad van Ministers.
c) Europese gevangenisregels
De Europese gevangenisregels van 2006, aangehecht aan een aanbeveling van het
Comité van Ministers van de Raad van Europa, vermelden het recht op sociale
zekerheid van gedetineerden enkel in de context van arbeid. Ze bepalen dat
werkende gevangenen zoveel mogelijk opgenomen moeten worden in het nationaal
socialezekerheidssysteem (§ 26.17). Minimaal moet er een regeling zijn voor
arbeidsongevallen en -ziekten, die niet minder gunstig mag zijn dan die voor vrije
werknemers (§ 26.14).104 De Europese gevangenisregels echoën zo in grote mate de
minimum standaardregels van de Verenigde Naties.
d) Europese Regels voor minderjarige overtreders die aan sancties of maatregelen
onderworpen worden
Op 5 november 2008 werden in lijn met de Europese gevangenisregels specifieke
regels aangenomen voor minderjarigen. Die regels bevelen aan dat minderjarigen
passende sociale zekerheidsdekking ontvangen vergelijkbaar met die verstrekt in de
vrije samenleving.105 De achterliggende bekommernis is om ongerechtvaardigde
101
102
103
104
105
Art. 20, § 3, g Herzien Europees Wetboek van Sociale Zekerheid.
Met dank aan Tineke Dijkhoff voor het signaleren van deze resolutie.
Comité van Ministers, Resolution CM/ResCSS(2008)5 on the application of the
European Code of Social Security by Estonia (Period from 1 July 2006 to 30 June
2007), 21 mei 2008.
Comité van Ministers, Recommendation Rec(2006)2, 11 januari 2006.
Comité van Ministers, Recommendation CM/Rec(2008)11, 5 november 2008,
Appendix, regel 82.4.
37
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
nadelen (ook in het latere leven) te vermijden door de uitsluting van nationale
sociale zekerheidsstelsels.106
e) Commissaris voor de mensenrechten
De commissaris voor de mensenrechten van de Raad van Europa, Thomas
Hammarberg, besteedt geen systematische aandacht aan de thematiek. Toch is het
belangwekkend dat hij in een recent memorandum over detentie in Frankrijk
beklemtoond heeft dat de toegankelijkheid van socialezekerheidsuitkeringen voor
gevangenen niet mag verwaarloosd worden in de herziening van de wetgeving
inzake het gevangeniswezen.107
Samengevat is vanuit strikt mensenrechtenperspectief de aandacht die aan
gedetineerden besteed wordt uitsluitend te kaderen in de aandacht die in het licht van
het non-discriminatie- en gelijkheidsbeginsel gaat naar zwakke of kwetsbare
groepen. Vanuit internationale socialezekerheidsverdragen geldt de vereiste dat bij
schorsing van uitkeringen, omdat de staat de gerechtigde onderhoudt, het verschil
tussen de uitkering en onderhoud naar de personen ten laste moet gaan.
Minimumregels voor de behandeling van gevangenen beklemtonen het sterkst het
principe dat (werkende) gedetineerden zoveel als mogelijk sociale zekerheidsrechten
moeten blijven genieten met het oog op hun reïntegratie. Specifiek wat
gevangenisarbeid betreft, wordt zowel door de IAO-Comité als het Europees Comité
voor Sociale Rechten voor gedetineerden die werken voor de privésector
aangedrongen op een sociaal zekerheidsregime als voor vrije werknemers.
Bovendien wordt een regeling voor beroepsziekten en arbeidsongevallen verwacht
conform aan die van toepassing op vrije werknemers.
B. ALGEMENE PRINCIPES
Naast deze zeer beperkte en niet-systematische aandacht voor het recht op sociale
zekerheid van gedetineerden, kunnen ook zes algemene principes geïdentificeerd
worden, die richtinggevend kunnen zijn in het beantwoorden van de vraag of en in
welke mate gedetineerden een mensenrecht op sociale zekerheid genieten.
Een eerste belangrijk principe is dat iemand geenszins zijn mensenrechten verliest
wanneer hij van zijn vrijheid beroofd wordt na een veroordeling (en a fortiori indien
106
107
38
European Committee on Crime Problems, Draft commentary to the European Rules for
juvenile offenders subject to sanctions or measures, CM(2008)128 addendum 1, 2
september 2008.
Memorandum by Thomas Hammarberg following his visit to France,
CommDH2008(34), 20 november 2008, § 23: « The Commissioner considers that issues
such as the maintenance of family ties and contact, access to social benefits under
ordinary law, the right to vote in prison, fairly paid work and a significant reduction in
the length of time spent in the disciplinary block or in solitary confinement must not be
neglected. »
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
hij van zijn vrijheid beroofd wordt in afwachting van een proces). Het is vaste
rechtspraak van het Europees Hof voor de Rechten van de Mens dat gedetineerden
in het algemeen alle fundamentele rechten en vrijheden die gewaarborgd worden
door het EVRM verder blijven genieten (met uitzondering van het recht op
vrijheid).108
Dit principe met betrekking tot de rechten die gewaarborgd worden door het EVRM
kan zonder meer uitgebreid worden tot alle mensenrechten, met inbegrip van het
recht op sociale zekerheid. De meeste beperkingen op het recht op sociale zekerheid
kunnen niet geassocieerd worden met de noodzakelijke en onvermijdelijke gevolgen
van opsluiting. Voor de werkloosheidsvergoeding kan wel geargumenteerd worden
dat gedetineerden doorgaans niet langer beschikbaar zijn voor de arbeidsmarkt als
noodzakelijk en onvermijdelijk gevolg van vrijheidsberoving. Uitzonderingen zijn
niettemin mogelijk, bijvoorbeeld indien er een sterk uitgebouwd systeem van
gevangenisarbeid in opdracht van de privésector bestaat, of indien de betrokkene
onwille van familiale of sociale redenen een vrijstelling van beschikbaarheid voor de
arbeidsmarkt genoot. Net zoals een gevangenisstraf voor misdrijven die geen
verband houden met iemands tewerkstelling niet zonder meer een geldige reden
vormen voor ontslag, maar enkel voor zover de duur van de gevangenisstraf de
betrokkene verhindert zijn werk uit de voeren,109 zo ook hoeft een gevangenisstraf
niet noodzakelijk te leiden tot het schorsen van de werkloosheidsvergoeding.
Het Europees Hof voor de Rechten van de Mens hanteert ten tweede ook het
beginsel van de minste schade, namelijk dat de wijze van uitvoering van een
vrijheidsberovende straf niet meer dan het onvermijdelijke leed inherent aan een
vrijheidsberovende straf mag toebrengen in het licht van art. 3 EVRM, en dat de
gezondheid en het welzijn van gedetineerden moet verzekerd worden.110 Artikel 3
EVRM verbiedt foltering, onmenselijke en vernederende behandeling en bestraffing.
Dit principe kan uitgebreid worden tot alle mensenrechten.
Ten derde is door het Hof in Straatsburg en door andere toezichthoudende organen
inzake mensenrechten erkend dat bestraffing weliswaar een van de doelstellingen
van detentie is, maar er toch een toenemend relatief belang wordt gehecht aan de
rehabiliterende doelstelling van detentie.111 In lijn hiermee heeft het ECSR
108
109
110
111
Zie bijvoorbeeld EHRM 6 oktober 2005, Hirst t. Verenigd Koninkrijk (No. 2), §§ 69-70;
EHRM 4 december 2007, Dickson t. Verenigd Koninkrijk, §§ 67 en 75.
ECSR, Conclusions 2005 (Estland), 205-210.
Zie bijvoorbeeld EHRM 4 juli 2006, Ramirez Sanchez t. Frankrijk, § 119: “Article 3
requires the State to ensure that prisoners are detained in conditions that are compatible
with respect for their human dignity, that the manner and method of the execution of the
measure do not subject them to distress or hardship of an intensity exceeding the
unavoidable level of suffering inherent in detention and that, given the practical
demands of imprisonment, their health and well-being are adequately secured.”
Zie bijvoorbeeld EHRM 4 december 2007, Dickson t. Verenigd Koninkrijk, § 74:
“However, and while accepting that punishment remains one of the aims of
39
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
maatregelen van arbeidsbegeleiding en training voor gevangenen verwelkomd, in
het licht van toekomstige reïntegratie.112 Vanuit de reïntegratiegedachte bepalen de
VN-Minimumregels voor de behandeling van gevangenen van 1955 dat stappen
gezet moeten worden om zoveel mogelijk socialezekerheidsrechten te vrijwaren.113
Ten vierde geldt, in het verlengde van het principe dat een gedetineerde zijn
mensenrechten behoudt, dat beperkingen op rechten verantwoord moeten worden in
elk individueel geval. Die verantwoording kan te maken hebben met de
noodzakelijke en onvermijdelijke gevolgen van opsluiting, of met een voldoende
verband tussen de beperking en de omstandigheden van een specifieke gevangene.
Een verantwoording kan niet louter gebaseerd zijn op wat beweerdelijk door de
publieke opinie als beledigend ervaren zou kunnen worden.114
Bijgevolg en meer specifiek moeten de voorwaarden voor de toelaatbaarheid van
een beperking op het recht op sociale zekerheid geëerbiedigd worden. Beperkingen
op het recht op sociale zekerheid van gedetineerden zijn overeenkomstig art. 4
IVESCR enkel toelaatbaar voor zover ze voorzien zijn bij wet, verzoenbaar zijn met
de aard van economische, sociale en culturele rechten en enkel plaatsvinden om het
algemeen welzijn in een democratische samenleving te bevorderen. Het VN-Comité
inzake Economische, Sociale en Culturele Rechten heeft daaraan toegevoegd (wat
het recht op de hoogst mogelijke gezondheidsstandaard betreft) dat beperkingen in
het licht van art. 5, § 1 IVESCR proportioneel moeten zijn, namelijk dat het minst
beperkende alternatief gekozen moet worden. Bovendien moeten beperkingen van
beperkte duur zijn en getoetst worden (‘subject to review’).115 Het is onduidelijk of
die interpretatie beperkt blijft tot het recht op de hoogst mogelijke
gezondheidsstandaard, dan wel ook van toepassing geacht wordt door het Comité op
andere rechten, zoals het recht op sociale zekerheid. In zijn algemene commentaar
over het recht op sociale zekerheid heeft het Comité gesteld dat het intrekken,
verminderen of schorsen van uitkeringen beperkt moet zijn, op redelijke gronden
gebaseerd moet zijn, onderworpen aan due process, en voorzien bij wet.
Onder het (H)ESH zijn beperkingen mogelijk voor zover ze voorzien zijn bij wet, en
noodzakelijk zijn in een democratische samenleving om de eerbiediging van de
rechten en vrijheden van anderen te eerbiedigen, of om de openbare orde, de
nationale veiligheid, de openbare gezondheid of de goede zeden te beschermen (art.
31 ESH; art. G HESH). Het ECSR heeft hieraan toegevoegd dat beperkingen
112
113
114
115
40
imprisonment, the Court would also underline the evolution in European penal policy
towards the increasing relative importance of the rehabilitative aim of imprisonment,
particularly towards the end of a long prison sentence.”
ECSR, Conclusions XIV-2 (Malta).
§ 61.
Zie bijvoorbeeld EHRM 6 oktober 2005, Hirst t. Verenigd Koninkrijk (No. 2), §§ 69-70;
EHRM 4 december 2007, Dickson t. Verenigd Koninkrijk, §§ 67 en 75.
CESCR, General Comment No. 14, The Right to the highest attainable standard of
health, VN Doc. E/C.12/2000/4, 11 augustus 2000, § 28.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
restrictief geïnterpreteerd moeten worden, zodat het wezen zelf van het recht
bewaard wordt.116
De proportionaliteitsvereiste houdt in dat bij een conflict van belangen en rechten
naar een evenwicht gezocht moet worden, in dit geval tussen het individuele belang
van een gedetineerde en het algemeen belang.117 Te verwachten valt dat staten door
het EHRM een ruime appreciatiemarge zou gegund worden bij die afweging, gezien
het gebrek aan Europese consensus over het behoud van socialezekerheidsrechten
door gedetineerden. Dit principe geldt des te meer indien complexe sociale vragen
aan de orde zijn. Enkel indien een beleidskeuze manifest onredelijk is, zal het Hof
die niet volgen.118 Daarbij moet opgemerkt worden dat een algemene en
automatische beperking op (belangrijke) rechten zonder afweging van belangen en
zonder een beoordeling van de proportionaliteit geacht wordt buiten de
appreciatiemarge te vallen, hoe wijd die ook is. Het EHRM heeft met toepassing van
deze regel zowel het ontzeggen van kiesrecht als het ontzeggen van kunstmatige
inseminatie aan gedetineerden als schendingen beschouwd van respectievelijk art. 3
Prot. 1 en art. 8 EVRM.119
Het ECSR erkent een appreciatiemarge voor staten in bepaalde materies, in het
bijzonder in het kader van de artikels 2, § 4, 3, § 3, 15, 16, 25 en 31 (H)ESH.
Specifiek voor de afweging van belangen tussen een bepaalde groep en het
algemeen belang en de keuzes inzake prioriteiten en middelen, wat positieve
verplichtingen betreft, heeft het onder het recht op huisvesting een appreciatiemarge
erkend voor staten.120 Een ruime appreciatiemarge is tot dusver enkel erkend inzake
ruimtelijke ordening.121 Het lijkt dus zeker niet vanzelfsprekend dat het ECSR
zonder meer een ruime appreciatiemarge voor het recht op sociale zekerheid zou
erkennen.
Het CESCR heeft het concept van de nationale appreciatiemarge expliciet gebruikt
in een verklaring over de verplichting om stappen te zetten ten belope van de
maximaal beschikbare middelen, in het licht van een individueel klachtrecht. Het
geeft daarin aan dat het de appreciatiemarge van staten eerbiedigt om stappen te
zetten en maatregelen te nemen die het meest aangepast zijn aan hun specifieke
omstandigheden, en om het optimaal gebruik van middelen te bepalen, om een
nationaal beleid uit te stippelen en om aan sommige aanspraken op middelen
116
117
118
119
120
121
ECSR 3 november 2004, International Federation for Human Rights (IFHR) t.
Frankrijk, nr. 14/2003, §§ 29-32.
EHRM 4 december 2007, Dickson t. Verenigd Koninkrijk, § 71.
Ibid., § 78.
Zie EHRM 6 oktober 2005, Hirst t. Verenigd Koninkrijk (No. 2), § 82; EHRM
4 december 2007, Dickson t. Verenigd Koninkrijk, §§ 79-85.
ECSR 18 oktober 2006, European Roma Rights Center (ERRC) t. Bulgarije, nr.
31/2005, § 35.
Ibid., § 54.
41
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
voorrang te verlenen.122 In zijn algemene commentaar over het recht op sociale
zekerheid erkende het Comité dat elke staat over een beleidsvrijheid (margin of
discretion) beschikt in de keuze van de middelen, maar dat elke verdragspartij
niettemin de verplichting heeft om alle stappen te zetten die nodig zijn om ervoor te
zorgen dat iedereen zo snel mogelijk het recht op sociale zekerheid geniet.123
Elders hebben we bijkomende criteria gesuggereerd in geval van conflicten tussen
economische, sociale en culturele rechten die grote implicaties inzake financiële
middelen hebben (een zogenaamde proportionality plus test). Elementen van deze
test zijn een dubbele prioriteitstelling, namelijk van de kernverplichtingen en van de
meest kwetsbare groepen.124
Ten vijfde geldt dat kwetsbare groepen bijzondere bescherming verdienen. Het VNComité voor economische, sociale en culturele rechten geeft systematisch voorrang
aan de bescherming van de meest kwetsbare groepen.125 Ook bij het definiëren van
de kernverplichtingen onder een bepaald recht wordt bijzondere aandacht besteed
voor de meest kwetsbare groepen. Een zelfde voorrang voor kwetsbare groepen
blijkt uit de ‘rechtspraak’ van het ECSR: « States Parties must be particularly
mindful of the impact that their choices will have for groups with heightned
vulnerabilities as well as for other persons affected including, especially, their
families […]. »126
Ook (voormalige) gevangenen worden als een kwetsbare groep beschouwd, die
bijzondere bescherming verdient. Het VN-Comité voor economische, sociale en
culturele rechten, dat toezicht houdt op het IVESCR, heeft in zijn algemene
commentaar over het recht op sociale zekerheid gevangenen als een groep
gekwalificeerd die traditioneel moeilijkheden ondervindt in de uitoefening van dit
recht, en daarom bijzondere aandacht verdient vanuit het gelijkheidsbeginsel.
Volgens dat Comité vereist het element van toegankelijkheid van het recht op
sociale zekerheid dat iedereen gedekt is door het sociale zekerheidssysteem, en dat
122
123
124
125
126
42
CESCR, Statement by the Committee: An evaluation of the obligation to take steps to
the “maximum of available resources” under an optional protocol to the Covenant, VN
Doc. E/C.12/2007/1, 10 mei 2007, §§ 11 en 12.
CESCR, General Comment No. 19, The Right to Social Security (article 9), VN Doc.
E/C.12/GC/19, 4 februari 2008, § 66.
W. VANDENHOLE, “Conflicting Economic and Social Rights: The Proportionality Plus
Test” in E. BREMS (ed.), Conflicts Between Fundamental Rights, Antwerpen,
Intersentia, 2008, 559-589.
Zie bijvoorbeeld CESCR, Concluding Observations (Nederland), VN Doc.
E/C.12/1/Add.25, 1998, § 25: “urges the Government to ensure that the reduction of
budgetary allocations for social welfare programmes does not adversely affect the
economic, social and cultural rights of the most vulnerable groups in the Netherlands.”;
CESCR, General Comment No. 15, The Right to Water (Arts. 11 and 12 of the
International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights), VN Doc.
E/C.12/2002/11, 20 januari 2003, § 13.
ECSR 7 november 2003, Autism Europe t. Frankrijk, nr. 13/2002, § 53.
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
het recht op toegang tot sociale zekerheidsstelsels gewaarborgd wordt op nietdiscriminatoire basis, in het bijzonder voor achtergestelde of gemarginaliseerde
groepen.
Het Europees Comité voor Sociale Rechten beschouwt ex-gedetineerden als een
kwetsbare groep wat de toegankelijkheid van sociale diensten betreft.
De aandacht voor de rechten van de zwaksten en armen is ook merkbaar in de
rechtspraak van het EHRM.127
Een zesde principe is dat van de progressieve realisatie en het vermoeden van
ontoelaatbaarheid van retrogressieve maatregelen. Geleidelijke verwezenlijking ten
belopen van de maximaal beschikbare middelen staat expliciet ingeschreven in art.
2, § 1 IVESCR. In logische samenhang hiermee mogen staten in principe geen
regressieve maatregelen nemen. Het ECSR aanvaardt eveneens dat wanneer de
realisatie van een bepaald recht uitzonderlijk complex is en bijzonder duur, een staat
maatregelen moet nemen om het recht te realiseren binnen een redelijke termijn, met
meetbare vooruitgang en in verhouding tot de maximaal beschikbare middelen.128
Beide beginselen zijn ook expliciet toegepast op het recht op sociale zekerheid (zie
hoger).
Er kan geargumenteerd worden dat progressieve realisatie ook betekent dat groepen
die voorheen uitgesloten werden van het genot van een recht, zoals gedetineerden,
ook onder de toepassing van dat recht gebracht moeten worden. Op die manier zou
de toegankelijkheid van het recht, in de zin van de dekkingsgraad, verhoogd
worden.129 Daarnaast zou geargumenteerd kunnen worden dat individuen het recht
op sociale zekerheid genieten voor ze de gevangenis ingaan, en de beperking of
schorsing van hun sociale zekerheidsrechten een regressieve maatregel vormt. Een
mogelijk probleem is hier echter dat de toezichthoudende instanties bij
mensenrechtenverdragen eerder kiezen voor een algemene of structurele beoordeling
dan voor een individuele beoordeling van regressieve maatregelen. Het ECSR
benadert de beoordeling van vooruitgang in het algemeen: het gaat voornamelijk na
of er globaal gezien meer vooruitgang dan achteruitgang is in de realisatie van het
recht op sociale zekerheid. De toename van het remgeld voor doktersconsultaties in
België werd bijvoorbeeld niet strijdig bevonden met het ESH, omdat de financiële
capaciteit van achtergestelde groepen in rekening gebracht was, en omdat er een
beduidende afname was in de gemiddelde bijdrage van patiënten.130 Ook het Inter127
128
129
130
A.G. GOMEZ, Social Security as a Human Right – The Protection Afforded by the
European Convention on Human Rights, Straatsburg, Council of Europe Publishing,
2007, 22.
ECSR 7 november 2003, Autism Europe t. Frankrijk, nr. 13/2002, § 53.
CESCR, General Comment No. 19, The Right to Social Security (article 9), VN Doc.
E/C.12/GC/19, 4 februari 2008, § 23. Het Comité benadrukt hier het belang van het
insluiten van de meest kwetsbare en gemarginaliseerde groepen.
ECSR, Conclusions XV-1 (België), vol. 1, art. 12.
43
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Amerikaans Hof voor de Mensenrechten meent dat de progressieve realisatie
betrekking heeft op de collectieve dimensie van economische, sociale en culturele
rechten, en individuele gevallen niet beoordeeld kunnen worden in het licht van de
verplichting tot progressieve realisatie.131
III. ELEMENTEN
VAN TOETSING VAN DE BELGISCHE SITUATIE AAN
HET MENSENRECHT OP SOCIALE ZEKERHEID
Gedetineerden vallen voor hun bestaanszekerheid vooral ten laste van de FOD
Justitie. Hun socialezekerheidsrechten worden in de meeste gevallen geschorst
tijdens de detentie.132
Toetsing van de huidige uiteenlopende regelingen per sector van de sociale
zekerheid aan de algemene beginselen van het socialezekerheidsrecht en het
strafrecht, in het bijzonder de basiswet over het gevangeniswezen en de rechtspositie
van gedetineerden van 2005, doet besluiten tot een aantal inconsistenties en
spanningen.133 Hier wordt verkennend onderzocht wat een toetsing van de schorsing
oplevert aan het mensenrecht op sociale zekerheid en internationaalrechtelijke
mensenrechtelijke principes. In een systematische schendingenbenadering zou
vanzelfsprekend veel fijnmaziger en grondiger moeten nagegaan worden of bepaalde
regelingen of toepassingen in de praktijk in strijd zijn met het mensenrecht op
sociale zekerheid.
Als uitgangspunt geldt dat een gedetineerde het mensenrecht op sociale zekerheid
blijft genieten bij vrijheidsberoving. Het verlies of de schorsing van het mensenrecht
op sociale zekerheid, is niet als een onvermijdelijk gevolg van de vrijheidsberoving
te beschouwen (met mogelijke uitzondering in limitatieve gevallen, zo bijvoorbeeld
wat de werkloosheidsvergoeding betreft, supra nr. 0).
De schorsing van sociale zekerheidsuitkeringen aan gedetineerden is bijgevolg als
een beperking op het mensenrecht op sociale zekerheid te beschouwen. Elke
beperking op het recht moet voldoen aan de voorwaarden die meer in het algemeen
gelden voor beperkingen op economische, sociale en culturele rechten, met name:
1.
er moet een wettelijke grondslag zijn.
131
IAHMR 28 februari 2003, Five pensioners t. Peru, Series C no. 98, § 147. Twee
rechters waren het oneens met de meerderheid op dit punt, zie H.F. LEDESMA, “The
Validity of Economic, Social and Cultural Rights in the Inter-American System” in
M. WINDFÜHR (ed.), Beyond the Nation State – Human Rights in Times of
Globalization, 2005, Uppsala, Global Publications Foundation, (192) 207.
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE (eds.), Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten in Recht en Sociale Zekerheid, 14, Brugge, die Keure,
384.
Ibid., algemeen en 399-413.
132
133
44
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden: sprokkels en principes
De vereiste van een wettelijke grondslag houdt niet in dat een regeling bij
formele wet vereist is, wel dat de regeling aan kwaliteitsvereisten van
toegankelijkheid en voorzienbaarheid van de gevolgen moet voldoen;
2.
de beperking moet een legitiem doel nastreven, zoals het algemeen welzijn, of
de rechten en vrijheden van anderen.
Aangezien deze voorwaarde soepel wordt toegepast, en nog nooit een
beperking ontoelaatbaar geacht is wegens het ontbreken van een legitiem doel,
lijkt het vermijden van een dubbele tenlasteneming door de staat de schorsing
van sociale zekerheidsuitkeringen in dit opzicht te kunnen verantwoorden;
3.
er moet een redelijke verhouding zijn tussen het nagestreefde doel en de
aangewende beperkingsmaatregelen (proportionaliteit).
Zoals hoger aangegeven valt te verwachten dat een staat over een ruime
appreciatiemarge beschikt in het beoordelen van de proportionaliteit. Niettemin
kan geargumenteerd worden dat een algemene en automatische beperking op
het mensenrecht op sociale zekerheid van gedetineerden niet verantwoordbaar
zou zijn met verwijzing naar de nationale appreciatiemarge. Deze argumentatie
spruit echter voort uit de rechtspraak van het Europees Hof voor de Rechten
van de Mens, dat in principe toeziet op de naleving van burgerlijke en politieke
rechten, en zich terughoudend opzet bij de toetsing van complexe sociale
vragen. Het ECSR en het CESCR hebben zich (nog) niet echt uitgesproken
over criteria voor een variërende nationale appreciatiemarge, maar lijken
alleszins niet geneigd te zijn om te gewagen van een ruime appreciatiemarge.
Met toepassing van de dubbele prioriteitstelling die we zelf bepleit hebben in
de toetsing van de proportionaliteit van beperkingen op economische, sociale
en culturele rechten, namelijk voorrangsverlening aan kwetsbare groepen en
kernverplichtingen, zou geargumenteerd kunnen worden dat met betrekking tot
gedetineerden, die een als dusdanig erkende kwetsbare groep vormen, in
redelijkheid voor het minst beperkende alternatief gekozen moet worden. Het
door Van Limberghen en van der Plancke geformuleerde alternatief om de
sociale zekerheidsuitkeringen van gedetineerden niet te schorsen, maar een
bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf te heffen,134 verdient in dit
verband de nodige aandacht. Voor zover kan aangetoond worden dat dergelijke
heffing van een bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf het minst
beperkende alternatief vormt, is de huidige regeling van schorsing
aanvechtbaar op grond van het proportionaliteitsvereiste.
In het licht van de verplichting tot progressieve realisatie en het vermoeden van
ontoelaatbaarheid van regressieve maatregelen zou opgeworpen kunnen worden dat
staten verplicht zijn om progressief ook gedetineerden onder de dekking van hun
sociale zekerheidsstelsel te houden, en, voor zover personen vóór ze van hun
vrijheid beroofd werden, onder het sociale zekerheidsstelsel vielen, de schorsing van
134
Ibid., 385-388 en 397-399.
45
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
hun sociale zekerheidsrechten tijdens detentie een niet-toelaatbare regressieve
maatregel is. Dergelijke argumentatie lijkt meer kans op slagen te hebben met
betrekking tot de categorie van gevangenen, dan met betrekking tot individuele
gevangenen. Bovendien lijkt de argumentatie meer kans te hebben in de meer
maximalistische verplichtingenbenadering – waarbij meer op basis van algemene
beginselen gewerkt wordt, dan in de striktere en meer minimalistische
schendingenbenadering. Binnen een schendingenbenadering, waarbij aangetoond
moet kunnen worden dat er sprake is van een schending, is onzeker of en in welke
mate toezichtsmechanismen bereid gevonden zouden kunnen worden om aan deze
relatief algemene principes te toetsen en een eventuele strijdigheid vast te stellen.
IV. BESLUIT
Het mensenrecht op sociale zekerheid is internationaalrechtelijk behoorlijk
stiefmoederlijk behandeld. Toch is onmiddellijk duidelijk wat de belangrijkste
elementen en verplichtingen zijn, vooral dankzij het interpretatief werk van de
toezichthoudende comités. Nog problematischer is het mensenrecht op sociale
zekerheid van de specifieke groep van gedetineerden. Naast enkele sprokkels van
verdragsrechtelijke of interpretatieve aanknopingspunten berust deze bijdrage vooral
op algemene principes inzake mensenrechten van gedetineerden enerzijds, en inzake
economische, sociale en culturele rechten (van kwetsbare groepen, waartoe
gedetineerden gerekend kunnen worden), anderzijds.
De huidige Belgische algemene regeling van de schorsing van sociale
zekerheidsrechten tijdens detentie kan niet zonder meer als strijdig met het
mensenrecht op sociale zekerheid gekwalificeerd worden. Wel kunnen kritische
vragen gesteld worden. Met name in het licht van het proportionaliteitsvereiste rijst
de vraag of de schorsing wel het minst beperkende alternatief is, en of het
voorgestelde behoud van rechten met heffing van een bijdrage in de kosten van
onderhoud en verblijf niet te verkiezen valt.
46
« LA JUSTICE SOCIALE NE SAURAIT S’ARRETER A LA PORTE
DES PRISONS »
LE (NON) DROIT DES DETENUS A LA SECURITE SOCIALE EN
BELGIQUE
par Véronique VAN DER PLANCKE
Chercheuse au Centre Droits fondamentaux et Lien social
(FUNDP),
Chercheuse associée au Centre de Philosophie du droit
(UCL),
Avocate au Barreau de Bruxelles
et
Guido VAN LIMBERGHEN
Professeur à la VUB
Vakgroep Sociaal Recht
« La confusion des pouvoirs à un bout, et à l’autre la
profusion de personnes qui n’ont rien à perdre et tout
à gagner ; entre les deux un marais inquiet et privé
de repères : un tel contexte est propice au retour de
la violence. Non pas la violence organisée et
réfléchie des luttes ouvrières, mais la violence
individuelle, comme ultime forme d’expression ou
de redistribution (…). Le droit pénal serait alors
l’avenir du droit social (les Etats-Unis montrent ici
la voie), comme il a été son passé »1.
I. INTRODUCTION2
1.
En 1984, la Cour européenne des droits de l’Homme déclara, dans son arrêt phare
Campbell et Fell, que « la justice ne saurait s’arrêter à la porte des prisons », avant de
reconnaître aux requérants, détenus, le plein bénéfice des droits civils et politiques
dans le cadre de la répression disciplinaire dont ils faisaient l’objet3. Si à l’époque
cette affirmation avait des airs de conquête, l’adage est depuis lors systématiquement
rappelé comme une exigence, sinon atteinte, du moins indiscutable. Un quart de
siècle plus tard, il nous appartient, pour paraphraser la Cour, de travailler à ce que
l’aspiration à la justice sociale franchisse le seuil des établissements pénitentiaires ; et
d’interroger, en conséquence, tant la légalité que la légitimité des limitations
infligées, pendant la détention, au droit fondamental à la sécurité sociale. Cette tâche
devient incontournable.
Si la question sociale se pose avec acuité dans la prison, c’est parce qu’elle compte
1
2
3
A. SUPIOT, « L’avenir d’un vieux couple : travail et Sécurité sociale », Dr. Soc., 1995,
p. 829.
Cet article prend sa source dans l’étude menée en 2007 sur la protection sociale des
détenus, ayant conduit à la publication de l’ouvrage intitulé : V. VAN DER PLANCKE et
G. VAN LIMBERGHEN, La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches,
Bruxelles, La Charte, coll. Droit en mouvement, 2008, 517 p. et en néerlandais : G. VAN
LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, De sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en
hun verwanten, Brussel, Die Keure, reeks Recht en sociale zekerheid, 2008, 437 p.
Cette étude put voir le jour grâce à l’impulsion de l’asbl Réseau Détention et
Alternatives (REDA), la collaboration du Netwerk Samenleving en Detentie et le
soutien de la Fondation Roi Baudouin. Par cette contribution, les auteurs tendent à
améliorer, voire dépasser, les conclusions de leur recherche précédente qui contient une
série de propositions de modifications législatives pour chaque branche de sécurité
sociale. En ce qu’elle se réfère systématiquement à l’ouvrage précité, la présente
analyse ne détaille pas l’impact de la détention sur chaque assurance sociale ou secteur
d’assistance sociale et, quant à la jurisprudence citée, se limite généralement à celle que
n’a pas recensée ledit ouvrage.
Cour eur. D.H., arrêt Campbell et Fell c. Royaume-Uni du 28 juin 1984, Série A n° 80,
§ 69.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
traditionnellement une surreprésentation de personnes issues de milieux
économiquement défavorisés. Le Rapport 2008 de la Section belge de l’Observatoire
International des Prisons confirme la désaffiliation massive, sur les plans
économique et social, des personnes incarcérées, leurs trajectoires de vie se
traduisant par une grande difficulté à s’insérer dans les structures sociétales
traditionnelles d’intégration sociale, telles la famille et l’emploi4. Le Rapport
constate également un processus de paupérisation au sein de la population
pénitentiaire5 : l’incarcération, loin de résoudre la situation sociale des détenus,
aggrave leur marginalisation par la mise en péril des relations familiales,
l’impossibilité répandue pour le détenu de conserver son logement s’il vit seul (en
raison du fait qu’il n’est plus en mesure de payer de loyer) et, s’il avait un emploi,
son licenciement quasi systématique au moment de sa libération. Pour conclure que
« l’inscription sociale, familiale et professionnelle constituant les trois clés de voûte
d’une insertion réussie, l’incarcération apparaît comme un des premiers facteurs de
désocialisation… »6.
2.
Malgré ce diagnostic d’extrême vulnérabilité sociale de la population carcérale, on
constate en Belgique une exclusion significative des détenus du système de sécurité
sociale, de nombreuses législations en la matière prévoyant la suspension du
paiement des allocations en cas de détention de l’allocataire. Cette exclusion
entraîne des répercussions dommageables sur la famille du détenu et prolonge
souvent ses effets au-delà de la libération de ce dernier. Il est en outre généralement
admis que le travail pénitentiaire n’est pas presté en exécution d’un contrat de travail
et n’ouvre dès lors pas de droit à la sécurité sociale au bénéfice des détenus.
Or, il convient de rappeler ici que les auteurs du Rapport final de la Commission
Dupont7 avaient clairement décrété que cette exorbitance du droit social que
constitue l’exclusion des détenus du système institutionnel de solidarité collective
« contribue à la désocialisation plutôt qu’à la réinsertion, surtout par le fait que les
détenus n’ont pratiquement plus les moyens d’assurer, sur la base de responsabilités
qu’ils ont eux-mêmes assumées, le soutien des membres de leur famille qui, pour
autant qu’ils bénéficient déjà d’un soutien, ‘obtiennent’ ce dernier indépendamment
des engagements du détenu ». Le Rapport précise encore : « le circuit financier qui
entoure les détenus et leurs proches se met en place sans que le détenu ait la
possibilité d’y contribuer de façon constructive (…). Par conséquent, la prison en tant
qu’institution totale8 ne se cantonne pas derrière les murs mêmes de la prison,
4
5
6
7
8
50
Observatoire International des Prisons (Section belge), Notice 2008 – De l’état du
système carcéral belge, Bruxelles, 15 octobre 2008, p. 27.
Dans le même sens, voy. Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Ed. La Découverte,
Paris, 2009, pp. 14 et 35-39.
Observatoire International des Prisons (Section belge), Notice 2008 – De l’état du
système carcéral belge, Bruxelles, 15 octobre 2008, p. 27.
La Commission chargée de la rédaction de la Loi de principes fut baptisée
« Commission Dupont » du nom du Professeur Lieven DUPONT qui l’a présidée.
C’est nous qui soulignons. La prison comme institution totale signifie que tous les
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
puisqu’elle s’infiltre aussi dans l’un des piliers les plus solides de l’État de droit
social, à savoir la sécurité sociale (…). L’exclusion (partielle) du système de la
sécurité sociale constitue en quelque sorte un supplément de peine (non voulu), est
source d’un effet préjudiciable évitable de la détention, est contraire au principe de
normalisation. »9. Pour conclure en exigeant une « réforme fondamentale du statut
des détenus à l’égard de la sécurité sociale », dans l’esprit de ce dernier principe10/11.
3.
Qu’est-il advenu de ces préoccupations convergentes ?
Depuis quelques récentes années, le législateur a substantiellement modifié le statut
des détenus par l’adoption de trois lois fondamentales successives : la loi du 12
janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique
des détenus, la loi du 17 mai 2006 concernant le statut juridique externe des
personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la
victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine, et la loi du 21 avril
2007 relative à l’internement des personnes atteintes d’un trouble mental.
Les lois du 17 mai 2006 et du 21 avril 2007 ont trait respectivement aux statuts
juridiques externes des personnes condamnées ou internées. Ces législations
déterminent les mesures d’exécution des peines extra muros ou celles de
l’internement, et les règles de droit qui s’appliquent à chacune de ces mesures12.
Quant à la loi de principes du 12 janvier 2005, elle n’autorise dorénavant pas
d’autres restrictions aux droits des détenus, parmi lesquels les droits sociaux, que
celles qui découlent de la condamnation pénale ou de la mesure privative de liberté,
celles qui sont indissociablement reliées à cette dernière et celles qui sont
9
10
11
12
aspects de la vie quotidienne sont vécus dans un même espace clos, que tout dépend
d’elle : elle punit, elle éduque, elle gère l’argent du détenu ou l’en prive. Voy. :
S. SNACKEN, « Normalisation » dans les prisons : concepts et défis. L’exemple de
l’Avant-projet de loi pénitentiaire belge », in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.),
L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux de la reconnaissance de droits aux détenus,
Bruylant, L.G.D.J., 2002, p. 137.
Rapport final de la commission sur la Loi de principes concernant l’administration
pénitentiaire et le statut juridique des détenus, Doc. parl., Ch. repr., 2000-2001, Doc 50
n° 1076/001, p. 148-149.
Rapport final, op. cit., p. 154.
On trouve des revendications identiques dans d’autres Etats, notamment en France où
des auteurs relèvent que le droit social est pour l’essentiel inapplicable aux détenus et
que les réformes en ce domaine constituent une urgence tant juridique que sociale. Voy.
notamment M. HERZOG-EVANS, « La révolution pénitentiaire française » in
D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.), L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux de
la reconnaissance de droits aux détenus, Bruylant, L.G.D.J., 2002, p. 30 ;
Ph. AUVERGNON et C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question : une approche
juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, 195 p.
Pour un aperçu des statuts juridiques externes des personnes condamnées et internées,
voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op. cit., pp. 65-80.
51
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
déterminées par ou en vertu de la loi13. Si la loi de principes n’a pas pour objet ou
vocation de codifier le droit des détenus à des prestations de sécurité sociale –
afférentes ou non au travail pénitentiaire -, les principes fondamentaux de son Titre
II, déjà entrés en vigueur, conduisent à l’adoption de certaines réformes en ce
domaine. A la lumière du principe de protection juridique, toute loi privant les
détenus de prestation de sécurité sociale devrait dorénavant être soumise à un test de
justification et invalidée si la prise en charge des prisonniers par le SPF Justice ne
leur garantit pas une protection sociale équivalente. Ce raisonnement est conforme
aux Règles pénitentiaires européennes 2006 qui rappellent que « les restrictions
imposées aux personnes privées de liberté doivent être réduites au strict nécessaire et
proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposes »14.
L’application des principes de « responsabilisation » et de « limitation des effets
préjudiciables de la détention » consacrés dans la loi du 12 janvier 2005 excluent
notamment, pour leur part, que la famille du détenu souffre de privations qui
découleraient de la détention d’un de ses proches.
Le principe de « limitation du préjudice » est mis en œuvre par le « principe de
normalisation » – non textuellement repris dans la loi mais abondamment cité par la
Commission Dupont –, selon lequel la vie en prison doit correspondre autant que
possible à celle du monde extérieur15.
13
14
15
52
Art. 6 § 1er, L. de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire
ainsi que le statut juridique des détenus (ci-après, Loi de principes). Pour une analyse
de l’impact des principes de la loi du 12 janvier 2005 sur le droit à la sécurité sociale
des détenus, voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op. cit., pp. 41-63.
Art. 3 des Règles pénitentiaires européennes (voy. Recommandation Rec (2006) du
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur les Règles
pénitentiaires européennes). Ces règles pénitentiaires qui ambitionnent de définir une
véritable politique pénitentiaire sont, certes, non contraignantes. Pour quelques
commentaires à leur sujet, voy. notamment J.-M. LARRALDE, « Les règles pénitentiaires
européennes, instrument d’humanisation et de modernisation des politiques carcérales »,
Rev. trim. dr. h., 72/2007, pp. 993-1015 ; M. EUDES, « La révision des règles
pénitentiaires européennes – Les limites d’un droit commun des conditions de
détention », Droits fondamentaux, n° 6, janvier – décembre 2006, 17 p., www.droitsfondamentaux.org.
Rapport final, op. cit., p. 8. Wolfgang LESTING a défini la notion de normalisation
comme le rapprochement égalitaire des conditions de la détention avec les standards de
la société libre, tant dans leur dimension sociale que juridique. Voy. W. LESTING,
Normalisierung im Strafvollzug : Potential und Grenzen, Pfaffenweiler, Centaurus
Verlag, 1988, p. 6, cite par E. SHEA, « Les paradoxes de la normalisation du travail
pénitentiaire en France et en Allemagne », Déviance et Société, 2005/3, Volume 29, p.
349-365.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
La normalisation des conditions de détention est devenue depuis les années 1980 la
doctrine officielle, et donc la maxime fondamentale de l’exécution des peines. Elle
est d’inspiration européenne16.
L’objectif recherché par ce nouveau principe ne revient pas à formater
disciplinairement des comportements, mais bien, comme le disait S. Snacken, à créer
des « conditions pour que les libérés puissent se maintenir dans la société sans
nouvelles confrontations avec le système pénal »17. Le principe de normalisation est
donc finalisé ; il ambitionne de dire à la fois quelque chose sur l’étendue de la peine
– quelles sont les privations admissibles ? – et sur la fonction du traitement
pénitentiaire. Le principe de normalisation est désormais considéré comme une
condition essentielle à la réalisation des autres fonctions de la peine
d’emprisonnement que celle de la punition : la réinsertion, la réparation et la
réhabilitation18. Il est postulé que ce n’est que si la prison prend distance avec le
modèle de l’institution totale que les chances d’une réintégration réussie peuvent
être réelles. Le curseur sur l’échelle des objectifs de la peine « punition/réinsertion »
est – en théorie du moins – quelque peu déplacé : du châtiment retrospectif
(backward-looking) vers l’investissement prospectif (forward-looking), du besoin
d’exclure vers la nécessité d’inclure.
Selon S. Snacken, ce principe de normalisation signifie dès lors au niveau individuel
que le détenu doit être reconnu « dans la diversité de ses rôles sociaux », grâce à
l’établissement d’un statut juridique. Et au niveau collectif, que l’offre de services
en prison doit être équivalente à l’offre existant hors prison, notamment au niveau
du travail pénitentiaire et des soins de santé. Dans le système actuel, l’équivalence
de la qualité et de la fréquence des soins par exemple, telle qu’exigée par le principe
de normalisation, serait plus facile à atteindre si les détenus participaient au système
de sécurité sociale existant dans la société libre19.
16
17
18
19
Voy. notamment les articles 64 et 65 des Règles pénitentiaires européennes du Conseil
de l’Europe (1987). Dans ces Règles sont affirmés des principes tels que le respect des
droits des détenus, et en particulier de la légalité de l’exécution des peines, la privation
de liberté comme punition en soi qui ne doit pas être aggravée par des souffrances
inutiles, l’organisation de régimes respectueux de la dignité humaine et contrant les
effets néfastes de l’enfermement, notamment par les contacts avec l’extérieur, ou encore
la responsabilisation des détenus. Ces Règles ont servi de référence à la loi belge du
12 janvier 2005.
Les Règles pénitentiaires européennes ont été actualisées en 2006 (voy. supra). Les
dispositions 5, 6 et 102 concernent le principe de normalisation.
S. SNACKEN, « Normalisation » dans les prisons : concepts et défis. L’exemple de
l’Avant-projet de loi pénitentiaire belge », in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.),
L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux de la reconnaissance de droits aux détenus,
Bruylant, L.G.D.J., 2002, p. 134.
Ph. MARY, F. BATHOLEYNS, J. BEGHIN, « La prison en Belgique : de l’institution totale
aux droits des détenus ? », Déviance et Société, 2006, vol. 30, n°3, p. 397.
S. SNACKEN, op cit., p. 151. L’auteur n’aura pas manqué de signaler que la portée exacte
du principe de normalisation peut s’avérer problématique. En effet, il soulève la double
53
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
4.
Le législateur doit désormais réinterroger, à la lumière des nouveaux statuts interne
et externes des détenus et des internés, la suspension traditionnelle des allocations
sociales (II.) et le refus de considérer le travail pénitentiaire comme source de droit
à la sécurité sociale (III.). Il devra remédier aux nombreuses lacunes criblant le
dispositif actuel. La présente étude espère le guider dans ce chantier.
II. SUSPENSION DES ALLOCATIONS DE SECURITE SOCIALE
5.
En Belgique, le SPF Justice reçoit la mission d’assurer la protection sociale des
détenus avec pour conséquence la suspension, par le législateur, du versement de la
plupart des prestations de sécurité sociale en cas de détention de l’ayant droit. Il
nous appartient de poser les questions critiques de ce choix politique (A.), d’analyser
la manière dont ce choix est mis en oeuvre (B.) et d’examiner plus en détail si le
maintien total du paiement des allocations, conjugué au prélèvement d’une
contribution dans les frais d’hébergement et d’entretien formerait une meilleure
option (C.).
A. QUESTION CRITIQUE QUANT AU CHOIX POLITIQUE
6.
Des normes internationales et nationales consacrent le droit fondamental à la
protection sociale20, y compris pour les détenus, sans préciser par quel moyen il doit
être réalisé21. Il appartient dès lors aux législateurs nationaux de déterminer
20
21
54
question de savoir ce qui doit être considéré comme normal en dehors de la prison, et
par conséquent répercuté dans la prison (peut-on, par exemple, légitimement y
reproduire les inégalités sociales présentes à l’extérieur ou faut-il tendre vers un
« niveau de vie moyen » et si oui celui-ci doit-il être déterminé ?), et quelles sont les
restrictions qui doivent être considérées comme nécessairement liées à la prison ? La
réponse n’est pas ici figée une fois pour toutes : cela dépend des circonstances
économiques et sociales évolutives d’une société. Ce qui vaudra à S. SNACKEN de
préciser que l’objectif de normalisation est un exercice constant de flexibilité et de
réflexivité sur ce qui a semblé à un moment donné des restrictions consubstantielles à la
privation de liberté et donc inaltérables. Voy. S. SNACKEN, op cit., p. 136 et 145.
Il importe de poser d’emblée que, dans le cadre de cette étude, le terme générique de
« protection sociale » désigne l’intervention aussi bien du système de sécurité sociale
que d’autres mécanismes de protection sociale comme les dispositifs de compensation
dans le giron du SPF Justice. On recourt dès lors au concept instrumental de « sécurité
sociale » pour nommer l’ensemble des assurances sociales (chômage, pensions,
indemnités d’incapacité de travail, …) et des réglementations d’assistance sociale
(revenu d’intégration, GRAPA, allocations de remplacement de revenus pour personnes
handicapées, …). Cette précision terminologique est nécessaire dès lors que certains
auteurs réservent le terme de « sécurité sociale » comme nom collectif pour couvrir les
assurances sociales uniquement, recourant alors au terme de « protection sociale » pour
l’ensemble des mécanismes d’assurances sociales et d’assistance sociale.
Quant à la portée du droit fondamental à la sécurité sociale, voy. la contribution de
W. VANDENHOLE dans le présent recueil. L’auteur recense les différents instruments à
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
l’instrument le plus approprié en la matière. Dans le cadre d’une démocratie
parlementaire, le législateur dispose en ce domaine d’une large liberté d’appréciation
et peut dès lors réaliser cette mission soit par le biais du système de sécurité sociale,
soit via un autre mécanisme de protection22. En Belgique, c’est le SPF Justice qui
prend en charge la protection sociale des détenus.
L’intervention du SPF Justice comme mécanisme alternatif de protection sociale
conduit à suspendre, à l’égard de l’allocataire détenu, le paiement de la plupart –
mais pas de toutes et parfois partiellement seulement – des allocations sociales. A
l’instar du dispositif prévu par le législateur néerlandais23, le système de sécurité
sociale belge est par conséquent déchargé, selon les cas, en tout ou en partie, des
obligations qui continuent à s’imposer à lui au bénéfice des autres citoyens ; cette
option contribuerait à ce que l’allocataire privé de liberté ne soit avantagé ni vis-à-
22
23
l’œuvre à l’échelle tant des Nations Unies que du Conseil de l’Europe, et la place
réservée le cas échéant au détenu. On rappellera notamment ici que l’article 9
d’une Résolution du Conseil de l’Europe du 1er février 1962 relative aux droits
électoraux, civils et sociaux du détenu prévoit notamment que « le seul fait de la
détention n’altère pas les droits aux prestations de sécurité sociale acquis par le détenu
avant son incarcération ». L’article 10 de la même résolution ajoute que « les mesures
nécessaires seront prises afin que, pendant son séjour en prison, le détenu conserve,
dans la mesure du possible, ses droits aux dites prestations ». Voy. Résolution du
Conseil de l’Europe du 1er février 1962 – RES(62)2 relative aux droits électoraux,
civils et sociaux du détenu. Vingt-cinq ans plus tard, l’article 68-1 des Règles
pénitentiaires européennes de 1987 stipulait que « la préparation des détenus à leur
libération devrait commencer le plus tôt possible après leur arrivée dans un
établissement pénitentiaire. On doit se garder de faire sentir aux détenus qu’ils sont
exclus de la société, mais bien au contraire leur donner à penser qu’ils continuent à en
faire partie. Dans cette optique, il serait bon de faire appel dans toute la mesure du
possible à des organismes et à reclasser les détenus et, en particulier, à entretenir et à
améliorer les relations du détenu avec sa famille, avec d’autres personnes et avec les
organismes sociaux. Des mesures doivent être prises aux fins de sauvegarder, dans toute
la mesure compatible avec la loi et la peine infligée, les droits civils, les droits en
matière de sécurité sociale et autres avantages sociaux des détenus ». Voy.
« Recommandation n° R (87) 3 – Règles pénitentiaires européennes – Version
européenne révisée de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus »,
adoptée par le Comité des Ministres le 12 février 1987, lors de la 404ème réunion des
Délégués des Ministres ». Il faut regretter que, dans le cadre de leur révision en 2006
(voy. supra), les Règles pénitentiaires européennes n’aient pas repris la disposition
précitée.
Ainsi, la Cour constitutionnelle a jugé raisonnablement justifiée la suspension partielle
de l’allocation d’intégration octroyée aux personnes handicapées admises dans une
institution de soins à charge des pouvoirs publics dès lors que, dans ces institutions, un
service compense la limitation de l’autonomie des personnes concernées. Voy. Cour
Const., 22 novembre 2007, n°145/2007.
Pour un exposé de la situation néerlandaise, voy. dans le présent recueil, la contribution
de G. VONK, « De gevangenis als alternatief voor de sociale zekerheid – Berichten uit
de Noordelijke Nederlanden ».
55
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
vis des allocataires « libres », ni vis-à-vis des détenus qui ne jouissaient pas
d’allocations sociales avant leur détention24.
7.
Les allocataires non détenus ne peuvent en effet pas faire appel à un mécanisme
alternatif de protection sociale, telle la prise en charge par le SPF Justice en
Belgique. Pour préserver l’égalité entre les détenus et les allocataires « libres », le
législateur a donc souhaité interrompre l’intervention du système de sécurité sociale
pendant la détention, y compris dans le cas où le risque socialement assuré ne cesse
pas durant cette période, ou encore lorsque les frais de subsistance et de logement de
la famille du prisonnier perdurent entièrement ou partiellement au cours de la
privation de liberté25.
La suspension de l’allocation sociale risque pourtant d’ouvrir une brèche dans la
protection sociale précédemment octroyée, dès lors que le législateur ne garantirait
pas l’équivalence de couverture offerte entre la prise en charge par le SPF Justice et
l’allocation suspendue.
8.
Par l’option de suspension, le législateur belge souhaitait également intégrer la
réalité des détenus exposés au risque de perdre leurs revenus du travail en
conséquence de leur détention, sans pouvoir prétendre à des allocations de
remplacement.
Le souhait de ne pas avantager les allocataires sociaux détenus vis-à-vis de ces
personnes soulève toutefois la question de savoir si à l’inégalité – entre les revenus
du travail et ceux de remplacement – qui existe dans le monde extérieur, doit se
substituer une égalité absolue dans l’enceinte de la prison.
24
25
56
Pour cette raison, le Conseil de recours central néerlandais (Nederlandse Centrale Raad
van Beroep), par exemple, est d’avis que la suspension de l’intervention de la sécurité
sociale est conciliable tant avec le principe d’égalité qu’avec l’interdiction d’atteinte
illégitime aux droits de propriété. Le Conseil a précisé que, dans le cadre des relations
de droit constitutionnel néerlandaises, le juge ne peut annuler le choix du législateur que
s’il ne repose pas sur des fondements raisonnables et objectifs. Qu’une autre option soit
imaginable ou, selon le juge, préférable même, ne suffit pas pour juger inacceptable le
choix posé par le législateur.
Centrale Raad van Beroep (Nederland) LJN AP4680, 18 juin 2004,
http://zoeken.rechtspraak.nl/ResultPage.aspx.
Par analogie, il est intéressant de mentionner ici que pour justifier la suspension
généralisée du versement des allocations sociales, le législateur néerlandais a déclaré
vouloir éviter que le détenu profite de la détention pour « se constituer un butin ». Il a
par ailleurs ajouté, suivant une logique critiquable, que la perte de revenus
professionnels du détenu n’était plus liée à la survenance d’un risque social, mais bien à
la privation de liberté, et que si le mécanisme de sécurité sociale doit répondre à la
première hypothèse, il ne lui appartient en revanche pas de pallier la seconde. Voy. dans
le présent recueil, la contribution de G. VONK, op cit.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
Bien plus déterminant encore : on constate que l’inégalité dénoncée peut aussi être
autrement rétablie, en autorisant non seulement les allocataires détenus, mais aussi
les salariés, les fonctionnaires et les indépendants incarcérés à revendiquer, vu la
perte de leurs revenus professionnels, le bénéfice des allocations dont ils sont
actuellement privés par le législateur. Le système de sécurité sociale contribuerait
ainsi beaucoup mieux à la protection sociale des détenus dépossédés des revenus de
leur travail, mais aussi aux détenus allocataires sociaux qui, pendant leur privation
de liberté, demeurent confrontés à certains frais d’entretien et d’hébergement pour
eux-mêmes (loyer qui continue à courir, …) et/ou pour leur famille.
9.
La suspension actuellement en vigueur des prestations de sécurité sociale se heurte à
des objections de principe ; le législateur doit donc prendre sérieusement en
considération l’option contraire du maintien de leur versement.
En effet, la suspension complète des allocations sociales affecte les bénéficiaires
dans une mesure très inégale compte tenu des différences de nature et de niveau de
ces allocations. Il n’y aurait pas d’objection à cette disparité si le mécanisme de prise
en charge subsidiaire fournissait en toutes circonstances une protection sociale plus
élevée (que celle garantie par l’allocation sociale de tout type précédemment versée)
ou dans l’hypothèse où la part demandée aux détenus dans le financement de ce
mécanisme subsidiaire dépassait le montant de leurs allocations sociales. En dehors
de ces cas bien peu fréquents – inexistants ? – à cette heure, le caractère
déraisonnable de la suspension d’une allocation sociale s’accroît au fur et à mesure
que le montant de l’allocation suspendue dépasse les frais d’entretien et
d’hébergement du détenu ou sa contribution attendue au financement de ceux-ci.
B. CRITIQUE DE LA MISE EN ŒUVRE DU CHOIX POLITIQUE
10. Il appartient au législateur de soupeser les avantages et les inconvénients des
différentes options politiques. Mais quelle que soit la voie qu’il privilégie, le choix
opéré doit, en tout état de cause, se réaliser conformément aux règles prescrites (1.)
et être établi à travers des dispositions légales, cohérentes entre elles (2.). Comme il
sera montré ultérieurement, le législateur devrait, en l’espèce, mieux conformer ces
dispositions aux statuts externe (3.) et interne (4.) des détenus, ainsi qu’aux garanties
essentielles du droit pénal (5.).
1. Nécessité d’une meilleure réglementation
11. L’article 23 de la Constitution exige que le législateur, et non le pouvoir exécutif,
opère les choix politiques en matière de protection sociale et adopte les dispositions
légales nécessaires à cette fin. Pour autant que le législateur souhaite déléguer (une
partie de) sa compétence, il devrait au minimum arrêter lui-même, à destination du
57
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Roi, les choix politiques et les lignes directrices essentiels, en tenant compte des avis
de la section de législation du Conseil d’Etat en la matière26.
Nous constatons pourtant qu’un certain nombre de « pratiques habituelles » en
matière de protection sociale des détenus ne reposent sur aucun fondement légal. Si
le législateur décide de la maintenir à charge du SPF Justice, il doit, en tout état de
cause, mettre un terme à la pratique consistant à n’établir l’intervention du SPF
Justice qu’à travers des circulaires administratives, moins accessibles que la
législation formelle et les arrêtés d’exécution27, n’offrant dès lors pas la même
sécurité et protection juridiques aux détenus que des règlements dotés d’un
fondement légal28.
12. Par son choix de confier la sécurité d’existence des détenus au SPF Justice, le
législateur belge décharge, en grande partie, nous l’avons dit, le système de sécurité
sociale d’une intervention en leur faveur.
Il n’accomplit toutefois pas cette opération par le biais d’une loi arrêtant de manière
générale le partage des responsabilités entre le SPF Justice et le système de sécurité
sociale29 : il limite l’intervention de la sécurité sociale pendant les périodes de
détention par des dispositions légales spécifiques dans chacun des secteurs de
sécurité sociale concernés. Regrouper ces dispositions éparses dans un texte légal
unique, consacré spécialement à la sécurité sociale des détenus et de leur famille,
conduirait à une meilleure clarté et accessibilité des règles30 et inciterait
vraisemblablement aussi à une plus grande cohérence en la matière.
26
27
28
29
30
58
L’article 86, § 3, de la Loi de principes accordant au Roi le pouvoir de fixer les règles
pour la réparation d’accidents en cas de travail pénitentiaire, sans que les lignes
directrices ne soient édictées par le législateur, devrait être amélioré en ce sens.
Seules quelques circulaires sont publiées dans le Moniteur belge, d’autres sont
uniquement disponibles sur le site Web du SPF Justice – qui n’est pas toujours
facilement accessible – et d’autres encore, comme celles qui concernent les personnes
sans-abri sont en contradiction les unes avec les autres.
Cette critique vaut par exemple à l’égard du régime d’indemnités administratives
concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles causés par
l’exécution d’un travail pénitentiaire (l’article 86, § 3, de la Loi de principes et l’arrêté
d’exécution encore à prendre constitueront un pas en avant dans cette direction), et de
l’intervention du SPF Justice en remplacement du revenu d’intégration pour les détenus
placés sous surveillance électronique, respectivement traités par simples circulaires
ministérielles.
La Loi de principes n’apporte pas de changements sur ce point : si elle stipule que les
détenus ont droit aux soins de santé, à l’aide sociale et à la réparation d’accidents
imputables au travail pénitentiaire, elle ne comporte toutefois aucune disposition sur le
rôle que devrait jouer le système de sécurité sociale en la matière.
Dans le même sens, voy. Ph. AUVERGNON et C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en
question : une approche juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et
justice, 2006, p. 34.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
Les travailleurs sociaux des prisons mentionnent les difficultés auxquelles ils sont
exposés chaque fois qu’ils accomplissent une démarche pour un détenu auprès d’une
institution extérieure de sécurité sociale, telle une mutuelle, un CPAS, l’ONEm, …31
Il leur manque un instrument qui non seulement clarifie les droits des détenus à la
sécurité sociale, mais en outre désigne le texte légal qui les fonde. La maîtrise
complexe de l’ensemble de réglementations dispersées est certes déjà partiellement
rencontrée par l’élaboration de sites intranet au niveau des Services psycho-sociaux
(SPS) centraux de l’administration pénitentiaire. Mais la mise à jour permanente de
ces sites doit impérativement être envisagée. Des « personnes-relais » devraient
spontanément transmettre aux SPS centraux toute nouvelle législation affectant la
protection sociale des détenus, et être reconnus comme interlocuteurs privilégiés de
l’administration pénitentiaire. La question se pose d’ailleurs de savoir s’il ne
faudrait-il pas envisager, avec sérieux, les chances de succès d’une structuration
officielle d’un réseau efficace reliant les administrations responsables des divers
secteurs de la sécurité sociale, pour valider et actualiser les informations diffusées
sur les sites.
2. Nécessité de cohérence
13. Il faut encore souligner que les nombreuses dispositions introduisant la suspension
de l’allocation sociale en cas de détention divergent largement entre elles.
Ainsi, en cas de privation de liberté, l’intervention d’un secteur de sécurité sociale
est suspendue souvent entièrement, parfois partiellement, voire même pas du tout.
La suspension s’applique tantôt à l’égard des détenus au sens large (incluant dès lors
les personnes bénéficiant d’une mesure d’exécution de la peine extra muros), tantôt
à l’égard des allocataires « détenus dans la prison »32. Si une allocation de sécurité
sociale est suspendue, cette suspension entre en vigueur souvent instantanément,
parfois de façon différée. La suspension de l’allocation reste rarement cantonnée au
cas du détenu déjà condamné, mais s’étend généralement à l’inculpé en détention
préventive. Sporadiquement, la suspension est levée avec effet rétroactif s’il s’avère
que la privation de liberté subie doit être qualifiée de détention inopérante.
14. Le législateur n’expose pas toujours explicitement les motifs qui le guident dans la
fixation de ces règles. Lorsqu’elle est énoncée, la justification à la suspension du
31
32
En ce sens, voy. notamment la contribution, dans le présent recueil, de Roland RASSON
en Anneli VERSTRAETE : « Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de
strafinrichtingen met sociale zekerheid/sociale bijstand ».
Cette expression – retenue notamment pour les allocations au bénéfice des personnes
handicapées – a parfois soulevé des controverses sur la question de savoir si elle
s’appliquait aux personnes en détention limitée, dès lors qu’elles sortent plus de 12
heures par jour de l’enceinte carcérale. Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN
LIMBERGHEN, op. cit., pp. 267 et s.
59
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
paiement d’une allocation de sécurité sociale réside, à une exception près33, dans le
fait que la personne concernée, compte tenu de sa prise en charge par le SPF Justice,
ne doit pas être mise une seconde fois à la charge de l’autorité publique34. Ce motif,
d’ailleurs valable comme principe général de droit dans les matières de protection
sociale, n’explique toutefois absolument pas les nombreuses différences, esquissées
ci-dessus, parmi les règles suspensives relevées dans les secteurs divers de la
sécurité sociale.
Pour cette raison, nous examinons d’abord si les différences parmi les règles de
suspension « coïncident » avec les dispositions de non cumul par lesquelles la
plupart des secteurs de la sécurité sociale empêchent que des mêmes dommages ou
besoins soient couverts deux fois (a). Nous vérifions ensuite si les divergences entre
les règles de suspension concordent avec la distinction classique entre les régimes
d’assistance sociale (b) et d’assurance sociale (c).
a) Règles de suspension et dispositions interdisant le cumul
15. Les secteurs de la sécurité sociale comprennent pratiquement tous des dispositions
interdisant le cumul afin de prévenir une double couverture pour les mêmes
dommages ou besoins humains. Au cas où semblable disposition existe et que
l’intervention du SPF Justice serait susceptible de mener à son application, le
législateur peut suspendre le versement d’une allocation sociale pendant la
détention.
On peut tirer exemple de l’assurance soins de santé et indemnités. Les prestations
sociales qu’elle prévoit sont refusées si la personne concernée est, pour les
dommages qui résultent de la maladie, de lésions, de dysfonctionnements
fonctionnels ou d’un décès, réellement indemnisée en vertu d’une autre législation35.
Concorde avec la logique de cette règle le fait que l’assurance pour les soins de santé
n’accorde aucune prestation pour autant que le SPF Justice prenne en charge, avec
une qualité équivalente, les frais relatifs aux soins médicaux des détenus. Le
législateur peut opter pour la fixation de cette règle dans une disposition séparée et
tel fut son choix en l’espèce36. L’intervention du SPF ne couvre en revanche pas,
33
34
35
36
60
La suspension du droit aux allocations de chômage est, pour sa part, justifiée par la non
disponibilité du détenu sur le marché général du travail. Voy. V. VAN DER PLANCKE et
G. VAN LIMBERGHEN, op. cit., pp. 136 et s.
Cette justification est également invoquée en France. Voy. Ph. AUVERGNON et
C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question : une approche juridique et
comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, pp. 105 et s.
Art. 136, § 2, Loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités
coordonnée le 14 juillet 1994, ci-après désignée « L.C. du 14 juillet 1994 ».
Art. 5, Règlement du 28 juillet 2003 portant exécution de l’article 22, 11° de la L.C. du
14 juillet 1994.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
comme telle, les dommages résultant de l’incapacité de travail37, de sorte que
l’existence de la règle du non cumul rappelée plus haut ne peut justifier en soi la
suspension des indemnités d’incapacité de travail pendant la détention. Dans l’état
actuel de la législation sociale, le détenu sans personnes à charge demeure pourtant
privé de la moitié de cette indemnité38.
16. Même au cas où la suspension d’une allocation sociale est présentée comme le
corollaire d’une disposition anti-cumul existante, le secteur de sécurité sociale
concerné ne pourra toutefois être déchargé de son intervention au bénéfice des
détenus que dans la mesure où la protection offerte par le SPF Justice atteint un
niveau au moins aussi élevé.
En pratique, il n’est pas fréquent que cette exigence soit véritablement atteinte.
Ainsi, il apparaît clairement que l’intervention du SPF Justice en matière de soins
médicaux aux détenus n’égale pas la protection de l’assurance soins de santé39.
17. Il faut donc constater que les dispositions anti-cumul dans les divers secteurs de
sécurité sociale ne permettent pas d’expliquer toutes les différences parmi les règles
de suspension.
b) Règles de suspension et prestations sociales assistancielles
18. Nous nous posons ici la question de savoir si la suspension des prestations sociales
assistancielles ne peut se justifier par les caractéristiques propres du régime
d’assistance sociale.
Les secteurs d’assistance sociale ont en commun de réserver leur intervention,
appelée résiduaire, aux bénéficiaires qui ne jouissent d’aucun autre moyen
d’existence suffisant. Une gamme de dispositions légales détermine, pour chaque
allocation assistancielle, les moyens d’existence qui doivent être pris en
considération et la manière dont peut être précisément fixé ce montant. Aussi
longtemps que le montant imputable des moyens d’existence est inférieur au
37
38
39
A ce stade, nous ne prenons pas encore en considération le cas de l’incapacité de travail
consécutive à un accident du travail pénitentiaire.
Art. 105, L.C. du 14 juillet 1994 ; art. 233, A.R. du 3 juillet 1996 portant exécution de la
loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14
juillet 1994, ci-après désigné « A.R. du 3 juillet 1996 » ; art. 32 A.R. du 20 juillet 1971
instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs
indépendants et des conjoints aidants, ci-après désigné « A.R. du 20 juillet 1971 ». Voy.
V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, La sécurité sociale des (ex-)détenus et de
leurs proches, Bruxelles, La Charte, coll. Droit en mouvement, 2008, pp. 218 et s.
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 239-260.
61
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
montant légal de la prestation sociale de type assistanciel concernée, le bénéficiaire
perçoit une allocation à concurrence de la différence entre les deux40.
Il serait conforme à la logique de ces régimes d’assistance sociale que le législateur
considère désormais l’intervention du SPF Justice comme un moyen d’existence
dont le montant doit être déterminé par le législateur et déduise dès lors celui-ci de la
prestation sociale de type assistanciel à laquelle un détenu peut prétendre.
Les secteurs d’assistance sociale ne fonctionnent toutefois pas de cette façon
puisqu’en cas de détention de l’« ayant droit », ils suspendent intégralement le
paiement de leurs allocations, à l’exception notable de l’aide sociale41 et des
prestations familiales garanties42. Perdent ainsi leurs revenus de remplacement, les
détenus bénéficiaires du revenu d’intégration43, de la garantie de revenus aux
personnes âgées (GRAPA) ou encore des allocations aux personnes handicapées.
40
41
42
43
62
Seule la réglementation en matière des prestations familiales garanties prévoit que
l’indemnitaire perçoit l’allocation complète ou au contraire aucune allocation, selon que
ses moyens de subsistance dépassent ou non la frontière légale (art. 3, L. sur les
prestations familiales garanties).
La législation en matière d’aide sociale ne comporte certes pas de règle selon laquelle
l’aide sociale accordée est suspendue en cas de détention. De facto, c’est pourtant
souvent le cas. Comme il a été exposé plus haut, le caractère résiduaire de l’aide sociale
empêche l’intervention du CPAS, pour autant que la prise en charge du détenu par le
SPF Justice lui permette de mener une vie conforme à la dignité humaine. Une
éventuelle intervention du CPAS devient justifiée dans la mesure où l’intervention du
SPF Justice n’est pas aussi « protectrice » que l’aide sociale offerte par les CPAS.
La loi ne prévoit pas la suspension des prestations familiales garanties en cas de
détention. La détention de la personne physique responsable de l’enfant bénéficiaire, de
même que la privation de liberté de l’enfant bénéficiaire ou de l’allocataire peut,
néanmoins, mener dans certaines situations à la perte ou à une diminution de
l’allocation familiale garantie parce qu’il n’est plus satisfait aux conditions générales
d’octroi de cette allocation (majorée). Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN
LIMBERGHEN, op cit., pp. 307-313.
Seul le paiement du revenu d’intégration est suspendu, mais non le droit à l’intégration
sociale (DIS) qui peut aussi se réaliser par l’octroi d’un emploi (pouvant consister en un
engagement par contrat de travail dans le cadre de l’article 60 § 7 de la loi organique du
8 juillet 1976, par exemple). Ces principes ont été récemment rappelés par le Tribunal
du travail de Nivelles annulant une décision du C.P.A.S. de Wavre : ce dernier avait
décidé, à tort, de suspendre le droit à l’intégration sociale sous la forme d’un contrat de
travail du requérant, en ce qu’il était détenu (« extra muros »), et ce durant toute la
période de surveillance électronique. Voy. Trib. travail de Nivelles, 30 octobre 2009,
R.G. 09/1044/A. Notons encore que, pendant la période d’interruption de peine octroyée
par le directeur de l’établissement pénitentiaire pour une période nécessaire à l’examen
de l’opportunité de l’octroi d’une mesure de surveillance électronique, le détenu ne
subit pas sa peine et recouvre donc pleinement son droit au paiement du revenu
d’intégration ou de l’aide sociale au taux équivalent. Voy. Trib. Trav. (Liège), 17 mars
2009, R.G. n° 376.263 ; Trib. Trav. (Liège), 12 mai 2009, R.G. n° 372.175 – 374.719 ;
Trib. Trav. (Liège), 29 septembre 2009, R.G. n° 371.292 – 371.968.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
Dans tous ces cas de figure, la suspension est traditionnellement justifiée par le fait
que le détenu serait déjà à charge de l’autorité publique. Les régimes assistanciels ne
sont, il est vrai, pas alimentés par des cotisations des bénéficiaires, mais par les
deniers publics44 ; sous cet angle, le motif invoqué pour justifier les dispositions
suspensives des régimes assistanciels est cohérent dès lors qu’il est en lien avec la
nature et le financement de ces régimes45.
19. La démonstration ne se clôt toutefois pas ici. Nous avons déjà rappelé que l’article
23 de la Constitution consacre le droit pour tous – et donc également pour le détenu
– à une vie conforme à la dignité humaine, et confie au législateur l’obligation de
garantir le droit à l’aide sociale. La suspension intégrale des allocations
assistancielles n’est ainsi pleinement justifiée que si l’intervention du SPF Justice
garantit une protection sociale équivalente à celle qu’offre l’allocation suspendue.
On ne peut estimer trop légèrement que cette exigence soit concrètement rencontrée.
Ainsi, le législateur n’accorde le droit à l’intégration sociale qu’aux personnes qui
ne disposent pas des moyens de subsistance suffisants et ne sont en aucune mesure
capables d’en acquérir par eux-mêmes46. Les moyens de subsistance des personnes
concernées sont, par conséquent, déduits du montant du revenu d’intégration qui
peut, le cas échéant, leur être attribué. Cette règle pourrait justifier la suspension
intégrale du paiement du revenu d’intégration si l’intervention du SPF Justice
atteignait le même niveau de protection sociale que ce dernier. Il faut bien admettre
qu’en pratique, cet objectif n’est actuellement pas satisfait47.
44
45
46
47
Cette règle de principe comporte toutefois une exception. La charge financière des
allocations familiales garanties est supportée par l’ONAFTS (Art. 5, L. du 20 juillet
1971 instituant des prestations familiales garanties), lequel ne bénéficie toutefois pas
d’une intervention de l’Etat, de sorte que ces prestations sociales sont financées de facto
par des cotisations patronales. Le défaut de règle de suspension concorde par
conséquent avec le financement particulier de ce secteur d’assistance sociale. L’octroi
des prestations familiales garanties en cas de détention se justifie en outre par le fait que
le SPF Justice prend en charge uniquement la sécurité d’existence du détenu et non celle
de ses enfants : l’intervention de ce secteur de sécurité sociale ne heurte dès lors pas
celle d’un mécanisme différent de protection du sujet lui-même.
Comme nous l’exposerons par ailleurs, les allocations familiales du régime assurantiel
constituent également une exception à la règle de suspension des prestations sociales
assurantielles.
Cette corrélation n’exclut pas nécessairement des différences au sein des règles de
suspension, par exemple en cas de détention inopérante.
Art. 3, 4 et 14, L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale.
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 365 et s.
En France également, il est constaté que la prise en charge des détenus par un autre
mécanisme de protection ne les préserve pas de la pauvreté. Voy. Ph. AUVERGNON et
C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question : une approche juridique et
comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, pp. 105-106.
63
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Ce doute vaut d’autant plus pour le droit à l’aide sociale. En effet, pour garantir ce
droit à tout un chacun, les centres publics d’action sociale (CPAS) sont chargés
d’une aide individualisée et diversifiée. Or le caractère résiduaire48 du droit à l’aide
sociale ne constitue pas un motif suffisant, dans le chef du CPAS, pour refuser une
forme concrète d’aide sociale nécessaire au détenu pour mener une vie décente bien
que non fournie par le SPF Justice49.
Dès lors, l’objet de la discussion n’est ici pas tant le principe de la suspension des
allocations assistancielles, mais plutôt la clarification de la délimitation des tâches
qui continue à incomber au système de la sécurité sociale50, compte tenu à la fois de
l’importance de l’intervention du SPF Justice et des missions des CPAS51.
20. Nous ne recommandons pas au législateur le maintien de la suspension des
prestations assistancielles en cas de détention. Un tel point de vue reviendrait en
effet à ce que les personnes titulaires de telles allocations, disposant donc de moyens
propres les moins importants, souffriraient le plus financièrement de leur privation
48
49
50
51
64
Selon la jurisprudence, l’aide sociale ne doit en effet pas être octroyée à celui qui peut
mener une vie conforme à la dignité humaine sans devoir faire appel aux pouvoirs
publics (C.E., 15 février 1990, n°34.059).
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 365 et s.
Il est important que ce partage des responsabilités aille de pair avec une répartition
parallèle des moyens publics mis à disposition. Sur ce point, voy. notamment V. VAN
DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 58 et s.
Il ne faut pas sous-estimer que la Loi de principes explicite les droits des détenus et
renforce le caractère contraignant du respect de ceux-ci. Or, afin que leurs droits soient
pleinement effectifs, on peut augurer que les détenus feront un appel croissant à
l’intervention de la caisse sociale des détenus, à l’aide sociale des Communautés et des
Régions, ainsi qu’à l’aide sociale des centres publics d’action sociale, d’autant plus
lorsque la Loi de principes mentionne que les coûts engendrés par l’exercice de certains
droits ne sont pas à la charge du SPF Justice mais sont abandonnés aux détenus (tel le
droit de téléphoner quotidiennement). Il faudra certes que le SPF Justice assume
fidèlement la charge qui, le cas échéant, pèse légalement sur lui (telle la livraison en
quantité suffisante de produits d’hygiène, …). Il importera aussi, à l’avenir, de clarifier
définitivement les rapports de subsidiarité entre la caisse sociale des détenus et
l’intervention du CPAS. Nous sommes peu favorables à la tendance, de certaines
juridictions, privilégiant l’intervention prioritaire de la caisse sociale des détenus par
rapport à l’aide sociale organisée par les CPAS. En effet, les détenus contribuent à la
caisse sociale proportionnellement à leurs achats et non à leurs capacités financières.
Les détenus les plus démunis investissent parfois le fruit de leur travail pénitentiaire
sous-rémunéré dans de nombreuses emplettes – à prix en outre plus élevés que dans la
société libre – car ils n’ont rien à disposition alors que d’autres détenus n’achèteront que
sporadiquement, leur famille plus aisée leur fournissant des biens divers. Les principes
de fonctionnement de cette caisse ne remplissent dès lors pas les garanties d’équitabilité
qui doivent guider un système de solidarité collective de redistribution (comme celui de
la sécurité sociale). Sur cette question, voy. encore : V. VAN DER PLANCKE et G. VAN
LIMBERGHEN, op cit., pp. 399-402.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
de liberté. Cette conséquence semble difficilement compatible avec l’idée de
solidarité qui pénètre l’ensemble de notre système de sécurité sociale.
La suspension des prestations assistancielles empêche en outre que les détenus, qui
n’avaient auparavant pas été touchés par un risque social et qui perdent leur revenu
professionnel suite à leur détention, ne puissent désormais dépendre d’une allocation
assistancielle pour compenser leur absence de ressources financières.
c) Règles de suspension et prestations sociales assurantielles
21. Le législateur suspend également la plupart des prestations sociales assurantielles en
cas de détention de l’ayant droit. Cette règle suscite plus d’étonnement encore que la
suspension des allocations assistantielles.
L’argument généralement invoqué selon lequel le détenu ne doit pas être pris une
deuxième fois en charge par l’autorité publique perd pourtant sa pertinence puisque
les allocations assurancielles sont financées en grande partie par des cotisations des
assurés sociaux52.
En outre, l’octroi des allocations assurancielles n’est pas conditionné par
l’insuffisance des moyens de subsistance de l’ayant droit. L’intervention du SPF
Justice ne peut dès lors pas être considérée comme une forme de moyens d’existence
qui viendrait en déduction de ces dernières, et la suspension des assurances sociales
ne peut constituer une alternative à cet effet.
Les allocations d’assurance sociale visent non seulement à préserver les
bénéficiaires de la pauvreté, mais aussi à garantir à la personne concernée un niveau
de vie comparable à celui qui précédait la survenance du risque social assuré. Cet
objectif est étranger à l’intervention du SPF Justice qui, dans de nombreux cas,
n’atteint pas le niveau de protection garanti par les prestations d’assurances sociales.
La prise en charge du détenu par le SPF Justice ne peut dès lors, à elle seule,
certainement pas justifier la suspension complète de telles prestations.
22. La suspension d’une allocation assurancielle se justifiera si la situation de l’assuré
social ne répond pas (plus), en raison de la détention, à la définition du risque social
assuré.
Sur cette base, on juge généralement légitime la suspension de l’assurance
chômage : les détenus sont réputés ne plus être disponibles sur le marché général du
52
Dans le même sens, l’argument selon lequel l’Etat belge ne doit pas participer au
financement de bénéficiaires de pensions demeurant à l’étranger n’empêche pas, par
exemple, que des pensions de mineurs restent payables jusqu’à concurrence de quatrevingt pour cent de leur montant (art. 27, A.R. n°50 du 24 octobre 1967 relatif à la
pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, modifié par l’article 10 de
l’A.R. n° 50 du 16 juillet 1986).
65
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
travail et dès lors ne plus se trouver dans la situation de chômage involontaire, telle
que décrite et requise par l’assurance-chômage53. Cet argument apparaît en revanche
incapable de justifier la suspension des allocations tant à l’égard des chômeurs
dispensés, au moment de leur privation de liberté, de la condition de disponibilité
sur le marché général du travail54, qu’à l’égard des détenus qui bénéficient de
certaines mesures d’exécution de la peine leur permettant de se rendre disponibles
sur ce même marché55.
Outre l’hypothèse de l’assurance-chômage, il faut bien admettre que, dans la plupart
des cas, le législateur suspend les prestations d’assurance sociale de l’allocataire
détenu malgré la persistance du risque social assuré.
Ainsi, la détention ne dissipe pas l’incapacité du travail mais le détenu sans personne
à charge est pourtant privé de la moitié de son indemnité56/57.
53
54
55
56
57
66
La détention provoque souvent, et parfois à tort, le licenciement pour motif grave et
conduit, en cela, au constat que ce n’est pas involontairement que l’intéressé est
désormais sans emploi. En cas de chômage volontaire, un chômeur peut être exclu
temporairement du droit aux allocations, mais le paiement de celles-ci reprend à l’issue
de l’exclusion temporaire pour autant que l’intéressé demeure alors disponible sur le
marché du travail général et ne refuse aucun emploi convenable.
Dans le même sens, voy. Ch. VANDERLINDEN, « Travail pénitentiaire et sécurité sociale
du détenu », Rev. dr. pén. crim., 2003, p. 647.
Ainsi, il faut regretter que, contrairement aux détenus sous surveillance électronique, les
détenus en détention limitée ne se voient pas garantir un droit à des allocations de
chômage lorsque les conditions d’admissibilité et d’octroi sont réunies. En effet,
l’ONEm considère traditionnellement qu’une personne à la charge de l’établissement
pénitentiaire dans lequel elle est détenue en régime de semi-liberté ne peut bénéficier en
outre d’un revenu de remplacement sous la forme d’une allocation. Certains tribunaux
du travail ont certes jugé en sens contraire, mais la dernière décision à notre
connaissance publiée en la matière confirme la position de l’ONEm. Voy. Cour Trav.
Liège (6e ch.), 23 décembre 2005, R.G. n° 32.892/04. Dès lors que la personne en
détention limitée est disponible sur le marché du travail, la posture de l’ONEm n’est
pourtant pas justifiée, et une intervention normative serait utile en ce domaine. Voy.
V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 139-144.
Voy. supra. Dans un jugement du 13 octobre 2008, le Tribunal du Travail de Liège a
justifié, « classiquement », la réduction de moitié des indemnités d’incapacité de travail
pour le détenu sans charge de famille par le fait qu’il « bénéficie d’une alimentation et
d’un hébergement à charge de l’Etat (…) alors que le travailleur se trouvant à l’extérieur
d’un lieu de détention doit pourvoir lui-même à son entretien et à son logement,
chauffage, électricité etc., … ». Voy. Trib. Trav. Liège, 13 octobre 2008, R.G.
n°332950.
Si la détention n’est certes en soi pas de nature à mettre fin à l’incapacité frappant le
détenu avant son incarcération, la question se pose néanmoins de savoir si les activités
productives incriminées ayant justifié la condamnation pénale à une peine
d’emprisonnement – trafic de véhicules ou de stupéfiants, vols, … – n’ont pas mis fin à
l’incapacité du détenu pour reprise d’activité non autorisée par le médecin-conseil. La
Cour du travail de Mons a récemment répondu affirmativement, confirmant ainsi que
les justiciables détenus concernés devaient être privés de la totalité de leurs indemnités
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
La même observation vaut pour les diverses pensions accordées par les assurances
pension, suspendues pendant la privation de liberté, alors que celle-ci n’a
d’incidence ni sur l’âge du détenu, ni sur le décès de son conjoint.
23. Le législateur ne suspend certes pas toutes les allocations assurantielles. On ne peut
toutefois en déduire une volonté – même timidement affichée – de réviser
progressivement son choix de suspension des pensions de retraite, des allocations de
chômage et des indemnités d’incapacité de travail. En effet, les motifs empêchant la
suspension de certaines assurances sociales sont si spécifiques qu’ils ne peuvent être
transposés aux autres secteurs de la sécurité sociale.
Ainsi, la non suspension des indemnités d’accident du travail et de maladie
professionnelle perçues par le détenu s’explique largement par l’historique de ces
assurances sociales nées comme assurances de la « responsabilité risque » des
autorités employeuses. Selon la logique propre de ces régimes de responsabilité, les
indemnités à octroyer ne peuvent être diminuées que si la victime obtient, du fait de
son accident du travail ou de sa maladie professionnelle, une autre réparation en
couverture du même dommage58. Or, on ne peut considérer la prise en charge des
détenus par le SPF Justice comme une telle réparation.
L’assurance-faillite des travailleurs indépendants n’est pas non plus sujette à
suspension en cas de détention. Il est vrai que les indemnités de faillite étaient
initialement accordées à des conditions si restrictives et pour une période de deux
mois uniquement, de sorte qu’il était sans doute purement hypothétique de
bénéficier simultanément d’une intervention du SPF Justice et de cette assurance. Il
faut également souligner qu’en cas de condamnation en vertu des articles 489,
489bis et 489ter du Code pénal, l’intéressé ne peut du reste pas revendiquer
l’allocation de faillite ; et peut-être le législateur n’a-t-il tout simplement pas eu à
l’esprit, l’hypothèse de détention du titulaire coupable d’une infraction sans lien
avec la faillite. En outre, le législateur a davantage imaginé l’assurance-faillite
comme une prestation sociale de « soudure » destinée à permettre au travailleur
indépendant de se réorganiser. Le législateur n’avait dès lors pas jugé nécessaire de
déterminer si le bénéficiaire fournissait des efforts de réinsertion professionnnelle
durant la courte période pendant laquelle il bénéficiait de la prestation sociale. Il ne
formula pas non plus, contrairement à ce qui est stipulé dans le cadre de l’assurancechômage, l’exigence que la personne concernée soit disponible sur le marché
58
d’incapacité de travail. Voy. Cour trav. Mons, 14 mai 2009, R.N. n°19.839. Cet arrêt a
toutefois fait l’objet d’un pourvoi en cassation le 7 août dernier. Voy. également, dans le
même sens : Cour trav. Mons, 3 septembre 2009, R.N. n°21.033.
Voy. art. 47, L. du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ; art. 14-14bis, L. du 3
juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du
travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles
dans le secteur public ; art. 51, L.C. du 3 juin 1970 relatives à la réparation des
dommages résultant des maladies professionnelles.
67
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
général du travail. Ces postulats de départ n’ont jamais été modifiés ultérieurement,
alors que la période pour laquelle l’intéressé peut jouir des prestations sociales en
cas de faillite a entre-temps été prolongée jusqu’à un an. Ces caractéristiques très
singulières de l’assurance faillite ont indiscutablement pour conséquence qu’on ne
peut déduire de l’absence d’une règle suspensive en l’espèce, une volonté du
législateur de renoncer, plus généralement, au mécanisme de suspension.
On constate enfin que le paiement des allocations familiales n’est pas non plus
suspendu. Le législateur fixe au contraire des règles expresses pour garantir, dans la
mesure du possible, la poursuite du versement de ces dernières. Pour ce faire, il
s’appuie en partie sur des motifs pratiques. On observe en effet qu’en cas de
détention de l’attributaire, on identifiera, dans la plupart des cas, pour le même
enfant, un autre attributaire de telle sorte que les allocations familiales demeureront
assurées et dues. Lever la règle de suspension permet, en tout état de cause,
d’obtenir un résultat similaire avec moins de tracasseries administratives au meilleur
bénéfice des enfants concernés59. Il a vraisemblablement été considéré en sus que
l’intervention du SPF Justice ne constituait pas non plus un motif suffisant de
suspension, que l’on qualifie les allocations familiales de droit de l’enfant ou d’un
avantage pour l’adulte qui a l’enfant bénéficiaire à sa charge. Le SPF Justice prend,
en effet, uniquement en charge le détenu et non la famille qui est la sienne.
24. De ce qui a été exposé préalablement, on peut conclure que la suspension d’une
allocation assurancielle est insuffisamment justifiée par le motif le cas échéant
invoqué selon lequel l’intéressé est déjà à la charge de l’autorité publique. La
suspension est d’autant plus exposée à la critique que le montant de l’allocation
suspendue dépasse le coût de l’intervention du SPF Justice et même dans le domaine
du principe de la suspension, les diverses assurances sociales sont régies par des
règles peu cohérentes.
3. Nécessité d’une meilleure harmonisation avec le statut juridique externe des
détenus
25. Le législateur n’utilise pas toujours les mêmes termes pour désigner les personnes
auxquelles s’applique la suspension des allocations de sécurité sociale. Les
dispositions qui prévoient une suspension de ces dernières ne sont, en outre, pas
encore adaptées aux nouvelles modalités d’exécution de la peine actuellement
prévues dans le statut juridique externe des détenus et des internés60.
Les réponses des ministres compétents aux questions posées au Parlement apportent
souvent quelques éclaircissements. Le législateur pourrait néanmoins éviter des
difficultés d’interprétation et l’insécurité juridique y liée en faisant expressément
59
60
68
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 289-313.
Ce constat se dégage par exemple clairement de la façon de désigner les bénéficiaires de
diverses mesures d’aides à l’emploi. Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN
LIMBERGHEN, op cit., pp. 157-172.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
référence, dans les diverses dispositions suspensives et mesures d’aides à l’emploi,
aux modalités d’exécution des peines auxquelles elles se rapportent.
26. Le législateur ne doit pas uniquement veiller à plus de clarté terminologique, il doit
également réfléchir à la question de savoir si les détenus extra muros peuvent se voir
appliquer la règle de la suspension.
Ainsi, il faut vérifier si le SPF Justice prend également en charge les détenus extra
muros, motif traditionnellement avancé pour légitimer la règle suspensive. La
suspension totale de l’allocation sociale constituera une sanction additionnelle
illégale lorsque l’intervention du SPF Justice fournit une protection moins élevée
que celle du système de sécurité sociale. Ainsi, par exemple, si le législateur
souhaitait maintenir l’allocation spéciale du SPF Justice à l’égard des détenus en
surveillance électronique, celle-ci devrait toujours être d’un montant pleinement
équivalent à celui du revenu d’intégration, et s’aligner sur son indexation. A défaut
de quoi, cette intervention au bénéfice des détenus en surveillance électronique
boitera continuellement et illégalement derrière la protection offerte par le revenu
d’intégration61.
Le législateur doit veiller en outre à l’égalité de traitement des détenus bénéficiant
de modalités comparables d’exécution des peines.
Il est préférable, à notre estime, que le législateur adopte, comme critère pour fonder
un traitement différent, le séjour effectif dans la prison plutôt que l’inscription au
rôle d’un établissement pénitentiaire. Le législateur doit en outre se pencher tout
particulièrement sur la question de savoir si les différences de régime entre la
surveillance électronique et la détention limitée constituent une justification
suffisante pour le traitement actuellement fort inégal des deux catégories de détenus.
En effet, le détenu placé sous surveillance électronique conserve ou retrouve en
principe le paiement de toute allocation sociale (sauf pour le revenu d’intégration)
alors que, pour les détenus en détention limitée, la suspension complète des
prestations demeure la règle62.
4. Nécessité d’une meilleure harmonisation avec le statut juridique « interne »
des détenus
27. La suspension intégrale des prestations de sécurité sociale provoque un déficit de
protection sociale et peut être considérée comme une sanction additionnelle ou une
forme de dommage évitable de la détention, lorsque l’intervention du SPF Justice
n’équivaut pas à la protection offerte par l’allocation sociale suspendue (a). Il faut en
61
62
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 377-385.
Une conséquence parmi d’autres de cette disparité de traitement : le détenu bénéficiant
d’une mesure de surveillance électronique a droit à une allocation de chômage alors que
le détenu en détention limitée en est privé. Tous deux sont pourtant disponibles pour le
marché général du travail.
69
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
outre éviter que l’impact de la détention sur le versement de l’allocation se
maintienne après la libération de l’intéressé (b), et qu’il affecte, outre le détenu, les
membres de sa famille (c).
a) Plus de respect pour les droits sociaux fondamentaux des détenus
28. L’article 23 de la Constitution accorde à tout un chacun, et donc aussi aux détenus,
le droit fondamental à la sécurité sociale. Or, conformément à l’article 6, § 1er de la
Loi de principes, le détenu ne peut subir d’autres restrictions de ses droits sociaux
que celles qui résultent de la privation de liberté ou qui lui sont indissociablement
liées, et celles qui sont déterminées par ou en vertu de la loi. Les détenus ne peuvent
dès lors être privés de leur droit à la sécurité sociale qu’à la condition que le
mécanisme alternatif qui les prend, le cas échéant, en charge offre effectivement une
protection équivalente.
Or, la prise en charge par le SPF Justice n’a, dans la plupart des cas, pas la même
qualité d’intervention que les régimes d’assistance sociale et d’assurances sociales,
et ne peuvent dès lors être considérés comme une « protection équivalente ».
Par conséquent, si le législateur reste attaché à la règle de la suspension de
prestations de sécurité sociale, il doit, chaque fois, au besoin, soit permettre l’octroi
« d’un surplus » par le système de sécurité sociale, soit relever le niveau de
l’intervention du SPF Justice.
Dans le premier cas, il doit avoir à l’esprit une délimitation claire des responsabilités
respectives entre le SPF Justice et les institutions de sécurité sociale, surtout en ce
qui concerne les droits à l’intégration sociale et à l’aide sociale, pour accorder ainsi
une allocation concordante des moyens.
Dans le deuxième cas de figure, le législateur doit aligner, par une adaptation
automatique, l’intervention garantie par le SPF justice sur le niveau des prestations
de sécurité sociale, leurs indexations et augmentations, afin d’éviter que la
protection sociale des détenus pèche sans cesse par l’étroitesse de sa couverture.
b) Plus d’attention pour les droits des détenus à leur libération
29. Soustraire les détenus au système de la sécurité sociale au terme de la détention est
une exclusion plus radicale encore de la société que celle résultant de l’exécution de
la peine privative de liberté63. Cette exclusion s’apparente à une sanction
additionnelle inacceptable au sens de l’article 6 § 1er de la Loi de principes.
L’application de la législation en matière de sécurité sociale implique pourtant, dans
un certain nombre de cas, la perte de droits à la sécurité sociale après la libération de
63
70
Dans ce cas, l’intervention de l’autre mécanisme de protection sociale s’arrête en effet.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
la personne concernée. Ainsi, l’existence d’un délai d’attente ou de périodes de
référence au cours desquelles l’assuré social doit justifier d’un passé professionnel
déterminé ou d’un certain nombre de versements de cotisations l’empêche de
satisfaire aux conditions d’octroi de la prestation sociale en raison d’une détention
antérieure. La prolongation de telles périodes de référence64, comme la réduction des
délais d’attente par rapport à la durée de la détention65 permettent d’éviter pareilles
privations.
La possibilité accrue de bénéficier d’une assurance continuée aiderait également le
détenu à conserver la qualité d’assuré social ou à continuer de constituer ses droits à
la sécurité sociale pendant sa privation de liberté. Le législateur pourrait examiner si
cet avantage peut être accordé, sans paiement de cotisations, à des détenus qui
effectuent un travail pénitentiaire66.
30. La perte des droits à la pension de retraite pour les fonctionnaires mérite, à notre
estime, la plus grande réprobation.
La condamnation d’un fonctionnaire à une peine criminelle a toujours pour
conséquence la déchéance de ses droits de retraite futurs en sa qualité de
fonctionnaire. Les droits de retraite dans l’assurance-pension pour salarié qu’il
obtient en échange ne compensent pas cette perte en suffisance.
En outre, la condamnation à une peine criminelle mène à la perte d’une pension de
retraite de fonctionnaire déjà accordée. Or cette déchéance n’est pas non plus
entièrement compensée par l’octroi d’une pension de travailleur salarié. Cette
mesure touche plus durement le fonctionnaire au fur et à mesure de la durée de son
engagement professionnel au service de l’Etat et du taux élevé de la pension de
retraite qu’il a dès lors pu constituer.
Cette double déchéance entraîne aussi des conséquences après la libération de
l’intéressé, de telle sorte que cette règle revêt le caractère de sanction additionnelle
et, malgré la possibilité de réhabilitation ou de grâce, méconnaît le principe de
proportionnalité consacré par la Loi de principes. Le législateur améliorerait par
conséquent considérablement la législation existante en mettant un terme à la
déchéance des droits de retraite futurs, de même qu’en transformant, à tout le moins,
la déchéance de la pension de fonctionnaire déjà accordée en une suspension, dans
64
65
66
L’assurance-faillite des travailleurs indépendants pourrait s’inspirer sur ce point de
l’assurance-chômage. Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., p. 150
et s.
De cette manière, on peut par exemple éviter la perte de pensions de retraite anticipées
ou de pensions minimums.
Il semble toutefois peu probable que le principe constitutionnel d’égalité oblige le
législateur d’agir en ce sens (voy. aussi M. COUSINS, « Overview of recent Cases before
the European Court of Human Rigths and the European Court of Justice (octoberdecember 2007) », European Journal of Social Security 2007, pp. 371-372).
71
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
l’hypothèse où il ne souhaiterait pas renoncer à la règle suspensive générale valant
en matière de pension de retraite.
c) Plus d’attention pour la situation familiale des détenus
31. Les règles de suspension actuellement en vigueur dans les divers régimes de sécurité
sociale ne prennent pas toutes en considération l’existence des membres du ménage
du détenu et souffrent, sur ce plan également, d’un manque de cohérence entre elles.
Cette carence vaut en cas de détention tant de l’allocataire que de la personne à sa
charge.
1° Détention de l’allocataire social
32. Les règles de suspension divergent largement entre elles en cas de détention de
l’allocataire ayant famille à charge.
Nous l’avons vu, le revenu d’intégration, les allocations de chômage, les allocations
aux personnes handicapées et la garantie de revenus aux personnes âgées sont
entièrement suspendus en cas de détention. Or, le montant de ces allocations étant
augmenté selon la charge de famille de l’allocataire, la suspension complète de la
prestation frappe d’autant plus lourdement que l’augmentation de cette dernière
atteint un niveau plus élevé (du fait d’une famille plus nombreuse)67.
La situation est meilleure pour les détenus pensionnés salariés et indépendants, ainsi
que leur conjoint à charge. La détention est en effet traitée comme une séparation de
fait de telle façon que le conjoint non détenu continue à percevoir la moitié de la
pension de ménage.
Un régime plus favorable encore est adopté pour les bénéficiaires d’indemnités
d’incapacité de travail avec une personne à charge : la suspension de leur prestation
leur est entièrement épargnée.
33. Le motif général justifiant la suspension des allocations sociales réside, comme déjà
exposé, dans la prise en charge du détenu par le SPF justice.
Or, le SPF Justice « couvre » seulement les besoins de la personne du détenu et non,
à l’évidence, ceux de son entourage familial. Par conséquent, la suspension totale
d’une allocation sociale qui, en dehors du cas de détention, est augmentée pour
cause des charges de famille de l’allocataire, est tant une forme d’effet préjudiciable
évitable – et donc à éviter – de la détention qu’une atteinte au principe de
67
72
Seule la suspension de la garantie de revenus aux personnes âgées reste, à cet égard,
exempte de critique. En effet, le montant de cette prestation n’est jamais majoré en
raison des charges de famille du bénéficiaire.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
normalisation68. Une telle suspension viole, sans aucun doute, les principes sur
lesquels repose la Loi du 12 janvier 2005.
Une suspension partielle de l’allocation qui tiendrait compte de l’étendue dans
laquelle le SPF Justice assure la subsistance de l’allocataire détenu, semblerait en
revanche concorder avec la Loi de principes. Le législateur devrait à cet effet bien
veiller à rétablir la cohérence des règles de suspension dans les divers secteurs de
sécurité sociale.
34. Ces révisions législatives que nous appelons de nos vœux ne constituent toutefois
pas une mission légère.
Nous pourrions proposer qu’en cas de détention de l’allocataire ayant droit à une
prestation majorée pour cause de charge de famille, seul le montant de base soit
suspendu, tout en maintenant le versement de la quote-part de l’allocation majorée
pour charge de famille. Les droits dérivés des personnes à charge de l’allocataire
détenu demeureraient ainsi intacts. A cette proposition se heurtent toutefois des
objections, surtout dans le cadre des assurances sociales. L’augmentation d’une
prestation de sécurité sociale pour cause de charge de famille, représente en effet,
dans pratiquement toutes les assurances sociales où elle intervient, une très faible
portion de l’allocation totale à laquelle prétendait l’allocataire avant sa détention. La
personne à charge non détenue recevrait alors une partie si congrue de l’allocation
assurancielle jadis accordée au détenu qu’elle serait, dans les faits, renvoyée vers des
régimes d’assistance sociale. Tous les dommages évitables de la détention ne sont
donc pas contournés de la sorte.
Les règles actuelles de suspension appliquées dans les assurances-pensions pour
travailleurs salariés et indépendants semblent offrir un meilleur modèle pour une
solution potentielle. Dans ce secteur en effet, la détention de l’allocataire a
seulement pour conséquence la suspension de la moitié de la pension au montant
ménage, de telle manière que la personne à charge demeurant en liberté conserve
l’autre moitié69. Cette règle pourrait être introduite dans les régimes d’assistance
68
69
Ce constat apparaît très clairement pour les cas dans lesquels la suspension de la
prestation sociale place le détenu dans l’impossibilité réelle de payer la contribution
alimentaire dont il est redevable.
Une réglementation comparable existe en ce qui concerne la garantie de revenus aux
personnes âgées. Chaque membre de la famille a en effet un droit individuel à la
GRAPA dès que l’intéressé remplit les conditions pour l’octroi ; mais le montant de
cette allocation n’est en outre pas augmenté pour cause de charge de famille. La
détention d’un des intéressés n’apporte en soi pas de changement. Si la détention devait
conduire à une résidence principale séparée pour le détenu, le changement dans le
montant accordé pourrait toutefois intervenir. Voy. G. VAN LIMBERGHEN et V. VAN DER
PLANCKE, op cit., pp. 359-361.
73
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
sociale. En effet, la majorité des allocations assistancielles voient leur montant
doubler au bénéfice des allocataires avec personnes à charge70.
L’exportation de la règle du secteur des pensions vers d’autres assurances sociales
semble, en revanche, réellement plus difficile. Dans l’assurance chômage, la
séparation de fait mène à une baisse du montant de l’allocation (dès lors que le
chômeur transite de la catégorie « ayant charge de famille » vers celle d’« isolé »),
excepté si le chômeur paye une contribution alimentaire en vertu d’une décision
judiciaire ou d’un acte notarié, ou si son conjoint a été autorisé à percevoir des
sommes dues par des tiers. En dehors de cette dernière hypothèse, l’incorporation de
la règle suspensive prévalant dans les assurances pensions exigerait donc que le
législateur prévoie d’abord qu’en cas de séparation réelle, l’allocation de chômage
soit maintenue au « montant ménage » et qu’ensuite seule la moitié, à savoir la
partie du chômeur détenu, soit suspendue. La question se pose de savoir si le
législateur serait disposé à agir en ce sens. Dans l’assurance indemnité pour
incapacité de travail, l’introduction de la règle de suspension en vigueur pour les
assurances-pensions signerait un recul pour les intéressés, dès lors qu’actuellement
le détenu conserve intégralement son indemnité d’incapacité de travail – et non
uniquement la moitié – au cas où celle-ci a été majorée pour cause de charge de
famille.
Encore faut-il ajouter ici que la moitié d’une pension au taux ménage n’atteint pas
toujours le niveau des prestations assistancielles pour isolés, de telle manière que la
personne à charge non détenue n’est généralement pas préservée d’une baisse
sérieuse de son niveau de vie (ceci vaut également pour les cas de séparation réelle
dans laquelle aucun des deux partenaires n’a été détenu). La transposition de cette
règle vers d’autres assurances sociales produirait sans aucun doute le même effet. La
véritable pertinence des développements qui précèdent doit donc être appréciée avec
circonspection.
2° Détention de la personne à charge de l’allocataire social
35. En second lieu, il faut relever que la détention de la personne à charge de
l’allocataire a également, selon le secteur de sécurité sociale dont elle relève, des
conséquences divergentes sur sa prestation sociale.
Dans l’assurance chômage, est instaurée, pour une durée déterminée de douze
mois71, la présomption selon laquelle le chômeur et le détenu à charge continuent à
former une famille. Le législateur tient ainsi compte du fait que, malgré la détention
70
71
74
Cette argumentation vaut pour le revenu d’intégration et l’allocation de remplacement
de revenus pour la personne handicapée. Pour autant que la personne non incarcérée
puisse elle-même revendiquer une allocation assistancielle, elle obtient en fait d’ores et
déjà une moitié d’allocation au taux famille à charge.
Art. 59, al. 2, 2°, A.M. du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la
réglementation du chômage.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
de la personne à charge, le chômeur en liberté est souvent confronté aux mêmes
frais (logement, …) qu’avant la détention de son conjoint ou partenaire, et qu’il doit
en outre supporter les coûts de déplacement pour les visites au sein de
l’établissement pénitentiaire ou de défense sociale.
Dans l’assurance indemnité pour incapacité ou invalidité, l’allocataire conserve
vraisemblablement, à défaut d’une règle explicite dans un sens ou l’autre, la qualité
de titulaire ayant personne à charge, si le détenu demeure effectivement à charge et
donc aussi longtemps que l’allocataire lui paye par exemple une somme d’argent
mensuelle.
Dans les assurances pensions pour salariés et indépendants, la règle de la réduction
de moitié de la pension au taux famille est également appliquée si la personne à
charge de l’allocataire est détenue.
36. Cette dernière réglementation n’est certes pas un modèle pour une solution
uniforme. Pour autant qu’on accepterait que, par l’intervention du SPF Justice, le
détenu ne puisse plus être considéré à charge de l’allocataire demeuré libre, ce
dernier devrait désormais recevoir au moins le montant pour une personne isolée.
En outre, le législateur devrait admettre, pour toutes les prestations sociales, que les
dépenses de l’allocataire demeuré libre ne diminuent pas immédiatement après la
détention de la personne à sa charge (même loyer, par exemple, ne fût-ce que pour
un temps). Il serait ainsi justifié de maintenir, en tout état de cause, pendant une
période déterminée, la prestation sociale au montant ménage.
Plus encore, le législateur devrait également stabiliser, au-delà de cette période fixe,
l’octroi du montant ménage, dans le cas où l’allocataire peut démontrer, dans une
certaine mesure, assurer la subsistance de la personne détenue à sa charge.
5) Nécessité d’une meilleure harmonisation avec les garanties essentielles du
droit pénal
37. La suspension de la prestation sociale frappe le plus souvent les détenus avant même
leur condamnation. Le législateur applique, en réalité, la règle suspensive comme
conséquence automatique de la détention, même préventive.
a) La présomption d’innocence
38. Il faut premièrement interroger la compatibilité de la suspension des prestations
sociales du détenu avec le principe de la présomption d’innocence. Dans presque
tous les cas, le motif de la suspension du paiement des allocations sociales ne réside
75
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
pas tant dans la condamnation, que dans la détention du bénéficiaire, puisqu’à une
exception près, la suspension se produit dès l’incarcération72.
Dans tous les autres cas de figure, les allocataires mis en détention préventive sont
par conséquent touchés par les règles de suspension, tout autant que les allocataires
condamnés.
39. Les divers secteurs de sécurité sociale connaissent par ailleurs des règles disparates
pour le cas où il s’avère par la suite que l’allocataire a subi une détention préventive
inopérante puisqu’il a bénéficié, à l’issue de l’instruction, d’un non lieu voire d’un
acquittement73.
Ainsi, l’assurance-chômage et l’assurance soins de santé et indemnités ne
comportent pas de règles spécifiques en la matière, et ne prévoient dès lors pas de
paiement différé des allocations suspendues. L’allocataire mis à tort en détention
peut seulement tenter d’obtenir une indemnisation de l’Etat belge sur la base de la
loi du 13 mars 1973 relative à l’indemnité en cas de détention préventive inopérante.
Le revenu d’intégration est récupéré après coup, sauf si la personne concernée
obtient pareille indemnisation de l’Etat belge, tout cumul étant prohibé74.
Les allocations aux personnes handicapées, les pensions et la garantie de revenus
aux personnes âgées sont également reversées par la suite, peu importe si la
personne concernée prétend simultanément à cette indemnisation étatique.
Sur ce point également, les diverses
indiscutablement de cohérence entre elles.
règles
de
suspension
manquent
40. Peut-on soutenir que ce n’est pas la condamnation, mais bien la détention qui
légitime la suspension des prestations sociales, dès lors que le motif du législateur
réside dans le fait que les intéressés ne doivent pas être pris en charge deux fois par
le gouvernement ? Devrait-on alors en déduire que les règles de suspension ne sont
nullement en tension avec la présomption d’innocence ? Faudrait-il également en
tirer comme conséquence que l’intéressé ne peut revendiquer le paiement ultérieur
de la prestation suspendue, sous peine de saper la logique de la règle suspensive
puisqu’il est demeuré à charge du SPF Justice pendant sa détention préventive
inopérante ?
72
73
74
76
Seules les assurances pensions pour travailleurs salariés et indépendants reportent la
suspension du paiement de la pension jusqu’à ce que la privation de liberté atteigne une
certaine durée (un an). Et ici encore, il n’est pas exclu que la suspension se produise
avant même que l’intéressé soit condamné.
Pour les allocations qui ne sont pas suspendues, il n’est naturellement pas prévu de
règles en cas de détention inopérante.
Sur le manque de lisibilité de ce dispositif, voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN
LIMBERGHEN, op cit., pp. 385-386.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
A suivre ce raisonnement, le détenu ne devrait récupérer, sous la forme d’un
dédommagement, que la différence entre sa prestation retenue et la prise en charge
par le SPF Justice. Cette option n’offre toutefois pas pleine satisfaction : elle
signifierait, indirectement, qu’on impose à la personne concernée de contribuer aux
frais d’entretien et d’hébergement d’un séjour carcéral illégal. En cela, la restitution
intégrale de la prestation sociale demeurerait préférable. En outre, le bénéficiaire
obtient ainsi plus facilement le montant dont il fut privé à tort. En effet, ne devront
être entreprises aucune analyse quant à l’étendue de ce montant, ni aucune procédure
particulière. Nous ne pouvons pas non plus perdre de vue que la jouissance d’une
prestation de sécurité sociale va de pair avec d’autres avantages qui ne sont pas liés à
une indemnisation75, de sorte qu’un dédommagement alternatif ne rétablit pas
entièrement le bénéficiaire, mis à tort en détention, dans la situation antérieure. La
restitution intégrale de l’allocation assistancielle ne devrait toutefois être admise
qu’en l’absence d’indemnisation étatique effective pour détention préventive
inopérante. Les dommages et intérêts le cas échéant alloués sur cette base
viendraient alors en déduction de la prestation sociale assistancielle, pour autant
qu’ils ne compensent pas purement les dommages moraux de l’intéressé.
41. Une telle méthode serait en outre plus compatible avec la présomption d’innocence
en matière pénale. Cette présomption serait d’ailleurs mieux respectée encore si la
suspension même partielle d’une prestation de sécurité sociale ne prenait cours
qu’au moment où le détenu est condamné, ce qui écarterait par ailleurs tout risque de
détention préventive inopérante. La présomption d’innocence exige en effet d’éviter
au maximum, à l’égard de détenus non condamnés, toute forme de dommages
consécutifs à la détention sans être inéluctablement liés à la privation de liberté. La
loi de principes prévoit ainsi que les inculpés doivent bénéficier de toutes les
facilités compatibles avec l’ordre et la sécurité et dès lors de certaines adaptations du
régime de l’exécution de la mesure privative de liberté, de telle sorte qu’ils n’aient
aucunement l’impression que celle-ci présente un caractère punitif76. Nous pouvons
néanmoins admettre que le report de la suspension pendant une période à
déterminer, combiné avec la restitution de prestations retenues lors de la détention
préventive inopérante, revient dans une large mesure au même résultat77.
Si le législateur devait maintenir l’option de la suspension de l’allocation sociale, il
améliorerait, en tout état de cause, par le report de cette démarche, le respect du
principe de proportionnalité. Le législateur accorderait ainsi aux personnes
concernées, qui ont peu de prise sur les événements en cas de détention, une période
de transition, tout en évitant que la suspension comme mesure d’intérêt général
n’impose une charge disproportionnée à des bénéficiaires individuels. En d’autres
75
76
77
Ainsi, le bénéficiaire conserve la qualité d’assuré social dans d’autres secteurs de la
sécurité sociale.
Art. 10-13, L. de principes.
Cette combinaison est déjà en vigueur dans l’assurance pension pour salariés et
indépendants.
77
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
termes, même si le report de la suspension de l’allocation peut entraîner certaines
incohérences (le détenu continuerait à percevoir son allocation pendant le début de
son incarcération, et aurait donc un sort plus favorable que le citoyen libre), il
présenterait toutefois un important avantage pratique supplémentaire : un report
« institutionnalisé » diminuerait les mesures de « récupération de l’indû » par les
organismes de sécurité sociale qui ignorent souvent pour un temps l’incarcération de
l’allocataire. Un tel report respecterait aussi mieux le droit à la protection de la vie
privée des détenus ; une attention particulière devra être réservée à cette dernière
lors du développement d’un échange adéquat d’information entre les établissements
pénitentiaires et les administrations communales, d’une part, entre le SPF Justice et
le système de sécurité sociale, d’autre part78.
b) Conséquence automatique de la peine
42. Sans l’analyser rigoureusement sous l’angle du principe non bis in idem79, il faut
encore relever que le dispositif actuel de suspension de prestations sociales des
détenus peut apparaître comme un mécanisme automatique accessoire à la sanction
pénale sinon à la culpabilité80. Or, la Cour constitutionnelle a déjà jugé anticonstitutionnelles des interdictions professionnelles, accessoires d’une
condamnation principale, en raison tant de leur automaticité que de l’impossibilité
pour le condamné d’en discuter le bien fondé81. Même si la justification affichée de
la règle suspensive réside plutôt dans la détention que dans la condamnation de
l’allocataire, la question demeure de savoir si la suspension de l’allocation sociale ne
devrait pas être considérée comme une conséquence automatique de la peine ou de
la culpabilité, vu le manque fréquent de connexion entre les règles de suspension et
le motif invoqué par le législateur à ce sujet.
C. CONTRIBUTION
DANS LES FRAIS D’ENTRETIEN ET D’HEBERGEMENT
COMME ALTERNATIVE A LA SUSPENSION
43. Comme exposé précédemment, on peut questionner le choix politique du législateur
de confier la protection sociale des détenus au SPF Justice et dès lors de suspendre
entièrement ou partiellement le versement de nombreuses allocations sociales. La
78
79
80
81
78
Sur cette problématique, voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp.
413-435.
Rappelons, par analogie, que ce principe a été invoqué dans l’arrêt de la Cour
constitutionnelle relatif à la limitation légale au droit de vote des détenus. Voy. Cour
Const., arrêt n° 187/2005 du 14 décembre 2005. Pour une explicitation de la portée du
principe non bis in idem, voy. notamment Cour Const., arrêt n°91/2008 du 18 juin
2008 ; Cour Const., arrêt n°67/2007 du 26 avril 2007.
En ce sens, Ch. VANDERLINDEN, « Travail pénitentiaire et sécurité sociale du détenu »,
Rev. dr. pén. crim., 2003, p. 668.
Voy. entre autres : Cour Const., arrêt n°57/98 du 27 mai 1998 ; Cour Const., arrêt
n°87/98 du 15 juillet 1998 ; Cour Const., arrêt n°38/2000 du 29 mars 2000 ; Cour
Const., arrêt n°40/2000 du 6 avril 2000 ; Cour Const., arrêt n°77/2000 du 27 juin 2000.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
manière dont ce choix politique est ensuite mis en œuvre doit par ailleurs être
sérieusement critiquée. Nous l’avons dénoncé à maintes reprises : les dispositions
suspensives manquent de cohérence et, parfois, de légitimité. Elles souffrent en
outre d’une piètre harmonisation avec les principes sur lesquels repose le statut
juridique interne des détenus, les modalités d’exécution de la peine que fournit le
statut juridique externe et certaines garanties pénales essentielles.
Comme nous le développons ci-après, le prélèvement d’une contribution dans les
frais d’entretien et d’hébergement pourrait tenir compte de ces points névralgiques.
Le principe serait désormais le maintien intégral du paiement des allocations
sociales au détenu, avec le tempérament suivant : une ponction à la source en vue de
financer l’entretien au sens large (nourriture, toit, …) dans l’établissement
pénitentiaire82. Il serait par ailleurs totalement injustifié que le détenu participe aux
frais de fonctionnement de l’infrastructure, aux frais de personnel, aux corps de
sécurité, … dès lors qu’en tant qu’administration publique, l’institution carcérale est
financée par les deniers de l’Etat83. Il ne s’agit certes pas non plus de faire « payer
au détenu » ce qui auparavant aurait été gratuit. En effet, la règle suspensive actuelle
équivaut indirectement à une contribution, excessive et inégalement différenciée
selon le statut social des détenus, aux frais engendrés par leur incarcération.
D’autres préliminaires doivent impérativement être posés. Le prélèvement éventuel
d’une contribution dans les frais d’entretien et d’hébergement doit s’inscrire dans
une perspective large de respect de la Loi de principes qui impose des conditions de
vie dignes et un minimum de surface habitable dans la prison, une alimentation et
des soins de santé de qualité, une rémunération décente pour le travail pénitentiaire
accompli,…84 On ne pourrait admettre qu’un détenu contribue à financer des
conditions carcérales déplorables qui lui sont infligées.
82
83
84
Selon les données budgétaires de la Direction générale des Établissements
Pénitentiaires, la nourriture et l’entretien des détenus a coûté, en 2007, en moyenne
4,12 € par détenu par jour. Voy. Données budgétaires – Direction générale des
Établissements Pénitentiaires DG EPI, rapport annuel 2007, p. 34. Selon l’O.I.P., les
prisons disposent d’approximativement 3 € par détenu et par jour, somme qui n’a pas
été indexée depuis 15 ans. Voy. Observatoire International des Prisons (Section belge),
Notice 2008 – De l’état du système carcéral belge, Bruxelles, 15 octobre 2008, p. 92.
Telle est la position de la Commission Dupont dans son Rapport final alors qu’elle
débattait de la légitimité de prélever des sommes sur les revenus du détenu exécutant un
travail pénitentiaire : « L’actuel article 66 du Règlement général des établissements
pénitentiaires prévoit que l’État prélève en sa faveur 40 % des revenus du travail en
prison à titre de frais de gestion. Etant donné que l’administration pénitentiaire, comme
beaucoup d’autres institutions publiques, est financée par les moyens généraux, on peut
difficilement trouver un argument justifiant le prélèvement d’une part du revenu des
détenus en vue de financer spécifiquement les frais de fonctionnement de
l’infrastructure pénitentiaire ». Voy. Rapport final, 2 février 2001, Doc. Parl., Ch.,
2000-2001, n°1076/1, pp. 160-161.
Voy. article 41 et suivants de la Loi de principes.
79
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
En outre, nous n’envisageons le prélèvement qu’à la condition sine qua non que le
détenu jouisse de ressources financières équitables, puisque ce dispositif supposerait,
préalablement, que la privation de liberté ne conduise dorénavant plus à la
suspension du versement des allocations sociales. En cela, notre proposition répond
aux observations de la Commission Dupont amenée à se prononcer, en 2001, sur
l’article 84 de l’avant-projet de la Loi de principes. Cette disposition – écartée dans
la mouture finale de la loi – accordait au Roi la «possibilité» de déterminer qu’une
partie des revenus du travail des condamnés soit prélevée en faveur de l’État à titre
de contribution à leur séjour dans la prison. Selon les membres de la Commission
toutefois, seuls les condamnés disposant d’un revenu normal ou de substitution
auraient pu se voir imposer le paiement d’une quote-part de leurs propres frais
d’entretien85/86. La Commission ajoutait par ailleurs souscrire à la position de G. De
Jonge selon laquelle la présomption d’innocence s’opposait à ce que les inculpés y
soient contraints également87. L’article 84 en projet n’a, au final, pas été retenu dans
le texte définitif, faute de réunir les conditions à la légitimité d’un tel système88.
44. Substituer à la suspension des allocations sociales le maintien de celles-ci doublée
d’une contribution, dans les limites circonscrites à l’instant, tiendrait compte, à notre
estime, d’un nombre d’objections principielles opposées à la norme suspensive.
Pareille contribution rendrait par ailleurs beaucoup plus cohérentes les règles
énoncées en matière de protection sociale des détenus, et les réconcilieraient avec les
garanties fondamentales de droit pénal.
45. La population a le droit d’attendre du législateur qu’il réfléchisse un choix posé
précédemment. La problématique de la protection sociale des (ex-)détenus et de leur
famille présente un grand intérêt pour la société dans son ensemble en ce qu’elle
contribue incontestablement à améliorer les perspectives de réinsertion, le respect de
la dignité de chacun et la prévention de la récidive. En effet, la doctrine démontre
fréquemment qu’il n’y a aucune corrélation entre le taux d’incarcération et le taux de
criminalité, ou en d’autres termes, que la prison s’avère très peu dissuasive ; en
revanche, le taux d’incarcération et la précarité – voire même le taux de chômage
85
86
87
88
80
Voy. Rapport final, 2 février 2001, Doc. Parl., Ch., 2000-2001, n°1076/1, pp. 160-161.
Dans le même esprit, voy. G. DE JONGE, Strafwerk, Over de arbeidsverhouding tussen
gedetineerden en Justitie, Breda, Papieren Tijger, 1994, pp. 162-164.
G. DE JONGE, op.cit., p. 163.
Pour une vision critique du système de prélèvement exprès de sommes sur les revenus
du travail pénitentiaire à titre de contribution du détenu à ses frais d’entretien, voy.
Ph. AUVERGNON et C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question : une approche
juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, p. 121. Ce
système fut d’ailleurs abrogé en France par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002.
Dans sa contribution au présent recueil, Ph. AUVERGNON précise d’ailleurs que si en
Italie, les détenus doivent, sur le produit de leur travail, participer à leurs frais
d’hébergement, ceci n’est pas ou plus le cas en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et
en France.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
d’une population – présentent généralement un rapport étroit.89. Garantir la sécurité
d’existence à un individu prémunit la société contre la tentation d’un de ses
membres de rompre (à nouveau) le lien social.
1. L’option du prélèvement d’une contribution dans les coûts d’entretien et de
séjour en meilleure conformité avec les droits sociaux fondamentaux des
détenus
46. La suspension d’allocations sociales en cas de détention est confrontée à une critique
fondamentale.
En effet, le droit fondamental à l’assurance sociale et à l’assistance sociale est, entre
autres sur la base de l’article 23 de la Constitution, garanti aux personnes privées de
liberté. Il est rare que la détention empêche ou élimine le risque couvert par une
assurance sociale ou de la situation de besoin combattue par un régime d’assistance
sociale. La privation de liberté peut même parfois mener à ce que surgisse l’état de
besoin lui-même. Aussi longtemps que cette situation perdure, le législateur doit
donc prévoir l’octroi et le déboursement de la prestation de sécurité sociale
concordante, même si l’ayant droit à pareille prestation est détenu90.
La suspension intégrale des allocations sociales engendre en outre des inégalités,
parce que le montant des allocations suspendues diverge fortement. Le montant des
allocations assistancielles est d’autant plus élevé que les moyens de subsistance de
l’allocataire sont faibles de telle façon que leur suspension intégrale frappe plus
durement les plus nécessiteux. La suspension des allocations assurancielles
désavantage d’autant plus les allocataires qu’ils ont presté pendant de nombreuses
années un emploi, joui d’un revenu professionnel substantiel et, par conséquent,
contribué plus amplement au financement des assurances sociales. La suspension est
motivée par le fait que l’allocataire est déjà à la charge de l’autorité publique. Si ce
motif peut justifier une correspondance entre l’ampleur de la prise en charge par le
SPF Justice et celle de la suspension opérée, elle ne peut en revanche légitimer que
les plus nécessiteux, ni même les plus « contribuants », soient touchés plus
durement.
89
90
G. RUSCHE et O. KIRCHHEIMER, Peine et structure sociale, trad. fr. Paris, éd. du Cerf,
1994. Voy. également : Ph. MARY, F. BATHOLEYNS et J. BEGHIN, « La prison en
Belgique : de l’institution totale aux droits des détenus ? », Déviance et Société, 2006,
vol. 30, n°3, pp. 389-404 ; G. CHANTRAINE, « Prison, désaffiliation, stigmates.
L’engrenage carcéral de l’« inutile au monde » contemporain », Déviance et société,
2003 Vol. 27, n°4, pp. 363-387 ; G. CHANTRAINE, Par-delà les murs. Expériences et
trajectoires en maison d’arrêt, 2004, Paris, PUF/Le Monde. Voy. également les
conclusions des présents actes par S. SNACKEN.
En guise d’illustration, mentionnons la suspension discriminante de l’allocation de
chômage du détenu qui, au moment de son incarcération, était dispensé de l’impératif de
disponibilité sur le marché de l’emploi.
81
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
47. A l’appui de la suspension des allocations sociales est fréquemment invoqué
l’argument selon lequel le maintien du versement avantagerait le détenu par rapport
aux allocataires non détenus ne jouissant pas de l’intervention du SPF Justice, mais
aussi vis-à-vis des détenus qui perdent leur revenu professionnel suite à leur
détention.
Dans les deux cas, la discrimination crainte est actuellement prévenue par une
diminution considérable de la protection sociale des détenus : le paiement de la
plupart des prestations sociales auparavant accordé est suspendu pendant la période
de détention, et la règle suspensive empêche que les détenus désormais privés de
leurs revenus professionnels puissent revendiquer l’octroi et le paiement de certaines
allocations sociales.
Le législateur peut pourtant tout aussi bien poursuivre l’égalité de traitement en ne
suspendant pas les allocations sociales des détenus, mais en prélevant une
contribution – déterminée éventuellement forfaitairement – pour les frais d’entretien
et d’hébergement dans l’établissement pénitentiaire. Le législateur éviterait ainsi en
premier lieu que les allocataires détenus soient avantagés vis-à-vis des non détenus.
La conservation de l’intégralité de l’allocation sociale au bénéfice des détenus intra
muros sans personne à charge placerait en effet ces derniers dans une situation plus
favorable que le citoyen libre (étant donné que certains besoins du détenu sont pris
en charge par le SPF Justice). Ce dispositif de « conservation intégrale » serait, à son
tour, en conflit avec la Loi de principes, alors qu’il faut « conscientiser » le détenu
quant au nécessaire maintien de la viabilité du système de la protection sociale91.
Le prélèvement d’une contribution dans les frais d’entretien et d’hébergement admet
en outre que les détenus qui perdent leurs revenus de travail suite à leur privation de
liberté puissent, à partir et tout au long de celle-ci, revendiquer certaines allocations
sociales que le législateur leur refuse aujourd’hui. Mieux qu’une suspension
« aveugle », le prélèvement d’une contribution « effective » sur l’allocation du
détenu permet d’éviter des charges disproportionnées que le législateur, pour des
raisons budgétaires, fait actuellement peser sur les justiciables individuels.
48. Une contribution des détenus à leurs frais d’entretien et d’hébergement est moins
illusoire qu’on l’imagine peut-être.
Sur le plan des faits, nous citerons deux illustrations actuelles de ce phénomène, non
exemptes de critiques toutefois. Ainsi, avant l’abolition de ce système aux alentours
de 2005-2006, les détenus en détention limitée supportaient une partie de ce coût à
certaines conditions92. Par ailleurs, la faiblesse de la rémunération du travail
91
92
82
Ce dernier propos – celui de la conscientisation – ne vaut que si le détenu demeure
intégré, grâce à une protection sociale de qualité, dans un tissu social aux mailles
étroites.
Voy. Circ. min. du 9 février 1973 ((1172/I) relative à la « Retenue pour frais d’entretien
sur le salaire des détenus admis au régime de « semi-liberté » ou de « semi-détention ».
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
pénitentiaire est parfois directement légitimée – à tort selon nous – par l’argument
selon lequel le « manque à gagner » constituerait la contrepartie à l’hébergement
dans la prison93.
Sur le plan du droit, il faut rappeler en outre que la législation belge connaît déjà, en
d’autres domaines que la prison, des cas de figure dans lesquels une contribution –
forfaitaire ou tributaire de certains paramètres – au financement d’un autre système
de protection sociale couvrant des personnes ayant droit à des prestations de sécurité
sociale, est mise à charge de ces dernières. Ainsi en est-il du paiement d’une partie –
deux tiers – des allocations familiales à une institution dans laquelle un enfant est
placé par l’intermédiaire ou à charge d’une autorité publique94 et de la possibilité
offerte aux centres publics d’action sociale de réclamer aux bénéficiaires une
contribution aux frais des services sociaux95. La même règle vaut pour la suspension
partielle – 28 % – de l’allocation d’intégration de la personne handicapée qui
séjourne dans une institution totalement ou partiellement à charge des pouvoirs
publics ou de la sécurité sociale96.
La comparaison de l’objectif, de la nature et de l’étendue de l’intervention de ces
mécanismes, avec l’objectif, la nature et l’étendue de la prise en charge par le SPF
Justice peut contribuer à une meilleure compréhension de la forme que devrait, le
cas échéant, revêtir la quote-part des allocataires détenus dans les frais d’entretien et
de séjour.
93
94
95
96
Il ressortait toutefois de cette circulaire que les détenus en « semi-liberté » ne devaient
contribuer aux frais de détention que s’ils percevaient un salaire. Dans les faits, le
montant journalier à payer par le détenu différait d’une prison à l’autre : il avoisinait les
2,5 euros. De la même façon, la rémunération payée par l’employeur à l’interné en
semi-liberté est remise au directeur de l’établissement qui conserve 30% pour la
participation dans les frais d’entretien de l’interné. Voy. Directives Et/XVIII du 7 mars
1966 concernant le régime de semi-liberté – Loi de défense sociale du 1er juillet 1964,
Administration des Etablissements pénitentiaires et de Défense sociale. Les directives
ajoutent que 20 % de la rémunération constituent la quotité disponible destinée
notamment aux achats de cantine, frais de route, aide à la famille. Quant aux 50%
restants, ils forment la quotité réservée, utilisée par le Directeur pour l’achat de
vêtements ou d’outils de travail de l’interné, ainsi que pour une aide à la famille de ce
dernier.
Voy. Ph. AUVERGNON et C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question : une
approche juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006,
p. 121. Si on devait suivre ce raisonnement, on aboutirait à la conclusion selon laquelle
certains détenus supportent deux fois le coût de leur détention. Ainsi en irait-il de
l’allocataire réalisant un travail pénitentiaire : il contribuerait dès lors aux frais
d’entretien et d’hébergement aussi bien par la suspension de sa prestation sociale, que
par l’insuffisance de sa rémunération.
Art. 70, L.C. du 19 décembre 1939 relatives aux allocations familiales pour travailleurs
salariés.
Art. 98, L. du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale.
Art. 12 § 1er, L. du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées.
83
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
2. Cohérence avec la législation sociale
49. La prise en charge du détenu par le SPF Justice conduit naturellement à ce qu’il soit
déjà considéré, dans une certaine proportion, à la charge de l’autorité publique. Les
objectifs singuliers gouvernant les divers secteurs de sécurité sociale et les
dispositions anti-cumul que comprennent leurs réglementations97 ne peuvent
pourtant valablement fonder les nombreuses différences repérées entre les règles de
suspension.
En revanche, un lien cohérent existerait, à notre estime, entre la prise en charge des
détenus par le SPF Justice et le prélèvement d’une contribution dans les frais
d’entretien et d’hébergement dans l’établissement pénitentiaire. Substituer aux
règles de suspension actuelles un tel dispositif de prélèvement rétablirait en outre la
cohérence de la législation en matière de sécurité sociale, ce dernier étant compatible
avec les caractéristiques et la logique de financement des allocations tant
assurancielles qu’assistancielles. Les deux types d’allocations connaissent des
dispositions anti-cumul qui empêchent qu’un même besoin soit rencontré plus d’une
fois ; en outre, comme exposé à l’instant, notre législation sociale connaît d’autres
hypothèses pour lesquelles une contribution sur une allocation assistancielle ou
assurancielle d’un bénéficiaire est prélevée en ce qu’ils jouissent de l’intervention
d’un autre système de protection sociale.
Pour autant que la prise en charge par le SPF Justice contribue à l’hébergement et à
l’entretien du détenu allocataire, cette intervention justifie une participation du
détenu dans ces frais, par un prélèvement sur toute prestation de sécurité sociale qui
remplace le revenu de travail manquant ou qui lui octroie, pour la même raison, un
revenu minimum.
Cette prise en charge par le SPF Justice ne peut en revanche fonder aucun
prélèvement sur les prestations de sécurité sociale qui complètent les revenus du
travail, les revenus de remplacements, ou le revenu minimum en vue de faire face à
des dépenses particulières, relatives par exemple aux soins de santé, à la perte
d’autonomie (telle l’allocation d’intégration pour les personnes handicapées) ou à
l’éducation des enfants. Pour autant que le détenu allocataire soit confronté à ces
dépenses particulières et qu’aucun autre mécanisme de protection ne les prenne en
charge d’une manière équivalente, ni la suspension de la prestation de sécurité
sociale, ni le prélèvement sur ces sommes d’une contribution dans les frais
d’entretien et de séjour ne seront ici justifiés.
50. Une contribution dans les frais d’entretien et du séjour dans la prison serait
cohérente avec le motif invoqué à l’appui de celle-ci. Elle peut d’ailleurs être
97
84
Ainsi, on peut accepter que l’assurance soins de santé n’accorde pas de prestations au
détenu, pour autant que le SPF Justice prenne déjà en charge ses frais médicaux. Dans le
même sens, nous pouvons admettre que l’intervention du SPF Justice soit considérée
comme un moyen d’existence à déduire de la prestation assistancielle due.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
prélevée de façon transparente et cohérente via une ponction sur chaque allocation
assurancielle ou assistancielle qui prend la forme d’un revenu minimum ou d’un
revenu de remplacement, en excluant celles qui ont vocation à couvrir certaines
dépenses particulières. En d’autres termes, la nature de l’allocation sociale
déterminerait si la contribution est due ou non98.
3. Une meilleure harmonisation avec les garanties pénales
51. Comme il fut exposé plus haut, les règles de suspension actuelles sont
insuffisamment adaptées aux nouvelles modalités d’exécution des peines recensées
dans le statut juridique externe des détenus. Elles entretiennent en outre des rapports
tendus avec la présomption d’innocence et les principes de base sur lesquels repose
le statut interne des détenus.
52. En ce qui concerne le statut externe des détenus, le législateur – s’il continue à opter
pour la suspension de l’allocation sociale – doit préciser s’il souhaite maintenir la
suspension vis-à-vis des détenus extra muros, et prendre à cet effet comme point de
départ le séjour effectif dans la prison plutôt que l’inscription au rôle d’un
établissement pénitentiaire.
On pourrait attendre du législateur une attention équivalente à celle qu’il réserverait
aux détenus intra muros en leur imposant de contribuer, par un prélèvement sur leur
allocation maintenue, aux frais de séjour et d’entretien dans la prison. Pareille
contribution peut en effet être adaptée à la modalité d’exécution de la peine
accordée. En résulterait non seulement une plus grande égalité de traitement entre
allocataires détenus ou non, mais aussi parmi les détenus eux-mêmes, quelle que soit
la modalité d’exécution de la peine qui leur est imposée.
53. Les règles suspensives en vigueur ne concordent pas avec les principes
fondamentaux sur lesquels réside le statut interne des détenus. La suspension des
allocations sociales touche en effet les détenus qui – hors la condition de détention –
satisfont pleinement aux conditions actuelles pour l’octroi et le versement de ces
prestations. Les règles suspensives sont justifiées par l’intervention du SPF Justice
alors que celle-ci n’atteint pas fréquemment le niveau de l’allocation suspendue.
Aussi longtemps que le législateur ne peut rehausser l’intervention du SPF Justice au
niveau de protection offerte par l’allocation sociale suspendue, il s’expose au
reproche selon lequel la privation de liberté s’accompagne d’une peine
complémentaire ou, à tout le moins, de dommages évitables de la détention, sous
forme d’une perte de protection sociale. L’option du prélèvement d’une contribution
dans les frais d’entretien et d’hébergement dans la prison permettrait au législateur
98
Pour autant que les indemnités pour incapacité/invalidité soient augmentées pour cause
de perte complémentaire d’autonomie de l’indemnitaire, la contribution ne pourrait être
prélevée que sur le montant de base de l’indemnité et non sur sa majoration consécutive
au besoin de l’aide d’un tiers.
85
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
de réfuter les précédentes critiques, pour autant que le montant de la contribution
corresponde valablement à l’« avantage » tiré de la prise en charge par le SPF
Justice.
Les règles suspensives sont d’autant plus contestables qu’elles touchent, nous
l’avons dit, non seulement le détenu mais aussi ses proches. En réalité, elles tiennent
compte de façon très divergente de la charge de famille de l’allocataire social, et
cette diversité reflète indubitablement celle avec laquelle les allocations sociales
sont adaptées à la situation familiale de l’allocataire. Aussi longtemps que la
modalisation du ménage n’est pas harmonisée au sein des différents secteurs de
sécurité sociale, la question se posera de savoir si les règles suspensives peuvent
intégrer la modélisation du ménage en vigueur pour l’allocation concernée, dès lors
qu’elles doivent en même temps s’accorder avec le statut interne des détenus et
afficher plus de cohérence mutuelle. Le prélèvement d’une participation personnelle
aux frais d’entretien et d’hébergement aurait, en tout état de cause, pour avantage
que la répercussion sur la prestation de sécurité sociale demeure la même, peu
importe que soit détenu l’allocataire ou la personne à sa charge. Une telle
contribution ne dénierait pas, contrairement à la suspension, les droits à la sécurité
sociale des familles des détenus et serait dès lors bien plus conforme au statut
interne de ces derniers.
54. Les règles suspensives entrent en tension avec la présomption d’innocence pour
autant qu’elles provoquent un déficit de protection sociale pour le détenu ou sa
famille. La détention cause ainsi des dommages collatéraux, avant même que
l’intéressé soit condamné. En outre, le législateur ne prévoit pas systématiquement le
paiement de la prestation sociale suspendue lorsqu’il apparaît a posteriori que
l’allocataire a subi une détention préventive inopérante. De ce point de vue aussi,
une contribution correctement calculée dans les frais d’entretien et d’hébergement
ne rencontre pas les mêmes objections que la suspension de l’allocation sociale. En
effet, cette contribution compenserait seulement le « bénéfice » dont jouit le détenu
par sa prise en charge dans la prison et que l’allocataire non détenu ne peut par
nature revendiquer. L’exécution immédiate du prélèvement concorderait avec le
motif qui le sous-tend. Au cas où le prélèvement devait prendre la forme d’une
retenue/cotisation sur l’allocation, le législateur pourrait toutefois, pour des raisons
pratiques, le reporter jusqu’à ce que la détention atteigne une certaine durée. On
éviterait ainsi, pour un temps, les tracasseries administratives en empêchant que la
partie de l’allocation sociale qui aurait dû faire l’objet d’une retenue dès le début de
son incarcération soit payée indûment au détenu, et doive dès lors être réclamée a
posteriori.
86
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
III. TRAVAIL PENITENTIAIRE99
55. Le travail pénitentiaire, réalisé au bénéfice de la prison100 ou d’entreprises privées,
est organisé par l’autorité publique101 et exécuté par les détenus. Les personnes qui
subissent des travaux d’intérêt général, n’effectuent aucun travail pénitentiaire, vu
qu’ils ne peuvent être considérés comme détenus. Le travail effectué dans la société
libre par des personnes qui bénéficient de modalités d’exécution de la peine extra
muros n’est pas non plus qualifié de travail pénitentiaire102.
56. Alors que la Loi de principes consacre, en quelque sorte, un « droit au travail » au
bénéfice des détenus103, on déplore constamment le problème récurrent de carence
de postes disponibles en prison, mais aussi la faiblesse de sa qualité dès lors qu’il est
généralement peu valorisant, sous-rémunéré et pas qualifiant104.
Nous nous limitons toutefois ici à examiner d’abord si le travail pénitentiaire ouvre
droit à des allocations sociales (A.) et ensuite s’il peut, le cas échéant, faire obstacle
à l’attribution et au versement d’allocations préalablement perçues (B.).
99
100
101
102
103
104
Sur cette question, voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op. cit., pp. 91115.
Concrètement, un grand nombre de tâches incombant à l’institution sont exécutées par
les détenus : ils cuisinent et distribuent les repas, nettoient les espaces non privatifs,
assument la fonction de garde-malade auprès des détenus souffrants, réparent les éviers,
classent les radiographies du Centre Médicochirurgical, contrôlent les préaux,
fabriquent les uniformes et les meubles des prisons, … Voy. F. DUFAUX, Du travail
forcé à la faveur du labeur : Sens et fonctions du travail carcéral aujourd’hui, ULB,
Faculté de Droit/ Ecole de Sciences Criminologiques Léon CORNIL, Mémoire sous la
direction de Ph. MARY, 2008, p. 78.
Ne prestent donc pas de travail pénitentiaire les détenus autorisés à accomplir en prison
un travail autre que celui « offert » par l’établissement pénitentiaire.
K. NEVENS, « Penitentiair arbeidsrecht. Dringt het arbeidsrecht de gevangenis binnen »,
T.S.R. 2007, pp. 231-302.
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op. cit., pp. 91-115.
Voy. en ce sens : Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe (CPT), Rapport au
Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique, Conseil de
l’Europe, Strasbourg, 2006. http://www.cpt.coe.int/fr/etats/bel.htm. Le CPT a
recommandé aux autorités belges de s’efforcer à augmenter l’offre de travail au sein de
l’établissement d’Andenne qui avait fait l’objet d’une visite officielle. Dans sa réponse
au CPT, le Gouvernement indiquait qu’« une personne de référence vient d’être
désignée à l’administration pénitentiaire pour le démarchage d’entreprises qui
pourraient offrir du travail au sein des établissements pénitentiaires. Elle aura
également une mission d’information auprès des entreprises. » (p.41). Une délégation
du CPT a effectué une cinquième visite en Belgique du 28 septembre au 7 octobre 2009.
Il s’agissait notamment de vérifier la mise en œuvre de ses rapports précédents. Le
compte-rendu de sa cinquième visite n’est, au 1er janvier 2010, pas encore disponible.
87
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
A. TRAVAIL PENITENTIAIRE COMME SOURCE DE DROITS A LA SECURITE
SOCIALE
57. Avant l’abrogation de l’article 30ter du Code pénal105, il était pratiquement
unanimement admis que le caractère obligatoire du travail pénitentiaire excluait la
conclusion d’un contrat de travail entre le détenu concerné et l’Etat belge106. La
Commission Dupont précisa que cette abrogation visait à ce que le travail dans les
prisons puisse désormais faire l’objet d’un contrat de travail, la finalité poursuivie
par le législateur étant l’inclusion des détenus dans le régime de sécurité sociale des
travailleurs salariés107.
Aujourd’hui, certains auteurs estiment, en toute logique, qu’il n’y a plus d’obstacle à
considérer le travail pénitentiaire comme réalisé en exécution d’un contrat. D’autres
contestent, arguant du fait que l’existence d’un contrat de travail n’était auparavant
pas non plus reconnue à l’égard de certaines catégories de prisonniers qui ne
pouvaient pourtant pas être contraints au travail sous l’article 30ter du Code pénal.
D’autres encore doutent que la faible rémunération du travail pénitentiaire puisse
être considérée comme salaire au sens de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats
de travail, et sont pour cette raison extrêmement sceptiques quant à la possibilité de
qualifier de contrat de travail, la relation professionnelle entre les détenus et l’Etat
belge108. La jurisprudence récente n’incite probablement pas à penser que l’existence
d’un contrat de travail entre les détenus et l’Etat belge sera reconnue sans coup férir,
quoiqu’on ne dispose aujourd’hui d’aucune décision judiciaire relative à une relation
105
106
107
108
88
Abrogé par l’article 169, 5° de la Loi de principes, entré en vigueur à la suite de l’arrêté
royal du 28 décembre 2006 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut
juridique des détenus.
Trib. Trav. Hoeilaert, 21 septembre 2005, R.G. n° 58.430, inédit ; Trib. Trav. Bruxelles
29 juin 2007, R.G. n°35788/02, inédit ; Trib. Trav. Bruxelles, 18 octobre 2007, réf.
63/06, inédit.
Rapport final de la Commission « Loi de principes concernant l’administration
pénitentiaire et le statut juridique des détenus », Doc. parl., Ch. repr. 2000-2001, n°
1076/1, pp. 149, 154 et 159 ; Rapport fait au nom de la Commission de la justice au
sujet de la proposition de Loi de principes concernant l’administration pénitentiaire et le
statut juridique des détenus, Doc. parl., Ch. repr., S.E. 2003, n° 231/015, p. 112.
Il est intéressant de mentionner ici la décision de recevabilité rendue par la Cour
européenne des droits de l’Homme dans une affaire interrogeant la nature du travail
pénitentiaire : Cour eur. D.H., 11 octobre 2007, Stummer c. Autriche, req. n°37.452/02.
En l’espèce, le gouvernement autrichien estime que le travail pénitentiaire ne peut être
assimilé à un travail accompli en vertu d’un contrat de travail, dès lors notamment que
la gratification versée n’a pas pour objectif de subvenir aux besoins du travailleur
détenu et que l’activité est généralement occupationnelle. L’arrêt de la Cour n’est, au 15
janvier 2010, pas encore rendu.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
professionnelle engendrant une situation litigieuse postérieurement à l’abrogation de
l’article 30ter du Code pénal109.
La Loi du 12 janvier 2005 consacre le principe de « protection juridique » et de
« normalisation », en disposant que la mise au travail des prisonniers s’opère, dans
la mesure du possible, dans les mêmes circonstances que dans le monde extérieur110.
Il est à prévoir que la Loi de principes ait pour effet que des détenus s’adresseront de
plus en plus fréquemment au juge dans l’espoir d’entendre dire pour droit qu’ils
possèdent la qualité de travailleurs salariés.
58. Dans ces conditions, il est vivement recommandé au législateur d’aider à
l’élimination de cette insécurité juridique. Il doit réfléchir à l’opportunité de
considérer le travail pénitentiaire comme un travail effectué en exécution d’un
contrat de travail, ou assimilable à celui-ci. La question de savoir si la législation
relative aux contrats de travail dans son ensemble doit être étendue aux détenus
excède le cadre de nos actuelles considérations. Des recherches antérieures ont pu
constater que la législation sociale s’applique déjà en grande partie au travail
pénitentiaire, même si la relation juridique entre le détenu concerné et l’Etat belge
n’a pas été qualifiée de contrat de travail111. L’octroi de droits à la sécurité sociale
aux détenus exécutant un travail pénitentiaire n’est d’ailleurs pas conditionné par
cette qualification. Dans l’état actuel de la législation, l’application du système de
sécurité sociale pour les salariés peut en effet, pour autant que ce soit souhaitable112,
être élargie par arrêté royal aux détenus travailleurs. Le Roi peut du reste limiter cet
élargissement à certains secteurs de la sécurité sociale, et le lier à d’autres conditions
que celles qui régissent les salariés non détenus.
Le choix opéré par le législateur en la matière doit concorder avec son point de vue
sur la responsabilité du système de la sécurité sociale à l’égard des détenus. Au fur
et à mesure que leur protection sociale est organisée via un autre mécanisme de
protection, diminue la légitimité du choix éventuel de faire contribuer les détenus
effectuant un travail pénitentiaire et leurs mandants au financement d’un système
d’assurance sociale dont les prestations sont, dans la majorité des cas, suspendues en
cas de détention113.
109
110
111
112
113
L’arrêt le plus récent à notre connaissance est : C. trav. Bruxelles, 27 août 2007, n°R.G.
47.364, inédit. Voy. à ce sujet, V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit.,
pp. 109-110.
Art. 6 et 83, L. de principes.
K. NEVENS, « Penitentiair arbeidsrecht. Dringt het arbeidsrecht de gevangenis binnen »,
T.S.R. 2007, pp. 231-302.
L’article 26.17 de la Recommandation Rec(2006) du Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes qui stipule que
« les détenus exerçant un travail doivent, dans la mesure du possible, être affiliés au
régime national de sécurité sociale ».
Pour autant que la conservation de la qualité d’attributaire dans les assurancesallocations familiales pousse le législateur à appliquer la loi du 27 juin 1969 revisant
89
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
59. L’existence d’un contrat de travail entre les détenus et l’Etat belge n’est pas encore
explicitement reconnue. Ni le système de sécurité sociale des salariés, ni la
législation en matière d’accidents du travail n’ont jusqu’à présent été adaptés aux
détenus exécutant un travail pénitentiaire. Les intéressés victimes ne jouissent par
conséquent pas de compensations légales d’accident de travail. Une réglementation
de réparation administrative a certes été développée en la matière, mais les
indemnités accordées n’atteignent en aucun cas le niveau des compensations légales
d’accident du travail114.
Le législateur doit dès lors évaluer s’il veut accroître les avantages du régime actuel
de réparation administrative, ou s’il veut rendre la législation en matière d’accidents
du travail applicable aux accidents survenus lors du travail pénitentiaire ou sur le
chemin du travail pénitentiaire. Les détenus doivent, en tout état de cause, pouvoir
compter sur une même réparation des accidents au travail que dans le monde
extérieur peu importe qu’ils ressortent, pour le reste, du système de sécurité sociale
des salariés115.
L’article 86, § 3, de la Loi de principes semble indiquer que le législateur juge
préférable de maintenir en état le régime particulier de réparation administrative.
Sans indiquer de quelle manière cette dernière devrait être revalorisée, il appelle à
l’adoption d’un arrêté royal en la matière qui n’a, au 15 janvier 2010, pas encore été
adopté.
B. TRAVAIL PENITENTIAIRE COMME OBSTACLE AUX DROITS A LA
SECURITE SOCIALE
60. Parallèlement à la question de savoir si le travail pénitentiaire peut constituer une
source de droits à des prestations de sécurité sociale, on s’interroge sur l’obstacle
qu’il peut constituer pour l’octroi ou le paiement de prestations sociales116.
114
115
116
90
l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (« loi
O.N.S.S. ») au travail pénitentiaire, cette application peut éventuellement être limitée
par arrêté royal au secteur concerné de la sécurité sociale.
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 185-195.
L’article 26.14 de la Recommandation Rec(2006) du Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes prévoit que
« des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d’accidents
du travail et de maladies professionnelles dans des conditions non moins favorables que
celles prévues par le droit interne pour les travailleurs hors de prison ». A titre
comparatif, voy. Voy. Ph. AUVERGNON et C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en
question : une approche juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et
justice, 2006, p. 105.
Cette question demeure en grande partie hypothétique parce que, dans l’état actuel de la
législation, la plupart des prestations sociales sont suspendues en cas de détention.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
61. Dans le cadre des régimes d’assistance sociale, les dispositions légales normalement
applicables devraient conduire à ce que les revenus du travail pénitentiaire soient en
principe117 pris en considération comme une forme des moyens de subsistance qui
doit être imputée sur le montant de la prestation sociale.
Comme il le fait à l’égard d’autres revenus du travail, le législateur devrait toutefois
veiller à ce que les revenus du travail pénitentiaire ne soient pas intégralement
déduits des prestations assistancielles, afin d’éviter un piège à l’emploi118.
62. Quant aux assurances sociales, les pensions, les allocations de chômage et les
indemnités d’incapacité de travail sont suspendues en cas de détention.
Pour autant que la détention n’exclurait dorénavant plus le paiement des allocations
de chômage119, se pose la question de savoir si le travail pénitentiaire doit être
considéré comme une forme de travail pour un tiers, pour lequel le travailleur reçoit
un quelconque salaire ou avantage matériel qui peut contribuer à sa subsistance ou à
celle de son ménage. Dans ce cas en effet, le détenu effectuant le travail pénitentiaire
ne remplirait pas les conditions pour l’octroi des allocations de chômage120. Vu le
montant actuel de la gratification du travail pénitentiaire, une réponse affirmative
serait toutefois assez irrationnelle. Pour autant que de besoin, le Roi peut déterminer
que la rémunération du travail pénitentiaire n’est pas considérée comme un salaire
ou un avantage matériel au sens de la législation sur le chômage121.
Les pensions de retraite et de survie ne sont payées à l’ayant droit que pour autant
qu’il cesse tout travail non autorisé. En cas de détention, les pensions ne sont
suspendues qu’à l’expiration d’un certain délai. La question préliminaire consiste
dès lors à savoir si le travail pénitentiaire constitue une activité professionnelle
admise : on observe qu’en pratique, il n’est pas considéré comme une forme de
travail qui constituerait un obstacle au paiement de la pension122.
Tenant compte du caractère modeste de la rémunération du travail pénitentiaire et du
défaut de droits à la sécurité sociale ouverts par celui-ci, il est recommandé, dans
117
118
119
120
121
122
Une exception à cette règle : dès lors que les revenus du travail pénitentiaire ne sont pas
soumis à l’impôt, ils ne conduisent pas à une diminution des allocations aux personnes
handicapées.
Voy. art. 27, A.R. du 23 mai 2001 portant règlement général en matière de garantie de
revenus aux personnes âgées ; art. 9bis A.R. du 6 juillet 1987 relatif à l’allocation de
remplacement de revenus et à l’allocation d’intégration.
Les allocations de chômage sont refusées au motif que les détenus ne sont pas
disponibles pour le marché général du travail. Il est exposé ci-dessus que cette règle ne
devrait pas s’appliquer à l’égard des détenus dispensés de cette exigence, ni eu égard
aux membres de leur famille.
Art. 44-45, A. R. du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.
Le Roi a déjà agi de la sorte pour d’autres types de compensations (voy. art. 46, A. R.
du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage).
Voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit., pp. 345-346.
91
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
l’état actuel des choses, de faire abstraction du travail pénitentiaire quant à la
question de savoir si le détenu accomplit déjà, oui ou non, un travail autorisé.
Les indemnités d’incapacité de travail ne sont pas suspendues, ou en partie
seulement. Si le détenu accomplit un travail pénitentiaire, il faudra déterminer au cas
par cas s’il est encore en état d’incapacité de travail. L’assurance indemnité pour
travailleurs salariés, principalement, exige que le bénéficiaire cesse toute activité. Le
volontariat est toléré dans une certaine mesure mais, dans la plupart des cas, le
travail pénitentiaire ne peut être qualifié comme tel. En revanche, le législateur
pourrait établir, par analogie, que le travail pénitentiaire ne doit pas être considéré
comme une activité incompatible avec l’état d’incapacité, pour autant que le
médecin conseil constate que le travail effectué ne contrevient pas à l’état de santé
général du détenu123.
IV. CONCLUSION
63. On constate aujourd’hui une exclusion significative des détenus du système de
sécurité sociale belge, non pleinement compensée par la protection sociale garantie
dans les établissements pénitentiaires. La Loi de principes, énonçant notamment
des principes fondamentaux qui doivent régir la philosophie de la peine et la
pratique pénitentiaire, laissait pourtant présager quelque changement en ce
domaine. Il est grand le mystère de la loi.
64. Nous l’avons exposé : le législateur belge a déchargé, en grande partie, le système
de sécurité sociale des obligations qui pèsent ordinairement sur lui, se fondant sur le
fait que les détenus seraient déjà à charge d’un mécanisme alternatif de protection
sociale, le SPF Justice en l’espèce. Notre étude a épinglé le manque de connaissance
des réglementations existantes, la difficulté de les appliquer124 ainsi que des lacunes
123
124
92
Art. 100, L.C. du 14 juillet 1994.
Les transferts répétés d’un détenu d’une prison à l’autre ne sont, par exemple, pas
communiqués à tous. Cette carence engendre des difficultés pratiques lorsque la
localisation de la personne est nécessaire pour l’ouverture d’un droit. Un second
exemple concerne le détenu sous bracelet électronique. Il ne fait aucun doute qu’il est
soutenu financièrement par le SPF Justice, à travers la perception d’une allocation
spéciale, lorsqu’il ne perçoit pas à nouveau ses allocations de chômage, ses allocations
pour personnes handicapées ou d’autres prestations. Mais la question du droit à une
éventuelle intervention subsidiaire des CPAS, en termes d’aide sociale destinée à
compléter l’allocation spéciale du SPF Justice, demeure en revanche non résolue. La
problématique de fond à trancher est de nature politique : est-ce au SPF Justice
exclusivement, ou aux CPAS locaux également, à prendre en charge l’aide aux
personnes qui exécutent une peine extra muros ? Des débats similaires entourent
l’octroi ou non d’une aide sociale du CPAS, subsidiaire et complémentaire, aux détenus
intra muros.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
au sein des dispositions en vigueur125 : l’ensemble nous autorise à formuler un
certain nombre de recommandations au législateur126.
65. Le législateur formel doit poser ce choix lui-même et non, comme dans le passé,
l’abandonner largement au pouvoir exécutif. Il lui appartient de déterminer les règles
qui gouvernent l’intervention du SPF Justice ainsi que les modalités d’exécution de
celles-ci dans des arrêtés convenablement diffusés avec un fondement légal.
Le législateur suspend, avec des dispositions spécifiques très divergentes pour
chaque secteur de sécurité sociale, le paiement des prestations de sécurité sociale
accordées avant la détention. Regrouper ces dispositions dans une loi unique
pourrait en favoriser l’accessibilité, constituer pour le législateur une bonne occasion
pour en interroger le manque actuel de légitimité et de cohérence, ainsi qu’en
améliorer l’harmonisation avec le statut interne et externe des détenus et les
garanties pénales dont ils jouissent.
66. Ainsi le législateur devrait également accorder plus d’attention aux délimitations de
groupes de détenus à qui il rend applicables les dispositions suspensives, compte
tenu des développements sur le terrain du statut juridique externe. Le législateur
devrait prendre à cet effet comme point de départ le séjour effectif dans la prison
plutôt que l’inscription au rôle d’un établissement pénitentiaire et traiter les détenus
en détention limitée de la même manière que ceux qui sont placés sous surveillance
électronique.
A notre estime, le législateur ne peut suspendre le paiement des prestations de
sécurité sociale que dans la mesure où l’intervention du SPF Justice atteint le même
niveau et satisfait le besoin à la protection sociale de façon équivalente à celle
qu’offre la prestation de sécurité sociale suspendue127. Si le législateur maintient la
suspension des allocations sociales, il doit, dans la plupart des cas, soit rehausser la
prise en charge du SPF Justice, soit admettre l’intervention des institutions
concernées de sécurité sociale à concurrence de la différence ; il importe également
125
126
127
Pour un résumé de celles-ci, voy. V. VAN DER PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN, op cit.,
pp. 477-478.
Aux côtés des nécessaires réformes législatives qui doivent être entamées, d’autres
mécanismes peuvent encore être mis en place pour faire de la protection sociale des
(ex-)détenus et de leur famille une haute priorité sociétale et répondre aux problèmes
esquissés plus haut. Un programme de formation continue pourrait être organisé pour
les travailleurs sociaux des prisons, soit au niveau de chaque établissement pénitentiaire,
soit au niveau de l’administration pénitentiaire elle-même.
Ce sont surtout les détenus jouissant de certaines modalités d’exécution de la peine et
ceux avec personnes à charge qui perdent, de par la suspension, une part importante de
la protection sociale. Ainsi la suspension des allocations de chômage d’un détenu cause
préjudice à sa famille s’il bénéficiait auparavant du taux « chef de ménage » ou si le
paiement de cette allocation lui permettait de faire face à son obligation alimentaire en
faveur de son (ses) enfant(s).
93
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
de clarifier la délimitation des missions réciproques des deux systèmes de protection
sociale en tenant compte de la question légitime de leurs moyens.
Le législateur devrait suspendre les prestations de sécurité sociale toujours au même
moment et prévoir une réglementation uniforme lorsqu’il apparaît a posteriori que le
détenu a fait l’objet d’une détention inopérante. De même, nous avons
précédemment recommandé de ne mettre en œuvre la suspension qu’après la
condamnation de l’ayant droit ou, en tout état de cause, de la postposer par rapport
au premier jour de privation de liberté.
67. Dans l’état actuel de notre recherche, nous recommandons cependant au législateur
de réfléchir à la question de savoir si le prélèvement d’une contribution dans les frais
d’entretien et d’hébergement ne serait pas préférable à la suspension entière,
aujourd’hui répandue, des allocations sociales des détenus.
Bien plus que la suspension des prestations de sécurité sociale, le prélèvement d’une
telle contribution sur les allocations maintenues nous semble également restaurer
l’égalité entre les détenus allocataires et ceux qui ont perdu leurs revenus
professionnels. La suppression des règles de suspension aurait en outre pour
conséquence que les détenus pourront mobiliser leurs prestations de sécurité sociale
pour faire face aux besoins émergeant suite à leur détention. Le prélèvement d’une
contribution tient par conséquent mieux compte des droits sociaux fondamentaux
des détenus que la règle suspensive : ce dispositif n’empêche pas la mise en œuvre
de la réintégration et de la réhabilitation des détenus, ni la réparation des dommages
causés aux victimes, comme prévu par La loi de principe. Pareille contribution ne
peut être qualifiée de sanction additionnelle automatique ou de forme de dommages
évitables de la détention et préserve le législateur de la mission difficile consistant à
faire concorder entre eux les responsabilités et les moyens de certains secteurs de
sécurité sociale et du SPF Justice.
Un prélèvement à la source d’une telle contribution sur toute prestation sociale
destinée à remplacer le revenu professionnel perdu du détenu ou à lui procurer un
revenu minimum serait, vraisemblablement, une mesure cohérente. Ce mécanisme
pourrait aussi être étendu à d’autres revenus éventuels – à condition qu’ils soient
d’un montant suffisant128 – afin de contribuer à l’égalité entre l’ensemble des
détenus, qu’ils soient ou non allocataires. Si ce mécanisme de contribution est sensé
améliorer substantiellement le statut social des détenus, il ne faut toutefois pas
négliger le fait qu’elle constituerait un recul pour ceux qui, en vertu de la législation
actuelle, ne sont nullement privés de leur allocation sociale (les titulaires d’une
indemnité à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, par
exemple) et sur laquelle dorénavant ils se verraient prélever une somme. Bien qu’un
tel système garantirait l’égalité entre tous les détenus, ce « recul » pour certains
128
94
Voy. supra, n°43.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
d’entre eux pourrait affecter l’acceptabilité sociale de la proposition ou l’évaluation
de sa pertinence.
Une recherche ultérieure serait en outre certes nécessaire pour vérifier, au cas où le
prélèvement d’une contribution s’avérait être un dispositif souhaitable et praticable,
si celle-ci devrait plutôt revêtir la forme d’un montant forfaitaire ou être calibrée sur
les capacités financières des détenus. La contribution ponctionnée sur la prestation
de sécurité sociale pourrait, selon nous, bien entendu prendre la forme d’une
suspension partielle de l’allocation, mais différerait de la suspension actuelle de par
sa destination. Le prélèvement bénéficierait au SPF Justice plutôt qu’au système de
sécurité sociale qui accorderait désormais au détenu l’allocation partiellement
suspendue tout en réservant le reliquat pour l’administration pénitentiaire. Si cette
option s’avérerait plus respectueuse des droits individuels des détenus, reste encore à
examiner – et c’est d’importance – son impact budgétaire sur le système de
solidarité collective. Cela nécessiterait vraisemblablement une réallocation des
ressources étatiques au bénéfice de la sécurité sociale, diminuant le cas échéant le
budget du SPF Justice dès lors que ce dernier bénéficierait désormais des
contributions des détenus aux frais de séjour et d’entretien.
Il importe aussi de rappeler ici que ce système de contribution n’est défendable qu’à
la condition préalable que la Loi de principes soit pleinement respectée, à la fois
quant au lieu de séjour devant observer des règles minimum de dimensions,
d’éclairage, d’aération, d’installations sanitaires et d’entretien (art. 41), mais aussi
quant à une alimentation respectant les normes qualitatives et fournie en quantité
suffisante (art. 42), ou encore quant à la fourniture régulière de produits d’hygiène
corporelle (art. 44) et aux soins de santé adéquats (art. 87 et s.). Il serait
symboliquement inconcevable que le détenu contribue directement129 aux frais d’un
hébergement insalubre et infiniment trop exigu, ainsi qu’à une nourriture et des soins
de santé de mauvaise qualité.
Il faudra également veiller – et c’est une fois encore primordial – à éviter que cette
proposition de « contribution par prélèvement » soit détournée de son objectif.
D. Kaminski a magistralement exposé que d’apparentes victoires au bénéfice de
groupes vulnérables ne sont parfois que le fruit d’un cynisme managérial étatique :
ainsi, ajoute le criminologue, la reconnaissance de droits substantiels en faveur des
détenus se réalise généralement « lorsqu’elle est susceptible de produire des effets
fonctionnels et symboliques plus rentables pour le système étatique (en l’occurrence
pour son administration pénitentiaire) que les modalités antérieures »130. Ainsi le
maintien des allocations sociales, sur lesquelles serait prélevée une contribution,
pourrait en effet être invoqué, voire promu, comme facilitant ou s’alignant
129
130
Actuellement la contribution est indirecte, à travers la suspension souvent totale, parfois
partielle, de l’allocation sociale.
D. KAMINSKI, « Les droits des détenus au Canada et en Angleterre : entre révolution
normative et légitimation de la prison », in L’institution du droit pénitentiaire. Enjeux
de la reconnaissance de droits aux détenus, Bruxelles, Bruylant L.G.D.J., 2002, p. 91.
95
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
parfaitement avec des velléités de privatisation totale des établissements
pénitentiaires soumettant leur gestion intégrale aux principes de « libre marché » et
du profit131/132. Selon cette logique déjà en vigueur dans certains Etats133, les firmes
privées bâtiraient et géreraient entièrement des prisons plus ou moins luxueuses,
accessibles aux détenus selon leurs capacités financières puisque désormais ils
paient leur entretien et leur hébergement134. Cette hypothèse exigerait naturellement
des analyses approfondies qui dépassent largement le cadre de la présente étude.
68. En ce qui concerne la période de libération, le législateur doit éviter, autant que
possible, que les détenus une fois libérés voient la détention prolonger ses effets
négatifs sur leurs droits à la sécurité sociale. Substituer à la suspension des
allocations une contribution dans les frais d’entretien et d’hébergement dans la
prison est, sur ce point, une mesure neutre.
Le législateur doit éviter au maximum que les détenus ne puissent satisfaire, pour la
seule raison de leur détention, aux stages d’attente et aux périodes de référence
normalement en vigueur. Il doit également veiller à offrir aux détenus l’occasion de
préserver, au cours de leur privation de liberté, la construction ultérieure de leurs
droits à la sécurité sociale, par le biais d’une assurance continuée financièrement
accessible. Le législateur doit aussi mettre un terme à la déchéance des droits de
retraite des fonctionnaires.
69. Enfin, sur la base du principe de normalisation consacré dans la Loi de principes, le
législateur devrait s’atteler à accoler au travail pénitentiaire les mêmes droits à la
sécurité sociale que ceux qu’il lie à l’exercice d’une profession à l’extérieur de
l’enceinte carcérale. Aussi longtemps que la rémunération du travail pénitentiaire ne
sera pas alignée sur celle du travail exercé extra muros, il ne nous semble toutefois
pas justifié d’exiger des détenus qu’ils payent des cotisations sociales équivalentes à
131
132
133
134
96
Voy. en ce sens la mise en garde de Sonja SNACKEN dans sa contribution au présent
recueil : « Sociale zekerheid voor gedetineerden – Algemene conclusies ».
Sur la problématique de la privatisation, voy. notamment N. CHRISTIE, L’industrie de la
punition, prison et politique pénale en Occident, Autrement, 2003 ; A. JAMES,
K. BOTTOMLEY, A. LIEBLING, E. CLARE, Privatizing Prisons, Sage Publications, 1997 ;
E. GENDERS ET E. PLAYER, « The Commercial Context of Criminal Justice : Prison
Privatisation and the Perversion of Purpose », Crim. L. R., 2007, pp. 513-529.
Voy. notamment Prison Privatisation Report International, n° 48, Juin/Juillet 2002,
publiée par le « Public Services International Research Unit (PSIRU) », University of
Greenwich, London, England, http://www.psiru.org/justice/ppri48.asp (publication
financée par la Fondation « Open Society Institute »).
Dans un terrible scénario, ne pourrait-on pas craindre aussi le maintien par les firmes
privées, dans les murs et sous le joug d’un travail pénitentiaire obligatoire non
rémunéré, des détenus qui ne parviendraient plus à payer la contribution due.
Ph. COMBESSIE rappelle que dans l’Angleterre du 18e siècle, les pauvres étaient gardés
en prison lorsqu’ils n’avaient pas payé leurs frais d’entretien pendant la période
d’enfermement précédant leur procès. Voy. Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Ed.
La Découverte, Paris, 2009, p. 72.
La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons
celles des membres libres de la population active. Le législateur peut utiliser la
législation existante pour élargir l’applicabilité du système de sécurité sociale des
salariés aux détenus qui exécutent un travail pénitentiaire. A découvrir la
réglementation du travail pénitentiaire dans d’autres pays européens, force est de
constater le retard accusé par la Belgique en la matière et l’impérieuse nécessité pour
le législateur d’y remédier135.
Il doit prioritairement veiller, en tout état de cause, à attribuer aux détenus victimes
d’accidents ou de maladies dans l’exercice de leur travail pénitentiaire, aussi bien au
cours qu’après leur privation de liberté, une protection équivalente à celle que
peuvent revendiquer les bénéficiaires de l’assurance accidents du travail ou maladies
professionnelles.
70. Il faut vivement regretter que, cinq ans après l’adoption de la Loi de principes,
l’arrêté royal en matière d’accident du travail pénitentiaire (art. 86 § 3) ne soit pas
encore en projet. Inexistants également celui destiné à fixer le montant des revenus
offerts pour un tel travail (art. 86 § 1er)136, ou encore l’arrêté déterminant la
135
136
Voy. dans le présent recueil, la contribution de Philippe AUVERGNON : « Une approche
juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens ». Les
éléments issus du droit comparé doivent nous convaincre que des réformes du droit
pénitentiaire ne sont pas illusoires. Ainsi, la France a établi, pour les détenus
travailleurs, un revenu minimum à hauteur de 40 à 45% du salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC), tandis que l’Italie a fixé la rémunération des
détenus aux deux tiers de ce que garantissent les accords collectifs ad hoc. En Espagne,
les détenus qui exécutent un travail pénitentiaire sont assujettis au régime général de
sécurité sociale depuis 2001, et sont liés par un contrat de travail lorsqu’ils travaillent
pour le compte d’entreprises privées. L’Italie prévoit aussi la conclusion d’un tel
contrat. Voy. également : P. AUVERGNON, Le travail pénitentiaire en question, Paris, La
documentation française, 2006, 195 p.
L’argument selon lequel augmenter le salaire des détenus rendrait leur travail non
concurrentiel par rapport au travail en atelier protégé, et provoquerait dès lors une baisse
de la demande de main d’œuvre pénitentiaire par les firmes privées, est souvent
véhiculé. Il est naturellement critiquable, tant sur le plan de sa légitimité théorique que
sur celui de sa crédibilité empirique. Ainsi, il serait utile de vérifier ces croyances à
partir de données précises quant à l’ampleur du différentiel salarial entre détenus et
personnes handicapées aujourd’hui, sur le rythme et la nature du travail confié aux uns
et aux autres, … Il ne faut pas oublier, comme le rappelle Florence DUFAUX, qu’en
« terme de rendement, la possibilité d’agencer librement une main d’œuvre
extrêmement flexible, dont la réserve est numériquement abondante, toujours disponible
et présente sur place, représente un avantage loin d’être négligeable dans
l’ordonnancement économique actuel de la production matérielle, soumise à
d’incessantes oscillations conjoncturelles ». Contrairement aux autres lieux de travail,
les détenus « sont disposés » à travailler, en cellule, les samedis et dimanches, par
exemple. Voy. F. DUFAUX, Du travail forcé à la faveur du labeur : Sens et fonctions du
travail carcéral aujourd’hui, ULB, Faculté de Droit/ Ecole de Sciences
Criminologiques Léon Cornil, Mémoire sous la direction de Ph. MARY, 2008, p. 73.
97
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
participation financière du détenu dans les soins prodigués par le médecin de son
choix (art. 91 § 3).
Il y a pourtant nécessité juridique et urgence sociale. Le Rapport final sur l’avantprojet de Loi de principes enseignait déjà que la sécurité sociale des détenus, y
compris le statut du travail pénitentiaire, était un souci majeur et que seules des
réformes en ce domaine permettraient de conférer à l’ensemble sa pleine effectivité.
71. Enfin, on ne saurait conclure la présente contribution sans rappeler un dilemme
devenu « classique »137. Nous sommes toujours tiraillés entre « l’idéal » – un
changement radical qui, inévitablement, prendra du temps – et le « pragmatisme » –
les droits de l’homme, au maximum, ici et maintenant. Et toujours confrontés à cette
question épineuse : améliorer les conditions du réel – pour le rendre plus tolérable,
plus vivable, plus acceptable – ne revient-il pas à le cautionner au point de ne plus
envisager de le transformer ?
Autrement dit, est-ce qu’améliorer les conditions de détention, par l’octroi d’un
statut social aux détenus et la reconnaissance de nouveaux droits, ne consiste-t-il pas
à accepter et légitimer la prison comme un mal nécessaire désormais exempt de
toute critique ? Mais a contrario, l’idéal abolitionniste – aussi défendable soit-il –
vaut-il que l’on abandonne les détenus actuels à leur sort ?
La question est largement débattue. Nous considérons pour notre part qu’il est
indispensable d’améliorer au plus vite les conditions de vie carcérale ; mais que cette
amélioration – sociale et juridique – ne vaut pleinement que si la question du
comment n’évacue jamais celle du pourquoi la prison.
137
98
Voy. notamment D. KAMINISKI, « Les droits des détenus au Canada et en Angleterre :
entre révolution normative et légitimation de la prison », in L’institution du droit
pénitentiaire. Enjeux de la reconnaissance de droits aux détenus, Bruxelles, Bruylant
L.G.D.J., 2002, pp. 91 et s. ; Y. CARTUYVELS, « Le dilemme des prisons », dans le
même ouvrage.
SOCIALE GERECHTIGHEID MAG GEEN HALT HOUDEN AAN
DE GEVANGENISPOORT
HET (NIET ERKEND) RECHT OP SOCIALE ZEKERHEID VAN
GEDETINEERDEN IN BELGIË
door Guido VAN LIMBERGHEN
Professor aan de VUB
Vakgroep Sociaal Recht
en
Véronique VAN DER PLANCKE
Onderzoekster aan het Centrum Droits fondamentaux et
Lien social (FUNDP),
Onderzoekster verbonden aan het Centre de Philosophie du
droit (UCL),
Advocate aan de balie van Brussel
« La confusion des pouvoirs à un bout, et à l’autre la
profusion de personnes qui n’ont rien à perdre et tout à
gagner; entre les deux un marais inquiet et privé de
repères: un tel contexte est propice au retour de la
violence. Non pas la violence organisée et réfléchie des
luttes ouvrières, mais la violence individuelle, comme
ultime forme d’expression ou de redistribution (…). Le
droit pénal serait alors l’avenir du droit social (les
Etats-Unis montrent ici la voie), comme il a été son
passé »1
I. INLEIDING2
1.
In 1984 verklaarde het Europees Hof voor de Rechten van de Mens in het
richtinggevend arrest Campbell en Fell dat de gerechtigheid niet mag stoppen aan de
poort van de gevangenis. Het Hof kende vervolgens aan de gedetineerde eisers het
volledige genot toe van de burgerlijke en politieke rechten in het kader van een
tuchtprocedure die tegen hen liep.3 Deze verklaring kwam indertijd over als een
“verovering”, maar wordt vandaag systematisch in herinnering gebracht als een zo
niet bereikte, dan toch onbetwistbare vereiste. Een kwarteeuw later komt het ons toe,
om het hof te parafraseren, ervoor te zorgen dat het verlangen naar sociale
gerechtigdheid de drempel van de gevangenisinrichtingen oversteekt. Dit wordt een
onontkoombare opdracht.
1
2
3
A. SUPIOT, “L’avenir d’un vieux couple: travail et Sécurité sociale”, Droit Social 1995,
829.
Deze bijdrage steunt op een in 2007 gevoerd onderzoek met betrekking tot de sociale
bescherming van gedetineerden, waarvan de resultaten zijn gepubliceerd in G. VAN
LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun
verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 437 p. en V. VAN DER PLANCKE en G. VAN
LIMBERGHEN, La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, Bruxelles, La
Charte, 2008, 517 p. Wat de hierna verkort geciteerde wetgeving en de gehanteerde
verwijzingsregels betreft, verwijzen de auteurs naar hun rubriek “Citeerwijzen en
afkortingen” in G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van
(ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, XIX-XXVII.
De auteurs zijn door de vzw Réseau Détention et Alternatives, het Netwerk
Samenleving en Detentie en de Koning Boudewijnstichting in de mogelijkheid gesteld
dat onderzoek te voeren. Met deze bijdrage beogen zij de conclusies uit hun vorig
onderzoek nog beter in de verf te zetten en verder door te trekken. Vermits systematisch
wordt verwezen naar de voormelde monografieën, geeft deze bijdrage geen
gedetailleerd overzicht van de invloed van de detentie in elke sector van de sociale
zekerheid afzonderlijk. Wat de rechtspraak betreft, verwijzen de auteurs in de regel
slechts naar beslissingen waaraan nog niet werd gerefereerd in de monografieën.
EHRM 28 juni 1984, A nr. 80, § 69. Campbell en Fell/UK.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Het sociale vraagstuk tekent zich scherp af in de gevangenis. Daar zijn personen uit
minder gegoede middens traditioneel immers oververtegenwoordigd. Het rapport
2008 van de Belgische afdeling van het Observatoire International des Prisons
bevestigt de grootschalige uitsluiting – op economisch en sociaal vlak – van
gedetineerden. Zij staan voor de grote moeilijkheid om een plaats te verwerven of te
behouden in de traditionele maatschappelijke structuren, zoals de familie en de
arbeid, die sociale integratie met zich meebrengen.4 Men voegt eraan toe dat men
een verarming van de gevangenisbevolking vaststelt: de opsluiting biedt geen
oplossing voor de sociale situatie van gedetineerden, maar verergert hun
marginalisering.5 Zij hypothekeert hun familiale relaties en brengt alleenstaande
gedetineerden vaak in de onmogelijkheid hun huurgelden te betalen en hun
huisvesting te behouden. Als de gedetineerde een betrekking had, wordt hij bij zijn
vrijlating bijna systematisch geconfronteerd met het vooruitzicht van een ontslag.
Detentie blijkt dan ook één van de voornaamste factoren van sociale onthechting en
uitsluiting te zijn.6
2.
Ondanks de extreme sociale kwetsbaarheid van de gevangenisbevolking, worden
gedetineerden in België in belangrijke mate onttrokken aan het
socialezekerheidssysteem. Vele socialezekerheidswetten bepalen immers dat de
betaling van de uitkeringen waarin zij voorzien, wordt geschorst, in geval van
detentie van de uitkeringsgerechtigde. Deze uitsluiting heeft schadelijke gevolgen
voor de familie van de gedetineerden en sorteert vaak nog effecten na hun vrijlating.
Ingeval een gedetineerde gevangenisarbeid verricht, wordt bovendien traditioneel
aangenomen dat die arbeid niet wordt gepresteerd ter uitvoering van een
arbeidsovereenkomst. Daaruit wordt ook afgeleid dat gedetineerden geen
socialezekerheidsrechten putten uit hun penitentiaire arbeid.
De auteurs van het eindverslag van de Commisie-Dupont7 waren duidelijk:
“(Gedeeltelijke) uitsluiting uit het stelsel van de sociale zekerheid komt, in het licht
van de bepaling van de vrijheidsstraf als het verlies van het recht van komen en
gaan, in wezen neer op een (niet bedoelde) overbestraffing, is bron van vermijdbare
detentieschade, staat haaks op het beginsel van de normalisering”.8 Deze
buitensporige uitsluiting uit het geïnstitutionaliseerde systeem van collectieve
solidariteit is volgens de commissie van die aard dat zij “eerder desocialiseert dan
4
5
6
7
8
102
OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS (Section belge), Notice 2008 – De l’état du
système carcéral belge, Bruxelles, 15 oktober 2008, p. 27.
Zie ook Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Paris, Ed. La Découverte, 2009, 14 en
35-39.
OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS (Section belge), Notice 2008 – De l’état du
système carcéral belge, Bruxelles, 15 oktober 2008, p. 27.
De commissie die werd belast met de redactie van de Basiswet, kreeg de naam
commissie-Dupont naar de naam van haar voorzitter, professor Lieven DUPONT.
Eindverslag van de commissie “basiswet gevangeniswezen en rechtspositie van
gedetineerden”, Parl.St. Kamer 2000-01, nr. 1076/1,148-149.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
bijdraagt tot de reïntegratie, niet in het minst ook, omdat zij niet of nauwelijks op
grond van zelf opgenomen verantwoordelijkheden bij te dragen tot de ondersteuning
van hun gezinsleden die – voor zover zij al ondersteuning genieten – deze
ondersteuning « krijgen » ongeacht het engagement van de gedetineerde. De
financiële kringloop die zich toch doorzet rond de gedetineerden en hun
naastbestaanden vindt plaats zonder dat de gedetineerde er zich in de regel kan op
beroepen daar constructief toe bij te dragen. Het totaal-instituut9 gevangenis is
derhalve niet begrensd binnen de muren van de gevangenissen zelf, maar is
geïnfiltreerd tot in één van de sterkste peilers van de sociale rechtsstaat: de sociale
zekerheid”. Bijgevolg acht de commissie “een fundamentele hervorming van het
statuut van de sociale zekerheid van de gedetineerden, in de geest van het
normaliseringsbeginsel, een niet te vermijden opgave”.10 Volgens het
normaliseringsbeginsel moet het leven in de gevangenis zoveel mogelijk
overeenstemmen met het leven in de buitenwereld.11
3.
Wat is er geworden van die convergerende bezorgdheden?
Sinds enkele jaren heeft de wetgever de rechtspositie van gedetineerden ingrijpend
gewijzigd met drie opeenvolgende basiswetten: de Basiswet van 12 januari 2005
betreffende het gevangeniswezen en de rechtspositie van de gedetineerden, de wet
van 17 mei 2006 betreffende de externe rechtspositie van de veroordeelden tot een
vrijheidsstraf en de wet van 21 april 2007 betreffende de internering van personen
met een geestesstoornis.
De wetten van 17 mei 2006 en 21 april 2007 hebben betrekking op het externe
juridische statuut van veroordeelde respectievelijk geïnterneerde personen. Die
wetten definiëren de uitvoeringsmaatregelen van straffen extra muros respectievelijk
9
10
11
Eigen onderlijning van de auteurs.
Het begrip ‘totaal-instituut’ duidt op de gevangenis als een gesloten ruimte waarin alle
aspecten van het dagelijkse leven worden beleefd en waarvan alles afhangt: de
gevangenis straft, zij voedt op, zij beheert het geld van de gedetineerde of berooft hem
ervan zie S. SNACKEN, “ ‘Normalisation’ dans les prisons: concepts et défis. L’exemple
de l’Avant-projet de loi pénitentiaire belge” in D. KAMINSKI en O. DE SCHUTTER (eds),
L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux de la reconnaissance de droits aux détenus,
Brussel, Bruylant, L.G.D.J., 2002, 137.
Eindverslag van de commissie “basiswet gevangeniswezen en rechtspositie van
gedetineerden”, Parl.St. Kamer 2000-01, nr. 1076/1, 154.
Men vindt vergelijkbare revindicaties in andere landen, bijvoorbeeld in Frankrijk waar
auteurs opmerken dat het sociaal recht grotendeels niet toepasselijk is op gedetineerden
en dat hervormingen op dat vlak zowel juridisch als sociaal urgent zijn (zie M. HERZOGEVANS, “La révolution pénitentiaire Française” in D. KAMINSKI en O. DE SCHUTTER
(eds.), L’institution du droit pénitentiare. Enjeux de la reconnaissance de droits aux
détenus, Brussel, Bruylant, L.G.D.J., 2002, 30; Ph. AUVERGNON en C. GUILLEMAN, Le
travail pénitentiaire en question: une approche juridique et comparative, Paris, Mission
de recherche Droit et justice, 2006, 195 p.
103
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
van de internering en bepalen de rechtsregels die op elk van die maatregelen van
toepassing zijn.12
Bij wet betreffende de internering van personen met een geestesstoornis definieert
de wetgever ten slotte de modaliteiten voor de uitvoering van de internering en
bepaalt hij de voorwaarden voor de toekenning daarvan.
De Basiswet van 12 januari 2005 aanvaardt geen andere beperkingen aan de rechten
– waaronder de sociale grondrechten – van gedetineerden dan degene die
voortvloeien uit de strafrechtelijke veroordeling of de vrijheidsbenemende
maatregel, degene die onlosmakelijk verbonden zijn met de vrijheidsberoving en
degene die door of krachtens de wet worden bepaald.13 De Basiswet codificeert het
recht van gedetineerden op socialezekerheidsprestaties niet, ongeacht of dat zou
voortvloeien uit het verrichten van gevangenisarbeid. De reeds van kracht zijnde
basisbeginselen van titel II van de wet voeren naar hervormingen in dat domein. In
het licht van het principe van de rechtsbescherming zou elke wet die gedetineerden
berooft van een socialezekerheidsprestatie voortaan moeten worden onderwerpen
aan een krachtige rechtvaardigingstoets. Een wet doorstaat die toets niet, als de
tenlasteneming van gedetineerden door de FOD Justitie de gedetineerden geen
evenwaardige sociale bescherming garandeert. Deze gedachtegang stemt overeen
met de “Règles pénitentiaires européennes 2006”. Deze brengen in herinnering dat
beperkingen die worden opgelegd aan van hun vrijheid beroofde personen, moeten
beperkt blijven tot het strikt noodzakelijke en moeten in evenredigheid zijn met de
legitieme doelen waarvoor zij worden opgelegd.14 De toepassing van de principes
van de responsabilisering en de beperking van de detentieschade, die in de Basiswet
zijn vastgelegd, verbieden dat de familie van de gedetineerde wordt beroofd van
voordelen omwille van de detentie van hun familielid.
Het principe van de “vermijdbare detentieschade” wordt in werking gesteld door het
normaliseringsprincipe, dat niet woordelijk wordt overgenomen in de Basiswet,
maar waaraan uitvoerig wordt gerefereerd door de Commissie-Dupont.
12
13
14
104
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 38-54.
Art. 6, § 1 Basiswet (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale
zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 16-37).
Art. 3 Règles pénitentiaires européennes (Recommendation Rec(2006) van het Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etas membres sur les Règles pénitentiares
européennes).
Deze regels willen een daadwerkelijke penitentiaire politiek definiëren en zijn zeker niet
dwingend. (zie M. EUDES, “La révision des règles pénitentaires européennes – Les
limites d’un droit commun des conditions de détention”, Droits fondamentaux, 2006,
afl. 56, 17 p., www.droits-fondamentaux.org.; J.-M. LARRALDE, “Les règles
pénitentiaires européennes, instrument d’humanisation et de modernisation des
politiques carcérales”, Rev.Trim D.H. 2007, 993-1015).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Overeenkomstig dat principe moet de levensomstandigheden in de gevangenis
zoveel mogelijk beantwoorden aan de levensomstandigheden in de vrije wereld.15
De Europees16 geïnspireerde normalisering van het leven in de gevangenis geldt
sinds de jaren ’80 als een grondbeginsel van de officiële politiek inzake de
strafuitvoering.
Het doel van dat nieuwe principe bestaat niet erin het gedrag van gevangenen met
discipline vorm te geven, maar wel, zoals S. SNACKEN stelt, de voorwaarden te
scheppen waaronder vrijgelaten gevangenen stand kunnen houden in de samenleving
zonder een nieuwe confrontatie met het strafrechtelijk apparaat.17
Het normaliseringsbeginsel heeft dus een doel. Het beoogt zowel iets te zeggen over
de draagwijdte van de straf – welk leed mag worden toegebracht? – als over de
functie van de penitentiaire behandeling. Het normaliseringsprincipe wordt voortaan
beschouwd als een essentiële voorwaarde voor de verwezenlijking van de andere
functies van de gevangenisstraf dan de bestraffing zelf: de wederinschakeling, het
herstel en het eerherstel.18 Slechts als de gevangenis niet meer berust op het concept
van het totaal-instituut bestaat een echte kans op een geslaagde re-integratie. Het
evenwicht tussen beide doelstellingen van de straf, met name bestraffing en reintegratie, is ten minste theoretisch verschoven van de retrospectieve kastijding
(backward looking) naar de prospectieve investering (forward looking), van de nood
tot uitsluiting naar de noodzaak tot insluiting.
15
16
17
18
Eindverslag van de commissie “basiswet gevangeniswezen en rechtspositie van
gedetineerden”, Parl.St. Kamer 2000-01, nr. 1076/1, 8.
Wolfgang LESTING heeft het begrip ‘normalisering’ gedefinieerd als de gelijke
toenadering van de levensomstandigheden tijdens detentie tot de standaarden in de vrije
wereld, zowel op sociaal als juridisch vlak (zie W. LESTING, Normalisierung im
Strafvollzug: Potential und Grenzen, Pfaffenweiler, Centaurus Verlag, 1988, p. 6,
aangehaald door E. SHEA, “Les paradoxes de la normalisation du travail pénitentiaire en
France et en Allemagne”, Déviance et Société, 2005/3, afl. 29, p. 349-365.
Zie art. 64-65 van de Règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe (1987).
Die regels bekrachtigen principes zoals de eerbieding van de rechten van gedetineerden,
inzonderheid de wettigheid van de strafuitvoering, de vrijheidsberoving als een straf op
zich die niet moet worden verergerd door nodeloos lijden, de organisatie van
gevangenisregimes die de menselijke waardigheid eerbiedigen en de nefaste gevolgen
van de opsluiting weren door contacten met de buitenwereld en de responsabilisering
van de gevangenen. Die regels hebben als referentiepunt gediend voor de Belgische
Basiswet.
Zij werden geactualiseerd in 2006 (cf., supra). De bepalingen 5, 6 en 102 betreffen het
normaliseringsbeginsel.
S. SNACKEN, “ ‘Normalisation’ dans les prisons: concepts et défis. L’exemple de
l’Avant-projet de loi pénitentiaire belge” in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (eds.),
L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux de la reconnaissance de droits aux détenus,
Brussel, Bruylant, L.G.D.J., 2002, 134.
Ph. MARY, F. BATHOLEYNS en J. BEGHIN, “La prison en Belgique: de l’institution totale
aux droits des détenus?”, Déviance et Société 2006, vol. 30, nr. 3, 397.
105
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Volgens S. Snacken betekent het normaliseringsprincipe bijgevolg, op individueel
vlak dat de gedetineerde wordt erkend in de diversiteit van zijn maatschappelijke
rollen dankzij de vaststelling van een juridisch statuut, en op het collectieve vlak dat
het aanbod van diensten in de gevangenis gelijkwaardig moet zijn aan het aanbod in
de vrije wereld, inzonderheid wat de gevangenisarbeid en de beschikbare
gezondheidszorgen betreft. In het huidige systeem zou de door het
normaliseringsprincipe vereiste gelijkwaardigheid inzake de kwaliteit van de
omvang van de gezondheidszorgen bijvoorbeeld makkelijker te bereiken zijn, als de
gedetineerde deel uitmaakt van het socialezekerheidssysteem dat geldt in de vrije
wereld.19
4.
De wetgever zou zich nu in het licht van de nieuwe interne en externe rechtspositie
van gedetineerden opnieuw moeten beraden over de traditionele schorsing van
socialezekerheidsuitkeringen en de gangbare weigering om gevangenisarbeid te
beschouwen als een bron van socialezekerheidsrechten. Hij moet de vele lacunes in
de huidige wetgeving ongedaan maken. Deze bijdrage hoopt de wetgever daarbij
dienstig te zijn.
II. SCHORSING VAN SOCIALEZEKERHEIDSUITKERINGEN
5.
In België heeft de FOD Justitie de opdracht om in te staan voor de sociale
bescherming van gedetineerden. Als gevolg daarvan schorst de Belgische wetgever
de uitbetaling van de meeste socialezekerheidsprestaties, ingeval de betrokken
uitkeringsgerechtigde wordt gedetineerd.
Hierna stellen wij kritische vragen bij deze beleidskeuze, uiten wij kritiek op de
wijze waarop die beleidskeuze is geïmplementeerd en tonen wij aan dat het de
moeite loont om nader te onderzoeken of de heffing van een bijdrage in de kosten
van verblijf en onderhoud een betere optie vormt.
19
106
S. SNACKEN, “ ‘Normalisation’ dans les prisons: concepts et défis. L’exemple de
l’Avant-projet de loi pénitentiaire belge” in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (eds.),
L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux de la reconnaissance de droits aux détenus,
Brussel, Bruylant, L.G.D.J., 2002, 141.
De auteur signaleert dat de exacte draagwijdte van het normaliseringsprincipe
problematisch kan blijken te zijn. Het roept immers zowel de vraag op wat als normaal
moet worden beschouwd buiten de gevangenis en bijgevolg moet worden verwezenlijkt
binnen de gevangenis (is het bijvoorbeeld legitiem de sociale ongelijkheden in de vrije
wereld over te nemen in de gevangenis of moet men streven naar een gemiddelde
levensstandaard en op welk peil moet deze worden vastgesteld?), als de vraag welke
beperkingen noodzakelijkerwijze verbonden zijn aan de gevangenis. Het antwoord kan
niet voor eens en altijd worden gegeven: alles hangt af van de evolutieve economische
en sociale omstandigheden in een samenleving. S. SNACKEN preciseert dat het
normaliseringsprincipe een voortdurende oefening vergt in flexibiliteit en reflexiviteit
met betrekking tot wat op een gegeven ogenblik met de vrijheidsberoving samengaande
en bijgevolg onveranderbare beperkingen leken (ibid., 136 en 145).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
A. KRITISCHE VRAGEN BIJ DE BELEIDSKEUZE
6.
Internationale en nationale normen kennen ook aan gedetineerden een grondrecht op
sociale bescherming20 toe, maar preciseren niet met welk instrument dat grondrecht
moet worden verwezenlijkt.21 Het komt bijgevolg de wetgever toe om te bepalen
welk instrument daartoe het best kan bijdragen. In het kader van een parlementaire
democratie beschikt de wetgever dienaangaande over een ruime
beoordelingsvrijheid en mag hij dus ervoor opteren de sociale bescherming van
gedetineerden te verwezenlijken hetzij met het socialezekerheidssysteem, hetzij met
een ander beschermingsmechanisme.22 In België heeft de FOD Justitie de opdracht
gekregen om de sociale bescherming van de gedetineerden ten laste te nemen.
20
21
22
Onder “sociale bescherming” rekenen wij in deze bijdrage zowel de bescherming via
het socialezekerheidssysteem, als de bescherming via andere beschermingsmechanismen zoals de tussenkomst van de FOD Justitie. Met de term “sociale zekerheid” duiden
wij op het geheel van de sociale verzekeringen (werkloosheidsverzekering,
pensioenverzekeringen, arbeidsongeschiktheidsongeschiktheidsverzekeringen, …) en de
socialebijstandsregelingen (regelingen inzake het recht op maatschappelijke integratie,
inkomensgarantie voor ouderen, tegemoetkomingen voor personen met een
handicap, …). Andere auteurs gebruiken de term « sociale zekerheid » om alleen de
sociale verzekeringen te benoemen en brengen onder de term « sociale bescherming »
het geheel van sociale verzekeringen en socialebijstandsregelingen.
Wat de draagwijte van het grondrecht op sociale zekerheid betreft, verwijzen wij naar
de bijdrage van W. VANDENHOLE in deze bundel. De auteur geeft een overzicht van de
toepasselijke rechtsinstrumenten in de schoot van de Verenigde Naties en de Raad van
Europa en de plaats die daarin is toebedeeld aan de gedetineerden. Wij brengen hier in
herinnering dat, overeenkomstig artikel 9 van de Resolutie van de Raad van Europa van
1 februari 1962 – RES(62)2 relative aux droits électoraux, civils et sociaux du détenu,
de detentie niets wijzigt aan het recht op socialezekerheidsprestaties die de gedetineerde
heeft verworven vóór zijn vrijheidsberoving. Artikel 10 voegt eraan toe dat de
noodzakelijke maatregelen worden genomen, opdat de gedetineerde in de mate van het
mogelijke zijn recht op die voordelen behoudt tijdens zijn verblijf in de gevangenis.
Vijfentwintig jaar later bepaalt artikel 68-1 van de “Recommendation n° R (87) 3 –
Règles pénitentiares européennes – Version européenne révisée de l’Ensemble des
règles minima pur le traitement des détenus” dat “la préparation des détenus à leur
libération devrait commencer le plus tôt possible après leur arrivée dans un
établissement pénitentiaire. On doit se garder de faire sentir aux détenus qu’ils sont
exclus de la société, mais bien au contraire leur donner à penser qu’ils continuent à en
faire partie. Dans cette optique, il serait bon de faire appel dans toute la mesure du
possible à des organismes et à reclasser les détenus et, en particulier, à entretenir et à
améliorer les relations du détenu avec sa famille, avec d’autres personnes et avec les
organismes sociaux. Des mesures doivent être prises aux fins de sauvegarder, dans toute
la mesure compatible avec la loi et la peine infligée, les droits civils, les droits en
matière de sécurité sociale et autres avantages sociaux des détenus”. Het valt te
betreuren dat deze bepaling niet is overgenomen bij de herziening in 2006 van de
Règles pénitentiares européennes.
Zo acht het Grondwettelijk Hof het te verantwoorden dat de integratietegemoetkoming
voor personen met een handicap gedeeltelijk wordt opgeschort bij opname in een
107
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
De tussenkomst van de FOD Justitie als alternatief beschermingsmechanisme brengt
de Belgische wetgever ertoe de uitbetaling van de meeste niet van alle socialezekerheidsprestaties geheel of gedeeltelijk te schorsen, ingeval de betrokken
uitkeringsgerechtigde wordt gedetineerd. Dat het socialezekerheidssysteem geheel
of gedeeltelijk wordt ontslagen van zijn anders geldende verplichtingen, zou, zoals
ook de Nederlandse wetgever aanneemt,23 ertoe bijdragen dat gedetineerde
uitkeringsgerechtigden niet worden bevoordeeld, noch ten opzichte van gerechtigden
op socialezekerheidsprestaties die niet zijn gedetineerd, noch ten opzichte van
gedetineerden die geen socialezekerheidsprestaties genoten vóór hun detentie.24
7.
Uitkeringsgerechtigden die niet worden beroofd van hun vrijheid, kunnen inderdaad
geen aanspraak maken op de tussenkomst van het alternatieve
beschermingsmechanisme, in België de tenlasteneming door de FOD Justitie. Om de
gelijkheid tussen gedetineerde en niet-gedetineerde uitkeringsgerechtigden te
herstellen wenst de wetgever de tussenkomst van het socialezekerheidssysteem
daarom stop te zetten gedurende de detentie.
De desbetreffende socialezekerheidsprestatie wordt ook geschorst, ingeval het
sociaal verzekerd risico blijft bestaan tijdens de detentie of als de kosten voor het
levensonderhoud en de huisvesting van de gedetineerde of zijn gezin geheel of
gedeeltelijk doorlopen tijdens de detentie.25 De schorsing van de
socialezekerheidsprestatie dreigt bijgevolg een deficit aan sociale bescherming te
veroorzaken, vermits de wetgever niet garandeert dat de tenlasteneming door de
FOD Justitie hetzelfde peil bereikt als de geschorste uitkering.
23
24
25
108
instelling op kosten van de overheid, als een dienstverlening in die instelling het gebrek
aan zelfredzaamheid van de betrokkenen compenseert (GWH nr. 145/2007, 22
november 2007).
Voor een uiteenzetting van de Nederlandse situatie verwijzen wij naar de bijdrage van
G. VONK in deze bundel.
De Nederlandse Centrale Raad van Beroep is van oordeel dat de schorsing van de
tussenkomst van de sociale zekerheid om die redenen niet onverzoenbaar is met het
gelijkheidsbeginsel en het verbod tot onrechtmatige aantasting van eigendomsrechten.
De Raad wijst erop dat de rechter in het kader van de Nederlandse staatsrechtelijke
verhoudingen de keuze van de wetgever slechts doorbreekt, als zij niet berust op
redelijke en objectieve gronden. Dat een andere keuze denkbaar is of volgens de rechter
zelfs verkieslijk, volstaat niet om de door de wetgever gemaakte keuze onaanvaardbaar
te achten (Centrale Raad van Beroep (Nederland) LJN AP4680, 18 juni 2004,
zoeken.rechtspraak.nl/ResultPage.aspx).
Om de algemene schorsing van de betaling van socialezekerheidsuitkeringen te
rechtvaardigen verklaarde de Nederlandse wetgever te willen vermijden dat de
gedetineerde voordeel haalt uit zijn detentie en als het ware een buit verwerft. Volgens
een bekritiseerbare logica wordt eraan toegevoegd dat het verlies van de
beroepsinkomsten niet meer het gevolg is van een sociaal risico, maar van de
vrijheidsberoving en dat het socialezekeheidssysteem wel in de eerste, maar niet in de
tweede hypothese moet tussenkomen (zie de bijdrage van G. VONK in deze bundel).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
8.
Het stemt evenzeer overeen met de werkelijkheid dat werkende personen het gevaar
lopen hun arbeidsinkomen te verliezen als gevolg van hun detentie.
Bij de wens om de gedetineerde uitkeringsgerechtigden niet te bevoordelen ten
opzichte van deze personen, kan men zich de vraag stellen of men de ongelijkheid –
tussen arbeids- en vervangingsinkomens – die bestaat in de buitenwereld, wel moet
vervangen door een absolute gelijkheid binnen de muren van de gevangenis.
Belangrijker is de vaststelling dat de voorliggende ongelijkheid ook kan worden
hersteld door niet alleen gedetineerde uitkeringsgerechtigden, maar ook gedetineerde
werknemers, ambtenaren en zelfstandigen toe te staan tijdens de vrijheidsberoving
aanspraak te maken op sommige socialezekerheidsprestaties die de wetgever hen
thans ontzegt met toepassing van de vele schorsingsregels in ons
socialezekerheidssysteem. Het socialezekerheidssysteem zou dan veel meer
bijdragen tot de sociale bescherming van gedetineerden die hun arbeidsinkomen
erbij inschieten en evenzeer als gedetineerde uitkeringsgerechtigden worden
geconfronteerd met tijdens de vrijheidsberoving doorlopende kosten van
levensonderhoud en huisvesting voor henzelf of hun gezin.
9.
De wetgever dient ook deze keuzemogelijkheid ernstig in overweging te nemen. De
thans gangbare schorsing van socialezekerheidsuitkeringen stuit immers op
principiële bezwaren.
De
volledige
schorsing
van
socialezekerheidsprestaties
treft
de
uitkeringsgerechtigden in zeer ongelijke mate, rekening houdend met de
uiteenlopende aard en hoogte van de diverse prestaties. Daartegen zou geen bezwaar
bestaan, ingeval het andere beschermingsmechanisme steeds een hogere sociale
bescherming zou verlenen of ingeval het aan gedetineerden gevraagde aandeel in de
financiering van het andere mechanisme hun socialezekerheidsuitkeringen zou
overtreffen. Buiten die thans wellicht weinig voorkomende gevallen neemt de
onredelijkheid van de volledige schorsing van een socialezekerheidsuitkering toe,
naarmate het bedrag van de geschorste uitkering de kosten van onderhoud en verblijf
van de gedetineerde of zijn verwachte bijdrage tot de financiering daarvan te boven
gaat.
B. KRITIEK OP DE IMPLEMENTATIE VAN DE BELEIDSKEUZE
10. Het komt uiteindelijk de wetgever toe om de voor- en nadelen van de verschillende
beleidsopties tegen elkaar af te wegen.
Ongeacht welke optie de wetgever neemt, mag men verlangen dat de gemaakte
keuze tot stand komt volgens daartoe voorgeschreven regels en wordt vastgelegd in
behoorlijk opgestelde, coherente en consistente wetsbepalingen. Zoals hierna wordt
aangetoond zou de wetgever de ter zake geldende wetsbepalingen bovendien meer
109
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
kunnen afstemmen op de interne en externe rechtspositie van gedetineerden en
bepaalde fundamentele regels van het strafrecht.
1. Nood aan een betere regelgeving
11. Artikel 23 van de Grondwet eist dat de formele wetgever – en niet de uitvoerende
macht – die beleidskeuze maakt en de wettelijke regelingen ter uitvoering daarvan
goedkeurt. Voor zover de wetgever (een deel van) zijn bevoegdheid wenst te
delegeren, zou hij, rekening houdend met de adviezen van de afdeling wetgeving
van de Raad van State, zelf ten minste de essentiële beleidskeuzes en de richtsnoeren
voor de Koning moeten vastleggen.26
Wij stellen vast dat voor een aantal “gebruikelijke praktijken” geen wettelijke
grondslag bestaat. Als de wetgever ervoor blijft opteren om de FOD Justitie te
belasten met de sociale bescherming van gedetineerden, moet de wetgever in ieder
geval een einde maken aan de praktijk om de tussenkomst van de FOD vast te
leggen in administratieve regelingen. De talloze omzendbrieven zijn veel minder
toegankelijk dan formele wetgeving en uitvoeringsbesluiten.27 Zij bieden ook niet
dezelfde rechtszekerheid en rechtsbescherming aan gedetineerden als behoorlijk
bekendgemaakte wettelijke regels.28
12. Vermits de Belgische wetgever ervoor kiest om gedetineerden ten laste te laten
nemen door de FOD Justitie, ontslaat hij het socialezekerheidssysteem grotendeels
van een tussenkomst ten behoeve van gedetineerden.
De wetgever doet dat niet door middel van een wet waarbij de verdeling van
verantwoordelijkheden tussen de FOD Justitie en het socialezekerheidssysteem
wordt vastgelegd op een algemene wijze,29 maar beperkt de tussenkomst van de
diverse socialezekerheidsregelingen met specifieke bepalingen in elk van de
26
27
28
29
110
Artikel 86, § 3 van de Basiswet dat aan de Koning de bevoegdheid toevertrouwt de
regels te bepalen voor de vergoeding van ongevallen bij gevangenisarbeid, is in die zin
vatbaar voor verbetering.
Slechts weinige omzendbrieven, worden bekendgemaakt in het Belgisch Staatsblad,
andere zijn alleen beschikbaar op de website van de FOD Justitie – die nog altijd niet
gemakkelijk toegankelijk is – en nog andere, zoals diegene met betrekking tot de
daklozen, zijn in strijd met elkaar.
Die kritiek geldt bijvoorbeeld ten aanzien van de administratieve vergoedingenregeling
met betrekking tot arbeidsongevallen en beroepsziekten, veroorzaakt door het verrichten
van gevangenisarbeid (al zullen art. 86, § 3 van de Basiswet en het nog te nemen
uitvoeringsbesluit in die zin wel een stap voorwaarts vormen) en ten aanzien van de
tussenkomst van de FOD Justitie ter vervanging van het leefloon voor gedetineerden
onder elektronisch toezicht.
De Basiswet brengt op dat punt geen verandering, omdat zij wel bepaalt dat de gedetineerden recht hebben op gezondheidszorg, sociale hulp en vergoeding van aan
gevangenisarbeid te wijten ongevallen, maar geen bepalingen bevat over de rol die het
socialezekerheidssysteem daartoe op zich moet nemen.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
afzonderlijke socialezekerheidswetten. Het hergroeperen van deze wetsbepalingen in
één specifieke wettekst met betrekking tot de socialezekerheidsrechten van
gedetineerden en hun verwanten zou de duidelijkheid en kenbaarheid van de
desbetreffende regels ten goede komen30 en wellicht op zich ook een aansporing tot
een grotere coherentie en consistentie vormen.
Sociaal assistenten in de gevangenissen maken melding van moeilijkheden die zij
ondervinden, telkens zij voor een gedetineerde stappen ondernemen bij een
socialezekerheidsinstelling, zoals een ziekenfonds, een OCMW, de RVA, enz.31 Het
ontbreekt hen aan een instrument dat niet alleen de rechten van de gedetineerden op
een socialezekerheidsuitkering verduidelijkt, maar bovendien de wettekst die
daaraan ten grondslag ligt, aanwijst. Aan de moeilijkheid om een overzicht te
krijgen van het geheel van diverse en verwarrende reglementeringen, wordt
gedeeltelijk verholpen door de uitwerking van intranet-sites op het niveau van de
centrale psychosociale diensten van het gevangeniswezen. Maar de permanente
bijwerking van deze sites vergt blijvende aandacht. Tussenpersonen zouden uit eigen
beweging elke nieuwe wetgeving met een invloed op de sociale bescherming van
gedetineerden doorsturen naar de centrale psychosociale diensten en zouden
bevoorrechte gesprekspartners zijn van het gevangeniswezen. De vraag rijst of het
opzetten van een officieel netwerk van doeltreffende tussenstations in de diverse
socialezekerheidsinstellingen om de informatie op de sites te valideren en bij te
werken een ernstige slaagkans heeft.
2. Nood aan consistentie en coherentie
13. Omwille van de tenlasteneming van gedetineerden door de FOD Justitie schorst de
wetgever de betaling van vele socialezekerheidsprestaties, ingeval de
uitkeringsgerechtigde wordt beroofd van zijn vrijheid. De talrijke
schorsingsbepalingen vertonen vele onderlinge verschilpunten.
De tussenkomst van een socialezekerheidsregeling wordt nu eens volledig, dan weer
gedeeltelijk en soms zelfs helemaal niet geschorst in geval van detentie.
De schorsing geldt de ene keer ten opzichte van gedetineerden, een andere maal ten
opzichte van uitkeringsgerechtigden die zijn “opgesloten in de gevangenis”.32
30
31
32
Cf. Ph. AUVERGNON en C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une
approche juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006,
34.
Zie de bijdrage in deze bundel van R. RASSON en A. VERSTRAETE.
Die uitdrukking – die voorkomt in de regeling inzake tegemoetkomingen aan personen
met een handicap – leidt soms tot onenigheid over de vraag of gedetineerden in beperkte
hechtenis daaronder vallen, als zij meer dan twaalf uur per dag buiten de gevangenis
verblijven (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van
(ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 233 e.v.
111
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
De schorsing van een socialezekerheidsprestatie treedt vaak onmiddellijk in, soms
pas enige tijd na de aanvang van de detentie.
De schorsing blijft zelden beperkt tot het geval waarin de gedetineerde reeds is
veroordeeld. Meestal maar niet altijd wordt de schorsing wel opgeheven met
retroactieve kracht, als achteraf blijkt dat het gaat om een onwerkdadige hechtenis.
14. De wetgever maakt zijn motieven voor die uiteenlopende regels niet altijd kenbaar.
Als dat toch het geval is, bestaat de ingeroepen rechtvaardiging voor de schorsing
van een socialezekerheidsprestatie, op één uitzondering na,33 erin dat de
gedetineerde, rekening houdend met de tenlasteneming door de FOD Justitie, geen
tweede keer ten laste moet worden genomen door de overheid.34 Dat ene motief kan
echter geen verklaring vormen voor de talrijke verschillen tussen de uiteenlopende
schorsingsregels in de diverse socialezekerheidsregelingen.
Daarom gaan wij na of de verschillen in de schorsingsregels parallel lopen met
verschillen in de cumulatiebepalingen van de diverse socialezekerheidsregelingen en
onderzoeken wij of enige samenhang bestaat tussen de schorsingsregels en het
klassieke onderscheid tussen socialebijstandsregelingen en sociale verzekeringen.
a) Schorsingsregels en cumulatiebepalingen
15. Vrijwel alle socialezekerheidsregelingen bevatten cumulatiebepalingen om te
voorkomen dat eenzelfde menselijke schade of behoefte tweemaal wordt gedekt.
Ingeval een dergelijke cumulatiebepaling bestaat en de tussenkomst van de FOD
Justitie tot de toepassing van die bepaling zou kunnen leiden, kan de wetgever even
goed kiezen voor de schorsing van een socialezekerheidsprestatie bij detentie.
Een voorbeeld hiervan treffen wij aan in de ziekte- en invaliditeitsverzekering. De
prestaties van de ziekte- en invaliditeitsverzekering worden immers geweigerd,
ingeval de betrokkene voor de schade die voortvloeit uit ziekte, letsels, functionele
stoornissen of overlijden, werkelijk schadeloos wordt gesteld krachtens een andere
wetgeving.35 Het stemt met de logica van die regel overeen dat de verzekering voor
geneeskundige verzorging die deel uitmaakt van de ziekte- en
invaliditeitsverzekering, geen prestaties verleent, voor zover de FOD Justitie reeds
de kosten van de geneeskundige verzorging van gedetineerden ten laste neemt. De
wetgever kan ervoor opteren om deze regel vast te leggen in een afzonderlijke
33
34
35
112
De schorsing van het recht op werkloosheidsuitkeringen wordt gerechtvaardigd door de
onbeschikbaarheid van de gedetineerde voor de algemene arbeidsmarkt (zie G. VAN
LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun
verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 103-106).
Dat geldt bijvoorbeeld ook voor de Franse wetgever (Ph. AUVERGNON en
C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une approche juridique et
comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, 105).
Art. 136, § 2 ZIV-Wet.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
wetsbepaling.36 De tussenkomst van de FOD Justitie dekt echter niet de schade die
voortvloeit uit arbeidsongeschiktheid,37 zodat het bestaan van de hoger in
herinnering gebrachte cumulatiebepaling niet de schorsing van arbeidsongeschiktheidsuitkeringen bij detentie kan rechtvaardigen. Toch wordt de gedetineerde
uitkeringsgerechtigde die geen personen ten laste heeft, beroofd van de helft van zijn
arbeidsongeschiktheidsuitkering.38
16. Zelfs ingeval de schorsing van een socialezekerheidsprestatie in geval van detentie
parallel loopt met het bestaan van een cumulatiebepaling, zou de desbetreffende
socialezekerheidsregeling slechts mogen worden ontslagen van haar tussenkomst ten
behoeve van gedetineerden, voor zover de bescherming door de FOD Justitie ten
minste een even hoog peil bereikt.
Het is vaak niet duidelijk of dat wel het geval is. Zo blijkt niet met zekerheid dat de
tussenkomst van de FOD Justitie bijvoorbeeld steeds het peil van de tussenkomst
van de verzekering voor geneeskundige verzorging bereikt.39
17. Wij stellen dus vast dat de bestaande cumulatiebepalingen in de diverse
socialezekerheidsregelingen niet de verschillen tussen de schorsingsregels in de
diverse socialezekerheidsregelingen verklaren.
b) Schorsing van socialebijstandsuitkeringen
18. Wij onderzoeken nu of de schorsing van socialebijstandsuitkeringen kan worden
verklaard door de kenmerkende eigenschappen van de socialebijstandsregelingen.
De socialebijstandsregelingen hebben als gemeenschappelijk kenmerk dat zij hun
tussenkomst voorbehouden aan uitkeringsgerechtigden die niet beschikken over
toereikende bestaansmiddelen. Een scala van wetsbepalingen legt voor elke
socialebijstandsuitkering vast welke en wiens bestaansmiddelen in rekening worden
gebracht en hoe het bedrag van die bestaansmiddelen precies moet worden
berekend. Zolang het aan te rekenen gedeelte van het totale bedrag aan
36
37
38
39
Het gaat thans om art. 5 Verordening 28 juli 2003 tot uitvoering van artikel 22, 11° van
de wet betreffende de verplichte verzekering voor geneeskundige verzorging en
uitkeringen, gecoördineerd op 14 juli 1994.
We laten het geval van arbeidsongeschiktheid die voortvloeit uit het verrichten van
penitentiaire arbeid hier voorlopig buiten beschouwing.
Art. 105 ZIV-Wet; art. 233 ZIV-Besluit; art. 32 Arbeidsongeschiktheidsbesluit
Zelfstandigen; zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van
(ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 172-197.
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 198-219.
Ook in Frankrijk is vastgesteld dat de tenlasteneming door een ander beschermingsmechanisme de gedetineerden niet vrijwaart van armoede (Ph. AUVERGNON en
C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une approche juridique et
comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, 105-106).
113
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
bestaansmiddelen lager is dan het wettelijke bedrag van de desbetreffende socialebijstandsuitkering, ontvangt de gerechtigde een uitkering tot beloop van het verschil
tussen beide.40
Het zou overeenstemmen met de logica van deze bijstandsregelingen dat de
wetgever de tussenkomst van de FOD Justitie zou beschouwen als een bestaansmiddel dat tot beloop van het door de wetgever te bepalen bedrag in mindering zou
worden gebracht op de bijstandsuitkering waarop een gedetineerde aanspraak maakt.
De socialebijstandsregelingen gaan echter niet te werk op die wijze, maar schorsen
vrijwel allemaal de betaling van hun uitkeringen in geval van detentie, met
opmerkelijke uitzonderingen voor de maatschappelijke dienstverlening41 en de
gewaarborgde gezinsbijslagen.42 Zo verliezen de gedetineerde titularissen van een
leefloon,43 inkomensgarantie voor ouderen of tegemoetkoming aan een persoon met
een handicap hun minimuminkomen. Die schorsing wordt gerechtvaardigd met het
motief dat de gedetineerde al ten laste is van de overheid. De socialebijstandsregelingen worden inderdaad niet gespijsd met bijdragen van de
uitkeringsgerechtigden, maar met een deel van de algemene middelen van de
overheid.44 Het principe45 van de schorsing is bijgevolg consistent met het daarvoor
ingeroepen motief.
40
41
42
43
44
114
Alleen in de regeling inzake gewaarborgde gezinsbijslagen ontvangt de gerechtigde de
volledige of helemaal geen uitkering, naargelang zijn bestaansmiddelen een wettelijke
grens niet of wel overtreffen (art. 3 Wet Gewaarborgde Gezinsbijslagen).
De wetgeving inzake de maatschappelijke dienstverlening bevat weliswaar niet de regel
dat de toegekende dienstverlening wordt geschorst in geval van detentie. De facto is dat
nochtans vaak het geval. Zoals hoger is uiteengezet, belet het residuaire karakter van de
maatschappelijke dienstverlening immers de tussenkomst van een OCMW, voor zover
de tenlasteneming van de gedetineerde door de FOD Justitie de betrokkene al in staat
stelt een leven te leiden dat beantwoordt aan de menselijke waardigheid. Een
gebeurlijke tussenkomst van het OCMW is dan gerechtvaardigd, voor zover de
tussenkomst van de FOD Justitie niet even doorgedreven is als de door openbare centra
voor maatschappelijk welzijn geboden dienstverlening.
De gewaarborgde gezinsbijslagen worden niet geschorst in geval van detentie. Wel kan
de detentie van de natuurlijke persoon die instaat voor het rechtgevende kind, van het
rechtgevende kind of van de bijslagtrekkende in concrete gevallen leiden tot het verlies
of de vermindering van de gewaarborgde gezinsbijslag, omdat niet meer voldaan is aan
bepaalde voorwaarden voor de toekenning van een (hogere) uitkering (zie G. VAN
LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun
verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 261-267).
Alleen de betaling van het leefloon is geschorst, niet het recht op maatschappelijke
integratie dat kan worden toegekend in de vorm van arbeid (bijvoorbeeld ter uitvoering
van een arbeidsovereenkomst overeenkomstig artikel 60, § 7 van de OCMW-Wet). De
beslissing waarbij een OCMW het recht op maatschappelijke integratie in de vorm van
arbeid schorste gedurende de periode van elektronisch toezicht, werd dan ook vernietigd
(Arbrb. Nivelles, AR 09/1044/A, 30 oktober 2009).
De financiële last van de gewaarborgde gezinsbijslagen wordt echter gedragen door de
RKW (art. 5 Wet Gewaarborgde Gezinsbijslagen) die noch hiervoor, noch met het oog
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
19. Daarmee is de kous echter niet af. Artikel 23 van de Grondwet bepaalt dat iedereen
– dus ook een gedetineerde – het recht heeft een menswaardig leven te leiden en legt
de wetgever daartoe de verplichting op het recht op sociale bijstand te waarborgen.
De integrale schorsing van socialebijstandsuitkeringen is bijgevolg slechts
gerechtvaardigd als de tussenkomst van de FOD Justitie een evenwaardige sociale
bescherming verleent als de geschorste bijstandsuitkering. Men mag niet te licht
aannemen dat dit het geval is.
De wetgever wil het recht op maatschappelijke integratie slechts toekennen aan
personen die niet beschikken over toereikende bestaansmiddelen en niet in staat zijn
deze zelf op enige manier te verwerven. De bestaansmiddelen van de betrokkenen
worden bijgevolg in mindering gebracht op het bedrag van het leefloon dat hen kan
worden toegekend.46 Die regel zou de integrale schorsing van de betaling van het
leefloon kunnen rechtvaardigen, indien de tussenkomst van de FOD Justitie
hetzelfde peil bereikt als het leefloon. Of dat wel het geval is, is niet zonder meer
duidelijk.47
Meer twijfels rijzen nog met betrekking tot het recht op maatschappelijke
dienstverlening. Om dat recht aan iedereen te waarborgen staan de openbare centra
voor maatschappelijk welzijn in voor een gediversifieerde en geïndividualiseerde
dienstverlening. Het residuaire karakter48 van het recht op maatschappelijke
dienstverlening rechtvaardigt de weigering van een dienstverlening niet, als de
45
46
47
48
op de financiering van de gezinsbijslagenverzekeringen enige rijkstegemoetkoming
geniet, zodat de gewaarborgde gezinsbijslagen de facto niet worden gefinancierd met de
algemene overheidsmiddelen, maar met werkgeversbijdragen. De ontstentenis van een
schorsingsregel stemt bijgevolg overeen met de bijzondere financieringswijze van deze
socialebijstandsregeling. De toekenning van gewaarborgde gezinsbijslagen in geval van
detentie is bovendien ook te rechtvaardigen, omdat de FOD Justitie slechts de
bestaanszekerheid van de gedetineerde en niet de bestaanszekerheid van zijn kinderen
ten laste neemt, zodat de tussenkomst van deze socialezekerheidsregeling niet
samenloopt met de tussenkomst van een alternatief beschermingsmechanisme.
Zoals wij hierna uiteenzetten, vormen de gezinsbijslagen ook in het kader van de sociale
verzekeringen een uitzondering op het principe van de schorsing van de
socialezekerheidsuitkeringen.
Dat verklaart evenwel niet een aantal verschillen in de modaliteiten van de schorsing in
de socialebijstandsregelingen, bijvoorbeeld in geval van onwerkdadige hechtenis.
Art. 3, 4 en 14 Wet Maatschappelijke Integratie.
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 311-356.
Ook in Frankrijk is vastgesteld dat de tenlasteneming door een ander beschermingsmechanisme de gedetineerden niet vrijwaart van armoede (Ph. AUVERGNON en
C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une approche juridique et
comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, 105-106).
Maatschappelijke dienstverlening moet volgens de rechtspraak immers niet worden
verleend aan degene die een menswaardig leven kan leiden, zonder een beroep te
moeten doen op de overheid (RvS nr. 34.059, 15 februari 1990).
115
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
gedetineerde die bijstand nodig heeft om een menswaardig bestaan te leiden en de
tussenkomst van de FOD Justitie niet tegemoetkomt aan deze behoefte.49
Niet zozeer het principe van de schorsing van de bijstandsuitkeringen, maar wel een
duidelijkere afbakening van de wederzijdse verantwoordelijkheden50 van de FOD
Justitie en de openbare centra voor maatschappelijk welzijn is voorwerp van
discussie.51
20. Toch wensen wij de wetgever niet aan te bevelen te blijven kiezen voor de schorsing
van socialebijstandsprestaties, in geval van detentie. Die keuze komt immers erop
neer dat personen die gerechtigd zijn op socialebijstandsuitkeringen en dus het minst
beschikken over eigen bestaansmiddelen, financieel het meest lijden onder hun
detentie. Dat gevolg lijkt moeilijk verenigbaar met de solidariteitsidee waarvan ons
socialezekerheidssysteem is doordrongen.
De schorsing van socialebijstandsuitkeringen verhindert bovendien dat
gedetineerden die nog geen socialezekerheidsinkomen genoten en hun
arbeidsinkomen verliezen als gevolg van hun detentie, kunnen terugvallen op een
socialebijstandsuitkering.
49
50
51
116
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 311-356.
Het is belangrijk dat die verantwoordelijkheidsverdeling ook gepaard gaat met een
gelijklopende verdeling van ter beschikking gestelde middelen ((zie G. VAN
LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun
verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 31-33.
De Basiswet expliciteert de rechten van de gedetineerden en verstevigt de
afdwingbaarheid ervan. Gedetineerden doen een toenemend beroep op de tussenkomst
van hun sociale kas, op sociale hulpverlening vanwege de gemeenschappen en gewesten
en op de maatschappelijke dienstverlening van de openbare centra voor maatschappelijk
welzijn. De verantwoordelijkheden tussen de sociale kassen van de gedetineerden en de
openbare centra voor maatschappelijk welzijn moeten duidelijker worden afgebakend.
Wij zijn een tendens in de rechtspraak waarbij de verantwoordelijkheid in eerste
instantie bij de sociale kassen wordt gelegd, niet erg genegen. Gedetineerden dragen
immers tot die kassen bij naargelang van hun aankopen en niet naargelang van hun
financiële middelen. Minder draagkrachtige gedetineerden besteden soms de
opbrengsten van hun onderbetaalde gevangenisarbeid aan talrijke alledaagse artikelen –
tegen een hogere prijs dan in de buitenwereld –, omdat zij niets ter hunner beschikking
hebben. Andere gevangenen kopen daar slechts sporadisch, omdat hun familie hun van
een en ander voorziet. De werking van deze kassen garandeert bijgevolg niet de
rechtvaardigheid die aan de grondslag moet liggen van een solidair systeem van
collectieve herverdeling, zoals de sociale zekerheid (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN
DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die
Keure, 2008, 342-346).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
c) Schorsing van socialeverzekeringsprestaties
21. De wetgever schorst ook socialeverzekeringsprestaties, ingeval de gerechtigde in
hechtenis wordt genomen. Dat wekt meer verwondering dan de schorsing van
socialebijstandsuitkeringen.
Het algemeen ingeroepen motief dat de gedetineerde geen tweede maal moet worden
ten laste genomen door de overheid, verliest hier immers aan kracht.
Socialeverzekeringsprestaties worden grotendeels gefinancierd met bijdragen van de
sociaal verzekerden.52
Daarenboven is de toekenning van socialeverzekeringsprestaties niet afhankelijk van
de voorwaarde dat het de uitkeringsgerechtigde ontbreekt aan toereikende
bestaansmiddelen. De tussenkomst van de FOD Justitie kan bijgevolg niet als een
vorm van bestaansmiddelen in mindering van de socialeverzekeringsprestaties
worden gebracht en de schorsing van de socialeverzekeringsprestaties ook geen
alternatief hiervoor zijn.
De sociale verzekeringen beogen de gerechtigden niet alleen te vrijwaren voor
behoeftigheid, maar streven ook ernaar de betrokkenen een vergelijkbare
levensstandaard als voorheen te garanderen bij intrede van een verzekerd sociaal
risico. Die doelstelling is vreemd aan de tussenkomst van de FOD Justitie die in vele
gevallen niet het peil van de socialeverzekeringsprestaties bereikt. De
tenlasteneming van de gedetineerde door de FOD kan bijgevolg zeker niet de
volledige schorsing van socialeverzekeringsprestaties rechtvaardigen.
22. De schorsing een socialeverzekeringsprestatie zou wel verantwoord zijn, ingeval de
situatie van de sociaal verzekerde omwille van zijn detentie niet langer beantwoordt
aan het verzekerde sociaal risico.
Om die reden acht men de schorsing van werkloosheidsuitkeringen vaak
gerechtvaardigd. Men gaat ervan uit dat gedetineerden niet beschikbaar zijn voor de
algemene arbeidsmarkt en bijgevolg niet voldoen aan de voorwaarde van
onvrijwillige werkloosheid, zoals deze wordt omschreven in de
werkloosheidsverzekering.53 Die argumentatie schiet echter tekort ten aanzien van
52
53
In dezelfde zin kon het argument dat de Belgische Staat niet moest instaan voor in het
buitenland verblijvende gepensioneerden, niet verhinderen dat mijnwerkerspensioenen
betaalbaar bleven tot beloop van tachtig procent van hun bedrag (art. 27 Pensioenwet
Werknemers, gew. art. 10 KB nr. 50 van 16 juli 1986).
Detentie kan voorts werkloosheid veroorzaken en ertoe leiden dat de betrokkene niet
onvrijwillig werkloos wordt. In geval van vrijwillige werkloosheid kan een werkloze
tijdelijk worden uitgesloten van het recht op uitkeringen, maar vangt de betaling van de
werkloosheidsuitkeringen aan na afloop van de tijdelijke uitsluiting, voor zover de
betrokkene dan beschikbaar is voor de algemene arbeidsmarkt en geen passende arbeid
weigert.
117
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
uitkeringsgerechtigde werklozen die zijn vrijgesteld van het vereiste beschikbaar te
zijn voor de algemene arbeidsmarkt.54 Zij volstaat evenmin ten aanzien van
gedetineerden die bepaalde strafuitvoeringsmaatregelen genieten precies om hen toe
te laten zich beschikbaar te stellen voor de algemene arbeidsmarkt.55
In de meeste gevallen waarin de wetgever socialeverzekeringsprestaties schorst,
blijft het verzekerde sociaal risico bestaan tijdens de detentie.
Detentie neemt bijvoorbeeld een bestaande arbeidsongeschiktheid niet weg, terwijl
uitkeringsgerechtigden zonder personen ten laste toch worden beroofd van de helft
van hun arbeidsongeschiktheidsuitkering.56/57
Hetzelfde geldt voor de diverse pensioenen die worden toegekend door de
pensioenverzekeringen. Detentie maakt de titularis van een rustpensioen niet jonger
en brengt ook de ambtenaar, werknemer of zelfstandige die het recht op een
overlevingspensioen heeft doen ontstaan, niet opnieuw tot leven.
23. De wetgever schorst weliswaar niet alle socialeverzekeringsprestaties, maar daaruit
kan ons inziens niet de bereidheid van de wetgever worden afgeleid om terug te
komen op zijn keuze om pensioenen, arbeidsongeschiktheids- en
werkloosheidsuitkeringen te schorsen.
54
55
56
57
118
Cf. Ch. VANDERLINDEN, “Travail pénitentiaire et sécurité sociale du détenu”,
Rev.dr.pén. 2003, 647.
Men moet betreuren dat gedetineerden in beperkte hechtenis – anders dan gedetineerden
onder elektronisch toezicht – verstoken blijven van het recht op werkloosheidsuitkeringen, ook al zijn de toekennings- en uitbetalingsvoorwaarden vervuld. De RVA
is traditioneel van oordeel dat dat gedetineerden in beperkte vrijheid ten laste blijven
van de gevangenisinrichting en geen bijkomend vervangingsinkomen onder de vorm
van een uitkering mogen genieten. Er bestaat andere rechtspraak, maar recente
rechtspraak bevestigt het standpunt van de RVA (Arbh. Luik, AR 32.892/04, 23
december 2005). Als de persoon in beperkte hechtenis beschikbaar is voor de algemene
arbeidsmarkt, is de zienswijze van de RVA nochtans niet gerechtvaardigd. Een
wetgevend ingrijpen op dit punt zou nuttig zijn (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER
PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die
Keure, 2008, 106-110).
Art. 105 ZIV-Wet; art. 233 ZIV-Besluit; art. 32 Arbeidsongeschiktheidsbesluit
Zelfstandigen.
Een rechter rechtvaardigt recentelijk nog die vermindering met het klassieke motief dat
de gedetineerde onderhoud en verblijf geniet op kosten van de staat, terwijl de
werknemer in de buitenwereld zelf in zijn levensonderhoud en huisvestingskosten moet
voorzien (Arbrb. Liège AR 332950, 13 oktober 2008).
De detentie stelt op zichzelf geen einde aan de voordien bestaande
arbeidsongeschiktheid. Wel kan in voorkomend geval uit de gestrafte feiten (drug- of
voertuigensmokkel, diefstallen) worden afgeleid dat de betrokkene niet meer
arbeidsongeschikt is (Arbh. Mons AR 19.839, 14 mei 2009 – dit arrest maakt het
voorwerp uit van een cassatieberoep; Arbh. Mons AR 21.033, 3 september 2009).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Arbeidsongevallen- en beroepsziektevergoedingen worden inderdaad niet geschorst
in geval van detentie. Dat wordt veeleer verklaard door de ontstaansgeschiedenis
van deze sociale verzekeringen die werden opgevat als verzekeringen van de aan
werkgevers en tewerkstellende overheden opgelegde risicoaansprakelijkheid. In de
logica van die aansprakelijkheidsregelingen worden de toe te kennen vergoedingen
slechts verminderd, als het slachtoffer omwille van zijn arbeidsongeval of
beroepsziekte een vergoeding tot dekking van dezelfde schade verkrijgt via een
ander beschermingsmechanisme.58 De tenlasteneming van gedetineerden door de
FOD Justitie kan echter niet worden beschouwd als een vergoeding van dezelfde
schade.
De faillissementsverzekering voor zelfstandigen kent ook niet de regel dat de
toegekende uitkeringen worden geschorst in geval van detentie. De
faillissementsuitkeringen werden oorspronkelijk immers toegekend onder zeer
restrictieve voorwaarden en slechts voor een periode van twee maanden, zodat een
gelijktijdig appel op een tussenkomst van de FOD Justitie en de
faillissementsverzekering zich wellicht niet kon voordoen. In geval van een
strafrechterlijke veroordeling op grond van de artikelen 489, 489bis en 489ter van
het Strafwetboek, kan de betrokkene trouwens geen aanspraak maken op de
faillissementsuitkering. Bovendien heeft de wetgever de faillissementsuitkering
veeleer opgevat als een overbruggingsuitkering die de zelfstandige moet toelaten
zich te reorganiseren. De wetgever achtte het wellicht niet de moeite dat zou worden
nagegaan of de uitkeringsgerechtigde inspanningen daartoe leverde in de korte
periode waarin hij de uitkering genoot. De wetgever stelde, anders dan in het kader
van de werkloosheidsverzekering, ook niet de eis dat de betrokkene beschikbaar was
voor de algemene arbeidsmarkt. Dat uitgangspunt is niet gewijzigd, al is de periode
waarin de betrokkene faillissementsuitkeringen kan genieten, intussen opgetrokken
tot één jaar. Die specifieke kenmerken van de faillissementsverzekering hebben tot
gevolg dat uit het ontbreken van een schorsingsregel ons inziens niet kan worden
afgeleid dat de wetgever afstand heeft genomen van de principiële schorsing van
socialeverzekeringsprestaties. Wellicht heeft de wetgever de hypothese van de
detentie van de uitkeringsgerechtigde om een reden die geen verband hield met het
faillissement, gewoon niet voor ogen gehad.
Ten slotte wordt de betaling van gezinsbijslagen niet geschorst. De wetgever stelt
integendeel uitdrukkelijke regels vast om zoveel mogelijk de doorbetaling van de
gezinsbijslagen te waarborgen. De wetgever laat zich hierbij deels door praktische
motieven leiden. Ingeval de rechthebbende wordt gedetineerd, zou men in vele
gevallen voor hetzelfde rechtgevend kind wel een andere rechthebbende vinden,
zodat de gezinsbijslagen via die weg verzekerd zouden blijven. Het opheffen van de
schorsingsregel laat toe hetzelfde resultaat te bereiken met minder administratieve
58
Art. 47 Arbeidsongevallenwet; art. 14-14bis Arbeidsongevallenwet Overheidspersoneel;
art. 51 Beroepsziektewet.
119
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
rompslomp en komt uiteraard ook de betrokken kinderen ten goede.59 De
tussenkomst van de FOD Justitie zou ook geen voldoende grond voor een schorsing
vormen, ongeacht of men de gezinsbijslagen beschouwt als een recht van het kind of
als een voordeel voor de volwassene die het rechtgevende kind ten laste heeft. De
FOD Justitie neemt immers alleen de gedetineerde en niet zijn kinderen ten laste.
24. Men kan uit wat hoger is uiteengezet, besluiten dat de schorsing van
socialeverzekeringsprestaties onvoldoende wordt gerechtvaardigd met het
ingeroepen motief dat de betrokkene reeds ten laste is van de overheid, dat de
schorsing meer blootstaat aan kritiek naarmate de geschorste uitkering de
tussenkomst van de FOD Justitie overtreft en dat, zelfs op het vlak van het principe
van de schorsing, de diverse sociale verzekeringen weinig coherente regels kennen.
3. Nood aan een betere afstemming op de externe rechtspositie van
gedetineerden
25. De wetgever duidt de personen aan wie een schorsing van hun
socialezekerheidsprestatie wordt opgelegd, niet steeds in dezelfde bewoordingen
aan. Bovendien zijn de wetsbepalingen die een schorsing van
socialezekerheidsprestaties opleggen, nog niet aangepast aan de intussen gewijzigde
of nieuwe strafuitvoeringsmodaliteiten waarin de externe rechtspositie van de
gedetineerden thans voorziet.60
De antwoorden van de bevoegde ministers op in het parlement gestelde vragen
brengen ter zake vaak wel enige opheldering. Toch zou de wetgever
interpretatieproblemen en daarmee gepaard gaande rechtsonzekerheid kunnen
voorkomen door in de diverse schorsingsbepalingen en tewerkstellingsmaatregelen
uitdrukkelijk te refereren aan de strafuitvoeringsmodaliteiten waarop zij van
toepassing zijn.
26. De wetgever moet niet alleen voor meer terminologische duidelijkheid zorgen, hij
dient zich evenzeer te beraden over het principe van de schorsing van de
socialezekerheidsprestaties ten aanzien van gedetineerden extra muros.
Het motief dat de betrokkene al ten laste is van de overheid, kan de schorsing van de
socialezekerheidsuitkeringen slechts rechtvaardigen, als de FOD Justitie ook de
gedetineerden extra muros effectief ten laste neemt. De integrale schorsing van
socialezekerheidsuitkeringen kan voorts worden beschouwd als een bijkomende
straf, voor zover die tenlasteneming minder om het lijf heeft dan de tussenkomst van
59
60
120
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 245-267.
Dat blijkt bijvoorbeeld duidelijk uit de wijze waarop de gedetineerde begunstigden van
diverse tewerkstellingsmaatregelen worden aangeduid (zie G. VAN LIMBERGHEN en
V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten,
Brugge, die Keure, 2008, 121-137).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
de sociale zekerheid. Als de wetgever bijvoorbeeld een tussenkomst van de FOD
Justitie ten behoeve van gedetineerden onder elektronisch toezicht wenst te
behouden, dient hij dan ook het peil van die tussenkomst te koppelen aan de evolutie
van het leefloon. Zoniet dreigt die tussenkomst voortdurend achterop te hinken bij
het leefloon waarop gedetineerden onder elektronisch toezicht anders aanspraak
zouden kunnen maken.61
Voorts dient de wetgever te waken over de gelijke behandeling van gedetineerden
met vergelijkbare strafuitvoeringsmodaliteiten.
Het verdient ons inziens de voorkeur dat de wetgever daarbij het effectieve verblijf
in de gevangenis veeleer dan de inschrijving op de rol van een strafinrichting als
criterium voor een verschillende behandeling zou nemen. De wetgever dient zich in
het bijzonder de vraag te stellen of de verschillen tussen het elektronische toezicht
en de beperkte hechtenis een voldoende rechtvaardiging vormen voor de thans erg
uiteenlopende behandeling van beide categorieën van gedetineerden. De
gedetineerde onder elektronisch toezicht behoudt of verkrijgt meestal opnieuw de
betaling van zijn socialezekerheidsuitkering, terwijl voor gedetineerden in beperkte
detentie de volledige schorsing van de uitkering de regel blijft.62
4. Nood aan een betere afstemming op de interne rechtspositie van
gedetineerden
27. De integrale schorsing van socialezekerheidsprestaties komt neer op een verlies aan
sociale bescherming en kan worden beschouwd als een bijkomende straf of een
vorm van vermijdbare detentieschade, ingeval de tussenkomst van de FOD Justitie
niet evenwaardig is aan het peil van de geschorste socialezekerheidsprestatie. Het
moet bovendien worden voorkomen dat de detentie ook na de vrijlating van de
betrokkene een verlies aan sociale bescherming blijft veroorzaken. Daarenboven
moet worden voorkomen dat de schorsing niet alleen de gedetineerde, maar ook de
leden van zijn gezin treft.
a) Meer eerbied voor de sociale grondrechten van gedetineerden
28. Artikel 23 van de Grondwet verleent eenieder, dus ook de gedetineerden, het recht
op sociale zekerheid. De gedetineerde mag overeenkomstig artikel 6, § 1 van de
Basiswet geen andere beperkingen van zijn sociale rechten ondergaan dan deze die
voortvloeien uit of onlosmakelijk verbonden zijn met de vrijheidsberoving en deze
die worden bepaald door of krachtens de wet. Gedetineerden mogen dus niet worden
61
62
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 311-356.
Eén van de gevolgen van dit verschil in behandeling bestaat erin dat de gedetineerde
onder elektronisch toezicht recht heeft op een werkloosheidsuitkering, terwijl de
gedetineerde in beperkte hechtenis ervan verstoken blijft, terwijl beiden beschikbaar
zijn voor de algemene arbeidsmarkt.
121
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
beroofd van hun recht op sociale zekerheid onder het voorwendsel dat een ander
beschermingsmechanisme hen ten laste neemt. De schorsing van
socialezekerheidsprestaties is maar geoorloofd, voor zover de FOD Justitie effectief
een gelijkwaardige bescherming biedt.
De tenlasteneming door de FOD Justitie haalt in vele gevallen echter niet hetzelfde
peil als dat van socialeverzekeringsprestaties of socialebijstandsuitkeringen.
Als de wetgever blijft vasthouden aan de schorsing van socialezekerheidsprestaties,
moet hij telkens waar nodig, ofwel de toekenning van een « surplus » door het
socialezekerheidssysteem toelaten, ofwel de tussenkomst van de FOD Justitie
verhogen.
In het eerste geval dient de wetgever de respectieve verantwoordelijkheden van de
FOD Justitie en de respectieve socialezekerheidsinstellingen te verduidelijken en,
vooral wat het recht op maatschappelijke integratie en het recht op maatschappelijke
dienstverlening betreft, oog te hebben voor een daarmee overeenstemmende
allocatie van middelen.
In het tweede geval moet de wetgever voorzien in een automatische koppeling van
de tussenkomst van de FOD Justitie aan het niveau van de
socialezekerheidsprestaties om te vermijden dat de sociale bescherming van
gedetineerden achterop hinkt bij indexering of verhoging van socialezekerheidsprestaties.
b) Meer aandacht voor de rechten van de gedetineerde na de vrijlating
29. De onttrekking van gedetineerden aan het socialezekerheidssysteem na afloop van
de detentie63 is een veel radicalere uitsluiting uit de samenleving dan wordt bedoeld
met de tenuitvoerlegging van de vrijheidsstraf en komt neer op een vorm van
overbestraffing in de zin van artikel 6, § 1 van de Basiswet.
Toch heeft onze socialezekerheidswetgeving in een aantal gevallen tot gevolg dat
detentie kan leiden tot een verlies van socialezekerheidsaanspraken na de vrijlating
van de betrokkene. Zo kunnen het bestaan van wachttermijnen en referentieperioden
waarin de sociaal verzekerde een bepaald beroepsverleden of een aantal
bijdragestortingen moet aantonen, dat de sociaal verzekerde niet kan voldoen aan de
voorwaarden voor de toekenning van een socialezekerheidsprestatie, omwille van
zijn detentie in het verleden. De verlenging van dergelijke referentieperioden64 en de
63
64
122
Na afloop van de detentie stopt immers ook de tussenkomst van het andere
beschermingsmechanisme.
De failissementsverzekering der zelfstandigen zou op dat punt kunnen leren van de
werkloosheidsverzekering (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale
zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 142143).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
inkorting van dergelijke wachttermijnen in verhouding tot de duur van de detentie65
kunnen dan verlies van socialezekerheidsrechten na de vrijlating voorkomen.
Een aanbod van afdoende mogelijkheden tot voortgezette verzekering kan ertoe
leiden dat de gedetineerde de hoedanigheid van sociaal verzekerde bewaart of verder
socialezekerheidsrechten opbouwt tijdens zijn vrijheidsberoving. De wetgever zou
kunnen overwegen om dat voordeel zonder bijdragebetaling toe te kennen aan
gedetineerden die gevangenisarbeid verrichten.66
30. Het meest tegen de borst stuit ons inziens het verval van pensioenrechten voor
ambtenaren.
De veroordeling van een ambtenaar tot een criminele straf heeft nog steeds het
verval van zijn toekomstige pensioenrechten als ambtenaar tot gevolg. De
toekomstige pensioenrechten die hij in ruil daarvoor verwerft in de
pensioenverzekering voor werknemers, maken dat pensioenverlies niet volledig
ongedaan.
Bovendien leidt de veroordeling tot een criminele straf tot het verval van een reeds
toegekend ambtenarenpensioen. Dat verval wordt in het geheel niet gecompenseerd
met de toekenning van een werknemerspensioen. Deze maatregel treft de ambtenaar
harder, naarmate hij zich meer ten dienste van de overheid heeft gesteld en een
hoger pensioen heeft verworven.
Beide vormen van pensioenverval sorteren effect na de vrijlating van de betrokkene.
Het verval van pensioenrechten krijgt aldus het karakter van een bijkomende straf en
miskent, ondanks de mogelijkheid van eerherstel of gratieverlening, de beginselen
van de Basiswet. De wetgever dient het verval van pensioenrechten als ambtenaar
ongedaan te maken en het verval van een reeds ingegaan overheidspensioen om te
zetten in een schorsing ervan, als hij geen afstand wenst te nemen van de schorsing
van andere pensioenen dan de rustpensioenen voor ambtenaren.
c) Meer aandacht voor de gezinssituatie van de gedetineerde
31. De schorsingsregels in de diverse socialezekerheidsregelingen houden niet allemaal
rekening met het bestaan van gezinsleden van de gedetineerde en vertonen op dat
vlak ook een gebrek aan onderlinge coherentie. Dat geldt zowel ingeval de
uitkeringsgerechtigde wordt gedetineerd, als ingeval een persoon ten laste van de
uitkeringsgerechtigde in hechtenis wordt genomen.
65
66
Op die manier kan bijvoorbeeld het verlies van vervroegde rustpensioenen of van
minimumpensioenen worden voorkomen.
Het lijkt weinig waarschijnlijk dat het grondwettelijk gelijkheidsbeginsel de wetgever
verplicht om dat te doen (zie ook M. COUSINS, “Overview of recent Cases before the
European Court of Human Rigths and the European Court of Justice (OctoberDecember 2007)”, European Journal of Social Security 2007, 371-372).
123
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
1°
Detentie van de uitkeringsgerechtigde
32. De schorsingsregels lopen sterk uiteen, als de uitkeringsgerechtigde met gezinslast
zelf wordt gedetineerd.
Het leefloon, de werkloosheidsuitkeringen, de tegemoetkomingen aan personen met
een handicap en de inkomensgarantie voor ouderen worden volledig geschorst.
Hoewel het bedrag van deze uitkeringen wordt verhoogd naargelang van de
gezinslast van de uitkeringsgerechtigde, slaat de volledige schorsing van de prestatie
zwaarder toe naarmate de verhoging wegens gezinslasten een hoger peil bereikt.67
Beter vergaat het gepensioneerde werknemers en zelfstandigen en hun echtgenoot
ten laste. De detentie wordt immers behandeld als een geval van feitelijke scheiding,
zodat de niet-gedetineerde echtgenoot ten laste de helft van het gezinspensioen blijft
ontvangen. De echtgenoot van de gedetineerde wordt behandeld op dezelfde wijze
als de echtgenoot die wordt geconfronteerd met een werkelijke feitelijke scheiding.
Een nog gunstigere regeling is getroffen voor de gerechtigden op arbeidsongeschiktheidsuitkeringen met een persoon ten laste. Hun uitkering wordt helemaal
niet geschorst.
33. Het motief voor de schorsing van de socialezekerheidsprestatie bestaat erin dat de
gedetineerde wordt ten laste genomen door de FOD Justitie.
De FOD staat echter slechts in voor de persoon van de gedetineerde. De volledige
schorsing van socialezekerheidsuitkeringen die buiten het geval van detentie worden
verhoogd wegens de gezinslasten van de uitkeringsgerechtigde, is zowel een vorm
van vermijdbare en dus te vermijden detentieschade, als een aanslag op
normaliseringsprincipe.68 De volledige schorsing van socialezekerheidsprestaties in
geval van detentie van de uitkeringsgerechtigde is ons inziens niet verenigbaar met
de beginselen waarop de Basiswet berust.
Een gedeeltelijke schorsing van de uitkering die rekening houdt met de mate waarin
de FOD Justitie instaat voor het levensonderhoud van de gedetineerde
uitkeringsgerechtigde zelf, lijkt wel te stroken met de Basiswet. De wetgever zou
dan wel voor meer onderlinge consistentie van de schorsingsregels moeten zorgen.
34. Dat lijkt evenwel geen lichte opdracht te zijn.
67
68
124
Alleen de schorsing van de inkomensgarantie voor ouderen blijft in dat opzicht vrij van
kritiek. Het bedrag van deze uitkering wordt immers nooit verhoogd wegens de
gezinslasten van de uitkeringsgerechtigde.
Dat blijkt zeer duidelijk in de gevallen waarin de schorsing van de
socialezekerheidsuitkering de gedetineerde in de feitelijke onmogelijkheid stelt om nog
langer onderhoudsgeld te betalen.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Men zou misschien voorstellen alleen het basisbedrag van de uitkering te schorsen
bij detentie van de uitkeringsgerechtigde en voor het overige de verhoging wegens
gezinslast van dat bedrag door te betalen. De afgeleide rechten van de personen ten
laste van de gedetineerde uitkeringsgerechtigde blijven dan onaangetast. Vooral in
het kader van de sociale verzekeringen stoot een dergelijk voorstel op bezwaren. De
verhoging van een socialezekerheidsprestatie wegens gezinslast vertegenwoordigt
immers in vrijwel alle sociale verzekeringen waarin zij voorkomt, een zeer gering
gedeelte van de totale uitkering waarop de gerechtigde aanspraak kan maken vóór
zijn detentie. De persoon ten laste die niet is gedetineerd, zou dan een zo schraal
gedeelte
van
de
voorheen
aan
de
gedetineerde
toegekende
socialeverzekeringsprestatie ontvangen dat hij in feite wordt verwezen naar de
socialebijstandsregelingen. Niet alle vermijdbare detentieschade wordt aldus
voorkomen.
De schorsingsregel in de pensioenverzekeringen voor werknemers en zelfstandigen
lijkt daarom beter model te kunnen staan voor een mogelijke oplossing. De detentie
van de uitkeringsgerechtigde heeft in de pensioenverzekeringen immers slechts de
schorsing van de helft van de uitkering aan gezinsbedrag tot gevolg, zodat de in
vrijheid vertoevende persoon ten laste de andere helft blijft ontvangen. Die regel zou
kunnen worden ingevoerd in de socialebijstandsregelingen.69 Vele
socialebijstandsuitkeringen verdubbelen thans immers het bedrag van hun
uitkeringen voor gerechtigden met personen ten laste.70
De invoering van die regel in de andere sociale verzekeringen ligt echter moeilijker.
Feitelijke scheiding leidt in de werkloosheidsverzekering thans tot een daling van
het bedrag van de werkloosheidsuitkering, tenzij de werkloze op grond van een
rechterlijke of notariële akte onderhoudsgeld betaalt of zijn echtgenoot is
gemachtigd door derden verschuldigde geldsommen te ontvangen. Behoudens in die
laatste hypothese zou de overname van de schorsingsregel in de
pensioenverzekeringen erop neerkomen dat de wetgever eerst moet bepalen dat bij
feitelijke scheiding de werkloosheidsuitkering « aan gezinsbedrag » behouden blijft
69
70
Een vergelijkbare regeling bestaat reeds, wat de inkomensgarantie voor ouderen betreft.
Elk lid van het gezin heeft een individueel recht op die uitkering, zodra de betrokkene
voldoet aan de voorwaarden voor de toekenning ervan. Bovendien wordt het bedrag van
die uitkering niet verhoogd wegens gezinslast. De detentie van één van de betrokkenen
brengt op zich geen verandering in het recht van de andere. Als de detentie zou
uitmonden in een afzonderlijke hoofdverblijfplaats voor de gedetineerde, kan wel
verandering in het toegekende bedrag optreden (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER
PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die
Keure, 2008, 306-308).
Dat geldt voor het leefloon en de inkomensvervangende tegemoetkoming voor personen
met een handicap. Voor zover de achterblijvende persoon dan zelf aanspraak kan maken
op een socialebijstandsuitkering, bekomt hij in feite nu reeds een gehalveerde
gezinsuitkering.
125
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
en dat slechts de helft, met name het deel van de gedetineerde werkloze, wordt
geschorst. De vraag rijst of de wetgever daartoe bereid zou zijn. In de
arbeidsongeschiktheidsverzekering zou de invoering van de schorsingsregel in de
pensioenverzekeringen een achteruitgang voor de betrokkenen betekenen, omdat de
gedetineerde arbeidsongeschikte thans zijn uitkering integraal behoudt, ingeval deze
wegens gezinslast is verhoogd.
Daar komt nog bovenop dat een gehalveerd gezinspensioen in de huidige stand van
zaken ook niet altijd het peil van socialebijstandsuitkeringen voor alleenstaanden
haalt, zodat de niet-gedetineerde persoon ten laste vaak niet gevrijwaard blijft van
een ernstige daling van zijn levensstandaard, al geldt dit ook voor gevallen van
feitelijke scheiding waarin geen van beide partners is gedetineerd. De uitbreiding
van deze regel naar andere sociale verzekeringen zou aldaar hetzelfde effect
sorteren. Voorstellen in die zin moeten bijgevolg met de nodige omzichtigheid
worden onderzocht.
2°
Detentie van gezinsleden van de uitkeringsgerechtigde
35. Ook de detentie van de persoon ten laste van de uitkeringsgerechtigde heeft,
naargelang van de desbetreffende socialezekerheidsregeling, uiteenlopende gevolgen
voor diens uitkering.
In de werkloosheidsverzekering geldt gedurende een periode van twaalf maanden71
het vermoeden dat de uitkeringsgerechtigde en zijn gedetineerd gezinslid een gezin
blijven vormen. De wetgever houdt aldus ermee rekening dat, ondanks de detentie
van de persoon te zijnen laste, de vrije uitkeringsgerechtigde vaak dezelfde kosten
heeft als vóór de detentie van zijn echtgenoot of partner en ook verplaatsingskosten
voor de bezoeken aan de strafinrichting of de instelling van sociaal verweer moet
dragen.
In de arbeidsongeschiktheidsverzekering behoudt de gerechtigde bij ontstentenis van
een uitdrukkelijke regel in de ene of de andere zin waarschijnlijk zijn hoedanigheid
van gerechtigde met persoon ten laste, indien de gedetineerde te zijnen laste blijft en
dus zolang de gerechtigde hem bijvoorbeeld een maandelijkse som of
onderhoudsgeld betaalt.
In de pensioenverzekeringen voor werknemers en zelfstandigen wordt de halvering
van het gezinspensioen ook toegepast, als de persoon ten laste van de
uitkeringsgerechtigde wordt gedetineerd.
36. Die laatste regeling staat beter geen model voor een uniforme oplossing. Voor zover
men zou mogen aannemen dat door de tussenkomst van de FOD Justitie de
71
126
Art. 59, tweede lid, 2° MB 26 november 1991 houdende toepassingsregelen van de
werkloosheidsreglementering.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
gedetineerde niet meer als persoon ten laste van de uitkeringsgerechtigde kan
worden beschouwd, zou deze laatste ten minste toch het bedrag voor een
alleenstaande moeten ontvangen.
Bovendien zou de wetgever voor alle socialezekerheidsuitkeringen moeten
aannemen dat de uitgaven van de vrije uitkeringsgerechtigde niet onmiddellijk dalen
na de detentie van zijn persoon ten laste, zodat het gerechtvaardigd is de uitkering
aan gezinsbedrag nog enige tijd te handhaven.
De wetgever zou ook nadien de toekenning van het gezinsbedrag kunnen blijven
toestaan, ingeval de uitkeringsgerechtigde kan aantonen nog in een bepaalde mate in
te staan voor het levensonderhoud van de gedetineerde persoon ten laste.
5. Nood aan een betere afstemming op de essentiële waarborgen van het
strafrecht
37. De schorsing van socialezekerheidsprestaties treft gedetineerden meestal reeds vóór
zij zijn veroordeeld. De wetgever vat de schorsing bovendien op als een automatisch
gevolg van de detentie.
a) Vermoeden van onschuld
38. De grond tot schorsing van socialezekerheidsuitkeringen bestaat in de detentie van
de uitkeringsgerechtigde, veeleer dan in zijn veroordeling. Op één uitzondering na
gaat de schorsing van de uitkeringen immers onmiddellijk in bij de aanvang van de
detentie. In alle andere gevallen worden in voorlopige hechtenis genomen
uitkeringsgerechtigden bijgevolg evenzeer door de schorsingsregels getroffen als
veroordeelde uitkeringsgerechtigden.72
39. De onderscheiden socialezekerheidsregelingen kennen voorts uiteenlopende regels,
voor het geval achteraf blijkt dat het gaat om een onwerkdadige hechtenis.73
De werkloosheidsverzekering en de ziekte- en invaliditeitsverzekering bevatten ter
zake geen specifieke regel en voorzien niet in een vertraagde betaling van de
geschorste uitkeringen. De ten onrechte in hechtenis genomen uitkeringsgerechtigde
kan slechts proberen een vergoeding vanwege de Belgische Staat te verkrijgen op
grond van de wet van 13 maart 1973 betreffende de vergoeding voor onwerkzame
voorlopige hechtenis.
72
73
Alleen de pensioenverzekeringen voor werknemers en zelfstandigen stellen de
schorsing van de pensioenbetaling uit tot de vrijheidsberoving een wettelijk vastgestelde
bepaalde duur bereikt. Ook dan is het niet uitgesloten dat de schorsing ingaat, alvorens
de betrokkene is veroordeeld.
Voor uitkeringen die niet worden geschorst, is uiteraard niet voorzien in een regeling
voor gevallen van onderwerkdadige hechtenis.
127
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Leefloon wordt wel achteraf gerecupereerd, tenzij de betrokkene een vergoeding van
de Belgische Staat verkrijgt. De wetgever laat immers de cumulatie van het leefloon
met deze vergoeding niet toe.74
Tegemoetkomingen aan personen met een handicap, pensioenen en de
inkomensgarantie voor ouderen worden achteraf gestort, ongeacht of de betrokkene
tevens aanspraak maakt op die vergoeding.
Ook op dit punt mangelt het de diverse schorsingsregels aan onderlinge coherentie.
40. Kan men aanvoeren dat niet de veroordeling, maar de hechtenis de grondslag is voor
de schorsing van de socialezekerheidsprestaties, vermits het motief van de wetgever
erin bestaat dat de betrokkene geen twee maal ten laste moet worden genomen door
de overheid? Zou men daaruit kunnen afleiden dat de schorsingsregels niet op
gespannen voet staan met het vermoeden van onschuld? Zou men dan ook de
gevolgtrekking kunnen maken dat de betrokkene geen aanspraak op latere betaling
van de geschorste prestatie moet worden gegund, vermits hij ook tijdens de
onwerkdadige hechtenis ten laste is van de FOD Justitie en de latere betaling van de
uitkering de consistentie van de schorsingsregel ondergraaft?
De gedetineerde zou – als men die redenering volgt – het verschil tussen zijn
ingehouden uitkering en de tenlasteneming door de FOD Justitie kunnen
terugvorderen in de vorm van een vergoeding. Die oplossing schenkt geen volledige
voldoening. Zij zou erop neerkomen dat de betrokkene onrechtstreeks ertoe wordt
verplicht ten minste tijdelijk bij te dragen tot de onderhouds- en verblijfskosten van
zijn
onrechtmatige
hechtenis.
De
volledige
teruggave
van
de
socialezekerheidsprestatie verdient de voorkeur. De uitkeringsgerechtigde verkrijgt
dan immers op een makkelijkere wijze het ten onrechte gederfde bedrag. Er bestaat
immers geen discussie over de omvang van dat bedrag en er moet ook geen
bijzondere procedure worden gevolgd. Men mag daarenboven niet uit het oog
verliezen dat het genot van een socialezekerheidsuitkering gepaard gaat met andere
voordelen die niet verbonden zijn aan een vergoeding,75 die de ten onrechte in
hechtenis genomen uitkeringsgerechtigde bijgevolg niet helemaal herstelt in de
tevoren bestaande toestand. De integrale teruggave van een socialebijstandsuitkering
zou evenwel slechts mogen worden toegelaten bij ontstentenis van een effectieve
vergoeding wegens onwerkdadige of onrechtmatige hechtenis. De toegekende
vergoeding zou dan in mindering moeten worden gebracht op de desbetreffende
socialebijstandsuitkering, voor zover zij niet louter de morele schade van de
betrokkene compenseert.
74
75
128
Die regel veroorzaakt thans interpretatieproblemen (zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN
DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die
Keure, 2008, 331-332).
Zo behoudt de uitkeringsgerechtigde de hoedanigheid van sociaal verzekerde in andere
sectoren van de sociale zekerheid.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
41. Een zodanige handelwijze strookt ook beter met het strafrechtelijke vermoeden van
onschuld. Dat vermoeden zou nog beter worden geëerbiedigd, ingeval zelfs de
gedeeltelijke schorsing van een socialezekerheidsuitkering pas zou ingaan op het
ogenblik waarop de gedetineerde effectief veroordeeld is, zodat van een
onwerkdadige hechtenis geen sprake meer kan zijn. Het vermoeden van onschuld
vereist immers dat elke vorm van detentieschade die niet onontkoombaar verbonden
is aan de vrijheidsberoving, maximaal wordt voorkomen ten aanzien van nietveroordeelde gedetineerden. De Basiswet bepaalt in die zin dat verdachten de
faciliteiten die verenigbaar zijn met de orde en de veiligheid en bepaalde
aanpassingen van hun regime van uitvoering van de vrijheidsbenemende maatregel
dienen te genieten, zodat elke schijn wordt vermeden dat hun vrijheidsbeneming het
karakter heeft van een straf.76 Men mag wellicht aannemen dat het uitstel van de
schorsing gedurende een voldoende lange periode, gecombineerd met de teruggave
van bij onwerkdadige hechtenis ingehouden uitkeringen, in grote mate daarop
neerkomt.77
Als de wetgever voor de schorsing van socialezekerheidsuitkeringen blijft opteren,
zou hij met een uitstel van de schorsing beter het proportionaliteitsbeginsel
eerbiedigen. De wetgever zou dan immers de uitkeringsgerechtigden die in geval
van detentie weinig vat hebben op de gebeurtenissen, een overgangsperiode gunnen
en aldus voorkomen dat de schorsing als maatregel van algemeen belang een
onevenredige last legt op individuele gerechtigden. Het uitstel van de schorsing
veroorzaakt misschien enig gebrek aan coherentie. De gedetineerde zou in het begin
van zijn detentie bevoordeeld kunnen zijn ten opzichte van de niet-gedetineerde
uitkeringsgerechtigde. Niettemin vertoont een “geïnstitutionaliseerd” uitstel van de
schorsing nog een belangrijk praktisch voordeel. Uitstel van schorsing vermindert de
noodzaak
tot
terugvordering
van
onverschuldigd
betaalde
socialezekerheidsuitkeringen door de socialezekerheidsinstellingen die vaak niet tijdig
ervan op de hoogte zijn dat de uitkeringsgerechtigde is gedetineerd. Uitstel
eerbiedigt ook beter het recht op privacy van gedetineerden waaraan ook de nodige
aandacht moet worden geschonken bij het uitwerken van een sluitende uitwisseling
van informatie tussen gevangenissen en gemeenten en tussen de FOD Justitie en het
socialezekerheidssysteem.78
b) Automatisch gevolg van de straf
42. Zonder dit probleem grondig te analyseren vanuit de invalshoek van het beginsel
non bis in idem,79 wijzen wij erop dat de schorsing van de
76
77
78
79
Art. 10-13 Basiswet.
Die combinatie bestaat in de pensioenverzekeringen voor werknemers en zelfstandigen.
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 381-382.
Dit beginsel werd door het Grondwettelijk Hof ingeroepen met betrekking tot de
wettelijke beperking van het stemrecht van gedetineerden (GWH nr. 187/2005, 14
129
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
socialezekerheidsprestaties van gedetineerden kan overkomen als een automatisch
gevolg van de straf of de schuld.80 Het Grondwettelijk Hof heeft een beroepsverbod
verbonden aan een hoofdveroordeling reeds als ongrondwettelijk beoordeeld, zowel
omwille van het automatische karakter van het verbod, als wegens de
onmogelijkheid voor de gedetineerde om de gegrondheid ervan te betwisten.81 Ook
al bestaat de wettelijke grondslag voor de schorsing veeleer in de detentie dan in de
veroordeling van de uitkeringsgerechtigde, toch rijst de vraag of de schorsing van
socialezekerheidsprestaties moet worden beschouwd als een automatisch gevolg van
de straf of de schuld, als men rekening houdt met het gebrek aan consistentie tussen
de schorsingsregels en het motief dat de wetgever ervoor inroept.
c) Bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf als alternatief voor de schorsing
43. Bij de beleidskeuze van de wetgever om de sociale bescherming van gedetineerden
toe te vertrouwen aan de FOD Justitie en dienvolgens de uitbetaling van vele
socialezekerheidsuitkeringen geheel of gedeeltelijk te schorsen, kunnen, zoals hoger
is uiteengezet, kritische vragen worden gesteld. Voorts staat de wijze waarop die
beleidskeuze wordt geïmplementeerd, bloot aan ernstige kritiek. Het mangelt de
schorsingsbepalingen aan consistentie en coherentie. Daarenboven dienen zij beter
in overeenstemming gebracht te worden met de principes waarop de interne
rechtspositie van gedetineerden berust, met de strafuitvoeringsmodaliteiten waarin
de externe rechtspositie van gedetineerden voorziet en met bepaalde essentiële
strafrechtelijke waarborgen.
Zoals wij hierna uiteenzetten, kan de heffing van een bijdrage in de kosten van
onderhoud en verblijf tegemoetkomen aan die pijnpunten. In dat geval wordt het
integrale behoud van de betaling van socialezekerheidsuitkeringen aan
gedetineerden de regel met als tempering een inhouding aan de bron met het oog op
de financiering van onderhoud en verblijf in de gevangenis.82 Een dergelijke
bijdrage mag ons inziens slechts ertoe strekken de kosten van levensonderhoud in de
brede zin (voedsel, enz.) te dekken. Het gevangeniswezen wordt immers
80
81
82
130
december 2005). Zie voorts bijvoorbeeld RvS nr. 91/2008, 18 juni 2008; RvS nr.
67/2007, 26 april 2007.
Cf. Ch. VANDERLINDEN, “Travail pénitentiaire et sécurité sociale du détenu”, RPDC
2003, 668.
GwH nr. 57/98, 27 mei 1998; GwH nr. 87/98, 15 juli 1998; GwH nr. 38/2000, 29 maart
2000; GwH nr. 40/2000, 6 april 2000; GwH nr. 77/2000, 27 juni 2000.
De voeding en het onderhoud van gevangenen zouden in 2007 gemiddeld € 4,12 per
gevangene per dag hebben gekost (DIRECTORAAT-GENERAAL PENITENTIAIRE
INRICHTINGEN FOD JUSTITIE, Activiteitenverslag 2007,
www.just.fgov.be/img_justice/publications/pdf/241.pdf 34). Volgens het OBSERVATOIRE
INTERNATIONAL DES PRISONS beschikken de gevangenissen ongeveer over € 3 per
gevangene per dag en is dat bedrag niet meer geïndexeerd in de laatste vijftien jaar
(OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS (Section belge), Notice 2008 – De l’état
du système carcéral belge,
www.oipbelgique.be/biblio.php?type=notice&annee=2008, 92).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
gefinancierd met publieke middelen. Het zou niet gerechtvaardigd zijn om de
gedetineerde te doen bijdragen in de kosten van de infrastructuur, de
personeelskosten, de kosten van beveiliging, enz.83 Het gaat ook niet erom de
gedetineerden te doen betalen voor wat eerder gratis was. De thans gangbare
schorsing van socialezekerheidsprestaties komt immers onrechtstreeks neer op een
excessieve en ongelijk gespreide bijdrage tot de kosten van de hechtenis.
Voorts moet erop gewezen worden dat de bijdrage in overeenstemming moet zijn
met de beginselen van de Basiswet die menswaardige levensomstandigheden, een
minimum aan verblijfsruimte, kwaliteitsvolle voeding en gezondheidszorgen en een
passende bezoldiging van gevangenisarbeid eist.84 Men kan niet toelaten dat
gedetineerden bijdragen tot de financiering van hen opgelegde erbarmelijke
levensomstandigheden.
De bijdrageheffing moet slechts worden overwogen, op voorwaarde dat de schorsing
van de betaling van socialezekerheidsuitkeringen eerst wordt opgeheven en de
gedetineerde beschikt over billijke financiële middelen. In die zin komt ons voorstel
tegemoet aan de opmerkingen van de Commissie-Dupont die zich in 2001 diende uit
te spreken over artikel 84 van het voorontwerp van de Basiswet. Die bepaling die
verdween tijdens de finale herziening van de wet, verleende aan de Koning de
mogelijkheid om te bepalen dat een gedeelte van de arbeidsinkomsten van de
gedetineerden zou worden ingehouden ten voordele van de staat als bijdrage tot hun
verblijf in de gevangenis. Volgens de commissieleden mocht alleen aan
veroordeelden die beschikten over een normaal (vervangings)inkomen, de betaling
van een gedeelte van hun onderhoudskosten worden opgelegd.85/86 De commissie
sloot zich aan bij de opvatting van G. DE JONGE87 dat het vermoeden van onschuld
zich ertegen verzet dat die heffing eveneens aan verdachten zou worden opgelegd.
83
84
85
86
87
Dat is ook het standpunt van de Commissie-Dupont: “Het huidig artikel 66 van het
Algemeen Reglement van de Strafinrichtingen bepaalt thans dat op de opbrengst van de
geleverde gevangenisarbeid ten voordele van de Staat vier tienden als beheerskosten
worden afgehouden. Aangezien het gevangeniswezen, evenals vele andere
overheidsinstellingen, uit de algemene middelen gefinancierd wordt, kan bezwaarlijk
een argument gevonden worden voor het afdragen door gedetineerden van een gedeelte
van hun inkomen specifiek tot bestrijding van de kosten van de penitentiaire
infrastructuur” (Eindverslag van de commissie “basiswet gevangeniswezen en
rechtspositie van gedetineerden”, Parl.St. Kamer 2000-01, nr. 1076/1, 161).
Art. 41 e.v. Basiswet.
Eindverslag van de commissie “basiswet gevangeniswezen en rechtspositie van
gedetineerden”, Parl St. Kamer 2000-01, nr. 1076/1, 160-161.
Zie ook G. DE JONGE, Strafwerk, Over de arbeidsverhouding tussen gedetineerden en
Justitie, Breda, Papieren Tijger, 1994, 162-164.
G. DE JONGE, Strafwerk, Over de arbeidsverhouding tussen gedetineerden en Justitie,
Breda, Papieren Tijger, 1994, 163.
131
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Artikel 84 van het voorontwerp werd niet behouden in de uiteindelijke wettekst,
omdat het niet voldeed aan die legitimiteitsvereisten.88
44. De vervanging van de schorsing van socialezekerheidsprestaties door een dergelijke
bijdrage zou tegemoetkomen aan een aantal principiële bezwaren tegen de schorsing
van socialezekerheidsprestaties. De bijdrage zou de regels inzake de sociale
bescherming van gedetineerden voorts veel consistenter en coherenter kunnen
maken en ze beter verzoenbaar maken met de fundamentele waarborgen die
gedetineerden ontlenen aan het strafrecht.
45. De bevolking is gerechtigd van de wetgever te verlangen dat hij zich bezint over een
eerder gemaakte keuze. De problematiek van de sociale bescherming van (ex-)
gedetineerden en hun gezin, is immers van groot belang voor de hele maatschappij.
De sociale bescherming die (ex-)gedetineerden en hun verwanten genieten, draagt
ontegensprekelijk bij tot hun vooruitzicht op re-integratie, tot de eerbied voor hun
waardigheid en tot het voorkomen van recidive. De doctrine toont aan dat geen
enkele relatie bestaat tussen het aantal opsluitingen en het niveau van criminaliteit.
De gevangenis blijkt met andere woorden zeer weinig af te schrikken. Daarentegen
bestaat een nauw verband tussen het aantal opsluitingen en de bestaansonzekerheid,
ja zelfs de werkloosheidsgraad van de bevolking van een land.89 Bestaanszekerheid
garanderen aan een individu beschermt de maatschappij bijgevolg tegen de
verleiding van één van haar leden om (opnieuw) de onderlinge samenhorigheid te
verbreken.
1) Keuze voor de heffing van een bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf
met het oog op meer overeenstemming met de sociale grondrechten van
gedetineerden
46. De schorsing van socialezekerheidsprestaties bij detentie stuit op principiële kritiek.
Het grondrecht op sociale verzekering en op sociale bijstand wordt immers onder
meer bij artikel 23 van de Grondwet ook verzekerd aan gedetineerden. Detentie
neemt vaak niet weg dat het door een sociale verzekering gedekte risico of de door
een socialebijstandsregeling bestreden behoefte blijft bestaan of leidt soms zelfs
ertoe dat die behoefte ontstaat. Als dat het geval is, zou de wetgever moeten
88
89
132
De heffing van een bijdrage op de bezoldiging van gevangenisarbeid als bijdrage tot
zijn onderhoudskosten wordt kritisch onthaald door sommige auteurs (zie
Ph. AUVERGNON en C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une approche
juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, 121). Die
regeling werd in Frankrijk trouwens opgeheven bij wet 2002-1138 van 9 september
2002. In zijn bijdrage tot deze bundel preciseert Ph. AUVERGNON bovendien dat in Italië
de gedetineerden bijdragen tot hun huisvestingskosten met de opbrengst van hun arbeid,
maar dat dit niet of niet meer het geval is in Duitsland, Engeland, Spanje en Frankrijk.
G. RUSCHE en O. KIRCHHEIMER, Peine et structure sociale: histoire et théorie critique
du régime pénal, Paris, Cerf, 1994, 399 p.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
voorzien in de toekenning en uitbetaling van de overeenstemmende
socialezekerheidsprestatie, ook al is de uitkeringsgerechtigde gedetineerd.90
De integrale schorsing van socialezekerheidsprestaties leidt bovendien tot
ongelijkheid, omdat het bedrag van de geschorste uitkeringen sterk uiteenloopt. Het
toegekende bedrag van socialebijstandsuitkeringen is hoger, naarmate de
uitkeringsgerechtigde over minder bestaansmiddelen beschikt. De integrale
schorsing ervan treft de meest behoeftige uitkeringsgerechtigden dus het hardst. De
schorsing van socialeverzekeringsprestaties benadeelt de uitkeringsgerechtigden
meer, naargelang zij voordien meer arbeid hebben gepresteerd en een hoger
beroepsinkomen hebben genoten en bijgevolg ook meer hebben bijgedragen tot de
financiering van de sociale verzekeringen. Het motief voor de schorsing bestaat erin
dat de uitkeringsgerechtigde reeds ten laste is van de overheid. Dat motief zou een
verband tussen de omvang van de tenlasteneming door de FOD Justitie en de
omvang van de schorsing verklaren, maar rechtvaardigt niet dat tegelijkertijd de
meest behoeftige en de meest bijdragende uitkeringsgerechtigden harder worden
getroffen.
47. Men verdedigt de schorsing van socialezekerheidsprestaties met het argument dat
gedetineerde uitkeringsgerechtigden anders worden bevoordeeld, zowel ten opzichte
van uitkeringsgerechtigden die niet zijn gedetineerd en bijgevolg geen tussenkomst
van de FOD Justitie genieten, als ten opzichte van gedetineerden die hun
arbeidsinkomen verliezen als gevolg van hun detentie.
In beide gevallen wordt de beoogde discriminatie voorkomen door de sociale
bescherming van de gedetineerden aanzienlijk te verminderen. De betaling van vele
eerder toegekende socialezekerheidsprestaties wordt geschorst gedurende de periode
van detentie. De schorsing verhindert ook dat gedetineerden die hun arbeidsinkomen
hebben verloren, om die reden aanspraak zouden kunnen maken op de toekenning en
betaling van sommige socialezekerheidsuitkeringen.
De wetgever zou nochtans evengoed gelijkheid van behandeling kunnen nastreven
door de socialezekerheidsprestaties van gedetineerden niet te schorsen, maar een eventueel forfaitair vastgestelde bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf in
de gevangenis erop te heffen. De wetgever zou aldus in eerste instantie vermijden
dat gedetineerde uitkeringsgerechtigden worden bevoordeligd ten opzichte van
uitkeringsgerechtigden die niet in hechtenis worden genomen. Het behoud van de
volledige socialezekerheidsuitkering zou gedetineerden intra muros zonder persoon
ten laste in een gunstigere situatie plaatsen dan de vrije burger (aangezien sommige
behoeften van de gedetineerde ten laste worden genomen door de FOD Justitie). Dat
90
Ter illustratie vermelden wij de discriminerende schorsing van de
werkloosheidsuitkering van de gedetineerde die, op het moment van zijn opsluiting, was
vrijgesteld van de beschikbaarheid voor de algemene arbeidsmarkt.
133
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
zou op zijn beurt in strijd zijn met de Basiswet. Men moet de gedetineerde “ervan
bewust maken” dat het systeem van sociale bescherming niet mag ontaarden.91
De heffing van een bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf zou bovendien
toelaten dat gedetineerden die hun arbeidsinkomen verliezen als gevolg van hun
hechtenis, vanaf en tijdens de vrijheidsberoving aanspraak maken op sommige
socialezekerheidsprestaties die de wetgever hen thans ontzegt door de betaling van
socialezekerheidsuitkeringen te schorsen. De heffing van een “werkelijke” bijdrage
door gedetineerden vermijdt veel meer dan een “blinde” schorsing van de
uitkeringen dat de wetgever om budgettaire redenen onevenredige lasten legt op
individuele rechtsonderhorigen, met name de gedetineerde uitkeringsgerechtigden.
48. Een bijdrage van gedetineerden in de kosten van onderhoud en verblijf is minder
denkbeeldig dan men misschien denkt.
Wij geven twee – zij het niet van kritiek vrijblijvende – voorbeelden van dit
fenomeen. Zo dragen gedetineerden in beperkte hechtenis nu al onder bepaalde
voorwaarden – zij het onder kritiek – rechtstreeks een deel van die kosten92 en wordt
de geringe omvang van de bezoldiging van gevangenisarbeid wel eens gebillijkt –
ten onrechte volgens ons – met het argument dat het eigenlijk gaat om een
tegenprestatie voor de in de gevangenis genoten « kost en inwoning ».93
91
92
93
134
Dat houdt ook in dat de gedetineerde wordt geïntegreerd in het maatschappelijk weefsel
dat dank zij deze sociale bescherming wordt in stand gehouden.
MO 9 februari 1973 ((1172/I) Afhouding voor onderhoudskosten van het loon van de
geetineerden aan wie het stelsel van de “beperkte vrijheid” of de “beperkte hechtenis” is
toegestaan. Uit die omzendbrief blijkt nochtans dat gedetineerden in beperkte vrijheid
slechts moeten bijdragen tot de kosten van detentie als zij een loon ontvangen. In de
praktijk varieert het dagelijks door de gedetineerde te betalen bedrag van gevangenis tot
gevangenis en benadert het 2,5 euro. Op dezelfde wijze wordt het door een werkgever
aan de geïnterneerde in beperkte vrijheid betaalde loon overgemaakt aan de directeur
van de inrichting die dertig procent inhoudt als bijdrage in de kosten van de internering
(Instructies Et/XVIII 7 maart 1966 betreffende het stelsel van de beperkte vrijheid – wet
ter bescherming van de maatschappij van 1 juli 1964, Bestuur van de Penitentiairre
inrichtingen en het Sociaal verweer. De instructies voegen eraan toe dat twintig procent
van het loon beschikbaar is voor aankopen in de kantine, vervoerskosten en hulp aan de
familie. De resterende vijftig procent vormen een reserve die door de directeur wordt
gebruikt voor de aankoop van kledij of werkgereedschap ten behoeve van de
geïnterneerde of voor hulp aan diens familie.
Zie Ph. AUVERGNON en C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une
approche juridique et comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006,
121.
Als men die gedachtegang doortrekt, zou men tot de conclusie komen dat de uitkeringsgerechtigde die gevangenisarbeid verricht, tweemaal bijdraagt tot de kosten van voeding
en onderdak, een eerste maal door de schorsing van zijn socialezekerheidsprestatie en
een tweede maal door de ontoereikende omvang van de bezoldiging voor de
penitentiaire arbeid.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Bovendien kent de Belgische wetgeving al op andere terreinen dan de gevangenis
gevallen waarin een vaste of van bepaalde parameters afhankelijke bijdrage
wordt aangerekend aan personen die gerechtigd zijn en blijven op
socialezekerheidsuitkeringen, terwijl zij de tussenkomst van een ander
beschermingssysteem genieten. De betaling van een gedeelte van de kinderbijslagen
aan de instelling waarin een kind is geplaatst door bemiddeling of ten laste van de
overheid94 en de mogelijkheid voor openbare centra voor maatschappelijk welzijn
om een bijdrage in de kosten van de maatschappelijke dienstverlening te vragen van
uitkeringsgerechtigde begunstigden95 kunnen worden beschouwd als een voorbeeld
daarvan. Hetzelfde geldt voor de gedeeltelijke opschorting van de
integratietegemoetkoming bij opname van de persoon met een handicap in een
instelling, een openbare dienst of een socialezekerheidsinstelling.96
De vergelijking van de doelstelling, aard en omvang van de tussenkomst van die
mechanismen, met de doelstelling, aard en omvang van de tenlasteneming door de
FOD Justitie kan bijdragen tot een beter inzicht in de vorm die de bijdrage van
gedetineerde uitkeringsgerechtigden in de kosten van onderhoud en verblijf kan
aannemen.
2) Consistentie en coherentie van de socialezekerheidswetgeving
49. De tenlasteneming door de FOD Justitie leidt ertoe dat de gedetineerde reeds tot op
zekere hoogte ten laste is van de overheid. Zelfs als men rekening houdt met de
verschillende doelstellingen van de diverse socialezekerheidsregelingen en met de
cumulatiebepalingen die zij bevatten,97 vormt dat ene motief geen valabele
verklaring voor de talrijke verschillen tussen de talrijke schorsingsregels.
Er zou ons inziens een consistent verband bestaan tussen de tenlasteneming door de
FOD Justitie van de gedetineerden en de heffing van een bijdrage in de kosten van
verblijf en onderhoud in de gevangenis. De vervanging van de huidige
schorsingsregels door een dergelijke heffing zou bovendien de coherentie van de
socialezekerheidswetgeving ten goede komen. Die heffing is immers verenigbaar
met de kenmerken en financieringslogica van zowel de socialebijstandsuitkeringen
als de socialeverzekeringsprestaties. Voor beide soorten uitkeringen bestaan immers
cumulatiebepalingen die voorkomen dat eenzelfde behoefte aan bestaanszekerheid
meer dan één maal wordt gelenigd. Zoals hoger is uiteengezet, kent onze
94
95
96
97
Art. 70 Kinderbijslagwet Werknemers.
Art. 98 OCMW-Wet.
Art. 12 Wet Tegemoetkomingen Personen met een handicap; art. 28 Besluit Tegemoetkomingen Personen met een handicap.
Zo kan men bijvoorbeeld aannemen dat de verzekering voor geneeskundige verzorging
geen prestaties verleent, voor zover de FOD Justitie reeds de kosten van de geneeskundige verzorging van een gedetineerde ten laste neemt. In diezelfde zin zou men kunnen
begrijpen dat de tussenkomst van de FOD Justitie wordt beschouwd als een bestaansmiddel dat wordt in mindering gebracht op een toe te kennen socialebijstandsuitkering.
135
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
socialezekerheidsregeling overigens al gevallen waarin een bijdrage wordt
aangerekend
aan
de
gerechtigden
op
een
socialebijstandsof
socialeverzekeringsprestatie, op grond dat zij de tussenkomst van een ander
beschermingssysteem genieten.
Voor zover de tenlasteneming door de FOD Justitie bijdraagt tot het
levensonderhoud en de huisvesting van gedetineerde uitkeringsgerechtigden,
verantwoordt deze tussenkomst de heffing van een bijdrage in de kosten van
onderhoud en verblijf in de gevangenis. Die bijdrage kan worden geheven op alle
socialezekerheidsuitkeringen die het gederfde arbeidsinkomen van de uitkeringsgerechtigde vervangen of hem een minimuminkomen verlenen en die aldus
bijdragen tot zijn levensonderhoud en huisvesting.
De tenlasteneming door de FOD Justitie rechtvaardigt geen heffing van een
dergelijke bijdrage op socialezekerheidsprestaties die het arbeids-, vervangings- of
minimuminkomen van de betrokkene aanvullen, omdat de uitkeringsgerechtigde
bijzondere uitgaven, zoals uitgaven voor de opvoeding van kinderen, medische
verzorging, enz., moet dragen. Voor zover de gedetineerde wordt geconfronteerd
met die uitgaven en de FOD Justitie die uitgaven op zich niet bestrijdt, vindt men in
de tussenkomst van de FOD geen rechtvaardiging voor de heffing van een bijdrage
in de kosten van onderhoud en verblijf op die socialezekerheidsprestaties.
50. Een bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf in de gevangenis zou consistent
zijn met het ervoor ingeroepen motief. Zij kan bovendien worden geheven op een
transparante en coherente wijze. De bijdrage kan immers worden ingehouden op
elke socialeverzekerings- of socialebijstandsuitkering die de vorm van een
minimuminkomen of een vervangingsinkomen aanneemt. De bijdrage mag niet
worden toegepast op socialezekerheidsprestaties die het inkomen van de
uitkeringsgerechtigde aanvullen met het oog op de bestrijding van bepaalde
uitgaven. De aard van de socialezekerheidsuitkering bepaalt met andere woorden of
de bijdrage verschuldigd is of niet.98
3)
Een betere overeenstemming met de strafrechtelijke waarborgen
51. Zoals hoger is uiteengezet, zijn de huidige schorsingsregels onvoldoende aangepast
aan de nieuwe strafuitvoeringsmodaliteiten waarin de externe rechtspositie van
gedetineerden voorziet. De schorsingsregels staan bovendien op gespannen voet met
de basisbeginselen waarop de interne rechtspositie van gedetineerden berust en met
het vermoeden van onschuld.
98
136
Voor zover arbeidsongeschiktheidsuitkeringen worden verhoogd wegens het bijkomend
verlies van zelfredzaamheid van de gerechtigde, mag de bijdrage alleen worden geheven
op het basisbedrag van de uitkering en niet op de verhoging wegens de nood aan de
hulp van derden.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
52. Wat de externe rechtspositie van de gedetineerden betreft, zou de wetgever – als hij
voor de schorsing van socialezekerheidsprestaties blijft opteren – moeten
verduidelijken of hij de schorsing wenst toe te passen ten aanzien van gedetineerden
extra muros. De wetgever zou daarbij het effectieve verblijf in de gevangenis
veeleer dan de inschrijving op de rol van een strafinrichting als uitgangspunt moeten
nemen. De wetgever zou gedetineerden in beperkte hechtenis op dezelfde wijze
moeten behandelen als gedetineerden onder elektronisch toezicht.
Diezelfde zorgvuldigheid mag men ook van de wetgever verlangen, als hij een
bijdrage in de kosten van het verblijf en onderhoud in de gevangenis zou heffen op
socialezekerheidsprestaties. Een dergelijke bijdrage kan uiteraard worden aangepast
aan de verleende strafuitvoeringsmodaliteit. De heffing ervan zou dan niet alleen
bijdragen tot een grotere gelijkheid tussen gedetineerde en niet-gedetineerde
uitkeringsgerechtigden, maar ook tot een gelijke behandeling van gedetineerden,
ongeacht de hun verleende strafuitvoeringsmodaliteiten.
53. De huidige schorsingsregels stroken niet zo goed met de basisprincipes waarop de
interne rechtspositie van de gedetineerden berust.
De schorsing van socialezekerheidsprestaties treft immers gedetineerden die –
behoudens de voorwaarde van detentie – voldoen aan de huidige voorwaarden voor
de toekenning en uitbetaling ervan. Zij wordt gerechtvaardigd met de tenlasteneming
door de FOD Justitie. Deze tussenkomst bereikt zeer vaak evenwel niet het peil van
de geschorste socialezekerheidsprestatie. Zolang de wetgever de tussenkomst van de
FOD Justitie niet optrekt tot het niveau van de socialezekerheidsuitkeringen, stelt de
wetgever zich bloot aan het verwijt dat hij de vrijheidsberoving doet gepaard gaan
met een bijkomende straf of vermijdbare detentieschade in de vorm van een verlies
aan sociale bescherming. Met de heffing van een bijdrage in de kosten van
onderhoud en verblijf in de gevangenis zou de wetgever die kritiek ontzenuwen,
voor zover het bedrag van de bijdrage in verhouding staat tot het genoten voordeel
van de tenlasteneming door de FOD Justitie.
De schorsingsregels stoten nog meer tegen de borst, voor zover zij niet alleen de
gedetineerde zelf, maar ook zijn verwanten treffen. Zij houden ook op zeer
uiteenlopende wijze rekening met de gezinslast van de uitkeringsgerechtigde. Die
diversiteit is ongetwijfeld mede te wijten aan de uiteenlopende wijze waarop de
diverse socialezekerheidsuitkeringen worden aangepast aan de gezinssituatie van de
uitkeringsgerechtigde.
Zolang
de
gezinsmodalisering
van
socialezekerheidsuitkeringen niet wordt geharmoniseerd, rijst de vraag of de
schorsingsregels wel kunnen passen in de gezinsmodalisering van
socialezekerheidsprestaties buiten het geval van detentie, als zij tezelfdertijd ook
moeten worden afgestemd op de interne rechtspositie van de gedetineerden en meer
onderlinge coherentie moeten vertonen. De heffing van een bijdrage in de kosten
van onderhoud en verblijf in de gevangenis zou alleszins tot voordeel hebben dat de
weerslag op de socialezekerheidsuitkering dezelfde blijft, ongeacht of de uitkerings137
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
gerechtigde dan wel zijn persoon ten laste wordt gedetineerd. De bijdrage in de
kosten van onderhoud en verblijf ontneemt – anders dan de schorsing van de
socialezekerheidsprestaties – de betrokken gezinnen geen socialezekerheidsrechten
in geval van detentie en is wel verzoenbaar met de interne rechtspositie van de
gedetineerden.
54. Voor zover de schorsingsregels leiden tot een verlies aan sociale bescherming voor
de gedetineerde of zijn gezin, staan zij op gespannen voet met het vermoeden van
onschuld. De detentie veroorzaakt immers reeds bijkomende schade, alvorens de
betrokkene is veroordeeld. Bovendien voorziet de wetgever vaak niet in de betaling
van de geschorste socialezekerheidsprestaties, ingeval achteraf blijkt dat het gaat om
een onwerkdadige hechtenis. Ook vanuit dat oogpunt stuit een goed berekende
bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf niet op dezelfde bezwaren als de
schorsing van socialezekerheidsprestaties. Zij compenseert immers slechts een
genoten voordeel waarop niet-gedetineerde uitkeringsgerechtigden geen aanspraak
maken. De onmiddellijke ingang van de heffing zou stroken met de onderliggende
ratio ervan. Ingeval de heffing de vorm zou aannemen van een inhouding op de
uitkering, zou de wetgever de heffing om praktische redenen kunnen uitstellen tot de
hechtenis een zekere tijd aanhoudt. Aldus vermijdt men administratieve rompslomp
en voorkomt men dat een gedeelte van de socialezekerheidsuitkeringen nog enige
tijd na de aanvang van de detentie onverschuldigd wordt uitbetaald en achteraf moet
worden teruggevorderd.
III. GEVANGENISARBEID99
55. Gevangenisarbeid, verricht ten behoeve van de gevangenis100 of private
ondernemingen, wordt georganiseerd door de overheid en verricht door
gedetineerden.101 Personen die een werkstraf ondergaan, verrichten geen
gevangenisarbeid, vermits zij niet kunnen worden beschouwd als gedetineerden. Als
gedetineerden gebruik maken van de hun verleende strafuitvoeringsmodaliteiten om
arbeid te presteren in de buitenwereld, verrichten zij evenmin gevangenisarbeid.102
99
100
101
102
138
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 63-86.
Een groot aantal taken binnen de gevangenis wordt verricht door gedetineerden. Zij
bereiden en verdelen de maaltijden, reinigen de niet private ruimtes, passen op zieke
medegevangenen, herstellen gootstenen, klasseren radiografieën, controleren de
binnenplaatsen en maken de uniforme kledij en meubelen in de gevangenis (zie
F. DUFAUX, Du travail forcé à la faveur du labeur: Sens et fonctions du travail carcéral
aujourd’hui, Brussel, ULB, 2008, 78).
Gedetineerden die de toelating krijgen om andere dan in de gevangenis beschikbaar
gestelde arbeid te verrichten tijdens hun detentie, presteren geen gevangenisarbeid.
Zie K. NEVENS, “Penitentiair arbeidsrecht. Dringt het arbeidsrecht de gevangenis
binnen?”, TSR 2007, 231-302.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
56
De Basiswet bekrachtigt in zekere zin een recht op arbeid voor gedetineerden.103
Men betreurt het voortdurende gebrek aan beschikbare arbeid in de gevangenis en de
geringe kwaliteit van de meestal weinig valoriserende, onderbetaalde en
ongeschoolde arbeid.104
Wij beperken ons in deze bijdrage ertoe eerst te onderzoeken of het verrichten van
gevangenisarbeid een recht op socialezekerheidsprestaties met zich meebrengt, en
vervolgens of gevangenisarbeid een struikelblok voor de toekenning of uitbetaling
van socialezekerheidsprestaties kan vormen.
A. GEVANGENISARBEID ALS BRON VAN SOCIALEZEKERHEIDSRECHTEN
57. Vrijwel algemeen werd aangenomen dat het verplichte karakter van
gevangenisarbeid uitsloot dat een arbeidsovereenkomst werd gesloten tussen de
betrokken gedetineerde en de Belgische Staat.105 Sinds de opheffing van artikel
30ter van het Strafwetboek door de Basiswet heeft gevangenisarbeid echter geen
verplicht karakter meer.106 De Commissie-Dupont preciseerde dat de opheffing van
artikel 30ter ertoe strekte dat gevangenisarbeid voortaan het voorwerp van een
arbeidsovereenkomst zou kunnen uitmaken. De wetgever beoogde immers de
integratie van gevangenen in het socialeverzekeringssysteem voor werknemers.107
Sommigen zijn daarom van oordeel dat er dan ook geen beletsel meer bestaat voor
de kwalificatie van gevangenisarbeid als arbeid die wordt verricht ter uitvoering van
103
104
105
106
107
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 74-79.
Zie COMITE EUROPEEN POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU
TRAITEMENTS INHUMAINS OU DEGRADANTS DU CONSEIL DE L’EUROPE, Rapport au
Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique, Strasbourg, Raad
van Europa, 2006, www.cpt.coe.int/fr/etats/bel.htm.
Het comité beveelt de Belgische overheden aan inspanningen te doen om het
arbeidsaanbod in de gevangenis te Andenne, die een officieel bezoek kreeg, te
verhogen. In haar antwoord wees de regering erop dat een opdrachthouder werd
aangewezen om demarches, met inbegrip van een informatie-opdracht, te ondernemen
naar ondernemingen die arbeid zouden kunnen bieden aan de gevangenisinrichtingen.
Een delegatie van het comité heeft een vijfde bezoek aan België gebracht van 28
september tot 7 oktober 2009 om de uitvoering van de vorige rapporten te onderzoeken.
Het verslag van dit bezoek was nog niet beschikbaar op 1 januari 2010.
Arbrb. Hoei AR 58.430, 21 september 2005, onuitg.; Arbrb. Brussel AR 35788/02, 29
juni 2007, onuitg.; Arbrb. Brussel, AR 63/06, 18 oktober 2007, onuitg.
Art. 30ter SW,, opgeheven bij art. 169, 5° Basiswet, in werking getreden krachtens het
koninklijk besluit van 28 december 2006 betreffende het gevangeniswezen en de
rechtspositie van de gedetineerden.
Eindverslag van de commissie “basiswet gevangeniswezen en rechtspositie van
gedetineerden”, Parl.St. Kamer 2000-01, nr. 1076/1, 149, 154 en 159; Verslag namens
de Commissie voor de Justitie bij het vorostel van basiswet gevangeniswezen en
rechtspositie van gedetineerden, Parl.St. Kamer 2003-04, nr. 231/15,112.
139
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
een arbeidsovereenkomst. Anderen wijzen erop dat het bestaan van een
arbeidsovereenkomst vroeger ook niet werd erkend ten aanzien van bepaalde
categorieën van gevangenen die niet konden worden verplicht te arbeiden onder de
gelding van artikel 30ter van het Strafwetboek. Nog anderen betwijfelen dat de lage
bezoldiging voor gevangenisarbeid wel kan worden aangemerkt als loon in de zin
van de Arbeidsovereenkomstenwet, en zijn om die reden uiterst sceptisch ten
aanzien van de mogelijkheid om de arbeidsrelatie tussen gedetineerden en de
Belgische Staat te kwalificeren als een arbeidsovereenkomst.108 Recente rechterlijke
uitspraken doen wellicht niet vermoeden dat het bestaan van een
arbeidsovereenkomst tussen gedetineerden en de Belgische Staat zonder slag of
stoot zal worden erkend, al is er nog geen beslissing over een betwisting die is
ontstaan na de opheffing van artikel 30ter van het Strafwetboek.109
Daartegenover staat dat de Basiswet onder meer het normaliseringsprincipe huldigt
en bepaalt dat de tewerkstelling van gedetineerden zoveel mogelijk geschiedt in
dezelfde omstandigheden als in de buitenwereld. De wetgever wenst dat
gedetineerden geen andere beperkingen van hun sociale rechten moeten dulden dan
deze die voortvloeien uit of onlosmakelijk verbonden zijn met de vrijheidsberoving
en deze die worden bepaald door of krachtens de wet.110 Men verwacht dat de
Basiswet ertoe zal leiden dat gedetineerden zich in steeds meer gevallen tot de
rechter zullen wenden in de hoop voor recht te horen zeggen dat zij de hoedanigheid
van werknemer bezitten.
58. Het verdient aanbeveling dat de wetgever de ter zake bestaande rechtsonzekerheid
uit de wereld zou helpen. De wetgever dient zich daartoe te beraden over de
opportuniteit om gevangenisarbeid te beschouwen als of gelijk te stellen met arbeid
die wordt verricht ter uitvoering van een arbeidsovereenkomst. De vraag of de
toepassing van de arbeidsovereenkomstenwetgeving moet worden uitgebreid tot
gedetineerden, blijft hier buiten beschouwing. Bij eerder onderzoek is vastgesteld
dat de arbeidsreglementering reeds grotendeels van toepassing is op
gevangenisarbeid, ook al is de rechtsverhouding tussen de betrokken gedetineerde en
de Belgische Staat niet gekwalificeerd als een arbeidsovereenkomst.111 Het is ook
108
109
110
111
140
Het EHRM heeft een beslissing van ontvankelijkheid gewezen in een zaak waarbij de
aard van de penitentiaire arbeid in het geding is (EHRM Stummer c. Autriche, 11
oktober 2007). De Oostenrijkse regering voert in deze zaak aan dat gevangenisarbeid
niet kan worden gelijkgesteld met arbeid ter uitvoering van een arbeidsovereenkomst,
op grond dat de bezoldiging niet ertoe strekt te voorzien in het levensonderhoud van de
gedetineerde en dat gevangenisarbeid beoogt de gedetineerden een bezigheid te bieden.
Het EHRM had zijn arrest nog niet geveld op 1 januari 2010.
Voor zover ons bekend, is de recentste uitspraak een arrest van het Arbeidshof te
Brussel (Arbh. Brussel AR 47.364, 27 augustus 2007, onuitg.). Zie G. VAN
LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun
verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 79-81.
Art. 6 en 83 Basiswet.
Zie K. NEVENS, “Penitentiair arbeidsrecht. Dringt het arbeidsrecht de gevangenis
binnen?”, TSR 2007, 231-302.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
niet noodzakelijk dat de wetgever die rechtsverhouding erkent als een
arbeidsovereenkomst, opdat socialezekerheidsrechten zouden kunnen worden
toegekend aan gevangenisarbeid verrichtende gedetineerden. In de huidige stand van
de wetgeving kan de toepassing van het socialeverzekeringssysteem voor
werknemers immers, voor zover gewenst,112 bij koninklijk besluit worden uitgebreid
tot gedetineerden die penitentiaire arbeid verrichten. De Koning kan die uitbreiding
overigens beperken tot bepaalde sectoren van de sociale zekerheid. Hij kan die
uitbreiding ook afhankelijk maken van andere voorwaarden dan voor nietgedetineerde werknemers.
De keuze die de wetgever ter zake maakt, moet consistent zijn met zijn zienswijze
over de verantwoordelijkheid van het socialezekerheidssysteem ten aanzien van
gedetineerden. Naarmate de sociale bescherming van gedetineerden wordt
georganiseerd via een ander beschermingsmechanisme, daalt de legitimiteit van een
gebeurlijke keuze om gevangenisarbeid verrichtende gedetineerden en hun
opdrachtgevers te verplichten tot het storten van bijdragen die zouden worden
aangewend voor de financiering van het socialeverzekeringssysteem. De
socialezekerheidsprestaties worden in de huidige stand van zaken immers meestal
geschorst in geval van detentie.113
59. Het bestaan van een arbeidsovereenkomst tussen gevangenisarbeid verrichtende
gedetineerden en de Belgische Staat wordt nog niet expliciet erkend. Noch het
socialezekerheidssysteem der werknemers, noch de arbeidsongevallenwetgeving is
tot op heden toepasselijk gemaakt op gedetineerden die gevangenisarbeid verrichten.
De betrokkenen genieten bijgevolg geen wettelijke arbeidsongevallenvergoedingen,
als zij een ongeval oplopen bij het verrichten van penitentiaire arbeid. Ter zake is
een administratieve vergoedingenregeling uitgewerkt. De toegekende vergoedingen
bereiken echter vaak niet het peil van de wettelijke arbeidsongevallenvergoedingen.114
De wetgever dient bijgevolg ofwel de voordelen van de administratieve
vergoedingenregeling te verhogen, ofwel de arbeidsongevallenwetgeving
112
113
114
Artikel 26.17 Rec(2006) van het Comité van Ministers van de Raad van Europa aan de
lidstaten over de “Règles pénitentiaires européennes” bepaalt dat gedetineerden die
arbeid verrichten, in de mate van het mogelijke moeten worden aangesloten bij het
socialezekerheidsstelsel. Die penitentiaire regels die een penitentiair beleid willen
definiëren, zijn weliswaar niet dwingend van aard (zie J.-M. LARRALDE, “Les règles
pénitentiaires européennes, instrument d’humanisation et de modernisation des
politiques carcérales”, RTDH 2007, 993-1015.
Voor zover het behoud van de hoedanigheid van rechthebbende in de gezinsbijslagenverzekeringen de wetgever zou drijven tot een toepassing van de RSZ-Wet op
gevangenisarbeid, kan deze bij koninklijk besluit wellicht worden beperkt tot de
desbetreffende sector van de sociale zekerheid.
Zie G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, “Naar een volwaardige regeling voor
ongevallen bij penitentaire arbeid” in Arbeidsrecht tussen wel-zijn en niet-zijn. Liber
amicorum Prof. Dr. Othmar Vanachter, Antwerpen, Intersentia, 2009, 147-162.
141
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
toepasselijk te maken op ongevallen bij penitentiaire arbeid of op de weg naar en
van penitentiaire arbeid. Gedetineerden moeten immers kunnen rekenen op een
zelfde vergoeding van ongevallen bij arbeid als in de buitenwereld, ongeacht of zij
voor het overige ressorteren onder het systeem der werknemers.115
Artikel 86, § 3 van de Basiswet lijkt veeleer erop te wijzen dat de wetgever het
systeem van een afzonderlijke vergoedingenregeling in stand wenst te houden. Wij
wachten op het uitvoeringsbesluit dat niet was tot stand gekomen op 1 januari 2010.
B.
GEVANGENISARBEID
ZEKERHEIDSRECHTEN
ALS
HINDERPAAL
VOOR
SOCIALE-
60. Naast de vraag of gevangenisarbeid een bron van rechten op socialezekerheidsuitkeringen kan zijn, rijst ook de vraag of gevangenisarbeid een
struikelblok voor de toekenning of uitbetaling van socialezekerheidsuitkeringen kan
vormen.116
61. In het kader van de socialebijstandsregelingen zouden de normaal toepasselijke
wetsbepalingen ertoe leiden dat de inkomsten uit gevangenisarbeid in principe117 in
aanmerking moeten worden genomen als een vorm van bestaansmiddelen die
moeten worden aangerekend op het bedrag van de uitkering.
Zoals ten aanzien van andere arbeidsinkomsten, zou men dan ervoor moeten waken
dat de inkomsten uit penitentiaire arbeid niet integraal worden afgetrokken van de
bijstandsuitkeringen om een tewerkstellingsval te vermijden.118
62. Wat de sociale verzekeringen betreft, worden pensioenen en werkloosheids- en
arbeidsongeschiktheidsuitkeringen geschorst in geval van detentie.
115
116
117
118
142
Artikel 26.14 Rec(2006) van het Comité van Ministers van de Raad van Europa aan de
lidstaten over de “Règles pénitentiaires européennes” bepaalt dat de lidstaten
gedetineerden die het slachtoffer worden van arbeidsongevallen of beroepsziekten even
goed moeten vergoeden als vrije werknemers (zie ook Ph. AUVERGNON en
C. GUILLEMAN, Le travail pénitentiaire en question: une approche juridique et
comparative, Paris, Mission de recherche Droit et justice, 2006, 105).
Die vraag blijft, in de huidige stand van de wetgeving, grotendeels hypothetisch, omdat
de meeste socialebijstandsuitkeringen worden geschorst in geval van detentie.
Vermits inkomsten uit penitentiaire arbeid niet worden belast, leiden zij niet tot een
vermindering van de tegemoetkomingen aan personen met een handicap.
Cf. art. 27 Algemeen Reglement Inkomensgarantie Ouderen. Art. 9bis Besluit
Tegemoetkomingen Personen met een handicap.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Als detentie de uitbetaling van werkloosheidsuitkeringen niet in de weg zou staan,119
rijst de vraag of gevangenisarbeid moet worden beschouwd als een vorm van arbeid
voor een derde waarvoor de werknemer enig loon of materieel voordeel ontvangt dat
kan bijdragen tot zijn levensonderhoud of dat van zijn gezin. In dat geval zou de
gevangenisarbeid verrichtende gedetineerde immers niet voldoen aan de
voorwaarden voor de toekenning van de werkloosheidsuitkeringen.120 Gelet op de
huidige omvang van de vergoeding van gevangenisarbeid zou een bevestigend
antwoord toch wel erg verregaand zijn. Voor zover nodig zou de Koning kunnen
bepalen dat de bezoldiging van gevangenisarbeid niet wordt beschouwd als een loon
of materieel voordeel in de zin van het Werkloosheidsbesluit.121
Rust- en overlevingspensioenen worden slechts uitbetaald, voor zover de
pensioengerechtigde elke niet toegelaten arbeid staakt. In geval van detentie worden
pensioenen na enige tijd geschorst. Voordien kan bijgevolg de vraag rijzen of
gevangenisarbeid behoort tot de toegelaten arbeid. Gevangenisarbeid wordt in de
praktijk niet beschouwd als een vorm van beroepsarbeid die een beletsel kan vormen
voor de uitbetaling van pensioenen.122 Rekening houdend met de omvang van de
bezoldiging van gevangenisarbeid en met het gegeven dat gevangenisarbeid geen
socialezekerheidsrechten opent, verdient het aanbeveling gevangenisarbeid buiten
beschouwing te laten bij de beoordeling van de vraag of de gedetineerde al dan niet
een toegelaten arbeid verricht.
Arbeidsongeschiktheidsuitkeringen worden niet of slechts gedeeltelijk geschorst.
Als de gedetineerde gevangenisarbeid verricht, moet geval per geval worden
nagegaan of hij zich nog in staat van arbeidsongeschiktheid bevindt. Vooral de
arbeidsongeschiktheidsverzekering
voor
werknemers
eist
dat
de
uitkeringsgerechtigde elke werkzaamheid stopzet. Vrijwilligerswerk wordt tot op
zekere hoogte gedoogd, maar penitentiaire arbeid kan in de meeste gevallen niet als
zodanig kan worden beschouwd. Wel zou de wetgever naar analogie kunnen bepalen
dat gevangenisarbeid niet wordt beschouwd als een met de staat van
arbeidsongeschiktheid onverenigbare werkzaamheid, voor zover de adviserende
geneesheer vaststelt dat de verrichte penitentiaire arbeid verenigbaar is met de
algemene gezondheidstoestand van de gedetineerde.123
119
120
121
122
123
Werkloosheidsuitkeringen worden geweigerd op grond dat gedetineerden niet
beschikbaar zijn voor de algemene arbeidsmarkt. Hoger is uiteengezet dat die regel niet
zou mogen gelden ten aanzien van gedetineerden die zijn vrijgesteld van dat vereiste,
noch ten aanzien van hun familieleden.
Art. 44-45 Werkloosheidsbesluit.
De Koning bepaalt dat ook ten aanzien van andere vergoedingen (art. 46
Werkloosheidsbesluit).
G. VAN LIMBERGHEN en V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)
gedetineerden en hun verwanten, Brugge, die Keure, 2008, 294-295.
Cf. art. 100 ZIV-Wet.
143
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
IV. CONCLUSIE
63. De
significante
uitsluiting
van
gedetineerden
uit
het
Belgische
socialezekerheidssysteem wordt niet volledig gecompenseerd door de sociale
bescherming die wordt geboden door de gevangenisinrichtingen. De Basiswet die de
principes voor de bestraffing en de penitentiaire praktijk vastlegt, liet nochtans enige
verandering op dat vlak voorspellen. “Il est grand le mystère de la loi”.
64. De Belgische wetgever heeft, zoals wij hebben uiteengezet, het
socialezekerheidssysteem grotendeels ontslagen van zijn anders geldende
verplichtingen, op grond dat de gedetineerden reeds ten laste worden genomen door
een alternatief beschermingsmechanisme, met name de FOD Justitie. Ons onderzoek
wijst op een gebrek aan kennis van de bestaande reglementeringen, op
moeilijkheden bij de toepassing ervan124 en op leemten in de geldende
wetsbepalingen.125 Het laat ons toe een aantal aanbevelingen aan de wetgever126 te
formuleren.
65. De formele wetgever moet de beleidskeuze zelf maken en niet, zoals in het verleden,
grotendeels overlaten aan de uitvoerende macht. De formele wetgever moet de
regels die de tussenkomst van de FOD Justitie beheersen, zelf bepalen en de
124
125
126
144
Als een gedetineerde bijvoorbeeld verscheidene malen wordt overgeplaatst van de ene
gevangenis naar een andere, worden deze overplaatsingen niet allemaal meegedeeld.
Dat leidt tot moeilijkheden, als de persoon dient gelokaliseerd te worden met het oog op
de toekenning van een recht. Een tweede voorbeeld betreft de gedetineerde onder
elektronisch toezicht. Hij wordt immers financieel onderhouden door de FOD Justitie,
door middel van een speciale uitkering, als hij niet opnieuw zijn
werkloosheidsuitkering, zijn tegemoetkomingen aan personen met een handicap of een
andere socialezekerheidsprestatie krijgt. De kwestie van het recht op een eventuele
bijkomende tussenkomst van de OCMW’s om de bijzondere uitkering van de FOD
Justitie te vervolledigen, blijft daarentegen onopgelost. De belangrijkste vraag waarover
een beslissing moet worden genomen, is van politieke aard. Komt het uitsluitend aan de
FOD Justitie of ook aan de OCMW’s toe, om te zorgen voor de hulp aan personen die
een straf ondergaan extra muros? Gelijkaardige debatten worden gevoerd over het al
dan niet toekennen van een maatschappelijke dienstverlening door het OCMW,
subsidiair en complementair, aan de gedetineerden intra muros.
Voor een samenvatting ervan kan worden verwezen naar G. VAN LIMBERGHEN en
V. VAN DER PLANCKE, Sociale zekerheid van (ex-)gedetineerden en hun verwanten,
Brugge, die Keure, 2008, 422-423.
Naast de noodzakelijke wetgevende hervormingen die moeten worden aangevat, kunnen
nog andere mechanismen worden opgezet om van de sociale bescherming van (ex-)
gedetineerden en hun gezin een hogere maatschappelijke prioriteit te maken en het
hoofd te bieden aan de hoger geschetste problemen. Er kan een programma van
voortgezette opleiding worden georganiseerd voor de sociale werkers van de
gevangenissen, hetzij op het niveau van elke strafinrichting, hetzij op het niveau van het
gevangeniswezen zelf.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
uitvoeringsmodaliteiten ervan doen vastleggen in behoorlijk bekendgemaakte
uitvoeringsbesluiten met een wettelijke grondslag.
De wetgever schorst de uitbetaling van een aantal socialezekerheidsprestaties met
specifieke wetsbepalingen die zeer sterk uiteenlopen. Het groeperen van deze
wetsbepalingen in één wet zou de kenbaarheid ervan bevorderen en voor de
wetgever een goede gelegenheid zijn om zich vragen te stellen over het gebrek aan
consistentie en coherentie van de regels en over een betere afstemming op de interne
en externe rechtspositie van de gedetineerden en de strafrechtelijke waarborgen die
zij genieten.
66. Zo zou de wetgever meer aandacht moeten besteden aan de afbakening van de
groepen van gedetineerden op wie hij die schorsingsbepalingen toepasselijk maakt,
rekening houdend met de ontwikkelingen op het vlak van de externe rechtspositie
van gedetineerden. De wetgever zou daarbij veeleer het werkelijke verblijf dan de
formele inschrijving in gevangenis als uitgangspunt moeten nemen en gedetineerden
in beperkte hechtenis moeten behandelen op een vergelijkbare wijze als gevangenen
onder elektronisch toezicht.
De wetgever zou de uitbetaling van socialezekerheidsprestaties slechts mogen
schorsen, voor zover de tussenkomst van de FOD Justitie een vergelijkbaar peil
bereikt en de behoefte aan sociale bescherming op vergelijkbare wijze wegneemt als
de geschorste socialezekerheidsprestatie.127 Als de wetgever blijft vasthouden aan de
schorsing van socialezekerheidsprestaties, moet hij in een aantal gevallen hetzij de
tussenkomst van de FOD Justitie optrekken, hetzij de tussenkomst van de
desbetreffende socialezekerheidsinstelling tot beloop van het verschil toelaten en
daarbij zowel duidelijkheid creëren over de afbakening van de wederzijdse
bevoegdheden als tegemoetkomen aan de rechtmatige vraag naar middelen van
beide socialebeschermingssystemen.
De wetgever zou de schorsing van de socialezekerheidsprestaties steeds moeten
laten ingaan op hetzelfde tijdstip en in een eenvormige regeling moeten voorzien
voor het geval achteraf blijkt dat de gedetineerde het voorwerp heeft uitgemaakt van
een onwerkdadige voorlopige hechtenis. Het verdient aanbeveling de schorsing pas
te laten ingaan na de veroordeling van de gedetineerde of in ieder geval niet
onmiddellijk bij de vrijheidsberoving.
67. In de huidige stand van ons onderzoek bevelen wij de wetgever echter aan zich te
beraden over de vraag of de heffing van een bijdrage in de kosten van onderhoud en
127
Vooral gedetineerden die bepaalde strafuitvoeringsmodaliteiten genieten en
gedetineerden met personen ten laste, verliezen door de schorsing een belangrijk deel
van hun sociale bescherming. Zo kan de schorsing van de werkloosheidsuitkering van
de gedetineerde schade berokkenen aan zijn gezin, als hij een uitkering aan
gezinsbedrag genoot of als de uitkering hem toeliet om te voldoen aan zijn
onderhoudsplicht ten aanzien van zijn kind(eren).
145
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
verblijf niet de voorkeur verdient op de thans gangbare schorsing van de
socialezekerheidsprestaties van gedetineerden.
De heffing van een dergelijke bijdrage op verder uitbetaalde uitkeringen lijkt ons
evenzeer als de schorsing van socialezekerheidsprestaties de gelijkheid te herstellen
tussen uitkeringsgerechtigde gedetineerden en gedetineerden die hun
arbeidsinkomen verliezen. De bijgaande opheffing van de schorsingsregels heeft tot
gevolg dat gedetineerden aanspraak kunnen maken op socialezekerheidsprestaties
ter bestrijding van behoeften die ontstaan als gevolg van hun detentie. De heffing
van een bijdrage komt bijgevolg beter tegemoet aan de sociale grondrechten van de
gedetineerden en verhindert niet dat de re-integratie en rehabilitatie van
gedetineerden worden verwezenlijkt en de schade van de slachtoffers wordt hersteld,
zoals gewild door de Basiswet. De bijdrage kan niet worden beschouwd als een
bijkomende straf of een vermijdbare vorm van detentieschade en vrijwaart de
wetgever van de moeilijke opdracht om de verantwoordelijkheden en middelen van
sommige socialezekerheidsinstellingen en de FOD Justitie beter op elkaar af te
stemmen.
De heffing van een dergelijke bijdrage op alle socialezekerheidsuitkeringen die het
gederfde arbeidsinkomen van de uitkeringsgerechtigde vervangen of hem een
minimuminkomen verschaffen, is een consistente en coherente maatregel.
De heffingsbasis kan worden uitgebreid met andere, zij het voldoende hoge128
inkomsten van gedetineerden, zodat zij in die mate ook bijdraagt tot de gelijkheid
van uitkeringsgerechtigde en andere gedetineerden. De vervanging van de schorsing
van socialezekerheidsprestaties door de bijdrageheffing houdt een substantiële
verbetering van het sociaal statuut van de gedetineerden in. Wel komt zij neer op een
achteruitgang voor de gedetineerden die in de huidige stand van de wetgeving geen
schorsing van de betaling van hun uitkering ondergaan (titularissen van een
arbeidsongevallen- of beroepsziektevergoeding bijvoorbeeld) en voortaan worden
geconfronteerd met een bijdrageheffing. Dat zou de sociale aanvaardbaarheid van de
heffing of de pertinentie ervan in het gedrang kunnen brengen, al draagt de heffing
daardoor ook bij tot de gelijkheid onder de gedetineerden.
Ingeval de heffing opportuun en praktisch uitvoerbaar wordt geacht, is verder
onderzoek nodig om na te gaan of die bijdrage best de vorm zou aannemen van een
forfaitair bedrag of zou worden afgestemd op de financiële mogelijkheden van
gedetineerden. De bijdrage op een socialezekerheidsuitkering kan uiteraard de vorm
aannemen van een – naar wij aannemen – gedeeltelijke schorsing van de uitkering,
maar verschilt ook door haar bestemming van de gangbare schorsing. De bijdrage
komt immers ten goede aan de FOD Justitie en niet aan de socialezekerheidsregeling
die de geschorste uitkering verleent. Ook al eerbiedigt de bijdrage beter de
individuele rechten van de gedetineerden, toch is het belangrijk dat ook de
budgettaire impact ervan op het socialezekerheidssysteem wordt onderzocht.
128
146
Cf. supra, nr. 43.
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Een dergelijke bijdrageheffing is voorts maar verdedigbaar, op voorwaarde dat de
door de Basiswet opgelegde voorwaarden worden nageleefd: verblijfsruimtes en
ruimtes voor gemeenschappelijke activiteiten die voldoen inzake gezondheid,
brandveiligheid en hygiëne en inzake omvang, verlichting, verluchting, sanitaire
voorzieningen en onderhoud (art. 41), voldoende voedsel dat voldoet aan de normen
van de moderne hygiëne en zo nodig aangepast is aan de vereisten van zijn
gezondheidstoestand (art. 42), dagelijkse en behoorlijke verzorging van het uiterlijk
en lichamelijke hygiëne (art. 44) en een gelijkwaardige gezondheidszorg als in de
vrije samenleving, aangepast aan de specifieke noden van de gedetineerden (art. 87
e.v.). Het is ondenkbaar dat de gedetineerde rechtstreeks129 zou moeten bijdragen tot
de kosten van een ongezonde en veel te enge huisvesting of tot ondermaatse voeding
en gezondheidszorgen.
Het is van het uiterste belang dat de bijdrageheffing niet van haar doel wordt
afgewend. D. KAMINSKI legt op meesterlijke wijze uit dat ogenschijnlijke
overwinningen ten voordele van kwetsbare groepen soms slechts het resultaat zijn
van een cynisme van de Staat. Zo, voegt deze criminoloog eraan toe, komt de
erkenning van de grondrechten van gedetineerden meestal tot stand “lorsqu’elle est
susceptible de produire des effets fonctionnels et symboliques plus rentables pour le
système étatique (en l’occurrence pour son administration pénitentiaire) que les
modalités antérieures”.130 Zo moet men zich ervoor hoeden dat het behoud van
socialezekerheidsuitkeringen met bijdrageheffing wordt gebruikt als koren op de
molen van zij die een privatisering van de gevangenisinrichtingen voorstaan en het
beheer ervan willen onderwerpen aan de wetten van de vrije markt en het
winstoogmerk.131/132 Volgens deze logica die reeds wordt toegepast in sommige
landen,133 bouwen en beheren private ondernemingen meer of minder luxueuze
gevangenissen die voor de gedetineerden toegankelijk zijn naargelang van hun
financiële mogelijkheden. Zij betalen immers voor hun onderhoud en huisvesting.134
129
130
131
132
133
134
Thans gaat het om een onrechtstreekse bijdrage in de vorm van de gehele of gedeeltelijke schorsing van de uitbetaling van de uitkeringen.
D. KAMINISKI, “Les droits des détenus au Canada et en Angleterre: entre révolution
normative et légitimation de la prison” in L’institution du droit pénitentiaire. Enjeux de
la reconnaissance de droits aux détenus, Brussel, Bruylant L.G.D.J., 2002, 91.
Zie de waarschuwing die S. SNACKEN geeft in haar bijdrage tot deze bundel.
Wat de problematiek van de privatisering betreft, kan worden verwezen naar
E. GENDERS en E. PLAYER, “The Commercial Context of Criminal Justice: Prison
Privatisation and the Pervesion of Purpose”, Crim.L.R. 2007, 513-529.
Zie Prison Privatisation Report International, afl. 48, 2002, gepubliceerd door Public
Services International Research Unit (PSIRU), University of Greenwich, London,
England, www.psiru.org/justice/ppri48.asp.
Kan men volgens een afschuwelijk scenario zelfs niet vrezen dat private firma’s
gevangenen die hun bijdrage niet kunnen betalen, zouden vasthouden binnen de muren
van de gevangenis onder het juk van onbezoldigde en verplichte gevangenisarbeid. Ph.
COMBESSIE herinnert eraan dat in het Engeland van de achttiende eeuw armen in de gevangenis werden gehouden, als zij hun bijdrage in de kosten niet konden betalen voor
147
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Deze problematiek verdient een nader onderzoek dat het bestek van deze bijdrage te
buiten gaat.
68. Wat de periode na de vrijlating betreft, dient de wetgever zoveel mogelijk te
vermijden dat de detentie na de vrijlating van de gedetineerden nog negatieve
effecten sorteert voor hun socialezekerheidsrechten. Het vervangen van de schorsing
van uitkeringen door een bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf in de
gevangenis is op dat punt een neutrale maatregel.
De wetgever dient zoveel mogelijk te vermijden dat de gedetineerden louter omwille
van hun detentie niet kunnen voldoen aan de normaal gangbare wachttermijnen en
referteperiodes en moet de gedetineerden zoveel mogelijk de gelegenheid bieden om
tijdens hun detentie de verdere opbouw van hun socialezekerheidsrechten te
vrijwaren door middel van een voortgezette verzekering. De wetgever dient vooral
het verval van pensioenrechten voor ambtenaren ongedaan te maken.
69. Omwille van het door de Basiswet gehuldigde normaliseringsprincipe zou de
wetgever aan het verrichten van penitentiaire arbeid zoveel mogelijk dezelfde
socialezekerheidsrechten moeten koppelen als aan het verrichten van beroepsarbeid
buiten de muren van de gevangenis. Zolang gevangenisarbeid niet op hetzelfde peil
wordt bezoldigd als beroepsarbeid extra muros, lijkt het ons niet gerechtvaardigd
van de gedetineerden daartoe de betaling van dezelfde socialezekerheidsbijdragen te
eisen als van de vrije leden van de beroepsbevolking. De wetgever kan gebruik
maken van de bestaande wetgeving om de toepasselijkheid van het
socialeverzekeringssysteem voor werknemers uit te breiden tot gedetineerden die
gevangenisarbeid verrichten. In afwachting van verder onderzoek van de
reglementering van de penitentiaire arbeid in andere landen, stelt men op dit vlak
vast dat België achterop loopt en dat de Belgische wetgever dringend hieraan moet
verhelpen.135
Prioritair moet de wetgever ervoor zorgen dat gedetineerden die het slachtoffer
worden van aan hun gevangenisarbeid te wijten ongevallen of ziekten, zowel tijdens
als na hun detentie een even goede bescherming genieten als degenen die aanspraak
135
148
de periode van opsluiting die voorafging aan hun proces (Ph. COMBESSIE, Sociologie de
la prison, Paris, Ed. La Découverte, 2009, 72).
Zie de bijdrage van Ph. AUVERGNON tot deze bundel. Rechtsvergelijkend onderzoek
moet ons ervan overtuigen dat hervormingen van het penitentiair recht niet denkbeeldig
zijn. Zo heeft Frankrijk voor werkende gedetineerden een minimuminkomen van veertig
tot vijfrenveertig procent van het “salaire interprofessionnel de croissance” ingevoerd,
terwijl Italië de bezoldiging van gedetineerden heeft vastgesteld op twee derden van wat
collectieve overeenkomsten ad hoc waarborgen. In Spanje ressorteren gedetineerden die
gevangenisarbeid verrichten, onder het algemene socialezekerheidssysteem sinds 2001.
Zij hebben een arbeidsovereenkomst als zij arbeid verrichten voor rekening van private
ondernemingen. Ook Italië kent een dergelijke overeenkomst (Ph. AUVERGNON, Le
travail pénitentiaire en question, Paris, La documentation Française, 2006, 194 p.).
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
kunnen maken op de prestaties van de arbeidsongevallen- en de beroepsziekteverzekeringen in het kader van de sociale zekerheid.
70. Het valt te betreuren dat vijf jaar na de aanneming van de Basiswet, nog steeds geen
ontwerp bestaat van het bij artikel 86, § 3 van de wet bedoelde koninklijk besluit
inzake ongevallen bij penitentiaire arbeid. Hetzelfde geldt voor de besluiten die het
bedrag van de inkomsten voor de in de gevangenis beschikbaar gestelde arbeid (art.
86, § 1)136 en de financiële bijdrage van de gedetineerde in de kosten van de
zorgverlening door de arts van zijn keuze (art. 91, § 3) moet vaststellen.
De totstandkoming van die besluiten is nochtans noodzakelijk vanuit juridisch
oogpunt en dringend op het sociale vlak. Het eindverslag van de Commissie-Dupont
leert dat de sociale zekerheid van gedetineerden, met inbegrip van de reglementering
van de gevangenisarbeid, een belangrijk punt van zorg is en dat alleen hervormingen
op dit terrein aan het geheel van de Basiswet een volledige doeltreffendheid zullen
verlenen.
71. Wij willen ten slotte wijzen op een klassiek dilemma.137 Mensen weifelen steeds
tussen het ideale – een radicale verandering die onvermijdelijk tijd vraagt – en het
pragmatische – de rechten van de mens zoveel en zo snel mogelijk realiseren. Dat
brengt ons tot de netelige vraag of de wens om de levensomstandigheden van
gedetineerden draaglijker, leefbaarder en aanvaardbaarder te maken ons niet ertoe
brengt zoveel waarborgen te vragen dat wij niet meer ertoe komen die
levensomstandigheden te veranderen.
Met andere woorden: leidt het verbeteren van de detentievoorwaarden door de
toekenning van een sociaal statuut aan de gedetineerden en de erkenning van nieuwe
136
137
Men beroept zich op het argument dat de verhoging van het loon van gedetineerden tot
gevolg zou hebben dat hun arbeid niet langer concurrentieel is ten opzicht van de arbeid
in beschermde werkplaatsen en daardoor een daling van de vraag naar gevangenisarbeid
bij private ondernemingen zou veroorzaken. Dat argument staat bloot aan kritiek, zowel
op het vlak van de theoretische legitimiteit ervan, als op het vlak van de empirische
geloofwaardigheid. Het zou nuttig zijn de huidige loonverschillen tussen gedetineerden
en personen met een handicap en verschillen in het ritme en de aard van de
arbeidsprestaties in kaart te brengen. F. DUFAUX brengt in herinnering dat “en terme de
rendement, la possibilité d’agencer librement une main d’œuvre extrêmement flexible,
dont la réserve est numériquement abondante, toujours disponible et présente sur place,
représente un avantage loin d’être négligeable dans l’ordonnancement économique
actuel de la production matérielle, soumise à d’incessantes oscillations conjoncturelles”.
Anders dan elders zijn de gedetineerden steeds beschikbaar voor arbeid in de cellen,
bijvoorbeeld tijdens de weekends (F. DUFAUX, Du travail forcé à la faveur du labeur:
Sens et fonctions du travail carcéral aujourd’hui, Brussel, ULB, 2008, 73).
D. KAMINISKI, “Les droits des détenus au Canada et en Angleterre: entre révolution
normative et légitimation de la prison” en Y. CARTUYVELS, “Le dilemme des prisons”
beide in L’institution du droit pénitentiaire. Enjeux de la reconnaissance de droits aux
détenus, Brussel, Bruylant L.G.D.J., 2002, 308 p.
149
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
rechten niet ertoe de gevangenis te aanvaarden en te legitimeren als een van elke
kritiek verstoken noodzakelijk kwaad? Maar is het abolitionistische ideaal zoveel
waard dat wij de gedetineerden van vandaag aan hun lot overlaten?
Deze kwestie is omstreden. Wij zijn enerzijds van oordeel dat men zo snel mogelijk
de levensomstandigheden in de gevangenissen moet verbeteren, maar anderzijds ook
dat deze juridische en sociale verbetering slechts haar volle waarde bereikt, als de
vraag naar de wijze waarop dit dient te geschieden de vraag naar het waarom van de
gevangenis niet versmacht.
150
DAGELIJKSE ERVARINGEN VAN DE PSYCHOSOCIALE
DIENSTEN VAN DE STRAFINRICHTINGEN
MET SOCIALE ZEKERHEID/SOCIALE BIJSTAND
door Roland RASSON en Anneli VERSTRAETE
Inspecteurs Maatschappelijk Werk
I. INLEIDING
De psychosociale diensten van de gevangenissen vinden het erg belangrijk een
bijdrage te mogen/kunnen leveren aan dit onderzoeksproject.
Vooreerst worden de maatschappelijk assistenten van de psychosociale diensten
dagelijks met vragen en moeilijkheden rond sociale zekerheid en sociale bijstand
geconfronteerd. Hierop kunnen ze slechts beperkt en gedeeltelijk antwoord geven,
zolang de structurele aanpak uitblijft. Hun ervaringen zijn de bouwstenen voor deze
knelpuntennota.
Ten tweede benaderen de psychosociale diensten het probleem vanuit een eigen,
specifieke invalshoek: de individuele en concrete sociale toestand van de
gedetineerden en hun gezin. Onze meerwaarde in dit debat is te kunnen illustreren
tot welk ‘soms Kafkaiaans’ resultaat het in uitvoering brengen van sociale
zekerheid- en administratieve regelgevingen kan leiden en hoe dit zich concretiseert
(en soms haaks op elkaar inwerkt) in de levenssituatie van gedetineerden en hun
gezin.
Ten derde hebben de psychosociale diensten (en het DG EPI waartoe ze behoren) er
alle belang bij dat de problematiek van de sociale bescherming van gedetineerden
bestudeerd en structureel verbeterd wordt. De Basiswet van 12 januari 2005
betreffende het gevangeniswezen en de rechtspositie van de gedetineerden en de wet
van 17 mei 2006 betreffende de externe rechtspositie van veroordeelden tot een
vrijheidstraf en de aan het slachtoffer toegekende rechten in het kader van de
strafuitvoeringsmodaliteiten voeren een aantal standaarden in, die door alle
medewerkers van DG EPI moeten gerealiseerd worden. We zullen aantonen dat
sociale zekerheid/bijstand een belangrijk instrument is om deze standaarden te
realiseren, gegeven de opbouw van ons Belgisch sociaal zekerheidssysteem en de
sociale kenmerken van de grootste groep veroordeelden.
Vooraleer de realiteit ‘intra muros’ te beschrijven zullen we kort de psychosociale
dienst voorstellen en situeren in het forensisch werkveld. Vervolgens zullen we
aangeven waarom sociale zekerheid en sociale bijstand tijdens detentie zo een
belangrijk aandacht- en werkpunt is. Hieraan zullen we dan de bedenkingen en
moeilijkheden toevoegen waarmee maatschappelijk assistenten, maar vooral de
gedetineerde en hun familie geconfronteerd worden.
Nog een opmerking vooraf: in deze toelichting focussen we ons op de groep
gedetineerden met recht op verblijf in België. Hiermee sluiten we een grote groep
gedetineerden uit: namelijk al deze zonder recht op verblijf in België.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
II. VOORSTELLING EN SITUERING VAN DE PSYCHOSOCIALE DIENSTEN
VAN DE GEVANGENISSEN
In elke Belgische gevangenis organiseert de Federale Overheid een psychosociale
dienst. Deze bestaat uit maatschappelijk assistenten, psychologen en een psychiater
en wordt geleid door een gevangenisdirecteur.
De missie van de PSD is driedelig:
vanuit wetenschappelijke hoek een adviserende medewerking te verlenen m.b.t.
de uitvoering van de verschillende vrijheidsberovende straffen en maatregelen;
gedetineerden te omkaderen en te begeleiden met oog op het voorbereiden van
hun
psychosociale
re-integratie
en
het
evalueren
van
hun
reclasseringsvoorstellen;
haar medewerking te verlenen aan een rechtsconforme, veilige en humane
uitvoering van de vrijheidsberovende straffen en maatregelen,
en dit alles binnen een geest van een herstelgerichte Justitie.
De missie van de Psychosociale dienst van de gevangenis kadert binnen de eerste
maatschappelijke opdracht1 van het directoraat – generaal penitentiaire inrichtingen.
DG EPI is verantwoordelijk voor de rechtsconforme, veilige en humane uitvoering
van vrijheidsberovende straffen en maatregelen. Deze verantwoordelijkheid ligt
wettelijk verankerd in de Basiswet betreffende het gevangeniswezen en de
rechtspositie van gedetineerden van 12 januari 2005. Door deze recente wet heeft de
strafuitvoering een wettelijke basis gekregen en is ze conform aan de Universele
rechten van de mens en de Europese regelgeving.
De eerste taak van de maatschappelijk assistent van Justitie is elke nieuw
gedetineerde binnen de 48 uren te onthalen. Dit betekent: wegwijs maken in de
gevangenis, vragen beantwoorden, crisisinterventie organiseren, sociaal
administratieve toestand bespreken, een luisterend oor bieden en verkennen van
emotionele en/of psychische risicofactoren.
De belangrijkste opdracht van de maatschappelijk assistenten en de psychologen is
de adviesverlening aan gevangenisdirecties en andere beslissende instanties in het
kader van de geïndividualiseerde strafuitvoering. Aan de hand van psychosociaal
onderzoek, testonderzoek, risicotaxatie en evaluatie van de reclasseringsvoorstellen
beschrijven we de psychosociale context van de gedetineerde, de feiten en geven we
een advies over de haalbaarheid van een wettelijk mogelijke
1
154
De Missie van DG EPI:
- is verantwoordelijk voor de rechtsconforme, veilige en humane uitvoering van
vrijheidsberovende straffen en maatregelen;
- heeft, vanuit zijn expertise, een adviserende rol op penitentiair vlak;
- verzekert een doelgericht beheer van elke entiteit binnen zijn bevoegdheid,
en dit alles binnen de geest van een herstelgerichte Justitie.
Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de strafinrichtingen met sociale zekerheid /
sociale bijstand
strafuitvoeringsmodaliteit. De PSD beoordeelt of concretiseert voorstellen voor
penitentiair verloven, beperkte detentie, elektronisch toezicht, vervroegde
invrijheidstellingen, ... Zijn deze voorstellen ‘op maat van de persoon en de situatie
van de gedetineerde’? Komen deze maximaal tegemoet aan de belangen van de drie
betrokken partijen: de samenleving, de slachtoffers en de veroordeelde?
Uit onze missie blijkt ook dat we een taak hebben op het vlak van het omkaderen en
begeleiden van gedetineerden met het oog op het voorbereiden van hun
psychosociale re-integratie.
In deze opdracht staan we niet alleen. Hulp- en bijstand aan gedetineerden en hun
verwanten is persoonsgebonden materie die onder de bevoegdheid valt van de
gemeenschappen. Vandaar dat de Federale Overheidsdienst Justitie in het verleden
meerdere samenwerkingsakkoorden afgesloten heeft met de Vlaamse Gemeenschap,
het Waalse en het Brussels gewest en de Franse Gemeenschap. Al hun diensten
moeten toegang hebben tot de gevangenis, en hun aanbod aan de gedetineerden
kunnen doen. Vandaag concretiseert zich dat in onze samenwerking met Justitiële
Welzijnswerk, de VDAB, de voorzieningen voor basiseducatie, BLOSO,
bibliotheekwezen, ambulante geestelijke gezondheidszorg enz. Nu het strategisch
plan inzake hulp- en dienstverlening van de Vlaamse gemeenschap in alle Vlaamse
gevangenissen geïmplementeerd is, betekent dit dat gedetineerden – net zoals een
vrije burger in Vlaanderen – van het aanbod van al deze sectoren kunnen genieten.
Het brengt ook mee dat voor vragen en moeilijkheden op het vlak van sociale
zekerheid en administratie de gedetineerde een beroep kan doen op de PSD, op de
trajectbegeleider van het JWW, maar ook op zijn advocaat of een hulpverlener van
buiten. Inzake voorbereiden van de psychosociale re-integratie heeft de PSD geen
monopoliepositie.
III. WAAROM
IS SOCIALE ZEKERHEID EN SOCIALE BIJSTAND VOOR
DE GEDETINEERDE EN ZIJN GEZINSLEDEN ZO EEN BELANGRIJK
AANDACHTSPUNT/WERKPUNT TIJDENS DE DETENTIE?
Het antwoord is te vinden in de twee recent uitgevaardigde wetten, de Basiswet van
12 januari 2005 betreffende het gevangeniswezen en de rechtspositie van de
gedetineerden en de wet van 17 mei 2006 betreffende de externe rechtspositie van
veroordeelden tot een vrijheidstraf en de aan het slachtoffer toegekende rechten in
het kader van de strafuitvoeringsmodaliteiten. Beide wetten bepalen de standaarden,
waaraan de praktijk van de strafuitvoering moet beantwoorden.
Art. 6, § 1 van de Basiswet voert het normaliseringbeginsel in. Het stelt dat de
gedetineerde aan geen andere beperkingen van zijn politieke, burgerlijke, sociale,
economische of culturele rechten mag onderworpen worden dan deze die uit de
strafrechtelijke veroordeling of uit de vrijheidsbenemende maatregel voortvloeien,
155
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
deze die onlosmakelijk met de vrijheidsbeneming verbonden zijn en deze die door of
krachtens de wet worden bepaald.
Art. 6, § 2 stelt dat bij de uitvoering van de vrijheidsstraf of de vrijheidsbenemende
maatregel vermijdbare detentieschade dient voorkomen te worden.
Art 48 van de wet op de externe rechtspositie koppelt een vervroegde
invrijheidstelling aan het hebben van een sociaal reclasseringsplan. In de Memorie
van toelichting bij de wet op de externe rechtspositie staat dat deze
reclasseringsprojecten moeten objectief zijn (op grond van objectieve en niet van
morele gronden).
Naast deze wettelijke verplichting is er nog de sociale realiteit waarmee we binnen
de gevangenispopulatie geconfronteerd worden. In de vrije samenleving putten de
meeste volwassenen hun inkomen uit arbeid, terwijl het materieel bestaan van het
merendeel van de gevangenispopulatie steunt op sociale uitkeringen, zoals ziekteuitkeringen, werkloosheid, leefloon, tegemoetkomingen voor personen met een
handicap. Aangezien de gevangenis ook vaak het eindpunt is van
marginaliseringprocessen, onthalen we vrij vaak ook de ‘thuisloze burgers’, die door
de mazen van het net gevallen zijn en met niets meer in orde zijn. Hen reclasseren is
onmogelijk zonder voorafgaandelijk een ‘sociale check up’ uit te voeren.
Aangezien sociale zekerheid- en bijstandsuitkeringen het fundament zijn van de
materiële bestaanszekerheid van de grootste groep gedetineerden en hun familie, is
ons stelsel van sociaal beschermingsrecht individueel en maatschappelijk erg
belangrijk. We beschrijven en ordenen de ‘intra muros’ vastgestelde problemen aan
de hand van voornoemde wettelijk opgelegde standaarden.
IV. PRAKTIJKEN, BEDENKINGEN EN KNELPUNTEN
A. HET NORMALISERINGBEGINSEL (BASISWET ART. 6, § 1)
De vraag of het huidig sociaal statuut van de gedetineerde beantwoordt aan het
normaliseringbeginsel is het vertrekpunt van dit onderzoeksproject. Zonder ons in
het juridisch discours te wagen, schetsen we aspecten van de realiteit die moeilijk te
rijmen zijn met het normaliseringbeginsel:
tijdens de detentie bouwt een werkende gedetineerde geen pensioenrechten op;
door het tekort aan werk in de gevangenis blijven een aantal werkwillige
gedetineerden werkloos, zonder hiervoor een vergoeding te ontvangen;
gehandicapten die in de buitenwereld niet in staat zijn om te werken en
hiervoor een vervangingsinkomen krijgen, geraken in de gevangenis ook heel
moeilijk aan het werk en hebben geen enkel inkomensbron;
een gedetineerde in beperkte detentie, die geen werk vindt, is wel beschikbaar
voor de arbeidsmarkt en toch heeft hij geen recht op een
werkloosheidsvergoeding;
156
Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de strafinrichtingen met sociale zekerheid /
sociale bijstand
-…
Problemen hierbij zijn:
-
Wettelijke logica is (ons) niet duidelijk en dus ook moeilijk uit te leggen aan de
cliënten.
Een voorbeeld: wanneer een persoon met handicap ten laste komt van de
publieke overheid, dan verliest hij zijn integratietegemoetkoming. Wordt de
gehandicapte opgesloten in de gevangenis, dan geldt deze regeling vanaf de
eerste opnamedag. Wordt hij opgenomen in een voorziening voor
gehandicapten, dan behoudt hij gedurende de eerste drie maanden zijn
integratietegemoetkoming en nadien 1/3 om de lopende kosten te dekken;
-
De inkomsten van de meeste gedetineerden liggen lager dan in de
buitenwereld, terwijl de kostprijs van goederen en diensten in de gevangenis
gelijke tred houdt met de prijzen in de buitenwereld.
Tewerkgestelde gedetineerden ontvangen minimum € 200, maximum € 450 per
maand. Enkel de gedetineerden die recht hebben op rustpensioen (tijdens eerste
jaar detentie), ziekte- en invaliditeitsuitkeringen (geheel of gehalveerd) en
schadeloosstellingen t.g.v. arbeidsongevallen en beroepsziekten behouden deze
inkomsten tijdens de detentie. Alle andere uitkeringen worden geschorst.
Maar (bijna) elke gedetineerde heeft geld nodig tijdens de detentie:
voor huur TV, kantine;
voor het in stand houden van familiale relaties (postzegels,
telefoonkaarten, geschenken aan kinderen en feestjes in de
gevangenis, tussenkomen in de vervoersonkosten van het gezin);
voor de betaling van de burgerlijke partij aan de slachtoffers.
B. DETENTIESCHADE VOORKOMEN
FAMILIE (BASISWET ART. 6, § 2)
VOOR GEDETINEERDE EN ZIJN
Om de impact van de detentie op de sociale zekerheidstoestand van de gedetineerde
en zijn gezin zo beperkt mogelijk te houden, dienen bij aanvang van detentie en in
bepaalde gevallen ook tijdens de detentie een aantal administratieve stappen gezet te
worden. Instellingen zoals de mutualiteiten en de vakbonden benadrukken dat het
recht op… bij einde detentie zich snel weer opent, als de detentie onmiddellijk
aangemeld wordt.
157
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
1. Sociale zekerheidstoestand ‘aanpassen’ aan detentietoestand
Door de detentie komt de persoon voor kost, inwoon en geneeskundige verzorging
ten laste van de FOD Justitie. Daardoor wordt bijvoorbeeld het recht op leefloon,
geneeskundige verzorging, tegemoetkomingen aan personen met een handicap
geschorst. Ook de werkloosheidsuitkering verliest men tijdens detentie, vanuit de
logica dat men niet meer beschikbaar is voor de arbeidsmarkt.
De detentie wijzigt het sociaal statuut van de gedetineerde. Dit kan ook gevolgen
hebben voor zijn gezin. Wanneer de gedetineerde het gezinshoofd is, valt bij
voorbeeld het gezinsinkomen weg. Dit is zo bij werkenden, maar ook bij elk
stempelgerechtigd gezinshoofd. Ook het recht op geneeskundige verzorging voor de
personen ten laste moet herbekeken worden, wanneer het gezinshoofd zijn vrijheid
ontnomen wordt. Detentie brengt dus voor de partner, naast alle andere problemen,
heel veel administratief geloop mee.
Tijdens het onthaalgesprek informeert de PSD-maatschappelijk assistent de
gedetineerde over implicaties van de detentie op zijn sociaal statuut en zijn
aangifteplicht. Hij bespreekt met hem waarom het belangrijk is om de detentie aan te
geven en wijst hem op de gevolgen van niet-aangifte van detentie: terugbetaling van
ten onrechte ontvangen uitkeringen, oplopen van schorsing van de
werkloosheidsuitkering bij niet ingaan op oproepen van de VDAB consulent. Het is
de eigen verantwoordelijkheid van de gedetineerde om deze instellingen op de
hoogte te brengen. Hij kan hierbij de hulp inroepen van de PSD, het JWW, de
advocaat, familieleden of andere steunfiguren (bv. zijn OCMW-maatschappelijk
werker). Ook de implicaties van de detentie voor het gezin komen ter sprake tijdens
de eerste gesprekken met de gedetineerde. Ook hier kan de PSD-medewerker alleen
maar de gedetineerde correct informeren in de hoop dat hij dit bespreekt met zijn
partner, zodanig dat deze de nodige schikkingen treft. Binnen Justitieel
Welzijnswerk en Service d’aide aux Justiciabeles zijn er initiatieven die dit
rechtstreeks oppakken met de partners. Sommige diensten stellen aan elke
binnenkomende gedetineerde voor om een huisbezoek af te leggen bij zijn gezin,
andere houden een permanentie open in de wachtzaal tijdens de bezoekuren.
2. Sociale zekerheidstoestand in orde houden
Controle op de ziekte-uitkeringen, erkenningsprocedures van het Vlaams
Agentschap voor personen met een handicap, van het Directoraat-Generaal Personen
met een handicap of van het Fonds voor arbeidsongevallen houden medische
consulten in. Wanneer een gedetineerde hiervoor opgeroepen wordt, wordt nagegaan
of de gedetineerde via uitgangsvergunningen hieraan kan voldoen. Indien niet, dan
probeert de PSD om het medisch onderzoek in de gevangenis te laten plaatsvinden.
158
Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de strafinrichtingen met sociale zekerheid /
sociale bijstand
Problemen op vlak van ‘voorkomen van detentieschade’ zijn:
-
Het ambtsgeheim en de discretieplicht van de ambtenaar maakt dat de PSD
enkel de gedetineerde kan informeren over zijn plicht om de detentie te melden
aan SZ-instellingen en hen kan bewust maken van wat de gevolgen zijn als de
gedetineerde het niet doet. Of de gedetineerde de detentie effectief meldt (zelf,
via steunfiguren van buiten of via de PSD) is de verantwoordelijkheid van de
gedetineerde;
-
De instellingen die instaan voor de sociale uitkeringen hebben de plicht
onrechtmatige uitbetalingen terug te vorderen. Voor de gedetineerde betekent
dit het ontstaan of verhogen van de schuldenlast van de gedetineerde;
-
Voor de uitbetalingsinstellingen is terugvorderen een grote verliespost.
Vandaar dat zij aandringen op een systematische melding van de detentie aan
de Kruispuntbank Sociale Zekerheid. Vanuit de FOD Justitie kunnen we –
binnen de huidige regelgeving – aan deze vraag geen antwoord geven.
Enerzijds omwille van het responsabiliseringsprincipe van de gedetineerde
(opgenomen in de Basiswet), anderzijds op basis van artikel 1410 van het
gerechtelijk wetboek. Dit stelt dat ambtshalve meldingen door FOD Justitie
niet kunnen;
-
PSD is afhankelijk van de informatie die de gedetineerde wil /kan meedelen.
Sommige gedetineerden verzwijgen aan de maatschappelijk assistent hun
sociale inkomsten. Andere, zwakkere gedetineerden weten zelf niet goed wat
ze ontvangen en via welke uitbetalinginstelling;
-
PSD opereert binnen de muren en is sterk afhankelijk van de bereidheid van
anderen (familie, diensten) om papieren, schuldvorderingen, oproepingen, …
bijeen te krijgen;
-
Wanneer melden? Bij onmiddellijke aanhouding, na de bevestiging door de
raadkamer of bij verwijzing naar het vonnisgerecht. Gezien de tijdelijkheid van
een preventieve hechtenis kan het onmiddellijk melden grote gevolgen hebben
voor de gedetineerde en zijn gezin. In de praktijk blijkt dat de uitbetaling van
sociale uitkeringen stopzetten heel snel kan gaan, terwijl het heropenen
doorgaans meer tijd vergt;
-
De beslissing ‘wanneer melden’ wordt complexer als door het wegvallen van
de uitkering ook de huishuur niet meer kan betaald worden. Vandaar dat bij
‘Carrouselgedetineerden’,2 die gesteund worden door het OCMW gepleit wordt
om de huishuur drie maanden te laten doorlopen, zodanig dat de man nog
huisvesting heeft bij vrijlating. Voor de sociale diensten (OCMW, JWW, …)
2
Dit zijn gedetineerden die regelmatig korte tijd worden opgesloten.
159
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
brengt dit tijdswinst met zich mee, want er moet geen nieuwe huisvesting
gezocht worden bij vrijlating;
-
Om in regel te blijven met sociale rechten moeten brieven beantwoord worden
(bv. oproepen controlerende geneesheer, formulieren van gezinsbijslag voor
meerderjarige kinderen). Dit veronderstelt dat de post toekomt bij de
gedetineerde op een postadres of in de gevangenis. Ook hier beperkt de taak
van de sociaal assistent zich tot het correct informeren en motiveren van de
gedetineerde om een adreswijziging door te geven, maar het doen behoort tot
het zelfbeschikkingsrecht van de gedetineerde;
-
Inkomsten uit werk of uit sociale zekerheid worden gestort op een
bankrekening. Het vereist een hele administratie om vanuit de gevangenis
betalingsopdrachten te verrichten of om deze gelden te laten toekomen op de
rekening van de gevangenis.
3. Uitwerken van reclasseringen met oog op psychosociale re-integratie of ter
voorkoming van recidive (artikel 48 van wet 17 mei 2006)
Uitkeringen van sociale zekerheid en sociale bijstand zijn – in de praktijk – het
fundament van de reclasseringsplannen bij het merendeel van de veroordeelden met
recht op verblijf in België en dit op twee manieren.
Willen we recidive (proberen te) voorkomen, dan is het hebben van een inkomen
primordiaal. Om in aanmerking te komen voor een vervroegde invrijheidstelling,
moet de gedetineerde aan de SURB ondermeer aantonen dat hij over (voldoende)
inkomen beschikt. Slechts een heel beperkte groep van gedetineerden kan tijdens
deze procedure een arbeidscontract voorleggen. Gelukkig is er het circuit van sociale
werkplaatsen, waar een beperkt aantal gedetineerden terecht kunnen. Al de anderen
beroepen zich op hun recht op werkloosheidsuitkering, inkomensvervangende
tegemoetkoming voor personen met een handicap als inkomensbron bij
voorwaardelijke invrijheidstelling.
Andere takken van sociale zekerheid geven toegang tot diensten die essentieel zijn
voor het aspect huisvesting, dagbezigheid of tewerkstelling in een reclasseringsplan
‘op maat’. Een voorbeeld hiervan is het erkenningsnummer van het Vlaams
Agentschap voor sociale integratie van personen met een handicap dat de toegang
opent voor een opname in beschut wonen of tewerkstelling in een beschutte
werkplaats. Om behandeld te kunnen worden in een psychiatrisch ziekenhuis of
therapeutische gemeenschap dient de gedetineerde in regel te zijn met de verplichte
verzekering voor geneeskundige verzorging.
Het regelen van de sociale administratie voor een gedetineerde met een stabiele
arbeidscarrière kan al veel opzoekingwerk inhouden. Voor de gedetineerden die bij
160
Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de strafinrichtingen met sociale zekerheid /
sociale bijstand
de aanvang van detentie met niets meer in orde waren, dient daarbij eerst nog de
‘sociale check -up’ uitgevoerd te worden.
Problemen hierbij zijn:
-
De ‘naadloze aansluiting’ bij de overgang van detentie naar vervroegde
invrijheidstelling is onmogelijk te realiseren. Een goede reclassering
veronderstelt dat vanuit detentie al de administratie is afgehandeld om de
rechten op bijvoorbeeld gezondheidszorg of vervangingsinkomen vanaf de
eerste dag ‘in vrijheid’ te openen. In de praktijk is dit niet mogelijk. Vanuit de
detentie kan de gedetineerde, al dan niet met professionele hulp, enkel
informatie verzamelen, contacten leggen, afspraken maken. Deze instellingen
(her)openen pas een dossier als de ex-gedetineerde zich persoonlijk aanbiedt
met detentieattest (de lijfelijke aanwezigheid is vereist). Doorgaans is naar de
mutualiteit gaan of naar het OCMW gaan niet de eerste prioriteit van een pas
vrijgekomen ex-gedetineerde, waardoor deze zaken niet geregeld geraken met
als gevolgen:
Nog langer wachten op het doorlopen van de erkenningsprocedures;
Recidivegevaar indien de net vrijgestelde persoon niet over geld beschikt;
Klassenjustitie: wie tijdens en na detentie kan terugvallen op een
ondersteunend milieu maakt meer kans op vrijlating en succesvolle reintegratie.
-
Het leefloon van het OCMW is gekoppeld aan ‘het hebben van een
verblijfplaats’.
Moeilijkheden hierbij zijn:
Verblijfplaats is niet te regelen vanuit detentie;
Vicieuze cirkel: geen leefloon zonder verblijfplaats, geen verblijfplaats
zonder geld;
Benadeling van alleenstaanden: voor hen is het veel moeilijker om een
sociaal statuut te regelen dan voor een partner. Partners kunnen
ingeschreven worden als ‘ten laste van...’.
-
Koppeling van sociale zekerheidsuitkeringen aan het rijksregister en het
domicilie terwijl gedetineerden vrij vaak ambtshalve geschrapt zijn.
Domiciliering op het gevangenisadres is mogelijk, maar de administratieve
procedure duurt lang. Het gebeurt dat de beklaagde al vrijgelaten is en/of de
veroordeelde getransfereerd werd tegen dat de gedetineerde ingeschreven is op
het adres van de gevangenis. Gedetineerden willen dit ook niet altijd. Het staat
vermeld op de adressenhistoriek, sommigen zijn bang dat ze dan geen kans
meer maken op vrijlating.
-
‘Sociale check up’ is zeer arbeidsintensief en vraagt nauwkeurige opvolging.
De kans is groot dat de check up niet afgerond is bij verlaten van de
gevangenis. Wie zorgt dan voor de opvolging?
161
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
-
‘Sociale check up’ is Sisyfusarbeid, waarbij de maatschapppelijk assistent van
de gevangenis vaak de ‘zoveelste’ is die hieraan begint. Vermoeidheid bij
instelling of medewerker die voor de zoveelste keer gevraagd wordt om de
‘administratieve toestand van persoon X uit te pluizen en op papier te zetten’ is
vaak te begrijpen...
Tot slot: Praktijkwerkers stellen dat werken aan de reclassering van gedetineerden,
die meestal een zeer complexe voorgeschiedenis hebben, zelden verloopt volgens
een vast omschreven scenario. Steeds opnieuw moeten individuele oplossingen
worden gezocht.
V. STRUCTURELE PROBLEMEN
Ten slotte willen we ook de aandacht vestigen op enkele structurele problemen.
A. ONUITVOERBAARHEID
VAN SOCIALE ZEKERHEIDSREGELGEVING
BINNEN DE COMPLEXITEIT VAN DE GEVANGENIS
Net zoals in de vrije wereld kunnen binnen de gevangenis ziekte-uitkeringen
gecombineerd worden met beperkte tewerkstelling mits erkenning door de medische
controle en maandelijkse aangifte van de inkomsten. Op dit ogenblik kan de
gevangenisadministratie het afleveren van deze aangiften niet realiseren.
B. KENMERKEN
ADMINISTRATIEVE
INSTELLINGEN
VAN THUISLOZENPOPULATIE STAAT HAAKS OP
RATIONALITEIT
VAN
SOCIALE
ZEKERHEIDS-
Voortdurend verhuizen, administratieve nonchalance, ... zijn zeer moeilijk
verenigbaar met de waarden die belangrijk zijn in de administratie: orde, stabiliteit,
nauwgezetheid (brieven beantwoorden, op tijd lidgeld betalen).
C. ONBEKENDHEID
EN/OF ONWIL VAN SOCIALE ZEKERHEIDSINSTELLINGEN MET HET SOCIAAL STATUUT VAN (EX-)GEDETINEERDEN
Door het zeer uitgebreid net van organisaties die de sociale wetgeving uitvoeren, is
de kans dat een (mutualiteit of pensioenfonds-)medewerker in contact komt met een
dossier van een (ex-)gedetineerde zeer klein. Zijn kennis van de specifieke (RIZIV
of pensioen)regelgeving in geval van detentie is geen parate kennis. De medewerker
van een SZ-instelling zal (extra) opzoekingwerk moeten doen.
Ook zijn kennis over strafrecht en penitentiair recht is beperkt. De medewerker moet
ruimte maken (tijd en openheid) om zich te laten informeren en de PSD-medewerker
162
Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de strafinrichtingen met sociale zekerheid /
sociale bijstand
moet tijd en energie steken in het informeren. De tijdsinvestering die dit vraagt is
niet altijd en aan weerszijde mogelijk. Vaak worden PSD-medewerkers
geconfronteerd met weerstanden t.a.v. gedetineerdenpopulatie in het algemeen of
t.a.v. de concrete betrokkene. Om in die situatie op te komen voor de rechten van de
betrokkene is goede kennis van specifiek wetgeving en assertiviteit van de PSDmedewerker nodig. Deze weerstanden proberen te verminderen vergt tijd. De PSDmedewerker moet bereid zijn om te luisteren naar de negatieve ervaringen en te
zorgen voor correcte informatie bij de medewerker van de sociale voorziening.
VI. BESLUIT
Wij hopen dat we met deze toelichting ‘uit het dagelijkse leven van de gevangenis’
aangetoond hebben hoe belangrijk en noodzakelijk wij het vinden dat dit
onderzoeksproject rond sociale zekerheidsrechten voor gedetineerde, zijn familie en
in belang van de samenleving plaats gevonden heeft.
Door de detentie te beschouwen als neutrale periode, zijn gedurende de laatste 30
jaren in de verschillende takken van de sociale zekerheid veel hindernissen
weggewerkt. Dit onderzoeksproject en al de aanbevelingen die eruit voortkomen,
tonen aan dat er nog maatregelen te nemen zijn.
Collega’s met jarenlange ervaring hebben al veel gedetineerden ontmoet die
eigenlijk sociale zekerheid ervaren als een grillig fenomeen van de natuur, al dan
niet door zichzelf in de hand gewerkt. Voor veel gedetineerden lijkt sociale
zekerheid on(be)grijpbaar. Zij beleven de sociale zekerheid als een kansspel. Het
overkomt hen dat zij al dan niet in een gunstige situatie terecht komen. In elk
specifiek geval hebben we nog veel opzoekwerk om hen juist te informeren. De
vaak ingewikkelde regelgeving maakt het ons niet gemakkelijk. Maar ook voor de
bediende in de mutualiteit, vakbond of OCMW is de impact van detentie op een
sociale uitkering geen parate kennis en vergt dit de bereidheid om opzoekwerk te
willen doen. Zonder een degelijk kennis van sociaal recht en assertiviteit is het risico
om van het kastje naar de muur geslingerd te worden groot, zowel voor de
gedetineerde als voor de maatschappelijk assistenten intra en extra muros, die met
zijn dossier bezig zijn. Vandaar dat we heel opgezet zijn met dit onderzoeksproject
dat aanzet tot meer duidelijkheid en congruentie.
We hopen dat dit werk in gang gezet door de VZW ‘Aide et reclassement’ en ter
harte genomen door de Koning Boudewijnstichting zal uitmonden in een consistent
wetgevend werk.
163
LE REGARD DES DETENUS SUR LE DROIT A LA SECURITE
SOCIALE
par Thierry MOREAU
Professeur à la Faculté de droit de l’U.C.L.
Président de l’Ecole de criminologie de l’U.C.L.
Avocat au Barreau de Nivelles
Les organisateurs du colloque nous ont conféré un redoutable honneur à Juliette
Beguin et moi-même. Celui de parler au nom des sans voix, de ceux qui ont tort
mais aussi de ces nombreux présumés innocents qui peuplent nos prisons en étant
traités comme des coupables. J’espère m’en montrer digne et ne pas les trahir, eux
qu’on n’invite jamais dans les colloques et qu’on n’associe pas assez souvent aux
travaux qui les concernent.
La clientèle de la prison est un peuple d’exclus de par le stigmate de la prison ellemême. Que peut donc signifier la sécurité sociale pour eux que la société a
« incapacités » ou « neutralisés » selon des expressions consacrées ? En quoi la
société peut-elle être source de sécurité et de solidarité alors que, par la décision
d’incarcération, elle contribue généralement à aggraver les difficultés et leurs
problèmes ?
Toutefois, à lire certains textes, on pourrait croire qu’il est inexact d’affirmer que les
détenus sont des exclus sociaux. Ainsi, l’article 23 de la Constitution dispose que
chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. La Cour
européenne des droits de l’homme a jugé que la justice ne saurait s’arrêter à la
porte des prisons1. Mais ces paroles sublimes, qui constituent des horizons
stimulants, ne peuvent masquer la réalité vécue quotidiennement par les personnes
privées de liberté. Le rapport final de la Commission Dupont la rappelle sans
détour : A quelques exceptions près, le détenu est largement exclu du système de la
sécurité sociale qui pourtant constitue l’un des piliers de l’Etat de droit2.
Je voudrais tenter de vous partager le vécu de ceux qui se trouvent dans cette
situation. Méthodologiquement, la chose n’est toutefois pas évidente à réaliser
surtout si on veut répercuter la parole des détenus eux-mêmes. D’un côté, il faut
trouver un moyen de la connaître. J’ai donc interrogé différents détenus ou anciens
détenus rencontrés dans le cadre de ma profession d’avocat et j’ai demandé à des
collaborateurs de faire de même. Cette approche a donc ses limites et il faut en être
conscient. De l’autre, il faut se garder de travailler « sur » la parole des détenus mais
accepter plutôt d’en rendre compte comme un matériau brut.
En raison du caractère limité de mon intervention, je me propose de pointer quelques
questions relatives à la sécurité sociale durant la détention et quelques autres dans le
cadre de la libération. Je les illustrerai par des exemples recueillis auprès des
détenus. Ce travail ne prétend donc à aucune exhaustivité. Il doit plutôt être reçu
comme une invitation à approfondir la question et à alimenter le débat.
1
2
Cour eur. D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, § 69.
Rapport final de la Commission Dupont, Doc. parl., Chambre, 2000-2001, 50-1076/1,
p. 148.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
I. DURANT LA DETENTION
La porte de la prison à peine refermée sur lui, le détenu est souvent envahi par
l’angoisse. Il prend conscience du poids de l’exclusion dont il fait l’objet et de
l’incapacité dans laquelle il se trouve de régler quantité de questions qui faisaient
son quotidien au dehors. Il ressort de différents témoignages que, au début de la
détention, le principal souci du détenu est l’impact de la détention et de son absence
sur sa famille et ses proches. Il n’est pas centré sur lui-même. Il se sent coupable
d’avoir lâché son entourage et de lui nuire tant par la publicité liée à son
incarcération que par la situation problématique dans laquelle il les plonge. Le
propos est également vrai en matière de sécurité sociale :
-
Je suis chômeur. Ma femme a-t-elle encore droit aux allocations de chômage?
-
J’étais le seul à travailler. Qu’est-ce que ma femme aura comme ressources ?
Mes enfants auront-ils encore des allocations familiales ?
-
J’avais une indemnité de mutuelle car j’étais en incapacité de travail. Que va
toucher ma famille ?
-
Je vivais seul avec ma mère qui n’a rien. Qui va s’en occuper ? Qui va payer
pour elle ?
-
Ma femme et mes enfants ont-ils encore droit à la mutuelle car j’ai une fille
gravement malade ?
-
…
Par la suite, arrivent les questions qui concernent la situation personnelle du détenu :
-
Est-ce que, durant ma détention, je perçois l’indemnité qui m’a été accordée
suite à un accident de travail ?
-
Le temps passé en prison va-t-il compter pour la pension ?
-
Le patron peut-il me licencier si je suis en détention préventive ?
-
Puis-je percevoir mon allocation d’intégration d’handicapé durant ma
détention ?
-
Comment dois-je faire pour obtenir des médicaments bien précis afin de
poursuivre mon traitement pour soigner une maladie grave ?
168
Le regard des détenus sur le droit à la sécurité sociale
-
Vais-je pouvoir bénéficier d’une certaine discrétion sur le fait que je dois me
faire fournir des protections en raison de mon incontinence qui est une séquelle
de ma dernière opération ?
-
…
Ces questions ne sont pas faciles à résoudre. Le détenu cherche des réponses autour
de lui. Il découvre ainsi la profonde solitude dans laquelle il se trouve. L’aide n’est,
en effet, pas la mission prioritaire du personnel de la prison. Les directeurs le
reconnaissent eux-mêmes, ils n’ont plus le temps de traiter les dossiers personnels
des détenus3. Leur mission première est de gérer la prison au niveau du personnel,
de la sécurité, de l’administration, etc. Le service social interne n’a pas non plus
pour mission principale d’apporter une aide individuelle aux détenus. Sa fonction est
d’apporter, par son expertise, une assistance à la prise de décision.
En outre, le détenu éprouve de la peine à faire pleinement confiance au personnel de
la prison en raison du fait que ses confidences pourraient se retourner contre lui. En
effet, le directeur peut être amené à statuer dans le cadre d’une éventuelle procédure
disciplinaire. Tant le directeur que le service social devront remettre des avis sur les
demandes de permission de sortie, de congés pénitentiaires ou de libération
conditionnelle.
Le plus souvent, le personnel orientera le détenu vers les services sociaux externes,
généralement agréés et subsidiés par les Communautés, en charge de l’aide aux
détenus. Toutefois, il faut constater que ces services sont en sous-effectif par rapport
à la demande. L’accès aux détenus, voire parfois à la prison, n’est pas toujours aisé.
Les détenus doivent souvent attendre longtemps pour recevoir une réponse à leurs
questions. Il n’est pas rare non plus que ces questions présentent un aspect trop
techniques et que ces services ne soient pas en mesure d’y répondre de manière
précise.
Les détenus peuvent également s’adresser à leur avocat, spécialement pour obtenir
une réponse aux questions juridiques qu’ils se posent sur le plan social. Mais,
généralement, ils sont assistés par un pénaliste qui n’est pas un spécialiste du droit
social qui n’est donc pas en mesure de les aider dans cette matière qu’il ne connaît
pas. Or, beaucoup de détenus ne disposent pas des moyens pour faire appel à un
conseil supplémentaire, spécialisé en droit social. Par ailleurs, spécialement sur le
plan juridique, une difficulté supplémentaire réside dans le fait que le détenu n’est
pas en mesure de fournir les documents utiles à son conseil car, bien souvent, ceuxci sont restés au lieu de sa résidence.
3
V. SPRONCK, « Le Tribunal de l’application des peines ou l’incursion du droit dans les
mur », L’exécution des peines privatives de liberté. Regards croisés, Louvain-la-Neuve,
Anthémis, 2008, p. 114.
169
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
La commission de surveillance, les visiteurs de prison et les ministres du culte sont
perçus par les détenus comme des personnes de confiance à qui ils font parfois appel
pour obtenir un soutien en vue de résoudre leurs difficultés sur le plan social. Mais
souvent les questions sont trop complexes et les connaissances techniques et les
moyens de ces personnes trop limités. Celles-ci peuvent éventuellement chercher la
réponse ou une aide à l’extérieur mais il n’y aura alors aucun contact direct entre le
détenu et la personne sollicitée, ce qui – l’expérience nous l’enseigne – réduit
sensiblement le caractère efficace de l’intervention.
Sur le plan social, le début d’une incarcération est toujours très pénible. Tant sa
famille que le détenu vivent une solitude extrême dans un monde inconnu, froid et
agressif : ils ignorent ce qu’ils peuvent faire, ils se voient reprocher de ne pas avoir
accompli telle ou telle démarche dont ils ne soupçonnaient pas l’existence et qu’ils
étaient supposés réaliser, … L’information qui leur parvient est souvent tardive,
parcellaire, contradictoire, superficielle.
Tout au long de la détention, ce sentiment d’abandon et d’impuissance se maintient.
Il est cultivé par les incohérences qui traversent le régime pénitentiaire comme en
témoignent les deux exemples suivants qui démontrent que même lorsqu’on accorde
un droit au détenu, son effectivité peut être profondément affectée par des conditions
d’exercice déplorables.
Le premier exemple concerne la possibilité pour le détenu de consulter un médecin
de son choix, extérieur à la prison. Le libre choix du médecin est un principe garanti
par l’article 6 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients qui ne prévoit
aucune limitation pour les détenus. Toutefois, en prison, l’exercice de ce droit est
loin d’être évident.
Tout d’abord, la règlementation en vigueur soumet l’exercice de ce droit à une
condition supplémentaire : le détenu ne peut faire appel au médecin de son choix
qu’avec l’accord préalable du directeur4. En général, comme le prescrit d’ailleurs la
circulaire 1495/XII, le directeur accepte la demande du détenu. Mais le problème se
situe souvent au niveau du délai nécessaire pour obtenir le document confirmant
l’autorisation. Ainsi, plusieurs témoignages font état de ce que des détenus ayant fait
l’objet de coups et blessures lors de l’intervention d’agents pénitentiaires n’ont pas
pu faire constater les traces de ces coups car ils n’ont obtenu de la direction
l’autorisation de faire venir un médecin extérieur qu’après que celles-ci ont disparu.
De la même manière, malgré leurs plaintes, l’état de certains détenus a gravement
empiré avant que le détenu puisse faire l’objet d’un examen par un spécialiste tant
l’attente a été longue avant de disposer de l’autorisation permettant de faire venir un
spécialiste de l’extérieur.
4
170
Article 96 de l’arrêté royal du 21 mai 1965 portant Règlement général des
établissements pénitentiaires. Voy. Également la circulaire 1495/XII du 16 octobre
1985.
Le regard des détenus sur le droit à la sécurité sociale
Ensuite, le détenu doit disposer des fonds nécessaires pour faire venir un médecin de
l’extérieur. En effet, en raison de sa détention, son droit au remboursement des frais
médicaux par l’assurance soins de santé est suspendu. Certes, en compensation, le
détenu ne doit pas payer les soins prodigués par le médecin attaché à la prison mais
la conséquence logique de cette situation est que le détenu doit payer lui-même la
consultation de tout médecin extérieur à l’établissement et pour laquelle il ne
percevra aucun remboursement via son organisme de mutuelle. La situation est donc
particulièrement difficile pour les détenus indigents ou pour ceux qui n’ont pas de
travail. Tel était le cas d’un détenu âgé atteint d’un cancer suivi par un médecin
spécialiste depuis plusieurs mois avant son arrestation. Il n’a pas disposé des
moyens financiers de faire venir le médecin à la prison pour poursuivre son
traitement et l’incarcération a été la cause d’une aggravation de son état.
D’autres obstacles, souvent insoupçonnés des personnes extérieures qui n’y voient
qu’évidences, compliquent encore l’exercice par le détenu de son droit de consulter
un médecin de son choix. Ainsi, il faut connaître un médecin à qui faire appel. Dans
son témoignage, un jeune de 25 ans explique qu’il est en prison depuis l’âge de 16
ans suite à un dessaisissement du juge de la jeunesse. Vers l’âge de 24 ans il a
commencé à souffrir de maux à la jambe. Le médecin de la prison lui disait de ne
pas s’en faire et avait diagnostiqué un problème lié à la pratique du sport. Le mal
persistant, le détenu a voulu consulter un spécialiste. Sa principale difficulté a été de
n’en pas connaître. En effet, d’une part, il n’existe pas une liste de médecins
disponibles avec leur spécialisation, d’autre part, les possibilités d’entrer en contact
sont très réduites. Le détenu a perdu partiellement l’usage de sa jambe. Une autre
difficulté peut résider dans le fait de ne pas disposer des accès nécessaires pour
appeler le médecin. Tel était le cas de ce jeune homme placé au cachot, qui voulait
faire constater les traces du viol dont il prétendait avoir été l’objet de la part d’un ou
plusieurs membres du personnel. Il n’a jamais pu exercer son droit car, étant au
cachot, il ne pouvait pas disposer du nécessaire pour écrire sa demande au directeur.
Par ailleurs, il n’avait aucune possibilité de contact avec l’extérieur. Enfin, autre
obstacle, et pas des moindres, il faut trouver un médecin qui accepte de venir
consulter le détenu à la prison, ce qui n’est pas aussi courant qu’on pourrait le croire.
Le second exemple a pour objet l’aide sociale. En vertu de l’article 1er de la loi du 8
juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale, toute personne a droit à
l’aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme
à la dignité humaine.
Des détenus indigents expliquent avoir obtenu de la part du C.P.A.S. dont ils
relèvent une aide pour « cantiner » le nécessaire pour leur hygiène et leurs besoins
vitaux5. D’autres nous ont fait part de ce qu’ils ont dû attaquer la décision de refus
5
On aura compris que le verbe « cantiner » signifie, dans le langage de la prison : acheter
à la cantine.
171
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
du C.P.A.S. et n’ont obtenu l’aide que sur une décision du tribunal du travail.
Certains détenus ont également bénéficié d’une aide sociale destinée à couvrir des
besoins spécifiques qu’en raison de la détention, le C.P.A.S. a jugé nécessaire de
rencontrer pour que le critère de la dignité humaine soit atteint. Ainsi, un détenu a-til obtenu la prise en charge par le C.P.A.S. des frais liés à la réalisation d’un examen
mental par un psychiatre dont il voulait déposer le rapport à l’appui de sa défense et
qu’il n’avait pas la possibilité de financer. Un autre détenu, musicien, s’est vu
octroyer une guitare car il ne disposait pas des fonds pour s’en acheter une. Une
détenue a reçu un ordinateur pour poursuivre ses études. Mais de nombreux détenus
rapportent aussi avoir obtenu des décisions de refus même en sollicitant une aide
réduite pour leurs besoins les plus élémentaires. Parfois même, ils expliquent n’avoir
jamais reçu de réponse à leur demande.
Au sein de la prison, le détenu démuni peut également faire appel à la caisse de
solidarité des détenus alimentée par certaines activités, notamment la vente de
boissons et de friandises lors des visites. Cette caisse est gérée par la direction. Le
détenu n’a aucun droit à cette aide. Elle reste une mesure discrétionnaire. Les
montants octroyés sont très modiques et ne permettent pas d’affirmer que le détenu
qui en bénéficie mène une vie conforme à la dignité humaine. En outre, ces aides
sont toujours payées sous forme d’avances. Par conséquent, si le détenu obtient du
travail au sein de la prison, s’il reçoit une aide sociale ou s’il perçoit de l’argent de
l’extérieur, il doit commencer par rembourser l’avance à la caisse de solidarité. Dans
certains cas, des directeurs ont, paradoxalement, exigé que les détenus introduisent
une demande au C.P.A.S. avant de recevoir une aide de la caisse de solidarité. Le
détenu reste ainsi sans aide aucune tant que le C.P.A.S. n’a pas statué et répondu, ce
qui peut parfois prendre plusieurs semaines sans oublier qu’il existe des cas où le
C.P.A.S. ne répond jamais.
En d’autres termes, la situation de ces détenus est particulièrement précaire. Ils
vivent très certainement en-dessous du seuil de la dignité humaine alors, pourtant,
que leur situation dépend quasi exclusivement des autorités publiques.
II. LA PREPARATION DE LA SORTIE
Du témoignage de différents détenus, il ressort que de nombreuses questions
relatives à la sécurité sociale se posent au moment de la préparation de la libération,
notamment lors de l’élaboration du plan de réinsertion sociale qui sera soumis au
tribunal de l’application des peines :
-
Ai-je accès aux formations du Forem ?
-
Comment dois-je faire pour obtenir le bénéfice des allocations d’handicapé
après ma libération suite à l’accident dont j’ai été victime durant mon
incarcération ?
172
Le regard des détenus sur le droit à la sécurité sociale
-
Comment puis-je me rendre au C.P.A.S. pour entamer les démarches si je suis
détenu aux moments où il est ouvert ?
-
Quelles démarches dois-je accomplir pour retrouver le bénéfice de mes
allocations de mutuelle dont je disposais avant mon arrestation ?
-
Le traitement ultérieur de désintoxication en milieu fermé qui m’est imposé par
le tribunal de l’application des peines (TAP) est-il couvert par la mutuelle ?
-
Suis-je couvert par la mutuelle pour mon traitement lors des congés
pénitentiaires ?
-
…
Bien souvent, des contraintes liées au dispositif de sécurité sociale freinent
l’avancement du plan de réinsertion sociale. Ainsi, tel détenu n’a pas de logement et
doit en louer un. Mais le C.P.A.S. ne veut pas lui avancer la garantie locative avant
sa libération effective alors que le T.A.P. a annoncé à ce détenu qu’il ne le libérerait
que lorsque son logement serait certain. Tel autre détenu avait articulé son plan de
reclassement autour d’une formation qui devait débuter à une date précise. En raison
d’une grève du personnel surveillant, les audiences du T.A.P. ont été remises car il
n’était pas possible de pénétrer dans l’établissement. La date du début de la
formation a été dépassée et le plan ne valait plus rien. Le détenu n’a donc pas été
libéré. Tel autre détenu encore pensait entamer un suivi en milieu hospitalier mais il
s’avère que son assurance soins de santé n’est pas en ordre.
La libération pour le détenu isolé et indigent est une épreuve difficile dont personne
ne s’inquiète vraiment. Rien n’est fait pour faciliter la tâche de ces êtres fragilisés
par de longues périodes de privation de liberté qui reviennent dans un monde
souvent bien différent de celui qu’ils ont quitté quelques années plus tôt. Ils sont
totalement dépendants de ce monde-là alors qu’ils ignorent tout de son
fonctionnement et de ses rouages. Un détenu raconte qu’il est sorti de prison avec
quelques euros en poche. Il s’est rendu au C.P.A.S. mais quand il est arrivé, le
bureau était déjà fermé. Il est revenu le lendemain pour demander le revenu
d’intégration sociale (RIS). Il lui a été répondu qu’il fallait préalablement la
confirmation qu’il avait un domicile, ensuite la tenue d’une enquête sociale, enfin,
une décision du conseil de l’aide sociale, ce qui allait prendre plusieurs semaines. Le
détenu a demandé avec quoi il allait vivre d’ici-là et comment il pouvait prendre un
logement en location pour y fixer son domicile s’il ne disposait pas au minimum du
RIS. Le C.P.A.S. a confirmé sa position mais lui a accordé une aide sociale qui s’est
avérée insuffisante. Finalement, le salut du détenu a tenu dans la rencontre qu’il a
faite d’une personne généreuse qui l’a aidé.
173
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
III. EN GUISE DE CONCLUSION
Le déficit d’effectivité de la sécurité sociale tant durant la détention qu’à la
libération est une épreuve difficile et désespérante pour le détenu. Elle est tellement
pénible qu’elle évoque le spectre de la double peine : d’une part, la privation de
liberté, d’autre part, la privation des droits économiques et sociaux qui sont les
moyens de reconnaître la dignité d’un homme dans un Etat de droit.
Lors du vote de la loi Dupont en 2005, les détenus étaient remplis d’espoir : leur
statut allait changer. Quatre ans après, la mise en œuvre de la loi n’a pas progressé et
les détenus en sont venus à conclure « on nous a bien eus ».
La reconnaissance du droit des détenus à accéder à la sécurité sociale est, sans
conteste, un élément nécessaire. Mais, comme nous l’avons vu, il n’est pas suffisant.
Une convention internationale, une loi, un texte réglementaire doivent être autre
chose que du papier et de l’encre. Pour changer le monde de la prison, il faudra
passer de la parole sublime aux actes crédibles. Il faut insister sur l’au-delà des
droits, c’est-à-dire sur l’engagement de celui qui est en position de force à l’égard de
celui qui est en position de faiblesse. En effet, il n’y a un sens à proclamer les droits
fondamentaux que si ceux-ci sont soutenus par des politiques sociales et
économiques adaptées et qui en respectent la logique. Cette solidarité dans l’agir
doit être l’objet de notre vigilance.
174
DE GEVANGENIS ALS ALTERNATIEF VOOR DE SOCIALE
ZEKERHEID
BERICHTEN UIT DE NOORDELIJKE NEDERLANDEN
door Prof. dr. Gijsbert VONK*
Hoogleraar socialezekerheidsrecht
Rijksuniversiteit Groningen
en Vrije Universiteit Amsterdam
*
De auteur heeft voor deze bijdrage dankbaar gebruik gemaakt van een paper van
J. FALKENA en L. KLAVER voor het keuzevak Socialezekerheidsrecht 2008 in
Groningen.
I. INLEIDING
De titel van deze bijdrage kan op twee manieren worden begrepen. In ruime zin zou
men deze kunnen opvatten als metafoor voor een overheid die voor de oplossing van
zijn sociale problemen meer naar het strafrecht grijpt dan naar het sociaal beleid. In
die zin heb ik erover gesproken in mijn Groninger oratie “Recht op sociale
zekerheid” in 2008.1 In deze rede legde ik een verband tussen de verschraling van de
sociale zekerheid en de verharding van het strafklimaat (verviervoudiging van het
aantal gevangenen sinds 1984, met name op conto van de kleine criminaliteit): van
verzorgingsstaat naar strafstaat.2 Dit is echter niet het perspectief van waaruit deze
bijdrage is geschreven. Deze gaat over de rechtspositie van gedetineerden in het
Nederlandse socialezekerheidsrecht, of om preciezer te zijn: de uitsluiting van
gedetineerden van het recht op uitkeringen uit hoofde van de in het jaar 2000
ingevoerde Wet socialezekerheidsrechten gedetineerden (Wsg). De gevangenis geldt
hier letterlijk als alternatief voor socialezekerheidsuitkering. Blijft staan dat het oude
beeld van Nederland als uitblinker in een mild strafklimaat en een genereus sociaal
beleid al lang niet langer up to date is. Degenen die dit beeld nog hebben, kunnen
dat maar beter bijstellen. Er is in Nederland een killere wind gaan waaien.
Misschien is ook de Wsg door deze wind leven ingeblazen. Deze wet heeft over de
gehele breedte van het Nederlandse socialezekerheidsstelsel een eenvormig regime
gecreëerd voor gedetineerden. Eenieder die « rechtens van zijn vrijheid » is beroofd,
is uitgesloten van elk recht op socialezekerheidsuitkeringen. Een uitzondering gold
nog voor uitkeringen ingevolge de Nederlandse Algemene Ouderdomswet. Ook
deze uitzondering is echter inmiddels door de regering ongedaan gemaakt. Samen
met nog enkele andere “vergeten regelingen”3 is de Algemene Ouderdomswet met
ingang van 1 januari 2009 onder het regime van de Wsg gaan vallen. De laatste 120
gevangenen met een uitkering (in de vorm van een ouderdomspensioen) hebben
deze moeten inleveren.
Voor de invoering van de Wsg in 2000 werd de vraag of gedetineerden voor een
uitkering in aanmerking kwamen verschillend beantwoord. Zo bestond er geen recht
op sociale bijstand omdat de staat al anderszins in het levensonderhoud van de
betrokkene voorzag. Op grond van art. 35, lid 1 van het Wetboek van Strafrecht
komen de kosten van gevangenis en hechtenis immers ten laste van de staat. Als
men in de gevangenis verzorgd werd, ontviel aldus de noodzaak om bijstand uit te
keren. Het recht op werkloosheidsuitkering kon niet ontstaan aangezien
gedetineerden niet voldoen aan de voorwaarde van art. 16, lid 1 Werkloosheidswet
dat men beschikbaar moet zijn voor de arbeidsmarkt. Een uitkering vanwege
1
2
3
G.J. VONK, Recht op sociale zekerheid, van identiteitscrisis naar hernieuwd
zelfbewustzijn, oratie Groningen, 2008.
Vgl. Loïc WACQUANT, Straf de Armen, het nieuwe beleid van de sociale onzekerheid,
Berchem, 2006.
Zoals de Wet Studiefinanciering.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
arbeidsongeschiktheid of ziekte ten tijde van detentie is in theorie wel mogelijk. Bij
de invoering van de toenmalige Wet op de Arbeidsongeschiktheidsverzekering is de
mogelijkheid van arbeidsongeschiktheid in de gevangenis overwogen. De wetgever
heeft hier de aan de verzekeringsgedachte een doorslaggevende rol toegekend. De
gedachte was toen dat het oneerlijk is naar de verzekerde om de uitkering, waar de
gedetineerde jarenlang premies voor betaald heeft, te stoppen in het geval hij in de
gevangenis terecht zou komen.4 Bij de invoering van de Ziektewet werd een andere
overweging gemaakt. Hier werd het op grond van art. 35, lid 1 van het Wetboek van
Strafrecht voorzien van levensonderhoud door de Staat voldoende geacht om geen
gelden uit te keren ten tijde van detentie.5 Voor de overige
socialezekerheidsregelingen bestonden geen belemmeringen voor het recht op
uitkering voor gedetineerden. Kortom, de vraag of sprake was van recht op uitkering
voor gevangenen werd vooral bepaald door de eigen logica van de diverse
socialezekerheidsregelingen.
De Wsg moet worden beschouwd als een maatregel die voor de gehele sociale
zekerheid een eenvormige rechtspositie voor gedetineerden invoert. Het gaat daarbij
om een uitsluitingsmaatregel. Het lijkt er op dat deze maatregel in Nederland op een
grote consensus berust. De wet werd in ieder geval met steun van alle politieke
partijen in de Tweede Kamer aangenomen en heeft niet geleid tot veel
maatschappelijke commotie. Het tegenovergestelde is eerder het geval. De publieke
opinie reageert telkens weer geschokt bij geruchten over zware criminelen, die bij
ommekomst van hun detentie grote uitkeringsbedragen zouden opstrijken. Bijna
symbolisch voor een dergelijke kwestie is de zaak Ferdi E. Hij was de ontvoerder en
brute moordenaar van de zoon van ’s-Lands nationale kruidenier Albert Heijn,
Gerrit Jan Heijn. Toen Ferdi E. na twintig jaar gevangenschap weer werd
vrijgelaten, incasseerde hij een bedrag van circa 300.000 Euro aan achterstallige
arbeidsongeschiktheidsuitkeringen. Na verluid zou hij er een aardig villaatje voor
hebben gekocht. Het Nederlandse publiek reageerde getergd.
De Wsg past in een aantal andere “consequente maatregelen” die de Nederlandse
regering rond de eeuwwisseling nam om schoon schip te maken met de versnipperde
uitkeringsregimes. Andere maatregelen uit die tijd zijn de zogenaamde
Koppelingswet (1998) die een einde maakte aan een recht op elke collectieve
voorziening voor niet-rechtmatig verblijvende vreemdelingen en de Wet beperking
export uitkeringen (2000) die het verbiedt uitkeringen uit te betalen aan mensen die
buiten Nederland wonen, tenzij er sprake is van een internationaalrechtelijke
exportverplichting. Al deze wetten introduceren een overkoepelende logica voor de
uitsluiting van socialezekerheidsrechten.
Het bespreken van de rechtspositie van gedetineerden in het Nederlandse
socialezekerheidsrecht komt neer op een beschrijving van de Wsg. In deze bijdrage
4
5
178
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. 3, p. 2.
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. 3, p. 2.
De gevangenis als alternatief voor de sociale zekerheid
Berichten uit de Noordelijke Nederlanden
kwijt ik mij van die taak. Allereerst ga ik in op de gekozen rechtsgronden voor de
uitsluiting (paragraaf 2). Vervolgens bespreek ik op welke wijze vorm is gegeven
aan het uitsluitingscriterium (paragraaf 3). En ten slotte bekijken we hoe de Wsg
ontvangen is in de rechtspraak (paragraaf 4). Ik sluit af met enkele bespiegelende
conclusies.
Bij een bijdrage als deze zou een kort overzicht moeten worden gegeven van het
Nederlandse socialezekerheidsstelsel en van het strafrechtelijk systeem. Ik zie daar
echter vanaf en kom onmiddellijk ter zake. Afkortingen en jargon zal ik zoveel
mogelijk vermijden. Voor een goed begrip zij nog vermeld dat Tbs verwijst naar een
vorm van gedwongen terbeschikkingstelling aan de regering. Tbs is een
behandelingsmaatregel die door de rechter als alternatief of in aanvulling op een
gevangenisstraf wordt opgelegd aan mensen die zware delicten hebben gepleegd en
lijden aan een psychische stoornis of ziekte. Naast Tbs kan een persoon ook nog
gedwongen opgenomen worden in een psychiatrische inrichting. Een dergelijke
opname kan door de rechter worden gelast bij zware psychische klachten, al dan niet
in samenhang met een gepleegd delict.
II. DE RECHTSGROND VAN DE UITSLUITING
In de Nederlandse wetgevingstraditie is het gewoonte om de rechtsgrond van de
desbetreffende regeling te formuleren. Een rechtsgrond moet worden beschouwd als
de ultieme rechtvaardiging, de causa finalis, kortom: de rechtvaardiging van de wet.
Bij de langdurige voorbereiding van de Wsg is over de rechtsgrond van de
uitsluiting het nodige te doen geweest.
Een interdepartementale werkgroep die al in 1993 was ingesteld om een blik te
werpen op de combinatie van uitkering en detentie, was tot het oordeel gekomen dat
hoe dan ook moet worden vermeden dat iemand die in de gevangenis verkeert
relatief in een betere financiële positie belandt door die gevangenschap. Als
gedetineerden uitkeringsgerechtigd zijn, zou een dergelijke bevoordeling zich
kunnen voordoen aangezien, zo was de gedachte, men van staatswege wordt
onderhouden, terwijl het uitkeringsgeld kan worden opgepot. Volgens de werkgroep
waren er twee opties om dit probleem op te lossen. De eerste ging ervan uit dat er
van gedetineerden een eigen bijdrage werd gevraagd ter compensatie van kosten van
verzorging, de tweede impliceerde een uitsluiting van het uitkeringsrecht. De
werkgroep adviseerde de tweede optie. Een eigenbijdrageregeling zou administratief
te bewerkelijk zijn, terwijl de uitsluitingsoptie beter zou worden begrepen door de
burger die de lasten voor de uitkeringen moet opbrengen.
Hoewel een aantal partijen in de Tweede Kamer6 de voorkeur gaf aan de invoering
van een eigenbijdrageregeling, nam de toenmalige regering het advies van de
interdepartementale werkgroep over. Aanvankelijk werd de rechtsgrond voor de
6
GroenLinks, Christen Democratisch Appèl en RPF/GPV (thans ChristenUnie).
179
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
uitsluiting door de regering gezocht in de logica van het verzekerd risico bij de
sociale verzekeringen. Bij gevangenschap is de derving van het inkomen niet
gelegen in het feit dat dit risico zich heeft voorgedaan, maar doordat men van zijn
vrijheid is beroofd, zo luidde de redenering.7 In feite lag aan de uitsluiting van
werkloosheidsuitkering een dergelijke redering reeds ten grondslag. De Raad van
State verwees deze rechtsgrond echter naar het rijk der fabelen. Volgens dit
adviescollege moest het verzekerd risico worden losgezien van detentie.8 Een
volledig arbeidsongeschikte werknemer zou bijvoorbeeld ook buiten zijn detentie
niet in staat zijn middels arbeid een inkomen te verkrijgen. De regering moest
bakzeil halen en twee nieuwe rechtsgronden werden van stal gehaald, namelijk:
-
de onwenselijkheid van dubbele betaling aan de gedetineerde door te voorzien
in levensonderhoud en de betaling van de uitkering; en
de ongelijkheid tussen gedetineerden die voor hun detentie in loondienst
werkten en hun inkomen kwijt raken en gedetineerden die voorafgaand aan de
detentie niet werkten, een uitkering ontvingen en deze inkomsten blijven
houden.
In het verlengde van deze twee gronden werd er bovendien nog op gewezen dat het
niet de bedoeling kan zijn dat de gedetineerde de uitkering kan aanwenden om een
vermogen op te bouwen, als gevolg waarvan de gedetineerde in een financieel
gunstigere positie komt te verkeren door zijn detentie.9
Tijdens de parlementaire behandeling verwierp de regering een beroep op de
verzekeringsgedachte. Door Staatssecretaris Hoogervorst is er nog met nadruk op
gewezen dat de solidariteit die aan de sociale zekerheid ten grondslag ligt, zich tegen
een dergelijk beroep verzet. De solidariteit vereist dat er verantwoord moet worden
omgegaan met premies die door burgers worden opgebracht. Het verstrekken van
uitkeringen aan gedetineerden zou voor de burger onbegrijpelijk zijn.10 Anders
gesteld: de betaling van een uitkering aan een gedetineerde moet worden gezien als
“een onjuiste besteding van premiegelden”.11 Dit laatste argument dat een beroep
doet op het “common sense” (of wellicht beter: het “gesundenes Volksempfinden”
bij de burger) domineerde ook de recente uitbreiding van de Wsg tot de Algemene
Ouderdomswet. In het desbetreffende wetsvoorstel werd simpelweg volstaan met de
mededeling dat er voor het betalen van pensioenen aan gedetineerden geen enkel
maatschappelijk draagvlak meer bestaat.
In het debat over de Wsg is ook aandacht besteed aan de positie van gezinsleden van
gedetineerden. De regering verwierp de suggestie dat ook zij worden gestraft door
de uitsluiting van uitkering. Bij onvoldoende eigen middelen van bestaan bestaat er
7
8
9
10
11
180
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. 3, p. 4.
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. 3. p. 4-5.
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. 3, p. 3 (MvT).
Handelingen II 1998/99, p. 4056.
Kamerstukken I 1999/00, 26063, nr. 42. p. 4 (MvA).
De gevangenis als alternatief voor de sociale zekerheid
Berichten uit de Noordelijke Nederlanden
immers voor hen een mogelijkheid een bijstandsuitkering aan te vragen. Bovendien
brengt de structuur van de Algemene Kinderbijslagwet met zich mee dat de nietgedetineerde partner automatisch in de rechten treedt van degene die in verband met
gevangenschap geen recht op bijslag heeft. Dit laatste was overigens ook de reden
dat de Wsg geen consequenties heeft gehad voor het recht op AKW. Er bestond toch
al geen recht op kinderbijslag voor de gedetineerde.
III. VORMGEVING VAN HET UITSLUITINGSCRITERIUM
De Wsg is ingevoerd door middel van een aanpassing van de diverse
socialezekerheidswetten. Er is geen sprake van een definitieve beëindigingsgrond,
noch van een loutere schorsingsbepaling. Formeel is sprake van een
uitsluitingsgrond. Dit heeft als gevolg dat het recht wordt stopgezet gedurende de
detentie en weer herleeft als deze ten einde komt.
Het wettelijke criterium voor detentie verwijst naar een persoon wiens vrijheid
rechtens is ontnomen. Het moet dan gaan om een periode van langer dan 30 dagen.
Het is een ruime omschrijving. Eronder vallen niet alleen een klassieke
gevangenisstraf, maar ook voorlopige hechtenis, Tbs, vreemdelingenbewaring en
gedwongen opname in een psychiatrische inrichting op grond van een bijzondere
opneming in een psychiatrische ziekenhuis. Alleen deze laatste vorm is expliciet
door de Wsg uitgezonderd. Voor de andere vormen kent het wetgevingscomplex
geen genade.
Een aantal van deze bijzondere vormen wordt hieronder behandeld.
Gedwongen opname in verband met geestesstoornis
De Wsg is niet van toepassing op personen, die op grond van de Wet bijzondere
opneming in psychiatrische ziekenhuizen of art. 37, lid 1 van het Wetboek van
Strafrecht gedwongen in een psychiatrisch ziekenhuis worden opgenomen. Hiervoor
zijn door de regering drie redenen opgevoerd. Allereerst zijn degenen die zijn
opgenomen verplicht om na een jaar een eigen bijdrage te leveren in de kosten van
de verzorging.12 Ten tweede kan het strafbaar feit niet worden toegerekend, vanwege
de geestesstoornis waardoor men gedwongen opgenomen dient te worden.13 Een
derde reden is gelegen in het doel van de opname. De opname heeft een
resocialiserend karakter. Het doel van de opname is om de betrokken persoon
dusdanig te behandelen dat hij weer naar huis kan en daar ‘normaal’ kan
functioneren.14
12
13
14
Art. 6, lid 4 AWBZ + AMvB.
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. 3, p. 12.
Kamerstukken I 1999/00, 26063, nr. 42. p. 11.
181
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Tbs
Hoewel Tbs enige raakvlakken heeft met de gedwongen opname in verband met
geestesstoornissen, hebben personen die in een Tbs-kliniek verblijven geen recht op
een uitkering. De Raad van State was destijds van mening dat ten tijde van opname
in een Tbs-kliniek het recht op de uitkering moet herleven, omdat ook Tbs’ers een
geestesstoornis hebben en omdat, aangezien een Tbs-inrichting op grond van de
Algemene Wet Bijzondere Ziektekosten gezien wordt als een psychiatrisch
ziekenhuis, ook zij na één jaar een eigen bijdrage moeten betalen.15 Verschil is wel
dat bij gedwongen opname er in zijn geheel geen sprake is van verwijtbaar en
toerekenbaar gedrag op grond van de stoornis. De regering liet echter een andere,
vooral pragmatische overweging prevaleren. Er werd op gewezen dat een Tbsmaatregel vaak wordt opgelegd in combinatie met een gevangenisstraf en dat de
betrokkene het niet zou begrijpen als zijn uitkering tijdens detentie zou worden
ingetrokken om tijdens Tbs te herleven onder aftrek van de eigen bijdrage voor het
verblijf in de inrichting.
Voorlopige hechtenis
Uitgesloten zijn ook personen die in voorlopige hechtenis zitten in afwachting van
hun proces. De regering heeft dit verdedigd met een beroep op het tegengaan van
verschillen tussen personen met een korte en lange duur van de voorlopige
hechtenis. Gedetineerden die lang in voorarrest hebben gezeten en daarna een straf
krijgen onder aftrek van die periode zouden anders te veel worden bevooroordeeld.
Dit argument houdt echter geen rekening met de mogelijkheid dat de verdachte
wordt vrijgesproken van hetgeen hij verdacht werd. Dat in die situatie een
schadevergoeding kan worden toegewezen om het ontstane nadeel teniet te doen,
vormde voor de regering het argument om de voorlopige hechtenis ten volle onder
de reikwijdte van de Wsg te brengen.
Detentie in het buitenland
Het wettelijk systeem maakt evenmin een uitzondering voor personen die in het
buitenland in de gevangenis hun straf uitzitten. Op zich is dit opmerkelijk aangezien
het argument van “dubbele betaling” voor de kosten van het levensonderhoud hier
niet opgaat. De regering heeft zich destijds tegen dit argument verzet door er op te
wijzen dat door de consulaire diensten hulp wordt verstrekt aan Nederlandse
gedetineerden in het buitenland. Dit argument is natuurlijk niet erg principieel. Veel
sterker vond ik de suggestie van een mijn studenten tijdens een werkgroep waarin de
Wsg aan de orde kwam, namelijk dat het aankomt op een element van reciprociteit.
Zoals de buitenlandse overheid verantwoordelijk is voor het levensonderhoud van
Nederlandse gedetineerden is dat vice versa evenzeer het geval.
15
182
Kamerstukken II 1997/98, 26063, nr. A. p. 3-4.
De gevangenis als alternatief voor de sociale zekerheid
Berichten uit de Noordelijke Nederlanden
IV. DE RECHTERLIJKE TOETS
De Nederlandse rechter heeft een sterke traditie ontwikkeld in het toetsten van
nationale wetgeving aan internationale verplichtingen. Deze traditie wordt gevoed
door enerzijds het zogenaamde toetsingsverbod van wetten in formele zin aan de
Grondwet en anderzijds de voorrang en rechtstreekse toepasselijkheid van een ieder
verbindende bepalingen van internationaal recht. Door deze constitutionele principes
heeft de Nederlandse rechtspraak een sterke internationale oriëntatie ontwikkeld.16
Er is met spanning uitgekeken naar de opvattingen van de Centrale Raad van Beroep
(CRvB) over de Wsg. De CRvB is het hoogste rechtscollege dat uitspraken doet op
het terrein van de sociale zekerheid. In zijn uitspraak van 18 juni 2004 heeft de
CRvB in zeven gevallen beoordeeld of het uitvoeringsorgaan op grond van de Wsg
uitkeringen ingevolge de arbeidsongeschiktheidswetgeving mocht intrekken of
weigeren.17 De CRvB stelt in deze uitspraak eerst vast dat alle besluiten in
overeenstemming zijn met het nationale recht en gaat vervolgens over tot de toetsing
aan het internationale recht. Daarbij overweegt de CRvB dat aan art. 25 van de
Universele Verklaring van de Rechten van de Mens, art. 12 van het Europees
Sociaal Handvest en art. 9 van het Internationaal Verdrag inzake economische,
sociale rechten niet kan worden getoetst, omdat deze artikelen naar hun inhoud niet
een ieder kunnen verbinden. Ook de toetsing aan art. 32 van ILO-conventie 128
loopt hierop stuk. Daarbij overweegt de CRvB dat ILO-conventie 128 een
instructiekarakter draagt en gericht is tot de verdragsluitende partijen, hetgeen in het
algemeen in de weg zal staan aan de mogelijkheid van het inroepen van een rechtens
afdwingbare aanspraak op een concrete prestatie in een individueel geval. Een staat
wordt geacht te voldoen aan deze conventie als het collectieve beschermingsniveau
adequaat is, zonder daarbij acht te slaan op datgene wat in het individuele geval tot
uitbetaling komt. De verdragsluitende partijen kunnen voorts op verschillende
wijzen inhoud geven aan die instructienormen, zodat deze moeilijk te sublimeren
zijn tot een rechtens afdwingbare norm voor burgers.
Vervolgens gaat de CRvB in op de stelling dat in de Wsg een door art. 14 van het
EVRM
verboden
onderscheid
wordt
gemaakt
tussen
gedetineerde
uitkeringsgerechtigden en niet-gedetineerde uitkeringsgerechtigden. Daarbij verwijst
de CRvB naar het EHRM-arrest Koua Poirrez en oordeelt dat toetsing aan art. 14
van het EVRM (in samenhang met art. 1 van het Eerste Protocol) mogelijk is als de
belanghebbende voldoet aan alle wettelijke voorwaarden voor het (voort)bestaan van
een recht op uitkering, met uitzondering van de voorwaarden waarvan hij de
rechtsgeldigheid in verband met een vermeend discriminatoir karakter bestrijdt.
16
17
Vgl. G.J. VONK, Overijverige rechter of terkortschietende rechter, over de rol van
rechter en wetgever bij het proces van doorwerking van internationale normen in het
sociale zekerheidsrecht, 1999, oratie Vrije Universiteit.
CRvB 18 juni 2004, RSV 2004/298, USZ 2004/255 en JB 2004/303.
183
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Toegepast op deze zaak, oordeelt de CRvB dat de gedetineerden voldoen aan alle
wettelijke voorwaarden met uitzondering van het ene criterium dat zij als
discriminatoir bestempelen, namelijk de voorwaarde dat hun vrijheid niet rechtens is
ontnomen. Toetsing aan artikel 14 van het EVRM is dus mogelijk.
De CRvB oordeelt vervolgens dat het onderscheid tussen gedetineerde
uitkeringsgerechtigden en niet-gedetineerde uitkeringsgerechtigden objectief
gerechtvaardigd is. De CRvB verwijst hierbij naar de wetsgeschiedenis en stelt vast
dat de wetgever heeft beoogd een einde te maken aan de ongewenst geachte situatie
dat
tijdens
wettelijke
vrijheidsontneming
verstrekking
van
een
socialeverzekeringsuitkering plaatsvindt, terwijl de Staat reeds in de kosten van het
levensonderhoud voorziet. Daarnaast wenste de wetgever met de Wsg een einde te
maken aan de ongelijke positie van enerzijds degenen die voor hun detentie in
loondienst werkten en die tijdens detentie hun inkomen verliezen, en anderzijds de
uitkeringsgerechtigden die hun uitkering tijdens detentie kunnen behouden. Deze
doelstellingen zijn volgens de CRvB rechtens aanvaardbaar en het middel van de
Wsg is in zijn algemeenheid geëigend om elk van deze doelstellingen te bereiken.
Het feit dat bepaalde kosten tijdens detentie geheel of ten dele doorlopen en het feit
dat het verzekerd risico tijdens detentie blijft voortbestaan, brengt de CRvB niet tot
een ander oordeel. Bij deze beoordeling heeft de CRvB zich terughoudend
opgesteld. Uit de jurisprudentie van het EHRM blijkt immers dat de wetgever bij de
implementatie van maatregelen op sociaal en economisch gebied over een ruime
beoordelingsmarge beschikt. Gezien deze ruime beoordelingsmarge is het volgens
de CRvB ook toegestaan om een onderscheid te maken tussen personen die in een
Tbs-inrichting verblijven en personen die met toepassing van artikel 37, eerste lid
van het Wetboek van Strafrecht zijn opgenomen in een psychiatrisch ziekenhuis.
Volgens de CRvB bestaan er tussen deze categorieën zodanige verschillen dat de
wetgever tot het oordeel heeft mogen komen dat de eerste groep wel onder de
werking van de Wsg valt, en de tweede groep niet. De wetgever heeft zijn
beoordelingsmarge echter wel overschreden door de Wsg ook toe te passen op
personen die zijn ontslagen van alle rechtsvervolging en die vervolgens zijn
opgenomen in een Tbs-inrichting dan wel in afwachting van opname in een Tbsinrichting in een penitentiaire inrichting verblijven. Volgens de Raad bestaat er
namelijk geen rechtens relevant verschil tussen deze personen en de personen die
met toepassing van artikel 37, eerste lid van het Wetboek van Strafrecht zijn
opgenomen in een psychiatrisch ziekenhuis.
De Raad voegt hieraan toe dat toetsing aan artikel 26 van het Internationaal Verdrag
inzake burgerrechten en politieke rechten (IVBPR) niet tot een ander oordeel leidt.
Vervolgens gaat de Raad in op de stelling dat de weigering of de intrekking van de
arbeidsongeschiktheidsuitkering in strijd is met artikel 1 van het Eerste Protocol. De
weigering van een uitkering na 1 mei 2000 levert geen strijd op met dit artikel. De
Wsg is namelijk op 1 mei 2000 in werking getreden, waardoor er in geval van een
weigering na deze datum niet gesproken kan worden van een eigendomsontneming.
De intrekking van een uitkering met ingang van 1 juni 2000 is daarentegen wel als
184
De gevangenis als alternatief voor de sociale zekerheid
Berichten uit de Noordelijke Nederlanden
eigendomsontneming te kwalificeren. In tegenstelling tot de wetgever meent de
CRvB dat deze eigendomsontneming niet voldoet aan de vereisten van
proportionaliteit en subsidiariteit. Volgens de CRvB is de overgangstermijn te kort
om de getroffen uitkeringsgerechtigden in staat te stellen om hun zaken op orde te
brengen. Hierbij is mede van belang dat het door de staat verschafte onderhoud en
onderdak niet kan worden beschouwd als een vorm van compensatie voor de
intrekking van hun uitkering. Deze intrekking kan bovendien een lange periode
beslaan. Daarnaast is relevant dat de overgangstermijn veel korter is dan in andere
situaties waarin het recht op uitkering werd beperkt of ingetrokken. Vervolgens stelt
de CRvB zelf een overgangstermijn voor door ten overvloede te overwegen dat een
overgangstermijn van zes maanden wel in overeenstemming zou kunnen worden
geacht met artikel 1 van het Eerste Protocol.
De slotsom is dat, afgezien van een enkele grenscorrectie en kritiek op het
overgangsrechtelijk regime, de Wsg de rechterlijke toets heeft doorstaan. Het
overgangsrechtelijk aspect voor de Nederlandse rechtsontwikkeling heeft een grote
betekenis gehad. Het is op zich al zeer uitzonderlijk dat een rechtscollege oordeelt
dat er sprake is van strijd met artikel 1 van het Eerste Protocol, maar wat deze
uitspraak nog uitzonderlijker maakt, is dat de CRvB aan het uitvoeringsorgaan laat
weten wat een redelijke overgangstermijn zou kunnen zijn. Hierbij werd concreet
een periode van zes maanden gesuggereerd. Bij de laatste uitbreiding van de Wsg
naar de Algemene Ouderdomswet werd een dergelijke overgangstermijn door de
wetgever ook keurig in acht genomen. De norm van zes maanden lijkt dus tot het
rechtsbewustzijn doorgedrongen, maar voor de principiële rechtsgeldigheid van de
uitsluiting van het recht op uitkering voor gedetineerden, heeft dit niets van doen.
V. CONCLUSIE
Uit het voorgaande blijkt dat de radicale uitsluiting van gedetineerden van alle
socialezekerheidsuitkeringen waarvoor de Nederlandse regering heeft gekozen, is
terug te voeren op één achterliggend oermotief: het ontbreken van enig draagvlak
onder het Nederlandse volk voor het betalen van uitkeringen aan mensen in de
gevangenis. Waarom dit het geval is, wordt soms in verdekte termen geduid: een
ongerechtvaardigde cumulatie van overheidsprestaties moet worden vermeden of er
mag geen onderscheid ontstaan tussen hen die voorafgaande aan de detentie werkten
en hen die een uitkering genoten. De diepere reden die misschien minder makkelijk
wordt geformuleerd is dat men het niet legitiem vindt uitkeringen te verstrekken van
overheidswege aan personen die de belangen van de samenleving hebben geschaad.
Uit de vormgeving van het uitsluitingscriterium zou je kunnen afleiden dat dit
legitimiteitsargument wel degelijk een rol heeft gespeeld. Immers, in alle gevallen
waarbij mogelijk sprake is van een strafrechtelijke veroordeling volgt een uitsluiting,
terwijl uitzonderingen uitsluitend worden toegestaan ten aanzien van personen die
zijn opgesloten zonder dat hieraan een strafrechtelijk verboden handeling ten
grondslag ligt, zoals personen die een bijzondere opname in een psychiatrische
inrichting ondergaan.
185
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Al met al heeft de Nederlandse maatregel een nogal Spartaans karakter. Zij kent
nauwelijks toeters en bellen. Een ieder die langer dan een maand rechtens van zijn
vrijheid is beroofd, is uitgesloten van uitkering. Daarbij worden noch in wetgeving,
noch in de jurisprudentie nauwelijks enige uitzonderingen van betekenis toegelaten.
Of een dergelijke regeling de Belgen tot voorbeeld zou moeten strekken, is nog maar
de vraag. Pogingen om meer orde en systematiek te realiseren kunnen soms
onverwacht strenge gevolgen oproepen. Misschien kan men vanuit dat perspectief
sommige dossiers maar beter onaangeroerd laten.
186
UNE APPROCHE JURIDIQUE COMPAREE
DU TRAVAIL PENITENTIAIRE
DANS QUELQUES PAYS EUROPEENS
par Philippe AUVERGNON
Directeur de recherche au CNRS,
Comptrasec UMR CNRS 5114,
Université Montesquieu-Bordeaux IV
I. INTRODUCTION
Enfermement et travail entretiennent une vieille relation dans le monde, notamment
en Europe1. Les sociétés ont attribué d’abord une fonction expiatoire au travail avant
de lui assigner une fonction réhabilitatrice au milieu de XXème siècle et parfois
aujourd’hui un but de socialisation, voire de réinsertion2. Si l’on peut discuter
fortement l’atteinte d’un tel objectif, il est indiscutable que l’accès au travail en
prison est souvent synonyme de moins mauvaises conditions de vie, de possibilités
d’entretien de liens sociaux extérieurs, de dignité de la personne incarcérée.
On peut à propos du travail pénitentiaire tenir facilement un discours pessimiste ; le
contexte économique est pour le moins défavorable (crise de l’emploi à l’extérieur,
délocalisation des emplois peu qualifiés, …). Certaines politiques pénales visant à
l’enfermement du plus grand nombre n’arrangent pas les choses ; il en va de même
de la montée des populismes observable dans de nombreux pays. Dans un tel
contexte, on ne voit pas bien comment le statut du travail en prison pourrait évoluer
alors qu’il n’aurait pas progressé en Europe dans les 30 ou 40 dernières années et
que le détenu accédant au travail ne jouirait « d’aucun des droits ni des protections
accordés aux travailleurs »3. On doit cependant se garder de toute généralisation.
Une approche juridique comparée de quelques pays européens4 conduit non pas à
nier la gravité de la situation mais à observer, en fonction du pays considéré, des
progrès tant au plan des principes que parfois de l’encadrement juridique de la
prestation de travail en prison5.
1
2
3
4
5
Cf. not. S. LORVELLEC, « Travail et peine », R.P.D.P. 1997, p. 208 ; D. VAN ZYL and
F. DÜNKEL (ed.), Prison Labour : Salvation or Slavery? International Perspectives,
Aldershot UK, Dartmouth Publishing 1999, 368 p. ; E. SHEA, Le travail pénitentiaire :
un défi européen, Ed. L’Harmattan, Paris 2006, 242 p. ; PH. AUVERGNON et
C. GUILLEMAIN, Le travail pénitentiaire en question, LdF, Paris 2006, 196 p. ;
F. GUILBAUD, Des travailleurs en quête de liberté – Sociologie du travail pénitentiaire -,
Thèse de doctorat, Université Paris X-Nanterre, 2008, p. 51 à 86.
Par delà les discours, il apparaît évident que ce n’est pas le type de travail réalisé en
prison qui peut favoriser la réinsertion professionnelle ; les tâches le plus souvent
confiées sont généralement très éloignées des métiers que les détenus pourront occuper
à leur sortie. C’est davantage dans la norme, les rythmes de travail et l’habitude de
travailler que cela a des conséquences (Cf. not. F. GUILBAUD, op. cit. sp. p. 291 et s.).
E. SHEA, « Les paradoxes de la normalisation du travail pénitentiaire en France et en
Allemagne », Revue Déviance et société, 2005/3, p. 349.
L’éclairage comparatif est ici principalement limité aux droits d’Allemagne,
d’Angleterre et du Pays du Galles, d’Espagne, de France et d’Italie. On ne peut que
souhaiter l’étendre à l’étude des droits et situations prévalant dans les pays scandinaves
mais aussi dans les plus récents Etats-membres de l’Union européenne.
A propos de l’évolution de la situation carcérale, on doit souligner l’impact des « Règles
pénitentiaires européennes », prescriptions destinées à tous les États membres du
Conseil de l’Europe. Bien que n’ayant pas de force contraignante, ces règles ont un
poids réel du fait tant de leur qualité que de l’autorité du Conseil de l’Europe.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Certes, des pays européens continuent à afficher une obligation de travail, parmi eux
l’Allemagne et l’Italie6. Mais d’autres, comme la France7 et la Belgique8 ont fait le
choix de l’abrogation d’une telle obligation alors qu’on parle en Angleterre
simplement « d’accomplir un travail utile ». Quelques pays tels l’Espagne et le
Danemark, avaient substitué à l’obligation de travail une « obligation d’activité ».
La législation française vient d’affirmer une telle obligation9 pour la seule personne
« condamnée », dorénavant « tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est
proposée » (…) dès lors que celle-ci « a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et
est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ». Il est
précisé que l’activité peut consister « par priorité dans divers apprentissages »
(lecture, écriture, calcul) et que « l’organisation des apprentissages est aménagée »
lorsque la personne condamnée « exerce une activité de travail ». On ne peut que
regretter un certain flou dans la distinction entre « activité » et « travail », et partant
entre « activité obligée » et « travail non forcé ». Toutefois, certains insisteront sur le
peu de « réalisme » de telles observations en notant d’une part que la proposition
d’activités suppose des moyens, d’autre part que la question partout en Europe n’est
pas aujourd’hui d’imposer un travail mais de pouvoir en proposer un. On doit
toutefois prendre acte de la tendance.
Les encadrements juridiques nationaux du travail en prison ont eux-mêmes connu
des changements notables depuis les années 1970. Le plus significatif concerne, à
n’en point douter, l’Espagne. Le gouvernement de ce pays a été habilité par une loi
du 2 septembre 1999 à fixer par décret les particularités du droit du travail des
détenus. Un décret du 6 juillet 2001 est venu ainsi déterminer les principales règles
applicables à la prestation de travail et faire bénéficier les détenus du régime général
de Sécurité sociale. Le droit espagnol reconnaît et encadre aujourd’hui une relation
6
7
8
9
190
Pour l’Allemagne, l’article 41 alinéa 1 de la loi sur l’exécution des peines de 1976 ;
pour l’Italie, l’article 20 de la loi pénitentiaire n° 354 de 1975. Le refus du détenu peut
l’exposer à des sanctions (Allemagne) ; il peut aussi être accepté dès lors que
l’affectation à l’emploi ne tenait pas compte des compétences du détenu (Italie).
Loi n° 87-432 du 22 juin 1987. Il faut toutefois souligner que le fait de travailler peut
permettre parfois au détenu d’obtenir des réductions de peines (ex. France) ; on peut de
ce fait se demander s’il est véritablement libre d’accepter ou de refuser de travailler et,
par là même, si la Convention n° 29 de l’OIT est dans son esprit respectée ; sur le cas
français, voir les observations de la Commission d’experts de l’OIT
(http://www.ilo.org/ilolex)
L’article 169, 5° de la Loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration
pénitentiaire et le statut juridique des détenus, a abrogé l’article 30 ter du Code pénal
(Cf. Moniteur belge du 1er février 2005, p. 2848)
Art. 27 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, parue au JO 20091436 du 25 novembre 2009. Cette loi a fait l’objet d’un recours devant le Conseil
constitutionnel, introduit le 20 octobre 2009. Le Conseil constitutionnel a rendu sa
décision relative à la loi pénitentiaire le 19 novembre 2009 (Décision n° 2009-593 DC).
Sa décision ne remet en cause aucune des dispositions relatives au travail pénitentiaire.
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
de travail spéciale10. En Italie, une loi du 26 juillet 1975 relative au système
pénitentiaire, a énoncé les grands principes applicables au travail des détenus ; un
règlement du 30 juin 2000 comporte un ensemble de dispositions plus détaillées,
notamment sur l’organisation du travail en prison11. Il n’en va pas de même dans
d’autres pays pour lesquels il faut chercher dans des normes générales ou
particulières, ne concernant pas centralement la question du travail, des indications
sur cette question. En Allemagne, le fondement juridique du travail en prison peut
être trouvé dans la loi sur l’exécution des peines du 16 mars 197612. En Angleterre,
on se réfère à un « order » sur les prisons de 1999, texte à caractère assez général
complété par de nombreux documents internes à l’administration pénitentiaire13. En
France, le travail pénitentiaire reste régi par des articles du Code de procédure
pénale14 ; en l’absence de véritables précisions, les responsables d’établissement
pénitentiaire s’en remettaient à des circulaires, des notes de service ou à un
document de la Direction centrale de l’Administration pénitentiaire dénommé
« Pacte 2 »15 ; ils ont dorénavant à prendre en compte quelques dispositions de la loi
pénitentiaire du 13 octobre 200916.
En réalité, parmi les pays précités, seules l’Italie et l’Espagne prévoient que les
détenus accomplissent un travail pénitentiaire dans le cadre d’un « contrat de
travail », mais nous verrons qu’il n’en découle pas toujours de conséquence logique.
Dans l’ensemble des pays européens étudiés, on retrouve concrètement deux grands
types de travail. Une première forme de travail est liée au fonctionnement de la
prison ; elle correspond notamment à l’entretien des locaux, de matériels, aux
activités de cuisine ou de nettoyage du linge, … ; on parle alors en France de
10
11
12
13
14
15
16
Cf. not. J. A. SOLER ARREBOLA, « La relation de travail spéciale de travail des détenus
dans les ateliers pénitentiaires en Espagne », Bulletin de droit comparé du travail et de
la sécurité sociale, 2007, p. 199.
Cf. not. G. LOY ET S. FERNANDEZ, « Le travail des détenus dans les prisons en Italie »,
Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2007, p. 165.
Articles 41 et s. de la loi du 16 mars 1976. Les règlements et circulaires administratives
pris pour l’application de cette loi sont, quant à eux, fondés sur un « accord » conclu
entre les administrations de la Justice des différents Länder (Cf. not. A. HÖLAND et M.
MAUL-SARTORI, « Le travail des détenus dans les prisons en Allemagne », Bulletin de
droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2007, p. 135).
Cf. not. J. CARBY-HALL, « Droit du travail en prison : le cas de l’Angleterre et du Pays
de Galles », Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 2007, p. 107.
Articles 720, 720-1 AA et D. 98 et suivants du Code de procédure pénale
Ce « Pacte » n’est passé avec personne. Il s’agit du sigle du « Plan d’Amélioration des
conditions de travail et de l’emploi » prévu pour la période 2000-2003, ayant succédé à
un « Plan d’action pour la croissance du travail et de l’emploi », dit Pacte 1, couvrant la
période 1997-1999.
Pour l’essentiel : l’article 32 instaurant un taux horaire de rémunération minimum
indexé sur le salaire minimum de croissance, et l’article 33 prévoyant la signature d’un
« acte d’engagement » en cas de « participation des personnes détenues aux activités
professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires ».
191
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
l’affectation au « service général », en Espagne de la « gestion de services », en
Italie, de « travail domestique ». C’est également une réalité en Angleterre et au
Pays de Galles. En Allemagne, il n’y a pas là une possibilité mais bien une
obligation, de service17 ; on relèvera que, quel que soit le pays, ce travail contribue
directement à « l’équilibre financier » de la prison. Une seconde forme correspond à
un travail « productif » ; celui-ci peut être réalisé sous la direction et pour le compte
d’une institution relevant de l’Etat (Angleterre, Espagne, France)18 ; il peut être aussi
effectué sous la direction de l’autorité pénitentiaire ou d’un organisme ad hoc mais
pour le compte d’une entreprise extérieure, au titre d’un contrat de « prestation de
services » ou de « sous-traitance » (ex. France). Enfin, il peut s’agir d’un travail
effectué pour le compte et sous la direction d’une entreprise extérieure.
L’administration pénitentiaire (ex. France, Italie) ou un organisme ad hoc (Espagne,
France)19 fournit alors des détenus à une entreprise privée qui organise la production
dans des locaux mis à sa disposition. Dans une même logique, la loi nationale peut
prévoir « l’installation d’entreprises privées en prison » (ex. Allemagne). Toujours
au sein de la prison, il arrive que légalement puisse être prévue la possibilité de
prestations de travail autonome ou indépendant (ex. Allemagne, France, Italie)20.
Dans l’ensemble des pays, on retrouve développées des activités productives
sensiblement de même nature. Il s’agit concrètement de menuiserie, métallerie,
mécanique générale, imprimerie, confection, conditionnement, agriculture,
informatique, vêtements, chaussures, pièces pour l’aéronautique, parachutes, … Le
plus souvent il y a là des activités ne nécessitant pas de qualification, relevant
essentiellement du conditionnement ou du façonnage, parfois d’un objectif de
reproduction matériel et symbolique de l’institution carcérale (portes, barreaux,
mobilier carcéral). Exceptionnellement, on requiert un réel savoir-faire, ainsi du
montage et du contrôle de circuits électroniques pour la téléphonie mobile, voire
certains talents d’artisan (céramique). De façon pour le moment marginale, on relève
que, face au chômage régnant en prison, certaines administrations acceptent de
s’ouvrir à des activités du secteur tertiaire, ainsi de l’implantation de centres
d’appels téléphoniques21.
17
18
19
20
21
192
Obligation limitée à trois mois par an (Cf. article 41 alinéa 1er de la loi sur l’exécution
des peines de 1976).
Il s’agit en Angleterre d’une possibilité de « gestion en direct » par « Prison
enterprises », agence du ministère de l’Intérieur, en Espagne de l’une des modalités
d’intervention de l’Office autonome pour le travail et les prestations pénitentiaires
(OATPP), en France de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP).
OATTP en Espagne, Prison Enterprises en Angleterre.
Ce type de travail semble toutefois exceptionnel en France ; il est théoriquement
possible mais rare en Angleterre, possible mais non pratiqué en Espagne. En Italie, la loi
l’autorisant prévoit qu’il doit être effectué hors des heures destinées au « travail
ordinaire » sauf autorisation de la direction de l’établissement pénitentiaire (Cf. article
20 n° 354 de la loi italienne du 26 juillet 1975).
Ainsi en France dans les prisons de Rennes (Ille et Vilaine) et de Bapaume (Nord-Pasde-Calais).
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
Si la nature du travail réalisé en prison ne change pas énormément d’un pays à
l’autre, en revanche il n’en va pas de même des conditions de son exécution. Si le
travail en cellule a tendance heureusement à reculer22, il reste important en
Angleterre, en France et en Italie ; il est rare en Allemagne, inexistant en Espagne.
En ce qui concerne l’organisation de la production et la surveillance de la qualité,
l’encadrement du travail est réalisé soit par les détenus eux-mêmes (ex. Angleterre,
France), soit par des chefs d’atelier, membres de l’administration pénitentiaire
(Angleterre, Allemagne, Espagne, France, Italie), soit encore par du personnel
d’entreprise extérieure détaché en prison (Allemagne, Espagne, France, Italie).
Par-delà les questions – importantes – d’organisation et de nature du travail, c’est la
reconnaissance de droits au détenu en tant que travailleur qui apparaît presque
partout toujours problématique. Si l’influence du modèle salarial se fait sentir au
point de connaître des traductions majeures dans quelques pays (I), partout la
prégnance du modèle sécuritaire pèse, au point de nier des droits élémentaires de
tout travailleur (II).
II. L’INFLUENCE DU MODELE SALARIAL « EXTERIEUR »
Dans de nombreux pays européens, l’écart entre la situation du détenu au travail et
celle d’un salarié libre reste considérable. Pourtant, le modèle salarial fait sentir son
influence, à des degrés divers, sur quelques questions. On fait ainsi référence aux
taux de rémunérations de l’extérieur pour fixer des minima inférieurs (A) ; les
normes « extra muros » valent également en matière de durée de travail (B) ; on
affirme enfin une identité (restant souvent théorique !) de protection de la santé et de
la sécurité au travail (C). Le rapport existant entre travail et protection sociale en
prison s’avère quant à lui fort révélateur, creusant l’écart d’une certaine façon entre
pays ayant accepté de voir le travail pénitentiaire « aspiré » par le modèle salarial et
pays refusant la reconnaissance officielle d’une relation de travail subordonnée (D).
A. REMUNERATION DU TRAVAIL
INFERIEURS
:
UN PRINCIPE… ET DES MINIMA
A l’exception de l’Angleterre23, les autres pays étudiés (Allemagne, Espagne, France
et Italie) prévoient un taux minimum de rémunération du travail effectué en prison.
Celui-ci est toujours inférieur au salaire minimum légal – lorsque celui-ci existe – ou
aux minima conventionnels.
22
23
Le travail en cellule est peu bénéfique pour la formation et la réinsertion
professionnelle ; il correspond par ailleurs à des conditions de travail très critiquables
sur le plan de l’hygiène, de la sécurité et la durée du travail, tout élément le rapprochant
des conditions prévalant en matière de travail clandestin.
En Angleterre, seuls les détenus âgés ont droit au salaire minimum national (Cf.
J. CARBY-HALL., op. cit.).
193
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
En Allemagne, la loi sur l’exécution des peines prévoit une rémunération
pénitentiaire de base servant de référence pour la détermination des rémunérations
réelles. Celle-ci correspond à 9% du salaire moyen de l’année précédente24. En
France, la loi précise que les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant
que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de
préparer les détenus aux conditions normales du travail libre25. Ces prescriptions ne
semblent pas toujours respectées en pratique. Le travail en atelier de production est
ainsi rémunéré en principe par référence à un Seuil Minimum de Rémunération
(SMR). Ce taux horaire minimum, équivalant à 40 à 45 % du Salaire Minimum
Interprofessionnel de Croissance (SMIC), est une création de l’Administration
pénitentiaire26 ; on a récemment discuté en France d’une indexation de la
rémunération des détenus employés en prison sur le SMIC, en soulignant qu’elle
introduirait « un peu de droit commun du travail dans l’établissement pénitentiaire et
(contribuerait) à donner au détenu le sentiment qu’il est, de ce point de vue un
travailleur comme un autre »27. La loi pénitentiaire adoptée le 13 octobre 2009 est
effectivement venue préciser que « la rémunération du travail des personnes
détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le
salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du code du travail » ; il
est toutefois indiqué que « ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les
personnes détenues sont employées »28.
En Espagne, l’Organisme autonome du travail et des prestations pénitentiaires fixe
annuellement des taux horaires minimum variant en fonction de l’activité assurée ;
ce taux est proche du salaire minimum interprofessionnel applicable hors prison. En
Italie, la loi pénitentiaire a prévu que les revenus doivent être déterminés de façon
équitable en fonction de la qualité et de la quantité de travail fourni, de
24
25
26
27
28
194
Cf. A. HÖLAND et M. MAUL-SARTORI, op. cit.
Cf. article D. 102 du Code de procédure pénale.
Antérieurement à la loi du 13 octobre 2009 prévoyant une indexation sur le SMIC, la
rémunération du détenu évoluait à l’occasion de la réévaluation (éventuelle) du SMR
dont était chargé, tous les ans en janvier, un agent de la Direction centrale de
l’Administration pénitentiaire.
Nicolas About, avis n° 222 fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le
projet de loi pénitentiaire (http://www.senat.fr/rap/a08-222/a08-222.html ).
Article 32 de la loi du 13 octobre 2009. Cet article constitue un nouvel alinéa de l’article
717-3 du code de procédure pénale. On observera, au passage, qu’on fait à l’article 32
référence à des personnes détenues « employées », alors que dans l’article 33 de la
même loi, on prévoit l’établissement d’un « acte d’engagement » non pas pour des
« employés » mais pour la « participation des personnes détenues à des activités
professionnelles ». Il est décidemment difficile d’aborder la question du lien d’emploi
quand on tient idéologiquement à refuser toute possible qualification de contrat de
travail. Cette dernière option est malheureusement assumée de façon explicite à l’alinéa
2 du même article 33 : « (l’acte d’engagement) précise notamment les modalités selon
lesquelles la personne détenue, (…) nonobstant l’absence de contrat de travail, bénéficie
des dispositions relatives à l’insertion par l’économique prévues aux articles L. 5132-1 à
L. 5132-17 du code du travail ».
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
l’organisation et de la nature du travail, et que leur montant ne doit pas être inférieur
aux deux-tiers de ce qui est prévu par les minima des conventions collectives
correspondantes à l’activité réalisée.
Des niveaux de rémunérations minimales peuvent être prévus spécifiquement pour
le travail lié au fonctionnement général de la prison ; ils sont en tout cas inférieurs
aux minima de référence pour le travail « productif ». Pour ce dernier, il arrive aussi
que soient prévues réglementairement des grilles de classification fixant des minima
en fonction des niveaux de compétence (Allemagne, Espagne) ou qu’existent des
classifications en fonction de la catégorie de travailleurs (ex. Angleterre). Dans le
seul cas de l’Italie, les grilles de classifications et les rémunérations y liées, sont
celles applicables à l’extérieur de la prison. Bien que non prévues légalement ou
réglementairement, on peut rencontrer en France de telles « grilles » instituées aussi
bien pour le travail en régie qu’en concession29.
La question d’un salaire minimum en prison doit toutefois ne pas être confondue
avec celle d’une garantie minimum de revenu, singulièrement du fait d’une
rémunération à l’heure voire à la pièce, prévue parfois expressément (ex.
Allemagne, Angleterre), de toute façon assez généralement pratiquée. La prise en
compte notamment de l’amélioration de la qualité du travail, de l’augmentation de la
productivité est envisagée, quant à elle, par le droit espagnol, au travers de « primes
à la production ». De telles primes sont aussi possibles en Allemagne, en Angleterre
et en France. En Italie, c’est également le droit commun du travail qui a vocation à
s’appliquer ici.
Dans l’ensemble des situations nationales étudiées, on note l’existence d’une trace
écrite et précise de la rémunération du travail du détenu. Cependant l’obligation de
délivrance de « bulletins de salaire » aux détenus ne paraît exister qu’en Italie dès
lors que le travail est effectué dans le cadre d’un contrat de travail classique passé
avec une entreprise privée ; le détenu a les mêmes droits que tout autre travailleur à
l’information écrite sur son salaire30. En Allemagne, bien qu’on ne parle pas de
salaire, la loi sur l’exécution des peines prévoit que le détenu doit être informé par
écrit. Ce dernier reçoit effectivement un relevé mensuel indiquant les heures
travaillées et le montant de la rémunération. Ailleurs, on relève des pratiques
apparaissant toutefois systématiques ; ainsi, en Angleterre, le détenu-travailleur
reçoit une « feuille de paye » comportant certaines indications telles que le nombre
d’heures travaillées et les déductions opérées sur la rémunération du travail. En
Espagne, s’il existe une pratique de « feuilles de paye », celles-ci n’obéissent pas
formellement à un modèle précis. En France où, une fois de plus, ni le droit ni les
29
30
Ces « grilles » sont le plus souvent rudimentaires distinguant, par exemple, avec un
humour involontaire au regard de la population concernée : les débutants, les affirmés,
les confirmés et les experts.
On fait ici référence à la directive européenne 91/533/CEE du 14 octobre 1991 relative à
l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables aux
contrats ou à la relation de travail.
195
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
pratiques n’apparaissent très avancés, on peut simplement relever d’une part que
l’établissement de feuilles de rémunération est prévu dans le cadre d’un contrat-type
de concession31, d’autre part que la récente loi pénitentiaire stipule qu’en cas d’acte
d’engagement signé entre le chef d’établissement et la personne détenue, cet « acte »
énonce notamment les « conditions de travail et de rémunération »32.
Les solutions nationales varient quant à la part de rémunération à disposition du
détenu. Tout d’abord qu’il s’agisse ou non de salaire, un certain nombre de
déductions au titre de cotisations sociales sont effectuées ; il en va ainsi en
Allemagne pour les seules cotisations d’assurance-chômage, en Angleterre des
cotisations telles que celles du service de santé (« national health contributions »).
En France, sauf en ce qui concerne la rémunération d’un travail au service général, il
y a versement de cotisations patronales et salariales au titre des assurances maladiematernité et vieillesse. De façon générale, en Espagne et en Italie, les cotisations
sociales retenues sont les mêmes que celles prévues pour n’importe quel salarié.
Par ailleurs, d’autres déductions que celles opérées au titre des cotisations sociales,
peuvent intervenir impérativement ou éventuellement. Ainsi, en Italie, les détenus
doivent, sur le produit de leur travail, participer à leurs frais d’hébergement ; ceci
n’est pas ou n’est plus le cas en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et en France.
Outre les frais d’entretien, en Italie des sommes peuvent être déduites au titre du
dommage causé ou de frais de procédures ; la jurisprudence constitutionnelle
italienne interdit toutefois de retenir une part au titre de l’indemnisation des
victimes33. En France, d’autres déductions sont calculées au regard de toutes les
sommes qui échoient au détenu34. Au-delà d’un montant minimal considéré comme
ayant un caractère alimentaire, 10 % de la rémunération est destiné à la constitution
d’un pécule de libération ; 20 à 30% sont par ailleurs affectés à l’indemnisation des
parties civiles et aux créanciers d’aliments35. En Allemagne, la loi sur l’exécution
des peines prévoit la constitution obligatoire d’un pécule de sortie ; son montant
varie en fonction de la situation individuelle et familiale du détenu dont il est censé
assurer la subsistance pendant quatre semaines suivant sa sortie de prison36. En
Angleterre, une épargne dans la perspective de la sortie de prison ou pour la famille
du détenu peut être retenue sur la rémunération du travail mais elle n’est en aucun
cas obligatoire ou forcée37. La constitution d’un pécule liquidable à la sortie du
détenu est également prévue par la législation en Espagne38. Dans ce dernier pays, le
31
32
33
34
35
36
37
38
196
Cf. Article 7.3 du contrat de concession-type de l’administration pénitentiaire française.
Cf. Article 33 de la loi pénitentiaire adoptée le 13 octobre 2009, op. cit.
Cf. G. LOY et S. FERNANDEZ, op. cit.
Cf. le total des sommes ne doit pas excéder 200 euro par mois, plafond doublé à
l’occasion des fêtes de fin d’année (cf. article 320 du Code de procédure pénale).
20% pour la fraction >200 euro et <400 euro ; 25% pour la fraction >400 euro < 600
euros ; 30 % pour la fraction > 600 euro (cf. article 320 du Code de procédure pénale).
Cf. A. HÖLAND et M. MAUL-SARTORI, op. cit.
Cf. J. CARBY-HALL, op. cit.
Cf. articles 321 et 322 du Décret royal n° 190 du 9 février 1996.
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
paiement sur la rémunération du travail de frais de procédures ou de dommagesintérêts est possible mais s’avère difficile du fait de l’application des règles du Statut
des travailleurs relatives à la saisie des salaires à la relation de travail spéciale en
milieu carcéral. Il y a ainsi insaisissabilité du salaire des 30 derniers jours dans la
limite d’un montant équivalent au double du salaire minimum interprofessionnel39.
La situation est voisine en France ; le code de procédure pénale y précise que « la
saisie des rémunérations du détenu peut être opérée dans les conditions du droit
commun »40. Rien n’est prévu en la matière en Angleterre, mais la saisie, même
partielle, serait pratiquement inexistante du fait du très bas niveau des
rémunérations. En Allemagne, la part vouée à la constitution obligatoire du pécule
de sortie reste insaisissable ainsi que les trois septièmes de la rémunération mis à la
disposition du détenu à l’intérieur de la prison notamment pour faire des achats. En
Italie, les trois quarts de la rémunération du travail, réservés au détenu, sont
saisissables sauf paiement d’une pension alimentaire ou remboursement de
dommages occasionnés aux biens meubles ou immeubles de l’administration
pénitentiaire.
B. TEMPS DE TRAVAIL : UNE
« EXTRA MUROS »
REFERENCE GENERALE AUX NORMES
De façon générale, il est fait référence au droit commun de la durée du travail. En
pratique, si certains dépassements sont exceptionnellement signalés, la durée du
travail en prison est en fait le plus souvent inférieure à celle pratiquée à l’extérieur ;
ce temps de travail réduit s’explique en grande partie par un manque de travail et
l’organisation d’un partage du travail disponible.
En Allemagne, la durée de travail en prison a pour référence la réglementation
en vigueur dans la fonction publique. Cette réglementation est largement basée
sur des conventions collectives, qui prévoient une durée de travail par semaine
s’échelonnant entre 38,5 et 40 heures. En Angleterre, une ordonnance de 1999
a prévu pour tout détenu un « travail utile » d’une durée maximum de dix
heures par jour. Mais, en pratique, les détenus qui travaillent effectueraient en
moyenne 24 heures par semaine. En France, la journée de travail des détenus
est souvent inférieure aux plafonds prévus par le Code du travail ; elle serait
pour les détenus travaillant au plus de six heures par jour ; de façon générale,
les détenus travaillant effectuent moins de trente-cinq heures par semaine. Les
horaires varient toutefois de façon importante d’un établissement à un autre et
il peut aussi arriver que la durée du travail effective soit supérieure aux
prévisions du code du travail et notamment aux 35 heures41.
39
40
41
Cf. article 32 du Statut des travailleurs.
Article D. 333 du Code de procédure pénale.
Cf. not. PH. AUVERGNON et C. GUILLEMAIN, Le travail pénitentiaire en question, op. cit.,
sp. p. 103.
197
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
En Italie, la journée de travail ne peut, selon la loi pénitentiaire, dépasser la
durée de la journée de travail à l’extérieur, à savoir huit heures. Il en va de
même en Espagne, la durée de la journée de travail ne doit pas excéder les
prévisions du droit commun. La moyenne d’heures travaillées varie là aussi
énormément d’un atelier à un autre, en fonction du type d’activité, du volume
des commandes, du niveau de production, ... certaines enquêtes conduisent à
situer la moyenne hebdomadaire dans une fourchette allant de 10 à 25 heures
par semaine42.
Les « nécessités » de la prison induisent des spécificités dans l’organisation des
temps de travail et de repos. Il n’y a qu’en Espagne qu’est prévu juridiquement
l’établissement d’un calendrier annuel de travail par le directeur de l’établissement
pénitentiaire, ce dernier pouvant procéder à des modifications en cours d’année avec
l’accord des travailleurs. De façon traditionnelle, les détenus bénéficient d’un repos
hebdomadaire, en principe pris le samedi et le dimanche ou le dimanche et un autre
jour de la semaine, sauf travaux urgents ou « service général » (Allemagne,
Angleterre, Espagne, France, Italie). Ils bénéficient également de jours fériés
(Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie, …) En Angleterre, un repos lors
des jours de fêtes correspondant à la religion du détenu est également prévu.
En matière de congés annuels, rien n’est prévu en Angleterre et en France pour les
détenus qui travaillent ; en revanche, il existe un droit à congés de vingt-quatre jours
ouvrables avec versement d’une indemnité en Allemagne43, de trente jours ouvrables
rémunérés en Espagne. En Italie, la jurisprudence constitutionnelle reconnaît un
droit à congés ou « à vacances » pour le détenu-travailleur qui, dans l’hypothèse où
il n’en bénéficierait pas, doit percevoir une indemnité44.
C. SANTE
ET SECURITE AU TRAVAIL
PROTECTION
:
UNE IDENTITE (THEORIQUE) DE
Selon les Règles pénitentiaires européennes, édictées par le Conseil de l’Europe,
« les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une
protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles
dont bénéficient les travailleurs hors prison »45. La référence est explicite ici, elle
42
43
44
45
198
Cf. J. A. SOLER ARREBOLA, op. cit. ; aucune statistique nationale ne semble disponible
sur ce point en Espagne.
Indemnité calculée sur la base de la rémunération des trois derniers mois. Sur les 24
jours prévus 6 peuvent, sous certaines conditions, être utilisés pour réduire la durée de
la peine ou pour une permission de sortie (Cf. article 42 de la loi sur l’exécution des
peines).
Cour constitutionnelle, 22 mai 2001, arrêt n° 158, Massimario di giurisprudenza del
lavoro, 2001 n° 12, p. 1226.
Cf. Annexe à la Recommandation (2006) 2 du Comité des ministres aux Etats membres
sur les règles pénitentiaires européennes, adoptée le 11 janvier 2006, point 26.13.
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
l’est aussi dans la plupart des règlementations nationales mais il s’agit d’une identité
pour le moins théorique, sauf quelques rares exemples de conditions et processus de
production équivalant à ceux d’établissements industriels de l’extérieur.
Outre des services de premier secours ou d’assistance médicale prévus dans
l’ensemble des pays étudiés en cas d’accident du travail, les institutions censées
participer à la protection de la santé et de la sécurité au travail sont les services
d’inspection du travail et, parfois, des instances internes telles que des comités
d’hygiène et de sécurité.
Les services d’inspection du travail ont, en ce qui concerne la surveillance du travail
en prison, des compétences identiques à celles qui leur sont reconnues à l’extérieur
de la prison au titre du contrôle des entreprises privées dès lors que des détenus
bénéficient d’un contrat de travail en Espagne et en Italie. On estime qu’il en va de
même en Allemagne en l’absence de texte dérogatoire et malgré l’inexistence de
contrats de travail. Cette identité de compétence pour contrôler l’application des lois
relatives à l’hygiène, la santé et la sécurité est expressément prévue en Angleterre46.
Il n’existe ici encore qu’une exception notable, celle de la France. La compétence
des services d’inspection du travail se réduit, dans ce pays, à une fonction de quasiconseil en matière d’hygiène et de sécurité des directions d’établissement
pénitentiaire. Les services des Caisses Régionales d’Assurance Maladie
(CRAM) peuvent également suggérer au chef d’établissement de prendre certaines
mesures de prévention, sans toutefois adresser des injonctions. Un type voisin
d’intervention est possible en Allemagne, de la part d’organismes d’assurance contre
les accidents du travail.
Des comités d’hygiène et de sécurité ou des instances équivalentes en charge du
suivi des conditions de travail des détenus existent en revanche en Angleterre et en
Italie. En Espagne, les dispositions applicables en la matière à tout établissement de
travail sont applicables « avec les adaptations nécessaires à la prise en compte des
spécificités du milieu carcéral »47. La loi n’en prévoit pas moins la participation des
détenus à des équipes de contrôle et de maintenance des systèmes de sécurité ainsi
que de prévention des risques professionnels. En Allemagne, l’ensemble des règles
de droit commun relatives à l’hygiène et à la sécurité ainsi qu’à la prévention des
accidents du travail sont applicables dès lors qu’il y a travail à l’intérieur de la
prison. L’administration de l’établissement en a la responsabilité ; là aussi, il existe
des comités spécifiques d’hygiène et de sécurité concernant le travail des détenus48.
En revanche, en France, les dispositions relatives à la médecine et au service social
du travail du Code du travail ne s’appliquent pas ; il existe des comités d’hygiène et
de sécurité spéciaux aux établissements pénitentiaires mais ceux-ci ne concernent
que les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
46
47
48
Cf. Health and Safety at Work Act, 1974.
Cf. article 11.4 du décret royal n° 782 du 6 juillet 2001.
Comités dénommés « Arbeitssicherheitsausschüsse ».
199
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
D. TRAVAIL ET PROTECTION SOCIALE : L’ABSENCE OU NON DE LIEN EST
REVELATEUR
Une grande distinction peut être faite entre des pays connaissant une protection
sociale proche du droit commun, dès lors que le détenu travaille (ex. Italie), et des
pays semblant organiser un droit à la protection sociale plus ou moins significatif
hors véritable référence à un quelconque travail (ex. France). Néanmoins, à
l’exception de la couverture sociale des accidents du travail et des maladies
professionnelles communément relativement satisfaisante, l’analyse même très
succincte de la protection des risques maladie, maternité et vieillesse, sans parler du
chômage, fait apparaître une réalité peu favorable, singulièrement du fait de la
privation, le plus souvent, de tout droit à prestations en espèces. L’affirmation d’une
prise en charge matérielle du détenu occulte, en réalité, difficilement le fait que dans
les différents pays des problèmes de pauvreté se posent, et que le type de protection
sociale en place n’y répond pas.
En matière de risque maladie-maternité, une grande distinction apparaît entre
systèmes détachant la couverture sociale de l’exercice d’un travail ou non. C’est
ainsi qu’en Allemagne, tout détenu a droit, indépendamment de toute activité, à une
prise en charge gratuite des soins médicaux par son établissement pénitentiaire49. Il
en va de même en Angleterre et au Pays de Galles, la prise en charge étant assurée
avec le concours des services extérieurs de santé. En France, tous les détenus sont
obligatoirement affiliés, dès leur incarcération, aux assurances maladie et maternité
du régime général de la sécurité sociale. La protection sociale est donc détachée
pour ces deux risques de l’exercice d’un travail50. Il en va de même en Italie. En
revanche, en Espagne, seuls les détenus qui exercent une activité dans le cadre d’une
relation de travail spéciale accèdent obligatoirement à la couverture du régime
général de la sécurité sociale en matière de maladie-maternité.
La couverture du risque vieillesse témoigne de grandes différences de situation. En
Allemagne, des dispositions légales prévoyant une affiliation obligatoire à
l’assurance vieillesse de tout détenu, ne sont pas entrées en vigueur pour des
questions budgétaires. De même, rien n’est prévu en Angleterre et au Pays de
Galles. En Espagne, tous les détenus qui exercent une activité dans le cadre d’une
relation de travail dite spéciale accèdent obligatoirement à la couverture du régime
général de la sécurité sociale en matière de risque vieillesse. En France, les détenus
qui travaillent sont affiliés à la branche vieillesse du régime général de la sécurité
49
50
200
Des dispositions légales prévoyant une affiliation obligatoire à l’assurance maladie de
tout détenu, ne sont pas entrées en vigueur pour des questions budgétaires.
L’Etat est redevable d’une cotisation pour chaque détenu affilié. Une contribution peut
par ailleurs être demandée aux détenus ou à leurs ayant–droits lorsqu’ils disposent de
ressources suffisantes.
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
sociale51. En Italie, le détenu-travailleur est pris en compte au titre de l’assurance
vieillesse par l’Institut national de prévoyance sociale.
Le risque accidents du travail et maladies professionnelles est couvert, de différentes
façons mais systématiquement, dans les différents pays étudiés. Il relève en
Allemagne d’une assurance spécifique à l’activité réalisée ou à laquelle est affecté le
détenu. En Angleterre et au Pays de Galles, en cas d’accidents du travail ou de
maladies professionnelles, le détenu est pris en charge dans le cadre des services de
l’inspection de la santé et de la sécurité. Dans les autres pays étudiés, la couverture
du risque est quasiment équivalente à celle du droit commun. Ainsi, en Espagne, dès
lors que le détenu s’inscrit dans une « relation de travail spéciale », il bénéficie de la
couverture du régime général de la sécurité sociale. En France, les détenus
effectuant un travail sont eux-mêmes affiliés à l’assurance accidents du travail et
maladies professionnelles du régime général52. Enfin, en Italie, dès lors qu’il
travaille, le détenu bénéficie d’une prise en charge durant trois jours par
l’administration pénitentiaire puis par l’Institut national de prévoyance sociale.
La question du chômage en prison, et à la sortie de prison, est singulièrement
importante, qu’il s’agisse d’assurer un minimum de revenu pendant et après la
détention, ou de faciliter la réinsertion. Les réponses nationales sont en la matière
fort diverses. En Angleterre, tout détenu demandant à travailler et n’accédant pas à
un travail bénéficie d’une indemnité spécifique de chômage versée par les pouvoirs
publics. La solution paraît, sur le plan théorique, intéressante dès lors qu’elle
reconnaît implicitement un droit à l’emploi et organise une alternative en cas
d’impossibilité d’emploi. Cependant, elle est des plus limitées en pratique
puisqu’elle donne lieu à une indemnité de l’ordre 2,5 livres sterling par semaine sur
la base de cinq jours ouvrables ! D’autres pays prévoient un éventuel accès à une
indemnisation de chômage non pas en prison mais à la sortie ; ainsi, en Allemagne, à
condition que le détenu ait travaillé 360 jours au cours des trois dernières années, il
bénéficiera d’une assurance chômage après sa libération. Il pourra en aller
également ainsi en Espagne, pays dans lequel l’organisme gestionnaire du travail en
prison de même que le détenu-travailleur bénéficient de réductions de cotisations à
l’assurance chômage. En revanche en France, qu’il y ait ou non du travail, il n’y a
pas de contrat de travail et pas d’accès, pour le détenu, à une couverture sociale du
chômage subi en prison53. Curieusement, il en va de même en Italie alors que le
51
52
53
Les cotisations sont versées soit par l’administration pénitentiaire seule en cas de travail
au « service général », soit par l’administration ou le concessionnaire, d’une part, et par
le détenu, d’autre part.
Comme pour la couverture du risque vieillesse (v. note précédente), les cotisations sont
versées soit par l’administration pénitentiaire seule quand le détenu travaille au
« service général », soit par la seule administration pénitentiaire ou le concessionnaire,
d’une part, et le détenu, d’autre part, dans les autres cas.
Il n’existe par ailleurs aucun droit à revenu minimum à ce jour alors que les situations
d’indigence prolifèrent en prison où tout ou presque se paye souvent bien plus cher qu’à
l’extérieur. La loi pénitentiaire adoptée le 13 octobre 2009 a-t-elle fait un pas dans la
201
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
travail réalisé en prison dans le cadre d’un contrat de travail classique peut y être
interrompu !
III. LA PREGNANCE DU MODELE SECURITAIRE INTERIEUR
On ne peut s’étonner du fait que les responsables et le personnel d’une prison
veillent de près à la sécurité et singulièrement à l’absence d’évasion. Certains
d’entre eux avouent d’ailleurs que la question du travail des détenus ne les intéresse
qu’en tant qu’activité pouvant parmi d’autres (formation, sport, religion, …)
contribuer à l’occupation des détenus et à la régulation des tensions internes. Faut-il
pour autant, au titre d’une nécessaire « marge de gestion » des individus,
comprendre que, dans certains pays européens, on vive dans l’incertitude quant aux
conditions d’accès au travail, d’appel, de maintien ou de rappel au travail ? (A) C’est
aussi la prégnance du modèle sécuritaire intérieur qui peut expliquer que le plus
souvent l’ordre carcéral phagocyte la question de la discipline professionnelle ;
d’une certaine façon, soit la faute professionnelle est banalisée, soit bien que
commise au travail et à son propos, elle devient une faute attentatoire à l’ordre de la
prison (B). Par ailleurs, en cours d’emploi, la plupart des droits « classiques » des
travailleurs à « peser » sur leurs conditions de travail sont le plus souvent niés qu’il
s’agisse d’expression individuelle ou, bien sûr, de revendications collectives (C).
Enfin, dans la majorité des situations nationales, en cas d’arrêt du travail
correspondant à une suspension temporaire ou à un arrêt d’évidence définitif, la loi
dominante est celle de l’informel (D).
A. MODALITES
L’INCERTITUDE
D’ACCES AU TRAVAIL
:
LE CHOIX MAJORITAIRE DE
Il est toujours possible, quel que soit le pays étudié, de faire une demande de travail.
On insiste dans certains cas toutefois sur l’existence d’une obligation de travail et,
en aucun cas, d’un droit à obtenir un emploi (Allemagne). Ailleurs, ce droit apparaît
bien plus théorique que dans le reste de la société, alors même qu’il est reconnu
constitutionnellement à tout citoyen (ex. Espagne, France) et que le fait d’être
détenu, faut-il le rappeler, ne fait pas perdre sa citoyenneté. Il y aurait sur ce point en
prison encore plus qu’à l’extérieur, un « droit d’application progressive » (Espagne)
ou un simple « droit à solliciter un emploi » (Angleterre, France, Italie), selon des
modalités variables.
En Angleterre, les différents emplois disponibles et leur description peuvent être
affichés dans la prison. Il existe un service spécialisé s’occupant du travail et de la
reconnaissance d’un droit à ressources minimales ? Son article 31 affirme que « les
personnes détenues dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie
réglementaire reçoivent de l’Etat une aide en nature destinée à améliorer leurs
conditions matérielles d’existence. Cette aide peut aussi être versée en numéraire dans
des conditions prévues par décret ».
202
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
formation en prison (« Training and Employment Committee ») ainsi qu’au niveau
de chaque établissement une commission chargée de l’affectation des détenus sur les
postes de travail disponibles, commission composée de fonctionnaires en charge des
questions de travail et de formation ainsi que de membres du management de la
prison. En Espagne, les détenus demandeurs d’emploi posent leur candidature au
regard d’une liste de postes de travail disponibles établie par l’Organisme Autonome
de Travail et de Prestations Pénitentiaires. En France, selon les établissements, la
demande d’emploi est plus ou moins formalisée, orale ou écrite. Un document
spécifique, précisant notamment le niveau de formation, l’expérience
professionnelle, la motivation, a été recommandé dans le cadre des orientations
données dans le « Pacte 2 » plus haut cité. Dans certains établissements, on organise
un entretien avec le détenu. Très souvent, il existe une « commission de
classement » réunissant représentants de la direction, travailleurs sociaux,
responsables du travail, représentants du service de la santé, personnel
d’enseignement et de surveillance, ... De façon voisine, en Italie il existe une
commission attribuant un travail donné à un détenu. La composition de cette
commission apparaît cependant originale puisqu’elle comprend le directeur du
centre pénitentiaire, des représentants du personnel pénitentiaire et du personnel
éducatif, mais aussi des représentants des organisations syndicales les plus
représentatives aux niveaux national et local ainsi qu’un représentant des détenus.
Les critères d’attribution d’un emploi peuvent être prévus légalement. Ainsi, dans le
cas de l’Espagne, doivent être pris en compte prioritairement les détenus dont le
« programme individualisé de traitement » prévoit une activité de travail, les détenus
condamnés par rapport aux « prévenus », les compétences au regard du poste de
travail, la conduite personnelle, l’ancienneté dans l’établissement, les charges de
famille ; les détenus ayant travaillé plus d’un an de manière satisfaisante dans un
établissement bénéficient, par ailleurs, d’une priorité en cas d’affectation dans un
nouvel établissement pénitentiaire54. En Allemagne, la loi sur l’exécution des peines
indique quelques critères devant être pris en compte par le « service du travail » dans
ses choix d’affectation à un travail ; il s’agit des compétences professionnelles du
détenu, de son habileté et de ses centres d’intérêts55.
Dans d’autres pays, les critères de recrutement au travail utilisés ne sont pas prévus
légalement. Il en va ainsi en France ; on semble faire en pratique cependant une
distinction entre « critères négatifs » (dangerosité, risque d’évasion, personnalité,
problèmes psychiatriques, alcoolémie et toxicomanie) et « critères positifs »
(indigence, ancienneté de la demande, aptitude à occuper le poste et savoir-faire). Il
n’existe pas de critères fixes en Angleterre ; toutefois ce sont principalement les
compétences, les capacités d’adaptation, l’intérêt et l’habileté du détenu qui seraient
pris en compte. En Italie, les critères ont varié ; ils transparaissent au travers des
listes de « prioritaires », élaborées dans chaque établissement, se référant à
54
55
Cf. J.A. SOLER ARREBOLA, op. cit.
Article 37 alinéa 2 de la loi sur l’exécution des peines, op. cit.
203
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
l’ancienneté de la demande de travail, aux charges de famille, aux compétences et
objectifs professionnels.
De façon dominante, le refus d’octroyer un travail ne fait pas l’objet d’une
procédure formelle, rien n’étant prévu dans les textes à cet effet (ex. Allemagne,
Angleterre, France, Italie). Aucune motivation de la « non attribution » d’un travail
n’étant due, il peut arriver néanmoins qu’une justification soit donnée. La pratique
varie d’un pays à l’autre, d’un établissement à l’autre : on se contente ici d’informer
oralement le détenu, ailleurs le refus est motivé ; de façon commune, aucun refus
catégorique ou définitif n’est jamais indiqué, le nom du demandeur restant sur la
liste éventuelle d’attente ; l’idée implicite est bien évidemment de ne pas désespérer
ou de maintenir un peu d’illusion. L’Espagne fait ici encore exception puisque les
décisions de refus y sont obligatoirement prises par écrit et motivées.
Les possibilités d’exercice d’un recours face à un refus d’emploi sont dans la plupart
des pays peu évidentes. Le recours n’est pas possible en Italie. Il peut être exercé en
France – contre une décision formelle qui n’est pas obligatoire ! – auprès de la
Direction générale de l’Administration pénitentiaire ou du Ministère de la Justice, au
plan juridictionnel devant le juge administratif. En Allemagne, des recours de type
hiérarchique peuvent être exprimés auprès du chef de l’établissement ou d’un
représentant du ministère de la Justice du Land à l’occasion de sa visite officielle de
l’établissement. En Angleterre, le détenu peut se plaindre au « Governor » de la
prison et, si le refus est confirmé par ce dernier, il peut être fait appel à
l’Ombudsman. En revanche, en Espagne, un recours formel est prévu auprès de la
Commission interne ayant pris, par écrit, la décision de refus ; en cas de
confirmation, un recours peut être exercé devant le juge de l’exécution des peines.
B. DISCIPLINE PROFESSIONNELLE : L’ORDRE CARCERAL PHAGOCYTAIRE
Même si la question de la discipline dans l’entreprise privée continue de faire l’objet
de débats, le droit du travail encadre aujourd’hui de façon assez précise le pouvoir
reconnu à l’employeur de sanctionner des faits produits à l’occasion du travail ou
ayant des incidences professionnelles. Toutefois, en prison, la délimitation de
l’espace possible d’exercice d’un pouvoir disciplinaire au seul titre du travail ne va
pas de soi. D’un côté, la question de la discipline n’est pas limitée au temps et au
lieu du travail : elle est posée à tout moment, à toute heure du jour et de la nuit ; de
ce fait, la question des strictes fautes professionnelles peut apparaître quelque peu
secondaire. D’un autre côté, en prison, tout acte ou comportement repéré comme
fautif, quel que soit le lieu ou le moment, peut être analysé comme une atteinte à
l’ordre carcéral, ainsi que du non respect des personnels surveillants, du risque
d’atteinte à la sécurité des personnes, de perturbations, d’agitations, ... Pareille
ambiguïté participe certainement des difficultés de repérage de fautes à proprement
parlé « professionnelles ». Pourtant celles-ci existent, même si l’on peut faire
l’hypothèse qu’elles seraient moins systématiquement sanctionnées que dans une
204
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
entreprise privée extérieure. A quelle éventuelle procédure disciplinaire sont-elles
soumises ? Quelles sanctions encourent-elles ? Des recours existent-ils ?
Le fait qu’il soit relativement rare de rencontrer des documents internes aux
établissements pénitentiaires listant des fautes professionnelles (ex. Italie) ou
rappelant les obligations, notamment de sécurité, des détenus-travailleurs (ex.
France)56, peut être regardé comme révélateur du peu d’importance ou de réalité des
fautes « professionnelles » en prison. Toutefois, une distinction paraît être faite
implicitement, en France, entre fautes à caractère « uniquement » professionnel –
éventuellement visées par un règlement d’atelier – et « fautes disciplinaires » –
violences physiques, évasion, insultes, vols, … – qui, elles, sont énumérées par la loi
de façon limitative57. Une faute intervenue ou non en situation de travail mais
qualifiée de « disciplinaire » – et donc attentatoire à l’ordre de la prison – conduira à
l’application d’une procédure fondée sur un compte rendu d’incident, un rapport
écrit ; elle donnera lieu à convocation devant une commission disciplinaire avec
possible bénéfice d’un avocat, notification par écrit et motivation de la sanction. A
l’opposé, la faute « uniquement » professionnelle ne bénéficie en l’état, en France,
d’aucun encadrement procédural alors même que les deux types de fautes pourront
aboutir à des sanctions voisines. Dans un cadre juridique différent, en Italie, dès lors
que la faute a été produite dans le cadre d’un contrat de travail liant le détenu à un
employeur extérieur, il y a application par ce dernier des dispositions disciplinaires
du droit commun du travail. En Allemagne, en cas de « faute grave » à caractère
professionnel, une « conférence de direction » (« Vollzugskonferenz ») est saisie et
détermine une sanction adéquate, sans référence particulière à un règlement ou un
document. Un formalisme plus important est observable en Angleterre puisque toute
sanction intervient après respect d’une procédure durant laquelle l’intéressé a le droit
de présenter sa défense dans le cadre d’un entretien préalable au prononcé de la
sanction qui sera notifiée par écrit. Bien que plus légère, la procédure en Espagne
prévoit une notification écrite et une motivation de la sanction.
Dans quelques pays, les sanctions possibles en cas de fautes – professionnelles ou
non – sont prévues légalement (ex. Espagne, Italie)58. Parfois, la réglementation
particulière de la relation de travail en prison permet de préciser des sanctions
56
57
58
Antérieurement à l’adoption le 13 octobre 2009 d’une nouvelle loi pénitentiaire, on
pouvait rencontrer en France des « supports d’engagement professionnel » rappelant les
obligations de sécurité, de rangement du matériel, ou plus généralement les devoirs du
détenu-travailleur relatifs aux consignes de travail, aux exigences de qualité et de
quantité de travail, au respect des règles d’hygiène et de sécurité, … La loi pénitentiaire
prévoit dorénavant, en cas de participation à des activités professionnelles, la signature
d’un acte d’engagement par le chef d’établissement et la personne détenue, acte
énonçant notamment « les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que les
conditions de travail et sa rémunération » (article 33 de la loi de 2009 précitée).
Article D. 249-1 et suivants du Code de procédure pénale.
Cf. en Espagne, l’article 9 et 10 du décret-royal du 6 juillet 2001 et en Italie l’article 39
de la loi 354/1997.
205
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
spécifiquement professionnelles (Espagne)59. On retrouve de façon générale des
sanctions telles que l’avertissement (Angleterre, France), la mutation de poste
(Angleterre), la suspension temporaire (Allemagne, Angleterre, Espagne) ou la
« mise à pied » (France, Italie), le « déclassement » (France), la suspension
définitive (Allemagne, Angleterre), « l’extinction » de la relation de travail
(Espagne) ou le licenciement (Italie). Parfois des sanctions moins classiques sont
mentionnées, ainsi de l’interdiction de participation à certains évènements sociaux
au sein de la prison (Allemagne) ou de la suppression de « privilèges acquis »
(Angleterre).
Les possibilités de recours contre des décisions de sanction sont le plus souvent de
type hiérarchique et juridictionnel. En Allemagne, il est possible d’exercer un
recours contre des sanctions infligées dans le cadre du travail, normalement par le
personnel d’encadrement, auprès de la direction. Dès lors que cette dernière
confirme la sanction, le détenu peut saisir la juridiction chargée du suivi de
l’exécution des peines (« Strafvollstreckungskammer »). En Angleterre, à condition
d’avoir utilisé préalablement la procédure interne dite « grievance procedure », un
recours peut être exercé devant l’Ombudsman. En Espagne, en fonction de l’espèce,
un recours peut être introduit devant le juge de l’exécution des peines (« juzgado de
vigilancia penitenciaria ») ou auprès du juge du travail (« juzgado de lo social »), un
recours hiérarchique préalable étant nécessaire dans ce dernier cas. En France, un
recours hiérarchique est possible ; il est nécessairement préalable à un éventuel
recours exercé devant le juge administratif. Toutefois, un tel recours intervient
contre une décision administrative de sanction d’une faute qualifiée de
« disciplinaire ». Si une faute « professionnelle » n’est pas qualifiée ou qualifiable
de « disciplinaire », elle peut en pratique donner lieu à sanction se traduisant, par
exemple, par un « non accès temporaire » au travail et donc une perte de revenu,
sans qu’un recours puisse être exercé.
C. EXPRESSION
INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE
:
LA NEGATION TACITE
OU EXPLICITE
La possibilité de réclamation individuelle est prévue par la loi en Italie60. En
Allemagne, il n’existe pas de prévision normative spécifique pour les réclamations
professionnelles mais l’indication générale de la possibilité de demander audience
une fois au moins par semaine au directeur de l’établissement préalablement à toute
réclamation écrite61. Il est également possible de faire une requête auprès d’un
représentant du ministère de la Justice du Land. En Angleterre, la réclamation doit
être faite auprès du personnel pénitentiaire « le plus proche » ; en cas de non
résolution du problème, le détenu s’adresse par écrit au chef d’établissement ; enfin,
59
60
61
206
Article 9.2 et 10 du décret royal du 6 juillet 2001
Article 35 de la loi n° 354 de 1975.
Article 108 alinéa 1 de la loi sur l’exécution des peines.
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
il peut faire appel à l’Ombudsman62. En Espagne, avant toute réclamation auprès de
l’organisme gestionnaire du travail dans la prison, le détenu doit avoir respecté une
procédure administrative légalement prévue63. Dans l’ensemble des pays étudiés,
l’expression en prison de réclamations individuelles à propos du travail est
envisagée. Cette nécessité d’une possible réclamation individuelle n’est pas niée en
France ; elle peut, y compris dans certains établissements, donner lieu à prévision
d’une procédure spécifique. Mais il y a là des pratiques et absolument aucune
reconnaissance d’un droit individuel à réclamation, sans parler bien évidemment de
revendication.
Les revendications sont en principe portées via l’exercice de droits collectifs. Qu’en
est-il de ces derniers en prison qu’il s’agisse du droit d’association, du droit
syndical, du droit de représentation collective? Ces droits ne sont reconnus en prison
que de façon très exceptionnelle ; il en va ainsi du droit d’association et du droit
syndical en Italie64. Il faut rappeler que dans ce même pays, existe au titre de la
représentation collective, dans chaque établissement, une commission compétente en
matière d’accès au travail ; elle comprend des représentants des organisations
syndicales les plus représentatives ainsi qu’un représentant des détenus, désigné par
tirage au sort. Dans d’autres pays, le fondement de droits collectifs est plutôt
recherché – paradoxalement – dans l’absence de dispositions légales. Ainsi en
Espagne, rien n’est dit en matière de droits collectifs ; en pratique, les détenus
effectuant un travail « productif » peuvent s’exprimer, y compris collectivement, sur
le travail et son organisation, … ils peuvent participer à des commissions, donner un
avis et faire des propositions en matière, par exemple, de fixation annuelle des
rémunérations ; ils peuvent aussi faire partie, on l’a déjà signalé, des équipes de
contrôle de la sécurité et de prévention des risques professionnels. Ces possibilités
reposent, en réalité, sur le silence de la loi et notamment sur l’absence de toute
limitation de droits d’association, de syndicalisation, de négociation collective ou de
grève. Ceci étant, la mise en œuvre de ces droits apparaît en pratique plus que
limitée ne serait-ce que par la possible invocation à tout moment de motifs de
sécurité. De façon voisine, en Allemagne, les droits d’association et de réunion ne
sont pas interdits ; en revanche, la loi précise que les détenus ont le droit de créer un
organisme d’expression et de participation, dit de « co-responsabilité », assimilable
– de très loin ! – à une « sorte de comité d’établissement »65. Cette instance se réunit
normalement une fois par mois avec le directeur de la prison et ses adjoints afin de
discuter des problèmes de vie et d’organisation au sein de l’établissement
pénitentiaire. On voit ici que des formes d’institution représentative du personnel
peuvent exister en prison.
62
63
64
65
Règlement ministériel de 1999.
L’article 1.5 du décret royal n° 782 du 6 juillet 2001 renvoie sur ce point aux articles 69
et suivants de la loi de procédure du travail telle que modifiée par le décret loi n°2 du 7
avril 1995.
Un écart peut bien évidemment exister entre reconnaissance légale et pratique !
Article 160 de la loi sur l’exécution des peines, op. cit.
207
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Enfin, certains pays sont à ranger dans la négation tacite ou explicite du droit
syndical et du droit à la représentation collective pour les détenus-travailleurs. Ces
droits qui sont encore bien souvent peu « naturels » dans l’entreprise privée
extérieure à la prison apparaissent ici « naturellement inconcevables ». Leur
transport dans la prison serait en soi contraire à l’ordre de cette dernière – à sa
finalité ? -. On prend bien garde de n’envisager aucune adaptation de ces droits aux
réalités carcérales. En Angleterre, on note simplement que des revendications
collectives peuvent être exprimées auprès des personnels pénitentiaires, du directeur
de la prison et en appel devant l’Ombudsman. Les détenus se voient reconnaître par
ailleurs un « droit d’association conditionnel » : les associations de détenus font en
effet l’objet d’une réglementation particulière à chaque établissement pénitentiaire.
La France, une fois de plus, n’apparaît pas parmi les pays sagement innovants.
Certes, l’adhésion au sein de la prison à des associations à caractère culturel est
possible ; mais on y affirme, en l’absence toutefois de texte explicite, qu’il est
interdit de se syndiquer66 ; le droit de représentation collective n’existe pas ; en
pratique, il arrive au mieux que des réunions de discussion, de concertation puissent
être organisées, à l’initiative de la direction, dans certains établissements.
Si avant tout le droit syndical mais aussi le droit à la représentation collective et,
dans une moindre mesure, le droit d’association, posent problème que dire alors des
droits de négociation et de conflit collectif ?! Le droit à la négociation collective
n’est manifestement ni reconnu, ni pratiqué, dans l’ensemble des pays étudiés. Il
suppose en toute hypothèse l’existence de représentants syndicaux – et donc du droit
syndical – ou de représentants élus ou désignés à cette fin. Même lorsque des formes
de représentation existent, elles ne remplissent en aucun cas ce type d’attribution.
En ce qui concerne les conflits collectifs, on observera que l’administration
pénitentiaire, bien que n’étant pas toujours l’employeur, détient une forme de « droit
de lock-out » puisqu’elle peut, à tout moment, invoquer des raisons de sécurité pour
interrompre l’activité et fermer les lieux de travail. Pour ce qui est du droit de grève,
on retrouve une distinction entre deux groupes de pays. Dans le premier cas, la grève
est interdite ; on retrouve ici l’Allemagne, l’Angleterre, la France. De façon
générale, toute revendication à caractère collectif passant par une action concertée
apparaît prohibée, contraire à l’ordre de la prison ; elle constitue une faute
disciplinaire. Ceci ne veut pas dire que des grèves ne se produisent pas à certaines
époques dans des établissements pénitentiaires de ces pays. Dans le second cas, on
s’appuie sur l’absence d’interdiction légale pour affirmer la possibilité du recours à
la grève. C’est le cas de l’Espagne et de l’Italie. Dans ce dernier pays, le débat n’est
pas que théorique : dès lors que le travail en prison est effectué pour le compte d’une
entreprise extérieure, dans le cadre d’un contrat de travail « classique », la grève est
possible mais dans le respect de la réglementation de la prison ; cela veut dire que
66
208
S’il n’y a pas d’interdiction formelle de se syndiquer, le fait de participer à une action
collective de nature à perturber la sécurité ou l’ordre de l’établissement constitue, par
contre, une faute disciplinaire (Articles D. 249-1 2° et D. 249-2 2° du Code de
procédure pénale).
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
certaines modalités de grève connues à l’extérieur ne sont pas permises et qu’en
pratique le détenu-travailleur en grève restera, aux horaires habituels de travail, dans
sa cellule. On voit ici que, dans le cadre d’une mise en œuvre adaptée aux réalités
carcérales, et dès lors qu’il existe un strict motif professionnel, la grève est possible
en prison.
D. ARRET DU TRAVAIL : LA LOI DOMINANTE DE L’INFORMEL
L’activité du détenu-travailleur peut, sans être interrompue définitivement, connaître
des temps de suspension du fait d’une décision de la direction de l’établissement
pénitentiaire ou de l’entreprise privée faisant travailler en prison, ou encore du fait
du détenu lui-même (1). Il arrive également que la relation apparaisse non plus
suspendue mais rompue ou « éteinte » (2). Les deux hypothèses semblent de façon
dominante être soumises à la loi de l’informel.
1. La suspension de l’activité
A l’exception du cas de l’Espagne67, c’est sans référence à une disposition légale
particulière que la direction de la prison impose une suspension de l’activité en
Allemagne, en Angleterre, en France et en Italie. On doit cependant observer qu’en
France, l’administration pénitentiaire peut, dans le cadre d’un contrat de concession,
se réserver la possibilité de suspendre le travail en cas d’urgence liée à l’exercice de
ses missions ou en cas d’inobservation de la réglementation en matière d’hygiène et
de sécurité des personnes ou des installations68. Quel que soit le pays, la direction de
la prison réagit en règle générale à un fait précis tel qu’une agression, une révolte ou
une évasion ou bien à des soupçons ou à la détérioration du climat interne. Il s’agit
alors d’une mesure qui ne trouve pas sa cause fondamentalement dans la gestion de
l’activité des détenus. Elle est prise dans le cadre de la discipline générale de la
prison pour des raisons de sécurité, en tant que rappel à l’ordre ou à titre
conservatoire. L’interruption temporaire de l’activité va le plus souvent concerner
l’ensemble des détenus-travailleurs de l’établissement, que ceux-ci aient ou non une
part de responsabilité dans la situation à l’origine de la décision : tous ne
travailleront pas et perdront une part du revenu attendu de leur travail.
En dehors de toute question de discipline, il en ira de même lorsqu’on se trouvera
temporairement dans l’impossibilité d’assurer l’encadrement de détenus-travailleurs
(ex. « grève » des surveillants, absence du personnel d’encadrement de l’entreprise
extérieure, …) ou encore dans l’impossibilité de fournir du travail (ex. défaut de
matières premières, problèmes d’approvisionnement ou de fonctionnement de
67
68
Différentes hypothèses de suspension pour raisons de sécurité ou de discipline
pénitentiaire ou cas de force majeure sont indiquées à l’article 9 du décret royal du 6
juillet 2001.
Article 10.4, Clauses et conditions générales d’emploi de détenus par les entreprises
concessionnaires du contrat de concession-type de l’administration pénitentiaire
française.
209
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
machine, …). On observera qu’en fonction de l’existence ou non d’un contrat de
travail, on pourra ou non poser la question de la responsabilité de « l’employeur »
qui, en droit du travail, a parmi ses obligations, celle précisément de fournir du
travail. En contrepoint, on aperçoit tout l’intérêt que peuvent trouver des entreprises
extérieures, sans rapport contractuel avec des détenus, à apporter et faire réaliser un
travail en prison quand elles le souhaitent.
De son côté, le détenu-travailleur se voit reconnaître la possibilité de suspendre son
activité dans un certain nombre d’hypothèses qui vont, notamment, de la visite
extérieure, familiale ou médicale, à la préparation d’examen jusqu’à l’état de
maladie (Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie), voire à la participation à
des funérailles (ex. Angleterre).
On doit cependant souligner que ces possibilités correspondent soit à de simples
pratiques ou usages, soit se fondent sur des dispositions juridiques. Dans le premier
cas, elles gardent un caractère aléatoire et peuvent côtoyer l’arbitraire ou la
discrimination ; dans le second cas, il s’agit de droits exigibles. Lorsqu’est reconnue
la possibilité d’un contrat de travail en prison (Espagne, Italie), le détenu-travailleur
se voit par là même reconnaître un certain nombre de droits à suspendre son contrat.
A titre d’exemple, en Espagne, l’incapacité temporaire et la maternité sont des cas
de suspension visés à l’article 9.1 du décret-royal de 2001. L’article 18 du même
texte prévoit la suspension en cas de permission ou de sortie autorisée. Bien que
d’autres pays ne recourent pas au contrat de travail en prison, le salariat y témoigne
de son influence : c’est ainsi qu’en Allemagne, le détenu malade a le droit de
suspendre son travail dès lors qu’il peut fournir un certificat médical attestant de son
incapacité de travail.
Les suspensions ou interruptions temporaires du travail ne donnent pas lieu à
notification ou enregistrement écrit en Allemagne, en Angleterre et en Italie ; ce peut
être le cas parfois en pratique dans certains établissements pénitentiaires en France.
En revanche, en Espagne, la cause de la suspension est indiquée par écrit, sauf très
faible durée en Espagne et en Italie. Une fois la cause de la suspension disparue, il y
a automatiquement reprise du travail dès lors qu’il y a contrat de travail. Malgré
l’absence de ce type de sécurité juridique, il y aurait de fait reprise du travail quasi
systématiquement en Allemagne et en France, à la différence de l’Angleterre où le
détenu peut retrouver éventuellement son poste ou un autre poste.
2. L’extinction de la relation
Les principales causes ou hypothèses de rupture de la relation de travail en prison se
retrouvent d’un pays à l’autre. Mais, ici aussi, l’existence ou non d’un contrat de
travail « classique » (Italie) ou l’encadrement juridique spécifique de la relation de
travail (Espagne) constitue un critère de distinction entre situations nationales qui
n’est pas sans conséquences pratiques. En Italie, dès lors que le travail est effectué
pour un tiers et qu’il y a contrat de travail, les causes justifiant la rupture sont
210
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
identiques à celles prévues pour le même type de contrat qui donnerait lieu à
prestation de travail hors situation carcérale. La solution a le mérite de la clarté, avec
le risque de ne pas prendre en compte la spécificité du lieu et des conditions
d’exécution du travail. On doit toutefois signaler qu’on reconnaît aussi à ces contrats
des causes spécifiques de rupture telles que le comportement incorrect dans les
rapports entre détenus ou envers le personnel de surveillance, le transfert du détenu
ou sa sortie de prison. En Espagne, l’encadrement juridique de la relation spéciale de
travail prévoit précisément que cette dernière peut s’éteindre du fait d’un certain
nombre de causes : accord mutuel des parties, réalisation de l’objet ou de la
prestation de service pour lesquels le contrat a été prévu, constat ou survenance
d’une inaptitude professionnelle, de l’invalidité ou du décès du détenu-travailleur, de
son accès aux droits à la retraite, en raison d’un cas de force majeure, de la
démission du travailleur, du manque d’adaptation du travailleur aux évolutions
techniques de son poste de travail. Il en ira de même en cas de non-respect des
obligations professionnelles minimales ou de transfert dans un autre établissement
pénitentiaire et, bien évidemment, lors de sa libération69.
Il n’existe aucune norme juridique en matière d’interruption du travail du détenu en
Allemagne et en Angleterre. En France, le Code de procédure pénale prévoit la
possibilité de « déclassement », c’est-à-dire de retrait d’emploi en cas de non respect
des consignes de travail et de fautes disciplinaires ; mais aucune autre disposition à
caractère juridique n’envisage un motif de rupture. En pratique, toutefois, on
retrouve des causes classiques de rupture des rapports de travail (« démission »,
absence au travail, faute professionnelle, …) ou certaines hypothèses spécifiques au
milieu carcéral (punition de cellule, placement à l’isolement, transfert et libération).
On retrouve donc globalement en prison, quel que soit le pays, un certain nombre de
cas non pas de suspension mais d’interruption de l’activité. Ces ruptures donnentelles lieu à une procédure particulière en pratique ou prévue juridiquement ? La
réponse est parfaitement négative en Allemagne et en Angleterre. En France, la
situation est sensiblement équivalente. Certes, une procédure visée au Code de
procédure pénale70, intégrant notamment une notification écrite de la sanction
décidée, peut aboutir à l’interruption de l’accès au travail. Mais ladite procédure ne
doit être respectée qu’en cas de fautes disciplinaires, entendues d’atteintes à l’ordre
de la prison. Les hypothèses d’interruption du travail en prison sont, on l’a vu,
beaucoup plus nombreuses. Toutes ces autres situations (« démission », inaptitude,
problème économique, faute « simplement » professionnelle, …) ne donnent pas lieu
à la moindre procédure, sauf « pratiques » de tel ou tel établissement. En revanche,
plus au sud, en Italie, il y a application du droit commun de la démission ou du
licenciement en cas d’existence d’un contrat de travail avec l’entreprise extérieure ;
dans l’hypothèse où la rupture est, de fait, décidée par la direction de l’établissement
pénitentiaire (sanction, transfert, libération, …), la réglementation prévoit un
69
70
Article 10 du décret royal n° 782 du 6 juillet 2001.
Article D. 250-4 du Code de procédure pénale.
211
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
entretien préalable du directeur de l’établissement avec le détenu-travailleur et le
chef d’entreprise71. En Espagne, dans le cadre du respect de la procédure
administrative générale, il y a information écrite du motif de « l’extinction » de la
relation spéciale de travail.
En toute hypothèse, lorsque rarement une procédure doit être respectée lors de
l’interruption de l’activité assurée par le détenu, elle est des plus minimales. On
observera au passage que même si en Allemagne il a été envisagé d’instaurer, dans
certaines conditions, un préavis de rupture de la relation de travail72, en l’état aucune
des législations étudiées n’en prévoit. Surtout, dans l’ensemble des pays, l’arrêt du
travail (Allemagne, Angleterre, France) l’extinction de la relation de travail
(Espagne) ou encore la rupture à l’initiative de l’employeur (Italie) ne donne lieu à
versement d’indemnités de rupture ou de licenciement liées à la durée de la relation.
Ceci conduit à dire que le détenu-travailleur qui perd son travail sans motif ou pour
un motif injustifié n’a droit à aucune indemnisation.
IV. CONCLUSION
Affirmer des droits et obligations du détenu travaillant en prison peut, dans certains
pays européens, sembler encore aujourd’hui relever de l’utopie. Pourtant, cet
objectif paraît à portée de main dès lors qu’on veut bien être réaliste, c’est-à-dire
aménager le modèle salarial extérieur pour tenir compte des spécificités du modèle
sécuritaire intérieur.
On pourrait ainsi imaginer de recourir bien évidemment au contrat à durée
déterminée mais également au contrat à durée indéterminée, à condition de prévoir
des causes légitimes de rupture spécifiques tels que le transfert du détenu dans un
autre établissement pénitentiaire ou sa libération. On pourrait aussi utiliser la forme
d’un contrat à durée indéterminée intermittent, garantissant un minimum d’heures de
travail – et donc de revenu par mois ou par an -, ou encore bien évidemment le
contrat à temps partiel ; ces deux contrats peuvent à la fois assurer un minimum de
garanties au détenu travailleur et être assez « flexibles » pour tenir compte de la
disponibilité de travail ; ils peuvent également permettre de prendre en compte
d’autres activités du détenu, et notamment d’articuler temps de travail et temps de
formation. En ce qui concerne les droits collectifs, il paraît possible de reconnaître
des formes d’expression individuelle sur le travail mais aussi collective, au travers
d’une représentation des détenus travaillant ou de modalités particulières de
consultation. La liberté d’association, de réunions cultuelles est, dès aujourd’hui, de
jure ou de facto en fonction des pays, acquise. On ne voit pas pourquoi une
organisation collective portant les revendications professionnelles ne pourrait pas
exister. L’arrêt de travail collectif et concerté sans préavis comme la manifestation
71
72
212
Article 47 du règlement pénitentiaire.
Cf. Projet de préavis au maximum de six semaines dans le cas de travail en prison pour
le compte d’une entreprise privée
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
collective dans la prison ou encore l’occupation des locaux professionnels ou des
voies intérieures peuvent difficilement être envisagés. En revanche, l’appel par voie
de préavis écrit ou électronique à ne pas aller travailler, en restant en cellule tel jour,
ne paraît pas nécessairement attentatoire à l’ordre de la prison, dès lors
qu’expressément fondé sur des motifs strictement professionnels.
Il n’est pas besoin de dire que de fortes résistances au changement sont à l’œuvre.
En ce qui concerne l’organisation et le développement d’un travail « productif »
décemment rémunéré, on ne peut nier, parmi d’autres variables, l’impact du
« chômage extérieur », l’état des locaux carcéraux, les « impératifs de contrôle et de
sécurité » intérieurs, ... Plus profondément, on ne peut que constater la vitalité du
principe dit de la moindre éligibilité, de « less eligibility »73, dans l’opinion publique
et donc chez les gouvernants, sans oublier les personnels de l’administration
pénitentiaire ; pour ces derniers, il est en particulier inenvisageable que les
rémunérations des détenus travailleurs soient comparables aux leurs. La résistance à
l’attraction du « modèle salarial » invoque également parfois des raisons d’équité et
« le souci de faire accéder aux emplois productifs des détenus difficilement
employables »74. Il n’est pas question de nier que s’il manque du travail en prison, il
y a parfois aussi carence de travailleurs ou, tout au moins, des personnes –
suffisamment – capables de travailler75. De ce point de vue, on doit distinguer en
prison les « activités occupationnelles » du « travail ». Dans ce dernier cas, quelles
que soient les dispositions juridiques nationales, on sait bien que les critères
d’existence d’un contrat de travail sont très souvent réunis.
Le recours à la forme « contrat de travail » emporte en réalité toute une série de
conséquences en termes de droits et d’obligations du travailleur mais aussi de
protection sociale de ce dernier lorsqu’il ne peut travailler (temps de maladie,
incidence de l’accident du travail et de la maladie professionnelle, chômage
technique, motivation et indemnisation de la rupture, …). Les exemples de l’Italie et
de l’Espagne montrent que le travail en prison peut être presté dans un cadre
contractuel. L’option italienne est de permettre le recours aux formes de contrat de
travail utilisées à l’extérieur de la prison ; on peut s’interroger sur son « réalisme »
au regard des spécificités carcérales. Le choix espagnol est de reconnaître
l’existence d’une relation de travail spéciale développée dans le cadre d’un contrat
73
74
75
Sur les limites induites par le principe de less eligibility : Cf not. E. SHEA, « Les
paradoxes de la normalisation du travail pénitentiaire en France et en Allemagne »,
Revue Déviance et société, 2005/3 p. 349/365.
E. SHEA, op. cit.
Cf. not. PH. AUVERGNON et C. GUILLEMAIN, Le travail pénitentiaire en question, op. cit.,
p. 40. Outre l’augmentation de la présence en prison de personnes atteintes de troubles
mentaux incapables de travailler, on relève en France que près de 40% des détenus
n’ont jamais travaillé avant leur incarcération (J.-R. LECERF, Rapport au nom de la
Commission des lois sur le projet de loi pénitentiaire, 2008-2009 n°143, spéc. p. 28 et
32).
213
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
de travail particulier. Tout en observant quelques faiblesses76, on peut voir dans le
système espagnol un exemple réel et sérieux d’attraction du travail pénitentiaire dans
la sphère du salariat.
On a récemment pu espérer une évolution de la situation française. Dans le cadre
d’une réforme de la loi pénitentiaire, un « contrat de travail aménagé » avait été
préconisé77. La loi adoptée définitivement le 13 octobre 2009 s’en tient à prévoir que
« la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées
dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte
d’engagement par l’administration pénitentiaire » et que cet « acte », signé par le
chef d’établissement et la personne détenue, énonce « les droits et obligations
professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération »78.
Non seulement la suppression de la disposition du Code de procédure pénale
interdisant le recours au contrat de travail, n’a pas été envisagée79 mais, aux détours
d’un alinéa80, la loi de 2009 rappelle « l’absence de contrat de travail » en prison.
Face à une telle situation de blocage et de maintien, de fait, d’une pratique de la
« double peine »81, l’avenir de la situation juridique du travail pénitentiaire en
Belgique apparaît plus ouvert. L’obligation de travail a été abrogée82 ; la loi affirme
que « le détenu n’est soumis à aucune limitation de ses droits politiques, sociaux,
économiques et culturels » autres que celles « qui découlent de sa condamnation
pénale ou de la mesure privative de liberté »83. On semble ne plus attendre qu’une
reconnaissance jurisprudentielle de l’existence d’un contrat de travail ou
l’assimilation légale, dans certaines conditions, des détenus travailleurs à des
salariés.
La possibilité de conclusion d’un contrat de travail emporte, quel que soit le pays, le
recul d’une partie de non-droit qui caractérise encore trop souvent l’espace carcéral.
Mais, ne serait-ce qu’au regard des compétences professionnelles existant en prison
et des problèmes d’emploi frappant nos sociétés, on ne doit pas tout attendre d’un
76
77
78
79
80
82
83
214
Singulièrement en ce qui concerne les conséquences à tirer lors de la rupture de la
relation de travail
Le Comité d’Orientation Restreint de la loi pénitentiaire avait estimé nécessaire
l’instauration d’un tel contrat « formalisant les conditions d’embauche du détenu, la
durée du contrat, la période d’essai, la rémunération, les conditions de suspension ou de
rupture, etc. » (Cf. COR, Orientations et Préconisations, Rapport, Ministère de la
Justice, 2007, sp. p. 13
(www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000721/index.shtml).
Article 33 de la loi pénitentiaire, op. cit.
L’article 717-3 du Code français de procédure pénale précise que « les relations de
travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ».
Alinéa 2 de l’article 33 de la loi pénitentiaire, op. cit.
Il faut ici encore rappeler que dans la peine d’emprisonnement, la privation de liberté
est la seule punition prévue par la loi.
Cf. Article 169, 5° de la Loi de principes du 12 janvier 2005, op. cit. , p. 2848.
Cf. Article 6 de la Loi de principes du 12 janvier 2005, op. cit. p. 2830. Voy. également
les articles 81 et s. de la loi.
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire dans quelques pays européens
possible recours au « contrat de travail ». En matière de droits sociaux des détenus,
le principal enjeu n’est-il pas d’éviter d’opposer mais bien d’articuler les droits de
ceux qui travaillent et les droits de ceux qui ne peuvent pas travailler. Le seul accès à
la protection sociale par le ticket « contrat de travail » peut être vecteur
d’accroissement des inégalités entre détenus. Le bénéfice pour tous et sans condition
d’une protection sociale peut être pour sa part porteur d’un décrochage de toute
référence à la valeur « travail », incontournable à l’extérieur. On retrouve alors, de
façon caricaturée en prison, la nécessité qu’ont nos sociétés de garantir une
couverture sociale et un revenu minimum à leurs membres qui ne peuvent pas
travailler, sans abandonner la perspective d’un emploi, vecteur souvent d’autonomie
et de dignité.
215
PEINE ET SECURITE SOCIALE : LE JEU
DE LA LESS ELIGIBILITY
par Hugues-Olivier HUBERT
Maître de conférences aux FUNDP et à l’ULB,
Membre du Centre Droits fondamentaux et Lien social
(FUNDP),
Chercheur à la Fédération des Centres de Service Social
et
Véronique VAN DER PLANCKE
Chercheuse au Centre Droits fondamentaux et Lien social
(FUNDP),
Chercheuse associée au Centre de Philosophie du droit
(UCL),
Avocate au Barreau de Bruxelles
C’’est au tour de Guy. Avec Ali, Henry et Boris, ils se retrouvent de temps en
temps autour d’’un jeu de société. Ensemble ils tuent ainsi un peu de leur temps
d’’incarcération. Les deux dés roulent : 6 et 2 ! Il avance son pion, 6, 7, 8, et
atterrit sur une case « chance ! ». Il croise les doigts, retourne une carte : « En
prison sans passer par la case départ ! ». « Décidément, aujourd’’hui c’’est la
guigne » grommelle Guy. Déjà ce matin, à la visite : même si elle se montre forte
pour ne pas trop l’’inquiéter, il la connaît sa Cécile ; il a bien compris que c’’était
de plus en plus difficile pour elle et les gosses. Puis c’’était au service social de la
prison : bon, il est bien gentil l’’A.S. Il fait ce qu’’il peut. Même quand comme
tout à l’’heure il n’’a pas de bonne nouvelle, il a toujours un mot pour remonter le
moral. Mais franchement qu’’est-ce que ça change ? Tout ça, c’’est trop dur. C’’est
pas humain.1
« En prison sans passer par la case départ… ». Et donc, sans toucher l’allocation
versée à chaque tour bouclé. Tous, nous connaissons cette sentence du Monopoly, ce
jeu où l’on apprend à tirer son épingle d’un contexte aléatoire et hyperconcurrentiel.
On pourrait envisager de changer radicalement de jeu et lui préférer un jeu de
coopération. On pourrait aussi imaginer des alternatives à la case « prison » et la
supprimer tout bonnement. Si ces perspectives restent fondamentales, si plus encore
elles constituent le véritable défi, la question posée ici est plus modeste : ne pourraiton, sans préjudice pour les joueurs, maintenir quoiqu’il en soit le passage par la case
départ, c’est-à-dire garantir le paiement de l’allocation sociale ?
La question est sans doute plus modeste mais elle n’en est pas moins essentielle pour
deux raisons. Premièrement, elle concerne la dignité des détenus et de leur famille
mais aussi celle de la société dans son ensemble. Deuxièmement, elle interroge en
profondeur le rôle de la prison car, à moins d’être totalement insensée et
inconséquente, ne doit-elle pas aussi favoriser les conditions d’un nouveau départ ?
Auquel cas les cases « prison » et « départ » ne devraient jamais être dissociées.
Mais voilà, cette proposition peut choquer. Elle s’écrase sur les murs carcéraux
comme elle heurte la frontière des idées. Cette fameuse limite qui veut que la vie
carcérale ne puisse en aucun cas apparaître plus douce que la condition la plus dure
de la vie libre, selon l’incontournable (?) principe de la less eligibility : la TV dans
une cellule serait un scandale dès lors qu’un sans-abri honnête n’a que ses cartons
pour décor…
Alors, si l’on s’en tient au principe de la less eligibility, cette vieille conviction
enfouie dans l’inconscient collectif, les conditions de vie de certains citoyens sont
déjà tellement déplorables à l’extérieur – et contraires à la dignité humaine –2qu’on
1
2
Les trois extraits décalés qui parcourent ce papier relèvent d’une fiction imaginée par
les auteurs de ce texte.
Même les CPAS avouent parfois leurs difficultés à garantir ce droit pour tous. Les
transferts sociaux restent importants en Belgique. Sans eux, 41,6% de la population
sombrerait sous le seuil de pauvreté qui correspond à 60 % du revenu médian. Mais
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
conçoit mal comment rehausser le statut social des détenus. Sur cette limite, l’idée se
chiffonne. La réflexion semble d’ores et déjà pliée et dans ses replis s’efface
inexorablement (?) l’esquisse d’une autre perspective.
Mais une société construite en ce sens ne marche-t-elle pas sur la tête ?
Sans aucun doute. Pourtant, il est édifiant de constater que, pour ancestrale qu’elle
soit, la théorie de la « moindre éligibilité » conserve toute son actualité dans
l’analyse du refus sociétal d’améliorer le sort non seulement des coupables – les
détenus – , mais aussi des peu capables – les assistés sociaux. Il nous revient dès
lors de rappeler le contexte d’apparition de la less eligibility, d’en interroger les
fondements et la légitimité. D’en mesurer les dangers aussi, si on relie rejet du statut
social du détenu, accélération de sa paupérisation et risque accru de rechute une fois
libéré. Et d’inviter alors à une révolution du regard.
I. LES FONDEMENTS DE LA LESS ELIGIBILITY OU LA FROIDEUR D’UNE
SPIRALE NEGATIVE
Bien que le principe « immémorial » de less eligibility traverse en filigrane tout
système d’assistance ou de punition, on identifie sa première conceptualisation, lors
de la Révolution française, dans les Rapports du Comité de Mendicité de la
Constituante3 ; il inspirera ensuite le Poor Law Amendment Act anglais de 18344,
conçu pour endiguer le nombre sans cesse croissant de demandeurs d’aide sociale
auquel le pays faisait face. La less eligibility était perçue par J. Bentham, utilitariste
et père du concept, comme nécessaire pour combattre, en fournissant des incitants au
travail, la nature humaine « oisive et paresseuse »5. L’idée était simplement la
3
4
5
220
malgré tout, dans notre riche pays, 15,2% de la population vit toujours sous ce seuil. Et
pour cause, les allocations sociales de base sont inférieures aux 878 €/mois
(1.244 €/mois pour un ménage de deux adultes et deux enfants de moins de 14 ans) qui
représentent ce seuil (sources : enquête EU-SILC 2007 (Statistics on Income and Living
Conditions) que la DGSEI organise chaque année auprès de plus de 6000 ménages
belges).
Les Procès-verbaux et rapports du Comité de mendicité de la Constituante (1790-91)
mentionnent ainsi : « L’homme secouru par la Nation et qui est à sa charge doit
cependant se trouver dans une condition moins bonne que s’il n’avait pas besoin de
secours, et qu’il pût exister par ses propres ressources; le besoin qui naît du manque de
travail dans un homme qui n’en a pas cherché, dans celui qui n’a pas pensé à s’en
procurer, pénible sans doute pour un cœur humain et compatissant, est, dans un État où
il y a une grande masse de travail en activité, une punition utile et d’un exemple
salutaire » (cité par D. KAMINSKI, « Droits des détenus, normalisation et moindre
éligibilité », Criminologie, 43, 1, 2010).
Act for the Amendment and better Administration of the Laws relating to the Poor in
England and Wales (4 & 5 Will IV c.76).
E. W. SIEH, « Less Eligibility: The Upper Limits Of Penal Policy », Criminal Justice
Policy Review, 1989, Vol. 3, n° 2, pp. 161-167.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
suivante : en dégradant « le confort des maisons pour pauvres à un niveau tel que
vraisemblablement seuls les indigents les plus désespérés y feraient appel », les
autorités publiques visaient à contraindre les individus valides à exploiter leur force
de travail pour gagner leur vie par leurs propres moyens6. Incontestablement,
l’inactivité et la pauvreté des hommes étaient a priori imputées à leurs carences
morales, à leur démérite, plutôt qu’aux structures sociales productrices d’inégalités.
Autrement dit, l’obsession étatique revenait à combattre l’indolence des démunis
pour arriver à bout de leur indigence.
La maxime de la less eligibility, apparue dans le champ de l’assistance puis dans
celui de l’enfermement des pauvres, fut naturellement transposée au régime
pénitentiaire. Bernard Shaw, dans sa préface de l’étude « Prisons anglaises et
gouvernement local » (1922), posa le constat suivant : « Quand nous considérons la
partie la plus pauvre, la plus opprimée de notre population, nous trouvons que ses
conditions d’existence sont si misérables qu’il serait impossible d’administrer une
prison avec humanité sans rendre le sort du criminel plus acceptable (eligible) que
celui de maints citoyens libres. Si la misère humaine n’est pas plus profonde dans la
prison que dans le taudis, le taudis se videra et la prison se remplira »7. Cette
proposition s’adosse à un double postulat quelque peu douteux : les couches les plus
pauvres de la société sont les plus enclines à enfreindre la loi ; seule la menace de
conditions plus misérables que celles qui les ont poussées vers la délinquance
pourrait les dissuader de commettre leurs méfaits8.
En 1933, l’Allemand Georg Rusche, de l’Ecole de Francfort, revitalise cette
thématique dans son essai, repris dans l’ouvrage édifiant « Peine et structure
sociale ». Il démontre que le régime des peines est déterminé par des causes qui se
situent ailleurs que dans le pénal lui-même, et cet ailleurs, selon Rushe, c’est
l’économie : à une phase donnée de développement économique correspond un
mode spécifique de punition9. G. Rusche va préciser la notion de less eligibility, tout
en la relativisant. Il rappelle d’abord que l’objectif de la peine demeure une question
ouverte, qui ne peut se limiter à la dissuasion du coupable, à son amendement et à la
protection de la société. Il ajoute ensuite, après avoir constaté à son tour que les
6
7
8
9
E. SHEA, « Les paradoxes de la normalisation du travail pénitentiaire en France et en
Allemagne », Déviance et Société, 2005/3, Volume 29, pp. 360-361.
Sidney et Beatrice Webb sont les auteurs de l’étude publiée en 1922, « Prisons anglaises
et gouvernement local », citée par Rusche, 1933, 67, traduit par Lévy, Zander, 1994,
102-103. Peine et structure sociale (Punishment and Social Structure). L’œuvre
principale de Rusche, fut publiée à la veille de la Seconde Guerre mondiale aux ÉtatsUnis, non dans sa version originale mais dans une version revue et élargie par Otto
Kirchheimer, lui-même membre de l’Institut für Sozialforschung. G. RUSCHE,
O. KIRCHHEIMER, Peine et structure sociale, texte original (1939) présenté et établi par
LEVY, R., ZANDER, H., Paris, Cerf, 1994.
E. SHEA, op.cit., p. 361.
Pour une analyse de la thèse de Rushe, voy. notamment Ch. VANNESTE, « Pénalité,
criminalité, insécurité, … et économie » , in Délinquance et insécurité en Europe,
Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 50 et s.
221
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
prisons sont majoritairement peuplées de couches socio-économiquement inférieures
de la population, qu’il ne fait bien sûr aucun doute « qu’une société ne peut assigner
au régime des peines le but précis d’encourager le crime. Cela signifie que le régime
des peines doit être ainsi conçu que les personnes qui paraissent menacées de
devenir criminelles, ou dont on peut supposer qu’elles risquent d’accomplir des
actes réprouvés par la société, doivent au moins n’y être pas encouragées par la
perspective de se faire pincer ou punir (…). Pour ne point, dès lors, contrevenir à sa
fonction, le régime des peines doit donc être conçu de telle sorte que les couches
précisément les plus menacées de devenir criminelles préfèrent encore végéter dans
les conditions les plus misérables en liberté plutôt que sous le joug de la peine »10.
Rusche ajoutait qu’un seul jour en prison peut être hautement dissuasif pour une
personne d’une classe moyenne ou aisée, alors qu’un séjour bien plus long dans le
même établissement ne serait nullement déstabilisant pour la basse classe sociale. Il
précisait encore que les conditions carcérales sont évaluées subjectivement par tout
un chacun et qu’en réalité, elles doivent apparaître comme pires, mais pas
spécialement être pires que les conditions sociales régnant à l’extérieur.
Pour G. Rusche toutefois, la vigueur du principe de less eligibility surgit
essentiellement lors d’une crise économique, quand « l’équilibre du marché du
travail est déstabilisé par l’afflux de masses à la recherche d’emploi » et que la
misère régnante provoque l’accroissement de la délinquance11. Il affirme qu’en
temps de paix sociale, « la dégradation, la discipline carcérale et son ordre imposé,
l’impossibilité de toute activité sexuelle normale, outre l’hostilité du personnel des
établissements pénitentiaires surchargé de travail, en un mot la privation de liberté
semble avoir (…) un effet dissuasif suffisant »12. Autrement dit, la prison comme
peine apparaîtrait ou disparaîtrait selon la réalité sociale : plus les conditions de vie
dans le monde libre sont favorables, plus l’emprisonnement en soi, indépendamment
de l’abaissement du standard de vie qu’on y ferait régner, retrouverait son plein
caractère sanctionnel. Loin de conforter la légitimité de la less eligibility, Rusche
insiste dès lors sur la mission différente qu’endossera le régime des peines selon la
mise en œuvre ou non d’une politique économique et sociale pour faire face à
l’abondance – ou à la rareté – de main d’œuvre13.
A la même époque, le criminologue Hermann Mannheim, dans son ouvrage The
dilemma of Penal Reform publié en 1939, constate, en s’écartant du tempérament
introduit par G. Rusche, l’omniprésence de l’argument de la less eligibility qu’il
tient pour principal responsable des profondes difficultés à réformer les politiques
10
11
12
13
222
G. RUSCHE, O. KIRCHHEIMER, Peine et structure sociale, texte original (1939) présenté
et établi par LEVY R., ZANDER H., Paris, Cerf, 1994, p. 89.
E. SHEA, op cit., p. 361.
G. RUSCHE, O. KIRCHHEIMER, op cit., p. 113.
Ch. VANNESTE, « Pénalité, criminalité, insécurité… et économie » , in Délinquance et
insécurité en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 54.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
pénale et pénitentiaire14. H. Mannheim consent en revanche une variante adoucie de
la less eligibility par l’introduction d’un principe de « non-supériorité ». Se ralliant à
l’idée que la pénologie est imprégnée de considérations économiques, il précise que
« s’il faut rendre la situation de l’indigent non criminel moins favorable que celle du
travailleur le plus mal payé, il est clair que le criminel ne peut exiger d’être mieux
payé que le pauvre. On considérait probablement comme la limite extrême de
l’indulgence le fait de substituer quelquefois au principe de less eligibility ce que
j’appellerai le principe de « non-supériorité » : l’exigence que la situation du
criminel purgeant sa peine ne soit en aucun cas meilleure que celle des plus basses
classes de la population non délinquante »15. Ce principe a des implications
pratiques. Ainsi, par le biais d’un salaire pénitentiaire dérisoire ou par la suspension
de toute autre ressource (allocations, …), on empêche le prisonnier d’accumuler
légitimement de la richesse pendant le séjour carcéral ; on inflige, par ailleurs, au
détenu libéré l’expérience d’une réduction des opportunités, en le privant d’un
soutien immédiat des institutions sociales à sa sortie de prison. Agir autrement
faciliterait exagérément le sort du détenu, en comparaison avec les efforts constants
d’intégration que doit consentir le citoyen libre. Le principe de non supériorité veille
ainsi à ce que le stigmate de l’ex-détenu forme une impression durable sur le
public16.
On pourrait résumer la dynamique de la less eligibility de la sorte : la « structure
sociale », pour maintenir son intégrité, doit être échafaudée de manière telle que les
individus redoutent la dégradation de leurs conditions de vie. Ainsi, le statut social
du détenu doit être pire que celui de l’allocataire social dans la société libre, luimême moins favorable que celui du travailleur précaire. Le maintien sur chaque
échelon de la pyramide sociale serait rendu suffisamment inconfortable pour
stimuler l’individu à s’en émanciper en même temps qu’il le dissuade de s’en
affranchir vers le bas : concrètement, l’allocataire social doit aspirer à devenir
travailleur et craindre le statut de prisonnier.
En conséquence, tous les efforts de réforme pénitentiaire trouveraient leurs limites
dans le sort réservé aux couches les plus défavorisées du monde libre que l’Etat
souhaite détourner du crime. Mais est-il acceptable, sur le plan criminologique, de
partir de la prémisse selon laquelle les classes les plus défavorisées seraient les plus
enclines à la criminalité ?17 La tentation des « pauvres » à délinquer plutôt qu’à
travailler, dès lors que les conditions de vie dans les prisons seraient de meilleure
qualité, est-elle empiriquement vérifiée ? Et qu’en est-il de la crédibilité du postulat
selon lequel les individus préféreraient se réfugier en prison que vivre « librement »
dans une pauvreté extrême ?
14
15
16
17
E. SHEA, op. cit., p. 361.
Cité dans G. RUSCHE, O. KIRCHHEIMER, op cit., p. 64.
E. W. SIEH, « Less Eligibility: The Upper Limits Of Penal Policy », op cit., pp. 177-178.
J. FEEST, « Imprisonment and Prisoners’ Work : Normalization or Less Eligibility ? »,
Punishment & Society, Vol. 1, n° 1, 1999, p. 100
223
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
C’est certes une vision particulière de l’homme et de ses motivations criminelles qui
étaye la less eligibility : celle d’un homme rationnel et calculateur, engagé dans la
poursuite des plaisirs et l’évitement du mal, qui va mettre en balance le coût de la
sanction et le bénéfice du passage à l’acte. Pour que la peine soit efficace, il convient
que l’affliction du châtiment surpasse l’avantage résultant du délit, affirmait déjà
Beccaria au 18e siècle, qu’il y ait donc plus à perdre qu’à gagner. Un calcul de
risques tant pour le criminel potentiel que pour la société. Nous y reviendrons.
C’est également une vision particulière de la peine que charrie la less eligibility,
originellement conceptualisée pour garantir le caractère dissuasif de la sanction.
Premièrement, la fonction de dissuasion supplante les autres desseins de
l’emprisonnement, telle la réhabilitation. Deuxièmement, il est présumé et accepté
comme une fatalité que la privation de liberté seule ne puisse suffire à assurer une
fonction de repoussoir. Qu’il faille y adjoindre une dégradation des conditions
d’existence est pour le moins interrogeant. N’est-ce pas implicitement considérer
que, même à l’extérieur des murs, les conditions de vie sont tellement
déplorables que les gens seraient prêts à renoncer à leur liberté pour les améliorer ou
encore, qu’à défaut des moyens de son exercice, la liberté se réduit à sa plus simple
expression au point de ne plus constituer une valeur à perdre ?
Répondre par l’affirmative serait, plus qu’un indice, un aveu. Ce serait reconnaître
que notre société inflige un traitement dégradant à une frange considérable de la
population ou, à tout le moins, qu’elle ne l’assiste pas pleinement face au danger de
la pauvreté. Ce serait également s’exposer au risque d’une spirale négative : si, selon
la logique exposée, la pauvreté est un facteur favorisant le crime et que la prison,
suivant un schéma de moindre éligibilité, l’accentue voire la radicalise, le détenu
une fois libéré ne sera-t-il pas le premier à rechuter ?18
Derrière la problématique des risques de misère, et celle des risques liés à la misère,
se loge une vieille question jadis qualifiée de « sociale » aux origines de laquelle il
importe de revenir ici.
II. AUX
ORIGINES DE L’INTERSECTION ENTRE LES QUESTIONS
SOCIALE ET D’ORDRE SOCIAL : LES LIAISONS DANGEREUSES
Rappelons d’abord, en guise de toile de fond, que fin 18e, puis au 19e siècle, les
perceptions de l’occurrence du mal ou du malheur se modifient. A une métaphysique
18
224
Ainsi, comme le résume Baratta par exemple, les personnes vulnérables ou blessées qui
souffrent de lésions de leurs droits à caractère « faible » (droits économiques et
sociaux), deviennent des agresseurs potentiels des droits « forts » (intégrité de la
personne, droit de propriété, ...) des sujets socialement mieux protégés. Voy.
A. BARATTA, « Droits de l’homme et politique criminelle », Déviance et Société, 23, 3,
1999, p. 243. Quant à l’appauvrissement comme facteur de déviance et de récidive, voy.
également Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Ed. La Découverte, Paris, 2009, pp.
97-98. L’auteur cite quelques études en la matière.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
du mal s’ajoute désormais une physique du mal. Cette transformation accompagne le
long processus de rationalisation qui caractérise l’histoire de notre modernité.
Parallèlement, la catastrophe comme signe de la fatalité, est progressivement
supplantée par le risque comme produit de l’activité humaine. A la superstition
comme moyen de peser sur le destin succède la croyance dans le progrès
(scientifique et technique) comme outil pour maîtriser la destinée humaine. La
raison probabiliste modifie quelque peu les catégories du bien et du mal, du danger
et de l’accident, de la liberté et de la responsabilité, du tout et des parties.
L’application du calcul de probabilité à la statistique dans la physique morale ou
sociale (Quételet, 1835)19, fait apparaître des régularités (des tendances, des
penchants) dans le capharnaüm des particularités individuelles. Désormais, pour
mieux comprendre l’individu, il convient de faire un détour par la masse, par la
collectivité. C’est à travers ce détour que les conceptions modernes de la misère et
de la criminalité, bref que l’occurrence du mal(heur) dans diverses déclinaisons vont
se définir.
Deux « machines » vont être inventées, comme techniques permettant de maîtriser
deux sortes de risque : d’une part, un diagramme disciplinaire (Foucault, 1972,
1975)20 pour répondre notamment à la question de l’ordre social ; d’autre part, un
diagramme assurantiel (Ewald, 1996)21 – apparu plus tardivement (fin 19e s., début
20e s.) – pour répondre notamment à la question sociale22. En articulant Foucault et
Ewald, on voit les affinités électives qui associent ces deux diagrammes23. De façon
caricaturale, la prison d’un côté, la sécurité sociale de l’autre.
Ainsi, appliquées à l’occurrence de l’accident, les mathématiques probabilistes
rendront le risque calculable et collectif (puisque calculable précisément à l’échelle
d’une population). Conséquence fondamentale en ce qui concerne la prise en charge
de l’occurrence du mal, le calcul de probabilité permet à l’expert de définir
l’accident, non plus tant en lien avec ses causes dans lesquelles il fallait dépister la
faute (et donc la responsabilité), mais en fonction de sa régularité, quelles que soient
les intentions de ses protagonistes. Ce faisant, il ne s’agit plus de confronter une
victime et un fautif dans leur individualité ; mais de relier une victime au tout, au
collectif. C’est ainsi que l’assurance, comme technologie du risque, a permis de
socialiser les risques. Comme si, à travers elle, se dédoublait l’événement
19
20
21
22
23
A. QUETELET, Sur l’homme et le développement de ses facultés ou Essai de physique
sociale, Paris, Bachelier, 1835.
M. FOUCAULT, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972 ;
M. FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
F. EWALD, Histoire de l’Etat providence, Paris, Grasset, 1996.
Notre propos n’est pas ici d’aborder une approche historique et chronologique, mais
bien de mettre en évidence l’élaboration de deux logiques et surtout leurs
rapprochements qui sont au centre des questions relatives à la less eligibility.
H.-O. HUBERT, L’Etat surveillant, les politiques belges de sécurité au regard de la
sociologie du risque, Thèse de doctorat en sociologie, U.L.B., 2001.
225
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
malheureux : d’un côté la souffrance individuelle du dommage ; de l’autre sa
définition comme accident en référence à un risque collectivisé et sa traduction en
valeur à travers l’indemnité puisée dans la mutualité (socialisée)24.
D’après Ewald, les protections sociales libéraient ainsi la poursuite des risques
essentielle au développement économique. Jusque là, par exemple, les accidents de
travail opposaient en justice la responsabilité du patron à celle de l’ouvrier.
L’assurance permettait désormais de sortir du régime de la faute. Technique
d’indemnisation, l’assurance s’instaurait aussi en technologie morale. Il n’était plus
nécessaire d’opposer l’imprévoyance des ouvriers à celle du patron. Dorénavant,
l’assurance était la prévoyance : celle de ceux qui s’exposaient au risque. Ainsi
étaient libérés l’engagement financier des capitaines d’entreprise et l’engagement
physique des ouvriers dans le développement du machinisme et de
l’industrialisation. En inversant les signes, en transformant en quelque sorte le mal
en bien, le risque était libéré et, avec lui, l’accident comme fondement du modèle
libéral25.
24
25
226
F. EWALD précise ainsi que : « L’assurance propose une tout autre idée de la justice : à
l’idée de cause succède celle de répartition d’une charge collective dont on peut fixer
selon une règle quelle y sera la contribution de chacun. >…@ L’assurance propose une
règle de justice qui n’a plus comme référence la nature (l’individu) mais le groupe, une
règle sociale de justice que le groupe est libre de fixer. L’assurance, donc, est la pratique
d’un certain type de rationalité. Elle n’a pas de domaine propre. Elle fournit un principe
général d’objectivation des choses, des hommes et de leurs rapports. Elle est à la fois :
une technique économique et financière […], une technologie morale […], une
technique de réparation et d’indemnisation des dommages, un mode d’administration de
la justice concurrent du droit » (Ewald, op cit., pp. 141-142).
« Réduit à sa structure, ce schème (Main invisible de A SMITH, Fable des abeilles de
Mandreville, Les harmonies de Bastiat, bref le marché) qui fait naître un ordre de la
rencontre purement aléatoire d’atomes individuels peut être décrit comme schème de
l’accidentalité généralisée. Il fait de l’accident, entendons de la pure liberté, de l’aléa, de
la liberté primitive, sans qualité, la base même de l’ordre social » (EWALD, 1996, p. 55).
Dans la philosophie libérale, l’accident s’associe à la responsabilité (prévoyance). « Dès
le moment où l’homme est émancipé, l’usage de sa liberté l’expose à mille accidents. Il
ne s’affranchit que sous la condition de se conduire avec sagesse, de redoubler d’effort
et d’affronter des obstacles » (EWALD, 1996, pp. 52-53). Dans cette morale de la
responsabilité, l’accident, comme occurrence du mal ne peut être que le résultat d’une
faute individuelle. Pour la raison libérale, « la cause du mal est toujours morale »
(EWALD, 1996, p. 33).
L’accident libéral apparaît dès lors comme une réalité multiple. Il est d’une part,
l’expression en raison, laïcisée, de la crainte de l’occurrence du mal lorsque celui-ci est
expurgé de toute essence extérieure. Il est, d’autre part, une forme de traduction du mal
en bien. Agrégé dans des modèles économiques, il est un élément de l’équilibre social ;
articulé à la faute et au principe de responsabilité, il est facteur d’ordre, de lien social et
de progrès. A la vertu de la prévoyance répondait, dans une logique entrepreneuriale, la
valorisation d’un engagement de soi ou de sa propriété (capitaine d’entreprise). Le
risque inconsidéré apparaît comme une faute vis-à-vis de la prévoyance ; mais, dans un
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
Cette nouvelle règle de justice, concurrente du droit de la faute, permettra
notamment de refouler, mais en partie seulement et pendant un temps (durant
quelques décennies du 20e siècle marquant l’apogée de l’Etat-providence), la
discrimination issue de l’assistance caritative entre bons et mauvais pauvres, à
l’origine du Poor Law Amendment Act anglais de 1834 évoqué plus haut26. La
misère ne relève plus seulement du mauvais coup du sort, ni de la pitoyable
imprévoyance du pauvre ; elle se conçoit désormais comme un risque inhérent au
développement du modèle capitaliste. La sécurité sociale en s’appuyant sur le
diagramme assurantiel vise précisément à gérer ce risque.
Si, du côté de la question sociale, l’assurance permettait de reconsidérer le rapport
entre bien et mal en traduisant ce dernier en valeur, du côté de la question criminelle,
Beccaria propose une réflexion assez similaire. En effet, en 1764, dans Des délits et
des peines, il considère que la peine ne doit plus être affligeante, mais utile. Plus
précisément pour l’auteur, la peine se dédouble : d’une part l’affliction qui n’est pas
un objectif en soi, d’autre part l’utilité qui est le but par excellence, en vue duquel
l’affliction peut devenir un moyen si elle reste raisonnable, c’est-à-dire rationalisée,
mesurée en relation avec la gravité du délit. « Pour que le châtiment produise l’effet
voulu, il suffit qu’il surpasse l’avantage résultant du délit »27.
Mais, renversant de cette façon la nuit de la procédure inquisitoire et le jour du
supplice par le jour de la procédure publique et la nuit du cachot, le droit pénal
classique allait faire émerger une nouvelle zone d’ombre ; l’individualisation et
l’utilité de la peine ainsi que la doctrine de la responsabilité allaient soulever la
question des raisons du crime. Les notions de conscience, discernement, causes,
déterminismes sont appelées à la barre à côté de celles de liberté, responsabilité et
culpabilité. Vient le temps des experts et les débats pour différencier le crime de la
sémiologie de la maladie mentale ou, au contraire, pour en faire une catégorie
particulière. « Le droit ainsi transformé fait naître ‘l’étiologie’ de la faute »
(Labadie, 1995)28.
26
27
28
même temps, trop de prévoyance mènerait à la couardise et à l’immobilisme
incompatibles avec l’industrialisation et le progrès.
C’est à cet équilibre fragile que répond l’assurance. « L’assurance, en apportant la
sécurité, a puissance de transformer le négatif en positif ; elle a le pouvoir de libérer
toutes les capacités économiques qu’une crainte jusqu’alors justifiée retenait, au grand
préjudice de la prospérité de la nation » (EWALD, 1996, pp. 160-161). Si l’assurance
permet ainsi de « libérer le risque », elle oblige aussi à la prévoyance (cotisations). Elle
œuvre donc tout autant au développement économique qu’au développement moral.
R. CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat,
Paris, Fayard, 1995.
C. BECCARIA, Des délits et des peines (1764), Paris, Flammarion, 1991, p. 124.
J.-M. LABADIE, Les mots du crime. Approche épistémologique de quelques discours sur
le criminel, Bruxelles, De Boeck, 1995, p. 90.
227
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
A la métaphysique de la faute qui opposait l’expiation à la culpabilité avant
d’infliger des peines utiles et tarifées comme coûts de la responsabilité au bénéfice
de la liberté, s’ajoute une physique de la faute. A L’Esprit des lois s’ajoute les lois
de fonctionnement du monde telles que révélées empiriquement et positivement par
les sciences.
A côté de la question sociale, la question criminelle emprunte dès lors elle aussi la
voie de la rationalisation. La « volonté de savoir » renforce les velléités de pouvoir
et le panoptique fournit les plans des machines à discipliner qui se diffuseront dans
l’ensemble du champ social29.
Là encore, les mathématiques probabilistes interviennent. Elles mettent en évidence
des régularités dans les taux de criminalité ; ce qui en fait un phénomène
globalement normal et donc un risque relativement constant30. Toutefois, la
normalité du crime comme phénomène social ne postule pas pour autant la normalité
du criminel en tant qu’individu. En effet, du rapprochement entre moyenne objective
et moyenne arithmétique naît l’homme moyen. Dans une distribution normale, la
majorité des individus se répartissent autour de cette figure abstraite. Le diagramme
assurantiel opérait un mode d’individualisation particulier à partir de la masse selon
une méthode probabiliste. Il en est de même en ce qui concerne la définition de la
normalité. Les individus ne sont plus tant définis à partir d’eux-mêmes ou à partir du
contrat social qu’à partir de la population à laquelle ils sont identifiés. L’homme est
un être social et sera jugé comme tel, en référence au collectif, c’est-à-dire au type
de l’homme moyen qui représente la société objectivée31.
La normalité ainsi définie, il convient désormais de comprendre l’origine de
l’anormalité et en particulier l’origine du mal. Et l’on songe aux travaux d’Esquirol
sur la monomanie (1838), au Traité de la dégénérescence de Morel (1857) et surtout
aux positivistes italiens : Lombroso (1895) qui, appliquant la statistique à l’étude
phrénologique, construit le type du criminel-né qui incorpore la nature archaïque des
origines humaines, la présence atavistique d’un « temps arrêté » ; Garofalo qui
29
30
31
228
M. FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975 ; M. FOUCAULT, La volonté de
savoir, Paris, Gallimard, 1976.
« Triste condition de l’espèce humaine ! Nous pouvons énumérer d’avance combien
d’individus souilleront leurs mains du sang de leurs semblables, combien seront
faussaires, combien seront empoisonneurs : à peu près comme on peut énumérer
d’avance les naissances et les décès qui doivent se succéder. La société renferme en elle
les germes de tous les crimes qui vont se commettre. C’est elle en quelque sorte qui les
prépare et le coupable n’est que l’instrument qui les exécute » (Quételet, 1869, 96-97).
En bref, l’homme moyen est une abstraction, un être fictif – puisqu’il se peut qu’en
réalité aucun individu n’y corresponde exactement – auquel correspond tout de même
une réalité : un type d’homme ou plus précisément le type des hommes d’une société à
un moment et en un lieu donnés. Il est la société telle qu’objectivée par la méthode.
« Abolissez la référence métaphysique à une nature humaine, vous ne pourrez identifier
les individus, les juger scientifiquement que selon un jugement social, en référence
précisément à cet homme moyen » (Ewald, 1996, 119).
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
définit le crime ou « délit naturel » comme « la lésion de cette partie du sens moral
qui consiste dans les sentiments altruistes fondamentaux, la pitié et la probité >…@
non pas la partie supérieure et la plus délicate de ces sentiments, mais la mesure
moyenne dans laquelle ils sont possédés par une communauté, et qui est
indispensable pour l’adaptation de l’individu à la société » (Garofalo, 1895, 38) ; ou
encore Ferri (1893) pour qui le crime est la résultante multifactorielle de causes
anthropologiques et individuelles, géophysiques et sociales qui se combinent en une
loi qu’il baptise de saturation criminelle32.
Dans une perspective lamarckienne de l’évolution, le milieu est dans un premier
temps évoqué comme un facteur déterminant l’hérédité et sa transmission. La
perspective biologique du crime ouvrait alors la porte à l’incubation d’une approche
plus sociologique du crime engagée par des auteurs tels que Manouvrier et
Lacassagne. « L’important, c’est le milieu social », déclarait ce dernier en 1886.
« Permettez-moi une comparaison empruntée à une théorie moderne. Le
milieu social est le bouillon de culture de la criminalité; le microbe, c’est le
criminel, un élément qui n’a d’importance que le jour où il trouve le bouillon
qui le fait fermenter »33.
« La condition sociale, l’éducation, la bonne ou la mauvaise fortune, voilà le
véritable facteur de la criminalité. Le criminel se recrute surtout parmi les
gens pauvres, malheureux. Pour avoir une action sur les criminels, il faut
d’abord agir sur le milieu. C’est le mal de misère qui laisse son empreinte et
fait ces anomalies ou ses particularités anatomiques si bien relevées par
Lombroso »34.
Ce n’est que progressivement que cette approche par le milieu s’affranchira de son
assise biologique et évolutionniste. L’influence du milieu deviendra primordiale. Ce
dernier apparaîtra comme une dimension inaliénable d’un essai de problématisation
du phénomène criminel. La question sociale et la question criminelle se rapprochent
parce que d’une part, résoudre la question sociale permettrait de réduire en partie les
risques de criminalité et, d’autre part, parce que le schéma disciplinaire (le contrôle)
maintiendrait la question sociale dans la paix civile. Une dangerosité sociale s’ajoute
désormais à la dangerosité individuelle. Certains s’en saisiront pour justifier un
contrôle accru sur les populations pauvres : contrôle policier et/ou contrôle moral
(éducation, responsabilisation, etc.). D’autres proposeront des mesures plus
32
33
34
Au sujet de ces auteurs, voir l’excellent ouvrage de DEBUYST et al., Histoire des savoirs
sur le crime et la peine. T1. Des savoirs diffus à la notion de criminel-né et T2. La
rationalité pénale et la naissance de la criminologie, Bruxelles, Larcier, 2008.
A. LACASSAGNE, Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie
normale et pathologique, 1886, pp. 182-183.
A. LACASSAGNE (1890), intervention in Actes du IIe Congrès international
d’anthropologie criminelle, 1889, Paris, Masson, pp. 165-167 (Lacassagne, 1890, 535).
229
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
offensives à appliquer au milieu lui-même (assainissement, lutte contre la
paupérisation, pour l’amélioration des conditions de travail et de vie, etc.).
Perspectives conservatrices ou réformatrices, socialistes ou libérales, quoiqu’il en
soit, les points de vue sociologiques concernant les liens entre le crime, la société
industrielle et le milieu de vie constitueront un des fondements de la doctrine de
défense sociale. En Belgique, Ducpétiaux et Prins représentent deux figures de proue
de cette doctrine qui se déploie tant sur le versant individuel (prise en compte de
l’âge des mineurs, de l’état psychique, individualisation dans le régime carcéral
cellulaire) que sur le versant collectif (politique offensive concernant l’habitat,
l’éducation, etc.). Prins affirmait ainsi que « […] Les défectueux deviennent
dangereux pour eux-mêmes et pour autrui, quand leur insuffisance est associée à
l’insuffisance du milieu social, et que, dans l’atmosphère empoisonnée et la souillure
des bas-fonds, les risques de la misère et de l’abandon viennent s’ajouter aux risques
de la dégénérescence »35.
D’autres emprunteront une autre voie. C’est en constituant une nouvelle science
permettant de comprendre plus largement la vie en société qu’ils en viennent à
aborder le crime. Pour eux, ce dernier constitue un phénomène dont la nature
(sociale bien qu’antisociale) permet d’analyser « à la marge » les processus
mystérieux qui rassemblent des individus dans une vie collective. Bien qu’opposés
sur de nombreux points théoriques, Durkheim et Tarde se rejoignent largement en ce
qui concerne les conséquences de leurs travaux en matière de politique pénale.
Dans L’Education morale, Durkheim propose une théorie de la sanction36. Il
s’insurge contre une définition de la peine comme affliction d’une souffrance. Pour
lui, celle-ci n’est pas utile car si la menace de souffrance était à ce point dissuasive,
si elle permettait d’écarter le délinquant des dangers de la carrière criminelle, elle
devrait de la même façon écarter les ouvriers des risques liés au machinisme. Il
assimile la thèse rétributiviste (Kant, Hegel) à un retour à la loi du talion : un mal ne
sera jamais compensé par un autre mal. D’après lui, utilitarisme et rétributivisme
génèrent un cercle vicieux car « passé un certain degré de souffrance, toute
souffrance nouvelle cesse d’être ressentie ». Cette voie est socialement la moins
efficace et la plus onéreuse. Il convient donc de repenser et de réformer nos
modalités de réaction sociale au crime. Cette dernière est essentielle en ce qu’elle
exprime la réprobation sociale à l’égard d’un acte socialement prohibé. Le blâme
permet de réaffirmer la force de la loi, sa persistance, malgré sa violation. Et ajoute
Durkheim, cette fonction symbolique « garderait toute sa raison d’être, alors même
35
36
230
A. PRINS (1910), La défense sociale et les transformations du droit pénal, Bruxelles,
Leipzig, Misch et Thron, 1910, p. 147.
Nous nous référons ici à Fr. DIGNEFFE, « Durkheim et les débats sur le crime et la
peine », in Debuyst et al., Histoire des savoirs sur le crime et la peine (T2). La
rationalité pénale et la naissance de la criminologie, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 403447 ; ainsi que Ch. DEBUYST, « L’Ecole française dite « du milieu social », in ibidem,
pp. 343-402.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
qu’elle ne serait pas sentie comme douloureuse par celui qui la subit »37. L’auteur
conçoit dès lors la sanction comme une « forme de communication sociale »38. Le
principe pavlovien de la punition s’applique à l’animal qu’on dresse. Pour les
sociétés humaines, le stimulus négatif devrait céder la place au renforcement positif.
La sanction doit s’intégrer dans un processus éducatif. C’est à partir du moment où
la sanction paraîtra « respectable »39 à celui qui la subit qu’elle permettra de
réaffirmer la loi et de la rendre elle-même plus respectable aux yeux de qui l’a
violée. La souffrance infligée risque à cet égard d’être contreproductive et contraire
à l’intériorisation de la conscience collective par le déviant et, partant, contraire à sa
réintégration dans l’ensemble social. En définitive, pour Durkheim, c’est
précisément parce qu’elle est essentielle que la sanction ne devrait ni générer ni
reposer sur la répulsion. Elle devrait donc se libérer de la souffrance.
A la suite de Durkheim, Fauconnet analyse l’individualisation moderne de la
responsabilité comme un moyen de « canaliser de manière toujours plus précise une
responsabilité qui pourrait être assumée par la société entière »40.
« Si, poursuit Fauconnet, au lieu de se défendre, la société regardait
l’infracteur avec sympathie, essayait de le comprendre, elle pourrait le voir
comme un être digne d’intérêt et ‘toute l’énergie qui se dépense à
comprendre diminue celle qui se dépenserait à frapper’. Et il ajoute encore :
‘tout ce qui rend le coupable digne d’intérêt n’atténue pas seulement sa
responsabilité, mais engage aussi la nôtre… La solidarité est aussi une forme
de responsabilité’41 »42.
La responsabilité se fait plus complexe « qui ne méconnaît pas la solidarité de toute
une existence dans le crime d’un instant, ni la demi-complicité de tous dans le crime
d’un seul » affirme Tarde43. En se référant aux communautés primitives, il relève
deux formes de réactions sociales au crime. A l’égard des étrangers au groupe
d’appartenance s’exercera la vendetta comme expression de l’instinct de défense ;
mais à l’égard des membres du groupe, la peine s’inscrit dans le but de la
réconciliation. La responsabilité collective est mise en branle en raison de l’instinct
de sympathie qui s’exerce à l’égard des semblables. Or, selon Tarde, la modernité se
37
38
39
40
41
42
43
E. DURKHEIM, L’éducation morale, (cours dispensé à la Sorbonne en 1902-1903), Paris,
Félix Alcan, 1934, version électronique produite par J.-M. Tremblay,
http://classiques.uqac.ca, p. 123.
Fr. DIGNEFFE, op. cit., p.427.
E. DURKHEIM, op. cit., p. 137.
Fr. DIGNEFFE, op. cit., p. 445.
P. FAUCONNET, La responsabilité. Etude de sociologie, Paris, Félix Alcan, 1928 (1ère
édition 1920), version électronique produite par R. Toussaint et J.-M. Simonet,
http://classiques.uqac.ca, p. 292.
Fr. DIGNEFFE, op. cit., p.445.
G. TARDE, Etudes pénales et sociales, Paris, Storck Masson, 1892, version électronique
produite par R. TOUSSAINT, http://classiques.uqac.ca, p. 325.
231
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
caractérise par un décloisonnement progressif des communautés d’appartenance et
donc un accroissement des attachements et des devoirs collectifs, de la famille à la
tribu, aux groupes élargis, à la concitoyenneté et graduellement à l’humanité.
L’horizon des « semblables » s’élargissant, Tarde plaide pour un développement de
la responsabilité collective et du sentiment de sympathie. C’est ainsi que la société
se doit de renforcer les solidarités à l’égard des pauvres. Mais l’auteur va plus loin
encore lorsqu’il affirme que la même solidarité devrait s’exercer à l’égard des
fautifs.
« Sans doute, la société sent-elle avoir des devoirs à l’égard des premiers [les
pauvres]. Ne peut-on pas croire qu’elle en ait à l’égard des seconds [les
criminels] ? Il ne suffit pas de dire que son but en les punissant doit être la
diminution des délits… Elle doit avoir d’autres fins : l’amélioration du
coupable si c’est possible, ou si c’est impossible et que l’élimination
immédiate ne soit pas jugée nécessaire, son alimentation et son entretien…
La société a le droit de se défendre, soit, mais plus qu’aucun de nous, elle est
assez riche pour se payer le luxe de la bonté »44.
Au courant positiviste qui ne sort que très accessoirement de l’individu pour
déterminer les facteurs de crime, s’oppose donc un courant plus sociologique. Ce
n’est plus tant le corps et l’âme du criminel mais la conscience collective et le corps
social qui déterminent le crime et doivent aussi être traités.
Avec cette double incorporation du crime, se mesurant aux limites du corps humain
pour les uns, du corps social pour les autres, la justice doit se réformer et trouver sa
légitimité non plus dans une métaphysique de la liberté, mais dans une physique qui
détermine et maîtrise d’une part les facteurs qui conduisent au crime et d’autre part
ceux qui permettent de rétablir (ou réaffirmer ?) les liens qui rattachent le criminel à
la société. L’utilitarisme de Beccaria s’en trouve radicalisé. Il ne suffit plus de
postuler la rationalité de l’individu capable d’agir librement en conséquence après
avoir calculé le ratio entre le bien retiré de son forfait et le mal de la peine. La
question de la responsabilité est avant tout sociale. La société est non seulement
responsable de se défendre mais également responsable d’intégrer. Sa responsabilité
est engagée à deux titres. En amont, elle a le devoir de traiter – ou de réduire – les
facteurs criminogènes en améliorant les conditions matérielles et morales
d’existence des individus les plus vulnérables et, en aval, elle a un devoir de
solidarité à l’égard de ceux qui ont fauté et qu’il s’agit de réhabiliter.
L’assistance apparaît donc comme une nécessité dans la lutte contre le crime. Elle
est invoquée en amont comme moyen de prévention et en aval comme moyen de
réhabilitation. C’est ici que le diagramme assurantiel et le diagramme disciplinaire
se rapprochent.
44
232
G. TARDE, La philosophie pénale, Paris, Cujas, 1972 (1ère édition 1890), version
électronique produite par R. Toussaint, http://classiques.uqac.ca, T2 p.145.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
Mais là où l’assistance devait améliorer le traitement de la question criminelle, dans
les faits, on peut se demander si la question criminelle n’a pas dégradé l’assistance
au point que l’on peut émettre l’hypothèse suivante : ce n’est pas tant l’assistance
qui a été mobilisée pour faciliter l’intégration du pauvre et la réhabilitation du
condamné ; mais plutôt la prison qui a été brandie pour menacer l’assisté d’une
dégradation de ses conditions d’existence s’il ne se tenait pas à carreau.
C’est ainsi que s’établit – selon les termes de Garland – un continuum pénal :
« normalisation – éducation ou correction – ségrégation (prison ou bannissement) »,
comme gradation de la menace et du contrôle, ainsi que dégradation de la liberté et
des conditions de vie (privation de gratifications sociales). En brossant le trait : à une
extrémité, la sécurité sociale ; à l’autre, la prison. « Le secteur de la ségrégation
opère comme le terminus coercitif du continuum pénal ; de la même manière que le
secteur pénal dans son ensemble fournit l’horizon coercitif au service des institutions
des affaires sociales »45. En quelque sorte, la discipline devient l’assurance ultime de
la normalité. Ph. Mary exposera ainsi que, « pour Garland par exemple, les stratégies
pénales modernes visent à renforcer les normes de conduite qui conditionnent
l’accès aux prestations sociales et ce, de manière négative en sanctionnant les
individus qui ne s’y plient pas. Comme auxiliaire des institutions de socialisation,
elles ne se limiteront plus à l’intimidation, mais soumettront ces individus à une
série d’institutions pour ensuite les renvoyer dans la société ou les en exclure
définitivement »46.
Aujourd’hui, le compromis garant de la paix sociale est remis en cause. Ses trois
composantes – services publics, fiscalité, protection sociale – sont en effet mises à
mal : une privatisation des services publics ; une fiscalité qui, moins qu’hier, réduit
les inégalités ; un Etat social actif, éclipsant l’Etat-providence, comme retour de la
discrimination entre pauvres « méritants ou non » qui, paradoxalement, en voulant
forcer l’intégration par l’activation en vient à exclure ceux qui ne se conforment pas
à la norme de l’employabilité flexible. Le diagramme assurantiel se rétrécit
dangereusement.
En effet, si les préoccupations de l’employabilité et l’incitation au travail ont de tout
temps traversé l’assistance sociale, avec le jugement moral y adossé, le diktat s’est
récemment renforcé : c’est maintenant au tour de l’assurance chômage de se
transformer graduellement par l’imposition de nouveaux devoirs pour ses
bénéficiaires47. On le constate en Europe, avec l’élargissement de la ‘disponibilité
45
46
47
D. GARLAND, Punishment and welfare. A history of penal strategies, Alderschot,
Gower, 1985, p. 234.
Ph. MARY, « Pénalité et gestion des risques : vers une justice « actuarielle » en
Europe ? », Déviance et Société 2001/1, Volume 25, p. 35.
En France, P. Rosanvallon remarquait : « Quiconque a participé à une commission
locale d’insertion qui décide de la prorogation ou de la cessation du RMI ne peut
manquer d’en être frappé : on semble parfois transporté au XIXème siècle dans
233
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
au travail’, la remise en cause de l’ ‘emploi convenable’ et l’exigence accrue,
imposée aux chômeurs, de participer à diverses activités (formation, aide à la
recherche d’emploi, etc.)48. Dans la logique de l’Etat social actif, la période de
chômage n’est plus un moment de garantie, d’assurance, mais bien de surveillance –
la traque aux abus et à la fraude – et de filtrage par les services d’aide aux chômeurs,
de culpabilité pour l’allocataire « d’être retombé si bas », signant progressivement le
retour d’une société fondée sur la faute individuelle plutôt que sur le risque social.
Comme si celui-ci, changeant « de nature et d’échelle », parce que devenu trop
généralisé – chômage massif, structurel et de longue durée – était désormais
« inassurable »49. Quant au niveau de l’allocation octroyée, l’obsession consiste à
préserver l’incitation au travail des personnes jugées employables par un traitement
des allocataires de moindre qualité que celui des salariés : le principe de less
eligibility, dont la normativité n’a jamais disparu mais qui retrouve dans l’Etat social
actif sa pleine vigueur, conduit ainsi à maintenir les transferts d’assistance sociale à
un montant inférieur au salaire minimum, avec pour conséquence des prestations
trop souvent en deçà des seuils de pauvreté50.
En matière sociale, la less eligibility adosse subtilement sa légitimité sur deux
registres. Celui de l’efficacité économique, en ce qu’il s’agit de convaincre les
individus, perçus à nouveau comme amoraux et calculateurs, de contribuer aux
richesses par leur mise à l’emploi plutôt que de ponctionner ces dernières en qualité
d’assistés. Et celui de la justice – rétributive – en récompensant, par le sort plus
enviable qui leur est réservé, le mérite de ceux qui font l’effort de travailler51. Chr.
Trombert précise ainsi que la less eligibility, facilitant la « conduite des conduites »,
tend à influencer « le comportement des individus assistés (fonction interne
d’incitation au travail en rendant l’assistance inconfortable, punition du non travail,
stigmatisation) », mais aussi celui « des non assistés, des individus normaux
(fonction externe) ».
« Dans ce cas, la less eligibility dissuade le travailleur de devenir assisté en
lui assurant un meilleur statut, il préserve aussi la croyance en une juste
48
49
50
51
234
l’enceinte d’un bureau de bienfaisance, lorsqu’il s’agissait de distinguer les bons et les
mauvais pauvres ». Voy. P. Rosanvallon, La nouvelle question sociale. Repenser l’Etatprovidence, Paris, Seuil, 1995, p. 211.
S. MOREL, « De l’assurance chômage à l’assistance chômage : la dégradation des
statuts », Revue de l’IRES, n° 30 - 1999/2.
F. OST, Le temps du droit, Ed. Odile Jacob, Paris, 1999, p. 269.
S. MOREL, « La transformation des obligations de travail pour les mères touchant
l’assistance sociale : quels enseignements tirer pour les féministes ? », Lien social et
Politiques, n° 47, 2002, p. 173. L’auteur fait explicitement référence au principe de less
eligibility.
Chr. TROMBERT, « Less eligibility et activation : une mise en perspective de l’activation
des politiques sociales par l’étude des principes antérieurs d’articulation du travail et de
la protection », 2008, in Coordination des intermittents et précaires, Le gouvernement
des individus, Université ouverte (2007-2008),
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=3738.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
hiérarchie sociale, reposant sur une infériorité sociale contrôlée de ceux qui
ne travaillent pas par rapport à ceux qui travaillent. (…) En faisant de
l’assisté et de l’assistance une figure repoussoir et dégradante, on incite ceux
qui travaillent à rester sur le marché de l’emploi et à supporter leur sort en
acceptant des conditions de travail dégradées. La less eligibility rend difficile
le partage entre droits et devoirs du pauvre, entre aide, punition et contrôle.
La suspicion sur la volonté de travail, la crainte d’aider trop, conduisent à des
aides ciblées, conditionnelles et minimales, produisent un risque de ne pas
aider assez et une stigmatisation inévitable. Le principe implique une forme
d’exclusion justifiée puisque cette règle normative exprime aussi une
sanction, une infériorité juste du revenu de l’assisté par rapport à ceux qui
travaillent. Il indique une limite à la solidarité, ou à l’idée que le secours
pourrait se fonder seulement sur un « droit à des conditions convenables
d’existence » »52.
Sous les trapézistes du cirque social, deux filets. Lorsque les mailles du premier,
tressées à la solidarité, se distendent, certains, dans leur chute, passent au travers et
s’écrasent plus bas, tels des insectes désorientés dans la toile d’araignée aux mailles
resserrées du filet pénal53. A défaut de lutter contre les inégalités ou de couvrir
suffisamment les risques de paupérisation, il reste à gérer les conséquences de
l’exclusion et à garantir l’ordre social. « La misère de l’Etat social sur fond de
dérégulation suscite et nécessite la grandeur de l’Etat pénal », avance alors
L. Wacquant suivant une analyse aujourd’hui bien connue54.
52
53
54
Chr. TROMBERT, op cit., p. 2.
Il est intéressant de citer ici, Ch. Vanneste, se référant aux chercheurs Western, Beckett
et Harding : « Partant ensuite du contraste entre le taux de chômage traditionnellement
peu élevé aux Etats- Unis et celui, fort et persistant, des pays européens, les auteurs
démontrent que le faible taux observé aux Etats-Unis dans les années 1990 est un
artefact du taux élevé d’incarcération. Ainsi, l’emprisonnement massif, de 5 à 10 fois
supérieur aux taux constatés dans les autres pays de l’OCDE, soustrait aux statistiques
de chômage une masse nombreuse d’adultes en âge de travailler (1.7 million d’adultes
dans les prisons américaines en 1998), et masque de ce fait un potentiel de chômage
important. Procédant au calcul d’un « taux de chômage corrigé » dans lequel ils
intègrent la population incarcérée parmi les sans-emplois, ils observent qu’entre 1976 et
1994, le chômage américain dépasse le chômage européen durant 17 des 18 années
observées. Avec cette correction, le taux européen ne surpasserait le taux américain que
durant l’année 1994. L’emprise pénale atteint ainsi un niveau tel qu’elle peut prétendre
jouer un rôle effectif de variable d’ajustement du marché du travail. Le modèle
américain fondé sur une idéologie de marché cacherait en réalité un interventionnisme
massif de l’Etat sur le marché du travail, par l’intermédiaire de la politique pénale».
Ch. VANNESTE, « Pénalité, criminalité, insécurité… et économie », in Délinquance et
insécurité en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 73-74.
Voy. notamment son dernier ouvrage : L. WACQUANT, Punir les pauvres. Le nouveau
gouvernement de l’insécurité sociale, Marseille, Agone, 2004.
235
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
« Araignée du matin : chagrin. Araignée du ‘‘grand soir’’ : bonsoir ! », songe Guy
en suivant au plafond la cavale d’’une bestiole poilue. A la table de jeu, il
décroche. De toute façon il doit passer son tour. Son regard se perd à travers les
grillages. Dans le ciel plombé, les jets platine menacent de s’’écraser ; mais les
parachutes dorés permettront à d’’aucuns de se poser en douceur sur le toit des
gratte-ciel où, pour le commun des mortels, l’’ascenseur social est hors service et
les issues de secours paraissent branlantes. L’’aspirateur social, lui, fonctionne
comme il faut, à plein, ravalant dans son ventre carcéral, les violents, turbulents
et autres exclus. Si fort qu’’entre les murs on ne s’’entend même plus.
III. PERTINENCE ET CRITIQUE DE LA LESS ELIGIBILITY COMME FREIN
ACTUEL A LA PROTECTION SOCIALE DES DETENUS
La boucle historique bouclée et le décor planté, quel rôle peut-on raisonnablement
accorder, en ce début de 21e siècle, au principe de less eligibility dans la
configuration de la (double) peine qu’est l’emprisonnement sans statut social pour le
détenu ?
On pourrait, classiquement, avancer ceci : il ne fait pas de doute qu’alors que le
principe de « normalisation » devrait entraîner l’égalisation des conditions sociales
et du statut juridique entre le citoyen libre et le prisonnier55, la less eligibility
conserve, auprès d’une partie au moins de l’opinion publique et politique, une
efficacité redoutable apte à geler tout progrès social attendu dans l’univers
pénitentiaire56/57. Si la normalisation ambitionne, par la bonification du statut du
détenu, une réinsertion réussie comme meilleur rempart contre la récidive, la less
elegibility en revanche, met en exergue, comme nous l’avons déjà souligné, les
fonctions de dissuasion et de sanction de mise à l’écart de la peine, par la
dégradation des conditions de vie régnant dans la prison : la préoccupation
dominante revient à ce que le détenu rétribue « par la souffrance un mal commis à
55
Voy., sur ce principe de normalisation, la contribution dans le présent recueil de V. VAN
PLANCKE et G. VAN LIMBERGHEN : « ‘La justice sociale ne saurait s’arrêter à la
porte des prisons’. Le (non) droit des détenus à la sécurité sociale en Belgique ».
Voy. en ce sens notamment D. KAMINSKI, « Droits des détenus, normalisation et
moindre éligibilité », Criminologie, 43, 1, 2010 ; S. SNACKEN, « Normalisation » dans
les prisons : concepts et défis. L’exemple de l’Avant-projet de loi pénitentiaire belge »,
in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.), L’institution du droit pénitentiaire – Enjeux
de la reconnaissance de droits aux détenus, Bruxelles, Bruylant, L.G.D.J., 2002, p.
136 ; R. Badinter, La prison républicaine, Paris, Ed. Fayard, 1992, p. 274.
Le 29 août 2008, lors d’une visite à la prison de Metz-Queuleu, Rachida Dati a répondu
avec une étonnante désinvolture à un détenu qui se plaignait du manque d’intimité en
cellule où ils vivaient à plusieurs dans un espace insalubre et exigu : « Tenez-vous à
carreau et vous serez chez vous, libre, avec une chambre et des toilettes séparées. La
prison ce n’est pas l’hôtel ». Voy. Meurtre en prison, Le Monde, 13 septembre 2008.
DER
56
57
236
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
autrui »58, et que par là, il soit dissuadé de recommencer. D. Kaminski observe ainsi
que l’on considère encore implicitement à notre époque « que la prison n’est pas en
soi la peine, mais que les conditions de vie doivent reproduire sans cesse une
relation sanctionnelle entre l’administration et le détenu ». Il ajoute que « la fonction
sanctionnatrice de la vie carcérale exige l’arbitraire, l’injustice même justifiée. Dès
qu’on s’écarte de cela, il y a retour du discours de la ‘ moindre éligibilité’, y compris
dans la littérature scientifique, et les conditions matérielles sont assimilées à des
droits… indûs »59.
On assiste dès lors à la coexistence de deux logiques théoriquement contraires, tout
l’enjeu revenant à éviter que la less eligibility absorbe totalement l’ambition de la
normalisation. Mais, pratiquement, cette contradiction conceptuelle doit être
sérieusement relativisée aujourd’hui : vu le contexte de banalisation de la less
eligibility dans la sphère sociale, et sa consécration renouvelée dans l’Etat social
actif, la normalisation est-elle encore véritablement en mesure de tenir ses
promesses d’émancipation dans l’univers pénitentiaire ? Autrement dit, la
dynamique de la normalisation, par la porosité à laquelle elle invite entre l’extérieur
et l’intérieur de la prison, ne tendrait-elle pas de nos jours à reproduire logiquement
intra muros, et de façon plus corrosive encore, la less eligibility qui règne extra
muros ?60
L’inclusion des détenus dans la sécurité sociale, à l’instar de la reconnaissance de
tout autre droit conduisant à une démocratisation accrue de la vie carcérale, est
d’autant plus hypothéquée qu’elle risquerait de mettre en péril la survie de la peine,
par l’ « estompement de toute différence entre l’extérieur et l’intérieur »61. Mais si
l’efficacité de l’institution carcérale dépend, en grande partie, du degré de rupture
par rapport à l’univers familier, comment entretenir cette rupture dès lors que,
comme l’ont démontré de nombreux auteurs, les expériences de vie des détenus
rencontrés sont le plus souvent exprimées en termes de chute : « rupture familiale et
décrochage scolaire précoces, précarité matérielle et dénuement affectif, absence de
perspectives d’emploi »62. En d’autres termes, précisent les criminologues,
58
59
60
61
62
Y. CARTUYVELS, « Le dilemme des prisons », in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.),
op cit., p. 115.
D. KAMINSKI, « Les droits des détenus au Canada et en Angleterre : entre révolution
normative et légitimation de la prison » in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.), op
cit., p. 111.
Voy. en ce sens D. KAMINSKI, « Droits des détenus, normalisation et moindre
éligibilité », Criminologie, 43, 1, 2010. Nous remercions très vivement l’auteur d’avoir
enrichi nos réflexions par la transmission de son papier avant publication.
F. BATHOLEYNS J. BEGHIN, PH. BELLIS, PH. MARY, « Le droit pénitentiaire en Belgique :
limite aux contraintes carcérales ? », in D. KAMINSKI et O. DE SCHUTTER (dir.), op cit.,
p. 160.
Voy. Ph. MARY, F. BATHOLEYNS, J. BEGHIN, « La prison en Belgique : de l’institution
totale aux droits des détenus ? », Déviance et Société, 2006, vol. 30, n°3, p. 395, et les
études citées par les auteurs.
237
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
« l’ampleur prise par le chômage et l’affaiblissement des liens socio-affectifs
alimentent la zone de désaffiliation sociale de manière telle que la rupture se
consomme avant l’incarcération »63. Dans ce contexte, consolider le statut social des
détenus diminuerait encore l’impact punitif et dissuasif de la privation de liberté
puisque tant les conditions carcérales que l’identité sociale qui découle de
l’enfermement ne seraient plus à craindre pour un individu déjà « trop » marginalisé,
voire irréversiblement infériorisé : au vu des expériences préalables vécues par le
« délinquant », un séjour en prison perdrait son « potentiel traumatique »... à moins
d’en dégrader considérablement le contexte de vie64.
Si, en matière sociale, la less eligibility puise sa justification dans le double registre
de l’efficacité (économique) et de la justice, le même phénomène se produit en
matière pénale. Parallèlement à son optique de sanction-rétribution et de dissuasion
(l’efficacité de la peine), le principe de less eligibility cherche ainsi à asseoir et
accroître sa légitimation en se revendiquant d’une certaine idée de « justice
sociale », selon le « sens commun » du juste d’une communauté en repli majoritaire.
Ainsi, aux Pays-Bas, dans les années 90, le principe d’un détenu par cellule fut
remis en question, lui préférant le retour à l’encellulement à deux ou trois, en
invoquant le fait que dans les homes de personnes âgées, les retraités devaient se
partager la chambre, ce qui, par comparaison, semblait socialement injuste65/66. A sa
façon, la position renforcée des victimes dans le processus pénal justifie une
« moindre éligibilité décomplexée » lorsqu’elles prétendent être injustement privées
de privilèges accordés aux détenus67. Le citoyen ‘honnête’, le gardien de prison, la
victime, tous ne peuvent souffrir ‘l’injustice’ qui reviendrait à aligner la condition –
juridique et sociale – du détenu sur la leur ou, pire encore, à se voir – ou simplement
se croire – dépassés dans leur niveau de vie68.
63
64
65
66
67
68
238
PH. MARY, F. BATHOLEYNS, J. BEGHIN, op cit., p. 396.
Ph. COMBESSIE a déjà pu relever que certains détenus sont tellement miséreux que,
paradoxalement, la prison leur est secourable, sur le plan sanitaire (abri et soins de santé
« garantis » dans la prison), par exemple. Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Paris,
Ed. La Découverte, 2009.
J. FEEST, « Imprisonment and Prisoners’ Work : Normalization or Less Eligibility ? »,
Punishment & Society, Vol. 1, n° 1, 1999, p. 100.
Tout en attestant de l’actualité du principe nuisible de less eligibility, Ph. COMBESSIE
signale néanmoins que, selon lui, ce principe n’opère pas toujours pleinement dès lors
que dans de nombreux pays occidentaux, les foyers d’accueil des plus démunis
n’offriraient pas le même panel d’activités que celles proposées aux détenus. Voy.
Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Ed. La Découverte, Paris, 2009, p. 62.
D. KAMINSKI, « Droits des détenus, normalisation et moindre éligibilité », Criminologie,
43, 1, 2010.
Ainsi les gardiens de prison ont tendance à se plaindre que leur statut est inférieur à
celui des détenus lorsque le système de privilège ou leur statut hiérarchique est menacé
par des changements institutionnels. Des rappels « passionnels » du principe de less
eligibility sont inévitablement souvent énoncés pendant les périodes de récession
économique. Voy. E. W. SIEH, « Less Eligibility : The Upper Limits Of Penal Policy »,
Criminal Justice Policy Review, 1989, Vol. 3, n° 2, p. 160.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
Ainsi, comment comprendre l’exclusion des détenus d’une majeure partie des
protections sociales ? La motivation ne peut résider exclusivement dans la
dissuasion des populations à risque ou le durcissement de la sanction puisque,
comme nous venons de l’exposer, de nombreux détenus sont déjà passés à travers
les mailles du filet de la sécurité sociale avant leur incarcération. En fait, une raison
connexe est vraisemblablement liée à la volonté affichée de ne pas ponctionner, pour
des personnes « qui ne le méritent pas »69, les ressources limitées de la tirelire
commune ; « le préjudice ainsi créé est alors compris comme inhérent à la peine »70.
Les détenus ne sont pas jugés dignes – « éligible » - de l’effort social nécessaire71, et
ce d’autant plus que la moindre éligibilité frappe déjà durement dans la société libre.
En ce sens, l’idée selon laquelle le principe de less eligibility paralyse effectivement
les meilleurs projets de réforme conserve toute sa pertinence72.
***
L’historique que nous avons succinctement dressé de la less eligibility indique
qu’elle émane d’une époque où la condamnation morale des victimes de la pauvreté
était répandue. Une époque marquée par le peu de compréhension quant à l’impact
de la structure sociale et du système économique comme source de pauvreté avec,
dans le chef des autorités publiques, une détermination à décourager l’individu de
dépendre de l’Etat pour résoudre son indigence. Or, force est de constater
aujourd’hui le spectre d’un nouveau consensus sur les fondements individuels de la
justice sociale et pénale avec, au centre, les idées de responsabilité individuelle et de
mérite73, la méritocratie étant ce « système fluide qui promeut et rétrograde les gens
en permanence »74. La désagrégation de l’Etat social, moins capable de saisir des
catégories collectives, entraîne une analyse et un traitement toujours plus
69
70
71
72
73
74
J. FEEST précisait que des experts en sécurité sociale ont indiqué que le coût de
l’incorporation des détenus dans le système de sécurité sociale serait compensé, dans
une large mesure, par l’épargne accomplie en termes d’allocations versées à la famille
des détenus (on ne dispose toutefois pas de chiffres exacts). Les obstacles à cette
réforme ne seraient donc pas économiques et budgétaires mais politiques et légaux,
tenant compte notamment du fait que d’autres groupes, tel des étudiants par exemple, ne
pourraient bénéficier d’un traitement similaire. Voy. J. FEEST, op cit., p. 103 .
E. SHEA, « Les paradoxes de la normalisation du travail pénitentiaire en France et en
Allemagne », Déviance et Société, 2005/3, Volume 29, p. 362.
E. SHEA, op cit., p. 362
Dans le même sens : E. W. SIEH, « Less Eligibility : The Upper Limits Of Penal
Policy », Criminal Justice Policy Review, 1989, Vol. 3, n° 2, p. 169.
Sur la question du mérite très largement débattue dans les pays anglo-saxons, voy.
notamment les deux ouvrages critiques récents : M. DURU-BELLAT, Le mérite contre la
justice, Paris, Sciences-Po, 2009, et entre autres, pp. 124 et s. ; Y. MICHAUD, Qu’est-ce
que le mérite, Paris, Bourin Editeur, 2009, 294 p.
E. SULEIMAN, Schizophrénies françaises, Paris, Grasset, 2008, p. 149.
239
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
individualisé de l’exclusion, de la marginalité et de la déviance75 : un terreau propice
à la vitalité du principe de « moindre éligibilité » qui privilégie, dans la société libre
comme dans la prison, l’exigence de rétribution à celle de justice distributive.
En réfléchissant « à moyens égaux », on ne peut alors certes orienter sa pensée que
dans le sens de la descente, de la dégradation des conditions d’existence, c’est-à-dire
d’une compression de la dignité. Et l’on considérera – comme le préconisent certains
auteurs – qu’à salaire minimum égal, il convient de ne pas trop augmenter les
revenus de remplacement pour éviter les pièges à l’emploi ; et tant pis s’ils se situent
sous le seuil de pauvreté. Dans cette logique, on concevra naturellement que les
privations des détenus doivent être pires encore.
Il nous apparaît pourtant avec évidence que l’idée de less eligibility, par son ciblage
catégoriel, est nuisible à la cohésion d’une société puisqu’elle trace entre le détenu et
la population non-criminelle, mais aussi entre l’allocataire social et le travailleur, un
lien ténu et négatif. Il faut dès lors trouver une alternative discursive positive au
principe de less eligibility, une alternative qui, à l’intérieur de la politique sociale,
voit dans ce principe, la négation de cette dernière : en effet, « les solidarités
transversales ne peuvent être créées en opposant les groupes, fussent-ils des ‘exclus’.
La transformation requise aujourd’hui doit donc aller dans le sens de la
requalification des statuts économiques de la majorité des citoyens »76.
La question revient ainsi à savoir jusqu’où la dignité est-elle compressible. Et
jusqu’où sa compression reste compatible avec la reconnaissance de leur humanité
aux détenus. Car, à moins, en effet, qu’à force d’accentuer les traits de la
monstruosité, on dénie jusqu’à cette humanité, la question de la dignité se pose,
incontournable. Il est temps de postuler l’incompressibilité de la dignité humaine et
de revaloriser les conditions d’existence les plus basses en remontant le courant
d’une sorte de more eligibility jusqu’aux bas salaires, dès lors qu’en rehaussant les
minima sociaux, c’est toute la structure salariale qui est en cause.
Il n’en va pas seulement de la défense de la dignité des détenus, et plus largement de
celle de notre société dans son ensemble, mais aussi du renforcement du sens et de
l’efficacité de la lutte contre la criminalité. Tout d’abord, il est possible que,
valorisant ainsi les conditions de vie hors de la prison, la crainte de la perte de
liberté, à elle seule, constituerait un repoussoir suffisant. Nous y croyons peu et ce
n’est finalement pas l’essentiel. Car on sait par ailleurs que cette crainte n’est qu’un
facteur minime et très instable de dissuasion77, que ce n’est pas la peur de la sanction
qui fournit la meilleure garantie de conformité à l’ordre social. C’est l’adhésion à cet
75
76
77
240
F. OST, op cit., p. 269.
S. MOREL, « De l’assurance chômage à l’assistance chômage : la dégradation des
statuts », Revue de l’IRES, n° 30 - 1999/2.
Sur le peu d’efficacité de la fonction dissuasive de la sanction d’emprisonnement, voy.
Ph. COMBESSIE, Sociologie de la prison, Paris, Ed. La Découverte, 2009, p. 19.
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility
ordre social, à savoir la légitimité qu’on lui accorde qui est déterminante. Or la
légalité seule ne fait pas la légitimité. Le droit, en soi, ne garantit pas la justice.
La question fondamentale n’est donc pas tant « comment accroître la peur de la
sanction ? » que « comment rendre l’ordre social (plus) respectable et partant plus
tolérable, souhaitable, enviable, désirable, voire aimable ? ». Le respect des lois
dépend principalement de la conviction que l’on a de leur légitimité et cette dernière
s’effrite lorsque l’ordre social qu’elles incarnent est perçu et vécu comme
structurellement injuste en raison des disparités et des exclusions qu’il génère. En ce
sens, contribuer au renforcement de la justice sociale, à la réduction des inégalités,
ne relève pas seulement d’un idéal – d’une douce utopie un peu surannée diront
certains – mais aussi du pragmatisme. Ce n’est pas seulement une question de
principe, mais aussi d’intérêt.
Octroyer un revenu de base au moins équivalent au seuil de pauvreté, pour
combattre plutôt que gérer cette pauvreté ou en soulager les effets, ne rendrait-il pas
l’ordre social plus respectable ? Abandonner l’idée selon laquelle la privation de
liberté seule ne constitue pas une peine suffisante et qu’il faut dégrader les
conditions de détention à un niveau plus exécrable encore que les conditions
d’existence déjà indignes des plus miséreux à l’extérieur des murs, ne le rendrait-il
pas plus respectable ?
Maintenir la solidarité collective comme lien matériel et symbolique avec les
personnes – y compris les personnes détenues –, quel(s) que soi(en)t leur(s)
mérite(s) ou leur(s) faute(s), ne serait-ce pas plus respectable ? Ne serait-ce pas
réaffirmer avec force à ceux qui se sont écartés de la loi que la peine n’efface pas
pour autant le lien ? Ne serait-ce pas redonner foi à ceux qui sont sans loi parce que
sans foi ; sans foi en la légitimité d’une organisation sociale qui semble ne laisser
aucune place ni à la faiblesse, ni à la faute, qui semble traquer la moindre défaillance
pour exclure ?
Faire face aux insécurités, c’est combattre, à parité, l’insécurité civile et
l’insécurité sociale. Il existe aujourd’hui un très large consensus sur le fait
que, pour assurer la sécurité civile (la sécurité des biens et des personnes),
une forte présence de l’Etat est requise : il faut défendre l’Etat de droit. Il
devrait en aller de même pour lutter contre l’insécurité sociale : il faudrait
sauver l’Etat social. En effet, il ne peut exister de ‘société d’individus’, sauf à
ce qu’ils se retrouvent clivés ou atomisés, sans que des systèmes publics de
régulation n’imposent, au nom de la cohésion sociale, la prééminence d’un
garant de l’intérêt général sur la concurrence entre les intérêts privés. (Castel,
2003)78.
78
R. CASTEL, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Seuil, La
République des Idées, 2003.
241
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Il faudra sans doute du temps pour remiser le Monopoly au placard et lui préférer des
jeux de coopération ou de co-construction ; certainement du temps aussi pour y
supprimer la case « prison » ; mais il est urgent de modifier les règle du jeu et de
réaffirmer avec force le lien irréductible entre les cases « prison » et « départ ».
Exclure au maximum l’exclusion de notre champ d’action, et renforcer la dignité des
détenus, c’est consolider celle de l’ordre social et, partant, sa légitimité et sa
respectabilité. Fortifier la sécurité – y compris sociale – des détenus, c’est renforcer
– et non déforcer – celle de la société.
« Hé, c’’est à toi, tu peux jouer maintenant ! ». Guy est rappelé à l’’ordre par ses
compagnons qui s’’impatientent. « Oh, ça va, ça va ! Les immeubles de l’’avenue
Louise ne vont pas s’’envoler, hein ?! Je rêvais…… C’’est pas interdit tout de même ! »
242
SOCIALE ZEKERHEID VOOR GEDETINEERDEN – ALGEMENE
CONCLUSIES
door Sonja SNACKEN
Vakgroep Criminologie
Vrije Universiteit Brussel
Deze studiedag heeft twee werelden bij elkaar gebracht die op het eerste zicht
meestal los van elkaar functioneren: het sociaal beleid en het penaal beleid.
Nochtans weten we uit onderzoek dat beide werelden op verschillende vlakken in
interactie treden. In deze algemene conclusies wil ik het dan ook over deze
interacties hebben, over hun politieke implicaties en over de legitimiteit van
bepaalde beleidskeuzes.
I. INTERACTIES TUSSEN SOCIAAL EN PENAAL BELEID
Onderzoek van 32 staten in de Verenigde Staten (Becket & Western, 2001) heeft
aangetoond dat er een omgekeerde correlatie bestaat tussen het investeren in sociaal
beleid door een bepaalde staat en de omvang van de gevangenispopulatie: hoe meer
een
overheid
investeert
in
sociale
voorzieningen
(huisvesting,
werkloosheiduitkeringen, onderwijs, gezondheidszorg, enz.) hoe lager de
gevangenispopulatie in die staat is, en omgekeerd. De auteurs stelden bovendien een
invloed vast van de aanwezigheid van etnische minderheden in die staat (hoe meer
Afro-Americans en Hispanics in een staat, hoe hoger de gevangenispopulatie) en
van de politieke verdeling (hoe meer Republikeins een staat is, hoe hoger de
gevangenispopulatie). Dit bracht Becket en Western tot de conclusie dat sociale
voorzieningen en vrijheidsberoving kunnen beschouwd worden als ‘two ways of
dealing with social marginality’: beide beleidsvormen zijn prioritair gericht op
sociaal kwetsbare groepen, maar hanteren hiervoor verschillende middelen (2001:
46). Deze correlatie is behoorlijk sterker eind jaren negentig dan in de jaren zeventig
of tachtig, wat er op wijst dat er een groeiende kloof is tussen beide beleidskeuzes.
Een gelijkaardige oefening werd verricht in Europa door Downes & Hansen (2006),
met dezelfde resultaten, en ook hier is de correlatie opmerkelijk sterker in 1998 dan
in 1988. Dit heeft Cavadino & Dignan (2006) ertoe gebracht om de Europese landen
in drie categorieën in te delen. In navolging van Esping-Andersen (1990) worden er
immers doorgaans drie soorten ‘welfare models’ onderscheiden: het Scandinavische
model, dat het meest omvattend is, het Angelsaksische model, dat het meest
neoliberaal is en het Continentaal Europese model, dat een middenvorm kent. De
Scandinavische landen, gekenmerkt door ‘social democrat corporatism’ met
uitgebreide welzijnsvoorzieningen, algemene sociale rechten en eerder linkse
politieke koers, kennen de laagste sociale ongelijkheid en ook de laagste
gevangenispopulaties in West-Europa (65-70 gedetineerden per 100.000 inwoners).
De Angelsaksische landen, omschreven als ‘neoliberal’, met hun beperktere
welzijnsvoorzieningen, beperkte sociale rechten en eerder rechtse politieke koers,
kennen de hoogste sociale ongelijkheid en de hoogste gevangenispopulaties in West
Europa (140/100.000 inwoners). De Continentaal Europese landen, omschreven als
‘conservative corporatism’, vormen op al deze vlakken een middencategorie, zowel
qua welzijnsvoorzieningen, sociale rechten, politieke koers, sociale ongelijkheid als
gevangenispopulaties (95-100/100.000 inwoners). België behoort volgens deze
omschrijving eveneens tot deze laatste categorie.
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
Hoe kunnen we deze correlaties verklaren?
We weten uit talloze onderzoeken dat deze correlaties los staan van de gepleegde
criminaliteit in een land (Zimring & Hawkins, 1991; Snacken, Beyens & Tubex,
1995; Lappi-Seppällä, 2007). We willen hier drie elementen bendrukken in deze
correlaties, die van bijzonder belang zijn voor onze discussies vandaag: de relatie
tussen sociaal versus penaal beleid en de politieke legitimiteit van een overheid, de
selectiviteit van de strafrechtsbedeling in het opleggen van vrijheidsberoving, en het
belang van een sociaal beleid in het doorbreken van de vicieuze cirkel waar exgedetineerden dreigen in terecht komen.
A. SOCIAAL VERSUS PENAAL BELEID EN POLITIEKE LEGITIMITEIT
In zijn vergelijkende studie van 25 Westerse en Europese landen, komt LappiSeppällä (2007) tot de vaststelling dat de Scandinavische landen, met hun hoogste
welzijnsvoorzieningen en hun laagste gevangenispopulaties, gekenmerkt worden
door een hoger vertrouwen van het publiek in de overheidsinstellingen en in hun
medeburgers en in lagere onveiligheidsgevoelens. Hypothese is dan dat de
legitimiteit van de overheid hier steunt op het sterk ontwikkelde sociaal beleid,
waardoor er minder behoefte is aan een punitief discours en een repressief penaal
beleid. In neoliberale landen, waar de staat de greep verloren heeft op de economie
en het sociaal beleid sterk afgebouwd heeft, moet de overheid een nieuwe
legitimiteit zoeken, en vindt die in een ‘harde aanpak’ van criminaliteit en
onveiligheidsgevoelens, met een punitief discours en een repressief penaal beleid tot
gevolg. Ondanks dit repressieve beleid, dat tot hogere gevangenispopulaties leidt,
blijft het vertrouwen van het publiek in de overheid beduidend lager dan in de
Scandinavische landen.
B. DE SELECTIVITEIT VAN DE STRAFRECHTSBEDELING IN HET OPLEGGEN
VAN VRIJHEIDSBEROVING
Onderzoek naar besluitvorming van magistraten toont aan dat, naast de objectieve
ernst van het misdrijf en het gerechtelijke verleden van de verdachte, ook de sociale
kwetsbaarheid van een verdachte meespeelt in een beslissing om al dan niet een
vrijheidsberoving op te leggen, zowel bij een voorlopige hechtenis als bij het vonnis
(Vanhamme & Beyens, 2007). Werkeloosheid, de afwezigheid van sociale of
familiale banden, financiële problemen worden gezien als extra risicofactoren op
criminaliteit die een vrijheidsberoving rechtvaardigen. Hierdoor komen ook etnische
minderheden (De Pauw, 1999) en bepaalde categorieën vreemdelingen (Snacken,
2007) sneller in de gevangenis terecht. Dit heeft als gevolg dat de
gevangenispopulatie een zwakker socio-economisch profiel vertoont dan de
doorsnee bevolking. De vrijheidsberoving versterkt dan nog eens deze
kwetsbaarheid, aangezien zowel de detentie op zich als het stigma dat daar mee
gepaard gaat, het in stand houden van familiale of sociale banden en het vinden van
tewerkstelling na de invrijheidstelling bemoeilijken. Dit kan dan weer de
mogelijkheden tot sociale re-integratie en dus het toekennen van een vervroegde
246
Sociale zekerheid voor gedetineerden - Algemene conclusies
invrijheidstelling vertragen, waardoor gedetineerden langer in de gevangenis blijven.
Een sterk uitgebouwd sociaal beleid kan dus een positieve invloed uitoefenen op de
mogelijkheden tot het vermijden van vrijheidsberoving, zowel bij de straftoemeting
als bij de strafuitvoering.
C. SOCIAAL BELEID EN DE POSITIE VAN EX-GEDETINEERDEN
Onderzoek naar risicofactoren voor recidive heeft het belang aangetoond van zowel
‘statische’ factoren (d.w.z. waar geen invloed kan op uitgeoefend worden), zoals
leeftijd, type misdrijf en gerechtelijk verleden, als ‘dynamische’ factoren (waar wel
kan rond gewerkt worden), zoals tewerkstelling, sociale netwerken en
middelenmisbruik (Goethals & De Bie, 2000). De recente ‘desistance’ literatuur
toont dan weer aan dat het stoppen met het plegen van criminaliteit gerelateerd is
aan het opbouwen van een meer positieve identiteit en sociale rol, een proces waarin
zowel persoonlijke als sociaal-economische factoren een rol spelen, zoals het vinden
van vaste en voldoening verschaffende tewerkstelling, het aangaan van stabiele
relaties (partner, huwelijk, ouderschap), het ontwikkelen van humaan kapitaal
(individuele vaardigheden, kennis) en van sociaal kapitaal (sociale relaties en
banden, vertrouwen, maatschappelijke betrokkenheid), het ontwikkelen van
‘generativity’ (de wens en de mogelijkheid om verantwoordelijkheid op te nemen
voor de volgende generaties) (Maruna & Immarigeon, 2004; Aertsen, Goethals &
Clonen, 2009). Hier is eveneens een maatschappelijke component aan verbonden,
met name het sociale kapitaal dat in de samenleving aanwezig is en de bereidheid
van die samenleving om een (ex-)gedetineerde (opnieuw) kansen te geven tot het
uitbouwen van humaan en sociaal kapitaal (Farrall, 2004). Deze bereidheid moet
reeds aanwezig zijn tijdens de detentie en verder gezet worden na de
invrijheidstelling. Dit wijst op het belang van het politieke niveau, waarin beslist
wordt om sociale voorzieningen, zoals o.a. sociale zekerheid, al dan niet toe te
passen op (ex-)gedetineerden.
II. MENSENRECHTEN EN POLITIEKE BESLUITVORMING
De Basiswet Gevangeniswezen en Rechtspositie van Gedetineerden van 12 januari
2005 is er gekomen via een consensus van alle democratische partijen, over
meerderheid en oppositie heen. In de Parlementaire discussies werd er hierbij
verwezen naar het belang van het verdedigen van mensenrechten als een morele
plicht voor politici, ook als een deel van de bevolking dit niet zou ondersteunen
(Kamer, 2004). De Europese context is hier belangrijk in geweest: bij het schrijven
van de teksten binnen de Commissie Dupont werd expliciet rekening gehouden met
de rechtsspraak van het Europees Hof voor de Rechten van de Mens (EHRM) en de
standaarden en verslagen van het Europees Comité voor de Preventie van Foltering
(CPT). Niettemin zijn een aantal bepalingen gesneuveld in het Parlement, doorgaans
omdat ze te ver af stonden van de huidige realiteit, zoals het principe van één
persoon per cel, of wegens de budgettaire implicaties, zoals het opnemen van de
gedetineerden in het sociale zekerheidstelsel. Hiertoe was voorgesteld om de
247
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
verplichte gevangenisarbeid af te schaffen en de gedetineerden een normaal loon toe
te kennen, dat ze, na aftrek van kost en inwoon, zouden kunnen gebruiken voor het
verwezenlijken van de in de Basiswet vastgelegde doelstellingen van de
strafuitvoering: beperking van de detentieschade (steun aan familie), herstel aan het
slachtoffer (schadevergoeding), rehabilitatie en voorbereiding van de re-integratie
(normalisering van tewerkstelling en loon in vergelijking met de buitenwereld). De
vrijwillige arbeid werd door het Parlement aanvaard (art. 81), het normale loon niet.
Nochtans was dit voor België niets nieuws: na de Tweede Wereldoorlog werden de
incivieken die tewerkgesteld werden in de mijnen in Limburg op dat vlak
gelijkgeschakeld met de andere mijnwerkers, ook zij kregen een normaal loon en
werden opgenomen in de sociale zekerheid (Ghistelinck, 2001). De discussie tijdens
deze studiedag betreffende de heffing van bijdragen voor de sociale zekerheid bij
gedetineerden krijgt uiteraard een totaal andere dimensie als men over een normaal
loon spreekt of over een maximale vergoeding van +/- 1 euro per uur. De gevraagde
bijdragen moeten proportioneel zijn met de draagkracht van de betrokkenen, maar
ook met wat ze daarvoor verkrijgen. Wat betekent in dat verband ‘kost en inwoon’?
Moeten gedetineerden betalen voor de in sommige Belgische gevangenissen nog
steeds aanwezige combinatie van overbevolking, gebrek aan activiteiten en gebrek
aan sanitaire voorzieningen, die door het CPT omschreven is als ‘onmenselijke en
vernederende behandeling’ (CPT 1994, § 85)? Houdt ‘normalisering’ van het loon
het risico in dat gedetineerden, zoals in sommige Amerikaanse privé gevangenissen,
dan extra zouden moeten betalen voor alle aangeboden activiteiten, bezoek of
telefoon?
Anderzijds kunnen we enkel toejuichen dat de Belgische wetgever het belang van
mensenrechten voor de legitimiteit van een beleid heeft erkend. Gedetineerden
krijgen in de media en bij het ruimere publiek immers dikwijls slechts aandacht als
er iets misloopt, hetzij tijdens de detentie (ontsnappingen, opstand) hetzij na de
invrijheidstelling (ophefmakende recidive gevallen). Gevangenissen roepen derhalve
eerder negatieve emoties op, waarbij periodes waarin er geroepen wordt om
vergelding en afschrikking via strengere regimes (‘less eligibility’: omstandigheden
in gevangenissen moeten slechter zijn dan de situatie van de armste personen in de
buitenwereld) afgewisseld worden met periodes van ‘sociale amnesie’ of
onverschilligheid (Chantraine, 2004). Een democratie wordt echter minder
gekenmerkt door het overwicht van de wil van de meerderheid ten koste van de
minderheid (wat De Tocqueville reeds ‘tyranny of the majority’ noemde’), dan wel
door een beleid dat het algemeen belang nastreeft, inclusief het belang van een
(onpopulaire) minderheid. In een representatieve democratie zijn het de politici die
een beleid nastreven in het algemene belang, waarvoor zij dan verantwoording
moeten afleggen ten opzichte van hun kiezers. In een rechtstaat wordt eenieder,
inclusief de beleidsmakers, gestuurd door rationele en onpersoonlijke wetten en
principes. Dit betekent dat politici weliswaar moeten luisteren naar vragen, emoties
en bekommernissen van ‘het publiek’, maar dat zij een rationeel beleid moeten
voeren dat in het algemeen belang noodzakelijk is en dat ook aan ‘het publiek’
moeten verantwoorden. Dergelijke representatieve democratie staat tegenover het
248
Sociale zekerheid voor gedetineerden - Algemene conclusies
‘populisme’, dat gekenmerkt wordt door een onmiddellijke, ongemedieerde invloed
op het beleid van wat politici denken dat ‘het publiek’ wil, los van de reële effecten
op het algemeen belang, en door een negatieve houding ten opzichte van de visies
van experten uit praktijk en wetenschap (Taggert, 2000). Wat het strafbeleid betreft,
heeft dit tot het begrip ‘populist punitiveness’ geleid (Bottoms, 1995), waarbij
politici kiezen voor repressieve en punitieve opties vanuit de veronderstelling dat dit
de voorkeur van ‘het publiek’ wegdraagt en dus hun kansen op herverkiezing
vergroot. Onderzoek heeft evenwel aangetoond dat ‘de publieke opinie’ niet bestaat,
dat de antwoorden betreffende bestraffing die respondenten in surveys geven
afhankelijk zijn van hun achtergrond en van de informatie die ze krijgen, en dat er
groot gebrek aan kennis is over de realiteit van criminaliteit en bestraffing (Roberts,
Stalans, Indermauer & Hough, 2003). Bovendien lijken respondenten ogenschijnlijk
tegengestelde visies te hebben, waarbij zij zowel strengere straffen vragen als steun
betonen voor meer alternatieven voor de gevangenis (67% van de respondenten in
de laatste Justitiemonitor) (Hoge Raad voor Justitie, 2008), zowel vergelding als reintegratie van veroordeelden belangrijk vinden.
Deze aandacht voor mensenrechten als bron voor politieke legitimiteit wordt als een
typisch kenmerk van de Europese identiteit beschouwd (Snacken, 2006). Denken we
maar aan de verschillende houding in Europa en de Verenigde Staten ten aanzien
van de doodstraf, waarbij deze straf in de VS gelegitimeerd wordt door de steun bij
de publieke opinie, terwijl het verbod op toemeten of uitvoeren van de doodstraf in
het Europese Charter of Fundamental Rights van de EU (2000) gesteund wordt op
de menselijke waardigheid (zie Titel I, art. 2). Het concept ‘menselijke waardigheid’
is weliswaar complex. Het EHRM heeft aldus herhaaldelijk gesteld dat elke
vrijheidsberoving een ‘inherent element of humiliation’ inhoudt, dat moet
overschreden zijn om als een schending van art. 3 EVRM te kunnen beschouwd
worden (voor een overzicht, zie van Zyl Smit & Snacken, 2009). Het Hof heeft
echter nooit gedefinieerd wat dan dit ‘inherent element of humiliation’ is. In
navolging van de bekende Vlaamse filosoof Leo Apostel zou ik ‘menselijke
waardigheid’ willen omschrijven als ‘de erkenning van de individuele en sociale
identiteit, de mogelijkheid om autonoom te beslissen, te kiezen en te handelen’
(Apostel, 1993). Geen enkele gevangenis, hoe open of liberaal ook, kan een regime
aanbieden dat de volledige erkenning van die individuele en sociale identiteit en die
volledige keuzevrijheid garandeert. Detentie is voor mij dan ook per definitie strijdig
met de menselijke waardigheid, maar hoe meer gedetineerden hun individuele en
sociale rechten kunnen uitoefenen, hoe meer zij in hun menselijke waardigheid
erkend worden (van Zyl Smit & Snacken, 2009).
Sociale zekerheid maakt in onze samenleving integraal deel uit van die menselijke
waardigheid. Artikel 23 van de Gecoördineerde Grondwet van 1994 stelt immers dat
eenieder het recht heeft een menswaardig bestaan te leiden. Wanneer we dit artikel
grondig lezen, bemerken we dat dit artikel het recht op een menswaardig bestaan
concretiseert naar vijf terreinen, zijnde (1) arbeid, (2) sociale zekerheid en
bescherming van de gezondheid, (3) huisvesting, (4) bescherming van een gezond
249
Les limitations au droit à la sécurité sociale des détenus : une double peine ?
leefmilieu en (5) culturele en maatschappelijke ontplooiing. Er is geen enkele
legitieme reden om gedetineerden daarvan uit te sluiten. De Basiswet stelt in art. 5
dat de vrijheidsberoving moet worden ten uitvoer gelegd in psychosociale, fysieke
en materiële omstandigheden die de menselijke waardigheid eerbiedigen; art. 6 stelt,
in navolging van het internationaal erkende principe van ‘imprisonment as
punishment not for punishment’, dat de gedetineerde aan geen andere beperkingen
van zijn rechten mag onderworpen worden dan diegenen die voortvloeien uit de
veroordeling of uit de vrijheidsbeneming zelf of uit een wet; en art. 9 stelt dat, wat
veroordeelden betreft, het strafkarakter van de vrijheidstraf uitsluitend bestaat in het
geheel of gedeeltelijk verlies van de vrijheid van komen en gaan en de daarmee
onlosmakelijk verbonden vrijheidsbeperkingen, en dat de strafuitvoering moet
gericht zijn op o.a. de re-integratie van de veroordeelde. In navolging van BouverneDe Bie en Roose (2000), definiëren wij de notie ‘sociale (re-)integratie’ als een
sociaal grondrecht dat eenieder de mogelijkheid geeft om een menswaardig bestaan
te leiden. Waardoor we in onze verzorgingsstaat terug bij de Grondwet en de sociale
grondrechten, inclusief sociale zekerheid, uitkomen.
Maar leven we nog wel in een verzorgingsstaat? Volgens sommigen zijn we ook in
Europa, zoals in de US en de UK, steeds meer op weg naar een neo-liberale ‘penale
staat’ ter vervanging van de verzorgingsstaat (Wacquant, 2006). Volgens anderen
leven we eerder in een ‘état social sécuritaire’ (Cartuyvels, Mary & Rea, 2000),
waar we nog steeds veel investeren in sociale voorzieningen, maar waar de
vergrijzing in onze samenleving het accent doet verschuiven naar pensioenen en
gezondheidszorg ten koste van steun bij werkloosheid, die vooral de
jongvolwassenen treft, die we dan eerder penaal aanpakken (Mary & Naegels,
forthc.). Het feit dat deze studiedag over sociale zekerheid van gedetineerden
doorgaat in het Huis der Parlementariërs zou ik als symbolisch willen aanzien. De
behandelde thema’s houden immers belangrijke politieke keuzes in betreffende de
vraag in welke samenleving we willen leven, één gebaseerd op sociale uitsluiting of
op sociale insluiting. Dit laatste houdt in dat we zo weinig mogelijk mensen straffen
door hen van hun vrijheid te beroven, en dat als dit echt niet anders kan, dit gebeurt
met erkenning van hun rechten op een menswaardig bestaan. Op beide terreinen is er
nog veel werk, maar de talrijke opkomst op deze studiedag toont aan dat wij niet
alleen staan met deze wensen.
250
BIBLIOGRAFIE
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criminele carriere: De waarde van narratieve analyse”, Panopticon 2009, nr. 1: 9-30.
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253
TABLE DES MATIERES
Remerciements ......................................................................................................................... 7
Présentation........................................................................................................................... 11
Social et pénal......................................................................................................................... 12
Un regard positif ..................................................................................................................... 13
Un début de réparation............................................................................................................ 14
Het mensenrecht op sociale zekerheid voor gedetineerden : sprokkels en principes ...... 17
I. Het recht op sociale zekerheid............................................................................................. 19
A. Rechtsbronnen ............................................................................................................. 20
B. Internationaalrechtelijke betekenis............................................................................... 21
1. Internationaal Verdrag inzake economische, sociale en culturele rechten.............. 21
2. (Herzien) Europees Sociaal Handvest .................................................................... 24
a) Recht op sociale zekerheid (art. 12 (H)ESH) ................................................... 25
b) Recht op sociale en medische bijstand............................................................. 28
c) Recht op het genot van sociale welvaartsdiensten............................................ 30
3. Internationaal verdrag inzake burgerlijke en politieke rechten............................... 31
4. EVRM .................................................................................................................... 32
5. Samenvatting.......................................................................................................... 33
C. Betekenis in de Belgische rechtsorde........................................................................... 33
II. Het recht op sociale zekerheid voor gedetineerden ............................................................ 34
A. Specifieke bepalingen 34
1. Verenigde Naties .................................................................................................... 34
a) Internationaal Verdrag inzake Economische, Sociale en Culturele Rechten.... 34
b) IAO-verdragen................................................................................................. 35
c) Standaard minimumregels voor de behandeling van gevangenen.................... 35
2. Raad van Europa .................................................................................................... 36
a) (Herzien) Europees Sociaal Handvest.............................................................. 36
b) (Herzien) Europees Wetboek voor Sociale Zekerheid ..................................... 36
c) Europese gevangenisregels .............................................................................. 37
d) Europese Regels voor minderjarige overtreders die aan sancties of maatregelen
onderworpen worden ........................................................................................ 37
e) Commissaris voor de mensenrechten ............................................................... 38
B. Algemene principes ..................................................................................................... 38
III. Elementen van toetsing van de Belgische situatie aan het mensenrecht op sociale
zekerheid .......................................................................................................................... 44
IV. Besluit............................................................................................................................... 46
« La justice sociale ne saurait s’arrêter à la porte des prisons »
Le (non) droit des détenus à la sécurité sociale en Belgique.............................................. 47
I. Introduction ......................................................................................................................... 49
II. Suspension des allocations de sécurité sociale ................................................................... 54
A. Question critique quant au choix politique .................................................................. 54
B. Critique de la mise en œuvre du choix politique.......................................................... 57
1. Nécessité d’une meilleure réglementation.............................................................. 57
2. Nécessité de cohérence........................................................................................... 59
a) Règles de suspension et dispositions interdisant le cumul................................60
b) Règles de suspension et prestations sociales assistancielles .............................61
c) Règles de suspension et prestations sociales assurantielles ..............................65
3. Nécessité d’une meilleure harmonisation avec le statut juridique externe des
détenus.....................................................................................................................68
4. Nécessité d’une meilleure harmonisation avec le statut juridique « interne » des
détenus.....................................................................................................................69
a) Plus de respect pour les droits sociaux fondamentaux des détenus...................70
b) Plus d’attention pour les droits des détenus à leur libération............................70
c) Plus d’attention pour la situation familiale des détenus....................................72
5. Nécessité d’une meilleure harmonisation avec les garanties essentielles du droit
pénal ........................................................................................................................75
a) La présomption d’innocence.............................................................................75
b) Conséquence automatique de la peine..............................................................78
C. Contribution dans les frais d’entretien et d’hébergement comme alternative à la
suspension...................................................................................................................78
1. L’option du prélèvement d’une contribution dans les coûts d’entretien et de séjour
en meilleure conformité avec les droits sociaux fondamentaux des détenus ...........81
2. Cohérence avec la législation sociale......................................................................84
3. Une meilleure harmonisation avec les garanties pénales ........................................85
III. Travail pénitentiaire ..........................................................................................................87
A. Travail pénitentiaire comme source de droits à la sécurité sociale...............................88
B. Travail pénitentiaire comme obstacle aux droits à la sécurité sociale ..........................90
IV. Conclusion ........................................................................................................................92
Sociale gerechtigheid mag geen halt houden aan de gevangenispoort
Het (niet erkend) recht op sociale zekerheid van gedetineerden in België........................99
I. Inleiding.............................................................................................................................101
II. Schorsing van socialezekerheidsuitkeringen.....................................................................106
A. Kritische vragen bij de beleidskeuze..........................................................................107
B. Kritiek op de implementatie van de beleidskeuze ......................................................109
1. Nood aan een betere regelgeving ..........................................................................110
2. Nood aan consistentie en coherentie .....................................................................111
a) Schorsingsregels en cumulatiebepalingen ......................................................112
b) Schorsing van socialebijstandsuitkeringen .....................................................113
c) Schorsing van socialeverzekeringsprestaties ..................................................117
3. Nood aan een betere afstemming op de externe rechtspositie van gedetineerden .120
4. Nood aan een betere afstemming op de interne rechtspositie van gedetineerden..121
a) Meer eerbied voor de sociale grondrechten van gedetineerden ......................121
b) Meer aandacht voor de rechten van de gedetineerde na de vrijlating .............122
c) Meer aandacht voor de gezinssituatie van de gedetineerde ............................123
5. Nood aan een betere afstemming op de essentiële waarborgen van
het strafrecht ..........................................................................................................127
a) Vermoeden van onschuld ...............................................................................127
b) Automatisch gevolg van de straf ....................................................................129
c) Bijdrage in de kosten van onderhoud en verblijf als alternatief voor de
schorsing .........................................................................................................130
III. Gevangenisarbeid ............................................................................................................138
A. Gevangenisarbeid als bron van socialezekerheidsrechten ..........................................139
256
Sociale zekerheid voor gedetineerden - Algemene conclusies
B. Gevangenisarbeid als hinderpaal voor sociale-zekerheidsrechten.............................. 142
IV. Conclusie ........................................................................................................................ 144
Dagelijkse ervaringen van de psychosociale diensten van de strafinrichtingen
met sociale zekerheid/sociale bijstand............................................................................... 151
I. Inleiding ...................................................................................................................... 153
II. Voorstelling en situering van de psychosociale diensten van de gevangenissen........ 154
III. Waarom is sociale zekerheid en sociale bijstand voor de gedetineerde en zijn
gezinsleden zo een belangrijk aandachtspunt/werkpunt tijdens de detentie?............... 155
IV. Praktijken, bedenkingen en knelpunten.................................................................... 156
A. Het normaliseringbeginsel (Basiswet art. 6, § 1) ................................................. 156
B. Detentieschade voorkomen voor gedetineerde en zijn familie
(Basiswet art. 6, § 2) ............................................................................................. 157
1. Sociale zekerheidstoestand ‘aanpassen’ aan detentietoestand ........................ 158
2. Sociale zekerheidstoestand in orde houden .................................................... 158
3. Uitwerken van reclasseringen met oog op psychosociale re-integratie of ter
voorkoming van recidive (artikel 48 van wet 17 mei 2006)............................ 160
V. Structurele problemen................................................................................................ 162
A. Onuitvoerbaarheid van sociale zekerheidsregelgeving binnen de complexiteit van
de gevangenis........................................................................................................ 162
B. Kenmerken van thuislozenpopulatie staat haaks op administratieve rationaliteit van
sociale zekerheidsinstellingen ............................................................................... 162
C. Onbekendheid en/of onwil van sociale zekerheidsinstellingen met het sociaal
statuut van (ex-)gedetineerden .............................................................................. 162
VI. Besluit ...................................................................................................................... 163
Le regard des détenus sur le droit à la sécurité sociale...................................................... 99
I. Durant la détention...................................................................................................... 168
II. La préparation de la sortie.......................................................................................... 172
III. En guise de conclusion ............................................................................................. 174
De gevangenis als alternatief voor de sociale zekerheid
Berichten uit de Noordelijke Nederlanden ....................................................................... 175
I. Inleiding ...................................................................................................................... 177
II. De rechtsgrond van de uitsluiting .............................................................................. 179
III. Vormgeving van het uitsluitingscriterium ................................................................ 181
IV. De rechterlijke toets.................................................................................................. 183
V. Conclusie ................................................................................................................... 185
Une approche juridique comparée du travail pénitentiaire
dans quelques pays européens ........................................................................................... 187
I. Introduction................................................................................................................. 189
II. L’influence du modèle salarial « extérieur ».............................................................. 193
A. Rémunération du travail : un principe… et des minima inférieurs ................... 193
B. Temps de travail : une référence générale aux normes « extra muros »............ 197
C. Santé et sécurité au travail : une identité (théorique) de protection .................. 198
D. Travail et protection sociale : l’absence ou non de lien révélatrice .................. 200
III. La prégnance du modèle sécuritaire intérieur ........................................................... 202
A. Modalités d’accès au travail : le choix majoritaire de l’incertitude .................. 202
B. Discipline professionnelle : l’ordre carcéral phagocytaire................................ 204
257
C. Expression individuelle et collective : la négation tacite ou explicite ...............206
D. Arrêt du travail : la loi dominante de l’informel ..................................................209
1. La suspension de l’activité..............................................................................209
2. L’extinction de la relation...............................................................................210
IV. Conclusion ................................................................................................................212
Peine et sécurité sociale : le jeu de la less eligibility ..........................................................217
I. Les fondements de la less eligibility ou la froideur d’une spirale négative..................220
II. Aux origines de l’intersection entre les questions sociale et d’ordre social :
les liaisons dangereuses ............................................................................................224
III. Pertinence et critique de la less eligibility comme frein actuel à la protection sociale
des détenus................................................................................................................236
Sociale zekerheid voor gedetineerden – Algemene conclusies .........................................243
I. Interacties tussen sociaal en penaal beleid ...................................................................245
A. Sociaal versus penaal beleid en politieke legitimiteit...........................................246
B. De selectiviteit van de strafrechtsbedeling in het opleggen van
vrijheidsberoving ...................................................................................................246
C. Sociaal beleid en de positie van ex-gedetineerden ...............................................247
II. Mensenrechten en politieke besluitvorming ...............................................................247
Bibliografie .....................................................................................................................251
Table des matières...............................................................................................................255
258