Revue Rhumatisme Edito REVRHM 140714

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Revue du rhumatisme 81 (2014) 275–277
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Éditorial
L’inhibition des voies de signalisation est-elle une possibilité
thérapeutique pour l’arthrose ?夽
i n f o
a r t i c l e
Mots clés :
Arthrose
Arthrite
Cartilage
Chondrocytes
Cytokines
L’arthrose a longtemps été considérée comme une maladie
dégénérative des articulations caractérisée par la perte progressive du cartilage. L’origine mécanique était très souvent évoquée
et la prise en charge des patients limitée au traitement de la
douleur. Ensuite, l’arthrose a été définie comme un ensemble de
maladies affectant tous les tissus articulaires et péri-articulaires,
en ce y compris les muscles et les tendons [1]. Le rôle joué
par la synovite et la sclérose de l’os sous-chondral a été clairement démontré. Les tissus articulaires étaient au centre des
recherches. Des changements de l’activité métabolique et du phénotype des chondrocytes, des synoviocytes et des ostéoblastes de
l’os sous-chondral ont été décrits. Plusieurs voies de signalisation ont été impliquées dans ces changements. À titre d’exemple
citons : La voie NF-␬B (nuclear factor kappa-light-chain-enhancer of
activated B cell) qui activée par de nombreuses cytokines (p. ex.
IL-1) et facteurs de croissance stimule l’expression de nombreux
gènes impliqués dans l’inflammation et la dégradation des tissus conjonctifs ; la voie NF-␬B/HIF-2␣ impliquée dans l’ossification
endochondrale. L’activation de cette voie par des stimuli mécaniques ou des cytokines pro-inflammatoires s’accompagne de la
synthèse par les chondrocytes de facteurs ostéogéniques, de la
métalloprotéase matricielle (MMP)-13 et de collagène de type X
[2] ; la voie JAKs/STATs qui est une voie rapide de transduction
du signal entre les récepteurs membranaires et les gènes cibles.
Les Janus kinases (JAKs) sont impliquées dans l’activation par phosphorylation des facteurs de transcriptions STATs (signal transducers
and activators of transcription) qui migrent vers le noyau pour
se fixer sur les séquences d’acide déoxyribonucléique (ADN) présentes dans le promoteur des gènes cibles. Elle est activée par
de nombreuses cytokines comme l’IL-6. L’activation de cette voie
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2014.03.002.
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.
s’accompagne de l’expression de gènes codant pour des cytokines
pro-inflammatoires et des MMPs directement liées à la dégradation du cartilage et à l’inflammation de la membrane synoviale
[3]. L’activation de la voie Insulin/IGF-1/Pl3k/Akt/forkhead-box
class O (FOXO) est liée au vieillissement du chondrocyte. Les facteurs FOXO jouent un rôle central dans la résistance cellulaire
au stress oxydant [4]. L’inhibition de ces facteurs s’accompagne
d’une réduction de la production d’antioxydants. La voie Wnt
est également l’objet de nombreuses recherches. Son rôle est
complexe. Son activation et son inhibition induisent l’arthrose
chez les animaux [5]. Ces voies sont des cibles thérapeutiques
potentielles.
Plus récemment, l’arthrose a acquis le statut de maladie métabolique grâce à la mise en évidence d’une corrélation entre la sévérité
clinique de l’arthrose des mains et l’obésité [6]. Dans ce cas, la
cause mécanique ne pouvait pas être évoquée, et un lien systémique entre l’obésité et l’arthrose des mains a été suggéré [7]. En
effet, le tissu adipeux des patients obèses sécrète des cytokines proinflammatoires (p. ex. tumor necrosis factor [TNF]-␣, interleukine
[IL]-6) et des adipokines (p. ex. leptine, adiponectine et visfatine)
exerc¸ant un effet délétère sur les tissus articulaires (Fig. 1) [8].
Chez les obèses, l’arthrose a été associée au syndrome métabolique
et à ses différentes composantes (hypertension, dyslipidémie, diabète de type II). Il existe également une association entre l’arthrose
du genou et certaines composantes du syndrome métabolique tels
que le diabète de type 2 ou l’hypertension artérielle, indépendamment de la présence d’une obésité et des autres facteurs de risque
connus d’arthrose [9]. Enfin, l’accumulation de facteurs de risque
métaboliques tels que la surcharge pondérale, l’hypertension, la
dyslipidémie ou l’hyperglycémie augmente le risque de survenue
et de progression de l’arthrose des genoux [10]. L’élément reliant
le syndrome métabolique à l’arthrose pourrait être une inflammation systémique chronique de bas grade caractérisée par des taux
sanguins anormaux de formes activées de l’oxygène, de lipoprotéines de basse densité (LDL) oxydées, de médiateurs lipidiques ou
d’adipokines.
Ces découvertes récentes ont changé la perception que les
patients et les professionnels de la santé avaient de la maladie.
Actuellement, les cliniciens et les chercheurs tentent de classer les patients arthrosiques selon le phénotype de la maladie.
On parle d’arthrose métabolique, d’arthrose génétique précoce,
d’arthrose liée au vieillissement ou encore d’arthrose posttraumatique. Cette classification par phénotype permettra une
prise en charge mieux adaptée aux caractéristiques de la maladie et
http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2014.02.005
1169-8330/© 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie.
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Éditorial / Revue du rhumatisme 81 (2014) 275–277
Fig. 1. Physiopathologie de l’arthrose liée à l’obésité. MCP-1 : moncyte chemotactic protein-1 ; SAA : sérum amyloïde A ; IL-1␤ : interleukine-1 ; TNF-␣ : tumor necrosis factor ;
IL-6 : interleukine-6.
donc d’atteindre un taux plus élevé de répondeurs à un traitement
particulier.
La prise en charge du patient arthrosique à comme objectif
de gérer les symptômes par l’association de traitements pharmacologiques et non pharmacologiques [11]. Les traitements
non pharmacologiques sont essentiellement la perte de poids
et la pratique d’exercices physiques dans le but de maintenir
la fonction musculaire et de réduire la masse graisseuse. La
prise en charge pharmacologique est dominée par la prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de paracétamol, des
médicaments à haut potentiel iatrogène responsables de nombreux effets secondaires sévères. Ces effets secondaires limitent
leur administration chez des patients souffrant d’arthrose associée
à des comorbidités.
Contrairement au patient souffrant de polyarthrite rhumatoïde
(PR), le patient arthrosique n’a pas encore bénéficié d’une avancée
majeure dans son traitement qui permettrait de bloquer significativement l’évolution de la maladie. Les biothérapies dirigées contre
l’IL-1 ou le TNF se sont avérées peu efficaces chez les patients souffrant d’arthrose des mains ou des genoux [12]. De plus, la sévérité
des effets secondaires liés à cette thérapie ciblée rend son administration prolongée difficilement acceptable et non compatible avec
la sévérité de la maladie. Et pourtant, le patient arthrosique pourrait bénéficier des avancées thérapeutiques réalisées dans la PR
et plus particulièrement de petites molécules capables d’inhiber
de manière spécifiques les Janus kinases (JAK). C’est le cas du CP690,550 (tofacitinib). L’inhibition de la voie JAK/STAT est devenue
un objectif thérapeutique, non seulement pour le traitement de la
PR, mais aussi de l’arthrose. Le tofacitinib inhibe l’activité des JAK 1,
2 et 3 avec une affinité plus grande pour JAK3 par rapport JAK-1 ou
2. Le tofacitinib a été testé dans 6 études de phase II et six études
de phase III incluant approximativement 5000 patients souffrant
de PR [3]. En résumé, le tofacitinib améliorait de fac¸on significative
les symptômes des patients et diminuait l’activité de la maladie
même chez les patients en échec d’un traitement biologique [13].
L’incidence des effets secondaires (infections et perforations gastriques) était comparable à celle des traitements biologiques [14].
À notre connaissance, le tofacitinib n’a pas encore été testé chez des
patients arthrosiques. Cependant, les résultats des essais réalisés
dans la PR laissent présumer que le tofacitinib pourrait être le premier inhibiteur spécifique d’une voie de signalisation testée chez les
patients arthrosiques. Enfin, citons la découverte récente d’un inhibiteur de Runx1, le TD-198946. Cette molécule prévient l’apparition
des lésions du cartilage chez la souris souffrant d’arthrose induite
chirurgicalement par ménisectomie et par section du ligament
médian du genou [15].
Les voies de signalisation sont des cibles intéressantes pour
les traitements de l’arthrose car leur inhibition ou leur activation permet de réguler l’expression d’un ensemble de gènes cibles
directement impliqués dans le dysfonctionnement métabolique
des tissus articulaires. Cependant, les premiers essais cliniques réalisés dans la PR ont montré que la régulation spécifique de la voie
JAK/STAT induit de nombreux effets secondaires. Ce point pourrait
être un facteur limitant l’utilisation d’inhibiteurs ou d’activateurs
spécifiques des voies de signalisation dans l’arthrose. Dans cette
maladie, le rapport risque/bénéfice doit rester le facteur clé de
la décision thérapeutique, car il s’agit de traiter une maladie
d’évolution lente, de sévérité modérée et associée à de nombreuses
comorbidités.
Déclaration d’intérêts
Y.H. est fondateur et actionnaire de Artialis SA et Synolyne
Pharma, deux spin-off de l’Université de Liége. Y.H. a rec¸u des honoraires de consultance des Laboratoires Expanscience, Tilman SA, ISA
et BioIberica.
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Yves Henrotin
Unité de recherche sur l’os et le cartilage, arthropôle
Liège, institut de pathologie, niveau +5, CHU
Sart-Tilman, 4000 Liège, Belgique
Adresse e-mail : [email protected]
´
Accepté le 27 fevrier
2014
Disponible sur Internet le 6 avril 2014