Automne 2014 - Biopark Charleroi Brussels South

C H A R L E R O I
B R U S S E L S
S O U T H
La newsletter du Biopark
Charleroi Brussels South
n°23 — automne 2014
Nouvelles formations
Système immunitaire et cancer 2
Immunologie : une filière forte 3
Données passées au crible
4
Focus sur les premiers neurones 5
Déguisement du trypanosome 6
Transporteurs membranaires 7
Streptocoque A
8
Celles et ceux qui font
la recherche
9
Image insolite 10
Microscopie à fluorescence
11
En bref
12
Le système immunitaire
pour lutter contre le cancer
Humeur
Il y a peu, je discutais avec un médecin qui me
demandait si le Biopark proposait une formation
continue dédiée au traitement informatique massif
des données biologiques :
- Moi, « Non, désolé. On n’a pas encore ça au
catalogue » ;
- Lui, « Ah ? Dommage. Tu n’imagines pas le temps
que ça pourrait nous faire gagner… »
La formation continue universitaire est un formidable
outil pour le développement des compétences tout
au long de la vie. Pour être crédible, elle doit répondre
à une attente du terrain et s’appuyer sur des
compétences pointues, souvent transdisciplinaires
et constamment enrichies par la recherche. Le rôle
sociétal de l’Université passe aussi par ces actions
de formation car c’est une manière de mettre au
service de la société les compétences variées
présentes au sein d’une université complète et de
ses partenaires.
Aujourd’hui, la formation évoquée ci-dessus se
retrouve dans notre catalogue (voir page 4). Elle
est le fruit d’une collaboration entre le Service
de Formation Continue de l’ULB, le Biopark,
l’Interuniversity Institute of Bioinformatics in Brussels
(IB)² et le pôle BIOWIN.
Merci à tous ceux qui nous font part de leurs besoins
en termes de formation et à nos partenaires qui
nous aident à y répondre, nous permettant ainsi
de proposer un catalogue innovant, dynamique et
adapté à des publics cibles variés œuvrant au sein
d’un même écosystème.
Arnaud Termonia,
Directeur de la Formation Continue de l’ULB
et du Biopark Formation
2
Nouvelles formations
Expert dans le domaine de l’immunologie, le Biopark s’associe
avec le Campus Erasme, qui accueillera prochainement le
Cancéropôle, pour la création et le lancement d’un événement
sur les immunothérapies du cancer.
Les spécialistes de la cancérologie s’accordent
à dire que nous assistons actuellement à un
tournant dans le traitement des cancers. Les
efforts déployés depuis de nombreuses années
pour utiliser le système immunitaire dans la
lutte contre les tumeurs commencent enfin à
porter leurs fruits.
A titre d’exemple, l’immunothérapie du cancer
a été élue avancée scientifique de l’année en
2013 par les éditeurs de la revue Science.
Selon les prédictions, les immunothérapies
représenteront plus de 60% de tous les
traitements du cancer d’ici 10 ans. Le cycle
"Les immunothérapies du cancer" organisé par
le Biopark Formation (et dont le lancement est
prévu début 2015) s’inscrit dans cette tendance.
"Le format de cet événement est assez original",
explique Erika Baus, coordinatrice scientifique
au Biopark Formation. "Il combine non
seulement des cours de base en immunologie
générale et en immunité anti-tumorale mais
aussi un symposium regroupant des experts
internationaux de l’immunothérapie du cancer.
L’idée étant, grâce aux modules de base, de
mettre ou remettre à niveau un maximum de
personnes qui pourront ensuite (mieux) profiter
des exposés des experts internationaux".
Le symposium aura pour but de présenter
les stratégies d’immunothérapies les plus
prometteuses ainsi que les résultats cliniques
obtenus en Belgique et dans les pays limitrophes.
"Cet événement s’adressant principalement à
des professionnels du monde médical, il nous
semblait logique d’associer dans ce projet les
deux centres de formation continue de l’ULB
actifs dans le domaine biomédical (le Biopark
Formation et le Centre de Formation du Pôle
Santé) et donc d’organiser conjointement cet
évènement", précise Erika Baus.
Damiano Di Stazio
Des stratégies prometteuses
Contrairement à d’autres traitements,
l’immunothérapie ne s’attaque pas directement
aux cellules cancéreuses : elle cible le système
immunitaire afin de lui permettre d’éliminer la
maladie plus efficacement. Même si la méthode n’est
pas opérante chez tous les patients, elle peut allonger
leur durée de vie, voire même mener à la rémission
dans certains cas.
À titre d’exemple, une étape importante dans la
lutte contre le cancer a déjà été franchie grâce au
Sipuleucel-T. Il s’agit d’un vaccin thérapeutique
personnalisé qui repose sur l’injection d’une
préparation de cellules dendritiques issues du patient
Immunologie : une filière forte Avec plus de 150 chercheurs (IMI, IBMM, ImmuneHealth) et 7 sociétés (Novasep, Univercells,
MaSTherCell, DelphiGenetics, ITeos Therapeutics, Euroscreen et ImmunXperts) actives dans le
développement de méthodes, outils et produits en lien avec le système immunitaire, le Biopark
fait figure d’expert dans le vaste domaine de l’immunologie.
Prenez deux laboratoires
de recherche – l’Institut
d’immunologie médicale
(IMI) et l’Institut de
biologie et de médecine
moléculaires (IBMM) –,
ajoutez le centre de
recherche
collectif
en
vaccinologie
–
ImmuneHealth –, étoffez avec une multitude
d’entreprises qui développent, de près ou de loin,
des projets liés au système immunitaire, et vous
avez le coeur du pôle d’excellence Recherche
"Immuno" du Biopark.
et chargées in vitro avec des antigènes tumoraux afin
de stimuler la réponse anti-tumorale.
Une autre approche particulièrement intéressante :
les checkpoint inhibitors. Ici, l’objectif est
d’utiliser les anticorps monoclonaux pour cibler
des molécules spécifiques sur les cellules
immunitaires et ainsi les rendre capables
d’attaquer les cellules cancéreuses. La molécule
CTLA-4 est par exemple chargée de freiner l’activation
de certaines cellules du système immunitaire (les
lymphocytes T). En bloquant cette molécule par des
anticorps spécifiques, le système immunitaire est
libéré et peut alors s’attaquer à la tumeur.
"L’immunologie a toujours été une tradition
à l’ULB", raconte Oberdan Leo, directeur de
l’Institut d’immunologie médicale depuis 2009.
"L’originalité de l’ULB dans le domaine de
l’immunologie, et c’est ce qui explique sans
doute son positionnement fort actuel, c’est la
double origine des équipes de recherche, à
la fois en Faculté des Sciences et en Faculté
de Médecine, où sous l’impulsion de Michel
Goldman et avec le soutien de la Wallonie et
de GSK Vaccines, un Institut d’immunologie
médicale centré sur la vaccination et la
transplantation a pu être créé", précise Oberdan
Leo, avant d’ajouter : "Les arrivées passées
d’ImmuneHealth, d’Iteos et plus récemment
d’ImmunXperts témoignent de l’excellence et de
l’attractivité du Biopark dans ce domaine, que
ce soit au niveau des compétences ou au niveau
des équipements de pointe (pour la cytométrie
en flux par exemple) et des infrastructures". En plus des liens tissés avec le futur Cancéropôle
d’Erasme (voir page 2) qui permettent par
exemple de fédérer les forces autour de toute
l’université, le Biopark souhaite également
développer une structure unique sur le campus
dans les mois qui viennent. "L’IMI, l’IBMM,
ImmuneHealth ainsi que le CER Groupe de
Marloie viennent de déposer un projet conjoint
au Fonds Européen de Développement Régional
(FEDER)", explique Oberdan Leo. "L’objectif est de créer une fédération de
laboratoires d’immunologie où de nombreuses
compétences – en immunologie, parasitologie,
virologie, physiologie bactérienne... – sont
déjà présentes. Nos recherches sont axées
notamment sur la régulation de la réponse
immune (dans des modèles animaux) et sur la
régulation de l’expression des gènes dans le
contrôle de la réponse inflammatoire".
Après avoir consolidé le potentiel sur le campus
et élargi les partenariats régionaux, le Biopark
poursuit sa politique de développement à
l’international. "Les contacts récents avec
différentes sociétés étrangères et l’arrivée
potentielle d’une société suisse à Gosselies
en attestent", explique Dominique Demonté,
directeur du Biopark. "Nous devenons,
progressivement, grâce à la masse critique
académique et industrielle non seulement sur
le Biopark mais plus largement en Wallonie,
un pôle d’attraction en immunologie pour des
sociétés étrangères".
Damiano Di Stazio
Nouvelles formations
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Une foule de données passées au crible
En collaboration avec l’Interuniversity Institute of Bioinformatics in Brussels (IB)2 et le service de
la Formation Continue de l’ULB, le Biopark Formation lance un nouveau programme de formation
sur l’analyse de larges sets de données. L’objectif de la formation : apprendre à extraire les
informations pertinentes d’une masse critique de données dans le champ des sciences de la vie.
A l’heure actuelle, le Data mining ("l’exploration
de données") a de vastes champs d’applications pouvant aller de l’analyse d’éléments financiers
à la détection de fraudes, en passant par l’étude
de données biomédicales notamment issues
du NGS (voir encadré). D’où le besoin croissant
d’utiliser des techniques permettant d’analyser
efficacement les nombreuses données
disponibles et d’en extraire les informations les
plus pertinentes.
Dès décembre 2014, c’est avec cet objectif
que le Biopark Formation et l’Interuniversity
of Bioinformatics in Brussels, (IB)2 lancent la
formation Big data mining in Life Sciences. "Il
s’agit d’une problématique très pointue qui
intéresse un grand nombre de chercheurs du
milieu académique et industriel", indique Erika
Baus, coordinatrice scientifique et formatrice au
Biopark Formation.
"Ce nouveau programme comprend un cours
d’introduction explorant les différentes méthodes
et technologies de data mining disponibles
aujourd’hui dans le domaine des sciences de
la vie et un module avancé sur l’utilisation de
logiciels tels que R et Bioconductor. Il permettra
aux participants d’exploiter des techniques
de biologie moléculaire à haut débit pour
étudier l’expression génétique, rechercher des
biomarqueurs ou encore identifier des réseaux
de régulation".
Damiano Di Stazio
NGS : une révolution en marche !
Le Biopark Formation lance également un cycle de formations sur le Next-Generation
Sequencing, qui débute le 3 novembre. "Le séquençage traditionnel de l’ADN (Sanger) a
longtemps été la méthode de séquençage la plus répandue", explique Valérie Hertveldt,
coordinatrice scientifique de la formation. Mais les nouvelles techniques de séquençage (NGS)
sont rapidement en train de le supplanter pour de nombreuses applications. Malgré tous ses
avantages (voir tableau ci-dessous), le NGS présente l'inconvénient de devoir travailler avec
beaucoup (trop) de données. "Via ces formations, nous souhaitons donner toutes les clés
pour réussir correctement une analyse NGS. Quelles sont les techniques NGS ? À quoi faut-il
penser avant de commencer son expérience ? Comment bien interpréter les résultats obtenus
sans être bio-informaticien ? Notre objectif est de répondre à ces interrogations en mettant
le focus sur le monde médical, et notamment sur l’oncologie". Le Biopark Formation pourra
compter sur l’expertise de l’IPG et d’OncoDNA pour ce parcours de formation.
Séquençage du génome humain par séquençage Sanger vs. par NGS
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Nouvelles formations
Séquençage Sanger
Next-Generation Sequencing
Procédure très longue : a pris 13 ans
Procédure rapide : prend quelques jours
(1 semaine max.)
Coût : des centaines de milliers d’euros
Coût : 3800 euros environ
Besoin de milliers de scientifiques
Besoin de 5 personnes ou moins
Focus sur les premiers neurones
Deux projets démarrent dans le laboratoire de Génétique du développement de l’IBMM. Ils visent
à mieux comprendre le rôle des facteurs de transcription Dmrt3-5 dans le développement du
cortex cérébral.
Structure intégratrice majeure du cerveau
et siège des fonctions cognitives, le cortex
cérébral est constitué de centaines de neurones
différents organisés radialement en couches
superposées de cellules avec des connectivités
différentes et tangentiellement en aires aux
fonctions spécifiques (motrice, sensorielle ou
encore cognitive). La construction du cortex
cérébral dépend de la génération au bon
moment, au bon endroit et dans les bonnes
quantités de ces différents types de cellules
nerveuses, avant qu’elles établissent des
connexions et forment des réseaux fonctionnels.
Le laboratoire de Génétique du développement
de l’IBMM a récemment montré que le facteur
de transcription Dmrt5 exprimé dans les
progéniteurs corticaux joue un rôle critique
dans le développement du cortex cérébral.
Dans les souris où le gène Dmrt5 a été invalidé,
les chercheurs, emmenés par Eric Bellefroid,
ont notamment observé que les premiers
neurones produits au cours du développement
embryonnaire, formant une couche de cellules
située en dessous du cortex cérébral appelée sousplaque, sont pratiquement absents. Les suivants,
constituant les 6 couches du cortex proprement
dit, sont eux par contre bien produits. Or, cette
sous-plaque est cruciale pour l’établissement des
circuits corticaux et des altérations de celle-ci
sont impliquées dans des pathologies telles que
la schizophrénie ou l’autisme.
Fondation Wiener Anspach
En collaboration avec une équipe d’Oxford et
avec le soutien de la Fondation Wiener Anspach,
le laboratoire de Génétique du développement
entame cet automne un projet de recherche
de deux ans pour mieux comprendre le rôle de
Dmrt5 dans la formation de la sous-plaque. "Nous
avons montré que Dmrt5 est indispensable pour
la formation de ces premiers neurones corticaux
mais nous ne savons pas comment celui-ci
contrôle leur production", observe Eric Bellefroid,
"Nous allons donc nous atteler à identifier les
gènes cibles régulés par Dmrt5. Nos collègues
d’Oxford qui sont spécialisés dans l’étude de
la sous-plaque vont eux nous aider à mieux
caractériser les anomalies de la sous-plaque
dues à l’absence de Dmrt5. Ces travaux devraient
aider à mieux comprendre les réseaux génétiques
qui contrôlent la génération de ces cellules
cruciales pour la connectivité corticale".
First International
Le laboratoire a par ailleurs décroché un
financement de la Wallonie sur trois ans – First
International – portant lui aussi sur les facteurs
de transcription Dmrt dans le développement
du cortex cérébral. Intitulé CORTEX, ce projet
réunit l’équipe de l’IBMM, la spin-off Delphi
Genetics présente sur le Biopark, une équipe
de l’Erasmus Medical Center (Rotterdam) et
une autre du National Institute for Medical
Research (Londres). "Il est actuellement difficile
de produire des anticorps contre des facteurs
de transcription utilisables pour identifier
leurs cibles. L’entreprise Delphi Genetics a
récemment mis au point une technique qui
pourrait nous faciliter la tâche mais qui doit
encore être validée pour le type de protéine
qui nous intéresse", explique Eric Bellefroid.
"En collaborant avec Delphi Genetics, nous
espérons obtenir des anticorps de haute qualité
pour les facteurs Dmrt3-5 et ainsi valider
leur technique d’immunisation. Ces anticorps
sont des outils essentiels pour comprendre
le rôle physiologique des facteurs Dmrt35 et leur caractérisation en tant que cibles
thérapeutiques potentielles dans des maladies
neurodéveloppementales".
Nathalie Gobbe
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Le déguisement du trypanosome livre ses secrets
Continuellement, le trypanosome change son manteau de protéines pour échapper au système
immunitaire. Mais des chercheurs de l’IBMM viennent de décrypter une facette de ce mécanisme.
Le trypanosome est un magicien du camouflage !
Transmis par la mouche tsé-tsé et responsable
de la maladie du sommeil chez l’homme, le
trypanosome peut survivre des dizaines d’années
dans le sang de son hôte, sans être inquiété
par le système immunitaire. Son secret ? La
variation antigénique. "Le trypanosome dispose
d’un manteau de protéines protecteur", explique
Luc Vanhamme, directeur de recherche FNRS
du laboratoire de Parasitologie moléculaire
(IBMM). "Mais il change ce manteau toutes les
semaines, ce qui correspond au délai nécessaire
au système immunitaire pour fabriquer des
6
anticorps". Toujours un cran en retard, le système
immunitaire ne peut donc combattre et éliminer
le parasite, qui circule toujours invaincu. "Quand
on sait que l’ADN du trypanosome contient 1500
gènes différents pour ces protéines de surface,
on comprend qu’il puisse rester jusqu’à 30 ans
dans le sang de son hôte", continue le chercheur.
"De plus, pas moyen d’imaginer un vaccin : la
protéine change trop rapidement".
Deux hypothèses
La compréhension de cette variation antigénique
est donc essentielle pour envisager une thérapie.
Dès lors, comment le trypanosome parvient-il à
exprimer chaque fois une protéine différente ?
Les chercheurs sont d’accord pour dire que le
contrôle s’effectue au moment de la transcription,
quand l’ADN est copié en ARN par les
polymérases. Mais deux hypothèses s’affrontent
depuis 20 ans. La première suggère que le
contrôle se déroule au moment de l’initiation
de la transcription : la polymérase s’installerait
sur un seul et unique gène qui correspondra à
la protéine de surface exprimée. "La seconde
hypothèse que nous défendons depuis le début",
explique Luc Vanhamme, "est celle d’un contrôle
de l’élongation de la transcription : nous pensons
que la polymérase vient se fixer sur tous les
gènes des protéines du manteau. Elle y débute
le processus et synthétise des petits morceaux
d’ARN, mais ne parvient, au final, à synthétiser
qu’un seul ARN complet et fonctionnel".
Logique et travail
Et c’est cette dernière hypothèse que Luc
Vanhamme, Etienne Pays et Ali Kassem, doctorant
au laboratoire, sont parvenus à démontrer, dans
une étude publiée dans PNAS en juin dernier.
Lors de sa thèse, Ali Kassem a identifié tous les
ARN correspondant au début de la séquence
des protéines de surface connues. Il a ensuite
regardé quelles étaient les ARN exprimés dans
un seul trypanosome. "Le raisonnement est
assez simple", résume Luc Vanhamme, "en
cas de contrôle à l’initiation, nous n’aurions
eu qu’un seul ARN exprimé dans le parasite.
Mais si le contrôle a lieu lors de l’élongation,
nous devions obtenir plusieurs ARN distincts,
correspondant aux différentes protéines, ce qui
était effectivement le cas dans notre étude". Une
logique simple mais nécessitant un travail de
longue haleine : "C’était un challenge technique,
car il nous fallait isoler et travailler sur un
seul trypanosome, pour être sûrs que les ARN
détectés étaient exprimés dans un seul et même
parasite". Au final, ce travail méticuleux met fin à
20 ans de débat. Aujourd’hui, les chercheurs de
l’IBMM tentent d’identifier le facteur d’élongation
qui aide la polymérase à exprimer un seul et
unique ARN. Une cible potentielle pour un futur
traitement et un nouveau défi "pour l’amour de la
recherche", précisera Luc Vanhamme.
Natacha Jordens
Les transporteurs membranaires sous la loupe
Depuis plusieurs années, le laboratoire de Physiologie moléculaire de la cellule (IBMM) s’intéresse
au fonctionnement des transporteurs membranaires. Deux récentes publications éclairent la
régulation de ces protéines dans le modèle de la levure.
Récepteurs, transporteurs, etc. : les cellules de
notre corps réagissent à leur environnement
par l’intermédiaire des protéines membranaires,
présentes à la surface de la cellule. Elles en sont
notamment dépendantes pour se nourrir et absorber
les nutriments présents dans le milieu. "C’est, entre
autres, le rôle des transporteurs d’acides aminés
que nous étudions au laboratoire", explique Bruno
André, qui essaie, avec son équipe du laboratoire
de Physiologie moléculaire de la cellule (IBMM),
d’éclaircir leur fonctionnement et leur régulation
dans le modèle de la levure. "Lorsque la cellule
dispose d’acides aminés en suffisance, nous
savons que certains de ces transporteurs sont
retirés de la membrane par endocytose et sont
ensuite dégradés. Il y a quelques années, nous
avons montré que ce processus était déclenché par
l’ubiquitination, l’ajout d’une sorte d’étiquette sur
la protéine à dégrader. Des protéines de la famille
des arrestines interviennent à cette étape. Nous
tentons dès lors de comprendre les conditions qui
déclenchent cette endocytose et les mécanismes
qui activent les arrestines pour permettre l’ajout
de cette étiquette". Un travail qui a abouti à deux
publications ces derniers mois.
Aussi en condition de stress
Modélisation du transporteur étudié par Bruno
André et son équipe
Premièrement, l’étude publiée dans le Journal
of Biological Chemistry, en juin dernier,
démontre que la dégradation des transporteurs
membranaires se produit aussi lors de conditions
de stress pour la cellule. "Nous pensons que
c’est une stratégie de défense", explique Bruno
André. "En conditions de stress, la cellule active
des arrestines pour éliminer par ubiquitination
certains de ses transporteurs membranaires.
Cela permet d’en récupérer les acides aminés
au profit de processus d’adaptation ou pour
constituer des réserves. C’est une réponse
cellulaire générale : nous avons observé que
d’autres types de transporteurs subissaient le
même sort".
Harakiri protéique
Une autre étude publiée dans Molecular and
Cellular Biology en septembre démontre que
les transporteurs d’acides aminés stimulent
leur propre dégradation : "Les protéines se
font harakiri dès qu’elles se mettent à catalyser
l’entrée des acides aminés dans la cellule".
Comment expliquer cette dégradation rapide ?
Le laboratoire de Structure et Fonction des
membranes biologiques (Martine Prévost,
Faculté des Sciences) a poursuivi le travail en
modélisant la structure tridimensionnelle des
transporteurs. "Nous avons alors découvert que
le substrat qui se lie au transporteur provoque
un changement de conformation qui expose le
signal de reconnaissance par les arrestines, ce
qui enclenche le mécanisme". CQFD.
Les deux équipes tentent maintenant d’éclaircir
les détails de ce changement de conformation. Les
chercheurs vont également tenter de reproduire
ces études sur des cellules humaines. "Ces
processus sont en général bien conservés au fil de
l’évolution", conclut Bruno André, "On soupçonne
donc que les conditions qui déclenchent
l’endocytose des transporteurs membranaires et
les acteurs qui interviennent dans ce processus
seront similaires à ceux de la levure, mais nous
devons maintenant le démontrer".
Natacha Jordens
7
Streptocoque A : du moléculaire au clinique
En postdoctorat à Melbourne, Pierre Smeesters marque des avancées sur le streptocoque A, en
collaboration avec plusieurs équipes, dont le laboratoire de Génétique et Physiologie bactérienne
de l’IBMM.
Enigme
scientifique,
l’infection à streptocoque A
reste un problème de santé
publique majeur : chaque
année, cette bactérie
tue plus de 500.000
personnes principalement
dans les pays en voie de
développement. Face à
la multitude de souches
bactériennes,
aucun
vaccin n’est aujourd’hui
efficace tandis que le germe est en croissance
constante depuis une vingtaine d’années.
Iles Fidji
Médecin pédiatre, chercheur à l’IBMM, Pierre
Smeesters a rejoint en 2011 le Murdoch Childrens
Research Institute à Melbourne, grâce notamment
au prix Rayonnement international de l’ULB. La
région Pacifique – îles Fidji, Nouvelle Zélande,
Nouvelle Calédonie – est particulièrement
affectée par le streptocoque A; Melbourne
dispose notamment d’une banque de sang
d’enfants infectés aux îles Fidji, indispensable
aux recherches de Pierre Smeesters. Fin juin, il a
d’ailleurs publié un article dans Clinical Infectious
Diseases : pour la première fois, les chercheurs
ont identifié les principaux antigènes de trois
8
pays de la région Pacifique – Australie, Nouvelle
Calédonie, îles Fidji -.
Quelques semaines auparavant, Pierre Smeesters
signait un autre article dans le journal officiel de
la société américaine d’infectiologie, le Journal
of Infectious Disease. Une nouvelle étape pour
le consortium réunissant des chercheurs et des
médecins de 31 pays qu’il a initié et coordonne.
"Nous avons validé expérimentalement une
nouvelle classification du streptocoque A,
capable de prédire le potentiel de virulence de
chaque souche. Cette classification ouvre la voie
au développement d’un vaccin efficace contre la
plupart des souches dans le monde, ce qui est
notre objectif final bien sûr. Le laboratoire de
référence mondial du streptocoque A, situé au
Center for Disease Control américain a accepté
de soutenir l’utilisation de cette classification, ce
qui démontre son intérêt général", précise Pierre
Smeesters.
démontré qu’une approche transversale d’une
même question est une force. Nous avons ici
des instituts thématiques qui font travailler
ensemble des chercheurs et des médecins
d’horizons divers, comme nous l’avons fait au
sein de notre consortium international sur le
streptocoque A : grâce notre approche depuis
le niveau moléculaire jusqu’au clinique, nous
avons marqué de belles avancées et publié dans
des revues scientifiques de référence", souligne
Pierre Smeesters.
Nathalie Gobbe
Approche transversale
De retour à l’ULB au printemps prochain, le
chercheur poursuivra avec ses collègues, la
cartographie globale qui devrait permettre de
déterminer les composantes d’un futur vaccin
et fera donc quelques allers-retours BruxellesMelbourne. "Mon séjour en Australie m’a
Pierre Smeesters travaille sur les antigènes du
streptocoque A présents dans la région Pacifique.
Celles et ceux qui font la recherche
Ils sont une quinzaine à avoir rejoint les instituts de recherche du Biopark ces derniers mois. Les
uns nommés à l’Université ou au FNRS, les autres pour un mandat de doctorat ou de post-doc’.
Parmi eux, l’Uruguayenne Viviana Lima Silva et le Syrien Aboulkader Azouz.
Uruguayenne,
Viviana Lima
Silva a entamé
son postdoctorat
à l’IMI il y a
quelques mois.
"Mon
mari
est également
sud-américain
et nous nous
sommes installés
à Thiméon, à quelques minutes du Biopark. On
m’avait mise en garde : je risquais de m’ennuyer
là-bas ! Et bien, pas du tout : je suis heureuse
de vivre à la campagne après avoir vécu
dans des villes comme New York, Jérusalem,
Barcelone ou Vancouver. De ma terrasse, je vois
des champs, des vaches et la ferme voisine :
c’est tellement agréable. Et puis, vous savez,
en Uruguay, vous pouvez parfois rouler 100
kilomètres sans voir une maison", lance avec
enthousiasme la chercheuse.
A 37 ans, Viviana a beaucoup bourlingué pour
poursuivre sa passion, la recherche. Après
un bachelier en biochimie à l’Universitad
de la Republica de Montevideo (Uruguay),
elle réalise son travail de fin d’études à la
Rockfeller University, à New York. La jeune
femme souhaite poursuivre une thèse de
doctorat. Direction l’Europe et plus précisément
l’Université de Malaga, en Espagne. Formée
dans le secteur médical, elle découvre là-bas
les biotechnologies végétales et décroche en
2011, son doctorat.
Ces années sont toutefois difficiles : son futur
mari tombe gravement malade. Les médecins
mettent de longues semaines à poser un
diagnostic, les examens se multiplient, le
traitement tarde… "Confrontée à la maladie,
je me suis rendu compte ô combien la
recherche était cruciale et j’ai décidé de
quitter les biotechnologies végétales pour
revenir vers le médical", se souvient-elle. Son
mari guéri, Viviana entame donc un master
en immunologie à l’Université de Barcelone.
L’année suivante, elle est diplômée et repart
pour l’Uruguay avant de séjourner brièvement
au Canada – "pour parfaire mon anglais",
explique-t-elle, "on me proposait un postdoctorat à Saskatoon au Canada mais j’ai
refusé : là-bas, l’hiver, il fait nuit à 15 heures !".
Elle choisit finalement d’intégrer l’équipe de
Stanislas Goriely, à l’Institut d’immunologie
médicale (IMI) du Biopark.
Epigénétique
Abdulkader Azouz a lui aussi rejoint l’équipe de
Stanislas Goriely au sein de l’IMI : il a entamé le
1er septembre un post-doctorat sur la régulation
épigénétique de l’interleukin 12. "J’ai travaillé
précédemment en épigénétique du cancer, au
Royaume-Uni, à Swansea University. C’était
intéressant, j’ai aussi découvert une facette
de l’enseignement puisque j’ai encadré là-bas
des étudiants de master et des doctorants.
Je voulais poursuivre l’étude de questions
épigénétiques : les sujets liés à la méthylation
de l’ADN m’attirent. J’ai vu l’offre d’emploi à
l’IMI dans Nature Jobs et j’ai immédiatement
postulé", explique le chercheur de 34 ans.
Originaire de Syrie, Abdulkader Azouz a quitté
son pays à 23 ans pour mener un master,
puis un doctorat, à l’Université de Paris-sud.
Il est ensuite parti, grâce à une bourse Marie
Curie, au Royaume-Uni et désormais s’installe
au Biopark pour les deux prochaines années.
Première impression ? "Le côté industriel du
site est surprenant, intéressant". Dans quelques
semaines, son épouse et leur bébé le rejoindront
pour s’installer dans la région de Charleroi.
Nathalie Gobbe
9
Image insolite
Cette photo, représentant une valvule du système digestif
d’une termite, a été prise par Benoît Host, du laboratoire
d’Evolution biologique et Ecologie (Faculté des Sciences,
ULB), avec l’aide de Laure Twyffels. "L'anatomie de la valvule
entérique varie fortement d'une espèce à l'autre. Nous tentons
maintenant de voir si des convergences évolutives existent
entre des espèces éloignées mais au régime alimentaire
similaire", explique-t-elle. "Benoit Host était initialement
venu effectuer une étude sous le microscope électronique
à balayage pour observer ces différences et nous avons mis
l’échantillon sous le microscope à fluorescence pour voir
ce que l’on pouvait observer. Et là, surprise : la valve était
naturellement fluorescente. Cela donne cette magnifique
image !". Un cliché qui a été sélectionné pour faire la
couverture du Journal of Microscopy, une référence du
domaine, en août dernier.
Microscopie à fluorescence : entre art et science
Présente depuis quelques années sur le Biopark, Laure Twyffels est devenue une personne de
référence en microscopie à fluorescence sur le campus. Une technique lui permettant d’aborder
des sujets variés et de partager son savoir. Rencontre.
Polyvalence et diversité,
ce sont les principales
motivations qui guident
Laure Twyffels, aujourd’hui
chercheuse au Centre de
microscopie et d’imagerie
moléculaire (CMMI).
Des maîtres-mots qui
se retrouvent dans sa
maitrise du microscope à
fluorescence, son outil de
prédilection : "La microscopie à fluorescence
fait appel à des notions d’optique, de chimie
et d’ingénierie, voire un peu d'informatique,
pour des applications en biologie", explique
la jeune femme, "J’aime beaucoup cet aspect
multidisciplinaire".
Parcours
Dès le début de ses études, Laure Twyffels
privilégie cette diversité : "J’ai choisi la filière bioingénieur car c’était une formation polyvalente,
avec des débouchés variés", explique-t-elle.
Avec la recherche en tête, la jeune femme se
tourne ensuite vers le laboratoire de Biologie
moléculaire du gène, mené par Véronique Kruys
à l’IBMM, pour un mémoire puis une thèse sur
les protéines de liaison à l’ARN et leur transport
entre le noyau et le cytoplasme des cellules.
"Je savais que j’allais devoir me former à la
microscopie à fluorescence : le microscope venait
d’être acquis par le CMMI et c’était la meilleure
technique pour étudier les déplacements de ces
protéines. J’ai suivi beaucoup de formations,
données par le constructeur ou dans des
meetings". Petit à petit, Laure Twyffels devient
donc la Madame Microscope du Biopark, aux
côtés de David Perez-Morga pour la microscopie
électronique. Contactée par le Biopark Formation,
la jeune femme participe également aux formations
en microscopie. "Donner un cours à ce sujet devant
un auditoire m’oblige à réviser régulièrement mon
bagage théorique pour pouvoir le restituer par la
suite", précise-t-elle, "J’ai l’impression de toujours
mieux connaitre mon sujet et mon instrument".
Curiosité et esthétique
Telle une musicienne, Laure Twyffels manie donc
manettes, objectifs et composés biochimiques
pour arriver à la meilleure représentation, au
cliché le plus informatif possible. "Cela me
fascine toujours d’arriver à voir ce que l’on ne
peut pas observer naturellement, à l’œil nu. Et,
petit bonus, le résultat est parfois esthétique!".
Son contrat au CMMI, conclu depuis la fin de
sa thèse l’année dernière, la met en contact
avec des chercheurs et des projets variés.
Elle cite notamment une étude sur le système
digestif des termites, dont une photographie
a fait la couverture du Journal of Microscopy
ce mois d'août (voir ci-contre), ou cette étude
sur le système immunitaire des nouveau-nés,
Pour étudier
l’immunité des
nouveau-nés,
les chercheurs ont
étudié la localisation
des différents
lymphocytes
dans des ganglions
de souris.
l’année dernière (ci-dessus). "Dans cette étude,
nous essayions de comprendre pourquoi les
nouveau-nés ne répondent que peu aux vaccins.
Au-delà de mesurer l'abondance des différentes
populations de lymphocytes, il était important
de déterminer quelle était leur localisation au
sein des ganglions et il n’y avait pas moyen de
l’étudier autrement que via la microscopie. C’est
une technique qui fait parfois la différence". La
chercheuse espère pouvoir continuer sa carrière
en microscopie dans le futur, pour nourrir cette
curiosité. "J’ai l’occasion aussi de découvrir
plusieurs sujets de recherche très différents
et d’y contribuer. Ça me permet de continuer à
toucher à tout, d’être polyvalente et de découvrir
de nouvelles choses". Et pour cette spécialiste
des images de l’infiniment petit, cette motivation
est décidément essentielle.
Natacha Jordens
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En bref
Prix Sanofi-Pasteur pour Etienne Pays
Premier patient traité avec ALLOB®
Etienne Pays (laboratoire de Parasitologie moléculaire, IBMM) s’est vu
attribuer le prix Sanofi-Pasteur Senior, d’un montant de 125 000 €,
pour ses nombreuses découvertes concernant les trypanosomiases. Le
jury international cite notamment la compréhension des divers moyens
de résistance du trypanosome et l’éclaircissement des mécanismes de
résistances innées observées chez l’homme contre certains de ces parasites.
Bone Therapeutics a annoncé, en juin dernier, que les essais cliniques de
son produit de thérapie cellulaire ALLOB® ont officiellement été lancés : un
premier patient a été traité, dans le cadre de la phase I/IIa de l'étude clinique
de ce produit, pour une fracture mal-guérie.
L'ALLOB® est le premier produit de thérapie cellulaire allogénique, composé
d'ostéoblastes issus de donneurs sains. Ces premières phases de l'étude
clinique ont pour but d'évaluer la sécurité et l'efficacité du médicament,
pendant une période de 6 mois. Au total, ce sont 32 patients souffrant de
fractures non résolues qui devraient rejoindre l'étude.
SIDA/VIH : un de nos chercheurs récompensé
Chercheur au laboratoire de Virologie moléculaire (IBMM), Gilles Darcis a
reçu le IAS/ANRS Young Investigator Award pour ses recherches portant sur
les réservoirs du virus HIV-1. Ce prix, décerné lors de la session de clôture
de la conférence mondiale sur le SIDA, qui s'est tenue à Melbourne en juillet,
récompense les chercheurs de moins de 35 ans menant une recherche
originale, innovante et rationnelle dans le domaine de la recherche sur le
VIH. Aspirant clinicien chercheur FNRS, Gilles Darcis a été sélectionné pour
son travail intitulé "Synergistic activation of HIV-1 expression by compounds
releasing active positive transcription elongation factor b (P-TEFb) and by
inducers of the NF-kB signaling pathway".
Utilisation de StabyExpress®
dans l'industrie alimentaire
La technologie StabyExpress®, développée par Delphi Genetics, va
être utilisée dans l’industrie alimentaire. L’entreprise du Biopark a
conclu un accord, au début de l’été, avec une firme alimentaire pour
la production, en conditions GMP, d’enzymes nécessaires à certains
processus.
Delphi Genetics démontre ainsi que son produit peut être utilisé pour
n’importe quel processus de production de protéines par la bactérie
E. Coli, sans utilisation de gènes de résistance aux antibiotiques.
Périodicité trimestrielle
C H A R L E R O I
B R U S S E L S
S O U T H
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Dominique Demonté, Natacha Jordens, Véronique Kruys, Arnaud Termonia
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