C H A R L E R O I B R U S S E L S S O U T H La newsletter du Biopark Charleroi Brussels South n°23 — automne 2014 Nouvelles formations Système immunitaire et cancer 2 Immunologie : une filière forte 3 Données passées au crible 4 Focus sur les premiers neurones 5 Déguisement du trypanosome 6 Transporteurs membranaires 7 Streptocoque A 8 Celles et ceux qui font la recherche 9 Image insolite 10 Microscopie à fluorescence 11 En bref 12 Le système immunitaire pour lutter contre le cancer Humeur Il y a peu, je discutais avec un médecin qui me demandait si le Biopark proposait une formation continue dédiée au traitement informatique massif des données biologiques : - Moi, « Non, désolé. On n’a pas encore ça au catalogue » ; - Lui, « Ah ? Dommage. Tu n’imagines pas le temps que ça pourrait nous faire gagner… » La formation continue universitaire est un formidable outil pour le développement des compétences tout au long de la vie. Pour être crédible, elle doit répondre à une attente du terrain et s’appuyer sur des compétences pointues, souvent transdisciplinaires et constamment enrichies par la recherche. Le rôle sociétal de l’Université passe aussi par ces actions de formation car c’est une manière de mettre au service de la société les compétences variées présentes au sein d’une université complète et de ses partenaires. Aujourd’hui, la formation évoquée ci-dessus se retrouve dans notre catalogue (voir page 4). Elle est le fruit d’une collaboration entre le Service de Formation Continue de l’ULB, le Biopark, l’Interuniversity Institute of Bioinformatics in Brussels (IB)² et le pôle BIOWIN. Merci à tous ceux qui nous font part de leurs besoins en termes de formation et à nos partenaires qui nous aident à y répondre, nous permettant ainsi de proposer un catalogue innovant, dynamique et adapté à des publics cibles variés œuvrant au sein d’un même écosystème. Arnaud Termonia, Directeur de la Formation Continue de l’ULB et du Biopark Formation 2 Nouvelles formations Expert dans le domaine de l’immunologie, le Biopark s’associe avec le Campus Erasme, qui accueillera prochainement le Cancéropôle, pour la création et le lancement d’un événement sur les immunothérapies du cancer. Les spécialistes de la cancérologie s’accordent à dire que nous assistons actuellement à un tournant dans le traitement des cancers. Les efforts déployés depuis de nombreuses années pour utiliser le système immunitaire dans la lutte contre les tumeurs commencent enfin à porter leurs fruits. A titre d’exemple, l’immunothérapie du cancer a été élue avancée scientifique de l’année en 2013 par les éditeurs de la revue Science. Selon les prédictions, les immunothérapies représenteront plus de 60% de tous les traitements du cancer d’ici 10 ans. Le cycle "Les immunothérapies du cancer" organisé par le Biopark Formation (et dont le lancement est prévu début 2015) s’inscrit dans cette tendance. "Le format de cet événement est assez original", explique Erika Baus, coordinatrice scientifique au Biopark Formation. "Il combine non seulement des cours de base en immunologie générale et en immunité anti-tumorale mais aussi un symposium regroupant des experts internationaux de l’immunothérapie du cancer. L’idée étant, grâce aux modules de base, de mettre ou remettre à niveau un maximum de personnes qui pourront ensuite (mieux) profiter des exposés des experts internationaux". Le symposium aura pour but de présenter les stratégies d’immunothérapies les plus prometteuses ainsi que les résultats cliniques obtenus en Belgique et dans les pays limitrophes. "Cet événement s’adressant principalement à des professionnels du monde médical, il nous semblait logique d’associer dans ce projet les deux centres de formation continue de l’ULB actifs dans le domaine biomédical (le Biopark Formation et le Centre de Formation du Pôle Santé) et donc d’organiser conjointement cet évènement", précise Erika Baus. Damiano Di Stazio Des stratégies prometteuses Contrairement à d’autres traitements, l’immunothérapie ne s’attaque pas directement aux cellules cancéreuses : elle cible le système immunitaire afin de lui permettre d’éliminer la maladie plus efficacement. Même si la méthode n’est pas opérante chez tous les patients, elle peut allonger leur durée de vie, voire même mener à la rémission dans certains cas. À titre d’exemple, une étape importante dans la lutte contre le cancer a déjà été franchie grâce au Sipuleucel-T. Il s’agit d’un vaccin thérapeutique personnalisé qui repose sur l’injection d’une préparation de cellules dendritiques issues du patient Immunologie : une filière forte Avec plus de 150 chercheurs (IMI, IBMM, ImmuneHealth) et 7 sociétés (Novasep, Univercells, MaSTherCell, DelphiGenetics, ITeos Therapeutics, Euroscreen et ImmunXperts) actives dans le développement de méthodes, outils et produits en lien avec le système immunitaire, le Biopark fait figure d’expert dans le vaste domaine de l’immunologie. Prenez deux laboratoires de recherche – l’Institut d’immunologie médicale (IMI) et l’Institut de biologie et de médecine moléculaires (IBMM) –, ajoutez le centre de recherche collectif en vaccinologie – ImmuneHealth –, étoffez avec une multitude d’entreprises qui développent, de près ou de loin, des projets liés au système immunitaire, et vous avez le coeur du pôle d’excellence Recherche "Immuno" du Biopark. et chargées in vitro avec des antigènes tumoraux afin de stimuler la réponse anti-tumorale. Une autre approche particulièrement intéressante : les checkpoint inhibitors. Ici, l’objectif est d’utiliser les anticorps monoclonaux pour cibler des molécules spécifiques sur les cellules immunitaires et ainsi les rendre capables d’attaquer les cellules cancéreuses. La molécule CTLA-4 est par exemple chargée de freiner l’activation de certaines cellules du système immunitaire (les lymphocytes T). En bloquant cette molécule par des anticorps spécifiques, le système immunitaire est libéré et peut alors s’attaquer à la tumeur. "L’immunologie a toujours été une tradition à l’ULB", raconte Oberdan Leo, directeur de l’Institut d’immunologie médicale depuis 2009. "L’originalité de l’ULB dans le domaine de l’immunologie, et c’est ce qui explique sans doute son positionnement fort actuel, c’est la double origine des équipes de recherche, à la fois en Faculté des Sciences et en Faculté de Médecine, où sous l’impulsion de Michel Goldman et avec le soutien de la Wallonie et de GSK Vaccines, un Institut d’immunologie médicale centré sur la vaccination et la transplantation a pu être créé", précise Oberdan Leo, avant d’ajouter : "Les arrivées passées d’ImmuneHealth, d’Iteos et plus récemment d’ImmunXperts témoignent de l’excellence et de l’attractivité du Biopark dans ce domaine, que ce soit au niveau des compétences ou au niveau des équipements de pointe (pour la cytométrie en flux par exemple) et des infrastructures". En plus des liens tissés avec le futur Cancéropôle d’Erasme (voir page 2) qui permettent par exemple de fédérer les forces autour de toute l’université, le Biopark souhaite également développer une structure unique sur le campus dans les mois qui viennent. "L’IMI, l’IBMM, ImmuneHealth ainsi que le CER Groupe de Marloie viennent de déposer un projet conjoint au Fonds Européen de Développement Régional (FEDER)", explique Oberdan Leo. "L’objectif est de créer une fédération de laboratoires d’immunologie où de nombreuses compétences – en immunologie, parasitologie, virologie, physiologie bactérienne... – sont déjà présentes. Nos recherches sont axées notamment sur la régulation de la réponse immune (dans des modèles animaux) et sur la régulation de l’expression des gènes dans le contrôle de la réponse inflammatoire". Après avoir consolidé le potentiel sur le campus et élargi les partenariats régionaux, le Biopark poursuit sa politique de développement à l’international. "Les contacts récents avec différentes sociétés étrangères et l’arrivée potentielle d’une société suisse à Gosselies en attestent", explique Dominique Demonté, directeur du Biopark. "Nous devenons, progressivement, grâce à la masse critique académique et industrielle non seulement sur le Biopark mais plus largement en Wallonie, un pôle d’attraction en immunologie pour des sociétés étrangères". Damiano Di Stazio Nouvelles formations 3 Une foule de données passées au crible En collaboration avec l’Interuniversity Institute of Bioinformatics in Brussels (IB)2 et le service de la Formation Continue de l’ULB, le Biopark Formation lance un nouveau programme de formation sur l’analyse de larges sets de données. L’objectif de la formation : apprendre à extraire les informations pertinentes d’une masse critique de données dans le champ des sciences de la vie. A l’heure actuelle, le Data mining ("l’exploration de données") a de vastes champs d’applications pouvant aller de l’analyse d’éléments financiers à la détection de fraudes, en passant par l’étude de données biomédicales notamment issues du NGS (voir encadré). D’où le besoin croissant d’utiliser des techniques permettant d’analyser efficacement les nombreuses données disponibles et d’en extraire les informations les plus pertinentes. Dès décembre 2014, c’est avec cet objectif que le Biopark Formation et l’Interuniversity of Bioinformatics in Brussels, (IB)2 lancent la formation Big data mining in Life Sciences. "Il s’agit d’une problématique très pointue qui intéresse un grand nombre de chercheurs du milieu académique et industriel", indique Erika Baus, coordinatrice scientifique et formatrice au Biopark Formation. "Ce nouveau programme comprend un cours d’introduction explorant les différentes méthodes et technologies de data mining disponibles aujourd’hui dans le domaine des sciences de la vie et un module avancé sur l’utilisation de logiciels tels que R et Bioconductor. Il permettra aux participants d’exploiter des techniques de biologie moléculaire à haut débit pour étudier l’expression génétique, rechercher des biomarqueurs ou encore identifier des réseaux de régulation". Damiano Di Stazio NGS : une révolution en marche ! Le Biopark Formation lance également un cycle de formations sur le Next-Generation Sequencing, qui débute le 3 novembre. "Le séquençage traditionnel de l’ADN (Sanger) a longtemps été la méthode de séquençage la plus répandue", explique Valérie Hertveldt, coordinatrice scientifique de la formation. Mais les nouvelles techniques de séquençage (NGS) sont rapidement en train de le supplanter pour de nombreuses applications. Malgré tous ses avantages (voir tableau ci-dessous), le NGS présente l'inconvénient de devoir travailler avec beaucoup (trop) de données. "Via ces formations, nous souhaitons donner toutes les clés pour réussir correctement une analyse NGS. Quelles sont les techniques NGS ? À quoi faut-il penser avant de commencer son expérience ? Comment bien interpréter les résultats obtenus sans être bio-informaticien ? Notre objectif est de répondre à ces interrogations en mettant le focus sur le monde médical, et notamment sur l’oncologie". Le Biopark Formation pourra compter sur l’expertise de l’IPG et d’OncoDNA pour ce parcours de formation. Séquençage du génome humain par séquençage Sanger vs. par NGS 4 Nouvelles formations Séquençage Sanger Next-Generation Sequencing Procédure très longue : a pris 13 ans Procédure rapide : prend quelques jours (1 semaine max.) Coût : des centaines de milliers d’euros Coût : 3800 euros environ Besoin de milliers de scientifiques Besoin de 5 personnes ou moins Focus sur les premiers neurones Deux projets démarrent dans le laboratoire de Génétique du développement de l’IBMM. Ils visent à mieux comprendre le rôle des facteurs de transcription Dmrt3-5 dans le développement du cortex cérébral. Structure intégratrice majeure du cerveau et siège des fonctions cognitives, le cortex cérébral est constitué de centaines de neurones différents organisés radialement en couches superposées de cellules avec des connectivités différentes et tangentiellement en aires aux fonctions spécifiques (motrice, sensorielle ou encore cognitive). La construction du cortex cérébral dépend de la génération au bon moment, au bon endroit et dans les bonnes quantités de ces différents types de cellules nerveuses, avant qu’elles établissent des connexions et forment des réseaux fonctionnels. Le laboratoire de Génétique du développement de l’IBMM a récemment montré que le facteur de transcription Dmrt5 exprimé dans les progéniteurs corticaux joue un rôle critique dans le développement du cortex cérébral. Dans les souris où le gène Dmrt5 a été invalidé, les chercheurs, emmenés par Eric Bellefroid, ont notamment observé que les premiers neurones produits au cours du développement embryonnaire, formant une couche de cellules située en dessous du cortex cérébral appelée sousplaque, sont pratiquement absents. Les suivants, constituant les 6 couches du cortex proprement dit, sont eux par contre bien produits. Or, cette sous-plaque est cruciale pour l’établissement des circuits corticaux et des altérations de celle-ci sont impliquées dans des pathologies telles que la schizophrénie ou l’autisme. Fondation Wiener Anspach En collaboration avec une équipe d’Oxford et avec le soutien de la Fondation Wiener Anspach, le laboratoire de Génétique du développement entame cet automne un projet de recherche de deux ans pour mieux comprendre le rôle de Dmrt5 dans la formation de la sous-plaque. "Nous avons montré que Dmrt5 est indispensable pour la formation de ces premiers neurones corticaux mais nous ne savons pas comment celui-ci contrôle leur production", observe Eric Bellefroid, "Nous allons donc nous atteler à identifier les gènes cibles régulés par Dmrt5. Nos collègues d’Oxford qui sont spécialisés dans l’étude de la sous-plaque vont eux nous aider à mieux caractériser les anomalies de la sous-plaque dues à l’absence de Dmrt5. Ces travaux devraient aider à mieux comprendre les réseaux génétiques qui contrôlent la génération de ces cellules cruciales pour la connectivité corticale". First International Le laboratoire a par ailleurs décroché un financement de la Wallonie sur trois ans – First International – portant lui aussi sur les facteurs de transcription Dmrt dans le développement du cortex cérébral. Intitulé CORTEX, ce projet réunit l’équipe de l’IBMM, la spin-off Delphi Genetics présente sur le Biopark, une équipe de l’Erasmus Medical Center (Rotterdam) et une autre du National Institute for Medical Research (Londres). "Il est actuellement difficile de produire des anticorps contre des facteurs de transcription utilisables pour identifier leurs cibles. L’entreprise Delphi Genetics a récemment mis au point une technique qui pourrait nous faciliter la tâche mais qui doit encore être validée pour le type de protéine qui nous intéresse", explique Eric Bellefroid. "En collaborant avec Delphi Genetics, nous espérons obtenir des anticorps de haute qualité pour les facteurs Dmrt3-5 et ainsi valider leur technique d’immunisation. Ces anticorps sont des outils essentiels pour comprendre le rôle physiologique des facteurs Dmrt35 et leur caractérisation en tant que cibles thérapeutiques potentielles dans des maladies neurodéveloppementales". Nathalie Gobbe 5 Le déguisement du trypanosome livre ses secrets Continuellement, le trypanosome change son manteau de protéines pour échapper au système immunitaire. Mais des chercheurs de l’IBMM viennent de décrypter une facette de ce mécanisme. Le trypanosome est un magicien du camouflage ! Transmis par la mouche tsé-tsé et responsable de la maladie du sommeil chez l’homme, le trypanosome peut survivre des dizaines d’années dans le sang de son hôte, sans être inquiété par le système immunitaire. Son secret ? La variation antigénique. "Le trypanosome dispose d’un manteau de protéines protecteur", explique Luc Vanhamme, directeur de recherche FNRS du laboratoire de Parasitologie moléculaire (IBMM). "Mais il change ce manteau toutes les semaines, ce qui correspond au délai nécessaire au système immunitaire pour fabriquer des 6 anticorps". Toujours un cran en retard, le système immunitaire ne peut donc combattre et éliminer le parasite, qui circule toujours invaincu. "Quand on sait que l’ADN du trypanosome contient 1500 gènes différents pour ces protéines de surface, on comprend qu’il puisse rester jusqu’à 30 ans dans le sang de son hôte", continue le chercheur. "De plus, pas moyen d’imaginer un vaccin : la protéine change trop rapidement". Deux hypothèses La compréhension de cette variation antigénique est donc essentielle pour envisager une thérapie. Dès lors, comment le trypanosome parvient-il à exprimer chaque fois une protéine différente ? Les chercheurs sont d’accord pour dire que le contrôle s’effectue au moment de la transcription, quand l’ADN est copié en ARN par les polymérases. Mais deux hypothèses s’affrontent depuis 20 ans. La première suggère que le contrôle se déroule au moment de l’initiation de la transcription : la polymérase s’installerait sur un seul et unique gène qui correspondra à la protéine de surface exprimée. "La seconde hypothèse que nous défendons depuis le début", explique Luc Vanhamme, "est celle d’un contrôle de l’élongation de la transcription : nous pensons que la polymérase vient se fixer sur tous les gènes des protéines du manteau. Elle y débute le processus et synthétise des petits morceaux d’ARN, mais ne parvient, au final, à synthétiser qu’un seul ARN complet et fonctionnel". Logique et travail Et c’est cette dernière hypothèse que Luc Vanhamme, Etienne Pays et Ali Kassem, doctorant au laboratoire, sont parvenus à démontrer, dans une étude publiée dans PNAS en juin dernier. Lors de sa thèse, Ali Kassem a identifié tous les ARN correspondant au début de la séquence des protéines de surface connues. Il a ensuite regardé quelles étaient les ARN exprimés dans un seul trypanosome. "Le raisonnement est assez simple", résume Luc Vanhamme, "en cas de contrôle à l’initiation, nous n’aurions eu qu’un seul ARN exprimé dans le parasite. Mais si le contrôle a lieu lors de l’élongation, nous devions obtenir plusieurs ARN distincts, correspondant aux différentes protéines, ce qui était effectivement le cas dans notre étude". Une logique simple mais nécessitant un travail de longue haleine : "C’était un challenge technique, car il nous fallait isoler et travailler sur un seul trypanosome, pour être sûrs que les ARN détectés étaient exprimés dans un seul et même parasite". Au final, ce travail méticuleux met fin à 20 ans de débat. Aujourd’hui, les chercheurs de l’IBMM tentent d’identifier le facteur d’élongation qui aide la polymérase à exprimer un seul et unique ARN. Une cible potentielle pour un futur traitement et un nouveau défi "pour l’amour de la recherche", précisera Luc Vanhamme. Natacha Jordens Les transporteurs membranaires sous la loupe Depuis plusieurs années, le laboratoire de Physiologie moléculaire de la cellule (IBMM) s’intéresse au fonctionnement des transporteurs membranaires. Deux récentes publications éclairent la régulation de ces protéines dans le modèle de la levure. Récepteurs, transporteurs, etc. : les cellules de notre corps réagissent à leur environnement par l’intermédiaire des protéines membranaires, présentes à la surface de la cellule. Elles en sont notamment dépendantes pour se nourrir et absorber les nutriments présents dans le milieu. "C’est, entre autres, le rôle des transporteurs d’acides aminés que nous étudions au laboratoire", explique Bruno André, qui essaie, avec son équipe du laboratoire de Physiologie moléculaire de la cellule (IBMM), d’éclaircir leur fonctionnement et leur régulation dans le modèle de la levure. "Lorsque la cellule dispose d’acides aminés en suffisance, nous savons que certains de ces transporteurs sont retirés de la membrane par endocytose et sont ensuite dégradés. Il y a quelques années, nous avons montré que ce processus était déclenché par l’ubiquitination, l’ajout d’une sorte d’étiquette sur la protéine à dégrader. Des protéines de la famille des arrestines interviennent à cette étape. Nous tentons dès lors de comprendre les conditions qui déclenchent cette endocytose et les mécanismes qui activent les arrestines pour permettre l’ajout de cette étiquette". Un travail qui a abouti à deux publications ces derniers mois. Aussi en condition de stress Modélisation du transporteur étudié par Bruno André et son équipe Premièrement, l’étude publiée dans le Journal of Biological Chemistry, en juin dernier, démontre que la dégradation des transporteurs membranaires se produit aussi lors de conditions de stress pour la cellule. "Nous pensons que c’est une stratégie de défense", explique Bruno André. "En conditions de stress, la cellule active des arrestines pour éliminer par ubiquitination certains de ses transporteurs membranaires. Cela permet d’en récupérer les acides aminés au profit de processus d’adaptation ou pour constituer des réserves. C’est une réponse cellulaire générale : nous avons observé que d’autres types de transporteurs subissaient le même sort". Harakiri protéique Une autre étude publiée dans Molecular and Cellular Biology en septembre démontre que les transporteurs d’acides aminés stimulent leur propre dégradation : "Les protéines se font harakiri dès qu’elles se mettent à catalyser l’entrée des acides aminés dans la cellule". Comment expliquer cette dégradation rapide ? Le laboratoire de Structure et Fonction des membranes biologiques (Martine Prévost, Faculté des Sciences) a poursuivi le travail en modélisant la structure tridimensionnelle des transporteurs. "Nous avons alors découvert que le substrat qui se lie au transporteur provoque un changement de conformation qui expose le signal de reconnaissance par les arrestines, ce qui enclenche le mécanisme". CQFD. Les deux équipes tentent maintenant d’éclaircir les détails de ce changement de conformation. Les chercheurs vont également tenter de reproduire ces études sur des cellules humaines. "Ces processus sont en général bien conservés au fil de l’évolution", conclut Bruno André, "On soupçonne donc que les conditions qui déclenchent l’endocytose des transporteurs membranaires et les acteurs qui interviennent dans ce processus seront similaires à ceux de la levure, mais nous devons maintenant le démontrer". Natacha Jordens 7 Streptocoque A : du moléculaire au clinique En postdoctorat à Melbourne, Pierre Smeesters marque des avancées sur le streptocoque A, en collaboration avec plusieurs équipes, dont le laboratoire de Génétique et Physiologie bactérienne de l’IBMM. Enigme scientifique, l’infection à streptocoque A reste un problème de santé publique majeur : chaque année, cette bactérie tue plus de 500.000 personnes principalement dans les pays en voie de développement. Face à la multitude de souches bactériennes, aucun vaccin n’est aujourd’hui efficace tandis que le germe est en croissance constante depuis une vingtaine d’années. Iles Fidji Médecin pédiatre, chercheur à l’IBMM, Pierre Smeesters a rejoint en 2011 le Murdoch Childrens Research Institute à Melbourne, grâce notamment au prix Rayonnement international de l’ULB. La région Pacifique – îles Fidji, Nouvelle Zélande, Nouvelle Calédonie – est particulièrement affectée par le streptocoque A; Melbourne dispose notamment d’une banque de sang d’enfants infectés aux îles Fidji, indispensable aux recherches de Pierre Smeesters. Fin juin, il a d’ailleurs publié un article dans Clinical Infectious Diseases : pour la première fois, les chercheurs ont identifié les principaux antigènes de trois 8 pays de la région Pacifique – Australie, Nouvelle Calédonie, îles Fidji -. Quelques semaines auparavant, Pierre Smeesters signait un autre article dans le journal officiel de la société américaine d’infectiologie, le Journal of Infectious Disease. Une nouvelle étape pour le consortium réunissant des chercheurs et des médecins de 31 pays qu’il a initié et coordonne. "Nous avons validé expérimentalement une nouvelle classification du streptocoque A, capable de prédire le potentiel de virulence de chaque souche. Cette classification ouvre la voie au développement d’un vaccin efficace contre la plupart des souches dans le monde, ce qui est notre objectif final bien sûr. Le laboratoire de référence mondial du streptocoque A, situé au Center for Disease Control américain a accepté de soutenir l’utilisation de cette classification, ce qui démontre son intérêt général", précise Pierre Smeesters. démontré qu’une approche transversale d’une même question est une force. Nous avons ici des instituts thématiques qui font travailler ensemble des chercheurs et des médecins d’horizons divers, comme nous l’avons fait au sein de notre consortium international sur le streptocoque A : grâce notre approche depuis le niveau moléculaire jusqu’au clinique, nous avons marqué de belles avancées et publié dans des revues scientifiques de référence", souligne Pierre Smeesters. Nathalie Gobbe Approche transversale De retour à l’ULB au printemps prochain, le chercheur poursuivra avec ses collègues, la cartographie globale qui devrait permettre de déterminer les composantes d’un futur vaccin et fera donc quelques allers-retours BruxellesMelbourne. "Mon séjour en Australie m’a Pierre Smeesters travaille sur les antigènes du streptocoque A présents dans la région Pacifique. Celles et ceux qui font la recherche Ils sont une quinzaine à avoir rejoint les instituts de recherche du Biopark ces derniers mois. Les uns nommés à l’Université ou au FNRS, les autres pour un mandat de doctorat ou de post-doc’. Parmi eux, l’Uruguayenne Viviana Lima Silva et le Syrien Aboulkader Azouz. Uruguayenne, Viviana Lima Silva a entamé son postdoctorat à l’IMI il y a quelques mois. "Mon mari est également sud-américain et nous nous sommes installés à Thiméon, à quelques minutes du Biopark. On m’avait mise en garde : je risquais de m’ennuyer là-bas ! Et bien, pas du tout : je suis heureuse de vivre à la campagne après avoir vécu dans des villes comme New York, Jérusalem, Barcelone ou Vancouver. De ma terrasse, je vois des champs, des vaches et la ferme voisine : c’est tellement agréable. Et puis, vous savez, en Uruguay, vous pouvez parfois rouler 100 kilomètres sans voir une maison", lance avec enthousiasme la chercheuse. A 37 ans, Viviana a beaucoup bourlingué pour poursuivre sa passion, la recherche. Après un bachelier en biochimie à l’Universitad de la Republica de Montevideo (Uruguay), elle réalise son travail de fin d’études à la Rockfeller University, à New York. La jeune femme souhaite poursuivre une thèse de doctorat. Direction l’Europe et plus précisément l’Université de Malaga, en Espagne. Formée dans le secteur médical, elle découvre là-bas les biotechnologies végétales et décroche en 2011, son doctorat. Ces années sont toutefois difficiles : son futur mari tombe gravement malade. Les médecins mettent de longues semaines à poser un diagnostic, les examens se multiplient, le traitement tarde… "Confrontée à la maladie, je me suis rendu compte ô combien la recherche était cruciale et j’ai décidé de quitter les biotechnologies végétales pour revenir vers le médical", se souvient-elle. Son mari guéri, Viviana entame donc un master en immunologie à l’Université de Barcelone. L’année suivante, elle est diplômée et repart pour l’Uruguay avant de séjourner brièvement au Canada – "pour parfaire mon anglais", explique-t-elle, "on me proposait un postdoctorat à Saskatoon au Canada mais j’ai refusé : là-bas, l’hiver, il fait nuit à 15 heures !". Elle choisit finalement d’intégrer l’équipe de Stanislas Goriely, à l’Institut d’immunologie médicale (IMI) du Biopark. Epigénétique Abdulkader Azouz a lui aussi rejoint l’équipe de Stanislas Goriely au sein de l’IMI : il a entamé le 1er septembre un post-doctorat sur la régulation épigénétique de l’interleukin 12. "J’ai travaillé précédemment en épigénétique du cancer, au Royaume-Uni, à Swansea University. C’était intéressant, j’ai aussi découvert une facette de l’enseignement puisque j’ai encadré là-bas des étudiants de master et des doctorants. Je voulais poursuivre l’étude de questions épigénétiques : les sujets liés à la méthylation de l’ADN m’attirent. J’ai vu l’offre d’emploi à l’IMI dans Nature Jobs et j’ai immédiatement postulé", explique le chercheur de 34 ans. Originaire de Syrie, Abdulkader Azouz a quitté son pays à 23 ans pour mener un master, puis un doctorat, à l’Université de Paris-sud. Il est ensuite parti, grâce à une bourse Marie Curie, au Royaume-Uni et désormais s’installe au Biopark pour les deux prochaines années. Première impression ? "Le côté industriel du site est surprenant, intéressant". Dans quelques semaines, son épouse et leur bébé le rejoindront pour s’installer dans la région de Charleroi. Nathalie Gobbe 9 Image insolite Cette photo, représentant une valvule du système digestif d’une termite, a été prise par Benoît Host, du laboratoire d’Evolution biologique et Ecologie (Faculté des Sciences, ULB), avec l’aide de Laure Twyffels. "L'anatomie de la valvule entérique varie fortement d'une espèce à l'autre. Nous tentons maintenant de voir si des convergences évolutives existent entre des espèces éloignées mais au régime alimentaire similaire", explique-t-elle. "Benoit Host était initialement venu effectuer une étude sous le microscope électronique à balayage pour observer ces différences et nous avons mis l’échantillon sous le microscope à fluorescence pour voir ce que l’on pouvait observer. Et là, surprise : la valve était naturellement fluorescente. Cela donne cette magnifique image !". Un cliché qui a été sélectionné pour faire la couverture du Journal of Microscopy, une référence du domaine, en août dernier. Microscopie à fluorescence : entre art et science Présente depuis quelques années sur le Biopark, Laure Twyffels est devenue une personne de référence en microscopie à fluorescence sur le campus. Une technique lui permettant d’aborder des sujets variés et de partager son savoir. Rencontre. Polyvalence et diversité, ce sont les principales motivations qui guident Laure Twyffels, aujourd’hui chercheuse au Centre de microscopie et d’imagerie moléculaire (CMMI). Des maîtres-mots qui se retrouvent dans sa maitrise du microscope à fluorescence, son outil de prédilection : "La microscopie à fluorescence fait appel à des notions d’optique, de chimie et d’ingénierie, voire un peu d'informatique, pour des applications en biologie", explique la jeune femme, "J’aime beaucoup cet aspect multidisciplinaire". Parcours Dès le début de ses études, Laure Twyffels privilégie cette diversité : "J’ai choisi la filière bioingénieur car c’était une formation polyvalente, avec des débouchés variés", explique-t-elle. Avec la recherche en tête, la jeune femme se tourne ensuite vers le laboratoire de Biologie moléculaire du gène, mené par Véronique Kruys à l’IBMM, pour un mémoire puis une thèse sur les protéines de liaison à l’ARN et leur transport entre le noyau et le cytoplasme des cellules. "Je savais que j’allais devoir me former à la microscopie à fluorescence : le microscope venait d’être acquis par le CMMI et c’était la meilleure technique pour étudier les déplacements de ces protéines. J’ai suivi beaucoup de formations, données par le constructeur ou dans des meetings". Petit à petit, Laure Twyffels devient donc la Madame Microscope du Biopark, aux côtés de David Perez-Morga pour la microscopie électronique. Contactée par le Biopark Formation, la jeune femme participe également aux formations en microscopie. "Donner un cours à ce sujet devant un auditoire m’oblige à réviser régulièrement mon bagage théorique pour pouvoir le restituer par la suite", précise-t-elle, "J’ai l’impression de toujours mieux connaitre mon sujet et mon instrument". Curiosité et esthétique Telle une musicienne, Laure Twyffels manie donc manettes, objectifs et composés biochimiques pour arriver à la meilleure représentation, au cliché le plus informatif possible. "Cela me fascine toujours d’arriver à voir ce que l’on ne peut pas observer naturellement, à l’œil nu. Et, petit bonus, le résultat est parfois esthétique!". Son contrat au CMMI, conclu depuis la fin de sa thèse l’année dernière, la met en contact avec des chercheurs et des projets variés. Elle cite notamment une étude sur le système digestif des termites, dont une photographie a fait la couverture du Journal of Microscopy ce mois d'août (voir ci-contre), ou cette étude sur le système immunitaire des nouveau-nés, Pour étudier l’immunité des nouveau-nés, les chercheurs ont étudié la localisation des différents lymphocytes dans des ganglions de souris. l’année dernière (ci-dessus). "Dans cette étude, nous essayions de comprendre pourquoi les nouveau-nés ne répondent que peu aux vaccins. Au-delà de mesurer l'abondance des différentes populations de lymphocytes, il était important de déterminer quelle était leur localisation au sein des ganglions et il n’y avait pas moyen de l’étudier autrement que via la microscopie. C’est une technique qui fait parfois la différence". La chercheuse espère pouvoir continuer sa carrière en microscopie dans le futur, pour nourrir cette curiosité. "J’ai l’occasion aussi de découvrir plusieurs sujets de recherche très différents et d’y contribuer. Ça me permet de continuer à toucher à tout, d’être polyvalente et de découvrir de nouvelles choses". Et pour cette spécialiste des images de l’infiniment petit, cette motivation est décidément essentielle. Natacha Jordens 11 En bref Prix Sanofi-Pasteur pour Etienne Pays Premier patient traité avec ALLOB® Etienne Pays (laboratoire de Parasitologie moléculaire, IBMM) s’est vu attribuer le prix Sanofi-Pasteur Senior, d’un montant de 125 000 €, pour ses nombreuses découvertes concernant les trypanosomiases. Le jury international cite notamment la compréhension des divers moyens de résistance du trypanosome et l’éclaircissement des mécanismes de résistances innées observées chez l’homme contre certains de ces parasites. Bone Therapeutics a annoncé, en juin dernier, que les essais cliniques de son produit de thérapie cellulaire ALLOB® ont officiellement été lancés : un premier patient a été traité, dans le cadre de la phase I/IIa de l'étude clinique de ce produit, pour une fracture mal-guérie. L'ALLOB® est le premier produit de thérapie cellulaire allogénique, composé d'ostéoblastes issus de donneurs sains. Ces premières phases de l'étude clinique ont pour but d'évaluer la sécurité et l'efficacité du médicament, pendant une période de 6 mois. Au total, ce sont 32 patients souffrant de fractures non résolues qui devraient rejoindre l'étude. SIDA/VIH : un de nos chercheurs récompensé Chercheur au laboratoire de Virologie moléculaire (IBMM), Gilles Darcis a reçu le IAS/ANRS Young Investigator Award pour ses recherches portant sur les réservoirs du virus HIV-1. Ce prix, décerné lors de la session de clôture de la conférence mondiale sur le SIDA, qui s'est tenue à Melbourne en juillet, récompense les chercheurs de moins de 35 ans menant une recherche originale, innovante et rationnelle dans le domaine de la recherche sur le VIH. Aspirant clinicien chercheur FNRS, Gilles Darcis a été sélectionné pour son travail intitulé "Synergistic activation of HIV-1 expression by compounds releasing active positive transcription elongation factor b (P-TEFb) and by inducers of the NF-kB signaling pathway". Utilisation de StabyExpress® dans l'industrie alimentaire La technologie StabyExpress®, développée par Delphi Genetics, va être utilisée dans l’industrie alimentaire. L’entreprise du Biopark a conclu un accord, au début de l’été, avec une firme alimentaire pour la production, en conditions GMP, d’enzymes nécessaires à certains processus. Delphi Genetics démontre ainsi que son produit peut être utilisé pour n’importe quel processus de production de protéines par la bactérie E. Coli, sans utilisation de gènes de résistance aux antibiotiques. Périodicité trimestrielle C H A R L E R O I B R U S S E L S S O U T H Rédacteur en chef : Nathalie Gobbe • Comité de rédaction : Bruno André, Christelle De Beys, Dominique Demonté, Natacha Jordens, Véronique Kruys, Arnaud Termonia Secrétariat de rédaction : Nancy Dath • Photos : Bruno FAHY (partim) • Graphisme : Céline Kerpelt | Curlie.be Contact : ULB-Département des Relations extérieures, Communication Recherche : [email protected], +32 (0)71 60 02 03 • http://www.biopark.be
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