Chapitre 7_effets_climat_Anthro

Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
CHAPITRE VII
EFFETS COMBINES DU CLIMAT ET DES PRESSIONS ANTHROPIQUES SUR LA
DYNAMIQUE DE LA VEGETATION D’UNE ZONE PROTEGEE DU MALI
(RESERVE DE FINA, BOUCLE DU BAOULE)
Le chapitre VII publié dans la revue Sécheresse, présente la dynamique de la végétation sous
les effets du climat et des pressions anthropiques dans la réserve de Fina, à partir de l’analyse
diachronique d’images satellitaires de type Landsat. Une composition colorée suivie d’une
classification supervisée ainsi qu’une vérification sur le terrain ont permis d’identifier des
classes d’occupation du sol en 1985 et 2004. Les indices structuraux ont été utilisés pour
caractériser la dynamique du paysage. L’arbre de décision basé sur le nombre, l’aire et le
périmètre des taches a permis de déterminer le processus de transformation spatiale durant la
période 1985-2004. L’étude a permis de tester l’hypothèse selon laquelle la dégradation du
couvert végétal observée au cours de ces dernières années dans la réserve est la conséquence
d’une anthropisation dans un contexte de péjoration climatique.
Diallo, H., Bamba, I., Barima, Y.S.S., Ballo, A., Mama, A., Vranken, I., Visser, M. &
Bogaert, J. (2011). Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la dynamique
évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de fina, boucle du Baoulé).
Sécheresse, 22 (2): 97-107.
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
CHAPITRE VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, boucle du
Baoulé).
Résumé
L’évolution de l’occupation et de l’utilisation du sol dans la réserve de Fina au Mali a été
étudiée à partir de l’analyse diachronique d’images satellitaires de type Landsat (TM 1985 et
ETM+ 2004) et de missions de vérification de terrain. Les résultats révèlent la progression des
zones agricoles en périphérie de la réserve et leur extension vers les zones intégralement
protégées. Cette progression représente 23 % sur un intervalle de temps de 19 ans, soit 1,2 %
par an et s’est principalement opérée au détriment de la savane arborée.
L’analyse de la dynamique spatiale a montré que le processus de création de la savane
arbustive est important et semble se généraliser dans toute la réserve. En revanche, les
formations boisées sont progressivement supprimées, notamment les taches de reliques de
forêt claire.
La modification de cette végétation est due à l’effet combiné des conditions climatiques et des
pressions anthropiques liées aux activités agricoles et pastorales.
Mots clés : climat, dynamique de la végétation, Mali, pressions.
Chapter VII. Combined effects of climate and human pressures on vegetation dynamics
in a protected area in Mali (Fina reserve of “boucle du Baoulé”).
Abstract
Land use and cover evolutions in Fina Reserve have been determined from a diachronic
analysis of two Landsat satellite images (TM 1985 and ETM+ 2004), and on-site verification.
The results reveal the encroachment of agricultural zones on the reserve peripheral zone and
its extension towards the protected zones. The agricultural zone enlargement represents 23%
within 19 years to the detriment of tree savanna (1.2% a year).
Spatial dynamics analysis of the landscape showed that the shrub savanna development
process is remarkable and seems to becoming widespread throughout the reserve. In addition,
the wooded formations are gradually disappearing, including the woodland relics. The
alteration of this vegetation results from a climate deterioration effect (drought) and high
pressure associated with agricultural and pastoral activities.
Key words: climate, Mali, vegetation dynamic, pressure.
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Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
Introduction
Au Mali, le processus de dégradation qui a sensiblement entamé le couvert végétal n'a pas
épargné la réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé, située à l’ouest du pays
(OPNBB, 1999). Dans cette zone, la physionomie des formations végétales est influencée par
deux facteurs : les aléas climatiques et les activités humaines (Diarra, 1985 ; Nasi, 1994). Les
premiers sont considérés comme inéluctables à l’échelle du siècle (Fabien et al., 2006), et
leurs effets sur la disparition d’espèces sont généralement limités (Darkoh, 2003). En
revanche, l’impact des activités humaines est susceptible d’être à l’origine de modification de
la succession végétale et de dégradation du milieu (Dembélé, 1996 ; Khresat et al., 1998).
Jadis sous-peuplée et peu exploitée par rapport à la zone cotonnière, la réserve du Baoulé
subit depuis ces dernières décennies un changement d’occupation des terres. Les pressions
exercées sur les ressources dans la réserve sont liées aux activités humaines. Elles se
traduisent par un afflux important des troupeaux transhumants lié à une sécheresse endémique
et une mise en culture des terres en relation avec une croissance démographique
(Dembélé, 1996). La durée des jachères s’est considérablement raccourcie, n’atteignant guère
dix ans actuellement, alors qu’elle était de plus de vingt ans dans les années 1960 (Yossi et
al., 2003).
Parallèlement, les prélèvements de bois se sont accrus. Le feu de brousse, utilisé pour stimuler
la repousse des graminées pérennes devient de plus en plus courant et son usage de façon
incontrôlée contrarie la régénération naturelle, détruit la microfaune et le stock de graines
viables du sol (Dembélé, 1996 ; Yossi et al., 2003). Selon la Direction Nationale de la
Conservation de la Nature (DNCN, 2006), la plupart des forêts classées, parcs nationaux et
réserves sont menacés de disparition car leur superficie diminue de façon accélérée.
Le taux de dégradation des forêts au Mali est de l’ordre de 8,3 % par an (Nasi & Sabatier,
1988). La FAO (Food and Agriculture Organisation, 2001) estimait la dégradation généralisée
des formations forestières du Mali à 140 000 ha de perte par an dont 100 000 ha exploités
pour la production de bois et 40 000 ha à cause de défrichements. Ces chiffres, bien que
souvent contestés (Ozer, 2004), donnent des indications sur la vitesse à laquelle nos forêts se
dégradent.
Dans le souci constant d’évaluer les menaces sur la végétation et la biodiversité dans la
réserve de la biosphère, de multiples études ont été entreprises tant sur le plan national
qu’international. Cependant, des données qualitatives sur l’évolution des types d’occupation
du sol et la flore restent encore embryonnaires après plusieurs années de conservation de la
réserve.
La présente étude vise à combler cette lacune. Elle se fixe comme objectif d’analyser le
phénomène de dégradation du couvert végétal de la boucle du Baoulé : la réserve de Fina et sa
périphérie, à partir des images satellitaires Landsat de 1985 et de 2004. Le choix de la réserve
de Fina est motivé par le fait qu’elle est la plus affectée et semble être encore la plus riche en
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Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
faune (OPNBB, 1999). Pour atteindre l’objectif fixé, nous tenterons de répondre aux
questions suivantes :
La diminution du couvert végétal dans la réserve de Fina est elle provoquée par les pressions
anthropiques et la récurrence de la sécheresse ? Ces facteurs sont-ils les principales causes de
la dégradation du milieu ?
VII.1. Matériel et Méthodes
VII.1.1. Zone d’étude
Créée en 1950, la boucle du Baoulé, d’une superficie totale de 771 000 ha, est l’une des plus
anciennes aires de conservation du Mali (OPNBB, 1999). Elle est composée actuellement
d’un Parc National, de cinq réserves de faune et de trois forêts classées. Le Parc National
d'une superficie de 350 000 ha et les trois réserves de faune adjacentes (Badinko, 193 000 ha;
Kongosambougou, 92 000 ha et Fina, 136 000 ha) ont été inscrites comme réserve de la
biosphère par le programme MAB (Man And the Biosphère) de l'UNESCO en 1982.
Environ 193 735 ha de la réserve ont dû être déclassés en 1993 pour satisfaire aux besoins
croissants en terre agricole et en pâturage des populations riveraines et transhumantes. Cette
nouvelle délimitation a séparé le parc national et les trois réserves par des corridors de 20 à
30 km de large. Ce déclassement a concerné une partie de l’aire centrale (aire intégralement
protégée) de la réserve de Fina qui est passée de 136 000 ha à 108 668 ha. Malgré cela, cette
zone continue de subir des pressions foncière et animale très fortes.
La réserve de Fina (figure VII.1) est située administrativement dans le cercle de Kita. Elle fait
partie du Centre Régional d’Endémisme Soudanien entre les isohyètes 1 100 mm au sud et à
900 mm au nord (Nasi, 1994).
Cette situation la classe dans le bioclimat soudanien, de type tropical avec un régime
pluviométrique monomodal (figure VII.2), caractérisé par une température moyenne annuelle
de 26°C à 31°C et une amplitude thermique de 5°C à 10°C (Nasi, 1994). La saison des pluies
dans la région intervient entre mai et octobre avec un pic en juillet, août et septembre. Cette
zone bioclimatique présente une pluviosité annuelle variable (Heringa et al., 1988 ; Nasi,
1994).
La réserve de Fina repose sur un plateau gréseux, caractérisé par des sols peu profonds, qui
appartiennent pour la plupart à la classe des sols ferrugineux tropicaux de texture sableuse ou
argilo-sableuse de couleur jaune et ocre avec des cuirasses latéritiques qui peuvent être
souterraines (Heringa et al., 1988).
La végétation de Fina est répartie entre les types de formations suivants : savane arbustive,
savane arborée, savane boisée, forêt claire et galeries forestières (Heringa et al., 1988). La
flore est riche en espèces ligneuses de densité élevée vers le sud et moins dense vers le nord
(Heringa et al., 1988).
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Le potentiel hydrographique de la réserve est caractérisé par un affluent du fleuve Sénégal : le
Baoulé et son effluent le Kénié. En outre, il existe dans la réserve plusieurs mares qui se
tarissent pour la plupart en saison sèche.
Figure VII.1. Présentation de la réserve de Fina (N°3 sur la carte du Mali) et périphérie,
localisée au Nord-est de la scène sur la composition colorée de l’image de 2004.
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400
P (mm)
P(mm)
T°C
T (°C)
200
360
180
320
160
280
140
240
120
200
100
160
80
120
60
80
40
40
20
0
0
Janv Fev Mars Avl
Mai Juin Juil Août Spt Oct Nov Dec
Figure VII.2: Courbe ombrothermique de la zone d’étude.
P (mm) : Précipitations ; T (°C) : Températures.
VII.1.2. Evolution climatique
Les données pluviométriques provenant de la Direction Nationale de la Météorologie (DNM)
sont issues de la station de Kita au sud de la réserve dans le bioclimat soudanien sud et de la
station de Kolokani au nord de la réserve et qui couvre le bioclimat soudanien nord. Ces deux
stations couvrent notre zone d’étude et bénéficie d’une longue série de données
pluviométriques (1950-2004).
La mesure de l’évolution climatique a été faite par le calcul de l’indice standardisé des
précipitations ou Standardized Precipitation Index (SPI) (Bergaoui & Alouini, 2001). Cet
indice, bien adapté au suivi des variations de la croissance de la végétation, est utilisé pour
quantifier les déficits de précipitations à différentes échelles temporelles. Sa formule est la
suivante :
Xi − Xm
SPI =
(VII.1)
Si
où Xi est le cumul des pluies pour une année i; Xm et Si, sont respectivement la moyenne et
l’écartype des pluies annuelles observées pour la série concernée. Le calcul de cet indice
permet de déterminer le degré d’humidité ou de sécheresse du milieu (Bergaoui &
Alouini, 2001). Lorsque SPI > 2, on parle d’humidité extrême ; pour 1 < SPI < 2, on a une
humidité forte ; pour 0 < SPI < 1, on a une humidité modérée ; pour -1 < SPI < 0, on a une
sécheresse modérée ; si -2 < SPI < -1, on a une sécheresse forte ; si SPI < -2, la sécheresse est
qualifiée d’extrême.
VII.1.3. Cartographie et mise en évidence des changements
VII.1.3.1. Cartographie
VII.1.3.1.1. Images Landsat utilisées et leurs caractéristiques
Les données proviennent de deux images satellitaires multispectrales de type Landsat prises
pendant la saison sèche, datant du 02/12/1985 (Landsat TM ou Thematic Mapper) et du
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06/11/2004 (Landsat ETM+ ou Enhanced Thematic Mapper). La résolution spatiale des deux
images est de 30 mètres, de projection UTM zone 29 avec Ellipsoïde de référence WGS84.
Les deux images ont fait l’objet de prétraitements afin de corriger les déformations
géométriques et radiométriques des plates-formes et des capteurs spécifiques
(Bonn & Rochon, 1992). La correction géométrique appliquée a consisté à ajuster certains
points de l’image avec des zones invariantes au sol. La précision géométrique du calage entre
les deux scènes était inférieure à 1 pixel, ce qui correspond au minimum requis pour une
analyse des changements (Mas, 2000).
Les méthodes de régressions linéaires fondées sur des invariants radiométriques
(Song et al., 2001) ont été utilisées pour effectuer la correction radiométrique (Barima, 2009).
Une composition colorée en fausses couleurs a ensuite été effectuée sur les images corrigées à
partir des bandes: vert (V), rouge (R) et proche infrarouge (PIR). Ces canaux sont
classiquement utilisés pour discriminer les classes de végétation. Ce sont cependant surtout
les canaux R et PIR qui permettent la plus grande différenciation des classes de végétation
(Bon & Rochon, 1992 ; Chatelain et al., 1996).
VII.1.3.1.2. Classification des images
Dans le contexte de ce travail, étant donné la connaissance de terrain acquise, nous avons opté
pour la classification supervisée pour identifier les classes d’occupation du sol en 1985 et
2004.
Lors de l'utilisation de la méthode de classification supervisée, des échantillons homogènes de
l'image et représentatifs de différents types de surfaces sont au préalable identifiés et
interprétés à partir de la composition colorée. Celle-ci fait ressortir en rouge les formations
arborées denses et encore feuillues que sont les forêts galeries, les forêts claires et les savanes
boisées. Les savanes arborées et arbustives apparaissent en bleu-vert, du fait de l’assèchement
de la couverture herbacée en saison sèche. Elles réfléchissent assez bien dans les bandes
spectrales visible et thermique, mais pas le proche infrarouge. Enfin, les sols nus et les terres
cultivables après récolte réfléchissent fortement aussi bien le proche infrarouge que le visible
et le thermique et ressortent en blanc. Les zones brûlées en noir sur les deux images affectent
aussi bien les savanes boisées que les savanes arborées et arbustives.
Une classification supervisée commence donc par l'identification des classes d'information qui
sont ensuite utilisées pour définir les classes spectrales qui les représentent (Mas, 2000).
Après avoir délimité la zone d’étude à partir de la carte du plan d’aménagement du Baoulé de
1997, nous avons utilisé l’algorithme du ‘‘maximum de vraissemblance’’ (maximum
Likehood) pour effectuer la classification. Cet algorithme utilise des zones échantillons pour
déterminer les caractéristiques des classes d'objets, qui deviennent également des centres dans
l'espace multispectral (Bon & Rochon, 1992).
Les zones d'entraînement sont des zones homogènes bien localisées sur l’image selon la
légende adoptée (pixels identiques). Ces zones sont délimitées loin des limites ou des zones
de transition afin d’éviter d’inclure des pixels mixtes, c'est-à-dire des pixels qui pourraient
être classés dans deux classes distinctes. Elles permettent de lancer l'interprétation numérique
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à l'aide de l'algorithme de classification. Les zones d’entraînement, représentatives de la
diversité de chaque classe et de taille suffisante, doivent être bien dispersées sur l’ensemble de
la zone d’étude. En tenant compte de ces critères et de la zone, pour chaque classe, eu égard
au type d’image (Landsat TM) utilisé, nous avons réalisé plus de 70 zones d’entraînement par
classe de végétation. Enfin, un filtre « modal » avec une fenêtre de dimension 3 * 3 a été
appliqué à chaque image afin d’améliorer leur lisibilité. Le principe du filtrage est de modifier
la valeur numérique de chaque pixel en fonction des valeurs des pixels voisins.
VII.1.3.1.3. Délimitation de la zone d’étude
La carte du plan d’aménagement du Baoulé de 1997 (E = 1/700 000) a été géoréférencée et
numérisée, ensuite croisée aux deux images Landsat TM 1985 et ETM+ 2004, pour délimiter
la zone d’étude. Six différentes teintes ont été identifiées dans cette zone délimitée à partir
desquelles nous avons émis l’hypothèse de l’existence de différents milieux. A partir de ces
différentes teintes, des unités homogènes de végétation ont été localisées sur le terrain.
VII.1.3.1.4. Vérification de la classification de la végétation
La précision de la classification de la végétation a été vérifiée à partir des points identifiés sur
les unités homogènes pour chacune des classes de végétation de l’image de 2004. Au niveau
de chaque classe, les points de contrôle ont été localisés à l’aide du GPS et répartis autant que
possible sur l’ensemble de la zone d’étude. Des visites de validation sur le terrain ont été
effectuées pour confirmer et reclassifier notre interprétation de l’imagerie satellitaire. Au
total, sur 150 points de contrôle échantillonnés, 132 se sont avérés correctement classés soit
une proportion de 88 %.
D’autres documents, notamment la carte de végétation du « Projet d’Inventaire des
Ressources Ligneuses du Mali (PIRL) » et la carte de la « Recherche et Utilisation du Gibier
au Sahel (RURGS) » ont facilité les opérations de classification.
Les logiciels Idrisi 32 et ArcGis 9.2 ont été utilisés pour la réalisation de la cartographie et la
comparaison des deux images.
VII.1.3.2. Mise en évidence et analyse de la dynamique
La dynamique du paysage peut être décrite par des changements dans le temps des indices qui
décrivent la structure et la composition du paysage (Schlaepfer, 2002) mais aussi par d’autres
approches complémentaires telles que la matrice de transition et l’identification des processus
de transformation spatiale (Schlaepfer, 2002 ; Barima, 2009).
La structure du paysage est caractérisée pour chaque classe j d'occupation du sol à partir du
nombre de tache (nij), de l'aire (aij) et du périmètre (pij) des taches de la classe. En plus,
l’indice de dominance Dj (a) a été calculé. Cet indice indique la proportion d’aire occupée par
la tache dominante de la classe j (amax,j) dans l’aire totale de la classe (aij)
(McGarigal & Marks, 1995). Sa formule est :
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Dj (a) =
a max, j
(VII.2)
a ij
avec 0 < Dj (a) ≤ 1. Plus la valeur de la dominance est grande, moins la classe est fragmentée.
La dimension fractale Dfj a été calculée. Cet indice est considéré comme une mesure du degré
d’anthropisation des taches dans une classe du paysage (Krummel et al., 1987). Elle utilise
essentiellement le principe du ratio entre périmètre et la surface, proposée par Mandelbrot
(Mandelbrot, 1983) dans le but de quantifier selon Iorgulescu & Schlaepfer (2000) la forme
d’objets complexes. La formule de base est :
Df / 2
pij = k.aij j
(VII.3)
Soit, en utilisant une transformation logarithmique :
(VII.4)
log pij = log k + (Dfj/2).log aij
pij ; c’est la somme totale du contours de chacune des taches d’une classe.
Dfj est la dimension fractale de la classe j et k une constante.
La dimension fractale de la classe j s’obtient donc à partir de la régression linéaire entre les
aires (log aij) et les périmètres (log pij) de l’ensemble des taches de la classe. Le graphique
log-log donne la pente de la régression qui est égale à Dfj/2. La valeur de la dimension fractale
est donc le double de la valeur de la pente de la droite de régression obtenue. Elle varie de
1 à 2. Lorsque Dfj tend vers 2, les taches ont des formes complexes (milieu naturel moins
anthropisé) ; lorsque Dfj tend vers l’unité, les taches ont des formes simples ou régulières
(carré, rectangle…) le plus souvent liées aux activités anthropiques (Krummel et al., 1987 ;
Iorgulescu & Schlaepfer, 2000).
La matrice de transition utilisée permet de décrire de manière condensée, sous forme de
matrice carrée, les changements et les affectations d’occupation du sol au cours de l’intervalle
de temps (Schlaepfer, 2002). Les cellules de la matrice contiennent la valeur d’une aire ayant
passé d’une classe initiale i à une classe finale j pendant la période considérée. Les valeurs des
colonnes représentent les proportions des aires occupées dans le paysage par chaque classe
d’occupation du sol au temps j et celles des lignes, au temps initial i.
Le processus de transformation spatiale a été déterminé à l’aide d’un arbre de décision
proposé par Bogaert et al. (2004) pour une analyse complémentaire de la dynamique
structurelle du paysage. Les données à introduire dans l’arbre de décision sont le nombre (nj)
de taches, la surface (aj), le périmètre (pj) appartenant à la classe j aux temps initial et final de
l’étude. Ces trois éléments sont considérés comme étant les éléments principaux de la
description de la configuration paysagère (Giles & Trani, 1999).
Le changement de chacun des trois éléments est utilisé pour aboutir à un processus
représentatif de la dynamique observée. Les données relatives à ces trois éléments sont
calculées pour l’image de 1985 (a1985, p1985 et n1985) et pour celle de 2004 (a2004, p2004, n2004).
Selon le modèle, il faut d’abord analyser l’évolution du nombre (nj) de taches entre les deux
dates (comparaison de n1985 avec n2004). Un premier niveau d’hiérarchisation du processus de
transformation spatiale peut être effectué. Par la suite, le changement de l’aire (comparaison
de a1985 et de a2004) du type considéré mènera directement vers un des processus ou
indirectement via l’évolution du périmètre (comparaison p1985 et p2004). C’est ainsi que dix
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Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
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processus ont pu être distingués : la création (apparition) (n2004 > n1985 et a2004 > a1985), la
dissection et la fragmentation (n2004 > n1985 et a2004 < a1985) ; la distinction entre les processus
de fragmentation et de dissection nécessite l’utilisation d’une valeur prédéfinie de diminution
d’aire (t) (Bogaert et al., 2004) qui, comparée à tobs, dissocie ces deux processus;
a
(VII.5)
avec tobs = 2004
a1985
Le processus dominant est la fragmentation si tobs < t et dans le cas contraire, le processus est
la dissection. Dans le cadre de notre étude, nous avons retenu t = 0,5 comme valeur seuil.
Cette valeur seuil a été utilisée par Barima et al. (2009) et par Faye (2010). Les autres
processus sont l’agrégation (n2004 < n1985, a2004 > a1985) et la suppression (n2004 < n1985,
a2004 < a1985). Lorsque le nombre de taches pour les deux dates est identique n2004 = n1985, il y a
soit un agrandissement (a2004 > a1985), si a2004 < a1985, le changement du périmètre
(comparaison p2004 et p1985) conduit vers les processus de perforation (p2004 > p1985), de
rétrécissement (p2004 < p1985), de déformation (p2004 ≠ p1985) et de déplacement (p2004 = p1985).
VII.2. Résultats
VII.2.1. Evolution climatique
La représentation graphique de l’évolution du SPI (figures VII.3 A et VII.4B) obtenus à partir
des tracés appliqués aux pluies annuelles sur les deux stations météorologiques les plus
proches de notre zone d’étude : Kita en zone sud soudanienne et Kolokani située en zone nord
soudanienne indique que la baisse de la pluviométrie n'a été ni uniforme ni régulière.
L’évolution du SPI montre une corrélation positive entre les valeurs du SPI et la pluviométrie
au niveau des deux stations (R = 0,28 et p < 0,05 pour la station de Kita et(R = 0,25 et
p < 0,05) pour la station de Kolokani) avec une alternance cyclique entre les années de
sécheresse et les années d’humidité avec toutefois des épisodes secs devenant de plus en plus
longs. La tendance générale des valeurs du SPI est à la baisse indiquant une sécheresse
caractérisée par un déficit pluviométrique permanent à partir des années 1970.
L’analyse de la station de Kita (figure VII.3.A) au sud de la zone d’étude, révèle une
alternance de périodes sèches, normales et relativement humides. Au niveau de la station de
Kolokani on remarque que la baisse pluviométrique a été soutenue depuis la fin des années
50. A quelques exceptions près, les pluies sont restées inférieures à la moyenne pendant les 30
dernières années (figure VII.3.B). Les sécheresses enregistrées dans les deux stations sont
majoritairement modérées et quelques fois fortes ; les extrêmes étant rares.
Les valeurs du SPI montrent que la décennie 50 enregistre globalement une séquence humide
qui marque l’abondance des précipitations, tandis que celles de 70, 80 et 90 se distinguent par
une séquence sèche au niveau des deux stations. La décennie 2000 a débuté par des valeurs
négatives du SPI indiquant une baisse de précipitations juste après la séquence humide entre
1994 et 1999 pour la station de Kita et seulement l’année 1994 pour la séquence humide au
niveau de la station de Kolokani.
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Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
y = -0.0329x + 65.029
R2 = 0.28 , P < 0,05
A
SPI
3
2.5
2
1.5
1
0.5
0
-0.5
-1
-1.5
-2
2005
2002
1990
1999
1990
1987
1996
1987
1984
1993
1984
1981
1978
1975
1972
1969
1966
1963
1960
1957
1954
1951
1948
1945
Années
y = -0.0311x + 61.514
R2 = 0.2485 P< 0,05
B
4
3
SPI
2
1
0
-1
-2
2005
2002
1999
1996
1993
1981
1978
1975
1972
1969
1966
1963
1960
1957
1954
1951
1948
1945
Années
Figure VII.3. Evolution de la pluviométrie annuelle au Mali entre 1951 et 2004.
A: station de Kita ; B: station de Kolokani ; SPI : Standart Precipitation Index.
VII.2.2. Cartographie et classes de végétation
Suite aux traitements numériques des données, six classes d’occupation du sol (figures VII.4
et VII.5) ont été définies dans la réserve de Fina, en s’inspirant de la classification établie en
1956 à Yangambi. Ces classes correspondent à des formations végétales suivantes identifiées
lors de nos travaux sur le terrain d’étude :
- Classe 1 : Elle représente les Galeries forestières qui sont des forêts constituant une large
bande en bordure d'un cours d’eau ; leur étendue et leur densité dépendent de la largeur de la
vallée, de la profondeur de la nappe phréatique et du battement de celle-ci au cours de l’année
hydrologique ; elles sont localisées sur les berges du Baoulé et de son défluent le Kenié.
175
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
Figure VII.4. Occupation des sols en 1985 dans la réserve de Fina.
Figure VII.5. Occupation des sols en 2004 dans la réserve de Fina.
176
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
- Classe 2 : Elle représente la forêt claire qui se caractérise par un peuplement ouvert avec
des arbres de petite et moyenne tailles (hauteur moyenne supérieure ou égale à 10 m et
recouvrement compris entre 50 et 75 %) dont les cimes sont plus ou moins jointives,
l’ensemble du couvert demeurant clair ; la strate graminéenne est parfois peu dense ou en
mélange avec une autre végétation herbacée et suffrutescente.
- Classe 3 : Elle représente les savanes boisées, caractérisées par des arbres et arbustes
formant un couvert généralement clair laissant largement passer la lumière (recouvrement du
sol par les ligneux compris entre 25 et 50 %); dans le cas du Fina, elles occupent le plus
souvent des plaines et des vallées; la végétation herbacée est dominée par des graminées
comme Andropogon gayanus et Pennisetum pedicellatum.
- Classe 4 : Elle correspond a la savane arborée avec la présence d’arbres plus hauts que
7 m, avec un recouvrement du sol par les arbres et arbustes compris entre 5 et 25 % ; la
végétation herbacée est dominée par les graminées pouvant atteindre plus de 1 m de haut :
Andropogon pseudapricus et Pennisetum pedicellatum.
- Classe 5 : Elle correspond à la savane arbustive similaire à celle de la savane arborée mais
avec une formation végétale dont la strate ligneuse est inférieure à 7 m ; le tapis herbacé,
constitué de graminées (Andropogon pseudapricus, Pennisetum pedicellatum, Diheteropogon
hagerupii, Blumea aurita, Spermacoece stachydea, Cassia mimosoides, Monechma ciliatum,
Hibiscus asper et Mitracarpus villosus), est continu et supérieur à 80 cm de hauteur ; le
recouvrement du sol dépasse rarement les 15 % du fait des feux de brousse.
- Classe 6 : Elle représente les zones agricoles définies par des sols nus et des formations
végétales fortement anthropisées par une mise à culture longue ou par une succession de
mises à culture et de périodes de jachère ; ce sont des savanes parcs à Butyrospermum parkii,
Entada sudanica, Borassus aethiopum qui correspondent à des champs, de jeunes et vieilles
jachères de la périphérie de la réserve ; il s’agit pour la plupart de formations anthropophiles à
strate inférieure insignifiante du fait des défrichements qui affectent surtout les arbustes et les
herbes ; elles sont également caractérisées par la présence des herbacées comme Monechma
ciliatum, Spermacoece stachydea, Digitaria spp., Dactyloctenium aegyptium, Ipomea spp.,
Mitracarpus spp. , Eragrostis spp.
VII.2.3. Mise en évidence des changements à l’échelle du paysage
L’analyse du tableau VII.1 indique que le paysage de la réserve de Fina était constitué en
1985 de 2,4 % de forêt claire, 20 % de savane boisée, 19,5 % de savane arbustive, 45,3 % de
savane arborée, 9,7 % de galerie forestière et 3 % de zones agricoles. En 2004, la composition
du paysage était de 0,8 % de forêt claire, 11,1 % de savane boisée, 39,8 % de savane
arbustive, 21,3 % de savane arborée, 4,6 % de galerie forestière et 22,6 % de zones agricoles.
Les affectations d’occupation du sol, selon la matrice de transition indiquent que 22,4 % du
paysage, initialement occupée par la savane arborée sont devenus zone agricole. De même, les
superficies initiales de galerie forestière sont transformées en savane arborée (4,8 %) et en
savane arbustive (2,7 %). La savane boisée a perdu 6,5 % et 11,2 % de sa superficie
177
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
respectivement au profit des savanes arborée et arbustive. Une partie de la forêt claire a été
transformée en savane arborée (0,6 %) et en savane arbustive (1,6 %).
L’analyse synthétique des transferts d’occupation entre 1985 et 2004 permet de comprendre
l’importance relative des dynamiques paysagères partitionnées de la façon suivante:
l’ouverture du milieu (40 % du paysage) se caractérise par une extension des superficies
cultivables de la périphérie vers la zone intégralement protégée de la réserve ; la réduction de
la savane arborée et l’installation progressive de la savane arbustive.
Tableau VII.1. Matrice de transition en pourcentage d’occupation des sols dans le Fina.
Galerie Forêt
savane Savane Savane zone
2004
forestière claire
boisée arborée arbustive agricole Total
1985
Galerie forestière
2,0
0,0
0,2
4,8
2,7
0,0
9,7
Forêt claire
0,1
0,0
0,1
0,6
1,6
0,0
2,4
Savane boisée
1,4
0,0
0,8
6,5
11,2
0,1
20,0
Savane arborée
0,4
0,4
8,4
0,7
13,0
22,4
45,3
Savane arbustive
0,5
0,4
1,0
6,8
10,8
0,0
19,5
Zone agricole
0,1
0,0
0,6
1,9
0,4
0,1
3,1
Total
4,5
0,8
11,1
21,3
39,7
22,6
100
VII.2.4. Dynamique structurale
La savane arbustive et la zone agricole connaissent une augmentation du nombre de taches et
de l’aire en 2004 par rapport à 1985 (tableau VII.2).
Le processus de transformation dominant observé pendant cette période pour ces deux classes
est la création. Pour les autres classes d’occupation du sol, le processus inverse est remarqué,
c'est-à-dire la suppression. Entre 1985 et 2004, les valeurs de la dimension fractale tendent
vers 1, ce qui démontre une simplification des formes complexes en formes simples plus ou
moins régulières (cercle, carré ou rectangle), conséquence d’une influence anthropique et
aussi d’une suppression de certaines taches fragmentées. Cette variation des valeurs de la
dimension fractale aura une conséquence sur la structure spatiale et l’abondance de la
biodiversité dans ce milieu d’étude.
L’anthropisation est également révélée par l’indice de dominance Dj (a) dont les valeurs
maximales et minimales oscillent autour de 0,86 et 0,08 pour l’année 1985 et entre 0,58 et
0,04 pour l’année 2004. Les valeurs de Dj (a), faibles en 1985 pour les classes de savane
arbustive et zone agricole, ont augmenté de façon remarquable en 2004 tandis qu’elles sont en
baisse pour les classes de savanes boisée et arborée, de galerie forestière et de forêt claire
traduisant ainsi l’importance du phénomène de l’anthropisation et de la dégradation du milieu
en 1985.
178
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
Tableau VII.2. Nombre de taches (n), surface (a), périmètre (p), dominance (Dj (a)),
dimension fractale (Dfij) des différentes classes d’occupation du sol de 1985 à 2004.
Savane
Savane
Savane
Zone
Galerie
Forêt
boisée
arborée
arbustive
agricole
forestière claire
1985
n1985
8 169
10 405
5 781
12 317
4 483
4 005
2
a1985 (km )
1 230,74
2 870,48
1 278,85
189,61
211,31
635,29
p1985 (km)
5 426,5
16 021,7
4 169,9
16 851,2
13 407,9
5 657,0
Dj (a)
0,29
0,86
0,08
0,11
0,19
0,09
Dfij
1,21
1,18
1,15
1,14
1,11
1,16
2004
n2004
7 371
6 910
13 263
12 669
2 559
1 526
2
a2004 (km )
708,01
2 636,08
2 700,03
295,99
51,29
24,47
p2004 (km)
4 395,0
15 100,6
23 037,7
11 684,0
1 286,5
700,1
Dj (a)
0,04
0,45
0,58
0,15
0,16
0,05
Dfij
1,15
1,11
1,21
1,15
1,10
1,09
VII.3. Discussion
VII.3.1. Cartographie
La comparaison des deux images TM 1985 et ETM+ 2004 a permis de mesurer la dynamique
du paysage dans la réserve de Fina. Les classifications supervisées effectuées ont permis de
distinguer des formations mixtes comme les savanes boisées et arborées qui ne sont pas
quelque fois bien différenciées. Cette confusion est due à des réponses spectrales qui sont
visuellement similaires pour certaines formations ligneuses. A ces difficultés s’ajoute l’impact
des feux de brousse qui réfléchissent dans le proche infrarouge et ressortent en noir. Ces
mêmes difficultés ont été signalées par d’autres auteurs (N’Geussan et al., 2006) .
L’utilisation des données complémentaires entre autres la carte de végétation du Projet PIRL
(Nasi & Sabatier, 1988), la carte des paysages du Projet de Recherche sur l’Utilisation
Rationnelle du Gibier (Heringa et al., 1988) et surtout nos visites de validation des classes de
végétation sur le terrain sur base des nombreux points de contrôle effectués ainsi que les
discussions avec les populations riveraines sur l’évolution de l’occupation du sol ont permis
de corriger ces erreurs.
VII.3.2. Dynamique de la végétation : impacts climatiques et anthropiques
VII.3.2.1. Impacts climatiques
Dans la réserve de Fina, la pluviométrie a une évolution régressive (Diarra, 1985 ; Nasi &
Sabatier, 1988 ; Heringa et al., 1988). Au Mali ainsi qu’en Afrique de l’ouest, la récession
pluviométrique a été observée (Traoré et al., 2000 ; Ozer et al., 2010), annonçant un début de
sécheresse depuis les années 70. Cette diminution pluviométrique avec des périodes de
sécheresse successives depuis 1970 jusqu’à 1990 a entraîné des modifications dans les
différentes zones agro-climatiques du Mali (Ministère de l’Environnement et de
l’Assainissement (MEA), [2005]), de l’Afrique occidentale et orientale (Diatta et al., 2001).
179
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
Dans la réserve, la baisse progressive de la pluviométrie a eu comme effet, le tarissement
précoce de beaucoup de mares et la baisse du niveau de la nappe phréatique (OPNBB, 1999 ;
Diarra, 1985). Les nombreuses mares, jadis permanentes tarissent le plus souvent en févriermars, mettant à rude épreuve la faune sauvage.
En effet, une année isolée de sécheresse, même extrême peut être moins dramatique qu’une
suite de deux années (ou plus) de sécheresse modérée (Gareyane, 2008). Outre la sévérité,
c’est alors dans la persistance de la sécheresse que réside le risque majeur. La contrainte
climatique principale n'est pas simplement la rareté des précipitations, mais également la
variabilité dans la distribution, et l'imprévisibilité des précipitations, qui augmente du sud au
nord, et constitue des facteurs de contrôle déterminant de l'écosystème Sahélien et de la
modification de la végétation (Ozer et al., 2010).
Plusieurs études ont montré les impacts de la baisse progressive de la pluviométrie avec son
corollaire de sécheresse sur la flore (Hulme et al., 2001; Darkoh, 2003). Certaines ont montré
que les sécheresses répétées dans les années 1970 et 1980 ont eu directement pour effet,
notamment en Afrique, d’augmenter la mortalité des espèces ligneuses des écosystèmes
sensibles (Kossi et al., 2009, Habiyaremye & Roche, 2004). D'autres ont montré que les
sécheresses récurrentes ont rendu plus difficile la capacité de régénération naturelle en
particulier le tapis graminéen (FAO, 1997b). Indirectement, le prolongement des périodes de
chaleur et l’assèchement des milieux induisent une activation de stress physiologiques dans
l’arbre qui pourrait réduire ses systèmes de défense contre les attaques pathologiques
(Wardell et al., 2003).
Aujourd'hui, dans la réserve, de nombreux ligneux morts sur pied sont visibles surtout dans la
partie nord de la réserve, et les espèces végétales les plus touchées sont entre autres
Pterocarpus erinaceus, Pterocarpus lucens, Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa. Cette
mortalité pourrait être liée à une aridité croissante du climat réduisant la disponibilité en eau
utile et en nutriments, limitant le fonctionnement physiologique des arbres (Kossi et
al., 2009). Les espèces les plus sensibles à la sécheresse disparaissent progressivement. Elles
sont remplacées pour les ligneux par des espèces comme Acacia seyal, Guiera senegalensis,
Combretum glutinosum. Les herbacées pérennes sont remplacées par des herbacées annuelles
qui semblent être les mieux adaptées à ce type de climat (Diarra, 1985; FAO, 1997b).
VII.3.2.2. Impacts anthropiques
Les résultats obtenus montrent que dans la réserve de Fina, les formations boisées sont en
régression de 1985 à 2004 pendant que les cultures sont en extension aux environs immédiats
et souvent à l’intérieur de la réserve. Cette progression des cultures représente 23 % sur 19
ans soit 1,2 % par an. Ceci est la conséquence de l’augmentation de la population de la région
(2,2 % par an), supérieure au taux national (1,4 % par an) pour le milieu rural (MEA, 2005).
En effet, les conditions naturelles favorables (terres disponibles et fertiles) dans la réserve en
ont fait ces dernières années une zone de colonisation agricole qui accueille des immigrés
composés de cultivateurs et d’éleveurs venus de la ville de Kolokani et environs et aussi de
certains villages des cercles de Kati et de Kita. La colonisation de l’espace est
180
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
particulièrement remarquable en Afrique subsaharienne, où la rapide croissance
démographique et la crise d’espace agricole des anciens refuges forestiers incitent à
l’émigration et à la recherche des terres « vierges » (Ba et al., 2004).
La dégradation de l’écosystème forestier de la réserve est matérialisée par la fragmentation
des reliques de forêts claires et des galeries forestières ainsi que la suppression des classes de
savanes boisée et arborée. L’irruption frauduleuse, multiple et répétée de l’Homme,
l’exploitation du bois d’œuvre, la transhumance (coupes et mutilations des ligneux fourragers)
pourraient expliquer ce phénomène. La coupe abusive de bois a déjà été révélée comme un
facteur important dans la dynamique régressive des ligneux (Faye et al., 2008). La
fragmentation entraîne la réduction d’un habitat continu de grande taille en habitats plus petits
et isolés les uns des autres (Tabarelli et al., 2008).
La diminution de la taille des fragments d’habitats et l’augmentation de leur isolement
réduisent, à long terme, la viabilité des populations d’espèces végétales et animales qui y
vivent de par la limitation, voire la disparition des échanges entre ces populations, du fait du
manque de connectivité (Cristofoli & Mahy, 2010). La facilité de pénétration dans ces
différents milieux peut expliquer leur vulnérabilité à l’anthropisation.
Le processus d’apparition de la savane arbustive et des zones agricoles est remarquable dans
la réserve et tend à se généraliser. Cela est dû à une difficulté d’adaptation du système agraire
resté archaïque. En effet, l’utilisation des terres était jadis basée sur une agriculture
traditionnelle itinérante avec des défriches fréquentes et importantes (Kio, 1981 ; Yossi et
al., 2003). Cependant, dès lors que la densité de la population devient importante, la période
de jachère se raccourcit et la végétation se dégrade, souvent irréversiblement (Kio, 1981 ; Vilà
Cabrera et al., 2008). En outre, au cours des défrichements pour la mise en culture, de
nombreux arbres sont abattus.
Malgré la préservation des arbres utiles dans les champs, la destruction totale des autres et le
passage régulier des feux ne favorisent pas la reconstitution de la végétation originelle
(Kio, 1981 ; Dembélé, 1996). Seuls les arbustes sont capables de se régénérer rapidement
(Nasi, 1994). Il s’ensuit alors une modification profonde de la structure et de la composition
de la végétation (Nasi, 1994 ; Fournier et al., 2001), l’installation d’espèces pionnières ou
même d’espèces rudérales (Tabarelli et al., 2008). Cela est mis en évidence par les valeurs
élevées des indices de dominance et de dimension fractale des classes anthropisées (zones
agricoles et jachères).
La surexploitation des terres est considérée comme la principale cause de la dégradation du
couvert végétal et de la perte en biodiversité (Bouko et al., 2007 ; Bamba et al., 2008). Ce
phénomène s’observe aussi dans plusieurs régions d’Afrique de l’ouest (Darkoh, 2003 ;
Ariori & Ozer, 2005 ; Sawadogo et al., 2008).
181
Deuxième partie : Résultats chapitre VII. Effets combinés du climat et des pressions anthropiques sur la
dynamique évolutive de la végétation d’une zone protégée du Mali (réserve de Fina, Boucle du Baoulé).
VII.4. Conclusion et implications pour la conservation
Les pressions anthropiques et la sécheresse ont entraîné, au cours de la période 1985-2004,
une modification de la couverture végétale de la réserve de Fina. Le constat actuel est que
l’équilibre écologique de la végétation est perturbé par les activités anthropiques (agricoles et
pastorales). Nos résultats corroborent l’idée très répandue de l’assèchement du climat dans les
régions sèches et l’opinion généralement admise selon laquelle la pression anthropique sur les
ressources ligneuses s’aggrave sans cesse, notamment en région soudanienne et sahélienne.
L’accroissement de la population et les actions anthropiques accentuent les phénomènes de
dégradation que les sécheresses avaient amorcé. Cela se vérifie dans la réserve de Fina, et
confirme notre hypothèse, bien vrai que des insuffisances demeurent dans la distinction de la
part de ce qui est dégradé par le climat et de ce qui est dégradé par les pressions anthropiques.
L’étude a montré que l’occupation progressive du sol par des cultures est l’une des causes
essentielles de la modification de la végétation. Elle a également mis en exergue les modes
actuels d’utilisation des ressources végétales qui n’obéissent pas à des normes de durabilité.
Cela constitue une inquiétude pour la conservation de l’écosystème de la réserve.
Pour contribuer à conserver l’écosystème et sa biodiversité, une sensibilisation des
populations s’impose. Il faudrait d’abord empêcher l’occupation continue et anarchique des
terres par l’aménagement de l’espace à la périphérie de la réserve : la création et le
développement de forêts villageoises, gage de la gestion durable des ressources naturelles et
dans lesquelles les populations pourront tirer des produits forestiers pour leurs besoins
quotidiens. La valorisation des produits forestiers non ligneux permettrait de diversifier leurs
revenus.
Ensuite, il serait nécessaire d’envisager l’augmentation de la productivité par l’amélioration
du système agraire archaïque au profit d’un système agrosylvopastoral (association cultures et
légumineuses ligneuses, synergie agriculture-élevage), d’un procédé de culture intensive (plus
économique du point de vue de la superficie) ou encore de rotation des cultures pour éviter la
perte de fertilité des sols. La récupération des terres dégradées par la vulgarisation des
techniques de défense et de restauration des sols ou par le reboisement des essences
forestières locales utiles pour les populations s’avère également indispensable.
Enfin, à défaut d’une politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural, la mise en
place de conventions locales avec des mécanismes de régulation garantis par les autorités
publiques locales pourrait être envisagée dans le cadre de la gestion de l’espace.
182