Aéronautique. Un gros gâteau pour les PME régionales

5
AVRIL 2014
L'ÉVÉNEMENT
Aéronautique. Un gros gâteau
pour les PME régionales
Avec la présence de grands donneurs
d’ordre nationaux dans les Pays de la Loire, les marchés de la sous-traitance aéronautique font saliver les PME.
l Le Journal des entreprises a rencontré
des PME qui ont réussi à pénétrer le marché en Maine-et-Loire et Sarthe.
l
SIO
(Beaucouzé
et La Garnache, 49)
3,5 M¤ de chiffre d’affaires
43 salariés
La société Sérigraphie industrielle de l’Ouest, historiquement positionnée sur le marquage industriel, s’est diversifiée dès le milieu des années
80, notamment en direction de
l’aéronautique qui représente
aujourd’hui 65 % de son activité (peinture, marquage, assemblage en micro-mécanique
pour les pièces de cockpit).
« SIO s’est beaucoup développée sur ce secteur sur les 10
dernières années », souligne
son dirigeant, François Dallet.
Sans investir sur des équipements spécifiques à l’aéronautique. 5 % du CA annuel sont
consacrés aux matériels, tous
secteurs d’activités confondus.
« C’est un marché qui connaît
une croissance annuelle de
10 % sur les volumes de commandes des donneurs d’ordres
(Airbus, Boeing…). L’attractivité du secteur est liée à sa
pérennité, il y a 25 ou 30 ans
d’utilisation d’un avion lorsque
la série est lancée, autant d’années où nous sommes susceptibles de fournir ou réparer des
ans. « Le CA double chaque
année sur ce produit ! C’est un
marché très intéressant. Comme nous sommes sur un
métier de niche avec un produit
propre, il y a peu de concurrence. Les marges sont donc significatives, plus importantes que
dans l’automobile, même si les
volumes sont plus faibles »,
indique son P-dg Laurent Jeannerod. Pour pénétrer le marché, Serv disposait déjà d’une
petite activité aéronautique et
de son référencement auprès
de certains donneurs d’ordre.
« Tout le monde ne peut pas y
aller. Serv était déjà bien structurée, mais on a trimé pour se
mettre à niveau ! »
DBM TECHNOLOGIE
(Chanzeaux, 49)
2 M¤ de chiffre d’affaires
30 salariés
Experte en isolants thermiques, la PME créée en 2005
s’est lancée sur le secteur aéronautique dès 2008. « C’est très
long d’y entrer, il y a des barrières normatives, réglementaires,
organisationnelles… »,
reconnaît
Alain
Mounier,
co-dirigeant de DBM qui fait
30 % de son chiffre sur cette
activité. « Il faut environ 5 ans,
« Des marges plus
importantes que dans
l’automobile. »
pièces. Quand un nouvel avion
est lancé, il faut près de 5 ans
avant qu’il ne soit fabriqué en
série…, mais si on est performant, on reste dans la boucle. » Toutefois le chef d’entreprise pointe un marché concurrentiel et difficile à pénétrer
(jusqu’à 10 ans pour entrer
chez un nouveau client) et des
exigences croissantes en termes de réglementations, délais
(livraison en juste à temps) et
de coûts tirés vers le bas liés à
la pression économique des
compagnies aériennes sur les
constructeurs.
SERV
(Château-du-Loir, 72)
5 M¤ de chiffre d’affaires
48 salariés
Spécialisée dans la fabrication
de machines de soudage pour
l’industrie automobile, Serv
compense le recul de ce secteur par l’aéronautique. La
PME du sud-Sarthe fabrique
une pompe de lubrification
pour Safran qui équipe notamment les Airbus A400M. Une
activité
qui
représente
aujourd’hui 15 % de son chiffre
d’affaires, contre 2 % il y a trois
mais c’est un marché très
confort ! Tout est programmé,
il est porteur sur les 20 ans qui
viennent. Nous fournissons des
pièces pour l’A320, on voit clair
avec plus de 400 avions fabriqués par an. C’est le seul marché qui est comme ça en ce
moment. » La PME, également
positionnée sur l’automobile,
le ferroviaire et les engins spéciaux, n’a pas investi sur des
matériels
spécifiquement
dédiés à l’aéronautique.
LORY
(Mulsanne, 72)
1,6 M¤ de chiffre d’affaires
16 salariés
À Mulsanne, Joël Lory prend
l’aspiration dans le sillage du
développement du site sarthois
de Daher. Sa société de métallerie et chaudronnerie a en
effet été retenue par l’avionneur pour la réalisation de chemins de câbles en aluminium.
Une activité démarrée en
décembre dernier pour laquelle il a investi 350.000 euros
dans l’achat et l’aménagement
d’un bâtiment dédié. « La
métallerie traditionnelle est
extrêmement concurrentielle.
À Montoir-de-Bretagne (44), Airbus bénéficie de la croissance du marché de l’aéronautique civile et entraîne dans son sillage tout un panel de sous-traitants de rang 1 et 2. Des opportunités à saisir pour nos PME qui souffrent depuis 2008 de la crise de l’automobile.
Comme il est difficile de s’aligner sur les prix, on cherche
des niches où il y a moins de
monde. » Résultat, l’entreprise
engrange 20 % d’activité supplémentaire grâce à ce contrat
de sous-traitance. « En revanche, ça dégage peu de résultat.
La sous-traitance nous permet
d’amortir les charges fixes.
Les agréments aéronautiques
renvoient une image de
sérieux, de suivi, de contrôle.
Ça séduit le client et nous
ouvre de nouveaux marchés, y
compris en métallerie traditionnelle. C’est ce que je recherchais avec cette activité. »
Néanmoins pour constituer
son équipe, Joël Lory a dû former en interne huit soudeurs
via une formation assurée par
de haute technicité comme
ceux de l’énergie.
SMP
(Segré, 49)
2,5 M¤ de chiffre d’affaires
23 salariés
La société SMP, spécialisée
sur la mécanique de précision
pour l’industrie (automobile,
mécanique,
électronique,
nucléaire, IAA) a mis un pied
dans l’aéronautique il y a deux
ans. Un choix qui nécessite
beaucoup de rigueur au vu du
niveau d’exigence, mais qui
« tire l’entreprise vers le haut
et pèse 5 % du CA », apprécie
Fabrice Jacrot, le dirigeant. En
juillet dernier, il a repris l’entreprise de tôlerie DAT-SATIP de
Beaucouzé, rebaptisée AITS (13
« Les hommes d’hier ne
sont pas suffisamment
compétents. »
le Centre de développement du
soudage (CDS) de Chemillé.
GESLIN SAS
(Le Mans, 72)
2,6 M¤ de chiffre d’affaires
33 salariés
La rigueur aéronautique, Stéphane Geslin la connaît bien.
Son entreprise développe en
effet des pièces prototypes
pour les grands donneurs d’ordre du secteur, et réalise également la finition de pièces aluminium en toutes petites séries.
« L’aéronautique nous demande d’être en capacité de tracer
toutes les opérations réalisées
sur une pièce. Cette rigueur
demande l’emploi d’un qualiticien à plein temps », indique
Stéphane Geslin. Un savoir-faire en matière de traçabilité des
matériaux qui permet à la PME
de prospecter sur des marchés
salariés, 1,2 M¤ de CA) qui fait
15 % de son chiffre sur l’aéronautique. « C’est un secteur
porteur, le gâteau est important, mais tout n’est pas si
rose », tempère le chef d’entreprise. « Nous avons beaucoup
investi, en temps, en hommes,
pour obtenir les qualifications
nécessaires. Et les hommes
d’hier ne sont pas suffisamment compétents, il faut des
responsables de projet. Nous
en avons recruté un. Nous
avons également investi au
niveau industriel sur des machines tridimensionnelles et
numériques pour des séries de
pièces qui n’arriveront que
dans un ou deux ans avec une
marge qui a diminué de moitié
depuis une dizaine d’années. »
Cédric Menuet
et Bénédicte Hascoët
LE JOURNAL DES ENTREPRISES
l
ZOOM
La filière aéronautique
se fédère en Anjou
Fin 2013, une cinquantaine d’entreprises du Maine-etLoire se sont rencontrées à la CCI avec un objectif :
créer un cluster qui fédérerait les acteurs locaux de la
filière aéronautique. Environ 100 entreprises seraient
concernées de près ou de loin sur le département. « Il y
a des acteurs et des savoir-faire, souligne Philippe Hellegouarc’h, responsable veille et prospective à la CCI 49.
Mais le secteur est dilué, les entreprises se connaissent
peu. Elles veulent se structurer pour montrer leur existence. »
Afin de renforcer leur visibilité, 7 entreprises angevines
ont exposé, pour la première fois, au Salon du Bourget
2013, sous la bannière de l’agence régionale des Pays de
la Loire. « Nous avons une proximité géographique avec
la Loire-Atlantique qui recense de gros fabricants
d’aérostructures. Nos PME ne sont pas sur les mêmes
métiers, elles travaillent essentiellement sur les équipements et systèmes (embarqués ou non) en électronique,
mécanique, sérigraphie.... Il ne s’agit pas de fragiliser ce
qui existe sur la région, nous sommes complémentaires.
Nous devons poser une brique supplémentaire afin de
contribuer à faire des Pays de la Loire une région leader
dans l’aéronautique. »
Certes, le marché est opportuniste, mais « il n’y a pas de
la place pour tous, prévient Philippe Hellegouarc’h. C’est
un des seuls marchés vraiment porteur aujourd’hui,
mais il est aussi très normé et exigeant. Les certifications indispensables pour entrer chez les donneurs d’ordre sont difficiles à obtenir pour une PME qui débarque
sur ce secteur, on ne s’improvise pas comme ça soustraitant de l’aéronautique. Il ne faut pas vendre du
rêve ! »