«Pourquoi ces atrocités contre nous, les yazidis?»

8 Monde
Tribune de Genève | Mercredi 20 août 2014
Deux morts dans des
raids aériens sur Gaza
Irak et Syrie
«Pourquoi ces atrocités contre nous, les yazidis?»
Le cessez-le-feu a été
rompu hier. Roquettes et
attaques israéliennes ont à
nouveau été lancées
Les yazidis sont-ils aussi
persécutés en Syrie?
Quand nous sommes arrivés en
Suisse, les yazidis étaient inconnus, personne ne voulait croire
que nous étions persécutés. Pourtant, à Afrin, notre communauté a
dû fuir devant les invasions djihadistes. Heureusement pour nous,
les combattants kurdes ont fait
front pour nous protéger (contrairement à ce qui vient de se passer
en Irak). Mais depuis, nos proches
retournés sur place vivent dans la
peur, les attaques sont constantes,
ils ne dorment plus, manquent de
tout. Parfois, il se passe plusieurs
mois sans que nous ayons des
nouvelles…
Avez-vous des proches à Sinjar,
en Irak?
Non, personne de notre famille.
Mais Sinjar est un haut lieu de pèlerinage. Nos parents s’y sont rendus. Et de toute façon, c’est notre
communauté qui est exterminée,
de la manière la plus affreuse!
Parmi les dizaines de milliers de
fugitifs qui ont cherché refuge
dans la montagne, certains sont
encore à la merci de la chaleur
écrasante, de la soif, de la faim.
Dans la précipitation, beaucoup
ont perdu trace de leurs enfants.
Sans protection internationale,
cette communauté va disparaître.
Le monde doit se rendre compte
que ce qui s’est produit à Sinjar
attend le reste de l’Irak et de la
Syrie. Avec ces djihadistes, c’est la
conversion ou la mort.
Contrôle qualité
Les «Fribourgeois» Nayef Arbo, sa femme Sharifa Jumo et Daniel, l’un de leurs cinq enfants.
Veillée interreligieuse à la Fusterie
Chrétiens, musulmans, juifs,
alévis, baha’is… Une rose blanche
à la main, des croyants de toutes
religions se retrouveront cet
après-midi à 18 h devant le temple
de la Fusterie, au cœur de Genève,
pour une «veillée de solidarité»
avec les minorités persécutées en
Irak et ailleurs. Parmi eux, Nayef
Arbo et sa femme Sharifa Jumo,
couple de confession yazidie,
mais aussi une chrétienne d’Irak,
Karomi Ahlam Marzina. Tous
ensemble, ils formeront une
chaîne humaine autour de la
place, avant de se recueillir jusqu’à
20 h dans le temple, à l’initiative
de la Plate-forme interreligieuse
de Genève, qui invite la population
à se joindre à eux. A.A.
Ils ne sont pas les seuls
musulmans à traiter les yazidis
de «satanistes». N’avez-vous pas
toujours été persécutés?
Il y a eu beaucoup de persécutions
dans notre histoire. En réalité, à
l’origine, les Kurdes étaient tous
yazidis avant d’être poussés à la
conversion. Mais de notre vivant,
nous n’avions rien connu de tel.
Nous vivions en bon voisinage avec
les musulmans et les chrétiens.
Mon beau-père invitait tout le
monde à la maison pour fêter l’Aïd,
la fin du mois de jeûne islamique
du ramadan. Tout a changé avec
l’intervention des extrémistes de
l’Etat islamique, arrivés d’Irak avec
de l’argent et des armements dernier cri. Demandez-vous quels
pays les soutiennent! Et pourquoi?
Certainement pas pour affronter
Bachar el-Assad! C’est contre les
Kurdes syriens qu’ils combattent.
Sans eux, nous aurions été effacés
de la carte. Ce sont aussi eux qui ont
sauvé en Irak les yazidis assiégés sur
les monts Sinjar. Les peshmergas
du Kurdistan irakien, eux, s’étaient
retirés, abandonnant la population
aux djihadistes. Visiblement, leur
priorité était de défendre le pétrole.
Les Kurdes doivent réussir à s’unir,
sinon ils disparaîtront les uns après
les autres.
Qu’attendez-vous de la veillée
interreligieuse, ce soir à Genève?
C’est important de savoir que nous
ne sommes pas seuls. Le monde
doit prendre conscience de notre
souffrance. Et agir enfin.
Le chiffre
45
Consultez notre dossier
sur l’Irak
www.irak.tdg.ch
Appel chrétien et yazidi à Genève
U Un yazidi et un chrétien d’Irak,
côte à côte sur la place des
Nations, ont lancé hier devant
quelques dizaines de manifestants
un vibrant appel à la communauté
internationale pour qu’elle sauve
de l’extermination les minorités
prises pour cible par les
djihadistes de l’Etat islamique.
«Des crimes de génocide sont
commis tous les 20 ou 30 ans
contre les 600 000 yazidis
d’Irak. Pour survivre, notre
communauté doit s’exiler. Mon
père, le prince Tahseen, appelle
l’Europe, les Etats-Unis, le Canada
et l’Australie à nous accorder
l’asile. Et en attendant, l’ONU doit
sécuriser une zone en Irak pour
les minorités.» Venu de
Manchester sur invitation de
l’ONG juive UN Watch, Breen
Tahseen s’impatiente face aux
atermoiements occidentaux.
«Dans des villages près de Sinjar,
des yazidis pris au piège seront
tués d’une minute à l’autre s’ils
refusent de se convertir!»
Ils ne sont pas les seuls, loin de
là. Comme d’autres minorités
religieuses, les chrétiens d’Irak
sont dans la ligne de mire des
djihadistes, se désespère Ramiz
Wahida, qui vit à Genève avec sa
famille depuis 2002. Sa fille
Maryam, 21 ans, née à Bagdad et
inscrite à l’école de pharmacie de
l’Université de Genève, est en
C’est le nombre d’employés du
Croissant-Rouge syrien et du
Croissant-Rouge palestinien qui ont
perdu la vie dans l’exercice de leurs
fonctions en Syrie depuis le début
de la guerre, il y a plus de trois ans.
Un employé du Croissant-Rouge
syrien a encore été tué récemment
à Raqqa. A l’occasion de la Journée
internationale de l’aide humanitaire
mardi, le Mouvement de la
Croix-Rouge a lancé un nouvel
appel aux belligérants en Syrie
pour qu’ils respectent le droit
international humanitaire. ATS
STEEVE IUNCKER GOMEZ
«Par milliers, nos hommes sont
exécutés, même les vieillards et les
enfants. Certains sont enterrés vivants. Trois mille femmes et filles
ont été violées, enlevées, vendues… Comment est-il humainement possible de commettre de
telles monstruosités?» Ils sont sous
le choc, Nayef Arbo et sa femme,
Sharifa Jumo, un couple de confession yazidie qui a fui la Syrie avec
ses cinq enfants devant les attaques de l’Etat islamique. Ce soir, ils
seront à la veillée interreligieuse
organisée à Genève (lire ci-contre).
Installés à Fribourg, ils bénéficient d’une admission provisoire. Mais pas de l’asile. Arrivés
en Suisse il y a trois ans, le
29 août 2011, ils affirment que le
monde a longtemps ignoré les
persécutions subies par les
yazidis, frappés même à Afrin,
dans le nord-ouest de la Syrie, si
loin de Sinjar, le lieu de pèlerinage
attaqué ce mois-ci en Irak par
l’Etat islamique. Les yazidis, une
communauté religieuse monothéiste préislamique, sont en effet considérés comme «satanistes» par les courants islamistes
les plus fondamentalistes.
Membre du Parti de l’union
démocratique (PYD), au sein duquel il représente les Kurdes de
Genève, Lausanne et Fribourg,
Nayef Arbo emmène tous les dimanches matin sa famille au culte
protestant à Fribourg. «Nous
n’avons nulle part où pratiquer le
yazidisme. Dieu est grand, il est
partout», sourit-il.
STEEVE IUNCKER GOMEZ
Andrés Allemand
Le yazidi Breen Tahseen (à dr.) et le chrétien Ramiz Wahida (à g.).
contact téléphonique avec son
cousin Nawar, qui a fui la
«capitale» chrétienne de
Qaraqosh pour Erbil, le chef-lieu
du Kurdistan. «Je l’ai eu hier soir
au bout du fil. Il me dit qu’ils sont
des milliers à dormir sur les bancs
d’églises ou à même le sol, un peu
partout, jusque sur des sites de
chantier. Les conditions
d’hygiène sont déplorables,
es maladies se propagent
rapidement. Les œuvres
d’entraide sont débordées, elles
n’arrivent pas à fournir assez de
nourriture et de médicaments.
Il y a plus de 100 000 chrétiens
réfugiés à Erbil! La plupart
veulent partir, ils n’ont plus
aucun espoir.»
Autour de Maryam, nombre
de chrétiens portent la lettre
arabe «noun» pour «Nazaréen».
C’est ainsi que les djihadistes les
surnomment. Karomi Ahlam
Marzina et son mari Toma Jalal
Majed sont morts d’inquiétude
pour leurs vieux parents qui ont
fui à Zakho, au Kurdistan, et pour
un cousin aveugle resté à
Qaraqosh, où il survit caché dans
une cave. «Une partie de la famille
est partie aux Etats-Unis. Les
chrétiens fuient en masse l’Irak…
alors que nous étions là bien
avant les musulmans!» A.A.
Italie
Quatre militaires
disparus après un
accident d’avions
Deux avions militaires italiens
sont entrés en collision mardi
après-midi et se sont écrasés
dans le centre de l’Italie, selon
le Ministère de la défense, et
quatre militaires sont portés
disparus, selon les médias.
«L’aviation militaire confirme
que deux appareils Tornado qui
effectuaient une mission
d’entraînement ont été impliqués
dans l’accident aérien qui s’est
produit cet après-midi», indique
un communiqué officiel. Selon
des sources de l’armée, les
militaires auraient réussi à
s’éjecter des avions avant que
ces derniers ne s’écrasent. AFP
Ezzat el-Rishq, un haut
responsable du Hamas. AFP
banlieue à l’est de la ville de Gaza
fait face à la frontière avec Israël et
c’est l’un des secteurs les plus dévastés par les tirs israéliens.
On ignore si les tirs et les raids
de mardi représentent de simples
coups de semonce matérialisant
l’échec des négociations ou s’ils
annoncent une reprise dans toute
leur intensité de combats qui ont
tué plus de 2000 Palestiniens et
près de 70 Israéliens en un peu
plus d’un mois.
L’expiration du cessez-le-feu
ne signifierait pas fatalement un
nouvel embrasement. L’idée
d’une cessation de fait des
combats sans accord est dans l’air
en Israël.
Néanmoins les Etats-Unis se
sont dits «très inquiets» de la «rupture du cessez-le-feu», jugeant le
Hamas «responsable» des tirs de
roquettes étant donné que ce
mouvement contrôle Gaza, et estimant qu’Israël avait le droit de se
défendre.
Pour le Hamas au contraire, ce
sont les «occupants sionistes» qui
sont «entièrement responsables
de cette situation», a déclaré Ezzat
el-Rishq, un responsable du
groupe. AFP
Ukraine
Violents combats
dans le centre
de Louhansk
Des combats de rue faisaient
rage mardi dans le centre de
Louhansk, bastion des
séparatistes prorusses, assiégé
par l’armée ukrainienne. Dans la
ville, la situation humanitaire ne
cesse de se dégrader. Non loin
de là, dix-sept corps de réfugiés
qui fuyaient lundi la ville ont été
découverts, a annoncé un
porte-parole militaire ukrainien.
Ces civils qui se déplaçaient avec
des drapeaux blancs de
Louhansk à Loutouguiné – une
ville contrôlée par l’armée
ukrainienne – ont été la cible de
tirs au lance-roquettes. ATS
Il a dit
«Dans le cas
où il y a une
agression injuste,
il est licite
de stopper
l’agresseur
injuste»
François
Pape,
sur les
frappes
américaines
contre les
djihadistes
en Irak
EPA
Exilée à Fribourg,
la famille Arbo a fui
l’invasion djihadiste
il y a trois ans en
Syrie. Horrifiés, ils
voient leurs pires
cauchemars en Irak
Palestiniens et Israéliens ont recommencé à se tirer dessus
mardi, stoppant net les négociations en cours pour un cessez-lefeu durable et jetant la bande de
Gaza dans l’angoisse d’une reprise de la guerre.
Selon les secours locaux, deux
Palestiniennes, une femme et une
enfant, ont été tuées et plus de
20 personnes, blessées par les
frappes israéliennes lancées en représailles aux tirs de Gaza de roquettes avant même qu’un cessezle-feu globalement observé depuis le 11 août n’expire à 23 h
(heure suisse).
La rupture du cessez-le-feu a
stoppé des pourparlers en cours
entre Israéliens et Palestiniens qui
s’employaient au Caire à transformer cette pause en trêve prolongée: les émissaires israéliens rappelés par leur gouvernement ont
repris le chemin d’Israël, sans
aucune perspective claire de retour aux discussions.
Les tractations avant la reprise
des tirs n’ont fait aucun progrès et
«les chances de parvenir à un accord s’évaporent», a déclaré sur
Twitter Ezzat el-Rishq, un haut
responsable du Hamas, l’organisation islamiste qui contrôle Gaza
et qui est la principale cible de
l’offensive lancée par Israël le
8 juillet.
Les habitants de Gaza, durement éprouvés par un mois de
combats, ont recommencé à fuir
par milliers les secteurs les plus
exposés.
Des centaines de Gazaouis encombrés de sacs et de matelas ont
abandonné Chajaya pour aller
s’abriter dans les écoles de l’ONU
transformées en refuges. Cette