A G U I C H E T O U V E R T

Le Journal
du Réseau
FEDERATION SYNDICALE
des activités postales et
des télécommunications
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Avril 2014
ESC/ESC-I :
Primés aux Gérard*
du développement
humain !
n L’Enseigne vante les bienfaits de son concept «libre échangiste» ESC et maintenant ESC-I à travers toute
la palette de ses outils de communication. Donc place à l’ère de la nouvelle reconfiguration spatiale des bureaux de poste en Espace Service Client où la salle du public est transformée en espace de vente exprimant
toutes les pulsions et autres instincts à (très) forte valeur ajoutée. N’en déplaise à nos penseurs du 3ème millénaire l’abstraction ESC et son fantasme Intégral génère, dans la réalité quotidienne des postiers-ères, pénibilité physique et mentale.
Dans ce numéro, nous nous appuyons largement sur un rapport d’expertise réalisé par le cabinet “3E
Conseil” suite au suicide d’un collègue survenu sur la DTELP Picardie, en novembre 2013. Ce rapport illustre, si c’était encore nécessaire, les effets pathogènes des organisations de travail.
Derrière la vitrine...
une oppression permanente !
“La mise en place de ces espaces de vente vise bien
l’objectif global de l’Enseigne que nous avons abordé
précédemment, à savoir le développement commercial. En transformant les bureaux de poste en « espaces de vente », autrement dit en boutiques, l’idée
est bien, de rendre l’espace physique des bureaux,
propices à la vente. La philosophie de l’ESC est aussi
de créer une plus importante promiscuité entre agents
et clients dans le but de favoriser la relation clientèle,
ce qui sous-tend à nouveau ici, l’idée de vendre plus.
De manière implicite, l’ESC porte l’empreinte d’une
organisation fondée sur la performance qui s’inspire
du Lean. Dans ces nouveaux espaces, il s’agit de se
concentrer notamment sur l’amélioration continue des
processus et des flux clients”
(Cabinet d’expertise 3 E Conseil, analyse des risques
phsychosociaux sur la DTELP Picardie).
Les tests effectués sur ESC et ESC-I par des spécialistes en organisation du travail font état d’une situation de travail aux limites du supportable pour les
agents. Un état des choses que semblent nier les patrons de l’Enseigne et pour cause...
Une accélaration de l’automatisation...
Pour mieux éradiquer les vieux démons des organisations du travail : les gaspillages, les temps morts,
opérations sans valeur ajoutée, les excès en personnel
et l’absence de flexibilité du personnel.
Pour mieux développer une exploitation en continu
des agents dans un processus d’implication (démarche
participative, co-construction) de chacun-e sur la
forme la plus adéquate de coercition... et exploser en
plein vol, (Lean management).
L’automatisation est présentée comme un
allègement des
activités afin de
mieux
se
concentrer sur
la
relations
client...
en
théorie. Mais
cette allégorie
se révèle très
loin du travail
réel.
Ainsi “les opérations à faible Valeur Ajoputée qui offraient aux guichetiers des temps de récupération
dans la tension occasionnée par le flux, ne le permettent plus étant donné que ces tâches sont réalisées par
les automates. En fait, réduire ce qui n’a pas de valeur
ajoutée pour le client peut malheureusement conduire
à éliminer ce qui a une valeur ajoutée du point de vue
de la santé des salariés” (Cabinet d’expertise).
*Distingue les pires réalisations du cinéma français.
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“Le passage en ESC se retranscrit dans le travail réel, par une intensification où il
s’agit d’effectuer toujours plus d’opérations dans un temps de plus en plus réduit, exigeant de travailler toujours plus vite” (Rapport d’expertise).
La reconfiguration des bureaux de poste à la sauce ESC et ESC-I intensifie, sans
aucun doute possible, la charge de travail dans des conditions de plus en plus dégradées. CQFD L’îlot : source de pénibilité.
“À partir des observations réalisées sur cette position,
on constate que le guichetier est amené à se déplacer
régulièrement entre le guichet bancaire, l’îlot et les
automates ou encore à l’arrière du bureau, notamment
pour aller rechercher
les instances (colis,
lettres, etc.). Aux
dires des salariés,
cette nouvelle configuration de travail
s’avère particulièrement pénible car elle
oblige à de nombreux
déplacements entre
les différents espaces”.
Depuis la création
d’ESC et la mise en
place de ses îlots,
souvent au centre de
la salle public, les accusations de nocivité
de cette position de
travail ont été unanimes.
Le fait d’être sollicité
en permanence, de devoir se déplacer et de piétiner
continuellement entre les automates et les gondoles,
d’adopter une position debout plusieurs heures durant
sont à l’origine d’une grande fatigue physique et mentale.
“La position de travail à l’îlot courrier est clairement
devenue le poste « bête noire » des agents, dans la mesure où elle incarne la nouvelle pénibilité physique
que subissent à présent les guichetiers”.
Le discours hypocrite de la Direction de l’Enseigne
sur la présence d’un siège n’y change rien. La configuration de la position de travail est jugé particulièrement éprouvante et dommageable pour la santé.
d’identifier rapidement son/ses besoins et de l’orienter
vers le bon interlocuteur ou le bon espace de conseil
ou de vente », La Poste
Ainsi lors de la présentation d’ESC la prose postale
présentait la position «accueil» comme fondamentale
à son bon fonctionnement. Dans la réalité,
elle est de plus en plus
mutualisée avec un
îlot voire dans certains cas inexistante...
ou tenue par des stagiaires histoire de
faire illusion. Le travail d’orientation intimement lié à ESC est
reporté sur les autres
îlots qui par effet «ricochet» subissent une
contrainte supplémentaire et parfois une incompréhension des
usagers quant au
fonctionnement du
bureau, susceptible de
dégénérer.
Une PT GESCLI ouverte à tous les vents.
ESC a ouvert le bureau du GESCLI sur la salle du public. Mais, “il s’avère que ce type d’espace n’est pas
adapté à leur activité de travail.
En effet, le nouveau format de bureau ne permet pas
de garantir une confidentialité aux clients rencontrés
au sein de l’espace. Ce problème de confidentialité se
pose vis-à-vis des autres clients comme des agents
présents dans l’espace de vente. Les GESCLI considèrent pourtant que les informations échangées avec
les clients doivent être tenues confidentielles, ce qui
renvoie à leur éthique”.
Du fait d’avoir un bureau ouvert soumet le GESCLI à
un flux permanent et à une œillade réprobatrice ainsi
qu’à une privation de temps pour mettre à jour les dosEt que dire de la position “accueil” ?
«Pour que la venue en bureau de poste soit un moment sier des clients. Cette situation est une source importante
agréable et efficace, une prise en charge personnali- de stress et de risques.
sée et systématique de chaque client entrant permet
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La position SF... la dernière des mohicans !
calculs du taux d’occupation à la sauce patronale, un manque
Dans cet espace dédié au bien être consommable du «client» d’activité. Ainsi la charge de travail actuelle se voit intensifier
l’unique guichet voué à la réalisation d’opérations bancaires par de nouvelles activités : ouverture de compte (LA), vente
se fait de plus en plus rare, là aussi au «profit» d’une externa- de produits financiers de base... tout cela seul-e face à une file
lisation multi-canal : GAB, TLS, ARC et cerise sur le gâteau : d’attente perplexe, ne comprenant pas la solitude de l’agent
le numérique via internet et autres joujoux connectés par des et qui peut déboucher parfois sur des actes d’incivilités.
moyens satellitaires... que du jouissif pour d’aucuns qui pen- De là, il ne faut pas s’étonner que ce contexte se transforme
en une source de pénibilité, que les patrons de l’Enseigne persent le bureau du futur.
sistent
à nier.
Mais, toute cette débauche d’énergie afin de rendre le bureau
inhospitalier (absence humaine) engendre, selon de savants
Les conclusions du rapport, partagées par d’autres cabinets, sur le type
d’organisation ESC sont sans ambiguité :
“Nos investigations de terrain mettent en évidence des conséquences néfastes de l’ESC
sur les conditions de travail des agents et à termes sur la santé du personnel” :
- travail en équipe peut être impacté par le manque d’investissement de chacun, source
de tension et de stress ;
- en cas de forte affluence, l’accueil se fait moins bien ;
- l’absence du matériel à certains îlots limite la polyvalence de ceux-ci ;
- charge de travail du caissier et temps imparti pour réaliser ses tâches ;
- morcèlement des tâches ;
- l’organisation du travail fait que leur travail est plus tendu et cause plus de fatigue qu’avant ;
- un siège inadapté et susceptible de provoquer des chutes ;
- le peu d’utilisation des sièges assise-haute ;
- des îlots trop petits avec peu de rangements ;
- multi-sollicitations difficiles à gérer par certains agents ;
- position debout et piétinement à l’îlot en cas de forte affluence ;
- la durée durant laquelle les agents restent en position debout à l’îlot lors d’opérations
longues ...
A la lecture de ce rapport d’expertise où sont abordés, entre autre, les projets ESC et
ESC-I, le constat met en évidence un concept qui au mieux dégrade les conditions de
travail, au pire est dangereux pour la santé, la sécurité des agents.
Entre l’autosatisfécit de la Direction de l’Enseigne sur le bilan ESC et la réalité vécue
par les postiers-ères, il existe un gouffre. Peu importe, ESC-I, une version “améliorée”
où tout le monde est debout, est en phase de déploiement.
La responsabilité de l’employeur
est effectivement totale. Pour La Poste, la modernisation du réseau
passe par le sacrifice des conditions de travail. Un choix assumé, qui se
concrétise par l’envoi d’une plaquette présentant un service d’écoute
et de soutien psychologique pour les postier-es...
Pour SUD, un tel modèle de bureau de poste
doit être revu et corrigé urgemment.
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Les dirigeants pensent...
Le réseau décompense !
La Poste lâche les chevaux. A grands renforts de
communication, elle annonce son plan d'économie
de 500 millions d'euros sur le réseau des bureaux
de poste. Fidèle à elle-même, elle cause d'abord
avec la presse. Lors de la CDSP sur le sujet, le 20
mars, les documents intéressants furent présentés
uniquement que sous formes de transparents. Sur
le mode « tous ensemble construisons l'avenir »
mais chut, c’est confidentiel, faut pas le dire aux
collègues. Le dialogue social sous le sceau de la discrétion voire de la trahison, « c'est un secret entre
nous »...
Des nouveaux formats ?
Côté ville...
Si l’on en croit l’Enseigne, les postier-es des villes doivent sentir la naphtaline. En
effet, le modèle des bureaux de poste n'aurait pas
changé depuis 20 ans !
Quelle considération pour
le personnel qui a dû passer
des vitres à l’espace commercial, sans parler des
process en changement perpétuel...
Cette mise en place de bureaux de poste à visages
multiples, dans les villes,
présentée comme une révolution n'est qu'un bis-répétita de la stratégie
développée en milieu rural.
Attention, top secret, ces différents bureaux ont des noms
de code : “Bureau pôle” (potentiel fort, offre complète),
“bureau city” (potentiel moyen, offre moyenne...), “bureau express” (clientèle de quartier), “bureau agile” (potentiel bancaire) et “bureau mobilité” (flux de passage à
potentiel, libre service). Plus simplement, les établissements délivreront des services en fonction des besoins
du public, ou plutôt selon les désirs économiques de nos
patrons. Cette « adaptation » serait effective, à terme, sur
plus de 150 villes, jusqu’à l’horizon 2016.
Quant aux bureaux en ZUS, les choix de l’intégral (ESC-I) a
été fait par La Poste. Paradoxalement, les quartiers où les besoins en opérations de base sont les plus criants, l’automatisation
est poussée à son paroxysme. Le message politique est clair.
… côté campagne
Plus de la moitié des points de contact sont situés dans
des petites communes. La Poste met en avant la baisse
de fréquentation, comme en zone urbaine, mais de manière encore plus dramatique. Mélodrame que l'Enseigne
a mis en scène à grands renforts d'externalisation en tous
genres : automatisation, services en ligne, opérations
simples éjectées du guichet, instances paquets chez les
commerçants...
Le réseau serait donc trop dense. Actuellement, La Poste
irait au-delà de ses missions de service public notamment
en matière de présence postale, en clair la direction de
l'Enseigne va supprimer des établissements. De même,
pas moins de 400 (vrais) bureaux de poste basculeront,
courant 2014, vers des partenariats, commerçants, mairies voire des Caisses Allocation Familiales. La direction
prévoit d'élargir le champ
de ses partenaires potentiels.
Un autre projet d'envergure
est en cours : les « facteurs/guichetiers ». Il se
situe dans l'ambition de
mutualiser les activités
Courrier et Enseigne. Là, il
faut sûrement tourner son
regard vers les « zones de
marché ». Mais, il ne faut
pas s'inquiéter l'accessibilité postale, grâce au numérique, est le nouveau
mantra de nos dirigeants...
Pour SUD, il ne s’agit pas de s’arrêter aux
beaux discours, et les faits sont têtus. Les conséquences de cette stratégie sont perceptibles. Un
éternel recommencement, suppressions d'emplois à la pelle et réseau des bureaux de poste
toujours en régression...
Le ratio bureaux/points de contact penche un
peu plus en faveur des deuxièmes chaque jour
qui passe, et ce choix a un nom : la casse du service public postal.
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