Prix des lecteurs Cycle 3

L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
ÉVÉNEMENT - Prix des lecteurs !
Prix des lecteurs 2014 / CE2 - CM1- CM2
MALENTENDUS ET IMAGES POUR DIRE
L’étonnement saisit quand, lors d’un choix dû d’abord aux hasards éditoriaux,
les livres se parlent et se font écho. Dans les quatre romans que notre sélection propose, le mot « malentendu » vient immédiatement à l’esprit. Le malentendu fait exister
la fiction, comme dans les Lettres à plumes et à poils, que ce soit M. Séguin interprétant mal les débris de la dépouille de Blanquette ou la rose le geste du passant. Il en
va de même pour l’histoire de Clémentine qui repose sur une sorte de surdité généralisée, ou pour celle du duo de détectives, où le bégaiement de Violette et le mutisme
du professeur de piano font naître l’histoire. Quant au Chat de Stéphane Servant, il
assure et prolonge le malentendu en tentant de faire communiquer les protagonistes.
Il est plus malaisé de voir un lien entre les quatre albums : deux contes, un grand classique, et un contemporain inspiré de l’univers chinois, une biographie en images et un
texte d’enfance. Le lien est extérieur aux œuvres, reposant sur l’exigence d’éditeurs
qui veulent offrir aux enfants des textes et des illustrations remarquables. Aux enfants
de se prononcer et de dire ce à quoi ils adhèrent sans partage.
©Marie-José Minassian | Animatrice Réseau LEA – Prix des lecteurs
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Livres sélectionnés : Lettres à pattes et à poils, et à pétales, Éditions Thierry Magnier | Clémentine n’aime que
le rouge, La Joie de Lire | Duo pour une enquête, Rageot/Heure noire | Chat par-ci. Chat par-là, Rouergue | Toile
de Dragon, Picquier Jeunesse | Le Pilote et le Petit Prince, Grasset Jeunesse | Le Pantin noir, La Joie de Lire | La
Belle et la bête, Casterman
1
L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Les Romans
Lettres à pattes et à poils, et à pétales
Philippe Lechermeier, Delphine Perret
Éditions Thierry Magnier, 2014 - 10€
L’auteur est devenu le grand spécialiste de l’exploration
des relations épistolaires entre épistoliers incongrus. Ce
petit volume apporte un plaisir identique à celui que l’on
a trouvé naguère aux Lettres à plumes et à poils. On ne
lira aucune réponse à l’expéditeur, mais le fil de la correspondance révèle la narration en filigrane. Deux lettres
d’amour surprenantes voisinent avec trois autres qui sont
des modèles de révolte. On devine qui est le dictyoptère
de la première lettre, parce qu’il tombe amoureux d’une
mante religieuse, et l’on devine son sort avant même sa
dernière lettre.
Si l’on connaît bien la chèvre de Monsieur Seguin, les
moustiques, les roses et les chiens, on ne sait rien de
leurs pensées intimes. La rose croit être aimée d’un
homme qui la cueille pour la porter à sa tendre amie, les
trois autres protagonistes sont engagés dans une révolte
qui s’exacerbe au fil de la correspondance. La Blanquette
de Mr. Séguin réécrit sa propre histoire sur le mode révolutionnaire, le moustique arme un groupe d’insectes
piqueurs pour parvenir à ses fins, et le chien-chien à sa mémère veut redevenir un vrai chien.
L’auteur s’amuse à détourner des expressions connues et à en faire parfois le prétexte de ses histoires,
comme cette chute de l’histoire du dictyoptère, « dévoré par l’amour ».
PISTES DE LECTURE
• Donner pour consigne de relever au fil de la lecture les expressions que l’auteur modifie au profit de
sa narration (ex. : une goutte à se mettre sous la trompe ; n’avoir rien à se mettre sous la dent ; aimer à
en perdre les pétales).
• Rechercher au cours de la lecture le vocabulaire spécialisé, notamment en entomologie.
• Observer comment chaque lettre rétablit la réponse qui manque par les informations proposées. Écrire, par exemple, une réponse du jardinier à la rose, ou de la fenêtre au moustique.
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L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Clémentine n’aime que le rouge
Krystyna Boglar, Bohdan Butenko, traduit du polonais par Lydia Waleryszak
Éditions La Joie de Lire, 2014 - 10,90€
Cette délicieuse histoire de peurs, de forêt et de disparitions
repose sur un certain nombre de malentendus. Plusieurs fils
narratifs sont tracés, où chacun suit un chemin particulier.
Lorsque ces chemins se croisent, les malentendus sont enfin
dévoilés.
À la fin des vacances, une fillette et ses deux frères se promènent dans la forêt. Ils y découvrent une toute petite fille
en sanglots qui dit s’appeler Macédoine et qui a perdu Clémentine. Ne faisant ni une ni deux, les trois enfants décident
de mettre à l’abri la petite fille et de partir la nuit même à la
recherche de Clémentine. Ils associent à leur projet deux garçons qui voudront les suivre. De son côté, un policier entend
mal ce qu’on lui dit au téléphone et part aussi à la recherche
de la petite fille tandis que son fils, qui a tout écouté, part également pour la gloire de la découverte. Un autre larron
encore erre dans la forêt avec sa voiture qui fonctionne mal,
à la recherche de la maison de son ami peintre de champignons.
Tout ce petit monde se croise dans la nuit sans se voir, un orage complique tout et la peur gagne les
enfants, chacun de leur côté. Les parcours de chacun sont bien agencés et reliés les uns aux autres,
comme le devine le lecteur : un tour de force narratif qui révèle une belle surprise à la fin.
PISTES DE LECTURE
• Les champignons forestiers dans les pays de l’est de l’Europe sont un complément alimentaire important, d’où leur place dans ce roman. Rechercher les noms de quelques champignons, toxiques et
non toxiques, et dessiner leurs particularités.
• Le titre polonais du roman : Klementyna lubi kolor czerwony, est-il compréhensible pour quelqu’un
qui ne connaît pas la langue ? Les noms propres du roman ont sans aucun doute été fidèlement traduits
pour respecter l’idée d’origine. Que penser de Gradouble, Bipe, Gribouille, Moustache, Procope ? À
propos de ce dernier nom, il est intéressant de faire une recherche précise.
• Décrire une expérience personnelle de malentendu et ses conséquences.
3
L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Duo pour une enquête
Agnès Laroche, Jean-Luc Serrano
Rageot/Heure noire, 2014 - 6,90€
Quel meilleur moyen pour fréquenter une jeune adolescente
réservée, uniquement préoccupée de musique, que d’étudier
avec le même professeur ? Mais il ne suffit pas d’avoir un
professeur de piano en commun. Il faut qu’il arrive quelque
chose à ce professeur et que Léonard parvienne à convaincre
l’élue de son cœur, Violette, qu’ils doivent s’associer pour dévoiler le mystère de l’attaque et du vol dont M. Winkler vient
d’être victime.
Un autre personnage surgit dans l’histoire, Marie, la femme
qui retourne à l’expéditeur toutes les lettres que M. Winkler
lui envoie. L’histoire du vol se double alors d’une ancienne
histoire d’amour entre les deux adultes, à laquelle les deux
adolescents font un modeste écho. D’abord suspectée par
les deux enfants, Marie va se joindre au duo pour les aider à
élucider ce qui s’est passé.
Ce qu’elle leur raconte d’abord au sujet du violon qui a été
dérobé à M. Winkler montre la part d’ombre qui peut exister en chacun. Les rebondissements, comme il se doit, sont
nombreux et efficaces, et l’on se doute que l’équilibre un
moment rompu va revenir, comme en une belle résolution
musicale.
PISTES DE LECTURE
• Rechercher les raisons pour lesquelles un violon peut être un objet très convoité. Qui ont été les plus
grands luthiers et d’où viennent-ils ?
• Comment l’auteur entretient-il le suspense ? Quelles sont les diverses pistes qui peu à peu se modifient ?
• Mozart est le seul musicien mentionné dans le roman. Rechercher plusieurs raisons à cela (en dehors du violon, qui est dit, fictivement, avoir appartenu au musicien).
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L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Chat par-ci. Chat par-là
Stéphane Servant
Rouergue, 2014 - 7€
Ce n’est pas le chat qui est au cœur de ces deux textes délicieux. Le magnifique entremetteur qu’il devient par la force des
choses – Lundi dans la première histoire, Lunes dans l’autre –
sert à lier des solitudes et à y faire entrer de nouveaux personnages qui ne s’y attendaient guère. Lorette, la vieille dame de
la première histoire, est pleine de hargne contre ses proches
et contre les chats. Elle déteste tout ce qui bouge autour d’elle,
d’autant qu’elle est clouée chez elle avec une jambe cassée ;
elle prononce bien des phrases chargées de ce venin qui sont
parfois le seul rempart des vieilles personnes contre le désespoir de la solitude.
Le jeune garçon timide de la seconde, Sofiane, est aussi cloué
chez lui avec une jambe cassée. Le même événement, le vélo
de Sofiane heurtant la vieille dame, est interprété différemment
dans les deux histoires. Le chat, arrivé un lundi chez Lorette
comme chez Sofiane, va porter des messages, sur fond d’un
incroyable malentendu : Lorette pense que les messages sont
écrits par un vieux monsieur, Sofiane croit que les messages
lui sont adressés par la petite fille qui joue à côté.
Chaque histoire repose sur cette erreur et, avec sa cohérence
propre, est menée à sa fin logique sans que les deux protagonistes se rencontrent jamais. Cette charmante prouesse pleine
de tendresse ira droit au cœur des lecteurs.
PISTES DE LECTURE
• Les jours de la semaine en français et en espagnol : l’occasion est rêvée de comprendre l’origine des
noms des jours en latin et de voir comment ils se sont transmis dans ces deux langues romanes que
sont le français et l’espagnol (voir l’excellente page de wikipédia à cet égard).
• Corriger toutes les fautes d’orthographe de la vieille dame et retrouver la phrase qui en justifie l’existence.
• Les deux romans mettent en scène deux solitudes, très différentes. L’une est-elle plus sympathique
que l’autre ? Comment peut-on justifier la méchanceté de la vieille dame ?
Les Roma
5
L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Les Albums
Toile de Dragon
Muriel Zürcher, Qu Lan
Picquier Jeunesse, 2014 - 13,50€
Un vieux mendiant tend à Thong-li un nécessaire à encre
en échange d’un joli poisson bleu. Thong-Li dessinait
jusque-là dans la poussière, il va pouvoir enfin fixer ses
dessins. Mais sur quoi ? Le papier lui manque. Il décide
de peindre un dragon sur une toile d’araignée : l’animal
le plus puissant sur la toile la plus délicate. La rumeur de
son talent gagne les oreilles de l’empereur. Celui-ci fait
venir le jeune garçon et lui ordonne de peindre des dragons sur toutes les toiles d’araignée du palais.
À chaque dragon exécuté, l’exigence de l’empereur se
fait plus vive, Thong-Li doit peindre de façon toujours plus
lumineuse et belle. Arrivé à la dernière pièce du palais
(s’il échoue il aura la tête coupée), il s’en tire par une
belle pirouette, qui ne convainc pas l’empereur. Toutefois, le garçon et l’empereur vont voir dans le jardin la
supériorité de la beauté naturelle, et tout à son désir de
possession, l’empereur, exigeant d’avoir dans son palais
la rosée du matin, libère Thong-Li.
Le garçon repart, joyeux, vers sa vie simple et libre, faisant siennes les paroles du vieux mendiant qui
lui avait conseillé de ne jamais tracer les limites de sa liberté. Quelques-unes des très belles illustrations
de Qu Lan figurent sur le site de l’illustrateur.
PISTES DE LECTURE
• Le dragon : cette créature légendaire présente dans les représentations de nombreuses cultures
a-t-elle un fondement réel ?
• Quel célèbre tableau de Raphaël dépeint un dragon ? Ce dragon a-t-il quelque chose de commun
avec ceux que dessine Thong-Li ?
• Rechercher d’autres contes où la générosité du héros apporte des effets positifs. Dans le cas de ce
conte, les effets sont-ils à ce point positifs ? Quelle est alors la leçon du conte ?
6
L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Le Pilote et le Petit Prince
Peter Sis, traduit de l’anglais par Camille Paul
Grasset Jeunesse, 2014 - 15,90€
Soixante-dix ans après la disparition de Saint-Exupéry, abattu
en plein vol, Peter Sis rend un bel hommage poétique au pilote
et à l’auteur du Petit Prince. Son imaginaire raffiné trouve les effets plastiques les plus délicats pour nous faire pénétrer dans le
monde de l’auteur du Petit Prince : il prend à la lettre ce que disait l’écrivain, que ses pensées les plus claires lui venaient lorsqu’il était dans les airs, et s’attache à rendre cela par son dessin
subtil. Mais il dessine aussi sa vie à sa façon pointilliste merveilleusement suggestive, tel ce petit dessin de la sœur d’Antoine
qui meurt en 1926, apparition blanche sur un fin paysage.
L’album ne se lit pas nécessairement dans sa continuité. Il est
à l’image du trait : de courtes évocations des événements principaux que ce trait et l’imagination de l’auteur prolongent. Il est
ainsi plus aisé de s’attarder sur telle ou telle image pour comprendre un aspect de la vie racontée. On sent que Peter Sis, qui
dit avoir été marqué à jamais par Le Petit Prince, a cherché des
mots et des traits au plus près de sa propre vision de Saint-Exupéry. Il semble inventer un nouveau genre biographique, restituant les images intimes qu’il peut avoir de l’homme, mêlées de
l’univers propre de l’auteur du Petit Prince.
PISTES DE LECTURE
• Méliès et le cinéma - Saint-Exupéry avait douze ans lorsque Méliès produit À la conquête du Pôle.
Le cinéma a-t-il pu jouer un rôle dans la vocation de l’écrivain ? Peter Sis semble le dire : rechercher
l’allusion dans les illustrations.
• Quelles sont les autres raisons qui peuvent déclencher une vocation ? Le texte en donne une clé.
• L’expérience du désert : comment Peter Sis rend-il compte de cette expérience, si cruciale chez
Saint-Exupéry ?
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L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
Le Pantin noir
S. Corinna Bille, Hannes Binder
La Joie de Lire, 2014 - 19 €
Avant de faire lire ce beau texte, il conviendra de donner
quelques éléments biographiques de l’auteur, née en 1912.
Sans cette connaissance d’une enfance passée avant la Seconde guerre mondiale, certains traits seraient peu compréhensibles. Par petites touches et événements graves ou minuscules, l’auteur parle de la sortie de l’enfance, de la conquête de
soi et de l’adhésion au monde qui s’ensuit. La famille Alvaine
est paisible. Pourtant, au sein de cette sérénité familiale, la petite Luce exprime l’insatisfaction caractéristique de son âge, en
transition vers l’adolescence. Sa mère disparaît et rien n’est dit
des deux années durant lesquelles le deuil s’accomplit. C’est à
ce moment-là que surgit le Pantin Noir, Serge, personnage réel
et fantastique, montreur de marionnettes mais aussi peintre.
L’homme se matérialise à tout moment, et devient l’obsession
de la fillette, ou plutôt le centre d’un attachement qui vient remplacer celui qu’elle éprouvait pour la mère défunte.
À la fin du récit, lorsque le peintre se fiance – et l’on comprend
qu’il aime une jeune fille que le père de Luce a un moment
hébergée dans son grenier – Luce et son jeune voisin se retrouvent au milieu de cette famille. Luce
comprend alors que le temps de l’enfance s’en est allé, et que s’ouvre l’avenir. La présence du Valais,
de ses montagnes, de ses fleurs et de ses bêtes est poétiquement évoquée, et le travail de Hannes
Binder la prolonge avec bonheur.
PISTES DE LECTURE
• Au cours de la lecture, relever les notations qui permettent de dater le texte.
• La maison hantée et la famille Mariquotte. Une famille dans un village ou une petite ville est parfois
mise au ban de la communauté pour des raisons liées à ses origines ou à son excentricité. Comment la
communauté justifie-t-elle cette mise au ban ?
• Comment les cartes à gratter de H. Binder renforcent-elles le caractère parfois fantastique du texte ?
8
L’école aujourd’hui / Prix des lecteurs 2014 / Cycle 3
La Belle et la Bête
Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, David Sala
Casterman, 2014 - 18,50€
Le cinéma, et Jean Cocteau avant Disney, a
popularisé l’œuvre de Madame Leprince de
Beaumont, mais peu d’enfants en ont lu la version originale et intégrale. Cet album aux splendides illustrations de D. Sala permet de réparer
le manque. On connaît bien le conte, qui reprend
le thème indo-européen du mariage d’un humain
avec une bête (Aarne & Thompson n° 425).
On sait combien la parole, qui qualifie et pare
l’autre de vertus, est importante, ce que le conte
nous révèle. En dépit d’une écriture que les enfants pourront juger surannée, mais justement appréciable à ce titre, il s’attache à des valeurs qui
sont toujours nôtres et qu’il convient de défendre :
l’autre n’est l’absolu étranger que parce qu’aucune parole ne l’invite dans la communauté des
semblables, communauté où la bonté contribue à
la force des liens.
Liés à la parole et à ses effets, l’horreur du mensonge est l’une des caractéristiques de la Belle qui ne
cherche pas à mentir pour sauver sa vie. Ainsi le conte repose-t-il sur l’exercice de la parole vraie. Cette
piste de réflexion, plus que les oppositions beauté/laideur, vertu/vice, permet une autre lecture, et un
approfondissement de la notion de parole qui relie, contre celle, propagande ou mensonge, qui désunit.
PISTES DE LECTURE
• Le père est marchand, la Bête est un prince. Comment la différence sociale est-elle exploitée par
l’auteur ?
• L’importance de la parole. Que disent les habitants à propos de la Belle ?
• La peinture des Nabis : p. 9, une illustration des trois jeunes filles dans la forêt peut faire penser à
une citation de Maurice Denis. Rechercher de quelle œuvre il s’agit.
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