Les techniques de dosage en Endocrinologie

Journée Nationale du DES d’endocrinologie-Diabète
et Maladies Métaboliques
Les techniques de dosage
en Endocrinologie
Michèle d’Herbomez, Rémy Sapin
Michèle d’Herbomez,
Département de Médecine
nucléaire,
Hôpital Salengro CHRU,
59037 Lille Cedex
Rémy Sapin,
Institut de Physique biologique,
1 Place de l’Hôpital,
67091 Strasbourg Cedex
E-mail : [email protected]
Correspondance :
Michèle d’Herbomez,
Département de Médecine
nucléaire,
Hôpital Salengro CHRU,
59037 Lille Cedex
Tél. : 03 20 44 64 18
Fax : 03 20 44 65 66
E-mail : [email protected]
Mots-clés :
immunoanalyse,
chromatographie,
spectrométrie de masse,
pré-analytique,
interférences
D
epuis les années 1960 les dosages
hormonaux immunologiques ont révolutionné l’endocrinologie prouvant
ainsi leur extrême complémentarité
avec la clinique. Ils assoient ou réfutent un diagnostic cliniquement évoqué. Ils quantifient le
degré de dysfonction et participent à la définition du pronostic, au choix de la thérapeutique
et à son adaptation. Ils optimisent les possibilités de surveillance. Différentes techniques
sont utilisées : ce sont majoritairement les techniques d’immunoanalyse, mais aussi de chromatographie, de spectrométrie de masse et
maintenant de génétique pour certaines pathologies familiales. Nous ne traiterons pas de cette
dernière approche [1].
Importance du prélèvement [2, 3]
La qualité du dosage dépend de la qualité
de l’échantillon adressé au laboratoire. La prescription par le médecin d’un acte biologique
déclenche toute une série de démarches faisant intervenir de nombreux participants :
médecin prescripteur, patient, infirmier assurant le prélèvement, technicien de laboratoire,
biologiste. Ce processus apparaît comme étant
simple quand tout se déroule bien mais complexe quand un problème se pose (Figure.1) En
effet, de nombreuses sources d’erreurs sont
possibles que ce soit à la phase pré-analytique
(prélèvement inadapté, identification fausse,
mauvais acheminement) ou à la phase analytique (erreur humaine ou analytique) ou à la
phase post-analytique (erreur de transcription,
de transmission du résultat) (Figure 2). Les progrès de l’automatisation couplés à ceux de l’in✶o❍IGM❘I ✬PM❘MI endocrinologie & diabète • ❘✖✚✏✳❊❘MI✯oMI✖✔✔✛
Prescripteur
Préleveur
Patient
Biologiste
Technicien
Figure 1. Complexité du processus pré-analytique en tenant
compte des différents intervenants.
formatique ont diminué les risques d’erreurs
de la phase analytique. A ce jour on admet environ 0,5 % d’erreurs qui se répartissent comme
suit : 68% en phase pré-analytique, 13% en
analytique et 19 % en post-analytique. C’est
dire qu’aujourd’hui l’attention des biologistes
se porte essentiellement sur la phase pré-analytique. Des démarches de qualité sont entreprises afin d’uniformiser les pratiques, de responsabiliser chaque acteur, et d’assurer la
traçabilité. Elles sont basées sur la compétence
et l’élaboration de guides (guide des analyses
biologiques, guide des prélèvements, guide de
bonne exécution des analyses (GBEA)).
Il est primordial de respecter les consignes
en ce qui concerne le type, le volume, l’heure
du prélèvement, la préparation du patient et les
conditions d’acheminement. Voici quelques
exemples d’erreurs possibles et de leurs conséquences. La majorité des immunodosages se
font sur sérum mais certaines explorations
nécessitent des conditions particulières de prélèvement : sur aprotinine pour le glucagon qui
empêchera la dégradation de l’hormone par des
1
Question
clinique
Réponse
biologique
Compte-rendu
Prélèvement et formulaire
de demande
Interprétation
Acheminement
vers le laboratoire
Recueuil
des données
Réception et
identification
Analyse
Contrôle
de qualité
Figure 2. Circuit schématique des échantillons
A
B
enzymes du sérum. La concentration de
parathormone (PTH) dosée dans un prélèvement sur EDTA pourra être, selon
les méthodes de dosages, supérieure
de 10 à 20 % à celle mesurée sur
sérum. Dans quelques cas, comme pour
l’insuline et la NSE (neuron specific
enolase) une hémolyse même légère
peut être une cause de rejet de l’échantillon.
L’heure du prélèvement est importante pour les hormones possédant un
rythme circadien. Il est bien connu que
pour un dosage sérique de cortisol le
prélèvement sera effectué le matin,
pour un dosage de TSH ou de prolactine
[4] il peut être réalisé pendant les heures
de consultations d’un service clinique
car le pic maximal de sécrétion se situe
la nuit. Un prélèvement inadéquate
pourra faire varier le résultat d’un facteur deux (le CTX sérique : marqueur de
la résorption osseuse) ou plus en particulier pour les hormones dont la sécrétion est pulsatile (l’hormone de croissance hGH).
Le patient sera de préférence à jeun
car une prise alimentaire pourra modifier les taux d’insuline, de gastrine, de
calcitonine. La notion de position assise
ou debout du patient est essentielle
pour l’exploration du système réninealdostérone-angiotensine.
Le prélèvement correctement réalisé, accompagné d’un formulaire de
demande, doit être acheminé dans les
meilleurs délais et conditions vers le
laboratoire. Certaines molécules fragiles
nécessitent le transport dans de la glace
(l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH),
l’ostéocalcine) pour éviter les phénomènes de dégradation de la molécule
qui entraîneraient une minoration du
résultat.
Ag
Techniques
d’immunoanalyse [1, 5]
Ac
liant
Ac
marqué
Figure 3. A Dosage par compétition : principe.
B Dosage immunométrique : principe.
2
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C’est en 1959 que Yalow et Berson
ont proposé le principe révolutionnaire
d’un dosage immunologique dans lequel
un anticorps (Ac) repère et capture une
substance à doser reconnue comme
antigène (Ag) selon la réaction :
Ag + Ac
Ac-Ag.
L’Ag peut être libre ou lié à des protéines. Ce principe de dosage a ouvert
de nombreuses perspectives en particuliers en endocrinologie car il a permis
de mesurer des substances hormonales
en faibles concentrations non dosables
par les méthodes biochimiques classiques de l’époque. Il devenait possible
de mesurer des substances à des
concentrations comprises entre le millionième de g et le picog (10-12g) par millilitre.
Deux grands types d’immunodosages existent : les dosages par
compétition qui sont de plus en plus
remplacés par les dosages immunométriques généralement automatisés. Sur
le tableau 1 sont reportées les principales
caractéristiques de ces méthodes, sur
la figure 3 (A et B) les deux principes de
dosages sont schématisés. Tous ces
dosages sont relatifs c’est à dire qu’ils
se référent à une gamme étalon. Nous
allons successivement détailler les différents composants des dosages en précisant les particularités qui permettent
d’expliquer certaines différences observées dans les résultats rendus. Seront
envisagés :
– Les types de dosages
– La spécificité des anticorps
– Les traceurs
– L’étalonnage
Tableau 1. Caractéristiques des dosages immunologiques.
Dosages
Compétition
Immunométriques
Anticorps
Nombre
Type
un
polyclonal
deux ou plus
monoclonal
Ou association polyclonal et mono
Traceurs
I125- H3
Enzymatique
Luminescent
I125 ,
Enzymatique
Luminescent
Sensibilité
+
+++
Spécificité
+
+++
Avantage
Molécules de basse
Masse molaire
Interférences
Majoration
ficité différente dont l’un est marqué
par un traceur. La quantité d’hormone
est proportionnelle à la quantité de traceur mesurée.
Les dosages par compétition sont,
en général, moins sensibles et moins
spécifiques que les dosages immunométriques. Ils restent cependant intéressants et les seuls possibles pour les
petites molécules qui ne peuvent être
reconnues que par un seul anticorps
(hormones thyroïdiennes et stéroïdes).
Types de dosages
Spécificité des anticorps
Les dosages par compétition utilisent une faible quantité d’anticorps
généralement polyclonal. Ils se déroulent en excès d’antigène. L’hormone à
doser entre en compétition avec l’hormone marquée (par l’iode 125 ou le tritium de moins en moins utilisé ou un
marqueur non isotopique) vis à vis de
l’anticorps. Les complexes formés sont
isolés et l’émission des signaux émis
détectée. La concentration d’hormone
dosée est inversement proportionnelle
au signal mesuré.
Les anticorps monoclonaux peuvent
être fabriqués en grandes quantités
depuis 1983. Ils ont permis le développement des dosages immunométriques
(IMA) en excès d’anticorps dits sandwich. La molécule à doser est reconnue
par au moins deux anticorps de spéci-
La spécificité des anticorps n’est
pas toujours absolue. Les dosages compétitifs sont le plus souvent concernés
par ces défauts de spécificité. Des hormones de structures très proches, des
médicaments, des métabolites, des
conjugués hydrosolubles peuvent présenter une réactivité croisée avec l’anticorps du dosage et être responsables
d’une élévation du résultat (Tableau 1).
Les dosages des stéroïdes par des
méthodes directes sans extraction préalable sont le plus souvent concernés.
La mesure des faibles concentrations,
comme celles de la testostérone chez
les femmes et les enfants ou de l’estradiol chez l’homme est particulièrement problématique. Des études
récentes ont montré que le dosage de
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Minoration
Majoration
PTH de deuxième génération dite PTH
intacte reconnaissait bien le fragment
1-84 de la PTH mais aussi un autre fragment dit “ non 1-84 PTH ” dont la forme
majoritaire serait 7-84. Des dosages de
troisième génération spécifiques 1-84
ont été mis au point. Ils n’ont pas montré de supériorité clinique à ce jour en
particulier pour le diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire [6]. Certaines hormones existent sous forme peu ou pas
actives qui peuvent interférer dans le
dosage de la forme mature active. C’est
ainsi que la présence de bigbigprolactine peut conduire à un diagnostic
erroné d’hyperprolactinémie [7]
A l’inverse des dosages immunométriques avec deux anticorps monoclonaux peuvent présenter un excès de
spécificité par rapport au but recherché.
Le résultat d’un dosage spécifique d’insuline, sans réaction croisée avec la
proinsuline, peut être trompeur quand
il est utilisé pour diagnostiquer un insulinome sécrétant préférentiellement des
précurseurs de l’insuline. Il en est de
même d’un dosage spécifique d’ACTH
ne reconnaissant pas la pro-opiomélanocortine utilisé dans l’exploration de
sécrétions tumorales. Enfin l’incapacité
de certains dosages à reconnaître des
variants de l’hCG peut nuire à la détection de certaines maladies trophoblastiques.
3
Les traceurs
Les principaux traceurs utilisés sont
radioactifs, enzymatiques ou luminescents. C’est l’iode125 qui a été le premier
utilisé dans les dosages par compétition
(RIA) comme immunométriques (IRMA).
La lourdeur de la législation des isotopes, la gestion contraignante des
déchets, la demi-vie courte de l’I125, la
multiplication des applications ont favorisé le développement des marqueurs
non isotopiques. L’iode reste un des
marqueurs des dosages par compétition encore en cours. Les traceurs enzymatiques (dosages IEMA) les plus utilisés sont la phosphatase alcaline, la
peroxydase. Elles catalysent une réaction colorée ou luminescente. Il existe
certains pièges comme l’utilisation
d’EDTA qui peut inhiber l’action de la
phosphatase alcaline, ou la présence de
bilirubine ou d’hémoglobine dans les
sérums ictériques ou hémolysés peuvent interférer dans ces dosages. Les
marqueurs luminescents émettent des
signaux provoqués par opposition aux
traceurs radioactifs qui émettent un
signal direct spontané. Si l’énergie d’excitation est la lumière les signaux mesurés relèveront de la fluorescence ou de
la phosphorescence. Si l’énergie provient d’une réaction chimique les
signaux relèveront de la chimiluminescence. Les principaux traceurs luminescents sont le luminol et ses dérivés
ainsi que les esters d’acridinium (chimiluminescence) et les chelates d’europium (fluorescence) (dosages ILMA,
IFMA).
Les marqueurs luminescents et
enzymatiques sont accessibles à tous
les biologistes et offrent de longues validités des réactifs (environ un an). Des
systèmes d’amplification des signaux
lumineux de plus en plus performants
ont permis d’augmenter la sensibilité
des dosages.
L’étalonnage
Les étalons utilisés sont des étalons
internationaux de type WHO. Ils sont
remplacés de plus en plus par les étalons recombinants. L’idéal est que ces
étalons soient réalisés en sérum humain
4
car des valeurs différentes peuvent être
trouvées si cet étalon est placé dans un
autre milieu. Le meilleur exemple est
celui de l’hormone de croissance. De
grandes disparités dans les résultats rendus avaient été signalées par le groupe
de travail de la Société Française de Biologie Clinique [8]. Etant donné l’impact
clinique possible d’un résultat erroné
(traitement ou non du déficit en GH
recombinante en fonction d’un seuil
unique fixé quelque soit la technique utilisée) un rapport de l’Afssaps [9] vient
d’être publié qui recommande une standardisation contre le standard de GH
recombinante 98/574, un rendu des
résultats en mU/l, l’utilisation de sérum
humain sans GH pour la calibration et
des prélèvements réalisés sur tubes
secs. Ces mesures devraient amener
dans l’avenir une meilleure harmonisation des résultats fournis.
Le dosage de thyroglobuline, marqueur des cancers différenciés de la
glande thyroïde, présentait aussi des
variations inter-dosages importantes
pouvant atteindre 57%. C’est pour cela
qu’il est recommandé dans le suivi de
ces patients de ne pas changer de laboratoire ou plus exactement de méthode.
Une nouvelle standardisation avec le
standard CRM 457 a été effectuée. Elle
réduit les variations inter-méthodes à
35 %. Les variations restantes s’expliquent par les différences de spécificités
des anticorps [10]. La thyroglobuline
étant une molécule de haut poids moléculaire qui présente environ une cinquantaine d’antigènes potentiels et une
douzaine de sites épitopiques.
Interférences [11-13]
Effet crochet
L’effet crochet concerne les dosages
immunométriques (le plus souvent en
une étape). Il est dû à un excès d’antigène qui, en saturant les sites de liaisons des anticorps de capture et des
anticorps marqués, diminue le nombre
de sandwiches formés et a pour conséquence un faux abaissement du résultat. Les dosages les plus vulnérables
sont ceux pour lesquels la concentration
de l’analyte peut s’étendre sur plusieurs
ordres de grandeurs : les marqueurs
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tumoraux y compris la Tg et la calcitonine mais aussi la prolactine, l’HCG, la
ferritine [14, 15]. Ce piège est devenu
rare mais des cas isolés sont toujours
rapportés. La transmission de renseignements cliniques (tumeur à un stade
avancé, macroadénome…) peut être
utile au biologiste pour anticiper cette
difficulté. Ainsi prévenu il réalisera une
dilution de l’échantillon, seule parade
efficace contre ce piège.
Interférences d’anticorps
Anticorps anti-analyte
Spontanément, parfois en relation
avec une pathologie autoimmune, ou
bien à la suite d’un traitement, des
autoanticorps dirigés contre l’analyte
peuvent être présents dans le sérum.
L’analyte est alors présent sous forme
libre et sous forme liée aux anticorps.
Avec un dosage compétitif l’interférence est le plus souvent positive. C’est
ainsi que des autoanticorps anti-T4 ou
anti-T3 peuvent être responsables de
fausses élévations de T4 libre ou T3 libre
dosée par des méthodes en une étape.
Quand la T4 libre est élevée sans abaissement de la TSH, la présence d’antiT4, voire d’anti-T3 avec certaines
méthodes, doit être exclue avant d’envisager une résistance aux hormones
thyroïdiennes ou une sécrétion inappropriée de TSH.
Un dosage immunométrique non
compétitif reconnaît l’analyte libre mais
aussi, pour une partie au moins, l’analyte liée. Le résultat du dosage est en
général intermédiaire entre la concentration de l’analyte libre et celle de l’analyte total (libre + lié). On parle d’interférence négative quand le résultat attendu,
car cliniquement intéressant, est celui
de l’analyte total : par exemple pour le
dosage d’un marqueur tumoral comme
la Tg dans lequel la présence d’anticorps
anti-Tg peut être à l’origine d’une sousestimation du résultat. S’il est inférieur
à la sensibilité fonctionnelle du dosage,
le résultat de Tg est totalement invalidé
par la présence d’anticorps anti-Tg. A
l’inverse on parle d’interférence positive
quand le résultat attendu est celui de la
fraction libre, biologiquement active :
dosage d’insuline en présence d’anti-
Tableau 2. Défaut de spécificité des immunodosages :
exemples de réactions croisées fréquemment observées.
Dosage
T3
Molécule
interférente
11 désoxycortisol
Prednisone, Prednisolon,
Méthyl prednisolone
Cortisol
urinaire
Conjuguès hydrosolubles
6-béta hydroxycortisol
20 alpha dihydrocortisol
Estradiol
Composés hydrosolubles
Estriol non conjugué
Dihydrotestostérone
17 OH
Progestérone
Aldostérone
Progestérone
Parade
Acide Triiodothyroacétique
Cortisol
Testostérone
Circonstance
particulière
Test à la métopirone
Extraction
HPLC
HPLC
Extraction
Grossesse
Dihydrotestostérone
Chromatographie
Testostérone
Chromatographie
Sulfate de
17 OH pregnenolone
Nouveau-né
Extraction
Glucuronide de
tétrahydroaldostérone
IRC
Extraction
Métabolites
Progestérone
micronisée
HGH
Dimères
Ac + spécifiques
PRL
Formes précurseurs
PEG
Troponine
Formes non matures
PEG
Fragments
Ac + spécifiques
PTH intacte
TSH
HCG
Grossesse
Attendre
HCG
Fragments
Pathologie
trophoblastique
Ac + spécifiques
Procalcitonine (PCT)
Sepsis
Attendre
Calcitonine (CT)
corps anti-insuline et dosage de prolactine en présence d’anticorps anti-prolactine (les complexes prolactine-anticorps sont la forme la plus courante de
macroprolactine). Une précipitation des
immuncomplexes par le polyéthylène
glycol peut alors être utilisée pour doser
dans le surnageant l’insuline libre ou la
prolactine monomérique. Exceptionnellement ont été rapportées les interférences d’anticorps anti-LH (macro-LH)
, anti-FSH (macro-FSH), anti-TSH, antiPTH, anti-GH.
En pratique ces interférences justifient de rechercher systématiquement
les anticorps anti-Tg pour le dosage de
Tg ou les anticorps anti-insuline pour le
dosage d’insuline chez un diabétique
traité à l’insuline [16] et de doser la prolactine monomérique en cas d’hyperprolactinémie. [17].
Anticorps dirigés contre les anticorps
du dosage [18, 19]
Il peut s’agir d’anticorps hétérophiles
de faible affinité, facteurs rhumatoïdes
y compris. Ces anticorps sont naturellement présents chez environ 30% des
sujets. Ils sont parfois associés à des
pathologies autoimmunes et ont une
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faible spécificité. Il peut s’agir aussi d’anticorps anti-animal de plus forte affinité
produits en réponse à une immunisation
contre des immunoglobulines animales.
Les plus fréquents sont les HAMA
(Human Anti-Mouse Antibodies) retrouvés dans le sérum de patients ayant
reçu des immunoglobulines de souris
dans un but diagnostique ou thérapeutique.
Les interférences négatives sont
rares. Plus fréquentes sont les interférences positives qui, si elles sont possibles avec un dosage compétitif (l’anticorps interférent bloque la réactivité
de l’anticorps du dosage), concernent
surtout les dosages non compétitifs. Les
anticorps interférents forment alors un
pont entre l’anticorps de capture et l’anticorps marqué comme le fait normalement l’antigène.
Ce problème est bien connu et les
fabricants ont inclus dans les réactifs de
dosage des immunoglobulines animales
et d’autres additifs spécifiques pour neutraliser ces anticorps interférents.
Cependant l’efficacité de ces agents
n’est pas toujours totale. Les interférences d’IgM et d’anticorps anti-idiotype
restent plus difficiles à maîtriser. Ces
interférences ont été décrites assez
régulièrement pour des dosages d’hcG
avec une méthode de dosage particulière et plus exceptionnellement pour
des dosages de TSH, Tg, prolactine, calcitonine mais aussi de ferritine et troponine I.
Mise en évidence
Quand une interférence d’anticorps
est suspectée, en première intention,
après contrôle du résultat avec la même
technique, on dose l’analyte avec une
autre technique. Parfois, mais rarement,
on dispose d’une technique pas ou peu
sensible aux interférences : dosage
radioimmunologique en deux étapes
insensible aux anticorps anti-hormones
thyroïdiennes, dosage de prolactine
moins sensible à la macroprolactine.
Plus généralement on s’assure que le
deuxième dosage utilise des anticorps
différents du premier. Les anticorps antianalyte peuvent être recherchés directement : anti-Tg, anti-insuline, anti-T4,
5
anti-T3…Les anticorps hétérophiles peuvent parfois être neutralisés, au moins
en partie, en ajoutant au sérum un excès
d’immunoglobulines animales ou un
réactif spécifique tel que le réactif HBR
de Scantibodies.
D’autres moyens peuvent aider à la
mise en évidence de ces interférences :
analyse de la cohérence des résultats
obtenus après dilution, précipitation des
immuncomplexes au PEG, adsorption
des immunogloblines du sérum à l’aide
de d’anti-immunoglobulines humaines,
de protéine A, protéine G.
Techniques de chromatographie
et de spectrométrie de masse
Les chromatographies
Il existe deux applications principales
aux techniques de chromatographie :
l’isolement et/ou la purification de certaines hormones avant dosage et le
dosage de certains composés à propriétés physicochimiques particulières
(dosage des catécholamines et de leurs
dérivés les métanéphrines urinaires
et/ou plasmatiques)
La chromatographie est une technique de séparation basée sur la migration différentielle de molécules se répartissant entre deux phases l’une mobile
et l’autre stationnaire. On distingue différents types de chromatographie en
fonction de la géométrie du support
(colonne pour la chromatographie liquide
haute pression HPLC, plane pour les
chromatographies couche mince CCM),
de l’état de la phase mobile (liquide ou
gaz) et de la nature de la phase stationnaire (solide, liquide, résine échangeuse d’ions, gel polymérique). Les
avantages sont que ces systèmes de
chromatographie sont des systèmes
ouverts qui permettent de doser plusieurs molécules en même temps. Les
inconvénients résident dans la phase
d’extraction, dans le fait que ces
méthodes sont moins automatisées
et offrent des débits et des sensibilités
inférieurs à ceux des immunodosages.
Leur spécificité est variable. Elles sont
peu adaptées pour les dosages d’urgence.
6
La spectrométrie de masse (SM)
Ce résultat est-il normal ?
C’est une méthode d’analyse structurale pour composés en phase
gazeuse. Elle permet l’obtention d’empreintes moléculaires par le rapport
masse/charge de chacun des composés d’un mélange. Dans une enceinte
soumise à un vide poussé, les particules
chargées se déplacent sous l’influence
de champs électrique et/ou magnétique.
Les appareillages de chromatographie gazeuse (CG) ou HPLC couplés à
la spectrométrie de masse servent de
méthodes de référence car ils présentent une spécificité très élevée. Se sont
développés des systèmes de chromatographie HPLC couplés à deux MS en
tandem. Ces méthodes sensibles et
spécifiques permettent de doser simplement des composés de faible poids
moléculaire (<20-30 kDa) comme l’estradiol, l’estrone, la testostérone, la
17OHprogestérone et le cortisol [20].
Elles nécessitent cependant l’achat d’un
appareillage coûteux et sophistiqué
réservé actuellement à des laboratoires
spécialisés. Ces techniques apparaissent plus comme complémentaires
qu’alternatives des immunodosages.
Les résultats sont rendus avec des
domaines de référence établis avec un
intervalle de confiance de 95%. Ce qui
veut dire que 5% de sujets normaux
pour ce paramètre se situeront à l’extérieur de cette fourchette. Certains facteurs peuvent influencer l’interprétation.
Se sont le sexe, l’âge, la grossesse, l’insuffisance rénale, le cycle menstruel, la
ménopause. Des normes spécifiques
devraient être proposées par le laboratoire quand ces situations sont connues.
Plate-forme protéomique SELDI-TOF
(surfaced-enhanced laser desorption/ionization – time of flight) [21, 22]
Elle permet d’établir des profiles
d’expression protéique de certaines
tumeurs en complément de l’analyse
génomique. Cette méthode sensible à
haut débit potentiel d’analyse (800/j) se
déroule en trois étapes : la chromatographie, la spectrométrie de masse et
les traitements informatique et statistique. De nombreuses améliorations portant essentiellement sur la reproductibilté sont nécessaires avant
l’implantation de telles plates-formes en
routine hospitalière.
Résultats et leur interprétation
La majorité des résultats rendus sont
des chiffres. Les méthodes semi-quantitatives étant de moins en moins utilisées.
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Ce résultat est-il significativement
différent du précédent ?
Le résultat d’une analyse a des variations analytiques et des variations biologiques. Les variations analytiques sont
beaucoup plus faibles que les variations
biologiques. Dans l’exploration biologique de la glande thyroïde des recommandations de la société américaine
ATA précisent que sont considérées
comme significatives des variations
de 6 pmol/l pour la T4 libre, 0,75 mUI/l
pour la TSH et 1,5 ng/ml pour la thyroglobuline. Des données de ce type
devraient être généralisées pour une
meilleure interprétation.
Le résultat est-il compatible
avec la clinique ?
Certains tests, même s’ils ne sont
pas réalisés dans le même laboratoire
doivent être interprétés ensemble. Les
progrès des systèmes informatiques
permettent de plus en plus de le faire,
C’est aini pour les glycémies et les insulinémies lors d’une HPO, des calcémies
et dosages de PTH pour le diagnostic de
l’hyperparathyroîdie, des dosages de
TSH, de thyroglobuline et d’anticorps
antithyroglobuline lors du suivi des
patients atteints de cancer différencié
de la thyroïde.
Importance du dialogue
clinicien biologiste
Afin de déjouer ces pièges le biologiste peut parfois mettre en place des
stratégies systématiques pour la Tg
(recherche d’anti-Tg) et la prolactine
(dosage de prolactine monomérique
encas d’hyperprolactinémie) par
exemple. Dans d’autres cas ce sont des
renseignements cliniques qui l’inciteront à prendre des dispositions adéquates (contrôle d’un résultat de prolactine par dilution en cas de
macroadénome, recherche d’autoanticorps dans un contexte autoimmun fort,
d’anticorps anti-insuline chez un diabétique traité à l’insuline). Très souvent
c’est le clinicien disposant de l’ensemble
des données cliniques et biologiques qui
suspecte l’interférence. Il se doit alors
d’alerter le biologiste, qui après contrôle
du résultat, entreprendra les investigations complémentaires pour confirmer
on non l’interférence et si possible, avec
la collaboration souvent nécessaire du
fabricant de réactifs, la caractériser. La
qualité du dialogue clinicien biologiste
dans ce domaine est donc capitale afin
d’éviter, le plus souvent heureusement,
une perte de temps dans l’interprétation
du résultat et des examens complémentaires inutiles, mais aussi parfois,
un faux diagnostic entraînant un traitement inapproprié ou même une intervention chirurgicale non justifiée.■
Références
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2. Gaw AJ, Editors. Biochimie clinique. Elsevier
2004, p 2.
3. Jones AM & Honour JW, Clin Endocrinol
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36.
5. Barbier, Les Editions de l’Acomen Editeurs.
Lyon 1992.
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