Didactique des mathématiques : les fondamentaux Année 2014-2015 Dr. Ruben Rodriguez Herrera Agrégé en Mathématiques [email protected] IREM, ESPE, Ifé, CEMU Université de Caen Normandie France IREM de Basse - Normandie Les outils de la didactique de la mathématique Module 2 -Les transpositions didactiques dans différents univers expérimentables adaptées à une communauté d'apprenants. -Les variables didactiques dans une situation d'apprentissage-enseignement -Les transpositions didactiques dans différents univers expérimentables adaptées à une communauté d'apprenants. Les origines Les connaissances ont eu toujours besoin d'être partagées par les communautés humaines. C'est ainsi que, pour faciliter l'accès à des connaissances déterminées et donc pour être enseignées, les hommes ont volontairement construit des univers adaptés, où les individus peuvent comprendre, assimiler et aussi anticiper des résultats, c'est-à-dire des univers expérimentables et aussi des univers formalisants (voir module1). Exemple : l'apprentissage des premières techniques de conservation de la flamme aux autres membres d'un clan pour la survie de la tribu. C'est alors que naturellement les hommes ont construit, pour apprendre, des transpositions qu'on peut appeler aujourd'hui « didactiques ». Les transpositions didactiques primitives consistaient à partager les univers familiers expérimentables, et par psychomorphismes, les enfants et adolescents apprenaient. (Voir module1) Univers de la taille des pierres Univers du feu Univers des peintures rupestres Les apprenants, par psychomorphismes dans des univers expérimentables, sont dans une situation préhistorique de « transposition didactique » La marcassite, pour générer des étincelles ; Le « savoir savant », « comment allumer un feu ? » est « enseigné » directement par un phénomène de psychomorphisme Alors la « transposition didactique » dans ce cas...? La friction Les hommes doivent se former et former leurs proches pour canaliser cette source de chaleur Prométhée dérobant le feu 1637 , Jan COSSIERS 20 1 0 c LA TRANSPOSITION DIDACTIQUE du savoir savant au savoir enseigné C'est le titre d'un livre d'Yves Chevallard, publié en 1985. Introduite dans la première « école d'été de didactique des mathématiques » en 1980. Exemples autour de la notion de symétrie. Considérons un espace vectoriel E de dimension finie n, et une forme sesquilinéaire définie positive appelée « produitscalaire » et notée (x,y) → x.y Un automorphisme u de E est dit « orthogonal » s'il conserve le produit scalaire, au sens suivant: ∀ (x,y) ∈ E × E u(x).u(y)=x.y Exemples L'identité est un automorphisme orthogonal. L'application x → -x (symétrie centrale) est orthogonale En analyse: une courbe d’équation y = f(x) possède un axe de symétrie d’équation x = a si et seulement si, pour tout h tel que (a + h) appartient au domaine de définition de f, on a : (a − h) appartient au domaine de définition, et f(a + h) = f(a − h) ; lorsque l’axe de symétrie est l’axe (Oy), c’està-dire ici l’axe d’équation x = 0 (donc avec a = 0), la fonction est dite paire : f(h) = f(−h) LA TRANSPOSITION DIDACTIQUE du savoir savant au savoir enseigné C'est le titre d'un livre d'Yves Chevallard, publié en 1985. Introduite dans la première « école d'été de didactique des mathématiques » en 1980. Exemples autour de la notion de symétrie. Définition Si le point M’ est le symétrique du point M par rapport à l’axe (d), alors (d) est la médiatrice du segment [MM’]. La symétrie axiale d'axe (Ox) en écriture complexe est _ z' = z La symétrie axiale d'axe (Ox) en écriture complexe est _ z' = z Nous pensons qu'il faut faire attention à cette idée que la transposition didactique part d'un « savoir savant » universitaire pour le transformer en un savoir moins savant. Ici la symétrie et sa forme complexe constituent un Univers U qui a sa propre épistémologie et la symétrie par pliages et tâches constitue un autre Univers U' qui a sa propre épistémologie. Mais il n' y a pas eu des « transpositions didactiques » de l'univers U à l'univers U' La symétrie axiale vue comme une transformation, est proche dans l'histoire, (milieu du 19è siècle), et ceci par des raisons épistémologiques en géométrie. Mais la symétrie est très ancienne, elle était déjà présente chez les architectes et mathématiciens de l'antiquité. Le mot « symétrie » provient du grec « sun = avec » et « metron = mesure » pour dire que la mesure est conservée ce qui est une condition nécessaire à l'Harmonie chère aux Grecs. Le Grec Thalès fut le premier mathématicien à produire des théorèmes (du grec « theorema = ce que l'on constate, ce qui est vraie»). Pour cela il s'est basé sur « la symétrie visuellement perçue» : par exemple un diamètre partage un cercle en deux demi-cercles superposables. C'est la première symétrie axiale intuitive constatée dans l'histoire des mathématiques. On voit ici, à propos de la symétrie, que le « savoir savant » utilisé par Thalès et le « savoir enseigné » aujourd'hui, par exemple en fin de l'école primaire ou début du collège, sont identiques donc la transposition didactique du « savoir savant de Thalès » au « savoir enseigné » est ici, dans cet exemple, une identité. Nous pouvons affirmer qu'il existe un ensemble d'univers différents autour de la symétrie axiale selon les différentes communautés. -Univers de la symétrie axiale et le produit scalaire -Univers de la symétrie axiale et les nombres complexes -Univers de la symétrie axiale et les courbes des fonctions -Univers de la symétrie axiale et les tracés sur feuille unie -Univers de la symétrie axiale et les tracés sur feuille quadrillée Univers de la symétrie axiale et les pliages. …. Par contre à l'intérieur de chaque univers, on peut, avec des intentions pédagogiques précises, transformer didactiquement les savoirs. Pour cela en didactique des mathématiques l'outil professionnel « variable didactique » est précieux et fondamental On peut aussi se référer au phénomène qui se produit à l'intérieur d’une petite communauté de savants, parfois hétérogène, qui cherchent dans un univers constitué d'objets nouveaux. Dans cette communauté les savants sont obligés de faire des « transpositions à but didactique » adaptées aux confrères pour avoir l'espoir d’être compris... C'est ainsi que les savants inventent des Univers avec des formalisations les plus adaptées possibles. Ils inventent des transpositions à but scientifique. Concernant la didactique des mathématiques, on peut dire qu'il y a deux univers : celui U des « transpositions didactiques externes » et celui U' des « transpositions didactiques internes ». L'enseignant navigue entre ces deux univers dans un phénomène de psychomorphisme qui lui permet d'avancer dans l’enseignementapprentissage et donc dans ses compétences professionnelles. Exemples de quelques couples: transpositions externes-transpositions internes Exemples : Le cas des propriétés de nombres et opérations : différentes transpositions externes Exemple 1 Transposition dans l' univers numérique des entiers naturels de « petite taille » qui est suffisamment expérimentable pour les élèves de cinquième du collège La somme de deux entiers impairs consécutifs est un multiple de 4. Démonstration, par un élève de cinquième : « Je fais quelques essais : 3+5=8, 1+3=4, 5+7=12 ; je vois que je peux écrire ces additions de la manière suivante : 3+5=3+1+5-1=4+4=8 (de même pour les autres). C’est la même chose que d’additionner le nombre pair intermédiaire à lui-même, et le double d’un nombre pair est toujours un multiple de 4. » Exemple 2 Transposition dans l' univers algébrique des entiers impairs consécutifs qui est suffisamment expérimentable pour des élèves de terminale scientifique. La somme de deux entiers impairs consécutifs est un multiple de 4. Démonstration, par un élève de terminale scientifique: « Je peux écrire deux nombres impairs consécutifs sous la forme 2k+1 et 2k+3, ainsi je trouve : (2k+1) + (2k+3) = 2k+1 + 2k+3 = 4k+4 = 4(k+1). Le nombre obtenu est un multiple de 4.» Deux transpositions - Exemple 3 Les calculs généralisés peuvent se calculer à l'aide des nombres géométrisés. Voici la transposition algébrique actuelle : 1+2+3+4+...+(n-1)+n = n(n+1)/2 Et voici la transposition dans l'univers géométrique de nombres de l'école de Pythagore; Remarque : la transposition interne chez les Pythagoriciens était caractérisée par un Univers verbal oral des raisonnements sur les figures Deux transpositions - Exemple 4 Les calculs généralisés peuvent se réaliser à l'aide des nombres géométrisés. Voici la transposition algébrique actuelle : (n+1)(n+1) = nxn +n +(n+1) Et voici la transposition dans l'univers géométrique de nombres de l'école de Pythagore Remarque : la transposition interne chez les Pythagoriciens était caractérisée par un Univers verbal oral des raisonnements sur les figures Deux transpositions - Exemple 5 Les calculs généralisés peuvent se calculer à l'aide des nombres géométrisés. Voici la transposition algébrique actuelle : 1+3+5+7+...(2n-1) = nxn = n² Et voici la transposition dans l'univers géométrique de nombres de l'école de Pythagore Remarque : la transposition interne chez les Pythagoriciens était caractérisée par un Univers verbal oral des raisonnements sur les figures Transpositions didactiques Exemple 6 Il s'agit de la propriété distributive de la multiplication par rapport à l'addition (m + n) x r = (mxr) + (nxr) Remarque : la transposition interne chez les Pythagoriciens était caractérisée par un Univers verbal oral des raisonnements sur les figures LA VULGARISATION Objectif : on cherche à communiquer avec un public très hétérogène. Alors on emploie des analogies et des métaphores. On occulte les obstacles. On montre tout simplement une petite partie de la notion, sans l'approfondir. Analogies Métaphores Edward Norton Lorenz Une fameuse métaphore : «un seul battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut déclencher une tempête au Texas». ⇒ Système de Lorenz Attracteur chaotique Théorie du chaos Trajectoires convergentes vers l'attracteur de Lorenz. La transposition permanente L'enseignement est un exemple de la transposition permanente c'est-à-dire que les élèves et l'enseignant tirent partie de l'interaction ( psychomorphismes, voir module 1), entre l'Univers des transpositions didactiques externes et l'Univers des transpositions didactiques internes. Exemples de psychomorphismes entre l'univers de la transposition didactique externe et l'univers de la transposition didactique interne a) Dans l'introduction des fractions (voir module 1), quand quelques élèves proposaient d'écrire 4/1 pour signifier « un quart », ceci n'était pas prévu et on avait adapté la transposition didactique pour éclairer le sens du numérateur et du dénominateur et la cohérence des notations symboliques en mathématiques. b) dans l'introduction de la notion d'angle droit (voir module 1), quelques élèves ont proposé une autre procédure, non prévue, pour trouver par pliage quatre angles superposables avec deux plis de la feuille. Ceci a élargi la transposition didactique au profit de la richesse de la relation entre l'angle droit et la symétrie axiale orthogonale. On peut affirmer qu'il n'y a pas un acte d'enseignement où l'on peut se passer de la transposition didactique « in vivo » Les réactions « in vivo » des élèves, vis-à-vis de la transposition didactique proposée par l'enseignant, agissent sur cet enseignant et modifient son Univers didactique professionnel. Dans leur conception de la transposition didactique, les sciences de l'éducation assimilent savoir savant et savoir universitaire, celui que construisent les savants-chercheurs. C'est donc du point de vue de la sociologie qu'il faut analyser comment un savoir savant peut se transformer en un savoir à enseigner, et identifier qui sont les responsables qui s'occupent des transpositions didactiques externes dans la société. Par exemple : qui décide des programmes ? Qui sont les responsables qui s'occupent des transpositions didactiques externes dans la société ? Par exemple : qui écrit les programmes ? Exemple historique des nombres décimaux Arithmétique décimale L’an septième de la République Française une et Indivisible La naissance du système décimal. Les États généraux ayant exprimé le vœu que les différentes mesures établies dans chaque province et qui étaient une source intarissable de procès fussent remplacées par une mesure unique pour toute la France, un décret de l’Assemblée nationale du 8 mai 1790 établit l’uniformité des poids et mesures pour tout le Royaume. Le système métrique décimal fut officialisé par les lois du 7 avril 1795 et 10 décembre 1799.On crée ainsi le système métrique décimal, permettant de convertir plus aisément les unités puisque désormais pour passer d'une unité à ses multiples (et sous-multiples), il suffit de déplacer la virgule. Il fut rendu obligatoire et exclusif le 2 novembre 1804. La loi du 4 juillet 1837 porte qu’à partir du 1° janvier 1840, des poids et mesures autres que ceux établis par la loi sont interdits sous peine de sanctions. En 1839, le Conseil royal de l’instruction publique ordonne à tous les instituteurs l’usage exclusif du système légal et interdit les ouvrages scolaires qui contiendraient les mesures anciennes. Loi sur l’Instruction primaire, 28 juin 1833 Loi Guizot A Paris, le 28 juin 1833. LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT. Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, NOUS AVONS ORDONNÉ et ORDONNONS ce qui suit : Titre premier De l’Instruction primaire et de son objet Article premier L’instruction primaire est élémentaire ou supérieure. L’instruction primaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures. … Un autre exemple : les « mathématiques modernes » On peut considérer que les transpositions de la réforme des « mathématiques modernes » sont un exemple qui correspond bien à la définition de « transposition didactique » telle que l'entend Chevallard. Au cours des années 1960, cette question des « mathématiques modernes » va être au centre de la réflexion concernant l’enseignement mathématique à l’école primaire. On passe ainsi d’une simple demande de révision des programmes à l’exigence de leur modernisation, au niveau des contenus comme au niveau des méthodes. Les réformateurs militent pour un enseignement de mathématiques modernes, mais aussi pour un enseignement moderne des mathématiques. Pour les réformateurs, cette modernisation doit prendre en compte l’état de la discipline « mathématique » telle qu’elle s’est développée depuis le début des années 1950, ainsi que les apports récents de la psychologie de l’enfant. Ces derniers identifient volontiers l’élaboration des structures mathématiques et le développement des structures mentales de l’enfant mis en évidence par la psychologie génétique de Jean Piaget. C’est le cas notamment au sein de la Commission internationale pour l'étude et l’amélioration de l'enseignement des mathématiques (CIEAEM) fondée en 1952 par des mathématiciens, des philosophes et des psychologues, et dont les premières réflexions ont pour thème les « Relations entre structures mathématiques et structures mentales ». De même, lors du colloque de Royaumont en 1959, le mathématicien Gustave Choquet – l’un des premiers promoteurs de l’enseignement des mathématiques modernes en France – déclare qu’« après tout, le mathématicien est un enfant qui a grandi et que les structures mathématiques qui lui paraissent fondamentales, proviennent de l’élaboration des structures mentales qui se développent spontanément chez l’enfant ». Ces conceptions se retrouvent, explicitement ou implicitement, dans les projets de programme de mathématiques élaborés dans les années 1960, jusqu’au programme officiel qui sera publié en 1970. Dès 1964, l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP) souhaite que l’enseignement mathématique soit consacré, au niveau de l’école primaire, à l’« apprentissage des structures », lesquelles permettent d’unifier des notions antérieurement présentées de façons éparses. « La commission Lichnérowicz » C’est durant la période des années 70 qu’a été appliquée la réforme conduite par la dite « Commission Lichnérowicz ». Cette réforme a été dans un premier temps souhaitée et unanimement soutenue en France. Le programme de la Commission était clair. Elle devait tout d’abord travailler sur de nouvelles orientations pour l’enseignement mathématique dans le primaire et le secondaire et les faire expérimenter. Elle devait, d’autre part, mettre sur pied un dispositif de formation des enseignants et créer de nouveaux instituts pour cela – qui furent plus tard nommés les IREM. « Commission Lichnérowicz » Les principales caractéristiques mathématiques de ces nouveaux programmes montrent l’importance donnée à l’algèbre moderne et aux concepts de la théorie des ensembles dans tous les cursus, depuis le niveau élémentaire jusqu’au baccalauréat, la géométrie d’Euclide et le calcul n’étant plus enseignés en tant que tel. On peut souligner deux enjeux caractéristiques de cette réforme qui plus tard sont devenus source d'obstacle à sa réalisation. Le premier est que la reforme devait s’adresser à tous les élèves, quel que soit leur avenir à l’école et dans la société. Le deuxième est qu’elle devait embrasser toute la scolarité, depuis l’école maternelle jusqu’à l’université. Transposition dans l'univers symbolique ensembliste Un exercice des « mathématiques modernes » en sixième. Voici l'énoncé : Parmi les signes suivants ∈, celui qui convient ? {a} ....{a, b, c} b .... {a, b, c} ∉, ⊂, ⊄ quel est Transposition dans l'univers symbolique ensembliste : Soient A= {u,v,x,y,z} B= {m,n,u,y} , écrire l'ensemble C tel que: A ∩ B =C Transposition du ∩ dans Transposition de ∩ dans l'univers des tables de vérité Transposition de ∩ dans l'univers des diagrammes de Venn v A Transposition de ∩ dans l'univers des diagrammes de Karnaugh x z u C y L'univers des circuits électriques : montage en série m n B La Transposition dans l'univers des diagrammes de Venn est un exemple de transposition didactique qui a produit un effet de « glissement métacognitif ». "Lorsqu'une activité d'enseignement a échoué, le professeur peut être conduit à se justifier et pour continuer son action, à prendre ses propres explications et ses moyens heuristiques comme objets d'étude à la place de la véritable connaissance mathématique. [...] le 'moyen' devient à son tour objet d'enseignement et se surcharge de conventions, de langages spécifiques à leur tour enseignés et expliqués à chaque étape de diffusion. Dans ce processus, plus l'activité d'enseignement produit de commentaires et de conventions, moins les étudiants peuvent contrôler les situations qui leur sont proposées. -- C'est l'effet de « glissement métacognitif » (Brousseau G. , 1986, p43-44.23. Théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques, Thèse d’état de l’Université de Bordeaux, Bordeaux) A v x z u C y B m n Représentation de Venn Diagramme de Caroll Soit E un ensemble Soit (A,B) ∈ Р(E)² (A∩Β)∪(Α∩C) = A∩(Β∪C) La tentative de Bourbaki d'unifier les savoirs savants fut un essai unique dans l'histoire et de courte durée. Nicolas Bourbaki Premier tome de la « nouvelle édition » des Éléments de mathématique, 1970, chez Hermann. L'Enseignement Mathématique : la réflexion actuelle de la CIEM CIEM / ICMI La Commission Internationale de l'Enseignement Mathématique (CIEM), plus connue aujourd'hui sous son nom anglais International Commission on Mathematical Instruction (ICMI), est la sous-commission en charge des questions d'éducation de l'Union Mathématique Internationale (IMU). Elle constitue le principal cadre de discussion à l'échelle internationale sur les grands problèmes de l'enseignement des mathématiques. Variable didactique • « Un champ de problèmes peut être engendré à partir d'une situation par la modification des valeurs de certaines variables qui, à leur tour, font changer les caractéristiques des stratégies de solution (coût, validité, complexité…etc.) […] Seules les modifications qui affectent la hiérarchie des stratégies sont à considérer (variables pertinentes) et parmi les variables pertinentes, celles que peut manipuler un professeur sont particulièrement intéressantes : ce sont les variables didactiques. » (G. Brousseau, 1982, Actes de la Deuxième école d’été de didactique des mathématiques.) • Variable didactique « Ces variables sont pertinentes à un âge donné dans la mesure où elles commandent des comportements différents. Ce seront des variables didactiques dans la mesure où en agissant sur elles, on pourra provoquer des adaptations et des régulations : des apprentissages » (G. Brousseau, 1982, Actes de la Deuxième école d’été de didactique des mathématiques) Variable didactique Exemple 1 Dans l'enseignement des fractions, la longueur de la bande de référence - la bande unité - est une variable didactique. Dans l'univers de bandes (voir module 1) le choix de 12 cm de longueur est meilleur que 10 cm, (car 12 a plus de diviseurs). Variable didactique Exemple 2 Dans l'Univers des pliages (voir module1), « la forme du contour de la feuille » donnée aux élèves est une variable didactique. Ici le choix de la forme irrégulière empêche d'utiliser le contour dans un problème de pliage. Variable didactique Exemple 3 Dans l'univers des doigts des mains, la taille du cardinal des ensembles est une variable didactique. Par exemple, on peut choisir des cardinaux inférieurs à 5 Variable didactique Exemple 4 En géométrie, il y a un obstacle dans l'Univers des figures et symétries axiale et centrale. Quelques élèves font la confusion entre symétrie axiale et symétrie centrale pour certaines figures. Ainsi le type de figure donnée aux élèves sera une variable didactique qualitative ; il y a des cas où seule la symétrie axiale est pertinente, d'autres cas où seule la symétrie centrale est adéquate et enfin il peut y avoir des cas où les deux symétries sont possibles. Variable didactique Exemple 5 Dans l'Univers des pliages et taches, les variables didactiques importantes sont : Les types de couleurs Le nombre de taches La position des taches par rapport à l'axe L'alignement ou pas. ... Variable didactique Exemple 6 Dans l'Univers des symétries axiales et feuille quadrillée, les variables didactiques importantes sont : La position relative de l'axe Les figures ayant les sommets sur les nœuds ou pas. La présence des segments obliques ou pas Notion de saut informationnel Le saut informationnel consiste, après avoir trouvé une situation fondamentale faisant“fonctionner” une notion, à choisir d’abord les valeurs de ses variables de telle manière que les connaissances antérieures des élèves permettent d’élaborer des stratégies efficaces…puis, sans modifier les règles du jeu, à changer les valeurs des variables de façon à rendre beaucoup plus grande la complexité de la tâche à accomplir. De nouvelles stratégies doivent être établies qui demandent la construction de nouvelles connaissances. (Brousseau G., 1986, p. 23. Théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques, Thèse d’état de l’Université de Bordeaux, Bordeaux I De nouvelles stratégies doivent être établies qui demandent la construction de nouvelles connaissances. J'ai 15 billes à partager entre 3 enfants J'ai 138 billes à partager entre 4 enfants On distingue le plus souvent trois types d'obstacles selon leur origine. 1- Obstacle ontogénétique lié au développement psychogénétique cognitif du sujet. 2- Obstacle didactique lié à la transposition didactique du savoir : c'est un obstacle qui peut être évité sans conséquence pour la construction de la connaissance, qui peut disparaître en agissant sur les situations d'enseignement. 3- Obstacle épistémologique lié au développement historique du concept et à sa structure mathématique. 1- Obstacle ontogénétique lié au développement psychogénétique du sujet. Exemple. Quand les élèves de la fin de l'école primaire disent : « un carré n'est pas un rectangle », il y a une explication qui se trouve dans les compétences transversales logiques de l'enfant de cet âge. Les enfants refusent d'accepter qu'un objet possède deux attributs simultanément dans une même catégorie, ils classifient par exclusion. Ici quand on demande combien de segments il y a au maximum... 2- Obstacle didactique lié à la transposition didactique du savoir : c'est un obstacle qui peut être évité sans conséquence pour la construction de la connaissance, qui peut disparaître en agissant sur les situations d'enseignement. Exemple. Quand les élèves de la fin de l'école primaire disent : « 4,56 sont deux entiers 4 et 56 séparés par une virgule ».... On voit que les élèves ayant suivi le parcours qui va des « bandesfractions » (voir module 1) aux écritures décimales dé-contextualisées en passant par les fractions décimales ne rencontrent pas cet obstacle. Par contre les élèves qui découvrent les décimaux avant les fractions à partir des grandeurs comme les longueurs 4m56cm =4,56m rencontrent l'obstacle mentionné plus haut. 3- Obstacle épistémologique lié au développement historique du concept et à l'épistémologie mathématique. Exemple. Quand face à la question « peut-on trouver un nombre décimal entre « 3,6 et 3,7 », une bonne part de la classe répond : « Il n'y a pas de nombre décimal entre 3,6 et 3,7 »... La propriété de densité des nombres décimaux - « entre deux décimaux il y a toujours un nombre décimal » - contredit le caractère discret des nombres entiers. Il n 'y a pas de nombre entier entre 6 et 7 ou entre 36 et 37. Par contre, il y a une infinité de nombres décimaux entre 3,6 et 3,7. Une variable didactique ici présente est le choix de « travailler dans plusieurs univers simultanément » Ceci favorise les psychomorphismes (voir module1) entre les univers de droites passant par l'origine dans l'algèbre, dans le plan repéré et dans le tableur. Ceci est favorisé par les possibilités des logiciels comme GEOGEBRA. Une variable didactique ici présente est le choix de « travailler dans plusieurs univers simultanément » Univers U : les parallélogrammes , Univers U' : les angles, Univers U'' : les longueurs. Variable didactique Exemple : « Choix de travailler sur plusieurs univers ou pas » Sur la notion de fonction dérivé d'un produit de fonctions. Ici nous avons choisi de travailler sur l'Univers des dérivés des sommes et sur l'Univers des produits. Une autre variable didactique ici présente est le choix du type des fonctions. Ici nous avons choisit de fonctions « polynômes de premier degré ou seconde degré, a coefficients entiers » Exemple Calculer la dérivé de la fonction f : R dans R définie par son expression analytique f(x)=(x+1)(x+3), de deux façons comme un produit de fonctions ensuite réduction algébrique et en commençant par un développement puis réduction pour calculer la dérivé après. Dans l'univers des polynômes écrits sous la forme canonique f(x) = (x+1)(x+3) = = x²+3x+x+3 = x²+4x+3 Univers des produits de polynômes de f(x) = (x+1)(x+3) premier degré f '(x) = 1x(x+3) +(x+1)x1 = f '(x) = 2x+4 = x+3+x+1 = 2x+4 Calcul de ∫x3dx dans deux univers de calcul des primitives. 1) Dans l'Univers des primitives des fonctions puissances Une primitive de la fonction de R dans R x → x3 Est la fonction F de R dans R F(x) = x4/4 2) Dans l'Univers des fonctions primitives des produits des fonctions. Intégration par parties à partir de l'égalité fonctionnelle : (u.v)' = u'.v + u.v' u.v' = (u.v)' - u'.v Intégration par parties ∫x3dx = ∫x. x2 dx Soit x3 = x. x2 ∫x3dx = ∫x. x2dx Intégration par parties à partir de l'égalité fonctionnelle : (u.v)' = u'.v + u.v' u.v' = (u.v)' - u'.v Intégration par parties Soit u=x u'=1 v'= x2 v = x3/3 On a ∫x3dx = ∫x. x2 dx = = x.x3/3 - ∫1.x3/3 dx = x4/3 - x4/12 = = 3x4/12 = x4/4 Alors on retrouve une primitive : la fonction F de R dans R F(x) = x4/4 Concernant la didactique des mathématiques, on peut dire qu'il y a deux univers : celui U des « transpositions didactiques externes » et celui U' des « transpositions didactiques internes ». L'enseignant navigue entre ces deux univers dans un phénomène de psychomorphisme qui lui permet d'avancer dans l’enseignement-apprentissage et donc dans ses compétences professionnelles. Didactique des mathématiques : les fondamentaux Année 2014-2015 Dr. Ruben Rodriguez Herrera Agrégé en Mathématiques [email protected] IREM, ESPE, Ifé, CEMU Université de Caen Normandie France IREM de Basse - Normandie
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