Transformation de bureaux en logements : une

ÉTUDE RÉALISÉE PAR
CHARLES-HENRI DE MARIGNAN
À PROPOS DE L’IEIF
L’IEIF, centre de recherche indépendant,
est le lieu privilégié d’échanges et de réflexions
pour les professionnels de l’immobilier
et de l’investissement.
Transformation
de bureaux
en logements :
une ébauche de
solution à la crise
du logement semée
d’embûches
Sa mission est de fournir de l’information,
des analyses et des prévisions, et d’être
un incubateur d’idées pour la profession.
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Les analyses
Février 2014
ANALYSTE SENIOR, IEIF
Producteur de données, cercle de réflexion et centre
de recherche, l’IEIF met à la disposition de ses membres
une gamme de documents utiles à leur activité
et à leur stratégie.
Cette gamme va des publications telles que livres
et revues jusqu’aux rapports de recherches innovantes,
en passant par des veilles d’actualité, des cahiers statistiques
et des analyses sur les thèmes faisant écho aux préoccupations
des professionnels.
Transformation
de bureaux
en logements :
une ébauche de
solution à la crise
du logement semée
d’embûches
Étude réalisée par
Charles-Henri de Marignan
Analyste senior, IEIF
Février 2014
IEIF - Transformation de bureaux en logements : une ébauche de solution à la crise du logement semée d’embûches
1
SOMMAIRE
Le constat..................................................................................................................................................................... 3
Le logement..........................................................................................................................................................................3
Le bureau en Île-de-France............................................................................................................................................ 4
Les leçons de l’histoire.............................................................................................................................................. 7
Historique..............................................................................................................................................................................7
Politique publique, quelles incitations ?...................................................................................................................... 8
Les contraintes et les aides......................................................................................................................................9
1. Juridiques......................................................................................................................................................................... 9
2. Techniques..................................................................................................................................................................... 10
3. Financières..................................................................................................................................................................... 10
L’
idée de transformer des bureaux en logements est loin d’être récente car elle apparaît dans les années
1990 dans un contexte de surproduction de bureaux (plus de 4,5 millions de mètres carrés de bureaux
étaient vides en 1993 selon le Grecam, soit environ 10 % du parc) et d’un manque important de logements. Idée qui refait surface à la fin des années 2000 même si le contexte diffère totalement.
Pour relancer le sujet, Cécile Duflot a intégré dans son projet de loi visant à accélérer les projets de construction un volet sur la conversion de bureaux en logements. Le ministère du Logement cible tout particulièrement l’Île-de-France où « 7,2 % des surfaces de bureaux sont vacantes, soit 3,6 millions de mètres carrés,
dont 500 000 le sont depuis plus de quatre ans ».
Mais quelle est vraiment la situation actuelle ? Le passé peut-il servir d’exemple pour résoudre l’équation
difficile entre les déséquilibres demande/offre de logements et demande/offre de bureaux ? Enfin, la transformation de bureaux en logements est-elle une solution réaliste et quels en sont les écueils ?
2
IEIF - Transformation de bureaux en logements : une ébauche de solution à la crise du logement semée d’embûches
Quels que soient les scénarios retenus, qui couvrent
un spectre large d’hypothèses, la demande potentielle est comprise entre 300 000 et 400 000 logements par an en moyenne d’ici 2030.
LE CONSTAT
Des problématiques opposées : une demande
latente en logements confrontée à un faible niveau
de construction ; une offre importante liée au renouvellement d’un parc tertiaire en voie d’obsolescence. Paradoxalement, face à ce constat, on assiste au recul
régulier du nombre de logements mis en chantier. Les
mises en chantier de logements neufs « ordinaires »
(c’est-à-dire hors résidences services) ont porté sur
Le logement
315 215 unités en 2012, tous types d’habitation (apparSelon une étude publiée par le Commissariat géné- tements et maisons individuelles) et secteurs (privé et
ral du développement durable (CGEDD) en août HLM) confondus. L’année 2012 se révèle même pire
2012, sous les hypothèses d’une fécondité stable que 2011 avec une chute de 16 % des mises en chanà 2,01 enfants par femme, d’un solde migratoire tier. Le mouvement de recul des constructions de
annuel de + 100 000 personnes et de l’évolution logements semble d’ailleurs se poursuivre puisqu’à fin
tendancielle des comportements de cohabitation, le octobre 2013, sur un an glissant), 328 000 logements
nombre de ménages pourrait croître de 200 000 par ont été mis en chantier contre 363 000 sur la même
an, en moyenne, d’ici 2050 et de 235 000 par an d’ici période un an plus tôt.
2030. Outre la croissance du nombre de ménages,
la demande potentielle de logements dépend de Sur les dix dernières années, le déficit cumulé est
l’évolution de la proportion de logements vacants estimé à 300 000 logements.
et des flux de renouvellement du parc. Elle diffère du
nombre de logements à construire car elle ne prend Ce constat est encore plus criant en Île-de-France
pas en compte les besoins liés au mal-logement ou où le marché est particulièrement tendu. L’offre y
est très limitée, notamment à cause du manque de
au non-logement.
Graphique 1
Taux de vacance des bureaux en Île-de-France
en %
8
7,1
6,4
7,5
6
4,9
4
2
0
2,3
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Source : Jones Lang LaSalle/Immostat
IEIF - Transformation de bureaux en logements : une ébauche de solution à la crise du logement semée d’embûches
3
foncier, la demande extrêmement élevée car l’Îlede-France regroupe l’essentiel de l’activité économique nationale, et les prix atteignent des niveaux
particulièrement élevés : 8 260 €/m² à Paris au troisième trimestre 2013, 5 500 €/m² pour l’ensemble
de l’Île-de-France.
avec près de 3,9 millions de mètres carrés disponibles
au quatrième trimestre 2013, ce qui représente 7,4 %
du parc tertiaire francilien. La part du neuf dans cette
offre n’est que de 22 %. Quant à l’ancien, il s’agit, pour
partie, de locaux obsolètes, inadaptés à la demande
actuelle (graphique 1).
Il en résulte que, sur les dix dernières années, le déficit …qui reflète un stock d’offre (neuf + ancien) souvent
cumulé en Île-de-France est estimé à 300 000 loge- obsolète…
ments.
De manière plus générale, en 2012, selon BNP Paribas Real Estate, sur les 52 millions de mètres carrés
Le bureau en Île-de-France
de bureaux existants sur le parc francilien, 57 % ont
été construits il y a plus de vingt ans. Or il est estimé
Le constat pour l’immobilier tertiaire est tout à fait à qu’un immeuble de bureaux devient obsolète au
l’opposé.
bout de quinze à vingt ans et doit subir des transformations lourdes. L’ORIE estime ainsi que quelque
Un taux de vacance très élevé…
500 000 mètres carrés de bureaux seraient à restructurer tous les ans en région parisienne alors que
En un an (données au 3e trimestre 2013), selon les seuls 300 000 mètres carrés le sont effectivement.
données Immostat (GIE regroupant BNP Paribas RE,
CBRE, DTZ et Jones Lang LaSalle), le stock de bureaux De plus, sur l’offre disponible à fin 2012, 41 % corresdisponibles aura progressé de près de 10 %. L’offre pondaient à des locaux non rénovés et peu adaptés
continue donc de grimper et franchit un nouveau cap aux attentes des utilisateurs. À début 2014, 7 millions
Graphique 2
Mises en chantier et transactions de bureaux neufs en Île-de-France
en milliers de m2
1 800
1 600
Mises en chantier de bureaux
Transactions de bureaux neufs
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Sources : Sit@del 2 et BNP Paribas Real Estate/Immostat-IPD (depuis 2001)
Les mises en chantier sont décalées d’un an pour correspondre à une date de livraison
4
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de mètres carrés sont disponibles à la commercialisation dont les deux tiers sont du neuf ou restructuré.
6 millions de mètres carrés se situent à Paris et en
première couronne.
que les transactions en bureaux neufs n’ont été
que de 9,7 millions de mètres carrés. Au vu du graphique 2, il apparaît cependant que le déséquilibre
est en voie de résorption, mais quid des stocks liés
aux livraisons passées ?
…et un niveau de construction très élevé
Depuis 2001, en cumulé, près de 14 millions de
mètres carrés ont été livrés en Île-de-France alors
Le parc
E
n Île-de-France, la surface du parc de logements représente plus de sept fois celle du parc de bureaux.
Sur la France métropolitaine, cet écart est proche de dix. Cette différence d’écart entre Île-de-France
et France entière peut aisément s’expliquer par le fait que, en régions, l’emploi tertiaire est bien
inférieur qu’en Île-de-France
Parc de logements (résidences principales)
Localisation
Île-de-France
France
métropolitaine
Nombre
de
logements
Surface
moyenne des
logements
Surface
totale
(en millions
de m²)
Période
Sources
4 962 958
76
377
2010
Insee/recensement
27 106 998
91
2 467
2010
Insee/recensement
Parc de bureaux
Localisation
Île-de-France
Province
Surface totale
(en millions
de m²)
Période
52
fin 2012
entre 167
et 197
2010
Sources
IEIF d’après données DRIEA-IF/ORIE
DADS
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5
Bureaux/Logements :
les principaux éléments de comparaison
M
algré des évolutions parallèles, un niveau de construction supérieur pour les bureaux que pour les logements. La comparaison
reste cependant délicate car la construction de logements est comptabilisée en nombre alors que celle des bureaux et autres
surfaces d’immobilier d’entreprise en surface.
Mises en chantier de logements et de bureaux
Mises en chantier de logements et de bureaux
France entière, en nombre de logements
et en milliers de mètres carrés
France entière, base 100 en 1999
6 000
500
430
4 000
400
315
329
3 492
2 782
250
200
2 000
Logements
150
1 000
Bureaux
100
50
0
1999
2001
2003
2005
2007
174
2009
182
Bureaux
170
350
300
3 000
Logements
190
450
5 000
2011 2012
150
126
131
130
101
110
90
0
96
1999
2001
2003
2005
2007
Source : SOeS/Sit@del 2
2009
2011 2012
Source : SOeS/Sit@del 2
Ne pouvant donner des valeurs au niveau national, les prix et loyers analysés ci-dessous ne reflètent qu’une partie du marché national,
mais la plus emblématique, et également la plus spéculative, puisqu’il s’agit du marché parisien.
Des prix des logements parisiens multipliés par sept en trente ans quand ceux des bureaux n’ont été multipliés que par quatre.
Prix des logements et des bureaux parisiens
Prix des logements et des bureaux parisiens
en €/m2
16 000
base 100 au 31/12/1983
800
Bureaux neufs à Paris Quartier d'affaires
14 000
14 016
12 309
12 000
8 270
8 000
0
714
Bureaux neufs à Paris Quartier d'affaires
397
320
3 423
240
1 159
1983
480
400
3 216
4 000
2 000
640
Logements à Paris
560
10 000
6 000
12 783
720
Logements à Paris
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010 2012
160
80
1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010 2012
Sources : Notaires Paris Île-de-France, CBRE
Sources : Notaires Paris Île-de-France, CBRE
Même chose pour les loyers : beaucoup plus élevés pour les bureaux ? mais une progression plus importante pour les logements.
Loyers comparés des logements
et des bureaux parisiens
Loyers comparés des logements
et des bureaux parisiens
en €/m2/an
771
732
790
534
690
590
490
390
290
190
90
488
534
147
97
1989
1992
Sources : Olap, CBRE
6
1995
152
1998
280
230
480
Loyer moyen prime des bureaux
à Paris Quartier d'affaires
1986
base 100 au 31/12/1983
267
Loyer moyen prime des bureaux
à Paris Quartier d'affaires
180
Logements à Paris
259
157
Logements à Paris
143
143
144
130
90
2001
2004
2007
2010 2012
80
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010 2012
Sources : Olap, CBRE
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Les solutions apportées par le gouvernement étaient
alors :
LES LEÇONS DE L’HISTOIRE
la réversibilité du changement d’usage. La loi Habitat du 21 juillet 1994 introduit l’idée du changement
d’usage temporaire (13 ans).Cette possibilité a été
Faute de statistiques à l’échelle régionale, l’exemple
supprimée en 2005 ;
parisien où la transformation de bureaux en logements ule prêt bureau-logement. Prêt à taux fixe permetfait l’objet d’un recensement sera le seul étudié. Mais
tant de financer les travaux de transformation sous
c’est également là où la pression immobilière est la
condition d’usage résidentiel des locaux pour une
plus forte.
durée minimum de cinq ans ;
ules subventions de l’Anah et de la Ville de Paris.
Crise des années 1990 : entre 1994 et 1998 (5 ans)
L’Anah accordait des subventions à hauteur de
530 000 mètres carrés de surfaces d’activités trans25 % du montant des travaux et la Ville de Paris des
formées en logements à Paris
subventions sous-condition de location pendant
neuf ans et avec un plafond de loyer du logement
Face à la surabondance de bureaux vacants, à la
ainsi créé.
demande du ministre du Logement de l’époque,
Hervé de Charrette, est lancé, en 1994, un groupe de Un article publié dans Réflexions Immobilières1 en
travail sur l’avenir du parc vacant.
2001 relatait la transformation de 530 000 mètres
u
Historique
Les recommandations souhaitées par le groupe de
travail à l’époque étaient :
l’assouplissement des règles d’urbanisme avec
l’exemption pure et simple du permis de construire
dès lors que de nouvelles surfaces n’étaient pas
créées ;
ul’exemption de création de places de parkings, normalement obligatoires dans le cas de création de
logements ;
udes subventions pécuniaires aux travaux de transformation ;
ula suppression de plafond de loyers pour les aides
accordées par l’Anah…
u
Tableau 1
Transformations de bureaux en logements
à Paris
Nombre
de
dossiers
Surfaces
transformées
en m²
Nombre de
logements
créés
2001
73
20 632
184
2002
68
30 629
328
2003
73
22 070
196
2004
67
26 581
268
2005
87
30 006
240
2006
97
27 574
296
2007
91
28 155
464
2008
117
26 087
355
2009
108
50 987
485
2010
157
31 711
416
2011
189
62 965
1 021
2012
142
35 931
524
Sources : DU, Gerco, SDPR dossiers autorisés
carrés de surfaces d’activités (bureau ou autre) en
logements entre 1994 et 1998 et ainsi la création de
plus de 1 600 logements par des opérateurs publics
et de presque 2 100 logements par le secteur privé.
Enfin, dernier chiffre très parlant, ces 530 000 mètres
carrés de logements créés ont représenté l’équivalent d’une année de construction neuve supplémentaire sur les cinq années étudiées.
Entre 1990-2010 (20 ans) : seuls 33 000 mètres
carrés de bureaux transformés en logements à Paris
Entre 1990 et 2010, 33 000 mètres carrés de bureaux
ont été convertis en logements, ce qui correspond
à une production annuelle de 300 à 400 logements.
Ce faible niveau s’explique notamment par la reprise
économique des années 2000 qui pousse le marché
à puiser dans les réserves de bureaux vacants et à
limiter ainsi les possibilités de reconversions.
Reconversions qui commencent à refaire surface
en 2007 grâce à l’envolée des prix du résidentiel qui
inverse, dans les zones les plus tendues, le rapport
des prix au profit du résidentiel et incite certains propriétaires à réaliser des transformations spontanées.
Depuis : une certaine accélération
À Paris, selon une étude réalisée par l’Apur (Atelier
parisien d’urbanisme) en septembre 2013, une centaine de dossiers de transformation de bureaux en
logement sont, en moyenne, autorisés par an. Il est
à noter que le rythme s’est accéléré puisqu’on est
passé de 73 dossiers (184 logements) en 2001 contre
142 (524 logements) en 2012. Ainsi, sur la période
étudiée par l’Apur (2001-2012), 393 000 mètres
carrés de bureaux ont été transformés en logements
(tableau 1).
1. B. Jousselin, « La transformation de bureaux en logements : un premier bilan », in Réflexions immobilières, n° 30, avril 2001.
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7
Quelques transformations réussies
Publics : transformation en logements sociaux
L’exemple bruxellois
u 246, rue de Bercy (Paris XIIe) : restructuration
Tout comme à Paris, Bruxelles manque de
logements et dispose d’un nombre important
de bureaux vacants. Cela a permis le
développement d’un véritable phénomène
avec 200 000 mètres carrés de bureaux convertis
en logements sur une quinzaine d’années.
totale d’un immeuble de La Poste (anciens
bureaux, RIE, gymnase) par la RIVP pour
le transformer en 190 logements étudiants
et 124 logements sociaux (16 000 m² de plancher).
u 9 rue Schœlcher (Paris XIVe) : transformation
de l’ancien siège social de la régie « Eau de Paris »
d’une surface de 4 500 m² en 46 logements
sociaux.
u 209-213, rue Lafayette (Paris Xe) : transformation
de trois immeubles contigus (haussmannien
et années 1950) en 73 logements sociaux.
u Transformation d’anciens bureaux EDF dans
le VIe arrondissement en 23 logements sociaux.
Privés
Au début des années 1990, il s’agissait davantage
de transformations de petits immeubles sous forme
d’achats collectifs où chacun rénovait son plateau.
Aujourd’hui, les opérateurs professionnels ont
pris la place des particuliers, rachètent de grands
immeubles et les divisent en unités locatives ou
acquisitives.
La volonté politique va également dans le sens de
la facilité de transformation. L’idée étant d’assortir
chaque demande de permis de bâtir pour un bureau
d’une note annexe qui doit démontrer la possibilité
de transformation du local construit en logement.
u 18-20, rue de la Saussière (Boulogne-Billancourt) :
transformation par la Foncière
du Rond-Point (groupe Madar) d’un immeuble de
bureaux en 19 appartements ainsi qu’en
une salle de sport de 1 600 m².
u Tour Palatino, 17 avenue de Choisy (Paris
XIIIe) qu’Eiffage taille en 500 petits logements
(opération Paris Open).
Quant au coût que cela induit, il est démontré que
« cela coûte plus cher en étude mais que cela ne
coûte pas énormément plus cher en travaux. Cela
nécessite parfois de réserver des espaces pour
des modifications futures mais c’est surtout un
gain environnemental énorme puisque démolir
un immeuble pour le reconstruire nécessite une
énergie grise conséquente ».
u Sky - 14 rue de Bezons (Courbevoie) :
réhabilitation totale d’un immeuble IGH de
bureaux par Cogedim pour le transformer
en 184 appartements en accession, 46 logements
étudiants ainsi qu’une résidence de services
et des logements.
Il s’agit majoritairement d’opérations de petite taille. Parmi les propositions du ministère, il y a :
En douze ans, seules deux opérations ont dépassé
les 10 000 mètres carrés (246 rue de Bercy et 17 ave- ula densification des immeubles avec l’idée d’ajouter
nue de Choisy décrites dans l’encadré ci-contre).
des étages supplémentaires à des bâtiments bas
situés entre des immeubles de plus grande hauteur.
Il s’agit également souvent d’opérations à vocation
Il est ici question de pouvoir aligner les faîtages
sociale. Ainsi, près de 40 % des 350 000 mètres
entre bâtiments mitoyens ;
carrés de bureaux transformés depuis cinq ans en Îlede-France ont été affectés à l’habitat social.
u
mais également, comme en 1994, l’assouplissement de la règle imposant la construction de
places de parkings pour tout nouvel immeuble
Politique publique, quelles incitations ?
résidentiel, dès lors que le projet est situé à proximité d’une station de transport collectif ;
Selon le ministère de Cécile Duflot, il existe environ
3,5 millions de mètres carrés aujourd’hui en Île-de- ula possibilité offerte de financer par un PLS (prêt
France et, probablement, 5 millions de mètres carrés
locatif social) ou un PLI (prêt locatif intermédiaire)
de bureaux vacants sur l’ensemble du territoire franl’acquisition et la transformation en logements de
çais dont une grande partie ne pourront pas être
locaux affectés à un autre usage.
remis en location.
8
IEIF - Transformation de bureaux en logements : une ébauche de solution à la crise du logement semée d’embûches
LES CONTRAINTES ET LES AIDES
1. Juridiques
Un mauvais bureau ne fait pas automatiquement un
bon logement (tableau 2).
Nécessité de fluidifier les permis de construire. La
plupart des transformations sont soumises à l’obtention du permis de construire, délivré au cas par cas
par les communes. Or le changement d’affectation relève d’une procédure des plus complexes en
matière de droit de l’urbanisme.
En dehors même de toute contrainte, qu’elle soit
juridique, technique ou financière, il convient de
souligner que des bureaux obsolètes ou mal situés
ne peuvent pas systématiquement, loin s’en faut, se
transformer en logements de qualité. La localisation
de l’immeuble est l’élément qui rend bon nombre
de transformations inenvisageables. Selon BNP Paribas RE, sur les 500 000 mètres carrés de bureaux de
seconde main qui sont vacants depuis quatre ans et
plus, plus de la moitié de ces immeubles sont localisés en grande couronne. Il faut noter également le
niveau élevé de vacance à La Défense. Secteurs qui
ne correspondent absolument pas à la recherche des
aspirants locataires ou propriétaires en résidentiel.
Des règles concernant l’obligation de logements
sociaux trop strictes. Le passage récent de 20 à
25 % du seuil de logements sociaux par commune
rend moins financièrement attractives les opérations
de transformation de bureaux en logements. Ainsi,
comme l’indique l’ORIE dans son rapport, « alors
que certains logements, réhabilités lourdement et
considérés comme des logements neufs sont vendus en moyenne en libre 8 000 à 15 000 € le mètre
carré habitable, les logements sociaux identiques
Tableau 2
Logements/Bureaux : caractéristiques des deux classes d’actifs
Logements
Bureaux
Marché sous tutelle
Arguments pour et contre
la transformation des
bureaux en logements
Marché libre
loyer encadré
loyer libre
taxe annuelle sur les logements vacants
pas de taxe sur les bureaux vacants
droit de préemption du locataire
en cas de cession
liberté de vendre
défavorable
difficulté d’éviction en cas d’impayés
Actif démographique
Actif économique
demande soutenue et continue liée
à un pays à démographie croissante
lié directement à la conjoncture
et directement impacté par la crise
Déficit d’image
favorable
Marché B to B
stigmatisation des ventes en bloc
(loi Aurillac)
pas d’affectif lié à un marché B to B
où le particulier n’a pas sa place
défavorable
Performances
liée à la plus-value (+ 713 % entre 1983
et 2012 sur Paris)
liée au rendement (aux alentours
de 6 % contre 3 % pour le logement
en 2012 selon IPD)
défavorable à court terme,
favorable à long terme
Vacance
< 2 %
de l’ordre de 7 % en Île-de-France
favorable
Frais de gestion
importants car multiplicité des locataires
faibles car mutualisés (présence
de gros locataires)
défavorable
TVA récupérable
défavorable
Fiscalité
TVA non récupérable (sauf en cas
de location meublée)
taxation à un taux réduit des plus-values
de cession des bien immobiliers à usage
professionnel à destination des sociétés
foncières et de toutes sociétés IS, dans
le seul cas où l’acquéreur s’engage à
transformer le bien en habitation, au plus
tard au 31 décembre de la 3e année suivant
son acquisition
1er janvier
à partir du
2014,
l’exonération fiscale réservée
aux opérations de rénovation
d’immeubles de bureaux
disparaît
favorable
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aux logements classiques ne dépassent pas 3 640 €
le mètre carré ». Par ailleurs, la loi SRU a eu un autre
effet pervers : les promoteurs répercutant les faibles
marges obtenues par l’obligation de faire du logement social sur les logements libres, ce qui a pour
effet de favoriser l’inflation des prix.
Le relèvement de 20 % à 25 % du taux obligatoire
de logements sociaux (loi SRU) pour les communes
où les besoins en logements sont les plus importants
(supérieures à 1 500 habitants en Île-de-France et
3 500 en régions). Cette nouvelle obligation est une
incitation de plus pour les communes visées qui disposent d’un foncier rare et de bureaux abondants de
réaliser des reconversions.
extrêmement contraignantes et entraînent des coûts
qui sont dissuasifs. L’ORIE rapporte que, pour pouvoir être transformé en logements, un immeuble de
bureaux doit avoir une profondeur de trame comprise entre 12 et 14 mètres. Les immeubles avec une
profondeur de trame de 18 mètres nécessitent une
intervention lourde et conduisent à une perte de surface allant de 10 à 20 % lors de la transformation en
logements.
Façades en murs-rideaux. Très développées dans les
années 1980-1990, les façades de type murs-rideaux
sont complexes à transformer en immeubles de logements.
Utilisation des surfaces annexes. Les pertes de surfaces constituent un inconvénient redoutable et compliquent l’équation financière. Certaines surfaces (RIE,
archives, etc.), souvent en sous-sol ou en second jour,
sont difficilement exploitables lors de la transformation
en logements. À cela il faut ajouter les pertes de surules maîtres d’ouvrage pourront à l’avenir, dans cerfaces liées au nouveau calcul de la surface de plancher
taines zones tendues, passer outre le « coefficient dans le cadre d’immeubles existants.
d’occupation des sols » (COS) qui détermine dans
le PLU une densité maximale de construction pour Localisations des immeubles. Promoteurs, améles logements. Celui-ci restreint parfois le nombre nageurs et investisseurs ont souvent choisi de
de logements constructibles dans une zone contre concentrer les immeubles dans des zones dédiées
toute logique ;
aux bureaux à l’écart des centres-villes et de leurs
commerces, pas toujours accessibles en transports
ules contraintes en matière de places de stationneen commun. Ceux qui bordent les rocades ou les
ment par habitation devraient être allégées, voire autoroutes offrent aux entreprises une visibilité idéale,
levées, toujours dans les zones où les besoins mais sont invivables pour des habitants. Bref, il n’est
de logements sont les plus criants. Elles faisaient envisageable de transformer des locaux tertiaires en
croître de manière substantielle et parfois irration- locaux résidentiels sous la seule et unique condition
nelle le coût de la construction.
qu’ils se situent dans un environnement mixte, voire
à prépondérance résidentielle.
Un début de réponse. Dans son projet de loi présenté en mai 2013 par Cécile Duflot, sont introduites
plusieurs dérogations aux règles de constructibilité
fixées par les plans locaux d’urbanisme (PLU) :
2. Techniques
Âge des immeubles
Déjà diagnostiqué lors du groupe de travail sur le
sujet en 1994, il existe des périodes de construction
d’immeubles de bureaux plus favorables que d’autres
pour leur transformation en logements. Ainsi, les
immeubles des années 1960-1970 ont des caractéristiques qui se rapprochent de celles du logement et
ne représentent pas de difficultés majeures de transformation. Même choses, pour les immeubles haussmanniens, souvent issus eux-mêmes d’immeubles
résidentiels transformés en bureaux. En revanche, les
immeubles des années 1990 sont parfois plus complexes à traiter et nécessitent très souvent des modifications de façade.
Réglementations énergétiques
non arrêtées
Restructurer un immeuble implique de le mettre aux
normes actuelles. Or ces normes ne cessent d’évoluer et de se durcir. Ce qui pousse les propriétaires à
attendre pour éviter que, une fois livré, leur immeuble
ne corresponde plus aux standards du moment. Cela
d’autant plus que le marché est en crise et que le
retour sur investissement peut paraître long.
3. Financières
Les logements
Moins rentables que les bureaux… À l’exception
des communes à très forte dominante résidentielle
Caractéristiques des immeubles
pour lesquelles il demeure plus rentable de louer des
logements (Hauts-de-Seine, Saint-Mandé, Vincennes,
Profondeur de trames. Bien qu’il n’existe pas d’im- Fontenay-sous-Bois et Nogent-sur-Marne dans le
possibilités techniques, certaines morphologies sont Val-de-Marne), l’agglomération parisienne présente
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Des projets innovants
Un exemple original mais éphémère : Camelot
Née en 1993, la société néerlandaise Camelot propose
la location à loyer réduit de locaux professionnels
vacants (bureaux, entrepôts…) pour diverses raisons
(en attente de travaux, en attente d’utilisateurs…) à des
résidents temporaires en recherche de logements.
Pour le propriétaire, ce système permet de protéger
son actif (intrusion, squat, vol) à moindre coût et,
pour le locataire, cela lui permet de se loger à coût
modique.
Dès 2001, la société s’étend à l’étranger avec des ouvertures d’antennes à Londres ou Bruxelles. Aujourd’hui, la
société est présente dans six pays européens, dont la
France.
Inciter les particuliers à investir sur les projets
de transformation : Novaxia
Le groupe Novaxia, spécialisé dans le montage et la
commercialisation d’opérations immobilières, lance,
à partir de novembre 2013, un placement inédit
d’investissement immobilier, à destination des particuliers, dédié à la transformation de bureaux en logements dans le Grand Paris. Baptisé Novaxia Immo
presque partout des loyers plus élevés pour les bureaux
que pour les logements. L’écart est particulièrement
important dans les secteurs les plus cotés : QCA, Ve,
VIe et VIIe arrondissements, Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret.
Club, ce placement est éligible au PEA et au futur
PME-PEA. La durée d’investissement est de six ans et
le montant minimum de souscription de 5 000 €.
Novaxia Immo Club est une PME qui aura pour vocation d’acheter des immeubles de bureaux libres ou
occupés dans le Grand Paris et de les transformer en
logements. Son but : faire bénéficier les investisseurs
à l’achat d’une décote d’au moins 30 % par rapport au
marché. Ce qui permettra, selon Novaxia, d’espérer
une plus-value potentielle à la revente des logements.
En outre, grâce à une politique sélective d’investissements – des bureaux « monolocataires », de plus de
1 000 m2, situés à Paris ou en Île-de-France, à moins
de 800 mètres du métro existant ou futur –, l’opérateur
immobilier indépendant, spécialisé dans la structuration et la commercialisation d’opérations immobilières,
vise une rentabilité élevée issue des loyers des bureaux
occupés. Car, dans un premier temps, les locaux resteront utilisés par les entreprises locataires en fin de bail
avant d’être transformés en logements et revendus.
Quant à l’investisseur, il percevra les loyers annuels
des bureaux occupés et la plus-value potentielle à la
revente des logements après l’obtention des autorisations administratives de transformation en logements.
Transformer des bureaux en logements :
un coût très élevé
20 à 30 % plus cher que construire du neuf. D’un
point de vue technique, le coût de la transformation
d’un immeuble de bureaux en logements est, au final,
Ainsi, pour le logement, les loyers parisiens sont en estimé par les professionnels du bâtiment entre 2 000
moyenne, selon l’Olap, de 21,6 € par m²/mois, soit et 2 500 €/HT/m². Ce chiffre ne peut être qu’estimatif
environ 259 € par an. Pour les bureaux, on parle de étant donné la diversité du parc. Mais, quoi qu’il en soit,
400 à 800 €. À court terme, la transformation de il dépasse celui de la construction neuve dont la fourbureaux en logements ne semble donc pas être ren- chette est comprise entre 1 600 et 1 800 €/m².
table et décourage grand nombre d’investisseurs.
Financièrement réalisable que sur certaines zones.
… Mais à moyen terme, le logement s’est avéré être Conséquence du coût important d’une transformation,
l’actif gagnant. Quand on passe en base 100 et que ce type d’opération n’est réalisable que sur certains
l’on quitte les valeurs absolues pour s’intéresser aux secteurs particulièrement tendus, Paris en tête. Effecprogressions, on voit aisément que le logement a tivement, la transformation n’est rentable que là où le
connu des évolutions de valeurs, tant vénales que prix des logements dépasse, de loin, celui des bureaux.
locatives, beaucoup plus importantes que les bureaux. C’est vrai à Paris et dans certains grands centres-villes.
Ainsi, comme le montrent les tableaux ci-dessus, les Ailleurs, non. La transformation fait d’abord perdre de
prix des logements à Paris ont été multipliés par sept la « surface utile », du fait des murs plus nombreux et
en 29 ans quand, sur une même durée, ceux des des parties communes obligatoires. Dans le même
bureaux QCA ont été multipliés par quatre.
immeuble, la surface à vendre ou à louer, donc rentable,
atteint 95 % du total pour une occupation tertiaire, seuLe constat est le même pour les loyers : multiplica- lement 82 % en habitation. Dans le cas d’une transfortion par 2,7 pour les logements parisiens en 26 ans et mation, il faudrait que le logement construit à la place
par 1,4 pour les bureaux QCA.
rapporte à son investisseur autant que le bureau détruit
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pour une surface plus petite et après avoir intégré la
différence de TVA, récupérable dans les opérations de
bureaux, pas dans celles de logements.
Thème d’actualité s’il en est, la transformation de bureaux
en logements ne peut, seule, être une solution à la crise
du logement. Loin s’en faut.
D’abord par son volume : selon le ministère de
Cécile Duflot, il existe environ 3,5 millions de mètres
carrés de bureaux vacants aujourd’hui en Île-deFrance. Partant d’une surface moyenne de 76 m² par
logement, cela représente 46 000 logements en
région parisienne, alors que le manque y est estimé à
200 000 selon l’ORIE.
Enfin par les caractéristiques mêmes de l’immeuble :
des bureaux ne peuvent être transformés en logements, soit parce qu’ils ne le sont pas techniquement
ou parce qu’ils sont situés dans une zone purement
tertiaire qui ne peut attirer des habitants. Face au problème crucial du logement, tout début de réponse est
bon à prendre, même si il n’est que très partiel.
On l’aura compris, la transformation de bureaux ne
peut résoudre à lui seul le problème du logement mais
peut y apporter une petite contribution.
Effectivement, le problème de l’offre de logement
semble être l’arbre qui cache la forêt. La vraie problématique n’est-elle pas une problématique de marché
liée à l’inadéquation entre le coût du logement et les
Au niveau national, le constat est encore plus miti- moyens financiers des candidats ?
gé. Partant du chiffre de 5 millions de mètres carrés
vacants et de 91 m² par logement, on n’arrive guère À l’achat, le prix au mètre carré est de l’ordre de
qu’à 55 000 logements créés. Réponse qui, si elle 8 300 € à Paris, contre moins de 5 000 € à Berlin, et
existe, ne pourrait être que très partielle. Ce chiffre les différences sont de même ordre entre les autres
est d’autant plus surestimé que l’on prend l’ensemble villes.
des locaux vacants alors que, pour des multiples raisons, de nombreux bureaux ne peuvent être trans- Mais également à la location. Le loyer mensuel
formés.
moyen est de 25 €/m² à Paris et de 12 €/m² à Bordeaux et Toulouse (contre moins de 6 € à Berlin et
Ensuite par sa rentabilité : transformer des bureaux moins de 8 € dans les grandes villes de province alleen logements ne peut se faire qu’en zone particulière- mandes).
ment tendue (Paris intra-muros, quelques communes
très résidentielles) où l’opération de transformation, Mais cela serait le sujet d’une autre étude.y
automatiquement coûteuse, peut s’avérer être une
opération intéressante pour l’investisseur.
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ÉTUDE RÉALISÉE PAR
CHARLES-HENRI DE MARIGNAN
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Transformation
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du logement semée
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Février 2014
ANALYSTE SENIOR, IEIF