Voile Mag n° 228

essai
LES VOILIERS DE REGATE DE 10 A 11 METRES
JPK 10.80
L’accord parfait
On connaissait le talent conjugué de Jacques Valer
et Jean-Pierre Kelbert pour donner naissance
à des champions. Forts de dix ans d’expérience,
ils livrent avec ce 10.80 une copie qui frise la perfection.
EN CHIFFRES
Texte : François-Xavier de Crécy. Photos : Jean-Marie Liot et François Van Malleghem.
SOMPTUEUX. C’est un terme
qui est souvent revenu le jour de l’essai
pour qualifier les sensations de barre,
le comportement du bateau et la fluidité
des manœuvres. Fluides, elles le sont d’autant
plus que Jean-Pierre Kelbert, l’un des deux
papas du bateau (l’autre étant l’architecte
Jacques Valer) est à la baguette et qu’il a
le bateau bien en main. Il est vrai qu’il vient
de boucler et de remporter la première étape
de la Transquadra, de Saint-Nazaire à
l’archipel de Madère. On pourrait se sentir
intimidé, voire dépassé par la puissance
du bateau : il n’en est rien. L’accastillage
est tellement bien placé, bien dimensionné,
le plan de pont si limpide que tout paraît
simple et presque facile. Pourtant les efforts
sont importants. Le mât carbone, le gréement
en rod, les voiles très raides, tout contribue à
solliciter l’accastillage au maximum, mais cela
ne se sent pas. Ou plutôt si, cela se sent dans
les performances (7 nœuds dans 9 nœuds
de vent au près), d’autant que la construction
entièrement réalisée en infusion (varangues
infusées avec la coque) ne manque pas
non plus de raideur. Les aménagements
eux-mêmes sont infusés pour un devis
de poids optimal. Pourtant, l’intérieur se paie
le luxe d’être assez chaleureux avec ses
placages bois jusque dans la cabine avant :
l’ambiance n’est pas à la chasse aux poids,
conformément à la volonté de Jean-Pierre
d’inclure la croisière dans le programme.
132 DECEMBRE 2014™VOILE MAGAZINE
D’ailleurs, les varangues ne dépassent pas
du plancher. A tribord, la table à cartes reste
confortable à la gîte grâce à un siège concave
et un coussin antidérapant. En cas de besoin,
on peut toujours appuyer un pied sur la
descente. De l’autre côté de cette descente
bien gardée, une vraie cuisine avec four,
évier et rangements : il ne lui manque qu’un
panneau d’aération. Depuis cette zone située
autour de la descente, on jouit d’une superbe
visibilité sur l’avant grâce à ce drôle de rouf
épaulé sur l’arrière et plus étroit au-dessus
de la table du carré. En course ou en croisière,
c’est un vrai plus en navigation.
Vu de l’extérieur, ce rouf en T interpelle avec
ses pans coupés tournés vers l’avant, mais
on s’y fait vite. Et ce dessin original permet
à la fois de protéger le cockpit et de placer
dans le passavant des rails transversaux pour
rentrer les points de tire. Ce qui n’exclut pas
Long. : 10,80 m. Long. flot. : 9,40 m.
Largeur : 3,65 m. TE : 2,20 m.
Dépl. : 4 750 kg. Lest : 2 150 kg.
SV au près : 73 m2. Génois : 33 m2.
GV : 40 m2. Spi : 105 m2. Mat. :
sand verre/PVC (infusion). Arch. :
Jacques Valer. Const. : JPK
Composites. Prix : 159 000 €.
l’utilisation en régate d’un in-hauler (renvoyé
au piano, une seule manœuvre pour les deux
bords) et d’un barber pour descendre le point
de tire. Le cockpit en deux parties, très large
sur l’arrière et plus étroit entre les bancs
devant le poste de barre, est un classique.
Ce qui l’est moins, c’est la position du barreur
sur le plat-bord, légèrement tournée
vers l’avant. Ce soin apporté à l’ergonomie,
également visible dans le positionnement des
cale-pieds, a vraiment porté ses fruits. Toutes
les manœuvres utiles au barreur lui tombent
sous la main. Quant au winch de génois, il a
été à la fois surélevé pour travailler à son aise
et rentré pour ne pas avoir à se décaler sous
le vent. Plus qu’un simple bateau de régate,
ce nouveau JPK est un vrai course-croisière
qui prend soin de son équipage et l’aide
à durer sur de longues navigations. Pour
la Transquadra bien sûr, et plus si affinités.
COMME JOHN LENNON a rencontré Paul Mac Cartney, Jean-Pierre Kelbert
a croisé Jacques Valer. Et toutes choses égales par ailleurs, la rencontre de ces deux
talents parfaitement complémentaires s’est avérée très fructueuse, donnant naissance
à une lignée de bateaux excitants, élégants et très compétitifs en IRC : les JPK.
Tout a commencé à la fin des années quatre-vingt-dix, quand Jean-Pierre Kelbert courait
en IRC sur JOD 35. Lassé de voir le prototype Matamouf of Recoucou truster les podiums,
il a cherché et trouvé l’architecte. Jacques Valer n’était pas très chaud pour tenter
l’aventure avec Jean-Pierre qui faisait des planches à voile depuis dix ans mais n’avait
pas encore construit de bateau. Il lui a quand même confié la préforme du Diam 18,
puis s’est finalement lancé dans l’aventure. Ce fut le JPK 960 qui, à peine mis à l’eau,
allait remporter sa première régate. C’était l’Obélix Trophy, en mars 2003, premier titre
d’un palmarès à rallonge…
de partis pris innovants,
Un cocktail de solutions éprouvées et
à l’image de l’étonnant rouf en T.
Il y a deux paires
de cale-pieds, pour le barreur
et pour un éventuel régleur
de grand-voile.
Mais le barreur est bien
placé pour tout faire.
Notez également le poste
de veille à l’abri d’un capot
coulissant bombé.
Chaleureux, lumineux,
l’aménagement intérieur
est révélateur des
ambitions du 10.80 qui vise
l’excellence en IRC, mais
aussi un vrai confort en
mode course-croisière.
A VOIR OU A REVOIR…
Le siège incurvé
de la table
à cartes et son
coussin-grip
offrent un bon
maintien,
même quand
ça gîte fort.
La hauteur du winch
de rouf est idéale, la
protection du capot précieuse.
Il manque un hublot ouvrant
au-dessus de la cuisine.