APPEL A CONTRIBUTIONS « BATIMENT NUMERIQUE » Les géomètres-experts et le bâtiment numérique 3D La mission « Bâtiment numérique pour tous » Le 24 juin dernier, la ministre du Logement et de l’Egalité des Territoires a confié à Bertrand Delcambre une mission pour créer les conditions d’un « bâtiment numérique pour tous » dans le cadre de l’objectif « 500 000 logements » inscrit dans la loi ALUR. Cette mission est destinée à préciser la feuille de route opérationnelle de la généralisation du recours aux outils numériques par l’ensemble des acteurs du bâtiment à l’horizon de 2017. Rappelons en outre que la maquette numérique sera rendue obligatoire en France pour les marchés er publics dès le 1 janvier 2017. De plus, l’utilisation de processus numériques tels que la modélisation des données du bâtiment (BIM) pour les appels d’offre et concours de projets publics d’une certaine taille et pour les projets de construction et bâtiments financés par des fonds publics sera encouragée. Le présent appel à contribution auprès des différents acteurs parmi lesquels les géomètres-experts, a pour objet d’étudier les conditions techniques et juridiques de la généralisation du BIM sur les chantiers de construction, en neuf ou en rénovation, et d’asseoir des règles de l’art en la matière, en concertation avec les professionnels concernés qui doivent s’approprier les outils numériques, sur toutes les phases de la vie des projets de construction. Pour atteindre cet objectif, les professionnels auront besoin de disposer d’un accompagnement en termes de formation initiale et continue, et de disposer des capacités d’investissement suffisantes en termes d’équipement matériel et logiciel. Qu’est-ce que le BIM ? Tout le monde parle du BIM mais un rappel de définition semble essentiel car chaque métier a son propre langage. En effet, la maquette numérique du bâtiment ne se résume pas à un nuage de points et doit être accompagnée d’un modèle mathématique et d’une base de données qualifiante. La maquette numérique BIM (Building Information Modelling) est un modèle 3D du bâtiment ou structure, construit ou à construire. Cette maquette contient des composants « intelligents » (des objets 3D représentant des portes, des fenêtres, des revêtements de sol, des éléments de sécurité, de flux, etc…), qui contiennent des informations essentielles. Le BIM est avant tout un process de travail, via une base de données collaborative orientée objet appuyée ou non sur une représentation 3D de l’ouvrage et avec un management des flux d’informations utilisateur. La partie 3D s’impose de plus en plus comme support de cette base de données (géolocalisation de la donnée) en raison des capacités d’acquisition et de traitement de grandes masses de données rendues possibles par les matériels 1 C’est un levier d’aide à la décision qui génère une réduction des coûts et de l’impact environnemental à l’aide de diverses simulations et visualisations en 3D. C’est aussi un outil d’aide à la conception et au calcul à partir de données métier (DPE, surface, structure, …). C’est enfin un instrument utile à la gestion du patrimoine. Il existe deux catégories de BIM : - « tel que conçu » qui cible les nouveaux bâtiments (conception et construction) « tel que construit » qui cible les bâtiments existants (rénovation et rétro-conception) Afin de permettre à chacun des acteurs du bâtiment de parler un langage commun, nous préconisons de bâtir un glossaire des termes de référence pour définir la maquette numérique du bâtiment et ses contours. En outre, nous considérons que la dimension collaborative des BIM va constituer un tournant pour les professionnels de l’acte de bâtir et va impacter de manière significative la conduite des projets. L’Ordre des géomètres-experts impliqué dans le BIM La vision stratégique de l’OGE consiste à promouvoir la profession de géomètre-expert en valorisant sa mission de service public à un haut niveau d’engagement et de performance, pour garantir aux consommateurs européens la sécurité et la protection de leurs droits. Les enjeux associés consistent notamment à diversifier les compétences et explorer de nouveaux marchés, encourager l’innovation et la recherche en relation avec l’université, promouvoir et accompagner la dématérialisation des actes, mettre la gestion des données et leur sécurisation au cœur des priorités et faire des géomètresexperts des acteurs du développement durable. L’Ordre des géomètres-experts a anticipé la dynamique du BIM puisque dès 2007, nous faisions partie du groupement piloté par Média Construct auquel participaient également les architectes, retenu dans le cadre de l’appel à projet TIC PME porté par la Direction générale des entreprises du ministère des Finances. Le projet baptisé « eXpert » visait à rénover et harmoniser les échanges de données techniques entre tous les acteurs de l’acte de bâtir en faisant la promotion d’une technologie, existante mais encore méconnue à l’époque, la maquette numérique BIM au format IFC. L’OGE a pu démontrer à cette occasion comment le réseau TERIA de positionnement satellitaire en temps réel et avec une précision centimétrique permettait de géolocaliser et géoréférencer l’assiette foncière des constructions. Une enquête conduite en 2009 auprès de l’ensemble des géomètres-experts révélait que 19 % d’entre eux connaissaient le BIM et que parmi ces 19%, la moitié considérait que la maquette numérique était nécessaire. L’Ordre des géomètres-experts a mis en place en 2010 le portail GEOFONCIER, intégrateur des données foncières produites par les géomètres-experts, qui permet de croiser différentes données métier. Une déclinaison pour la mer et le littoral vient d’être lancée, afin de répertorier et cartographier les occupations humaines sur la bande littorale et en mer, les usages ainsi que les droits concédés. Il comporte un curseur temporel afin de suivre les évolutions du trait de côte et des usages dans le temps, et d’identifier les superpositions de gestion de la propriété des personnes publiques en 3D. En outre, l’Ordre des géomètres-experts a mis en place il y a un an un groupe de travail entièrement dédié à la 3D, composé d’une dizaine de géomètres-experts, tous passionnés par ce sujet en plein développement. Ce groupe de travail a une feuille de route très large qui converge avec les problématiques du ministère : 2 - Suivi R&D des technologies 3D : accompagnement d’une doctorante de l’INSA de Strasbourg dont le sujet porte sur la modélisation paramétrique de bâtiment en 3D, à partir de nuages de points, en vue de l’élaboration de maquette numérique (BIM) transposable en matière de travaux de rénovation sur les bâtiments existants, divisions en volume, gestion de copropriété - Etude sur l’application à la profession des technologies 3D : en matière de topographie, aménagement urbain, génie civil, infrastructures et réseaux, cadastre, reconnaissance de limites, droit des sols, servitudes privées et publiques, mais aussi dans le champ du bâtiment, de la construction, de la gestion de patrimoine, de la copropriété et la division en volume - Veille technologique sur les nouveaux modes d’acquisition des données en 3D et inventaire des retours d’usage sur l’utilisation des drones Par ailleurs, nous allons apporter notre soutien à l’organisation, par l’ESGT (Ecole Supérieure des géomètres et topographes), d’Assises sur la 3D appliquée à la profession de géomètre-expert, qui se dérouleront au CNAM, à Paris. Enfin, notre prochain congrès national se déroulera à Nancy en juin 2016 et portera sur les nouvelles technologies de la mesure, les nouvelles dimensions foncières (de la 3D à la 4D avec la dimension temporelle) et les BIM. Le géomètre-expert, maillon essentiel de la rénovation du bâti Les géomètres-experts réalisent de la 3D depuis des décennies en représentant le territoire en coordonnées X, Y et Z. Dès 1993, le guide des prestations édité par l’OGE prévoyait que la représentation des informations planimétriques et altimétriques du plan pouvait être graphique ou numérique et rappelait que le géomètre-expert devait être attentif à la définition 2D ou 3D des levers en fonction du logiciel utilisé par le demandeur. Dans ce même guide, la division en volume d’un bâtiment se définissait comme le fait de diviser dans ses trois dimensions la propriété foncière, chaque volume étant déterminé par les dimensions des périmètres de base et par les altitudes des niveaux correspondants. Le géomètre-expert est un des acteurs majeurs de l’aménagement et du cadre de vie ainsi que de la gestion du patrimoine. Il intervient à l’amont (relevé de l’existant, projet d’aménagement, analyse juridique) pendant (implantations, contrôles de précision) mais aussi à l’aval (gestion de copropriété, diagnostics immobiliers) de la chaîne numérique de l’acte de construire. Le géomètre-expert se positionne clairement sur le marché de la rénovation de bâtiments existants en procédant en amont à l’aquisition et à la diffusion aux acteurs de la filière d’un modèle « tel que construit » précis et fidèle à la réalité autant sur le plan technique que juridique.. Il procède au géoréférencement de l’assiette foncière de la construction grâce à différents moyens (réseaux GNSS, réseau TERIA de positionnement satellitaire de précision centimétrique temps réel, etc..). Il produit des modèles numériques de la topographie du terrain en 3D, socle de la construction, qu’il est en capacité d’analyser juridiquement et techniquement, notamment au niveau de la précision des données acquises (il intervient également sur la modélisation des réseaux anciens et à réaliser, de la modélisation et positionnement des tunnels, cavités et autres réseaux sous-terrains). Il est compétent pour intégrer des données d’origines diverses et les interpréter pour les enregistrer au bon endroit dans la maquette numérique. En aval, il exploite et met à jour la maquette numérique afin d’assurer une traçabilité des données en prenant en compte leur historique qu’il analyse juridiquement. Dès lors, le géomètre-expert valorise la ème dimension temporelle du bâti et de la propriété foncière, assiette de la construction, en fonction 4 de leur évolution. Nos compétences techniques et juridiques doivent être mises à profit pour fiabiliser et pérenniser la maquette numérique en termes de représentation et d’homogénéité graphique d’objets issus de levés 3 à destination et de précision variables. Nous saurons être force de proposition pour définir les procédés et les méthodes à mettre en œuvre garantissant homogénéité et fiabilité des données géographiques de la maquette dans un système unique et géoréférencé. A terme, les bonnes pratiques doivent permettre d’éviter une dégradation de l’information source de non exploitation des bases de données, et notre expérience des SIG peut y contribuer. La maquette sera le support de la conception, de l’aménagement, de la rénovation sur un bien foncier grevé de servitudes de droit public et privée, qu’il convient d’identifier précisément au regard de la densification urbaine et du caractère inviolable du droit de propriété. Elle servira également de base pour la création de biens fonciers, parcelles, lots de copropriété, volumes, que le géomètre-expert devra décrire et garantir, si possible en tant qu’acteur du BIM. Exemple de prestations descriptives et juridiques de l’immeuble bâti produites par les géomètresexperts et centralisées en process BIM Commentaire [OM1]: Le graphique me gêne parce qu’il laisse penser que le BIM n’est qu’une armoire à document, qui produit des documents exclusivement d’intérêt GE. Je pense que la profession doit montrer son ouverture et sa maîtrise de certaines composantes du sujet en : - montrant ce qu’elle apporte déjà et que le BIM renforcera - ouvrant sur les autres utilisateurs Si nous voulons garder le graphique, alors je préconise : - de le légender « prestations descriptives et juridiques de l’immeuble bâti centralisées en process BIM » - de le compléter : servitudes, suivi de l’usage et de la destination des locaux, définition de l’assiette foncière (bornage, reconnaissance contradictoire), états de surfaces … 4 Les enjeux du BIM Nous assistons à l’émergence de Master spécialisés dédiés à la fonction de « BIM Manager » et de modules d’enseignement disparates dans des écoles d’architectes et d’ingénieurs (ESTP, Ecole des Ponts, …). Nous considérons que le socle de formation initiale actuel est inadapté car il exige une culture et une formation de base en topographie pour être optimisé. Seul un mastère spécialisé (formation courte sur 6 mois s’adressant à des diplômés BAC+5) permettrait de pallier ce déficit de formation. S’agissant de la formation continue des professionnels, des solutions de E-learning doivent être déployées. L’évolution technologique dans la mesure (distance mètre, tachéomètre, station totale, scanner 3D, orthophoto numérique, Lidar, drones, …) permet aujourd’hui l’acquisition rapide de données fiables et denses adaptées au projet. Toutefois, il faut veiller aux effets néfastes induits par la banalisation des technologies d’acquisition des données en 3D. En outre, si ces outils permettent des levés rapides et précis (bien que la précision finale des données assemblées doit être analysée et garantie par un professionnel de la mesure) avec beaucoup de détails, la modélisation manuelle s’avère chronophage et source d’erreurs en terme de ressaisie. Nous étudions donc la faisabilité d’automatiser les processus afin d’extraire automatiquement le maximum d’informations des nuages de points en vue d’intégrer le résultat dans un logiciel de BIM (thèse INSA – Hélène MACHER). La maquette numérique du bâtiment est un outil support de la concertation. Il convient en effet de veiller à être conforme à la directive Inspire qui vise à rendre visible et accessible la donnée auprès du citoyen. Néanmoins, cette diffusion doit être cadrée juridiquement et les droits de propriété sur les données du BIM ainsi que sur les fichiers communiqués doivent être garantis au regard de la valeur juridique des données produites. Il est nécessaire de sensibiliser les donneurs d’ordre à la précision de la donnée trop souvent occultée par l’image et à la nécessité de respecter les dispositions de l’arrêté du 16 septembre 2003 sur les classes de précision. En effet, les technologies d’acquisition des données en 3D doivent inciter l’usager à la plus grande prudence s’agissant de l’illusion sur la précision obtenue. De plus, avec la disparition de la notion d’échelle et son remplacement par le niveau d’abstraction, une information s’avère indispensable La connaissance et la qualification des tolérances de levés et représentations est un préalable à l’échange correct des données entre professionnels de l’immobilier, sa prise en compte par les instances juridiques est un enjeu majeur. Le BIM doit avoir entre autres conséquences une meilleure anticipation du contentieux, afin de l’éviter : si la technique ne rencontre pas à un moment donné le juridique, nous aurons toujours des empiètements que la Cour de cassation sanctionne par une démolition pour 5mm, BIM ou pas BIM. Il faudrait également sensibiliser les donneurs d’ordre sur la nécessité de respecter les dispositions du décret du 3 mars 2006 sur le géoréférencement et le rattachement des levers aux systèmes de projections du système géodésique RGF93. Cela permet de garantir la cohérence des données provenant des différents acteurs de la filière du bâtiment. Les données disponibles en amont d’un projet de construction sont trop souvent transmises, quand elles existent, en format papier ; c’est le cas des POS/PLU, servitudes d’utilité publique et plans des réseaux. Le Geoportail de l’urbanisme et la réforme des travaux à proximité des réseaux devraient permettre d’impulser une dynamique : les récentes directives règlementaires concrétisent le cap vers la connaissance numérique à grande échelle du tissu urbain, le BIM n’étant jamais que la conséquence logique de cette direction rapportée à l’échelle du bâtiment. La connexion entre les bases de données à l’échelle de la Ville et les bases de données à l’échelle de l’immeuble est donc prévisible. La profession est très sensible à l’enrichissement de données numériques centralisées, de par : - son activité de production générant des documents clefs de la vie de l’immeuble (relevés, PV de bornage, division, EDD, règlement de copropriété, ASL, ….) en lien avec les Notaires - son activité d’analyse des antériorités de l’immeuble (situations anciennes pour délimitations, analyses juridiques, confrontation des sources documentaires) - sa mission de service public et de communication de la donnée, concrétisée aujourd'hui par une base de données nationale accessible au public, Geofoncier. 5 La profession étant à la fois en amont et en aval de la vie de l’immeuble, nous avons des expériences utiles à apporter aux groupes de travail nationaux sur le sujet des échanges numériques Il faut donc assurer une concertation avec les éditeurs et fournisseurs de logiciels métiers afin de mettre au point une offre plus large de logiciels basés sur la 3D objet et non sur la 3D filaire, ne reposant pas sur des solutions propriétaires et adaptés aux levers d’intérieur permettant de générer des maquettes numériques. Conclusion Le BIM semble inéluctable comme solution pour répondre aux objectifs sociétal, environnemental et économique du secteur de la construction et de l’immobilier. Sur la base de ce constat, les différents acteurs de la construction, se sont fédérés autour de la maquette numérique. Ils en perçoivent chacun l’intérêt en termes de qualité, productivité et coût. Mais peu, utilisent la maquette de manière collaborative. Ce sera alors un des enjeux majeur du BIM : faire travailler ensemble tous les acteurs du secteur de la construction et de l’immobilier autour d’une maquette numérique unique. 6
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