Je ne peux plus faire autre chose que vivre

la
Vague
des
sentiments
Journal des expositions 2014 • Centre d’art contemporain intercommunal, Istres
Je ne peux plus
faire autre chose
que vivre
vague du 7 novembre
Thibault Franc propose de « beaux
restes », proches de cultures ancestrales,
dans un dispositif mémorial où il
évoque une traversée du temps.
Cet artiste arlésien s’inscrit dans une
continuité de la tradition allégorique de
l’Antiquité à la Renaissance qui permet
de nouer des liens entre poésie, mythe,
science et philosophie.
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L
a vague des sentiments est un continuum
d’exposition, semblable au flux des émotions qui découle d’une réflexion sur l’espace et le mouvement. Les variations, les glissements d’un état à l’autre écrivent la temporalité des expositions. Ainsi va la marche des humeurs,
elle permet d’interroger autant les pratiques que les sentiments eux-mêmes, si le désir, la souffrance et la nostalgie sont des points culminants, des repères, les moyens
d’expression et l’espace temps sont tout autant sujet. La
notion même de scénographie n’est pas figée, l’artiste réagit à son environnement, l’œuvre aussi. Le temps de présentation monographique de chaque artiste est rythmé
par une vague, cette réécriture de l’exposition interroge
ce qui fait lien, rencontre, frottement, émulsion, quel est
le fil tendu entre deux installations, entre deux artistes,
quel regard porte le visiteur sur un espace qui évolue ?
Thibault Franc propose de «beaux restes», proches de cultures ancestrales, dans un dispositif mémorial où il évoque une traversée du temps.
Dans la série des casques créés pour l’exposition, il présente un vestige de
l’armure et notamment dans le Casque rudéral, un lien direct avec le vivant,
les cactus pris dans le métal fondu évoquant ces plantes qui poussent dans
les décombres. Toute la poésie de l’artiste se situe ici, dans l’idée de survivance entre l’image de la ruine et la vie qui reprend ses droits. Il renvoie à
l’idée de ce qui enveloppe le vivant : l’involucrum, ce qui sert à couvrir ou
à protéger. Le casque est l’âme du guerrier, une image, une trace archéologique qui nous relie à l’histoire de l’humanité. C’est aussi un sujet de
métaphore, un espace de jeu où passé et présent se percutent, jouets en
plastiques et alliage de métal dialoguent. Dans ce dressing de fiction, les
casques de bronze côtoient un sceptre de Dark Vador en assemblage. Cet
artiste arlésien s’inscrit dans une continuité de la tradition allégorique de
l’Antiquité à la Renaissance qui permet de nouer des liens entre poésie,
mythe, science et philosophie. Face au spectateur, un blason démesuré de
Dragon accumule les détails d’une lutte féodale. Thibault Franc expérimente, tel un chercheur, des pistes multiples, il signe un espace lisse et
très muséal tout en gardant une générosité boulimique pour l’assemblage
digne de Donjons & Dragons. Le bouquet trône comme le symbole fort qui
établit un passage avec l’œuvre de Harald Fernagu. Abordant le genre de la
Vanité, le vase moribond porte la trace de l’éphémérité de la vie.
Commissaire d’exposition : Catherine Soria
THE END
JE NE PEUX
PLUS RIEN
FAIRE D’AUTRE
QUE VIVRE
entretien avec Bernard Garnier de Labareyre mai 2014
Casque invasif, 2014, c photo : jeanchristophe Lett
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Alors que tu n’es pas selon moi dans la
nostalgie, comment te positionnes-tu
par rapport à cette notion ?
Mon travail relève de l’enfance, et de la mélancolie, qui
conditionne le devenir des souvenirs.
As-tu peur de la mort ? Penses-tu que
tes œuvres puissent mourir ?
Je ne conçois pas l’au-delà comme un espace de rédemption
ou de punition. Si la mort n’est pas la suite d’une aventure,
en l’absence de sensation, elle n’est rien pour nous, ainsi que
le disent les épicuriens. La destruction partielle, et la falsification de mes œuvres non plus ne m’inquiètent pas : plus
on démembre un adversaire, plus les morceaux s’éloignent
les uns des autres, et plus ils sont difficiles à détruire. Tout
comme les têtes de l’Hydre de Lerne. J’ai même découpé à
la scie sauteuse des peintures réalisées sur bois, puis j’en dispersais les morceaux, en ayant l’impression de rendre cette
peinture gazeuse, aussi invulnérable qu’un nuage de gaz.
Depuis que nous nous connaissons je suis
impressionné par la variété de tes modes
d’expression. À quoi cherches-tu à échapper ? à la
répétition ? à un enfermement ? à la mélancolie ?
Cet éclatement est le propre du modèle antique de la bile
noire. Des idées nouvelles surgissent dans une ivresse, une
digestion incomplète des sensations, qui rend les formes
incompréhensibles : de l’ordre du barbare, du baragouinage. Peut-être intelligentes, les idées restent toutefois
intransmissibles.
Dans ses leçons de physiologie, Aristote propose une gestion des humeurs et des visions prophétiques. Afin de revenir vers les hommes avec une forme poétique qui puisse
être transmise, la métaphore, tout en conservant cette puissance qui touche au but.
Pour Aristote le monde où nous vivons, le monde sublunaire est un monde de désordre dans lequel il n’y a ni lois,
ni règles définitives. Il peut neiger en plein été - terrible
pour les récoltes. Un bateau peut sombrer dans une soudaine tempête. On est dans cet effroi du hasard, dans cette
météorologie de bourrasques et de tourbillons, et comme
l’esprit mélancolique est lui aussi plein de tourbillons, il va
fonctionner en parallèle du monde, à son image.
Le chaos intérieur est donc l’exact reflet des choses. Dans
son apparente incohérence, le bilieux touche parfois plus
juste, il est plus près de la réalité que la pensée rationnelle
qui elle, extrait du monde par induction des formes rectilignes pas forcément ressemblantes avec ce qui est situé
sous la lune. Autant dans le cosmos aristotélicien il y a des
règles immuables, autant dans le monde humain il n’y en a
pas, et donc pour s’en sortir, on a besoin de cette folie.
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Étudier, citer, copier ou réinterpréter l’antique a
été à la base de l’enseignement des Beaux-Arts.
Tu n’hésites pas à citer aussi certaines formes
de l’Antiquité tout en réfutant l’importance
de l’Histoire et son intérêt. Pourquoi avoir
alors recours à ces formes dévoyées ?
Grâce à l’explosion des supernovas on arrive à comparer les
chroniques chinoises, arabes, européennes, mais il y a des
contradictions. J’avoue cultiver le doute par rapport à l’Histoire et à l’histoire de l’art. Nous gardons rarement à l’esprit
que les mêmes inventions surviennent plusieurs fois, que
les espèces suivent des évolutions convergentes, buissonnantes, erratiques.
Citer des oeuvres récentes peut nous soumettre à tout un
ensemble de contrôles juridiques auxquels je ne prête pas
attention, parce que les oeuvres d’art sont pour moi jetées
dans le monde en compagnie des autres objets. À ce titre, je
suis plus enclin à citer des formes anciennes. Leur charisme
d’objets ruinés les rapproche des choses naturelles destinées
à retourner à la poussière, à l’humus dans lequel on peut
s’enraciner à nouveau.
Tu trouves que nous sommes encombrés de vieux
monuments, de gloires passées. Tu rêves d’un
ordre ou plutôt d’un fertile désordre nouveau.
Mais n’es-tu pas toi-même le produit d’une
histoire des hommes ou histoire de l’art ?
Il est plus facile de jouer à rejeter la culture quand on l’a à
sa disposition. Néanmoins un tel mouvement me semble
nécessaire et, en fait, caractéristique du processus créatif.
Tu jettes des artefacts artistiques dans le Rhône
en espérant malicieusement qu’un archéologue
du futur se cassera la tête à essayer d’identifier
et de dater l’objet. C’est une provocation ou
vois-tu cela comme un combat sérieux contre
la révérence vis-à-vis de l’Histoire ? As-tu
peur de sombrer dans l’oubli du temps ?
Mon rapport à l’art contemporain est défini par une certaine légèreté qui s’oppose à un trop grand sérieux. Une
proposition malicieuse peut servir un combat de fond plus
construit, qui permet de relativiser le sens de l’histoire pour
un éventuel archéologue plongeur du Rhône. J’aime surtout amener de l’étonnement.
Le geste de jeter à l’eau vient de l’incapacité à détruire totalement mes œuvres, et du désir de laisser les éléments et
un regard parfaitement étranger faire le tri. Il s’agit d’une
offrande faite au fleuve, gigantesque écoulement pareil à celui
du temps, qui tout à la fois détruit et tout à la fois conserve.
Tu manies dans tes assemblages des
artefacts comme des mots, via un langage
dont tu détiens les clefs. Quelle distinction
fais-tu entre les mots et les choses ?
Ils sont liés par un continuum. Les mots sont plus fluides.
Pour articuler davantage, j’ai besoin de le faire avec des
objets.
On retrouve ce rapport aux mots et aux choses dans la
pratique magique, où l’on peut réellement convoquer les
choses et agir sur elles à travers le langage, à travers des rapports de similitudes et des rapports de contact. Au lycée, j’ai
été très marqué par la lecture du Rameau d’or de Frazer1. Et
enfant, par un recueil de nouvelles qui s’appelait, je crois,
Les choses et les êtres parlent. Mon rapport au langage est
assez animiste. J’ai fini par partir en Afrique, au Bénin où
j’ai été initié au Vaudoun2.
Tu aimes jouer avec le sens des mots, jusqu’au
non-sens. Par exemple tu réfutes la notion
de symbole que tu dis ne pas aimer et tu
revendiques la notion de métaphore dans
ton travail. Pourquoi ce glissement ?
Le symbole peut être rapproché du blason, de l’héraldique. Il
relève pour moi d’une chevalerie figée, comme celle des derniers samouraïs. À l’inverse, la métaphore est imprévisible,
elle se créée constamment, elle est de l’ordre de l’imparfait,
du ronin ou samouraï déchu, de l’exploration, de la guérilla.
Je présente au CAC une grande armure de chevalier dragon, qui réunit ainsi les pires adversaires au sein du même
objet, dans le but de capter leur force. Sans toutefois
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m’inféoder au symbole puisque le matériau des jouets
qui grouillent et s’entrelacent, détruit les contours et le
sérieux de l’image en l’ensauvageant.
La mélancolie est un processus métaphorique, le symbole
n’y a pas sa place 3. Il est une forme fossile alors que la métaphore est une espèce vivante en pleine évolution.
Que deviennent tes œuvres sans tes mots ?
Un peu comme les créatures vivantes une fois jetées dans
le monde, évoluant hors du jardin d’Éden. Elles sont faites
pour que je les voie s’éloigner. Comme un enfant aussi qui
fait des bateaux en papier pour les lancer dans la rivière.
C’est la fin de l’âge du pétrole. Tu adores le plastique
et l’utilises sans cesse dans ton travail d’assemblage.
Le goût du plastique est très générationnel. C’est quelque
chose que j’ai mis un certain temps à m’autoriser, comme
prolongement de la peinture. Une libération, le droit de
jouer avec ces formes, qui sont des jouets et qui sont tellement plastiques au sens large, qu’elles sont capables de représenter toutes les choses du monde. Et donc justement de
convoquer tous les mots, tous les animaux, tous les métiers,
tous les véhicules... Voilà, on y retrouve tout en miniature.
À partir de là, le plastique est déjà pour moi un matériau
sacré : non seulement le plus représentatif d’une époque
finissante ; mais en plus, comme des petites statuettes des
Cyclades, capable de célébrer la richesse de notre monde,
tant biologique que technique.
Récemment tu es parti dans deux nouvelles
directions. D’un côté, une solidification, où tu
transformes en bronze des jouets de pacotille
en plastique. De l’autre, une unification de
ton, ou selon ton expression tu mazoutes
des pièces. En l’occurrence des bouquets.
J’ai commencé à peindre le plastique pour lui donner une
sorte de patine rouillée. Créer une confusion temporelle,
une surprise dans la manipulation éventuelle, du fait de
la légèreté des pièces qui est contradictoire avec leur apparence lourde, métallique. Ou l’inverse, du bronze avec une
platine de bakélite noire.
Les premiers casques sont simples, faciles à manipuler.
Leur légère absurdité vient du lien entre deux éléments.
Un heaume et une bicyclette, à l’envers : un petit vélo dans
la tête, un casque de Mickey. La peinture suffit à les réunir, à leur donner une unité organique, comme dans le cas
des bouquets, qui sont des natures mortes, funèbres, mais
aussi des arbres de vie, capables de porter tous les fruits, les
insectes éphémères des peintures hollandaises et les oiseaux
pleins de vitalité.
L’aspect mazout est venu notamment sur des oiseaux perchés
le long d’un grand missile déjà lancé, une catastrophe suspendue en l’air, avec des canards qui accentuaient cet aspect
de marée noire. Un noir légèrement bleuté auquel je donnais
des reflets d’essence à peine perceptibles, du rose, du violet,
du mordoré, la beauté d’une trace d’essence sur un parking.
Je passe au bronze parce que les objets à réunir n’appartiennent plus seulement à l’ordre de la technique, mais aussi
à l’ordre de la nature. Notamment des végétaux. Une pièce
un peu futuriste devient soudain extrêmement pérenne. Il
y a l’idée de pouvoir la projeter dans un avenir lointain : le
bronze est synonyme de durée. Grâce au travail à la fonderie, j’ai l’impression de pouvoir transmettre le casque, déjà
étrange et comme venu d’ailleurs, dans une autre temporalité. Lorsque que je vais vers du bronze, c’est parce qu’on
n’est plus simplement dans l’œuvre en situation en salle
d’exposition, mais plutôt dans un objet qui est destiné à
être perdu dans le monde et donc ne peut pas se contenter
d’être dans l’apparence.
En passant, comme tu le disais, de l’âge du pétrole à l’âge du
bronze je prépare mes pièces à des temps barbares.
Qu’est ce que barbarie et barbare
signifient pour toi ?
Les temps barbares, du point de vue de la science fiction,
sont des temps de régression, de pénurie, de danger. Ce n’est
pas pour rien que je travaille sur des thématiques de guerre
et d’équipement.
Cette nouvelle série de casques en bronze est très nettement
marquée par la présence de raquettes de figuiers de barbarie.
En fait, les trois casques ont été pensés pour accueillir précisément ces plantes et leur servir de support. Sous forme
relativement élégante de cimier, ou celle plus dérisoire
d’oreilles de Mickey : deux grandes raquettes d’oponce4 qui
sont fixées sur les côtés du casque.
Il y a dans ce travail, tout autant un discours sur la
Méditerranée et la Barbarie berbère, c’est à dire la question
de mon environnement à Arles qui est un environnement
aride, qu’un discours sur la culture. La question du déracinement, de l’invasion est importante, puisque les figuiers
de barbarie ne sont pas originaires d’ici et viennent d’Amérique Centrale. Ce sont des plantes rudérales, tellement vaillantes qu’elles se sont très facilement répandues en Afrique,
comme si elles faisaient partie du paysage.
Ces plantes me ramènent au courage et à la résilience. À
des problématiques qui me touchent, celles du nomadisme
et des migrants. Je pense au racisme, aux chaussures qui
s’échouent sur les rivages de la Méditerranée et qui sont la
trace du corps des noyés.
Mes casques de courage portent cette empreinte, mais également la question du langage à cause de l’étymologie du
mot « barbare », inventé par les romains aux marges de l’empire – et personnellement, je ne peux que me situer aux
marges du nouvel empire, américain ou peut-être chinois.
À la frontière. Cette question du barbare est la question
d’un langage incompréhensible. « Bar Bar » sont pour les
Romains ceux qui parlent d’une manière gutturale. On ne
comprend pas ce qu’ils disent.
Cela me fait aussitôt penser à ta Tour de Babel et
la malédiction divine détruisant la langue unique.
Dans le cadre d’un workshop réalisé ici au CAC en février,
qui préfigurait ma participation à La vague des sentiments, j’ai
construit une énorme Tour de Babel, à base de jouets. Avec,
agglomérés, de minuscules monuments, petits souvenirs de
tour Eiffel, de tour de Pise, des bustes des grands hommes
de la République Française, ou des bustes antiques, comme
si j’essayais de résumer justement toute l’histoire humaine
avec également Ronald Mac Donald, Bob l’éponge, les
schtroumpfs, les WC roses de la poupée Barbie. En fait,
des choses qui s’équilibrent puisque c’est le grandiose, les
empereurs, les Auguste, les Alexandre, les conquérants, qui
se pose en regard de la trivialité amusante. Tout cela culminant jusqu’au cratère d’un volcan, qui porte lui-même cette
circularité et cette immense route en spirale. La Tour de
Babel, c’est le parfait symbole de cette imminence de la barbarie et de l’incompréhension des hommes qui ne peuvent
plus parvenir à parler un seul langage.
En ce qui concerne cette thématique
lancinante de « l’éternel malentendu » , je ne
peux m’empêcher de penser à la Table des
négociations de Chen Zhen revue récemment
à la galerie Perrotin. Cette double table où les
chaises voient leurs assises insérées dans le
plan du plateau, empêchant qu’on s’y asseye.
Il est peut-être trop tard pour négocier, le futur va nous rattraper brutalement. Ma tour de Babel en plastique nous
renvoie moins à l’histoire de la Bible qu’à l’avenir. C’est
intéressant parce que le barbare est aussi un personnage
de science-fiction. Autant dans ces univers, l’espace ne pose
aucun problème parce qu’on peut toujours, comme dans la
conquête américaine, aller plus loin, il y a toujours une autre
vie possible ; autant cette juxtaposition d’histoires permet de
1. Le Rameau d’or, rédigé au début du siècle, est une vaste fresque dans laquelle James George Frazer rapporte des centaines
de mythes et de rites de tous les continents. L’auteur a voulu élucider le mystère du meurtre du « roi sacré » et, ce faisant,
pense avoir trouvé la clé de la pensée magique des peuples « sauvages ».
2. religion animiste de l’Afrique de l’Ouest, à distinguer du Vaudou Haïtien qui en découle.
3. La Mélancolie chez Aristote, Thibault Franc, PUF 1998.
4. Oponce ou Figuier de Barbarie
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télescoper les temporalités, ce qui fait que dans la sciencefiction on trouve des barbares et des pistolets laser qui se
confrontent, se mélangent et s’enrichissent mutuellement.
je poursuivais aussi le rêve du polymathe5, ou comment
s’accomplir en tant qu’homme et père, capable de manier
toutes sortes d’outils.
Lorsque tu parles de créer une nouvelle langue,
un nouvel univers, est-ce que tu te prends
pour un démiurge ? Est-ce une manière de te
vivre en Créateur plutôt qu’en créateur ?
Tu te vis en chasseur. Tu aimes citer le registre de la
chasse et des trophées dans ton travail. Mais quelles
sont tes proies ? Est-ce que tu te vis comme traqué ?
C’est une tentation très évidente, celle de se dématérialiser,
pour devenir seulement un œil dans le ciel, un voyeur et
des mains invisibles qui caressent, poussent, réorganisent
un univers transparent. L’idée de l’aquarium traverse tout
mon travail et elle est même apparue dans mon premier
roman, Brico-relais*, sous la forme d’un rêve obsédant qui
m’y faisait définir la peinture comme une forme d’aquariophilie. C’est l’idée d’un monde clos, d’une prison de verre
dans laquelle la vie se dévoile entièrement.
Est-ce que tu penses que l’anarchie est
le seul remède face à un système qui ne
veut pas se remettre en question ?
Les œuvres peuvent constituer un système personnel de
survie, une sorte de groupe électrogène, mais sans remettre
en question le système lui-même.
J’éprouve une tension dans la pratique, entre ma volonté
de contester l’autorité, l’origine, l’archétype - en ce sens je
cherche à placer du désordre - et celle de plastifier le réel.
Tout en étant dans cette rébellion, je ne peux pas être révolutionnaire, du moins pas en restant un artiste. Ce qui
explique que mes œuvres vont se retrouver suspendues
entre la conservation archéologique - sorte de durée, même
fictive, à travers la patine, la rouille - et un devenir chaotique, une croissance anarchique. D’où ma fascination pour
les plantes, le jardin en mouvement de Gilles Clément,
parce que quand on regarde un paysage, il y a une vitalité,
des déplacements, des remises en question permanentes
quant aux territoires occupés par les plantes, et dans le
même temps, ce sont des formes qui certes évoluent, mais
ont pour but de se conserver et de transmettre leur patrimoine génétique.
L’enfant en toi est très présent. Il te
fournit toute une bibliothèque d’histoires
à retravailler, d’émotions à retranscrire.
Tu revisites sans cesse ton enfance ?
Double-page précédente : Casque rudéral, 2014, c photo JC. Lett
J’ai peut-être fait évoluer l’enfant que j’étais, sans rompre
avec lui et sans réellement quitter ce jardin d’Eden, qui
de manière très physique, existe toujours à Bordeaux pour
moi, sous la forme du Jardin public. Un monde clos comme
un aquarium, dans lequel différentes espèces interagissent
et dans lequel l’inventivité rêveuse peut s’exercer.
Mais, ayant conservé cette nature enfantine, je me suis
retrouvé en butte au monde extérieur. J’ai donc passé
du temps à muscler cet enfant, à le caparaçonner, ce qui
explique aussi la présence de ces casques et de cette armure
de chevalier dragon.
Également, lorsque j’ai englobé ces livres, que j’appelle
Les incunables, dans leur écorce, leur jus, pour les ramener
in cunabula, au berceau, quand je les ai fait redevenir du
bois, pour les préserver, j’ai dit que c’étaient des chrysalides
à rebours. Il y a là un désir d’immortalité, que je retrouve
quand mon fils de quatre ans me déclare « qu’on est d’abord
petit, puis qu’on grandit et qu’ensuite on redevient petit. »
En s’imaginant que ses grands-parents vont rajeunir, il pense
aussi que plus tard je redeviendrai un enfant. Ce qui fait
que je peux lui acheter un dinosaure, parce que « ça servira
plus tard à papa, quand il sera redevenu petit ». Il touche du
doigt une vérité qui doit s’exprimer inconsciemment.
Tu aimes enseigner aux enfants. Tu adores
les déguisements, l’escrime médiévale que tu
pratiques avec ton fils avec des épées de bois.
Comment te situes-tu par rapport à eux ? As-tu
envie de leur transmettre un message ? lequel ?
En réalité, j’ai refusé la posture de l’enseignant à laquelle
j’étais fortement destiné de par mes études et la tradition
familiale. J’apprécie pourtant de travailler avec des enfants
du fait de leur inventivité dans la provocation, et de mon
propre désir de m’attaquer à leur conformisme social, à travers ma manière d’interpréter le personnage de l’artiste.
L’escrime correspond à cette figure du guerrier, du duelliste, du rapport à la rhétorique et à la capacité à affronter les épreuves. En devenant artiste plutôt que professeur,
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Au départ, la traque, c’est le jeu de cache-cache : que l’on
soit proie ou prédateur, avant d’attraper, on joue surtout à
se dissimuler. Donc la traque c’est aussi le déguisement, le
camouflage, le masque. Et le plaisir de surprendre, d’étonner, en poussant soudain un grand cri. Ensuite, l’enfant est
celui qui s’exerce à poursuivre tout ce qui bouge dans la
nature et qui a cette curiosité du vivant.
Enfin et comme chez les adultes, la chasse, la traque, c’est la
subsistance, en deçà de l’organisation agricole et de la division du travail, de la société. Dans la solitude qui est associée aussi à la forêt, à la brousse, à la montagne, il y a l’idée
de l’autonomie, de se procurer les moyens de sa propre existence. De construire sa propre cabane, comme les petites
maisons que j’ai aussi présentées au workshop. De savoir
allumer du feu, de survivre.
Je me suis interrogé sur le rapport que j’avais justement au
devenir des œuvres à travers la vente : l’indispensable nécessité pour l’artiste de trouver des collectionneurs et donc de
devenir une forme de chasseur de têtes, quelqu’un en tous
cas qui collectionne des trophées comme dans mon Projet
Facebook. Ironiquement, un artiste affamé, qui tisse sa toile,
qui peint sur sa toile. Un artiste appelé a-raignée, qui fascine
et qui capture, dans son univers, des personnes, tout en leur
offrant quelque chose.
En fait c’est très proche de l’idée de la guérilla. Une traque
dans laquelle chasseur et chassé sont sur un pied d’égalité.
Le premier s’identifie alors à l’animal, crée des rituels, le
peint sur des parois, se recueille sur sa dépouille.
Le chasseur devient alors éminemment un stalker, celui qui
est à la recherche des traces, des signes. C’est un lecteur, en
fait. Sinon il ne peut pas se diriger, découvrir, il ne peut pas
être transformé par la traque.
Qui est le collectionneur pour toi ? un
mécène ? un ami avec qui tu vas pouvoir
discuter ? une proie ou un prédateur ?
Babel One, 2014, c photo : Thibault Franc
Tu refuses les schémas établis et tu clames
ta méfiance vis-à-vis des systèmes. Tu
exposes aujourd’hui dans un centre d’art.
Comment vis-tu cette situation ?
Je ne refuse pas de rentrer au cœur d’un système, sans même
avoir des intentions belliqueuses au départ. Car si je peux
parfois me comporter comme un cheval de Troie, c’est d’autant plus facilement que je rentre dans la forteresse en toute
innocence. À ce moment, le questionnement et la malice
enfantines peuvent commencer à se manifester pour investir ce nouveau territoire et en explorer les limites.
Tu aimes la complexité. Que veut
dire complexe pour toi ?
Me situant en société comme en nature, le rapport au collectionneur reste ouvert, dans le sens où je ne peux pas présager de quelle espèce il s’agit.
Contrairement aux chaînes alimentaires très simples qu’on
nous présentait au début de ma scolarité, on sait aujourd’hui
que les espèces, dans un biotope, interagissent dans tous les
sens. Ce qui fait qu’on peut être à la fois proie, prédateur, et
ce qui correspondrait peut-être à l’amitié dans des rapports
de symbiose ou de bénéfice mutuel.
C’est une chose précieuse qui se déploie grâce à un double
mouvement, comme celui des eaux du lac Tanganyika ou
des autres grands lacs africains : on a à l’origine quelques
espèces de poissons dans une grande étendue d’eau, poissons semblables à ceux des rivières de cette partie du continent. Puis le niveau de l’eau baisse, forme des mares où les
poissons évoluent séparément ; le niveau remonte, les poissons se mélangent, réinvestissent l’espace ; l’eau baisse de
nouveau, nouvelle spécialisation... À l’arrivée on a trois cent
espèces de poissons endémiques, une diversité, une complexité remarquable.
Tes assemblages ressemblent à des
pièges. Des leurres colorés. Cherches-tu à
piéger les esprits en les divertissant ?
Ce fouillis de couleurs et de vie n’est plus compréhensible
immédiatement, en tout cas pas de façon scopique comme
devant une œuvre classique, à moins de remonter le temps
pour appréhender ces phases contradictoires.
Je suis satisfait lorsque le piège se déclenche, et dans le
même temps, la dimension colorée du leurre m’effraie parfois, de par la séduction qui s’y exerce. Ce qui pourrait devenir une passion de chasse si forte que je risquerais de finir
maudit ; tel le grand veneur fantôme à la tête couronnée de
bois de cerf, condamné pour avoir chassé le dimanche, ou
pour avoir poursuivi frénétiquement une biche jusque dans
une église. Le fait d’utiliser l’éclatement des formes et le
désordre dans les œuvres m’amène peut-être à devenir une
sorte de cavalier de l’Apocalypse.
Est-ce que tes œuvres peuvent s’autodétruire ?
avec ton réemploi de matériaux de
récupération tu prépares des jours difficiles
aux futurs conservateurs de ton travail.
J’ai plutôt tendance à soigner, à prendre beaucoup de soin
de mes œuvres. À vouloir qu’elles soient bien faites, même
dans leurs parties invisibles. Finalement, je conjure plutôt
leur destruction à venir en les éraflant, en les patinant et
en leur donnant l’apparence de quelque chose qui aurait
déjà traversé les épreuves. De cette manière là, je les projette au-delà du mal, en avant, en arrière, vers leur enfance
emmaillotée ou leur vieillesse enrubannée de bandelettes.
À l’inverse, si on prend un concept efficace, prédateur,
comme la perche du Nil, une belle idée profilée avec des
dents grandes comme ça, un poisson tout simple avec une
trajectoire bien définie, il dévore tout en un rien de temps,
il se répand, occupe les eaux ou la pensée qu’il appauvrit ;
l’écosystème isolé et fragile dépérit à cause des algues qui ne
sont plus consommées.
Est-ce que tu penses que tu as le pouvoir de
créer de la complexité ? et comment ?
Ma formation philosophique m’a appris à problématiser,
c’est-à-dire à étendre les situations, de manière à être sûr
d’envisager tout un champ de possibles autour d’une question. Depuis les débuts de mon travail de peintre, j’ai toujours utilisé la segmentation du travail en plusieurs phases,
d’ouverture et de fermeture, pour introduite une complexité. Qu’elle soit celle de la matière, de l’inconscient, la
complexité du chevauchement, de la relecture, etc.
Et puis il y a la notion de fractal. Le fait de pouvoir isoler
n’importe quelle partie d’une œuvre, ou isoler l’œuvre d’un
ensemble plus général, ce qui crée des correspondances
d’échelle.
5. Dans les dialogues de Platon où il est plutôt ridiculisé, c’est le contraire du spécialiste. C’est l’homme qui veut à la fois savoir fabriquer ses chaussures, construire sa maison, inventer des théorèmes mathématiques et soigner ses voisins.
* Brico-Relais, éditions Confluences, 2009
24/10/14 15:57
Pourquoi cultives-tu cette complexité ? comment
y réussis-tu en évitant les concepts ?
Le fait d’être un lecteur boulimique me donne peut-être la
sensation de comprendre très vite les idées, quand elles sont
formulées, même si je n’ai pas nécessairement la rigueur
pour les articuler aussi bien. De fait, ce type de formulation conceptuelle m’ennuie et je suis à l’inverse totalement
aimanté par la diversité imbriquée du vivant, éventuellement orientée par la main du jardinier.
Ce qui me pousse, c’est le sentiment d’une révélation imminente, une idée inatteignable, comme dans la théologie
négative. Je suis frappé par l’inaptitude à formuler clairement un absolu, que l’on peut à l’inverse espérer rejoindre
par une infinité de contradictions.
Si je joue sur les homonymies je pense à un
autre sens du mot complexe. Est-ce que tu fais
justement un complexe de faiblesse, du coup tu
serais dans une forme d’omnipotence artistique ?
Oui, les frustrations de l’enfant se heurtant à la cruauté de
ses pairs, m’ont certainement amené à une volonté de puissance, au désir de mettre définitivement à distance toute
possibilité d’agression. Comme dans ma récente exposition
à la galerie Hélène-Trintignan Le courage des oiseaux, je me
donne l’illusion de flotter, tel un radeau dans la canopée,
sur un nuage de mots et d’images entrecroisées.
Tu affirmes que tu veux être fort. Tu veux
créer des objets forts, comme dans le Vaudoun
auquel tu t’es un peu initié en Afrique, dans ta
jeunesse. À quoi te sert cette force ? contre quel
ennemi ou quel danger potentiel te défendre ?
En fait tous les dangers potentiels naissent de la non fréquentation du danger, dans le sens où un événement fantasmé est impossible à apprivoiser. L’idée de devenir fort
c’est aussi l’idée d’expérimenter, c’est ainsi l’idée d’un
endurcissement. Et la notion d’objet fort, c’est peut-être
l’idée de consacrer des objets en se consacrant à eux d’une
manière particulière, qui est une volonté de donner la vie
selon un mode de pensée magique, en sacrifiant une partie
de soi-même ou la substance d’un autre vivant. Cela peut
être aussi bête que tout simplement cracher dans le pot de
peinture, comme on frotte de salive les objets rituels.
Tu as attiré mon attention sur l’écologiste Paul
Kingsnorth, cet activiste de la lutte contre
le réchauffement dont le combat a cessé
par résignation et qui s’est réfugié dans sa
campagne. Que penses-tu de cette attitude ?
Si de mon côté, j’essaye d’adopter des comportements responsables du point de vue écologique, c’est plus par goût
personnel et volonté d’entrainement, que parce que je crois
encore à la possibilité d’agir pour renverser la situation.
Quand on regarde les chiffres dans tous les domaines des
ressources et de l’industrie humaine, on ne peut qu’avoir
envie de se mettre à l’abri en attendant le choc. Il s’agit
aujourd’hui davantage d’expérimenter pour préparer le
monde de l’après. Par sa recherche d’autonomie, l’artiste ne
me semble pas totalement déphasé dans cette perspective.
Tu penses que notre époque est trop désespérée
pour les utopies. La pénurie de métal, d’eau, de
pétrole est inéluctable. Pourtant tu affiches un
optimisme combatif et une certaine sérénité.
Tout en me méfiant de l’irresponsabilité et du refoulement
agressif présents derrière les théories du complot et l’attribution de volontés politiques mauvaises à des puissances
cachées, je me laisse séduire comme bien d’autres, par l’idée
du changement contenue dans celle de la destruction.
Je me souviens d’un documentaire sur une visite de la
ville de New-York, après la tragédie du 11 septembre, par
un guide américain qui évoquait la danse de Shiva en désignant le Ground zero, où il voulait installer des bisons.
J’ai remarqué que tu réfutais le sens des
concepts en général. Cela te permet de
donner tes propres définitions. Mais comment
comptes-tu dialoguer avec les autres si tu ne
partages pas la même définition des mots ?
Les œuvres fonctionnent comme des déclencheurs ou des
détonateurs à partir desquels peut s’ouvrir un dialogue. L’une
des règles premières de l’art du dialogue est de se mettre à
chaque fois d’accord sur la définition des termes employés.
L’utilisation de la métaphore pour court-circuiter la rigueur
du concept, autorise parfois des raccourcis enthousiasmants.
Est-ce que tes œuvres sont dans le
non-sens ou dans le sens ?
Si je suis atteint d’une forme de folie, c’est d’une frénétique
paréïdolie6 qui me conduit à être en permanence submergé
par du sens. Ce qui rejoint l’animisme et la superstition,
l’impression que chaque œuvre est un animal éventré, dans
les entrailles duquel se lisent d’autres œuvres à venir.
Est-ce que tes œuvres recherchent la clarté ou au
contraire sont elles une invocation aux ténèbres ?
Une fois que j’ai eu pris un peu de distance avec mes études
et la grande révérence de la culture française envers les
Lumières, j’ai goûté à la drogue de l’obscurantisme. C’est
le total cliché de la lumière jaillie des profondeurs, du
clair-obscur, la fascination pour les braises qu’on a envie de
saisir à pleines mains. Mon intérêt pour toutes les formes
de sorcellerie. La terrible famille des Solanacées (pomme
de terre toxique en presque toutes ses parties, aubergine
pomme des fous, mandragore, datura, belladone, jusquiame, tomate seulement décorative à l’origine). Dans une
série de peintures sur papier, je propose de ne pas hésiter à
brûler la chaise de Van Gogh, ce qui constitue un geste barbare, mais c’est paradoxalement pour nous procurer un peu
de chaleur, un peu de lumière.
Chaise de Van Gogh, 2012, c photo : Arthur Wright
des civilisations réellement plus idéales selon
nos propres critères, ailleurs dans l’espace ?
Étant familier à la fois de la science-fiction, mais également de différentes disciplines scientifiques, j’ai l’habitude de considérer l’existence de la vie et d’autres intelligences comme allant de soi. Contrairement à ce qui était
communément pensé il y a peu, les planètes sont innombrables dans la zone d’habitabilité, des étoiles plus froides
que notre soleil permettent aussi la présence de l’eau à l’état
liquide. Dans son ensemble notre galaxie est partout beaucoup plus ancienne que le système solaire, bon petit dernier de la famille, ou banlieue lointaine. On peut donc imaginer que de nombreuses civilisations ont eu des millions
d’années pour se développer, sur une infinité de mondes
possibles, avec une infinité d’artistes. Cette pensée aide à
dédramatiser la notion d’échec ou de réussite de notre civilisation, en relativisant notre place dans l’univers.
Au fond qu’est-ce qu’un artiste pour toi ? a-t-il un
rôle à jouer universel ou au contraire purement
local ? crois-tu que tu puisses agir sur le monde,
le stopper comme un guerrier de Castaneda ?
Je ne pense pas qu’un artiste puisse avoir une action universelle sans ressembler aujourd’hui à une marque ou
une multinationale. Je peux tout à fait reprendre à mon
compte une maxime plus responsable comme « penser
global, agir local ».
L’artiste me semble fonctionner davantage à la façon d’un
relais de poste, un comptoir d’épices, ou même mieux, d’un
de ces mystérieux magasins apparus du jour au lendemain à
la place d’un mur de briques aveugles, comme la boutique
d’un conte fantastique, ou cette boite « seulement pour les
fous » mentionnée par Hermann Hesse dans Le Loup des
Steppes.
Te vis-tu comme un homme avant d’être artiste ?
C’est le fait d’être devenu artiste qui me permet progressivement de devenir un homme.
Babel One, 2014, c photo : Vincent Makowski
Tu dis que notre civilisation est violente et
finalement grossière. Que nous avons l’arrogance
de nous penser importants du fait de nos 2000
ans d’histoire, que nous sommes un bras éloigné
de la Galaxie ? penses-tu qu’en contraste il existe
6. Paréïdolie : tendance à détecter des formes anthropomorphiques un peu partout dans le monde et dans la nature. Du grec ancien
παρά-, pará (« faux »), et εἴδωλον, eidôlon (« simulacre, fantôme »), diminutif de εἶδος, eîdos (« apparence, forme »).
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Sabre-Lazer, 2012, c photo : Lionel Roux
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Dragon, 2014, c photo JC. Lett
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