Mémoire DES Clémentine TACONET

[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). ACADEMIE DE PARIS
Année 2013-2014
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Didier JOURNOIS
par
Clémentine TACONET
Présenté et soutenu le 08/04/2014
ÉTUDE DU TAUX D’HÉMOGLOBINE ET DE SES VARIATIONS
COMME FACTEURS PRÉDICTIFS DE CHOC HÉMORRAGIQUE
CHEZ LE PATIENT TRAUMATISÉ GRAVE :
ÉTUDE DE COHORTE, PROSPECTIVE, MULTICENTRIQUE
Travail effectué sous la direction du Docteur FIGUEIREDO
et validé par le Professeur DURANTEAU
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). LISTE DES ABRÉVIATIONS
ACR : arrêt cardiorespiratoire
AIS : Abbreviated Injury Scale
APACHE : Acute Physiological And Chronic Health Evaluation
ASC : aire sous la courbe
AVP : accident de la voie publique
bpm : battements par minute
CG : concentré globulaire
CH : groupe choc hémorragique
CL : groupe contrôle
DeltaHcue : différence d’hémoglobine capillaire = Hcueprehosp - Hcuehosp
DeltaHcue1000 : différence d’hémoglobine capillaire rapportée à l’EV = DeltaHcue/EV * 1000
EV : expansion volémique préhospitalière
FC : fréquence cardiaque
FR : fréquence respiratoire
GCS : Glasgow Coma Scale
Hb : taux d’hémoglobine, mesuré par technique conventionnelle sur prélèvement sanguin
Hcue : taux d’hémoglobine capillaire, mesuré par HemoCue®
Hcuehosp : taux d’hémoglobine mesuré par HemoCue® à l’arrivée en salle de déchocage
Hcueprehosp : taux d’hémoglobine mesuré par HemoCue® en préhospitalier
IC 95% : intervalle de confiance à 95%
ISS : Injury Severity Score
mmHg : millimètre de mercure
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PAD : pression artérielle diastolique
PAS : pression artérielle systolique
PFC : plasma frais congelé
ROC : Receiver Operating Characteristic
SDMV : syndrome de défaillance multiviscéral
Se : sensibilité
Spe : spécificité
SMUR : service mobile d'urgence et de réanimation
SOFA Score : Sequential Organ Failure Assessment
VPN : valeur prédictive négative
VPP : valeur prédictive positive
2
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ................................................................................................................ 4
LE CHOC HÉMORRAGIQUE TRAUMATIQUE.................................................................................................... 4
I.
Épidémiologie, mortalité et morbidités associées ....................................................................................... 4
II.
Physiopathologie et mécanismes adaptatifs .................................................................................................. 5
III.
Principes thérapeutiques du choc hémorragique traumatique ............................................................ 7
IV.
Moyens diagnostiques............................................................................................................................................... 8
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE ET HYPOTHÈSE TESTÉE ...................................................................................... 16
PATIENTS ET MÉTHODES ................................................................................................. 18
I.
Plan de l’étude et aspect éthique .......................................................................................................................18
II.
Critères d’inclusion...................................................................................................................................................18
III.
Critères de non inclusion .......................................................................................................................................18
IV.
Données recueillies...................................................................................................................................................19
V.
Définition des groupes « choc hémorragique » et «contrôle » .............................................................20
VI.
Analyse statistique ...................................................................................................................................................21
RÉSULTATS ..................................................................................................................... 22
DISCUSSION .................................................................................................................... 29
RÉSUMÉ.......................................................................................................................... 33
RÉFÉRENCES ................................................................................................................... 34
ANNEXE CPP et autorisation CNIL .................................................................................... 37
3
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). INTRODUCTION
LE CHOC HÉMORRAGIQUE TRAUMATIQUE
I.
Épidémiologie, mortalité et morbidités associées
Classiquement, le polytraumatisme est défini par la présence de plusieurs
lésions secondaires à un traumatisme, dont au moins une met en jeu le pronostic
vital à court terme. Cette définition suppose que le bilan lésionnel soit déterminé et
présente donc peu d’intérêt au moment de la prise en charge initiale du patient
traumatisé. Cette dénomination classique tend à être remplacée par la notion de
traumatisme grave : traumatisme dont le mécanisme et/ou la violence laissent
penser qu’au moins une lésion menaçant le pronostic vital ou fonctionnel existe. Le
traumatisme grave est une des préoccupations majeures de santé publique : il est
responsable de nombreux décès, c’est notamment la première cause de mortalité
avant 45 ans (OMS) et de handicaps sévères. Les décès secondaires à des
blessures pourraient augmenter de 5.1 à 8.4 millions dans le monde selon des
projections réalisées entre 1990 et 2020 [1].
La mortalité dans les 24 premières heures suivant le traumatisme est liée à deux
principales causes : le traumatisme crânien (40-50%) et le choc hémorragique (20 à
40%) [2,3]. Les durées médianes jusqu’au décès sont de 24 heures en cas de décès
par traumatisme crânien et de 2 heures en cas de décès par hémorragie
incontrôlable [4] ; ainsi la mortalité des traumatisés décédés avant l’arrivée dans une
structure de soins est souvent rapportée à un choc hémorragique réfractaire [2].
Au-delà des 24 premières heures, la mortalité est le plus souvent secondaire à un
syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV), avec une médiane de survie
jusqu’au décès de 15 jours [4]. La défaillance d’organe apparaît dans 23.8% des cas,
monodéfaillance (pour la majorité : 18.7%) ou multidéfaillance (5.1%) [5]. Les
facteurs de risque identifiés de ce SDMV sont nombreux : âge, ISS, APACHE III,
transfusion massive dans les 24 premières heures, hypotension prolongée et
lactacidémie à 24h.
L’hémorragie est donc responsable d’une majeure partie de la mortalité
précoce et d’une partie de la mortalité plus tardive, notamment par le biais de la
4
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). transfusion massive et des défaillances d’organes secondaires à une hypoperfusion
prolongée. Elle est une urgence diagnostique et thérapeutique.
II.
Physiopathologie et mécanismes adaptatifs
1. Réponse hémodynamique
La réponse cardiovasculaire au traumatisme associe tachycardie et augmentation
de la pression artérielle [6], par augmentation des résistances vasculaires
périphériques ; il existe également une diminution de sensibilité du baroréflexe,
secondaire au traumatisme. L’association d’une hémorragie et d’un traumatisme
entraîne une diminution du débit cardiaque plus importante que l’hémorragie isolée,
liée à cette baisse de sensibilité du baroréflexe. La résultante de cette combinaison
de pathologies est une tachycardie et une hypotension artérielle.
La réduction du volume sanguin circulant implique une baisse du retour veineux,
du débit cardiaque et de la pression artérielle. La survenue de l’état de choc dépend
de l’importance et de la vitesse de spoliation sanguine et de la mise en jeu des
mécanismes compensateurs, qui comprennent le système sympathique et la
réponse neurohormonale. La réponse à l’hémorragie est biphasique [7] :
- une première phase sympatho-excitatrice met en jeu la stimulation des
barorécepteurs, volorécepteurs et chémorécepteurs ; elle aboutit à une augmentation
de l’inotropisme, du chronotropisme, une vasoconstriction artérielle et veineuse et
une stimulation du système rénine-angiotensine. Elle permet l’activation du système
adrénergique, se manifestant par une vasoconstriction des territoires splanchniques,
rénaux et musculocutanés afin d’obtenir une redistribution du volume sanguin vers
les circulations coronaire et cérébrale [8]. Au cours de cette phase, il existe un
déséquilibre entre les apports et les besoins énergétiques dans les territoires soumis
à une vasoconstriction. Il en résulte des lésions ischémiques pouvant être
responsables d’altérations des fonctions cellulaires et des fonctions d’organe. Pour
des réductions de l’ordre de 25% du volume intravasculaire, chez des patients vigiles,
la réponse adrénergique parvient à compenser la chute du retour veineux et à
maintenir la pression artérielle.
5
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). - la seconde est une phase sympatho-inhibitrice, elle survient après 30 à 50% de
réduction de masse sanguine, elle se manifeste par une hypotension, résultant de la
chute des résistances vasculaires systémiques et une bradycardie paradoxale. La
bradycardie pourrait permettre un meilleur remplissage cardiaque diastolique.
Le débit cardiaque décroît de manière proportionnelle à la spoliation
sanguine ; la pression artérielle étant régulée, elle ne s’abaisse que tardivement
dans l’hémorragie active chez les patients conscients. Dans le cadre de l’hémorragie
traumatique,
l’hypotension
artérielle
à
la
phase
préhospitalière
survient
principalement suite à une perte sanguine importante ou une inhibition des systèmes
compensateurs par l’induction d’une anesthésie générale (inhibition du système
sympathique) [9].
2. Variations du taux d’hémoglobine au cours du temps lors du choc
hémorragique traumatique
Classiquement, la valeur initiale du taux d’hémoglobine au tout début du choc
hémorragique n’est pas informative : l’hémorragie initiale correspondant à une perte
équivalente en globules rouges et plasma, la concentration d’hémoglobine du volume
sanguin restant reste inchangée.
La façon la plus simple d’expliquer ce phénomène est d’apparenter le secteur
intravasculaire à un compartiment unique, où les variations de l’hémoglobine sont le
fait des pertes sanguines et de l’expansion volémique ; auquel cas, à la phase initiale,
avant toute expansion volémique, le taux d’hémoglobine reste constant [10].
Quelques heures après, il existe un mouvement liquidien du secteur interstitiel
vers le secteur vasculaire pour compenser la perte sanguine, appelé « refilling » par
les anglosaxons [11]. Cette compensation s’accompagne d’une hémodilution, à
laquelle s’ajoute celle secondaire à une réanimation comprenant une expansion
volémique sans transfusion de CG. Ce « refilling » est classiquement décrit comme
tardif et relativement peu important : il démarre quelques heures après l’hémorragie
pour atteindre son maximum en 36 à 48 heures, il s’effectue lentement, à un rythme
évalué à 20 mL/heure [11].
6
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 3. Particularités de l’hémorragie traumatique
L’hémorragie post-traumatique diffère de l’hémorragie non traumatique par
plusieurs caractéristiques. La première est la situation caractérisant le patient
traumatisé qui favorise la « triade létale » qui associe acidose métabolique,
hypothermie et coagulopathie [12].
La coagulopathie post-traumatique est présente chez environ un tiers des patients à
l’admission à l’hôpital [13]. Cette anomalie acquise de la coagulation est un facteur
de risque indépendant de mortalité [14]. Cet état pathologique est multifactoriel et
implique tous les composants du système hémostatique. Il résulte de l’atteinte
tissulaire, l’état de choc, l'hémodilution, l'hypothermie, l’acidose et l'inflammation [15].
III.
Principes thérapeutiques du choc hémorragique traumatique
Les recommandations européennes [16] préconisent une limitation du temps
entre le traumatisme et l’intervention chirurgicale chez les patients nécessitant une
hémostase chirurgicale urgente.
Les objectifs de prise en charge sont :
-
contrôle du saignement, par mise en place de garrot pour arrêter un
saignement dû à une fracture ouverte ou plaie vasculaire de membre,
suture de plaie du scalp, tamponnement d’une épistaxis,
-
maintien d’un débit sanguin permettant d’assurer une oxygénation
tissulaire suffisante, avec un objectif de PAS à 80-90 mmHg jusqu’au
contrôle de l’hémorragie, à l’exclusion du patient présentant un
traumatisme crânien ou médullaire pour lequel un objectif de PAS
supérieur est recommandé,
-
administration précoce de produits sanguins labiles et concentrés de
facteurs de la coagulation (PFC, fibrinogène),
-
maintien de l’homéostasie : calcémie ionisée normale, lutte contre
l’acidose métabolique et l’hypothermie.
Il existe principalement deux alternatives pour tarir l’origine du saignement :
l’artériographie avec embolisation artérielle sélective ou la chirurgie d’hémostase. Le
traitement des lésions hémorragiques est une urgence thérapeutique. Toute heure
de retard à sa réalisation augmente la mortalité de 47% [17].
7
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). Pour juguler un saignement difficile à contrôler, une stratégie chirurgicale écourtée
de type « Damage control » est recommandée. La chirurgie a alors pour objectif
prioritaire de contrôler le saignement en laissant parfois en place des compresses à
visée hémostatique (« packing »). Elle permet d’optimiser l’hémostase médicale.
La nécessité d’un bilan lésionnel complet et de la disponibilité d’une équipe
multidisciplinaire (anesthésistes-réanimateurs, urgentistes, chirurgiens, radiologues
et radiologues interventionnels) rend indispensable la prise en charge des patients
traumatisés graves en centre spécialisé, notamment en cas de choc hémorragique
suspecté ou avéré.
IV.
Moyens diagnostiques
1. Définitions du choc hémorragique
Dans la littérature, il n’existe pas de consensus quant à la définition du choc
hémorragique.
De très nombreuses définitions ont été utilisées, selon des critères :
-
cliniques : basés sur la PAS < 90 mmHg [18,19], or l’hypotension peut
avoir d’autres causes notamment l’induction d’une anesthésie générale et
la sédation. Le volume exsanguiné, est aussi un critère rapporté (en
général 30% du volume total [20] ), ce volume reste un paramètre difficile à
apprécier,
-
transfusionnels : très variables selon les études : les plus couramment
utilisées sont 4 CG en 6 heures ou 10 CG en 24 heures [21–23], parfois
même un seul CG suffit [24]. La définition regroupe aussi les transfusions
dites « massives », une entité également hétérogène regroupant 10 CG en
24 heures [25], un CG en 3 heures [26] ou 5 CG en 4 heures [27],
-
thérapeutiques : cette définition repose sur la nécessité de réaliser un
geste d’hémostase par voie angiographique ou chirurgicale [28].
8
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 2. Signes cliniques
En dépit des progrès sur les moyens à mettre en œuvre une fois l’état de choc
hémorragique installé, la détection précoce d’une hémorragie reste difficile.
En préhospitalier, il faut estimer l’importance de l’hémorragie.
Le tableau 1 expose les signes cliniques observés en fonction de l’intensité de la
spoliation sanguine.
Tableau 1 Evaluation de la perte sanguine
(d’après American College of Surgeons Commitee on Trauma)
CLASSE I
CLASSE II
CLASSE III
CLASSE IV
Perte sanguine (mL)
< 750
750-1500
1500-2000
> 2000
Perte sanguine (%)
< 15
15-30
30-40
> 40
FC (bpm)
< 100
100-120
120-140
> 140
PAS
normale
normale
diminuée
diminuée
Pression pulsée
normale/augmentée
diminuée
diminuée
diminuée
FR
14-20
20-30
30-40
> 35
Diurèse (mL/h)
> 30
20-30
5-15
négligeable
Conscience
Anxiété importante
Anxiété modérée
Confusion
Léthargie
Remplissage initial
Cristalloïde
Cristalloïde
Cristalloïde/ CG
Cristalloïde/ CG
Cette évaluation rapide basée sur des paramètres cliniques est insuffisante
pour dépister un état de choc hémorragique en devenir.
Si l’origine du saignement peut être évidente en cas de saignement extériorisé,
elle peut être plus difficile à identifier en l’absence d’examens d’imagerie
(échographie, scanner) en cas d’hémorragie interne, comme un hémothorax, une
hémorragie intra ou rétro-péritonéale.
3. Examens complémentaires biologiques
a. Evaluation statique
1. Taux d’hémoglobine
Le taux d’hémoglobine était lié à la sévérité de l’état de choc et à la mortalité
dans une cohorte de 1000 patients admis pour traumatisme [19]. La population
étudiée était divisée en 4 groupes, selon la PAS. Si la PAS était supérieure à 100
mmHg, les patients étaient considérés sans état de choc, l’état de choc était
9
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). considéré comme minime, modéré ou sévère pour des valeurs respectivement
supérieures 80, comprises entre 60 et 79 ou inférieures 60 mmHg. Le taux
d’hémoglobine prélevé à l’arrivée de ces patients à l’hôpital était décrit comme
progressivement décroissant en fonction de ces groupes : respectivement 12.8, 12.7,
11.8 et 9.9 g/dL et ce de manière statistiquement significative pour les 2 derniers
groupes, p < 0.00001. La mesure de l’hémoglobine était réalisée à l’arrivée du
patient à l’hôpital (en moyenne 2.7 heures après le traumatisme). Cette mesure dite
initiale était donc en pratique réalisée à distance du traumatisme.
2. Hématocrite
Des données similaires ont également été mises en évidence pour la mesure
de l’hématocrite, comme attendu car la relation entre hémoglobine et hématocrite est
linéaire [29].
La valeur instantanée de l’hématocrite a été étudiée dans plusieurs articles.
Paradis et al. ont étudié l’hématocrite comme facteur prédictif de lésion sévère
après un traumatisme pénétrant [30]. Une mesure veineuse de l’hématocrite était
réalisée à l’arrivée du patient à l’hôpital et après 15 et 30 minutes de prise en charge.
Les 60 patients étaient classés après chirurgie en 2 groupes selon la présence ou
l’absence d’une lésion viscérale hémorragique nécessitant un geste d’hémostase
chirurgicale. L’hématocrite à l’arrivée à l’hôpital était différent de manière
statistiquement significative entre les 2 groupes : 35% pour le groupe « lésion »
contre 41% dans le groupe indemne de lésion, p < 0.01. Après 15 et 30 minutes de
prise en charge, la réduction d’hématocrite n’était pas significativement différente
dans les 2 groupes, mais une baisse de l’hématocrite supérieure à 6.5% était
considérée comme prédictive de lésion hémorragique. Les auteurs ont conclu que la
valeur de l’hématocrite à l’arrivée à l’hôpital permet de distinguer les lésions
traumatiques responsables d’un saignement, avec une Se de 60% et une Spe de
73% pour un seuil à 37.5%. Il s’agissait de traumatismes pénétrants, qui
représentent une faible proportion des traumatisés graves en France.
Une mesure de l’hématocrite effectuée sur le premier échantillon sanguin à
l’hôpital chez 524 patients admis pour traumatisme mettait en évidence une
différence significative entre les patients nécessitant une prise en charge
hémostatique chirurgicale et les autres : 35% versus 41%, p < 0.001 [18]. Les
auteurs retenaient la valeur de 35% comme seuil, avec une Se de 50%, une Spe de
10
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 90%, une VPP de 41% et une VPN de 93% pour identifier les patients chirurgicaux.
La variation de l’hématocrite en fonction du temps n’était pas étudiée.
Les principales limites de ces travaux sont les suivantes :
-
le délai de prise en charge préhospitalier, donc entre le traumatisme et la
ponction veineuse pour déterminer la valeur de l’hématocrite, était inconnu,
-
les patients avec une lésion nécessitant une prise en charge immédiate au
bloc opératoire étaient exclus,
-
l’expansion volémique n’était pas prise en compte.
L’hématocrite à l’admission est également un indicateur de nécessité de
recours à la transfusion [24]. Ce paramètre semblait plus performant que la
fréquence cardiaque, la pression artérielle systolique ou l’acidose : Se 45% et Spe
94% pour une valeur d’hématocrite fixée à 34%, dans une population de 1492
patients admis pour traumatisme, dans laquelle le groupe « hémorragie » était défini
par l’administration d’au moins un CG.
b. Evaluation dynamique
1. Variation du taux d’hémoglobine
A notre connaissance, les études ayant évalué des mesures itératives ont
principalement étudié l’hématocrite.
2. Variation de l’hématocrite
Zehtabchi et al. [31] rapportaient deux mesures d’hématocrite à 4 heures
d’intervalle dans une étude prospective chez 494 patients traumatisés. La variation
d’hématocrite n’était pas différente entre les groupes définis par traumatisme
considéré comme majeur (ISS > 15, sans prise en compte spécifique du caractère
hémorragique). Les auteurs retenaient un seuil de baisse de l’hématocrite égal à 5%
pour distinguer les 2 groupes, avec une Se de 40% et une Spe de 94%. Les patients
nécessitant une prise en charge chirurgicale ou une transfusion sanguine avant 4
heures (les patients les plus graves) étaient exclus.
La même observation était constatée dans un essai réalisé chez des patients placés
en observation après un traumatisme considéré initialement comme mineur, où des
mesures répétées de l’hématocrite étaient effectuées toutes les six heures, dans le
but de détecter une hémorragie. Ces mesures ne permettaient que rarement
11
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). d’apporter une information diagnostique supplémentaire pour la détection d’une
hémorragie occulte [32].
Dans ces deux travaux, les auteurs ne rapportaient pas le volume perfusé
pendant la durée de prise en charge.
c. Evaluation du taux d’hémoglobine par HemoCue® : Hcue
Si les études précédemment décrites s’intéressent à la mesure de
l’hémoglobine ou de l’hématocrite à l’arrivée à l’hôpital, aucune étude n’a évalué
l’intérêt de la mesure préhospitalière de l’hémoglobine à notre connaissance.
Or cette mesure est accessible en France, par l’intermédiaire de l’utilisation de
l’HemoCue®.
Toutes les mesures précédentes ont été réalisées à partir d’un prélèvement
sanguin avec nécessité d’un laboratoire d’analyses médicales. En préhospitalier, le
moyen de monitorage du taux d’hémoglobine le plus utilisé est la mesure instantanée
de l’hémoglobine capillaire par HemoCue® : Hcue. Il est aussi utilisé au déchoquage,
à l’accueil du patient traumatisé grave, en attente de la numération formule sanguine,
dont le résultat est habituellement disponible environ une heure après le prélèvement.
Le système se compose d’un boîtier contenant une fenêtre de lecture et de
microcuvettes à usage unique, qui contiennent un réactif. Le réactif permet de
transformer l’hémoglobine en azoture de méthémoglobine. Un spectrophotomètre
effectue deux mesures d’absorption selon deux longueurs d’onde et rend un résultat
du taux d’hémoglobine rapide.
Cette mesure est simple à réaliser : une goutte de sang capillaire (10 µL) est
suffisante pour obtenir un résultat. Elle permet d’obtenir une valeur avec une
précision de 0.2 g/dL en comparaison avec la méthode usitée par le laboratoire, avec
un coefficient de corrélation de 0.87.
Cette technique est déjà validée dans certaines populations ou pathologies : dans
l’hémorragie digestive [33–35], chez la parturiente [36]. Chez le patient réanimatoire,
elle permet une estimation de l’hémoglobine sans être une mesure exacte de celle-ci
[37,38], les limites d’agrément observées allant jusqu’à 2 g/dL (-1.3 à 1.7). Le
principal écueil chez le patient en réanimation est en lien avec les œdèmes, qui
rendent la ponction capillaire plus difficile à réaliser.
12
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). Une seule étude s’est intéressée à la valeur de l’Hcue, dans une population de
404 patients traumatisés [39]. L’hémoglobine était mesurée à l’arrivée des patients à
l’hôpital, par HemoCue®, la mesure était répétée trois fois dans les 30 premières
minutes et la valeur la plus basse était retenue pour analyse. La relation entre Hcue
et la nécessité d’un geste d’hémostase était linéaire. La valeur de 10 g/dL
apparaissait comme un seuil au-dessous duquel la nécessité de recours à un geste
hémostatique était multiplié par 3.14 (IC 95% 1.18-8.35), mais avec une Se médiocre
de 15%, une Spe de 95%, une VPP de 23% et VPN de 91%.
Cette fois encore, il s’agissait d’une mesure statique du taux d’hémoglobine
capillaire à un instant donné et pas de l’étude de la cinétique de variation de cette
mesure. D’autre part, le temps entre le traumatisme et l’arrivée à l’hôpital n’était pas
notifié ; le recours au geste d’hémostase était faible (< 10% des patients dont 6
artério-embolisations).
4. Effets de l’expansion volémique sur le taux d’hémoglobine
A la phase préhospitalière, les moyens mis en œuvre pour restaurer une
pression de perfusion satisfaisante sont basés sur une expansion volémique, par
cristalloïdes ou colloïdes, l’administration de catécholamines et exceptionnellement
une transfusion sanguine.
L’expansion volémique par un soluté de remplissage ne contenant pas de
globules rouges peut s’accompagner d’une hémodilution et donc d’une baisse
artificielle du taux d’hématocrite, jusqu’à 4.5 à 6.3 points, chez des patients sans
hémorragie [28,40].
Dans le premier travail [28], 28 jeunes volontaires sains, ont été assignés de
manière randomisée à plusieurs groupes : le groupe contrôle comportait 4 sujets qui
recevaient des cristalloïdes en continu et 6 groupes de 4 sujets recevant un bolus
intraveineux allant de 10 à 30 mL/kg puis une infusion continue entre 1 et 5 mL/kg/h
pendant 220 minutes. L’hématocrite était dosé avant l’intervention, après le bolus de
cristalloïde (quand celui-ci avait eu lieu) puis à 20 et 40 minutes après le début de
l’administration continue. Dans le groupe contrôle, l’hématocrite diminuait de manière
significative de 2 points, cette baisse atteignait 4.5, 6.1 et 6.3 après bolus respectifs
de 10, 20 ou 30 mL/kg par le seul fait de l’hémodilution induite.
Le second travail [40] avait pour but d’analyser l’influence de la vitesse de
perfusion des cristalloïdes. Il incluait 20 patients indemnes de pathologie, qui
13
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). recevaient en bolus 20 mL/kg de cristalloïde puis 15 mL/kg en 45 minutes ou en 3
heures. La baisse de l’hématocrite après le bolus initial était de 4.1 à 4.8% dans les
deux groupes, la réévaluation de l’hématocrite après la seconde perfusion ne
retrouvait pas de différence significative entre les 2 groupes.
Un travail de recherche fondamentale sur les chiens a été effectué [20]. Les
auteurs relataient les changements de la concentration d’hémoglobine causés par un
choc hémorragique (exsanguination de 30%) avec et sans expansion volémique
chez 25 animaux. Après splénectomie chirurgicale, les chiens étaient répartis en 4
groupes : un groupe contrôle (sans hémorragie) et 3 groupes pour lesquels des
conditions de choc hémorragique étaient recréées, recevant des volumes de
remplissage différents (remplissage nul, faible ou important). La décroissance de
l’hématocrite était observée dans les 3 groupes exsanguinés (baisse de 17% en
moyenne). Cette baisse était statistiquement différente entre les groupes,
proportionnelle au volume de cristalloïdes reçu : avec un maximum de 24 à 50%
dans les groupes recevant respectivement un remplissage faible ou important. Pour
un même volume exsanguiné, la baisse de l’hématocrite sera proportionnelle à la
quantité d’expansion volémique reçue.
Un nombre limité de travaux de recherche clinique sur le sujet existe, en
particulier dans la population des traumatisés.
Une étude a été réalisée pour mesurer l’effet de la phlébotomie et de la perfusion de
cristalloïdes sur l’hématocrite [41]. Elle étudiait la variation de l’hématocrite en
fonction d’une expansion volémique de 15 mL/kg chez des volontaires sains de 19 à
41 ans avant et après phlébotomie (retrait de 500 mL de sang). La moyenne de
baisse de l’hématocrite était de 4.5 après expansion volémique et 6.6 quand
l’expansion volémique était précédée d’une phlébotomie. Cette étude suggérait une
différence significative de la chute de l’hématocrite après expansion volémique en
fonction du statut de spoliation sanguine des patients. Une baisse de 5.4 permettait
d’obtenir une Se de 95% et une Spe de 75%.
Au total, l’hémorragie représente la principale cause de mortalité évitable chez
le traumatisé grave.
Elle est donc une priorité dans la prise en charge : priorité thérapeutique et aussi
diagnostique. Les moyens diagnostiques sont peu nombreux, peu fiables (pour les
14
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). paramètres cliniques) et/ou difficilement accessibles (pour les examens d’imagerie)
notamment à la phase toute initiale de prise en charge de ces patients. Un test idéal
possèderait les qualités suivantes : rapide, simple, reproductible et capable de
prédire la nécessité d’une intervention pour stopper l’hémorragie. La détermination
du taux d’hémoglobine par HemoCue® pourrait remplir ces conditions, car elle est
rapide, peu invasive et accessible. La variation de l’Hcue pourrait être un outil de
diagnostic précoce d’hémorragie active.
Le « refilling » n’étant pas encore ou très peu mis en jeu à la phase toute initiale du
traumatisme, la cinétique de décroissance de l’hémoglobine en fonction du
remplissage préhospitalier pourrait permettre de distinguer les patients présentant
une hémorragie importante des autres patients traumatisés.
15
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). OBJECTIFS DE L’ÉTUDE ET HYPOTHÈSE TESTÉE
L’hypothèse émise est la suivante : plus l’hémorragie est abondante, plus la
baisse du taux d’hémoglobine secondaire à une expansion volémique est importante.
Les variations du taux d’hémoglobine, mesurée par HemoCue®, sont donc
différentes entre les patients traumatisés présentant un choc hémorragique et les
patients traumatisés sans choc hémorragique.
L’objectif principal de ce travail est d’analyser :
-
la variation entre les mesures d’hémoglobine capillaire réalisées sur les
lieux du traumatisme (Hcueprehosp) et à l’arrivée en centre d’accueil des
traumatisés (Hcuehosp) rapportée à l’expansion volémique (EV), définie par
la relation : DeltaHcue1000= DeltaHcue/EV * 1000, la multiplication par un
facteur 1000 permet de rapporter le DeltaHcue/EV à un volume
préospitalier de 1000 mL correspondant à un volume médian administré à
l’arrivée au déchocage
-
la performance diagnostique du paramètre DeltaHcue1000 pour la prédiction
du choc hémorragique.
Les objectifs secondaires sont d’analyser :
-
les autres paramètres liés à la mesure de l’hémoglobine ou au reflet de la
gravité de l’état de choc :

Hcueprehosp,Hcuehosp, mesures préshopitalières et à l’arrivée à
l’hôpital du taux d’hémoglobine capillaire déterminé par HemoCue®

Hbhosp mesure du taux d’hémoglobine, déterminée sur la numération
formule sanguine
-

DeltaHcue = Hcueprehosp - Hcuehosp

DeltaHcue/ Hcueprehosp
et leur capacité à prédire la survenue d’un choc hémorragique.
La mesure du taux d’hémoglobine réalisée précocement est réputée pour ne
pas être informative en cas d’hémorragie. Le taux d’hémoglobine mesuré plus
16
tardivement semble plus performant pour faire le diagnostic de choc hémorragique
mais peut entraîner un retard diagnostique. L’analyse des variations du taux
d’hémoglobine en préhospitalier et à l’arrivée à l’hôpital du patient traumatisé, en
intégrant l’information liée à la quantité d’expansion volémique préhospitalière reçue
pourrait être un critère diagnostique de choc hémorragique rapide, peu invasif et
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). accessible.
17
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). PATIENTS ET MÉTHODES
Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective multicentrique réalisée à
partir d’une base de données d’acquisition prospective.
Plan de l’étude et aspect éthique
I.
L’étude
est
effectuée
à
partir
de
la
base
de
donnée
TraumaBase
(Traumabase.eu) qui recueille de manière prospective depuis 2010 des paramètres
des patients traumatisés, pris en charge dans 3 centres d’accueil spécialisés
(Trauma Center de niveau 1) de l’Ile de France : Bicêtre (Pr DURANTEAU), Beaujon
(Pr MANTZ, Pr PAUGAM-BURTZ) et La Pitié-Salpêtrière (Pr RIOU). Cette base de
données constitue une cohorte observationnelle multicentrique.
La TraumaBase est un registre de Traumatologie français créé en 2012. Il a
pour but de colliger les données des patients traumatisés graves dans une optique à
la fois sanitaire et scientifique. Ce registre est en accord avec les exigences du
Comité Consultatif pour le traitement de l’information en matière de recherche dans
le domaine de la santé (CCTIRS) et de la Commission nationale de l’informatique et
des libertés (CNIL, autorisation 911461). L’association « Groupe Traumabase » (BO
juillet 2012) gère ce registre. Le CPP Paris VI a autorisé l'exploitation des données à
visée scientifique suite à la séance du 14/11/2012 (en annexe).
Critères d’inclusion
II.
Ont été inclus tous les patients admis en primaire pour traumatisme grave dans
les trois centres d’accueil de patients traumatisés.
III.
Critères de non inclusion
Les patients présentant les critères suivants n’étaient pas inclus dans la
présente étude :
-
arrêt cardiocirculatoire préhospitalier
18
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). -
osmothérapie en préhospitalier, compte tenu des mouvements hydriques
attendus par ce type de thérapie, pouvant potentiellement influer sur la
valeur de l’hémoglobine
-
admission en secondaire
-
données manquantes, concernant notamment l’Hcueprehosp ou l’expansion
volémique en préhospitalier.
IV.
Données recueillies
Pour chaque patient inclus dans la TraumaBase, les données suivantes ont
été recueillies :
-
données démographiques des patients : âge, sexe, poids, taille, IMC,
antécédents, prise de traitement antiagrégant ou anticoagulant
-
données préhospitalières concernant les circonstances du traumatisme :
o mécanisme lésionnel (accident de la voie publique, type de véhicule
engagé, chute, traumatisme non pénétrant)
o cinétique (éjection du véhicule, passager décédé dans le même
véhicule, vitesse élevée appréciée par la vitesse du véhicule, le port
de la ceinture de sécurité, le port de casque et la déformation de
l’habitacle, incarcération et durée éventuelle de la désincarcération)
o la hauteur de chute
o la présence de signes de gravité anatomiques tels qu’ischémie ou
amputation de membre, fracas du bassin
-
paramètres cliniques sur les lieux de l’accident :
o GCS, présence d’une mydriase uni ou bilatérale, signe de
localisation
o Pression artérielles systolique et diastoliques minimales, fréquence
cardiaque maximale, arrêt cardiorespiratoire
o saturation en oxygène minimale
o Hcue
-
modalités de prise en charge préhospitalières :
o administration
de
soluté
osmotique,
expansion
volémique,
administration de catécholamines
o intubation orotrachéale
19
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). o durée de prise en charge préhospitalière
-
données cliniques et biologiques à l’accueil du patient à l’hôpital :
o GCS, présence d’une mydriase uni ou bilatérale, signe de
localisation
o Pression artérielles systolique et diastolique, fréquence cardiaque,
saturation en oxygène, température
o Hcue
o Données de la FAST échographie et du doppler trans-crânien
o pH, lactatémie (mmol/L), PAO2 et PACO2 (mmHg), Hb (g/dL), taux de
plaquettes (/mm3), TP (%), fibrinogène (g/L), créatininémie (µmol/L),
o Radiographies thoracique et du bassin
o Nécessité de catécholamine ou de transfusion au déchocage
-
devenir des patients pendant leur séjour en réanimation chirurgicale,
complications éventuelles, morbimortalité :
o IGS II, SOFA
o Bilan lésionnel (AIS par organe et ISS)
o présence ou non de choc hémorragique (défini par la transfusion de
4 CG dans les 6 premières heures de prise en charge après
l’admission à l’hôpital)
o présence ou non de traumatisme crânien
o présence ou non de traumatisme médullaire
o durée de séjour en réanimation, décès, nombre de jours de
ventilation mécanique, nombre de jours d’épuration extrarénale,
transfusion sur la durée du séjour.
V.
Définition des groupes « choc hémorragique » et «contrôle »

Le groupe « choc hémorragique » CH : tout patient ayant reçu au moins
4 CG dans les six premières heures de prise en charge

Le groupe contrôle CL : tout patient n’ayant pas le critère CH et n’ayant
pas de critère de non inclusion dans l’analyse
20
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). VI.
Analyse statistique
Les données clinicobiologiques ont été comparées entre les groupes CH et CL.
Les paramètres des critères de jugement principal et secondaires on été comparés
entre les groupes CH et CL :
-
Hcueprehosp, Hcuehosp
-
DeltaHcue défini par : DeltaHcue = Hcueprehosp - Hcuehosp
-
DeltaHb rapporté à 1000 mL d’expansion volémique correspondant à la
formule : DeltaHcue1000= DeltaHcue/EV * 1000
-
le pourcentage de variation de l’Hcue entre les deux mesures
correspondant à la formule : DeltaHcue/Hcueprehosp
-
Hbhosp
-
Lactatémie à l’arrivée à l’hôpital.
Les variables sont présentées sous la forme de pourcentage (intervalle de
confiance à 95%), moyenne ± écart type ou médiane [interquartiles] lorsque leur
distribution ne suivait pas la loi Normale.
La comparaison entre les groupes utilisait un test de Wilcoxon-Mann Withney pour
les valeurs non paramétriques et un test de Student pour les valeurs paramétriques.
Des courbes ROC ont été réalisées pour les paramètres Hcueprehosp, Hcuehosp,
DeltaHcue, DeltaHcue1000, DeltaHcue/Hcueprehosp, Hbhosp et lactatémie, afin d’évaluer
leur capacité à prédire la survenue d’un choc hémorragique : indice de Youden et
aire sous courbe (ASC) testée par rapport à la valeur 0,5.
Il était prévu de comparer trois courbes ROC : le paramètre DeltaHcue1000, la
lactatémie et le paramètre affichant la meilleure ASC.
Les différences sont jugées significatives lorsque de risque d’erreur de type 1 était
inférieur à 5%.
Le logiciel utilisé était JMP®, Version 9. SAS Institute Inc., Cary, NC, 19892007. Les courbes ROC ont été réalisées et compares en utilisant le logiciel Melcalc
(www.medcalc.org).
21
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). RÉSULTATS
Entre janvier 2010 et avril 2013, 1816 patients consécutifs ont été admis pour
traumatisme grave et inclus dans la base de données. Au total, 870 patients n’ont
pas été inclus dans la présente analyse : 191 ont été admis en secondaire
(transférés en Trauma Center après prise en charge dans une autre structure de
soins, donc ne correspondant pas à la phase initiale de prise en charge), 119 ont
présenté un ACR en préhospitalier, 111 ont reçu un traitement osmotique dont (20
par sérum salé hypertonique et 91 par mannitol) et pour 451 les données concernant
l’Hcue ou l’EV préhospitalière étaient manquantes.
Sur les 944 patients inclus, 110 (12%) ont été classés dans le groupe CH et
834 ont constitué le groupe CL (Figure 1).
Figure 1 Diagramme de flux
22
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 1. Données démographiques
Les patients étaient âgés de 37 ± 16 ans ; la population comptait une majorité
d’hommes (77%). Les mécanismes lésionnels impliqués sont détaillés dans le
Tableau 2. Ces patients avaient un IGS II médian à 20 [12-36] et un score ISS
médian côté à 16 [9-25]. La mortalité globale en réanimation était de 7.6%.
Tableau 2 Mécanismes lésionnels impliqués
Chute
29%
AVP 2 roues motorisés
27%
AVP véhicules (véhicule léger, poids lourd)
24%
AVP piéton
12%
Traumatisme pénétrant
4%
Traumatisme par objet contendant
1%
AVP impliquant un train, avion ou bateau
<1%
2. Paramètres cliniques à la prise en charge
Les caractéristiques initiales des deux groupes sont rapportées dans le Tableau 3.
Les paramètres attestant de la gravité étaient plus élevés dans le groupe CH,
comme attendu : ainsi, le score ISS était plus élevé 31 [22-49] versus 13 [8-22],
témoignant de lésions plus importantes et la mortalité hospitalière était plus
importante 27.6% contre 4%.
Les
lésions
hémorragiques
comprenaient
un
saignement
d’origine
orthopédique (35%), un hémorétropéritoine (17%), un hémopéritoine (15%), un
hémothorax (4.5%), une combinaison des précédents (14%), un saignement
d’origine crânio-cérébral (2%), des gros vaisseaux (< 1%) ou non précisé (11.5%).
La prise en charge spécifique des lésions était répartie come suit : embolisation
(22%) et chirurgie (73%, dont 22% de damage control).
Le délai médian jusqu’au décès dans le groupe CH était de 1 jour, les causes
de décès dans ce groupe étaient liées au choc hémorragique à la phase initiale dans
54% des cas, dans une moindre mesure à un syndrome de défaillance multiviscéral
(22%), un état de mort encéphalique (14%) ou un ACR (6%) ou une limitation des
thérapeutiques actives (4%).
23
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). Tableau 3 Caractéristiques des patients
Âge (années)
Sexe (% masculin)
ISS
Mortalité hospitalière (%)
PARAMÈTRES VITAUX INITIAUX
sur le lieu du traumatisme
PAS minimale (mmHg)
FC maximale (bpm)
Expansion volémique (mL)
Délai traumatisme-arrivée à
l’hôpital
TRANSFUSION (à 24 heures)
CG
PFC
CH
n = 110
40 ± 18
68
31 [22-49]
27.6
CL
n = 834
36 ± 16
79
13 [8-22]
4
p
0.04
0.01
< 0.0001
< 0.0001
86 [70-104]
110 [94-122]
1250 [900-2000]
80 [60-120]
116 [100-130]
92 [80-108]
500 [500-1000]
80 [58-110]
< 0.0001
< 0.0001
< 0.0001
NS
7.5 [6-12]
6 [4-10]
1 [0.5-1.5]
0 [0-0]
< 0.0001
< 0.0001
3. Paramètres biologiques
Les paramètres biologiques des 2 groupes sont rapportés dans le Tableau 4. Ces
paramètres correspondent aux résultats du premier bilan biologique réalisé à
l’arrivée des patients à l’hôpital. Ces paramètres ont des valeurs dans les normes
admises dans le groupe CL, contrairement au groupe CH.
Tableau 4 Paramètres biologiques
Lactatémie (mmol/L)
Hb (g/dL)
Plaquettes (103/mm 3)
TP (%)
Fibrinogène (g/L)
CH
n = 110
4 [2.5-6.6]
9.2 [7.6-10.5]
173 [130-216]
50 [38-66]
1.3 [1-1.7]
CL
n = 834
1.7 [1.1-2.6]
13.3 [12.2-14.5]
224 [189-265]
81 [71-92]
2.3 [1.9-2.7]
p
< 0.0001
< 0.0001
< 0.0001
< 0.0001
< 0.0001
24
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 4. Données concernant les valeurs du taux d’hémoglobine et l’expansion
volémique
Les Hcueprehosp et Hcuehosp ainsi que le DeltaHcue étaient différents entre les 2
groupes de manière statistiquement significative (Tableau 5). Ainsi les patients du
groupe CH avaient un Hcue significativement inférieur à celui groupe CL, que cette
mesure soit réalisée en préhospitalier ou à l’hôpital : 13 vs 14 g/dL en préhospitalier
et 10 vs 13 g/dL à l’arrivée dans la structure spécialisée.
Tableau 5 Données concernant l’HemoCue et l’expansion volémique préhospitalière
CH
n =110
CL
n = 834
p
Hcuepréhosp (g/dL)
13 [12-14]
14 [13-15]
< 0.001
Hcuehosp (g/dL)
10 [8-12]
13 [12-15]
< 0.001
DeltaHcue (g/dL)
2 [1-4]
1 [0-2]
< 0.001
DeltaHcue1000 (g/dL)
2 [1-3.2]
1 [0-2]
< 0.001
Hbhosp (g/dL)
9.2 [7.6-10.5]
Expansion volémique (mL)
13.3 [12.2-14.5]
1250 [900-2000]
500 [500-1000]
< 0.0001
< 0.001
5. Critère principal et performances diagnostiques
Pour le paramètre DeltaHcue1000, les valeurs étaient statistiquement différentes
entre les 2 groupes : 2 [1-3.2] pour le groupe CH contre 1 [0-2] pour le groupe CL.
Pour ce paramètre, la courbe ROC, représentée Figure 2, avait une ASC à 0.62 (IC
95% : 0.59-0.66). Les performances diagnostiques de ce paramètre sont reportées
dans le Tableau 6.
Tableau 6 Performances diagnostiques du paramètre DeltaHcue 1000
Seuils
1.4
4.2
Se (%)
67
14
Spe (%)
55
91
VPP (%)
17
17
VPN (%)
93
89
Youden
0.23
0.05
25
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). Figure 2 Courbe ROC du paramètre DeltaHue1000
6. Critères secondaires et performances diagnostiques
Les performances diagnostiques des critères secondaires : Hcueprehosp,
Hcuehosp, DeltaHcue, Hbhosp et lactatémie à prédire la survenue d’un choc
hémorragique ont été étudiées au moyen de courbes ROC. Ces courbes, ainsi que
les valeurs de Se, Spe, VPP et VPN sont représentées dans les Figures 3 à 8, pour
le meilleur seuil statistique et un seuil choisi pour obtenir une Spe au delà de 90%.
La meilleure ASC était obtenue pour le paramètre Hb hosp : l’ASC était de 0.93
(IC 95% 0.91-0.95). Le seuil permettant le meilleur compromis Se-Spe était : 11.8
g/dL, avec une Se de 93%, une Spe de 80%, une VPP de 38% et une VPN de 96%.
Pour l’Hcuehosp, l’ASC était de 0.85. Le seuil permettant le meilleur compromis
Se-Spe était : 12.4 g/dL, avec une Se de 83%, une Spe de 71%, une VPP de 27% et
une VPN de 97%
En ce qui concerne la variation entre ces deux mesures, approchée par
DeltaHb, les performances diagnostiques observées étaient de moins bonne qualité :
avec une aire sous courbe à 0.73.
Le pourcentage de variation de l’Hcue abordé par DeltaHcue/Hcue est
également rapporté.
26
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). Figure 3 : Paramètre Hbhosp
Figure 4 : Paramètre Hcuehosp
Figure 5 : Paramètre Lactatémie
Figure 6 : Paramètre DeltaHcue/Hcueprehosp
Figure 7: Paramètre DeltaHcue
Figure 8 : Paramètre Hcueprehosp
27
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 7. Comparaison des courbes ROC
La comparaison de 3 courbes ROC a été effectuée, pour les paramètres
DeltaHcue1000, la lactatémie et le paramètre affichant la meilleure ASC à savoir
l’Hbhosp. Elles sont rapportées dans la Figure 9.
Ces trois courbes ROC ont été testées 2 à 2 et elles étaient différentes de manière
statistiquement significative, p < 0.0001 pour chaque comparaison.
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Figure 9 Comparaison des courbes ROC pour DeltaHcue1000, lactatémie et Hbhosp
28
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). DISCUSSION
Dans ce travail, le taux d’hémoglobine mesuré à différents moments de la
prise en charge initiale du patient traumatisé grave a été étudié comme facteur
prédictif de choc hémorragique. L’hypothèse testée était basée sur le fait de prendre
en considération l’importance de l’expansion volémique dans la baisse de
l’hémoglobine mesurée par HemoCue®, en utilisant le paramètre DeltaHcue1000
défini par DeltaHcue1000 = (Hcueprehosp - Hcuehosp)/ EV * 1000, afin d’améliorer la
performance diagnostique du taux d’hémoglobine comme facteur prédictif de choc
hémorragique, défini par la transfusion de 4 CG en 6 heures.
Il a été observé que le DeltaHcue1000 était différent de manière statistiquement
significative entre les groupes CH et CL mais avec une faible performance
diagnostique, ASC 0.62 (IC 95% 0.59-0.66).
Le meilleur critère pour diagnostiquer un choc hémorragique était l’Hb hosp,
fournie par la numération formule sanguine, avec une ASC 0.93 (IC 95% 0.91-0.95),
puis l’Hcuehosp avait une performance diagnostique comparable à la lactatémie.
Contrairement à la conception classique [10], une différence statistiquement
significative était observée dès la première mesure d’Hcue réalisée en préhospitalier
entre les groupes CH et CL ; l’explication peut être que le « refilling » se met en
place de manière plus précoce qu’observé précédemment.
Il est à noter que les seuils d’Hcue observés sont assez élevés : 13 g/dL en
préhospitalier et 11.8 g/dL à l’arrivée à l’hôpital. Il s’agissait d’une population
composée de patients essentiellement masculins, jeunes, sans comorbidités pour
lesquels de tels résultats sont en dehors des normes de laboratoire pour
l’hémoglobine.
29
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). La prise en considération de l’expansion volémique dans la cinétique de
variation du taux d’hémoglobine mesuré par HemoCue® grâce au DeltaHcue1000 ne
permet pas d’observer les meilleures performances diagnostiques.
Une explication peut être liée à la variabilité de mesure de l’HemoCue®. En
effet, les limites d’agrément ont été constatées jusqu’à 2 g/dL (-1.3 à 1.7)
[37,38]. Ces limites d’agrément sont proches des valeurs observées pour le
DeltaHcue dans les 2 groupes. Cette variabilité est de plus mise en cause à deux
reprises, pour la mesure préshopitalière et la mesure à l’arrivée à l’hôpital. Il est
d’ailleurs observé dans un certain nombre de cas un Hcuehosp plus élevé que
l’Hcueprehosp, alors qu’aucun patient n’a été transfusé pendant la période
préhospitalière.
D’autre part, la fiabilité des données concernant l’EV peuvent être discutables.
Il est en effet difficile de reporter précisément le volume perfusé pendant la période
préhospitalière ; la nature de cette expansion volémique (cristalloïde ou colloïde)
n’était pas prise en compte, or ces solutés présentent un pouvoir d’expansion
volémique différent.
Enfin, la relation entre la baisse de l’HemoCue® et EV a été supposée linéaire,
comme dans un modèle à un compartiment [10]. Cette hypothèse de départ est
également discutable. Les échanges entre les secteurs interstitiel et vasculaire
s’effectuent dans les deux sens : il existe un mouvement de liquide du secteur
interstitiel vers le secteur vasculaire, constituant le « refilling » mais également sans
doute un mouvement de liquide du secteur vasculaire vers l’interstitium, qui est lié à
la réponse inflammatoire au traumatisme. La part de chacun de ces mouvements
liquidiens est variable selon le patient et le traumatisme.
Il est possible que le « refilling » se mette en route plus précocement qu’attendu, ce
qui explique la différence entre les deux groupes pour le paramètre Hcue prehosp.
Les meilleures performances diagnostiques sont relevées pour les paramètres
Hbhosp et Hcuehosp.
L’Hbhosp permet un diagnostic de choc hémorragique, défini par la transfusion
de 4 CG en six heures, avec une ASC de 0.93 (IC 95% 0.91-0.95). Les seuils décrits
dans ce travail sont assez élevés : 11.8 g/dL pour avoir le meilleur compromis SeSpe. Cette observation est en accord avec les données de la littérature ; en effet,
30
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). plusieurs études révélaient un hématocrite différent à l’arrivée à l’hôpital [18,30] entre
les patients en choc hémorragique et les autres.
Les précédents travaux anglosaxons se sont principalement intéressés à
l’hématocrite. Dans le peu de travaux qui portent sur l’hémoglobine [19], le seuil de
10 g/dL est rapporté ; seuil qui correspond à notre seuil permettant une Spe > 90%.
L’inconvénient de cette mesure est qu’elle nécessite une ponction veineuse ou
artérielle et un délai de 30 à 60 minutes pour obtenir un résultat.
Le second paramètre à afficher les meilleures performances diagnostiques est
l’Hcuehosp, dont les performances sont assimilables à la lactatémie, marqueur de
l’état de choc hémorragique. L’intérêt de ce paramètre est l’immédiateté du résultat,
contrairement à l’Hb.
Pour le paramètre Hcuehosp, les seuils étaient également relativement élevés, 12.4
g/dL pour le meilleur compromis statistique et 10 g/dL encore une fois pour obtenir
une Spe > 90%.
Pour la lactatémie, le seuil noté était à 3.6 mmol/L, ce qui est relativement élevé. Le
principal écueil est que la lactatémie n’est pas spécificique de l’état de choc
hémorragique, elle peut s’élever dans d’autres situations, rencontrées dans la
population des traumatisés sévères, comme l’ivresse aigüe, l’état de choc non
hémorragique ou encore la crise convulsive.
Forces de l’étude :
Les forces de cette étude sont liées à la taille de la cohorte (944 patients) et
au caractère multicentrique.
La base de données a été complétée de manière prospective, incluant les
patients de manière consécutive. Ceci permettait de limiter les pertes d’informations
et les biais inhérents au recueil rétrospectif des données.
Limites de l’étude :
Il est à noter plusieurs limites à ce travail. La première est liée à la base de
données :
-
dans ce type de recueil, bien que prospectif, seules les données recueillies
sont analysées,
-
les données manquantes : pour 25% des patients screenés, des données
telles que l’Hcue et l’EV préhospitalière n’étaient pas renseignées sur la
31
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). feuille du SMUR, ces données manquantes concernaient essentiellement
des patients admis pour traumatisme crânien dans le cadre de la grande
garde de neurochirurgie, ceci peut constituer un biais de sélection. Il pourra
être vérifié dans un second temps les caractéristiques des patients non
inclus dans l’analyse en prenant en compte les items renseignés (un
patient ayant un seul item manquant sur les paramètres étudiés était non
inclus), constituant une analyse en intention de traiter.
La seconde limite est la définition du choc hémorragique. Dans les données
exploitées, le choc hémorragique était défini par l’administration de 4 CG durant les
six premières heures de prise en charge. Cette définition a été choisie parmi toutes
celles disponibles dans la littérature, qui vont de un CG [24] à des définitions
multiples de la transfusion massive [25–27]. Il correspond aux patients transfusés
d’une demi-masse sanguine.
Enfin, le postulat de la linéarité de la relation entre la variation d’Hcue et l’EV
est discutable.
Perspectives :
Pour vérifier qu’il n’existe pas de biais de sélection de la population étudiée, il
peut être proposer d’analyser tous les paramètres disponibles avant la non inclusion
des patients pour données manquantes, en effectuant de ce fait une analyse en
intention de traiter.
Il serait intéressant d’étudier les différents seuils, pour le taux d’hémoglobine
et de les tester dans une future population de patients traumatisés graves, afin de
déterminer le plus pertinent.
L’évaluation des performances diagnostiques des différents paramètres en
utilisant une autre définition du choc hémorragique (par exemple le critère geste
d’hémostase comme définition du groupe choc hémorragique) pourrait être
intéressante.
Il semble intéressant d’essayer de définir, dans des travaux de recherche
clinique ultérieurs, la relation des variations du taux d’hémoglobine en fonction de
l’expansion volémique, dans le contexte du choc hémorragique traumatique.
32
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). RÉSUMÉ
ETUDE DE L’HÉMOGLOBINE ET DE SES VARIATIONS COMME
FACTEURS PREDICTIFS DE CHOC HEMORRAGIQUE CHEZ LE
TRAUMATISÉ GRAVE
INTRODUCTION
Chez les patients traumatisés en choc hémorragique (CH), une expansion volémique
(EV) peut être nécessaire dans l’attente d’un geste thérapeutique d’hémostase ou de
la transfusion de concentrés globulaires (CG). Cette EV peut s’accompagner d’une
baisse de l’hémoglobine (Hb) par hémodilution. L’hypothèse émise est la suivante :
plus l’hémorragie est grave, plus la baisse du taux d’Hb secondaire à l’EV est
importante. L’objectif est d’analyser la variation du taux d’Hb capillaire mesuré par
HemoCue® en utilisant la relation : DeltaHcue1000 = (Hcueprehosp - Hcuehosp)/EV *
1000, ainsi que les paramètres Hcueprehosp, Hcuehosp, DeltaHcue = Hcueprehosp Hcuehosp, DeltaHcue/Hcueprehosp, Hbhosp et Lactatémie, et de définir leurs
performances pour le diagnostic de CH.
PATIENTS ET METHODES
Cohorte observationnelle prospective multicentrique incluant tous les patients ayant
été admis en primaire pour traumatisme grave entre janvier 2010 et avril 2013.
Exclus : arrêt cardio-respiratoire; osmothérapie; données manquantes. La population
est séparée en 2 groupes : 1/ « choc hémorragique » (CH défini par ≥4 CG dans
les six premières heures), et 2/ « contrôle » (CL) : pas de CH.
Les données cliniques et biologiques et les paramètres Hcueprehosp, Hcuehosp,
DeltaHcue, DeltaHcue1000, DeltaHcue/Hcueprehosp, Hbhosp et Lactatémie ont été
comparés entre ces 2 groupes. Des courbes ROC ont été réalisées pour les
différents paramètres afin d’évaluer leur capacité à prédire la survenue d’un CH.
RESULTATS
944 patients ont été inclus dans l’étude.
Les performances diagnostiques des différents paramètres sont présentées dans le
tableau.
Hb (g/dL)
Hcuehosp (g/dL)
Lactatémie (mmol/L)
DeltaHcue/Hcueprehosp
DeltaHcue (g/dL)
Hcueprehosp (g/dL)
DeltaHcue1000 (g/dL)
ASC (IC 95%)
0.93 (0.91-0.95)
0.85 (0.83-0.87)
0.81 (0.79-0.84)
0.76 (0.73-0.78)
0.73 (0.70-0.76)
0.72 (0.69-0.75)
0.63 (0.59-0.66)
Seuil
11.8
12.4
3.6
14
1.4
13
1.4
Se (%)
93
83
61
65
71
58
67
Spe (%)
80
71
90
80
68
73
55
VPP (%)
38
27
47
30
23
22
17
VPN (%)
96
97
94
95
95
93
93
Youden
0.72
0.54
0.51
0.44
0.39
0.31
0.23
CONCLUSION
Dans la population de patients traumatisés graves étudiée, la baisse du taux
d’hémoglobine capillaire en fonction de l’EV évaluée par le DeltaHcue1000 semble
être un paramètre peu performant comme facteur prédictif de CH. Le taux d’Hb à
l’arrivée à l’hôpital semble être le meilleur paramètre parmi tous les paramètres
évalués.
33
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). RÉFÉRENCES
[1]
Murray CJ, Lopez AD. Alternative projections of mortality and disability by cause
1990-2020: Global Burden of Disease Study. Lancet 1997;349:1498–504.
[2]
Sauaia A, Moore FA, Moore EE, Moser KS, Brennan R, Read RA, et al.
Epidemiology of trauma deaths: a reassessment. J Trauma 1995;38:185–93.
[3]
Evans JA, van Wessem KJP, McDougall D, Lee KA, Lyons T, Balogh ZJ.
Epidemiology of traumatic deaths: comprehensive population-based assessment. World J
Surg 2010;34:158–63.
[4]
Dutton RP, Stansbury LG, Leone S, Kramer E, Hess JR, Scalea TM. Trauma
mortality in mature trauma systems: are we doing better? An analysis of trauma mortality
patterns, 1997-2008. J Trauma 2010;69:620–6.
[5]
Durham RM, Moran JJ, Mazuski JE, Shapiro MJ, Baue AE, Flint LM. Multiple organ
failure in trauma patients. J Trauma 2003;55:608–16.
[6]
Little RA, Kirkman E, Driscoll P, Hanson J, Mackway-Jones K. Preventable deaths
after injury: why are the traditional “vital” signs poor indicators of blood loss? J Accid Emerg
Med 1995;12:1–14.
[7]
Schadt JC, Ludbrook J. Hemodynamic and neurohumoral responses to acute
hypovolemia in conscious mammals. Am J Physiol 1991;260:H305–318.
[8]
Edouard AR, Degrémont AC, Duranteau J, Pussard E, Berdeaux A, Samii K.
Heterogeneous regional vascular responses to simulated transient hypovolemia in man.
Intensive Care Med 1994;20:414–20.
[9]
Vatner SF, Braunwald E. Cardiovascular control mechanisms in the conscious state.
N Engl J Med 1975;293:970–6.
[10]
Gutierrez G, Reines HD, Wulf-Gutierrez ME. Clinical review: hemorrhagic shock.
Crit Care Lond Engl 2004;8:373–81.
[11]
Lister J, McNeill IF, Marshall VC, Plzak LF Jr, Dagher FJ, Moore FD. Transcapillary
refilling after hemorrhage in normal man: basal rates and volumes; effect of norepinephrine.
Ann Surg 1963;158:698–712.
[12] Moore EE. Thomas G. Orr Memorial Lecture. Staged laparotomy for the hypothermia,
acidosis, and coagulopathy syndrome. Am J Surg 1996;172:405–10.
[13]
Maegele M, Lefering R, Yucel N, Tjardes T, Rixen D, Paffrath T, et al. Early
coagulopathy in multiple injury: an analysis from the German Trauma Registry on 8724
patients. Injury 2007;38:298–304.
[14]
MacLeod JBA, Lynn M, McKenney MG, Cohn SM, Murtha M. Early coagulopathy
predicts mortality in trauma. J Trauma 2003;55:39–44.
[15]
Hess JR, Brohi K, Dutton RP, Hauser CJ, Holcomb JB, Kluger Y, et al. The
coagulopathy of trauma: a review of mechanisms. J Trauma 2008;65:748–54.
[16]
Spahn DR, Bouillon B, Cerny V, Coats TJ, Duranteau J, Fernández-Mondéjar E, et al.
Management of bleeding and coagulopathy following major trauma: an updated European
guideline. Crit Care 2013;17:R76.
[17]
Howell GM, Peitzman AB, Nirula R, Rosengart MR, Alarcon LH, Billiar TR, et al.
Delay to therapeutic interventional radiology postinjury: time is of the essence. J Trauma
2010;68:1296–300.
[18]
Snyder HS. Significance of the initial spun hematocrit in trauma patients. Am J
Emerg Med 1998;16:150–3.
[19]
Knottenbelt JD. Low initial hemoglobin levels in trauma patients: an important
indicator of ongoing hemorrhage. J Trauma 1991;31:1396–9.
[20]
Glick YA, Wilson LD, Aiello J. Hematocrit and metabolic changes caused by varied
resuscitation strategies in a canine model of hemorrhagic shock. Am J Emerg Med
34
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). 2002;20:303–9.
[21]
Yücel N, Lefering R, Maegele M, Vorweg M, Tjardes T, Ruchholtz S, et al. Trauma
Associated Severe Hemorrhage (TASH)-Score: probability of mass transfusion as surrogate
for life threatening hemorrhage after multiple trauma. J Trauma 2006;60:1228–1236;
discussion 1236–1237.
[22]
McLaughlin DF, Niles SE, Salinas J, Perkins JG, Cox ED, Wade CE, et al. A
predictive model for massive transfusion in combat casualty patients. J Trauma 2008;64:S57–
63; discussion S63.
[23]
Nunez TC, Voskresensky IV, Dossett LA, Shinall R, Dutton WD, Cotton BA. Early
prediction of massive transfusion in trauma: simple as ABC (assessment of blood
consumption)? J Trauma 2009;66:346–52.
[24]
Thorson CM, Van Haren RM, Ryan ML, Pereira R, Olloqui J, Guarch GA, et al.
Admission hematocrit and transfusion requirements after trauma. J Am Coll Surg
2013;216:65–73.
[25]
Como JJ, Dutton RP, Scalea TM, Edelman BB, Hess JR. Blood transfusion rates in
the care of acute trauma. Transfusion (Paris) 2004;44:809–13.
[26]
Savage SA, Zarzaur BL, Croce MA, Fabian TC. Redefining massive transfusion
when every second counts. J Trauma Acute Care Surg 2013;74:396–400; discussion 400–402.
[27]
Mitra B, Cameron PA, Gruen RL, Mori A, Fitzgerald M, Street A. The definition of
massive transfusion in trauma: a critical variable in examining evidence for resuscitation. Eur
J Emerg Med Off J Eur Soc Emerg Med 2011;18:137–42.
[28]
Greenfield RH, Bessen HA, Henneman PL. Effect of crystalloid infusion on
hematocrit and intravascular volume in healthy, nonbleeding subjects. Ann Emerg Med
1989;18:51–5.
[29]
Nijboer JMM, van der Horst ICC, Hendriks HGD, ten Duis H-J, Nijsten MWN. Myth
or reality: hematocrit and hemoglobin differ in trauma. J Trauma 2007;62:1310–2.
[30]
Paradis NA, Balter S, Davison CM, Simon G, Rose M. Hematocrit as a predictor of
significant injury after penetrating trauma. Am J Emerg Med 1997;15:224–8.
[31]
Zehtabchi S, Sinert R, Goldman M, Kapitanyan R, Ballas J. Diagnostic performance
of serial haematocrit measurements in identifying major injury in adult trauma patients. Injury
2006;37:46–52.
[32]
Madsen T, Dawson M, Bledsoe J, Bossart P. Serial hematocrit testing does not
identify major injuries in trauma patients in an observation unit. Am J Emerg Med
2010;28:472–6.
[33]
Gómez-Escolar Viejo L, Sala GS, Azorin JMP, Laudemia R, Sánchez J, Regadera
MP-M. [Reliability of hemoglobin measurement by HemoCue in patients with gastrointestinal
bleeding]. Gastroenterol Hepatol 2009;32:334–8.
[34]
Nguyen-Khac E, Gournay N, Tiry C, Thevenot T, Skaf C-E, Leroy M-H. [Portable
hemoglobinometer for bedside monitoring of capillary blood hemoglobin in patients with
acute gastrointestinal hemorrhage]. Presse Médicale Paris Fr 1983 2006;35:1131–7.
[35]
Van de Louw A, Lasserre N, Drouhin F, Thierry S, Lecuyer L, Caen D, et al.
Reliability of HemoCue in patients with gastrointestinal bleeding. Intensive Care Med
2007;33:355–8.
[36]
Paiva A de A, Rondó PHC, Silva SS de B, Latorre M do RDO. Comparison between
the HemoCue and an automated counter for measuring hemoglobin. Rev Saúde Pública
2004;38:585–7.
[37]
Seguin P, Kleiber A, Chanavaz C, Morcet J, Mallédant Y. Determination of capillary
hemoglobin levels using the HemoCue system in intensive care patients. J Crit Care
2011;26:423–7.
[38]
Mimoz O, Frasca D, Médard A, Soubiron L, Debaene B, Dahyot-Fizelier C.
35
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). Reliability of the HemoCue® hemoglobinometer in critically ill patients: a prospective
observational study. Minerva Anestesiol 2011;77:979–85.
[39]
Bruns B, Lindsey M, Rowe K, Brown S, Minei JP, Gentilello LM, et al. Hemoglobin
drops within minutes of injuries and predicts need for an intervention to stop hemorrhage. J
Trauma 2007;63:312–5.
[40]
Stamler KD. Effect of crystalloid infusion on hematocrit in nonbleeding patients, with
applications to clinical traumatology. Ann Emerg Med 1989;18:747–9.
[41]
Kass LE, Tien IY, Ushkow BS, Snyder HS. Prospective crossover study of the effect
of phlebotomy and intravenous crystalloid on hematocrit. Acad Emerg Med Off J Soc Acad
Emerg Med 1997;4:198–201.
[42]
Seguin P, Kleiber A, Chanavaz C, Morcet J, Mallédant Y. Determination of capillary
hemoglobin levels using the HemoCue system in intensive care patients. J Crit Care
2011;26:423–7.
[43]
Bourke DL, Smith TC. Estimating allowable hemodilution. Anesthesiology
1974;41:609–12.
[44] Drobin D, Hahn RG. Volume kinetics of Ringer’s solution in hypovolemic volunteers.
Anesthesiology 1999;90:81–91.
36
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa). ANNEXE CPP et autorisation CNIL
37
38
[ins%tut-­‐anesthesie-­‐reanima%on.org]. Document sous License Crea%ve Commons (by-­‐nc-­‐sa).