Profs et enfants différents à rude école

?SAMEDI 7 FÉVRIER 2015 ??????????
RÉGION 11
MONTAGNES NEUCHÂTELOISES Certains élèves ont des besoins éducatifs particuliers. Dès mardi
à La Chaux-de-Fonds, et mercredi au Locle, les enseignants sont invités à les comprendre mieux.
Profs et enfants différents à rude école
tion serait incontournable afin
d’apporter l’aide indispensable à
chaque élève. En lieu et place, on
nous dit: «Faites un peu comme
vous faisiez toujours, mais en
mieux!» Alors que l’histoire de
l’école et ses moyens ne permettent
d’y répondre que partiellement,
malgré l’intention de vraiment viser l’inclusion scolaire.»
Jean-Paul Wettstein, conseiller
communal en charge de l’Instruction publique, insiste sur la
nécessité de la mise en place de
réseaux. «Lorsqu’une difficulté est
relevée, il est nécessaire pour l’ensemble des partenaires de prendre
le temps de la rencontre afin d’apporter les aides indispensables. En
effet, l’important travail de réseau,
réunissant l’ensemble des professionnels concernés et la famille, permet souvent de trouver des solutions pertinentes dans le respect des
particularités de la mission de chacun. Cette journée a clairement
l’avantage de le permettre.» ?
SYLVIA FREDA
La journée sera éminemment
pédagogique, le 11 février, au Collège Jehan-Droz, dans la MèreCommune. Plus d’une centaine
d’enseignants du Cercle scolaire
Le Locle pourront y suivre des
ateliers, donnés par des spécialistes de la région ou d’ailleurs.
Laurence*, enseignante depuis
trois décennies, ressent un réel
besoin d’y aller. «Car c’est la première fois, dans ma longue carrière, que je compte autant d’élèves
en difficulté. Dyslexie, dysgraphie,
dysorthoptie, hyperactivité, problèmes de famille perturbateurs en
classe...»
Et c’est attentivement qu’elle
écoutera donc pour commencer la conférence du Dr Olivier Revol (lire ci-dessous).
Le grand spécialiste des troubles d’apprentissage chez l’enfant sera invité ce jour-là par
la Fondation promotion santé
La Chaux-de-Fonds-Le Locle,
qui fête cette année son 10e
anniversaire.
Il donnera aussi, la veille, le
10 février, une conférence pour
les enseignants de La Chaux-deFonds et une autre, le soir, pour le
public, sur les enfants à haut potentiel, dès 20h15, à l’aula du Cifom-ET, toujours au Locle.
«La journée pédagogique proposera un choix entre 13 groupes de travail», explique Laurence. «J’ai
choisi de suivre, entre autres, un premier portant sur «L’insécurité affective et son impact sur les apprentissages», et un autre sur la «Dysphasie
vue par l’œil des parents».»
Il faudrait plus de temps
Non seulement elle accueille
une panoplie d’enfants aux besoins éducatifs particuliers dans
une même classe, mais, en plus,
celle-ci regroupe deux degrés différents. «Sur les 18 élèves, presqu’un tiers nécessitent une attention spécifique. Ils auraient besoin
de quelqu’un quasi à genoux devant
eux, pour les aider! Deux de ces écoliers auraient certainement été
mieux dans une des deux classes
Dysgraphique, Etienne, 12 ans, est moins à l’aise pour écrire à la main que sur ordinateur. Il est un enfant
à besoins éducatifs particuliers. LUCAS VUITEL
spéciales, au Locle», laisse-t-elle
entendre. «Dans ce contexte peu
évident, une élève «dys» attend
toujours un diagnostic depuis plusieurs mois, malgré mes nombreux
courriers sollicitant l’administration.» Sa consolation, à ce stade?
«Voir qu’au moins, entre enfants
standards et enfants à besoins éducatifs particuliers, l’entente est excellente. Ce qui n’a pas toujours été
le cas, dans mon passé!»
A la tête d’une classe de 22 élèves
en préprofessionnelle, Jérôme* a
opté, durant la journée pédagogique du 11 février, pour les ateliers
consacrés aux enfants dyslexiques et dysorthographiques.
Lui aussi jongle avec des classes
où se mêlent enfants standards
et enfants à besoins éducatifs
particuliers. «J’ai deux élèves dyslexiques et dysorthographiques, qui
ont le droit de s’aider d’un dictionnaire électronique et d’un iPad lors
des travaux écrits. Ils bénéficient
également de plus de temps à chaque travail écrit.»
Il en a deux autres, qui ne parlent pas bien français, qu’il aide
en leur dédiant un moment à
part. «En tout, dans ma classe, je
compte six enfants à besoins éducatifs particuliers. Sur une leçon de 45
minutes, je n’ai donc guère, mathématiquement, que deux minutes à
leur consacrer à chacun. Déduisez
de ce temps, celui nécessaire à la
discipline!» Il aimerait avoir six à
huit élèves en moins, pour pouvoir dédier le temps nécessaire à
chacun.
Une implication énorme
Denis Jubin, directeur du Cercle scolaire Le Locle, est conscient de la situation. «On attend
beaucoup de l’école, en pleine mutation, qui s’ouvre à la différenciation
en tenant compte de la diversité des
élèves et des besoins de chacun.»
Une différenciation qui était modérée jusqu’à 2014, et qui, aujourd’hui, est établie par l’arrêté
cantonal de juillet 2014. «Suite à
ce dernier, un règlement d’applica-
= TROIS QUESTIONS À...
SP
«Bien sûr que c’est bien de les mélanger!»
DR OLIVIER
REVOL
CHEF DU SERVICE
DE
PSYCHOPATHOLOGIE
DE L’ENFANT ET
DE L’ADOLESCENT
AU CHU DE LYON,
SPÉCIALISTE
DES ADOLESCENTS
ET DE LEURS
TROUBLES
D’APPRENTISSAGE
Dr Revol, le 11 février, vous donnerez
une conférence aux enseignants sur
l’enfant différent et l’école. Quelle distinction établir entre enfants standards
et ceux à besoins éducatifs particuliers?
Par rapport à l’enfant bien équipé pour apprendre à l’école, on sait, depuis une vingtaine d’années, qu’un certain nombre d’enfants intelligents rencontrent, eux, des
difficultés. Non pas par manque de motivation, mais parce qu’un des secteurs de leur
cerveau fonctionne moins bien. S’il s’agit de
l’hémisphère gauche, le langage oral, la lecture ou l’orthographe seront touchés. Si l’hémisphère droit est concerné, la coordination
sera alors davantage fragilisée. Les enfants
seront maladroits, n’arriveront pas à tirer des
traits, ni à découper, ni à écrire. Si leur partie
frontale du cerveau est la zone plus sensible,
là, les enfants fixeront mal leur attention, ne
retiendront pas ce que dit la maîtresse, et
n’arriveront pas à programmer une action.
Vous avez bien souligné l’intelligence
de ces enfants rencontrant des difficul-
tés d’apprentissage...
Oui, car tous ces enfants sont des enfants intelligents. Mais, à un moment donné, ils peuvent être en difficulté scolaire, ce qui les touche beaucoup, parce qu’ils ont l’impression
qu’on ne les comprend pas. Et tant qu’on n’a
pas saisi d’où viennent leurs difficultés, bien
entendu, ils courent le risque d’être déprimés, d’avoir un manque de confiance en eux
et une baisse de l’estime d’eux-mêmes.
Dorénavant, on aime la mixité entre
élèves standards et les autres. Un bien?
Bien sûr, c’est bien de les mélanger. D’une
part, parce qu’ainsi ils vont dans l’école de
leur quartier, où ils ont leurs copains. Et d’autre part, parce que c’est aussi l’éducation à la
citoyenneté d’apprendre qu’on n’est pas tous
pareils, qu’on a des différences et qu’on peut
s’enrichir des uns et des autres. Un quart
d’enfants à besoins éducatifs particuliers par
classe, c’est le maximum. Il ne faudrait pas
les regrouper dans une classe dont la moitié
serait «dys», et une autre standard. Ce serait
très compliqué. ?
*Prénoms fictifs
Elève du cercle scolaire Le Locle, âgé de 12 ans, Etienne (prénom
fictif) est dyslexique, dysgraphique et dysorthographique. «Pourtant vif, en primaire, il était incapable de commencer à lire et à écrire.
Puis, d’autres symptômes ont été détectés par la suite», raconte sa
maman. «Heureusement, il a été vite diagnostiqué. Il a très mal vécu
sa particularité. Il se rendait compte de ses blocages, car des choses qui
sont simples pour les autres ne le sont pas pour lui. Il lui a été expliqué
que si, chez les autres enfants, le chemin jusqu’à l’information va tout
droit dans le cerveau, dans son cas, il fait 150 détours. Etienne n’a pas
voulu prendre la voie terminale ou préprofessionnelle au départ, ainsi qu’on le propose aux enfants comme lui. Il a refusé en disant: «Je sais
que toute ma vie je vais devoir travailler plus que les autres. Donc, je
veux aller en voie d’orientation, même si c’est difficile!» Mais Etienne
n’a pas mené ses tests à bien. Et se retrouve en préprof. «Ce qui le
vexe! Cela dit, il fait des progrès, est bien encadré à l’école, même s’il
est beaucoup plus en arrière que les autres vis-à-vis du plan d’études.»
Pascal (prénom fictif), 8 ans, est dyspraxique. «On l’a repéré dès
sa 1ère année Harmos», informe sa mère. «La dyspraxie relève d’un
trouble de la succession des gestes. Donc, il était très maladroit.
D’abord, on en a ri, puis, après, on a compris que quelque chose ne
jouait pas. Une ergothérapeute le suit, et vient, une fois par année, à
l’école, pour voir ce qui ne va pas, et lui trouver des solutions.» Des progrès avec le temps? «Il écrit plus lisiblement. Son équilibre a aussi progressé, il fait du vélo, du ski... A l’école, il a droit à une tablette. Car, pour
lui, écrire ou chercher dans le dictionnaire est très compliqué!»
FOPS! Santé!
En introduction de la conférence du Dr Olivier Revol, mardi
soir, Jean-Luc Kernen, président du Bureau santé, présentera le
10e anniversaire de la Fondation promotion santé La Chaux-deFonds-Le Locle, la FOPS, dont il est membre. La FOPS? Késaco?
«Son histoire commence en 1997 autour de l’idée que l’activité des
médecins scolaires devait être renforcée par une approche plus globale
de la santé au niveau des écoles.» A la suite de quoi, a été créé un
Bureau santé, chargé d’aborder cette problématique et de prévoir
une politique de santé au sein des écoles à La Chaux-de-Fonds.
«L’activité s’est étoffée au cours des années. Le Bureau santé a finalement invité toutes les institutions s’occupant de la jeunesse dans les
Montagnes neuchâteloises. La FOPS a ainsi débordé de La Chaux-deFonds vers Le Locle, qui en fait partie depuis 2005.» Dans le Bureau
santé sont dès lors compris les écoles obligatoires et post-obligatoires, le parascolaire, les institutions liées à l’éducation, par
exemple Sombaille jeunesse, Les Billodes, ou encore la Fondation Sandoz, le service de la jeunesse, la responsable des structures d’accueil pour Le Locle, etc.
Les objectifs de la promotion de la santé puisent leur inspiration
dans l’une des grandes chartes qui dirigent les politiques de santé
depuis 1986 un peu partout dans le monde: celle d’Ottawa. En septembre, une manifestation fera office de point culminant de ce 10e
anniversaire, dont l’emblème est l’arbre, symbole de vie. Au cours
de l’année 2015, les différentes institutions du Bureau santé organiseront un événement sur un thème en lien avec la promotion
de la santé ou la prévention: cyber-harcèlement, liens intergénérationnels, rallye des cinq sens, et d’autres encore. ?