La Feuille de Bize n° 233 - Site du Diocèse de l`Aude

La Feuille
de Bize
n° 233
1° Mars 2015
2° dimanche de Carême
du livre de la Genèse (§22 : extraits)
En ces jours-là, Dieu mit Abraham à l’épreuve.
Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! » Dieu
dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac,
va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la
montagne que je t’indiquerai. » Ils arrivèrent à l’endroit que
Dieu avait indiqué. Abraham y bâtit l’autel et disposa le bois ;
puis il lia son fils Isaac et le mit sur l’autel, par-dessus le bois.
Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son
fils. Mais l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : «
Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! » L’ange lui
dit : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun
mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas
refusé ton fils, ton unique. » Abraham leva les yeux et vit un
bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla prendre le
bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils. Du ciel,
l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham. Il déclara : « Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce
que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils,
ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le
sable au bord de la mer, et ta descendance occupera les places fortes de ses ennemis. Puisque tu as écouté ma voix,
toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la
bénédiction par le nom de ta descendance. »
1° Lecture
Plus tard, le texte a été retravaillé pour faire
d’Abraham l’homme du don, … de la foi : Ce
récit est au terme d’une série d’épreuves où le
héros a toujours manifesté sa foi. Ce texte nous
montre que dans la religion archaïque des Hébreux, l’ « Alliance » avec « Dieu » était basée
sur la confiance, la foi. Ainsi Abraham est-il le
père des croyants ! … Plus tard, l’ « Alliance »
avec Moïse changera de tonalité, elle sera basée sur la Loi… En ce qui nous concerne, ce qui
est sûr, c’est que ce père qui sacrifie son fils
bien-aimé, ce fils qui porte le bois (passage
sauté), et qui, in fine, est arraché à la mort, a eu
une influence forte sur une lecture chrétienne
de la Passion/Résurrection de Jésus !
Cette Transfiguration (image ici coupée)
a été commandée à Raphaël par le cardinal Jules de Médicis, archevêque de
Narbonne en 1515. Ce tableau était
destiné à sa cathédrale. Mais Raphaël
mourut en 1520, sans avoir eu le temps
de l’achever. Ses ouvriers s‘en chargèrent. Devenu pape sous le nom de Clément VII en 1523, Jules de Médicis garda le tableau pour lui, à Rome. Une copie
a cependant été faite pour la Cathédrale
de Narbonne où elle se trouve encore !
Lire ce texte au
Drôle de texte ! 1° niveau a de
quoi nous surprendre sur l’image de
Dieu que nous avons ! Une lecture
terre-à-terre a amené un exégète anglais à dire un jour : « À cette époque
le Bon Dieu était encore jeune ! ». On
sait aujourd’hui que ce texte a plusieurs couches de formation que l’on
peut déceler par l’emploi du mot
« Dieu » et « ange du Seigneur » ! Au
stade primitif, ce texte est là pour
justifier de l’interdit de sacrifier des enfants, comme cela se faisait en terre de Canaan lorsque des
tribus sémites venues de Mésopotamie (Abraham)
découvrirent ces pratiques inconnues pour eux
(Les Phéniciens les pratiquaient). Les textes bibliques et ceux d’écrivains antiques permettent d’évoquer des sacrifices d’enfants lors de calamités,
de danger, de menace de défaite… comme victimes
pour se rendre la divinité favorable, comme rites
de fondation de villes ou de maisons, enfin comme
génies protecteurs. On a ainsi découvert des nécropoles datant du XIV° av. J-C. à Gézer (sud de la
Palestine), près du site de Megiddo, … Plus tard,
des animaux ont été substitués aux enfants, comme
l’évoque aussi ce texte.
2° Lecture
de la lettre de saint Paul aux Romains (8, 31b-34)
Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils,
mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? Qui accusera
ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste : alors, qui pourra condamner ? Le Christ Jésus
est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous.
Que ce soit Abraham sacrifiant
son fils, ou d’autres textes, il est
clair que Paul a exprimé sa théologie chrétienne à
partir des données de l’Ancien Testament, à partir
de sa culture juive ! Nous retrouvons l’idée du Père
qui n’a pas épargné son Fils et qui l’a livré pour
nous : théologie du don fondée sur Abraham. Mais il
est sûr qu’aujourd’hui parler d’un Dieu qui livre son
fils ou du sacrifice de ce dernier, est un discours qui
ne passe plus ! Il faut comprendre ces paroles de
Paul : Dieu est pour nous ... Il n’a pas épargné son Fils
comme signifiant, il n’est pas intervenu pour sauver
son Fils de la mort biologique. De même, le Il l’a livré
Théologie de Paul
comme Dieu laissant faire la liberté humaine ! Car en vérité ce sont des hommes qui
l’ont mis à mort et par-delà l’ont livré à La
Mort. Dieu, lui, n’est intervenu que hors du
domaine abandonné aux hommes (la vie terrestre), dans le domaine du « spirituel ». Or,
en donnant La Vie à son Fils incarné, il a
montré que l’humain avait sa place en lui.
De plus, le Fils exalté devient intercesseur
(Prêtre). Dès lors rien ne peut nous condamner à La Mort, puisque le Fils intercède pour
nous, c.à.d. nous obtient sans cesse le pardon : il n’y a pas d’obstacle à la Rencontre !
De l’Évangile selon saint Marc (Mc 9, 2-10) En ce temps-là, Jésus prit avec lui
Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle
que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous
deux s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que
nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » De fait,
Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre,
et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
3° LECTURE
Texte christologique L’extraordinaire épisode ici raconté La place de ce récit, dans Marc, a de
pose des questions difficiles à nos
exégètes, comme le souligne Etienne Trocmé. Avec le Baptême de Jésus, ce sont les deux seules fois où la voix d’Enhaut se fait entendre. Certains pensent que ces deux récits
de déclarations divines étaient liés dans la tradition primitive. Mais lorsque l’Evangile de Marc (le premier écrit) fut
composé il convenait de placer le récit du Baptême au début du livre et la Transfiguration plus tard dans l’œuvre.
C’est lors de l’insertion de ces récits jumeaux palestiniens
qu’ils ont été remodelé, ce qui explique la présence de
traits appartenant à l’Hellénisme. De plus, dit E. Trocmé, si
le désir de consolider la révélation du Christ a sans aucun
doute joué un rôle dans la décision d’insérer ici cet épisode,
on peut penser que la présence de Pierre, Jacques et Jean,
sur la « haute montagne » a été mentionnée pour accroître
l’autorité de ces trois compagnons de Jésus. Même la rebuffade infligée à Pierre, n’annule pas le fait qu’ils sont les
trois premiers parmi les Douze et ont un rôle privilégié
dans les Evangiles. Ce qui revient à écarter les prétentions
de Jacques, frère du Seigneur, pas choisi pour être là !
quoi surprendre. En pleine narration,
voici que l’évangéliste nous montre
la gloire de Jésus. Elle n’était pas absente de la vie de Jésus. Et, au cœur
d’un ministère marqué par le rejet et
la souffrance, ce récit, écrit Elian
Cuvillier, est une oasis rafraîchissante sur le chemin des disciples. La venue du Règne de Dieu qu’annonce
Jésus n’est pas non plus reportée
après la résurrection, comme si elle
devait succéder à la croix. La Transfiguration précède la croix, sans vouloir l’abolir. Elle se veut comme un
éclairage pour comprendre la croix,
aller au-delà de la croix, traverser la
croix. Quant à la montagne, elle n’a
rien de géographique, elle est théologique : lieu symbolique de la Révélation et des manifestations divines !
Le terreau du texte
Pour composer ce texte, on s’est inspiré du vocabulaire de la conclusion
de l’Alliance que donne Exode 24 disent unanimement les exégètes Les
parallèles sont frappants : Avec Aaron, Nadav et Avihou (les deux fils d’Aaron) [avec 3 personnes] Moïse y monte sur la montagne, la nuée y descend pendant six jours, Là, Dieu lui parle. Le
motif de rayonnement du visage (que note Matthieu) est influencé par celui de Moïse (Ex 34,2935). Chez Marc, la description du changement affecte les vêtements de Jésus.
Le récit de la TransfiguLe retrait de Jésus (à l’é- Evolution du récit
texte
du
ration est à rapprocher
olique
Symb
cart) avec trois disciples
laisse présager le dévoilement, par leur maître, d’un
secret profond. La montagne évoque le Sinaï, la localisation au Mont Thabor, un petit mamelon non loin de
Nazareth est tardive, elle ne remonte qu’au III°, écrit
Jacques Hervieux. Marc a tout naturellement recours
aux images bibliques pour décrire la scène. Quant au
vêtement, on le sait, chez les sémites, ils désignent la
personne même. Resplendissant d’une blancheur hors
du commun des mortels, le vêtement blanc signale
l’état de la gloire divine chez les anges (Mc 16,5) ou
les élus (Ap 3,5).
Cette étonnante vision de Jésus « en Gloire » est encore accentuée par une double apparition : Elie et Moïse.
Que viennent faire là ces illustres personnages ? Moïse
est le père de la Loi reçue majestueusement au Sinaï ;
Elie a fait un pèlerinage sur cette même montagne
pour y rencontrer Dieu, il est aussi la référence des
prophètes. Or, dans la tradition juive, ces deux guides
du peuple sont tenus pour vivants dans la Gloire. Réunis ici tous les deux, personnifiant la Loi et les Prophètes, ils sont là pour signifier que la totalité des
Ecritures témoignent en faveur de Jésus.
Pierre semble vouloir prolonger ce moment ineffable
(dressons trois tentes), à moins que le rédacteur ait voulu
faire une allusion à la fête juive des « Tentes » où les
juifs faisaient des huttes de branchages pour manifester leur espérance d’y accueillir le Messie. Mais Pierre
se trompe encore sur la messianité de Jésus !
La nuée, image symbolique née des nuages d’orage
signifiant la proximité de Dieu, est une excellente
image pour dire la présence divine à la fois cachée et
révélée. Ici elle révèle le Fils bien-aimé.
Quant à la voix, elle engage les disciples à poursuivre
leur chemin, dans la foi, jusqu’à la découverte plénière
de Jésus qui ne pourra se faire qu’en écoutant sa parole. Le retour abrupt à la vie présente, montre que la
Transfiguration fut un moment de grâce fugitif.
de celui du Baptême, (la voix du Père qui parle). Il marque aussi un changement important
dans le ministère de Jésus. Matthieu et Marc
sont très proches, parfois identiques. Le texte
de Luc offre des divergences considérables.
Cela tend à montrer qu’il y avait deux traditions. Dans celle dont s’inspire Mc, la révélation est faite aux disciples : Jésus les emmène, il est transfiguré devant eux, Moïse et Elie
leur apparaissent, c’est à eux que la voix se
fait entendre, parlant de Jésus à la 3° personne. La révélation y prend la forme d’une métamorphose de Jésus évoquant un état glorieux,
puis, au moyen d’une voix, (influence du récit
du Baptême sur celui de la Transfiguration,)
notent les P. Benoît et Boismard !
Dans la tradition dont s’inspire Luc, toute l’attention se porte sur Jésus et il semble que
c’est lui qui bénéficie d’une expérience mystique sous l’effet de l’intensité de sa prière.
Moïse et Elie parlent avec lui de son exode
(de son passage en Dieu). Mais qu’elle pouvait être la tradition primitive ?
Elle ne contenait pas la mention de Moïse et
d’Elie, mais de deux hommes lumineux (au
sens d’anges) attestant un témoignage divin.
Même s’il y avait d’autres disciples avec lui,
Pierre seul y était nommé, On a fait d’une expérience mystique à laquelle certains ont assisté (donnée historique), une révélation donnée à Jésus dans le même genre qu’à son
baptême. A ce dernier, Jésus apprenait qu’il
était Messie de Dieu, lors de la Transfiguration la révélation va plus loin, elle lui annonce
son passage par la mort. Primitivement, l’annonce aux disciples de la Passion suivait la
Transfiguration alors qu’elle le précède dans
le texte actuel !
La voix qui se fait entendre est la même que celle du baptême : elle provient de la nuée, comme
celle du baptême provenait du ciel. Elle s’adresse ici aux disciples : Jésus est le « fils bien-aimé » de
Dieu. Il s’agit pour eux de l’écouter. L’exhortation rappelle Dt 18,15 : « Le Seigneur suscitera du milieu de toi, d’entre tes frères, un prophète comme moi [c’est Moïse qui parle] : Vous l’écouterez ! »
On passe du registre du « voir » à celui de l’écoute, registre de la foi. Par rapport à la scène du baptême, le « Père » s’efface par rapport au « Fils » : « En toi, je me suis complu » (Mc 1,11) et ici « vous
l’écouterez, écrit Elian Cuvillier.
Homélie pour le 2° dimanche de Carême
La première lecture est un texte qui fait écho du passage des sacrifices d’enfants à celui d’animaux, et
le justifie religieusement. Cependant, c’est sur l’Evangile que la Liturgie attire notre attention puisque
chaque année, pour le deuxième dimanche de Carême, elle nous propose d’écouter le récit de la
Transfiguration de Jésus en présence de Pierre, Jacques et Jean. D’emblai, il faut repérer un détail à
première vue anodin. Les deux récits se passent sur une montagne ! Dans la première lecture Dieu dit
à Abraham : « Va au pays de Moriah, … sur la montagne que je t’indiquerai ». Et dans l’Evangile, Marc
nous dit que « Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena … sur une haute montagne ». L’attrait des sommets a toujours été grisant malgré l’épreuve de la montée et les dangers qu’on
y rencontre. La montagne a quelque chose de fascinant : elle élève les hommes au-dessus du monde
quotidien, leur donnant l’impression qu’elle les rapproche du ciel qui est ainsi devenu le lieu du divin.
En effet, depuis que l’être humain existe, toutes cultures confondues, la Montagne est le lieu symbolique religieux de la rencontre avec Dieu. C'est sur le Sinaï (nom de la Montagne de Dieu pour les tribus
du Sud) que Moïse, au cœur même de la nuée, rencontre Dieu. C'est sur l’Horeb (nom de la Montagne
de Dieu pour les tribus du Nord) que le prophète Élie, au terme d'une fuite éperdue, fait l’expérience de
Dieu dans le murmure d’une brise légère. C’est sur une montagne (au pays de Moriah, la région de
Jérusalem) qu’Abraham est appelé à vivre une expérience étrange et terrifiante. C’est enfin sur une
haute montagne que les disciples contemplent un Jésus jusque-là inconnu !
Or, toutes ces expériences ont un point commun : C’est que Dieu y est extérieur ! Nous sommes ici au
niveau d’une foi en germe, encore enfouie dans le terreau du religieux. Puisque tous situent Dieu comme extérieur à eux-mêmes, c'est d’en-dehors d'eux-mêmes qu’il vient à eux. C’est en-dehors des disciples que Jésus va être transfiguré comme un objet offert à leur regard. Dieu s'adapte à leur niveau de
foi, celle d'un Dieu encore extérieur à eux, celle de la Samaritaine qui demandait à Jésus sur quelle
montagne il fallait aller pour adorer Dieu, foi que nous avons tous au départ. Mais il faut passer de la foi
en un Dieu « extérieur » à la foi en Celui qui est tout « intérieur ».
L’extériorité se retrouve dans l’épisode de la Transfiguration : elle explique le fait qu’il soit demandé
aux disciples visionnaires d’attendre l’après-résurrection pour passer à l’intériorité. Ici, sur une haute
montagne, la pédagogie divine va mettre en œuvre la première phase du chemin de foi des disciples,
la deuxième étant celle des apparitions, la troisième celle de l’Eucharistie. On notera déjà que lors des
apparitions du Ressuscité, il n'y aura aucune description de son aspect extérieur, de ses vêtements,
comme lors de la Transfiguration. Mais les disciples le verront, et ils le verront tant qu’ils ne seront pas
passés au Christ intérieur. C’est pourquoi ils pourront encore douter, croire voir un fantôme ! Avec les
apparitions, le chemin de la foi n’a pas encore totalement abouti. Il faudra une autre étape qu’évoque le
récit d’Emmaüs, pour qu’il disparaisse à leur vision, parce qu’ils seront alors capables de le retrouver
vivant en eux ! C’est l’étape de l’Eucharistie, où la vision symbolique du Ressuscité s’efface quand le
pain est rompu et consommé pour nous inviter à retrouver sa Présence en nous !
On comprend dès lors la place de la Transfiguration, et comment la contemplation de Jésus transfiguré
n’est qu’une étape dans la foi. Une étape qui doit être franchie pour passer d’un Dieu extérieur, finalement celui de la religion, à un Dieu tout intérieur, celui de la foi. Un Dieu qui vient secouer notre façon
de le concevoir. Car le Dieu de la foi est un « pauvre » : Il n’est pas habillé de gloire comme à la Transfiguration avec des vêtements plus que blancs ; il est un Dieu nu, si transparent et si pur qu’il en est
invisible et se manifeste simplement par une Présence. « Il » est là. (point).
Nous sommes ici, ce matin, chacun avec notre foi, une foi balbutiante, une foi en marche, une foi qui,
comme celle des disciples, est loin d'être parfaite. Nous devons dès lors considérer la Transfiguration comme un évènement pédagogique qui veut nous mettre tous sur la voie de la découverte essentielle d'un Dieu qui est la pauvreté infinie, d'un Dieu qui n'a rien, d'un Dieu qui donne tout, d'un Dieu qui
n'est qu'Amour et qui ne fait appel qu'à notre amour. Et puisque, dans cette transfiguration pédagogique éclate la vraie Vie, nous pouvons aujourd'hui resserrer avec Lui notre amitié, nous pouvons Lui
être présents, nous pouvons entrer plus avant dans ce mystère de la pauvreté divine qui nous invite à
retrouver en nous sa Présence.
Il dépend de nous de respirer cette présence en nous rappelant justement que le « Ciel » est audedans de nous, qu'Il nous y attend et que c'est dans la mesure où nous deviendrons nous-mêmes
transparents à force d'amour, que ce Ciel se révélera dans le secret de nous-mêmes. Nous découvrirons alors que la vraie Montagne est en nous et nous apprendrons que la gloire de Dieu, n'éclate pas
dans des actes de puissance, mais se révèle dans l’amour, au plus humble et au plus intime de notre
vie d’homme et de femme. Alors nous comprendrons cette magnifique phrase de Saint Irénée, deuxième évêque de Lyon mort en l’an 202, qui disait en commentant la Transfiguration : « Ce qui est la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant. »