Dossier Réussite éducative, santé et bien-être à l’école Le bien-être de l’élève au collège Marianne Lenoir Médecin de l’Éducation nationale, docteur en sciences de l’éducation, formateur d’intervenants en éducation à la sexualité c/o La revue de santé scolaire & universitaire, Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France La question du bien-être au collège est légitime, tant pour les élèves que leurs enseignants. Plusieurs éléments contribuent à sa pérennité : la relation élève/enseignant, la relation entre élèves, l’adaptation des rythmes scolaires à celui des adolescents, ainsi qu’une ouverture à la participation des collégiens et de leurs parents. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mots clés - bien-être ; collège ; facteur pédagogique ; mixité ; relation élève/enseignant ; rythme scolaire The wellbeing of the pupil at secondary school. The question of wellbeing at secondary school is an important one, both for pupils and their teachers. Several elements combine to help ensure it lasts: the pupil/teacher relationship, the relationship between pupils, the adaptation of the pace of school life to that of the teenagers, as well as encouraging the participation of the pupils and their parents. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Keywords - mix; pace of school life; pedagogical factor; pupil/teacher relationship; school; wellbeing 20 L e bien-être est une dimension qualitative très personnelle ; le définir n’est pas aisé Néanmoins, le dictionnaire le qualifie comme le « fait d’être bien, satisfait dans ses besoins, ou exempt de besoin, d’inquiétude ; sentiment agréable qui en résulte » [1]. Un psychologue américain, Abraham Maslow, a étudié les besoins concourant au bien-être et les a classés sous la forme d’une pyramide : à la base, les besoins fondamentaux, au sommet, le besoin d’accomplissement personnel. Eirick Prairat a adapté les besoins de la pyramide de Maslow au système scolaire. Il décrit le besoin de sécurité avec « l’hospitalité éducative », le besoin d’appartenance, notamment au groupe de pairs, le besoin de reconnaissance par l’enseignant et le besoin de pouvoir car, selon lui, l’élève doit pouvoir dire ce qu‘il pense, s’exprimer, communiquer [2]. Légitimité du travail sur le bien-être de l’élève au collège Une légitimité institutionnelle Note 1 Cette loi a été abrogée. Adresse e-mail : [email protected] (M. Lenoir). Depuis 1989, la loi place l’élève au centre du système scolaire [3]1, faisant de son bien-être un objet d’interrogation légitime. Par la suite, le collège de l’an 2000 nous décrit « la maison collège » [4]. En 2001, une des missions du service de promotion de la santé en faveur des élèves concerne l’amélioration du bien-être de l’élève. Dernièrement, la loi de refondation de l’école de la République [5] a © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.revssu.2014.08.003 centré une de ses préconisations sur l’amélioration du climat scolaire. Une légitimité pédagogique Sur le plan pédagogique, l’intérêt du bien-être de l’élève est également reconnu. En effet, d’après l’enquête du Program for International Student Assessment (PISA) en 2009 [6], les élèves sont plus performants en compréhension de l’écrit lorsqu’il y a un bon climat de discipline, que les relations avec les enseignants sont bonnes et que ces derniers ont un comportement positif envers les élèves. Méthodologie de l’enquête Le but de ce travail de thèse était de comparer les représentations des collégiens et des professeurs concernant le bien-être de l’élève au collège. Il semblait important d’interroger ces deux populations selon deux méthodes adaptées. Jusqu’à cette étude, les questionnaires déjà utilisés auprès d’élèves de collège étaient souvent construits par les adultes sans consultation des élèves. Dans un premier temps, des entretiens semidirectifs ont été réalisés auprès de 14 professeurs dans un collège de Saône-et-Loire (71) situé en zone d’éducation prioritaire (ZEP) [7]. Dans un deuxième temps, des focus groups ont été menés auprès d’élèves de deux collèges, l’un situé en ZEP et l’autre en zone rurale. Des indicateurs de bien-être ont été isolés et La revue de santé scolaire & universitaire ● Septembre-Octobre 2014 ● n° 29 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 05/03/2015 par romano marie claude (355320) Réussite éducative, santé et bien-être à l’école ont permis la construction d’un questionnaire sur le bien-être de l’élève au collège. Ce questionnaire a été distribué aux professeurs de Saône-et-Loire ainsi qu’à un échantillon représentatif d’élèves de collèges de ce département. À l’aide de ces indicateurs, le bien-être du collégien a pu être divisé en quatre catégories : physique, relationnelle, psychologique et pédagogique [8]. justes et l’application du règlement intérieur participent à leur vision des facteurs favorisant le bienêtre au collège. Pour eux, les parents sont importants pour le bien-être des élèves. Ils pensent en majorité que le bien-être est pris en charge au collège tandis que les élèves le pensent seulement pour la moitié d’entre eux, le quart n’ayant aucune opinion sur la question. Résultats Préconisations Les indicateurs communs aux enseignants et aux élèves La définition de la santé selon la charte d’Ottawa met en avant comme moyen de promotion de la santé « la création de milieux favorables » [9]. Afin d’atteindre cet objectif, nous pouvons faire quelques préconisations en lien avec les résultats de notre enquête : • l’élève doit devenir partie prenante dans la vie du collège, ainsi qu’ un partenaire (« besoin de pouvoir » d’Eirick Prairat) [2] ; • les relations élèves/enseignants sont importantes : les professeurs pensent qu’une formation à la psychologie de l’adolescent pourrait les aider et les relations entre pairs doivent être favorisées, notamment par la création de lieux de loisir conviviaux ; • améliorer les rythmes scolaires : calquer les emplois du temps sur les rythmes biologiques des adolescents (ne pas commencer avant 9 h [10]) ; réaliser les devoirs du soir au collège [11] ; changer la répartition des temps d’enseignement avec cours le matin et sport l’après-midi (expérimentation en cours depuis 2010 dans plusieurs collèges) [12] ; favoriser les structures conviviales dans le cadre de la charte de qualité des établissements du Bulletin officiel décrivant le collège des années 2000 ; • conserver la mixité dans les collèges ; • permettre aux parents d’intervenir réellement sur le bien-être de leur enfant au collège par leur participation au comité d’éducation à la santé et la citoyenneté (CESC) ; • interroger les élèves sur la pédagogie afin d’instaurer un aller-retour réflexif. Des points communs peuvent être trouvés entre les lignes directrices des écoles promotrices de santé et les résultats de notre étude : certains pourraient servir de cadre à l’amélioration du bien-être au collège. Des études complémentaires pourraient permettre d’expliciter certains phénomènes identifiés, tels que la dégradation du bien-être dès la fin de la sixième. La dimension relationnelle du bien-être est la plus importante, à la fois pour les professeurs et les élèves. Ce sont surtout les relations avec leurs pairs qui sont sur le devant de la scène au collège, et la mixité est considérée comme positive pour le bienêtre des élèves. L’ambiance dans la classe est considérée comme essentielle. Le jugement des autres appartient au bien-être négatif. L’état d’esprit dans lequel arrive l’élève au collège participe à la vision commune du bien-être. Au niveau matériel, les enseignants et les collégiens se rejoignent sur la nécessité d’avoir des locaux propres ainsi que des lieux de loisirs pour les intercours et le temps de pause méridien. Au niveau pédagogique, la matière qui apporte le plus de bien-être est l’éducation physique et sportive (EPS). Tout ce qui peut apporter de l’aide supplémentaire pour comprendre le cours participe au bien-être. Par ailleurs, les sorties extérieures et les activités extrascolaires sont plébiscitées par les deux populations comme pourvoyeuses de bien-être. Les indicateurs spécifiques à chaque population Les élèves voudraient plus de temps libre, ce qui favoriserait les relations avec leurs pairs : le fait de ne jamais être seul au collège leur apporte du bien-être. Les rythmes scolaires sont plus impactants sur le bien-être pour les élèves que pour les professeurs, bien que ces derniers admettent que l’emploi du temps quotidien ou annuel devrait être remanié. Les devoirs à la maison sont fortement évoqués comme chronophages et constituent un facteur négatif de bien-être. En ce qui concerne le bien-être psychologique, les élèves évoquent le mal-être moral, le manque de plaisir à venir au collège et une inquiétude pour leur avenir ; les enseignants pensent plutôt au sens que les élèves mettent dans leurs études. Les professeurs pensent que tous les facteurs pédagogiques évoqués dans le questionnaire interviennent dans le bien-être de l’élève. Les sanctions • La revue de santé scolaire & universitaire ● Septembre-Octobre 2014 ● n° 29 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 05/03/2015 par romano marie claude (355320) Dossier Références [1] http://www.larousse.fr/ encyclopedie/divers/bien%C3%AAtre/26810 [2] Prairat E. Questions de discipline à l’école et ailleurs. Toulouse: Érès; 2005. 159 p. [3] Loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation. http://www.legifrance.gouv.fr/ [4] Ministère de l’Éducation nationale. Le collège des années 2000. Texte d’orientation. Présentation des mesures. Supplément au Bulletin Officiel n° 23 du 10 juin 1999. [5] Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. http://www. legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?c idTexte=JORFTEXT000027677984 &categorieLien=id [6] OCDE. Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves. Résultats du PISA 2009 : Synthèse. www.oecd.org/pisa/46624382.pdf [7] Lenoir M. Le bienêtre de l’élève au collège : représentations de la communauté éducative [Mémoire de master]. Clermont-Ferrand; 2006. http://theses.univ-lyon2.fr/ documents/lyon2/2012/bally_m/ pdfAmont/bally_m_these.pdf [8] Lenoir M. Le bienêtre de l’élève au collège : représentations des professeurs et des élèves [Thèse]. Lyon: université Lyon 2; 2012. [9] OMS Europe – promotion de la santé. Charte d’Ottawa. 1986. http://www.euro.who.int/__data/ assets/pdf_file/0003/129675/ Ottawa_Charter_F.pdf [10] Inserm. Rythmes de l’enfant : de l’horloge biologique aux rythmes scolaires. Paris: Inserm; 2001. [11] Ministère de l’Éducation nationale – Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Des rythmes plus équilibrés pour la réussite de tous. Rapport d’orientation sur les rythmes scolaires ; 2011. http://media. education.gouv.fr/file/06_ juin/67/1/Rythmes_scolaires_ rapport-d-orientation_184671.pdf [12] Ministère de l’Éducation nationale. Les effets de l’expérimentation “cours le matin, sport l’après-midi”. Note d’information 11-31 septembre 2011. http://media.education. gouv.fr/file/2011/52/2/NI1131Les-effets-de-l-experimentationcours-le-matin-sport-l-apresmidi_203522.pdf Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. 21
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