Région Q MARDI 14 AVRIL 2015 JUSTICE Incendie chez Data Mailing : 18 mois ferme > P. 16 THE VOICE OF BLUES Q Max Blues Bird a quitté The Voice mais n’en garde aucune amertume. Le Strasbourgeois de 26 ans prépare un nouvel album et se produit jeudi à Strasbourg et samedi à Colmar. ALLERGIES Un équipement très original à Strasbourg La chambre pour ne plus tousser À nos souhaits ! Au sein du Nouvel hôpital civil de Strasbourg ouvrira dans moins d’un an un espace particulier. Il est conçu pour exposer des patients à des allergènes. Afin de tester des traitements médicaux et d’en trouver de nouveaux. I ci, le fameux sketch de « tonton, pourquoi tu tousses ? » ne fait pas tellement rire : l’idée est justement d’arriver à ce que tonton ne tousse plus. Encore faut-il pouvoir disposer d’un endroit où sciences et médecine se retrouvent, afin d’offrir des conditions expérimentales strictes et homologuées d’exposition à des substances susceptibles de provoquer des allergies. Cet espace va exister, à Strasbourg. L’idée de départ appartient au Pr Frédéric de Blay, éminent allergologue et chef de pôle aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Avec adhésion des HUS, le concept s’est peu à peu imposé : l’objectif est de disposer d’un lieu expérimental pour vérifier assez tôt dans leur développement l’efficacité de médicaments contre l’asthme, la rhinite, la conjonctivite… À proximité des urgences Dans cet endroit très surveillé, tout a été calculé en fonction d’une expérience de « 25 années de recherche et de publications scientifiques. » On dépasse de loin les premiers nébulisateurs individuels utilisés aux débuts des années 70 : des groupes entiers pourront passer par des tests de provocation allergique pour permettre des évaluations et des comparaisons entre des traitements. La contrainte principale est bien sûr la composition de l’air, qui doit être à l’abri La future installation de provocation allergique Alyatec de Strasbourg est le fruit de 25 années d’études. PHOTO DNA - LAURENT RÉA des polluants, des poussières saisonnières et doit pouvoir être nettoyée rapidement des allergènes utilisés précédemment. Panachés indésirables ! Une collaboration s’est organisée autour de ce projet original de chambre à allergènes. Les HUS ont dégagé un espace de 350m² au rez-de-chaussée du NHC de NOUVEAUX MÉDICAMENTS CHERS, MAIS EFFICACES Chef du pôle des pathologies thoraciques aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le Pr Frédéric de Blaye est un expert reconnu des allergies. Il a observé la progression de ces maladies. – Comment évoluent ces phénomènes allergiques ? – Actuellement, on estime qu’en France une personne sur trois née après 1980 est cliniquement allergique, a de l’asthme, de la rhinite, de la conjonctivite. Ce qui veut dire que la quasi-totalité des familles est concernée. – Les symptômes évoluent-ils aussi en gravité ? – Sur l’allergie alimentaire en particulier, il est répertorié davantage d’épisodes graves que par le passé. Pour les allergies respiratoires, on est actuellement dans la phase de rhume des foins, les yeux qui piquent, le nez qui coule, les poussées d’asthme, symptômes connus et dus aux pollens. – Comment explique-t-on l’augmentation de cas ? – L’urbanisation favorise l’éclosion des maladies allergiques. En Afrique, les enfants vivant dans des villes ont pratiquement autant d’asthme et d’allergie que les petits Parisiens ou Londoniens. Mais pas leurs camarades du même pays vivant à la campagne. Il peut y avoir dans les villes plusieurs facteurs intriqués : qualité de l’air intérieur, pollution extérieure, stress maternel, alimentation… – Les moyens thérapeutiques ont-ils fait des progrès ? – Beaucoup. La désensibilisation, avant sous forme de piqûres, évolue vers l’administration de comprimés qu’on met sous la langue, pour le rhume des foins, bientôt pour les acariens, pour le pollen de bouleau. Un autre axe, parmi de nombreux protocoles de recherche, repose sur une désensibilisation grâce à des « morceaux » d’allergènes, des peptides : c’est quasiment une vaccination, en cinq injections. Ce médicament coûte beaucoup moins cher et pourra être remboursé plus facilement. – Et dans l’asthme ? – Dans l’asthme sévère, on utilise des biothérapies, des anticorps en fait, pour combattre les agents responsables d’une inflammation grave dans les bronches. L’efficacité du procédé est grande, alors que nous étions complètement démunis auparavant, les traitements se limitant aux cortisones dont on connaît les effets secondaires à forte dose. – Ces traitements sont réputés coûteux, non ? – Exact, ils sont très chers. Mais on s’y retrouve en rapport Le Pr Frédéric de Blaye, aux Hôpitaux de Strasbourg. PHOTO DNA - LAURENT RÉA coût/efficacité. Dans l’asthme, 10 % des patients génèrent 50 % des dépenses. Un asthme sévère, avec hospitalisation, coûte 3500 à 4000 euros par an, soit dix fois plus qu’un asthme maîtrisé. Le prix de ces nouveaux médicaments devrait baisser mais en attendant, cela permet d’éviter des hospitalisations. – L’Alsace présente-t-elle des particularités allergiques ? – La région se distingue par des taux d’allergènes acariens dans la poussière dix fois plus élevés qu’à Berlin, par exemple. C’est étonnant. Et on ne sait pas trop pourquoi. On n’a pas de problème d’ambroisie, mais un capteur a été installé en partenariat avec l’ASPA (association de surveillance de la pollution atmosphérique en Alsace) à Mulhouse. Une autre donnée intéressante : la région est passée d’un taux de 4 % en 1976 des adolescents tabagiques qui avaient de l’asthme à 12 % en 1994. Cette augmentation a été observée ailleurs dans le monde développé. Strasbourg. Même si toutes les précautions médicales seront prises, il était nécessaire de disposer à proximité immédiate d’un service d’urgence et de réanimation : les médecins savent que d’éventuels chocs allergiques, dans la nature ou en labo, peuvent prendre des formes très spectaculaires. Le principe admis d’un tel équipement, il fallait pouvoir conduire sa réalisation. Une société, baptisée Alyatec, a été créée en 2013 pour gérer l’équipement et organiser matériellement les essais cliniques sous la tutelle des médecins et des scientifiques. Le montage et le co-pilotage du projet ont été confiés à Alsace BioValley, le pôle de compétitivité santé. Il s’est investi durant trois ans dans les tâches d’organisation, de planification, de financement de cet « outil structurant unique en France », selon Didier Frommweiler, directeur général. Les salles en atmosphère contrôlée seront payées par des investisseurs privés et publics, parmi lesquels des collectivités (Région, Eurométropole). La difficulté est autant technique, même si les procédés de filtrage et de contrôle de l’air sont maîtrisés, que réglementaires : « La qualification des instruments et des infrastructures est longue. » LE CHIFFRE 2,7 C’est, en millions d’euros, le coût de la chambre d’exposition aux allergènes en construction à Strasbourg, qui permettra de tester des médicaments sur des groupes de patients et de témoins soumis à des tests de provocation allergique. Destinée à renforcer l’attractivité médicale de la région et sa visibilité scientifique, cette chambre d’exposition aux allergènes accueillera dans quelques mois ses premiers patients, pour le compte de la recherche académique ou des protocoles établis par des laboratoires pharmaceutiques. Dans la région élargie, une vingtaine d’intervenants s’intéressent au domaine des allergies, dont de très grands noms comme Novartis et Roche. Six personnes travailleront à terme pour Alyatec, alors que les HUS se félicitent déjà d’une localisation dans un grand centre hospitalier « unique dans sa forme, au plan mondial. » DIDIER ROSE R DES ALLERGÈNES, PARTOUT ET DE MÊME TAILLE Une demi-douzaine de chambres d’exposition aux allergènes existent dans le monde. Celle de Strasbourg sera sans doute la seule à fonctionner au sein même d’un hôpital, dans le cadre d’une collaboration médicale finançant aussi la recherche fondamentale. La spécificité de cette chambre, après celles situées à Vienne, Hanovre, au Japon ou aux États-Unis sera de garantir la même concentration d’allergènes partout dans l’espace, par un procédé qui a nécessité à lui seul une année de travail avec la société Nocosium. Sera aussi garantie la taille des particules portant l’allergène, autre élément d’investigation clinique important. Enfin, les tests facturés à l’industrie pharmaceutique devront permettre à la société Alyatec, gestionnaire de la chambre, de payer un loyer aux Hôpitaux universitaires, fonds alimentant à leur tour des projets de recherche plus en amont, avec les partenaires académiques.
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