Bilan de mandat. Quand et comment en rendre compte ? (vie communale) Le bilan de mandat Quand et comment rendre compte de son mandat La possibilité de dresser un bilan de mandat est désormais admise Il fut un temps où, en matière de communication pré-électorale, tout était permis. Puis vint l'époque, dans les années 1990, où le compte-rendu de mandat, à défaut d'être interdit, était devenu suspect. L'article L 52-1 du code électoral, issu des lois du 15 janvier 1990 et du 19 janvier 1995, est muet sur le sujet. Les alinéas 1 et 2 disposent en effet que « Pendant les 6 mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. (...) A compter du 1er jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. » Le législateur a depuis estimé qu'il était allé trop loin et qu'il fallait réserver un sort particulier au « bilan de mandat », élément essentiel du programme d'un candidat sortant. Ainsi, l'article 23 de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 a complété le 2e alinéa de l'article L 52-1 par les deux phrases suivantes : «Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ». Distinguer campagne de promotion publicitaire, communication en période électorale et bilan de mandat Si la possibilité de dresser un compte-rendu de mandat est désormais admise, il ne faudrait pas croire pour autant que « tout serait à nouveau permis », le juge administratif considérant, en effet, parfois, que sous prétexte de rendre compte du mandat exercé, le ou les élus dont la réélection est contestée se sont livrés à une véritable campagne de promotion publicitaire. Une telle méconnaissance de la loi ne se traduit par l'annulation du scrutin que lorsque l'écart de voix entre vainqueur et perdant ou entre le dernier élu et le premier non élu est important (CE, 6 février 2002, él. municipales de Pont-de-Cheruy). Les exemples, dans lesquels le juge a écarté les griefs tenant à la méconnaissance de l'article L 52-1 du code électoral du fait de comptes-rendus de mandat s'apparentant à de la publicité commerciale ou à une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité, sont les plus nombreux (CE, 21 décembre 2001, él. municipales de Kingersheim; CE, 6 mars 2002, él. municipales de Bagnères-de-Luchon (1) ; CE, 6 février 2002, él. municipales de Montségur). Cette dernière décision est intéressante car elle est assez représentative de la généralité des situations. Le Conseil d'Etat a écarté le grief tiré de la méconnaissance de l'article L 52-1 par le considérant suivant : « Considérant qu'il résulte de l'instruction que le document intitulé « Un bilan » a été diffusé dans la commune de ... près d'un mois avant les opérations électorales du 11 mars 2001 ; que, eu égard à sa présentation, à son contenu, qui se limite à une énumération, en termes mesurés, des principales actions entreprises par la municipalité entre 1995 et 2001 et qui est dépourvu de toute polémique électorale, et aux conditions de sa diffusion, il ne peut être regardé comme constitutif d'une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions précitées ; que, par suite, et alors même que les dépenses afférentes à l'édition et à la diffusion de ce document ont été prises en charge par la commune, les dispositions précitées de l'article L 52-1 du code électoral n'ont pas été méconnues ». Les dépenses afférentes au bilan de mandat étant soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales, le candidat prendra soin néanmoins de ne pas les faire financer par la collectivité publique, mais sur ses fonds propres. Quand rendre compte de son mandat ? La réponse est simple et de pur bon sens : ni trop tôt, ni trop tard. - Ni trop tôt, parce que l'électeur a la mémoire courte et qu'un bilan de mandat qui paraîtrait avant les dernières semaines de 2013 risquerait d'être oublié lors des scrutins des 23 et 30 mars 2014. - Ni trop tard, car le bilan de l'équipe sortante, au cœur de la campagne et des attaques de l'équipe adverse, doit pouvoir être présenté à temps pour alimenter le débat et servir de base à la présentation des projets futurs. A mon sens, le bon moment pour publier son bilan de mandat est la période des vœux : entre le 15 décembre et le 31 janvier. Comment en rendre compte ? Sobrement et en évitant les attaques personnelles. On citera des chiffres, mais en quantité raisonnable : en donner trop, ce serait passer pour une équipe de technocrates ; n'en donner aucun donnerait l'impression d'une mauvaise gestion. Bien entendu, les chiffres ne sont intéressants à donner que lorsqu'ils sont bons et qu'ils permettent d'illustrer : - la bonne gestion : taux d'augmentation des impôts, lorsque l'augmentation est inférieure à la moyenne départementale et/ou nationale ; pression fiscale ; parts respectives de l'investissement et du fonctionnement dans le budget, l'idée étant de pouvoir démontrer qu'on maîtrise les dépenses de fonctionnement et que l'on investit dans l'avenir ; - le dynamisme économique : créations d'entreprises, d'emplois, efforts déployés pour parvenir aux résultats obtenus ; - l'augmentation de la population, celle des enfants scolarisés, le nombre de licenciés dans les clubs sportifs, etc. ; - la création de logements sociaux, de places de crèche, d'équipements sportifs et scolaires. On veillera à n'oublier aucune catégorie, et en particulier : les enfants, les sportifs, les handicapés, les personnes âgées, les personnes en difficulté (familles monoparentales, etc.) tout en étant discret sur les aides sociales qui n'ont pas toujours très bonne presse… On liera bilan et projets, la crédibilité des seconds devant être appréciée à l'aune de la qualité du premier, ce qui donne à l'équipe sortante un avantage sur les adversaires. Enfin, on se méfiera des positionnements trop politiques et on insistera, en revanche, sur l'esprit d'ouverture, les bonnes idées qui existent partout, l'absence de sectarisme. Dans les petites communes, on s'abstiendra d'afficher une couleur politique marquée. Bernard de Froment Maire de Saint-Fiel (Creuse) (1) Concernant la décision relative aux élections municipales de Bagnères-de-Luchon, celle-ci mérite d'être commentée car elle permet, à partir de plusieurs cas d'école, de comprendre ce qu'il est ou non possible de faire. Ses considérants sont les suivants : « Considérant, en premier lieu, que la plaquette présentant les Halles de Luchon, dont il n'est pas contesté qu'elle a notamment été diffusée aux habitants de B.-de-L… au début du mois de décembre 2000, constitue, eu égard à son contenu, un élément de promotion commerciale et touristique de ces halles, des commerçants qui y ont une échoppe et des entreprises qui ont contribué à leur rénovation, laquelle s'est achevée au second semestre de l'année 2000, et non une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la commune ; que, dès lors, la diffusion de cette plaquette au mois de décembre 2000 n'a pas enfreint les dispositions précitées de l'article L 52-1,… du code électoral… - en deuxième lieu, que la brochure « Luchon Buvez l'eau de nos montagnes ! », co-éditée par la commune de B-de-L et son concessionnaire,…, et imprimée au mois de juillet 2000, introduite par un mot du maire…, présente différentes informations pratiques et chiffrées sur l'eau à L. et revêt ainsi un caractère essentiellement informatif sur ce service ; que, dans ces conditions, l'envoi de cette brochure n'a pas constitué une violation des dispositions… de l'article L 52-1… - en troisième lieu, que les numéros de l'hebdomadaire « Le Petit Commingeois », qui n'est pas un journal d'information municipale, parus respectivement les 26 novembre et 3 décembre 2000, s'ils comportent des interventions d'adjoints au maire en exercice de B-deL… et vantent certaines des réalisations de l'équipe municipale, ne peuvent être regardés, en l'absence notamment de toute indication sur les conditions de diffusion de ces exemplaires, comme les éléments d'une campagne de promotion publicitaire interdite… - en dernier lieu, que ni la plaquette « Rétrospective municipale », éditée par la liste « Vie pour Luchon » et qui présente de façon favorable le bilan de l'équipe municipale sortante, ni le numéro du « Petit Commingeois » daté du 4 mars 2001, dont les articles visent à répondre à des mises en cause de l'action menée par l'équipe municipale publiées dans le journal « Info plus J-30 » et relèvent de la propagande électorale en faveur de l'équipe municipale sortante, ne constituent des procédés de publicité commerciale par voie de la presse au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L 52-1 du code électoral, seules invoquées en l'espèce ».
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