FORMATION INITIALE Réforme du Bac pro Quel bilan tirer ? Avec la rénovation de la voie professionnelle lancée en 2009, le bac pro se fait en trois ans. Si les résultats 2012 semblent en baisse, il convient d’observer les effets sur le long terme, pour cette réforme qui vise avant tout à revaloriser de la formation professionnelle. tacna - Fotolia D epuis 2009, le bac pro se fait en trois ans et non quatre après la classe de troisième. D’après une étude de l’Inspection de l’enseignement agricole en 2012, le taux de réussite au bac pro rénové serait en baisse, à 83 % contre 90 % les années précédentes. Des chiffres à manier avec précaution. Ce changement s’intègre dans le plan de rénovation de la voie professionnelle (RVP), ayant pour objectif de mettre sur un pied d’égalité la formation professionnelle et les formations générale et technologique. La RVP vise aussi à augmenter le nombre de jeunes possédant un baccalauréat professionnel (diplôme de niveau IV), tout en limitant les sorties sans qualification. Parmi les innovations : parcours en trois ans, réécritures des référentiels de diplômes, nouvelles modalités d’évaluation terminales et certificatives, introduction de dispositifs d’accompagnement des élèves. La certification BEPA est également délivrée en fin de première, par contrôle continu, ce qui permet aux élèves de ne pas se retrouver sans diplôme en cas d’échec au bac pro. La session d’examens 2012 a accueilli la première vague de candidats ayant suivi un cursus rénové, en trois ans. D’après une étude de l’Inspection de l’enseignement agricole en 2012, le taux de réussite au bac pro rénové serait en baisse, à 83 % contre 90 % les années précédentes. Des chiffres à manier avec précaution pour plusieurs raisons. La session bac pro 2012 est en effet caractérisée par l’arrivée d’un « double flux » de candidats, issus d’un parcours rénové en trois ans et d’un parcours en quatre ans, après l’obtention du BEPA non rénové. Aussi, cette session est marquée par une situation complexe, liée à une mise en œuvre progressive de la rénovation en fonction des spécialités de baccalauréat professionnel : des parcours maintenus en quatre ans dans le secteur des « services », correspondant à des effectifs importants ; à côté de parcours en trois ans, comme pour les BEP productions agricoles. Ainsi, il convient de laisser du temps à la réforme pour se mettre en place, et pouvoir juger sur le plus long terme ses effets. —— Olivier Lévêque Luc-Paul Prévost, directeur MFR Beaupréau (49) —— —— « Davantage de poursuites en BTS » Le bac pro aménagements paysagers est proposé à la MFR des Mauges à Beaupréau (49). Pour son directeur LucPaul Prévost, la réforme du bac pro offre la possibilité aux jeunes de se réorienter en fin de seconde : « Le tronc commun est plus ouvert en seconde. Les élèves peuvent encore changer d’orientation après cette première année, sur des métiers de la forêt ou de la nature par exemple. En trois ans, il n’est cependant pas possible de voir tout ce qui l’était en quatre. Depuis, la connaissance des végétaux est moins poussée, bien qu’elle soit attendue par les professionnels à l’embauche. En sortant un an plus tôt, certains jeunes n’ont pas encore leur permis voiture, ce qui est un problème pour travailler en milieu rural. La mise en place d’un oral de rattrapage pour le diplôme final peut aussi donner l’impression de repêcher des élèves qui n’auraient pas eu leur bac, et donc de faire baisser le niveau. » Désormais, plus de la moitié des diplômés bac pro aménagements paysagers poursuivent leurs études, avec un BTS ou un CS (certificat de spécialisation). « Peut-être se sentent-ils trop jeunes pour se lancer dans la vie active. Dans le marché tendu de l’emploi en aménagement paysager, une formation en alternance supplémentaire peut être un vrai plus », constate Paul-Luc Prévost. 8 Au niveau national l’an dernier, 268 élèves ont passé leur CAPA en MFR, avec 87 % de réussite. Pour le bac pro aménagements paysagers, ils étaient 556, avec un taux de réussite de 81 %. « L’Union nationale des MFR n’a constaté ni rupture significative post-BEPA, ni baisse sur les résultats après la réforme, souligne Luc-Paul Prévost. Au niveau de l’insertion, nous avons un bon taux de réussite pour les MFR : six mois après l’examen, nous sommes à 60,2 % d’insertion après un CAPA en MRF contre 45 % sur les trois familles d’enseignement. En bac pro, les MFR sont à 70,3 % d’insertion contre 62,6 %. » Depuis la réforme, plus de la moitié des diplômés bac pro aménagements paysagers à la MFR des Mauges poursuivent leurs études, avec un BTS ou un CS (certificat de spécialisation). Tribune verte · n° 2687 · 30 janvier 2014 Jean-François Sévère, directeur adjoint Lycée agricole de Pouillé (49) —— S’il reconnaît un manque de recul pour dresser un bilan complet de la réforme du bac pro, Jean-François Sévère, directeur adjoint au lycée général agricole et horticole de Pouillé (Maine-et-Loire) donne son point de vue : « Pour nos bac pro productions animales, productions horticoles et aménagements paysagers, le passage de quatre à trois ans peut donner l’impression de survoler certains contenus généraux, mais surtout professionnels. Les élèves sont désormais moins matures en dernière année, ce qui entraîne des difficultés supplémentaires pour les raisonnements en gestion et économie. Le rapport de stage est aussi allégé, sur le contenu technique et en gestion. C’est regrettable, car il permettait de travailler ces matières. Aujourd’hui, le rapport est davantage axé sur la synthèse. Le rythme est aussi plus rapide, ce qui signifie moins de temps pour approfondir certains points. Les élèves de niveau moyen peuvent alors être mis en difficulté. Mais il y a aussi des points positifs ! En se calant sur les filières générales et technologiques, la filière professionnelle est mieux valorisée. Avec un an de moins, les élèves sont moins soumis au risque de saturation : au bout de trois ans, ils peuvent chercher du travail ou continuer. D’ailleurs, davantage d’élèves choisissent de poursuivre sur un BTS ou une licence, et au-delà : plus de 80 % contre 75 % auparavant. Il y a également une valorisation du parcours CAP en deux ans puis bac pro en deux ans pour les élèves un peu justes ou ceux qui souhaitent une formation plus pratique et plus professionnelle. » À Pouillé, il est très rare que des élèves quittent la formation avec Lycée agricole de Pouillé « Certains contenus allégés » Pour Jean-François Sévère, du lycée agricole de Pouillé (49), « la réforme du bac pro permet une valorisation du parcours CAP en deux ans puis bac pro en deux ans pour les élèves un peu justes ou ceux qui souhaitent une formation plus pratique et plus professionnelle ». seulement un Bepa en fin de première. Le taux de réussite au bac pro est de 85 %, soit une petite baisse par rapport aux éditions précédentes ; « une période de transition », selon Jean-François Sévère. Jean-Marie Fouilleul, chef du pôle Offre de formation et actions éducatives DRAAF-SRFD Pays de la Loire —— « Une revalorisation de la voie professionnelle » « Bien que la réforme du bac pro ait besoin d’ajustements pour assurer la réussite d’un maximum de jeunes qui ont fait le choix de cette formation, sa mise en place est positive sur le moyen et long terme, explique JeanMarie Fouilleul, chef du pôle Offre de formations et actions éducatives, à la Draaf-Sfrd en Pays de la Loire. L’objectif est bien de revaloriser la voie professionnelle, en la calant sur le schéma de la voie générale et technologique, en trois ans. Un élève de troisième peut désormais s’orienter vers un bac pro si le domaine l’intéresse, sans se poser la question de l’insertion immédiate. Une fois diplômé, il pourra faire le choix de l’insertion professionnelle ou de la poursuite d’études. D’ailleurs, davantage de jeunes souhaitent poursuivre au-delà du bac pro, avec un BTS notamment. Le but est d’accompagner ces élèves sur cette voie, plutôt que vers l’université où ils ont moins de chance de réussir. Aujourd’hui, le bac pro agricole n’est plus simplement destiné à l’insertion professionnelle, mais bien à la poursuite d’études. D’ailleurs, il faudra veiller à ne pas fragiliser les bac techno, qui alimentaient jusquelà les BTS, et qui risquent de perdre des effectifs avec la réforme du bac pro. Peut-être faut-il, à l’instar de l’Éducation nationale, destiner davantage ces bac techno aux filières universitaires ou prépa intégrées. » Pour Jean-Marie Fouilleul, le maintien du BEPA en fin de deuxième année de bac pro est une sécurité, même —— Tribune verte · n° 2687 · 30 janvier 2014 si une grosse majorité d’élèves poursuit ses études : « Si 50 % des BEPA n’allaient pas sur un bac pro avant la réforme, ils ne sont aujourd’hui plus que 10 %. Pour les jeunes moins certains de leurs capacités à faire un bac pro en trois ans, le passage par un CAPA est intéressant. La capacité d’accueil en CAPA a d’ailleurs augmenté sur la région. » En 2015, le CAPA sera d’ailleurs réformé. L’objectif est d’adapter au maximum cette formation au contexte local, en proposant un programme adapté pour les élèves souhaitant une insertion professionnelle directe, et un autre pour ceux qui envisagent une poursuite d’études. « Au final c’est bien une diversité de parcours qu’il faut proposer aux jeunes », conclut Jean-Marie Fouilleul. 9
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