European Law Moot Court Cas 2014-2015

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Cas 2014-2015
Affaire M-680/14, AlfaDečets SA c. Omorfi City, OmorfiDečets et CalorUrbis SA
1. Verdania est un État membre de l’Union européenne, dont l’adhésion date de 2005. Sur le
plan administratif, il comprend 96 municipalités, dont Omorfi City qui compte une
population de 250.000 personnes.
2. Depuis l’élection de son charismatique et dynamique maire en 1993, Omorfi City s’est
efforcée de créer une communauté reconnue pour son excellence sociale et
environnementale.
3. La gestion des déchets constitue l’une des priorités du Conseil municipal omorfien. Dès
1995, une usine de cogénération dernier cri avait été construite. L’usine incinère tant des
déchets résidentiels qu’industriels. La chaleur produite est convertie en chauffage urbain et,
dans une moindre mesure, en électricité. Plus de 50 % des foyers et près de 25% des
installations industrielles dans la municipalité reçoivent leur chauffage urbain de l’usine de
cogénération.
4. L’usine de cogénération est détenue par une société anonyme, CalorUrbis SA (CalorUrbis),
détenue à son tour à 100 % par Omorfi City. Les statuts de la société, rédigés par le Conseil
municipal omorfien, imposent notamment qu’elle agisse toujours en conformité avec la
vision sociale et environnementale du Conseil. Dans cette optique, les statuts imposent que
trois des sept membres du conseil d’administration de CalorUrbis, incluant le président,
soient nommés par le Conseil, trois membres soient nommés par le président et le septième
membre par le personnel de la société. De surcroît, CalorUrbis est placé sous la supervision
de l’Autorité pour la Vision Omorfienne (AVO) établie par le Conseil.
5. Dans la mesure où la gestion des déchets en Verdania relève de la seule responsabilité des
municipalités, les déchets résidentiels et industriels ont toujours été collectés par Omorfi
City, dont le Service des Déchets (l’Unité Déchets) compte un grand nombre de
fonctionnaires affectés à cette tâche.
6. Chaque foyer de Omorfi City paye une redevance obligatoire “déchets” destinée à couvrir les
coûts de gestion des déchets (incluant la collecte, le transport, le traitement et
l’élimination). Tant CalorUrbis que l’Unité Déchets opèrent sans but lucratif,en vertu du
principe d’équilibre financier. Cela implique que si les revenus tirés par CalorUrbis de la
vente de chaleur urbaine et de l’électricité s’accroissent, il en résultera, du moins en
principe, une diminution de la redevance déchets payée par les foyers.
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7. Au début de l’année 2011, après plusieurs rapports fouillés de consultants et d’intenses
négociations avec le Conseil municipal, le Conseil décida, tout en maintenant la collecte des
déchets industriels dans le giron des tâches municipales, confiée à l’Unité Déchets, d’ouvrir à
la concurrence la collecte des déchets résidentiels via un appel d’offre public à concurrence.
C’est la première fois qu’une municipalité opte pour la « libéralisation » de la collecte de
déchets.
8. Le Conseil chargea CalorUrbis d’organiser l’appel d’offres public. En raison de l’importance
du projet, le conseil d’administration de CalorUrbis fut étroitement impliqué dans tous les
aspects de son élaboration, incluant la préparation de l’appel d’offres. Dans une interview
donnée à l’un des journaux locaux, le Maire fit part de la confiance qu’il avait en CalorUrbis
pour « organiser un appel d’offres qui reflète non seulement les ambitions
environnementales d’Omorfi, mais également sa vision sociale. CalorUrbis dispose de
dirigeants et d’administrateurs très capables. Et j’en sais quelque chose, j’ai sélectionné le
président personnellement. »
9. L’appel d’offres, publié sur le site internet de la municipalité et dans la presse locale le 10
janvier 2012, prévoyait que le contrat serait attribué à l’offre économiquement la plus
avantageuse, pour une période initiale de dix ans.
10. Les critères d’attribution globaux furent établis comme suit :
.
Le prix (pondération: 50 %)
.
La qualité des services fournis (pondération: 50 %)
11. L’appel d’offres fixa également certaines ‘clauses minimales’ sociales et environnementales,
requises pour y participer. L’une de ces clauses minimales imposait que le personnel de
l’entreprise retenue comprenne au moins 15% d’apprentis ou de chômeurs de long-terme
(la ‘clause sociale’). Une seconde clause imposait que la flotte de véhicules utilisés pour la
collecte des déchets comprenne au moins 25% de véhicules électriques (la ‘clause verte’).
12. S’agissant du prix, les offres devaient préciser la contribution à payer à l’entreprise retenue
par chacun des 100,000 foyers d’Omorfi City pendant les 10 années de vie du contrat,
laquelle devant être égale à la redevance de collecte perçue par Omorfi City auprès de
chaque foyer. Les redevances sont versées sur un compte bancaire spécial, affecté à
l’entreprise retenue.
13. L’Unité Déchets omorfienne fut autorisée par le Conseil municipal à participer à l’appel
d’offres. A cette fin, l’Unité Déchets adopta le nom d’OmorfiDečets, mais resta intégrée au
sein de l’administration publique omorfienne, sans personnalité juridique distincte. Au total,
cinq offres furent remises, émanant d’OmorfiDečets et de quatre autres entreprises,
chacune établie en Verdania.
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14. En juin 2012, CalorUrbis annonça l’attribution du contrat à OmorfiDečets. Dans l’avis
d’attribution envoyé aux offreurs infructueux, CalorUrbis expliqua qu’OmorfiDečets s’était
vu attribuer le score le plus élevé sur le critère du prix. La deuxième meilleure offre émanait
d’AlfaDečets SA, une société de collecte de déchets détenue par une municipalité voisine.
AlfaDečets avait reçu un score légèrement supérieur à celui d’OmorfiDečets sur le critère de
la qualité des services (le second critère d’attribution) mais avait obtenu un score nettement
inférieur à celui d’OmorfiDečets sur le prix (le premier critère).
15. Peu après, AlfaDečets déposa une plainte auprès du Conseil d’Appel des Contrats Publics de
Verdania, se plaignant d’une violation des règles européennes en matière d’appel d’offres
et en matière d’aides d’État. Ce Conseil d’Appel est chargé d’une révision de première
instance de toute décision d’une autorité publique attribuant un contrat public. Par décision
adoptée en octobre 2012, le Conseil d’Appel des Contrats Publics rejeta la plainte. A ce
stade, les voies de recours administratives Verdaniennes étaient épuisées et deux semaines
plus tard, le contrat entre le Conseil d’Omorfi et OmorfiDečets était signé.
16. AlfaDečets décida alors d’introduire un recours devant la Haute Cour d’Omorfi contre
CalorUrbis, Omorfi City et OmorfiDečets, cherchant à obtenir l’annulation du contrat signé
avec OmorfiDečets, une injonction obligeant CalorUrbis à lancer un nouvel appel d’offres, la
récupération par les autorités appropriées de toute aide perçue par OmorfiDečets, et
qu’AlfaDečets soit indemnisé des pertes subies en raison de la violation des règles relatives
aux aides d’État.
17. Au soutien de ses demandes, AlfaDečets soutient qu’OmorfiDečets s’est vu attribuer le
contrat uniquement en raison de la très importante aide d’État reçue de la municipalité.
18. En particulier, AlfaDečets souligne qu’OmorfiDečets est en mesure de se financer à des
conditions très avantageuses auprès de banques privées, dans la mesure où il bénéficie de la
même notation financière (AA+) qu’Omorfi City. AlfaDečets soutient que la propriété
publique constitue une garantie de crédit implicite et illimitée, contraire au régime d’aides
d’État applicable établi par la Commission européenne. Au minimum, une prime de garantie
devrait être payée à Omorfi City, et la garantie ne devrait pas couvrir plus de 80% des
emprunts. Les coûts de financement artificiellement bas d’OmorfiDečets lui aurait permis de
soumettre un prix très bas dans le cadre de l’appel d’offres. Chaque année, près de 20% des
emprunts d’OmorfiDečets’s (i.e. environ 40 millions d’euros sur 200 millions) sont
refinancés.
19. En outre, AlfaDečets soutient que les clauses sociales et environnementales ont
considérablement renchéri le prix de son offre, ce qui a conduit à son échec face à
OmorfiDečets. De plus, ces clauses ont empêché Omorfi City d’assurer le service de collecte
au prix le plus bas. Dans la mesure où aucun investisseur avisé en économie de marché
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n’aurait imposé de telles contraintes, une aide d’État a été accordée à OmorfiDečets, en
violation des articles 107(1) et 108(3) TFUE.
20. En réponse, les défendeurs soutiennent notamment qu’OmorfiDečets fait partie de
l’administration publique omorfienne et ne poursuit pas un but lucratif.
21. S’agissant des clauses sociales et environnementales, les défendeurs soutiennent entre
autres, que l’appel d’offres public a permis d’assurer que le prix de marché a été payé,
éliminant ainsi tout risque d’aide d’État. En tous cas, les règles relatives aux marchés publics
n’imposent pas d’acheter les services sur le marché, puisque les autorités contractantes
peuvent décider de fournir les services par eux-mêmes, en application de la règle des
prestations intégrées. En outre, les clauses sociales et environnementales sont étroitement
associées aux obligations de service public imposées à OmorfiDečets par ses propres statuts,
qui excluent également l’existence d’aides d’État.
22. Concernant l’intégration d’OmorfiDečets au sein de l’administration publique et les garanties
prétendues qui en résultent, les défendeurs soutiennent que cela ne peut pas, en soi,
constituer une aide d’État. Une telle argumentation serait, tout d’abord, contraire à l’article
345 TFUE. En toute hypothèse, la collecte des déchets a été effectuée au sein, et par la
municipalité d’Omorfi City depuis 1935, bien avant l’adhésion de Verdania à l’Union
européenne et, en réalité, avant même l’existence de celle-ci.
23. En troisième lieu, même à supposer établie l’existence d’une aide d’État, celle-ci serait
indubitablement compatible avec le marché intérieur, en application des articles 106(2) et
107(3) TFUE.
24. Enfin, les défendeurs contestent l’intérêt à agir d’AlfaDečets dans la procédure, dans la
mesure où même en cas de succès devant la Haute Cour, sa position juridique ne pourrait
nullement en être améliorée puisque les défendeurs ne pourraient en aucun cas être obligés
soit de restituer toute aide reçue, soit d’indemniser AlfaDečets.
25. Après avoir entendu les arguments préliminaires de toutes les parties, la Haute Cour décida
le 16 avril 2014 de surseoir à statuer et d’adresser les questions suivantes à la Cour
européenne de justice en application de l’article 267 TFUE.
Question 1
L’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne doit-il être interprété comme
signifiant qu’une situation comme la présente, dans laquelle un opérateur économique qui fait
partie d’une administration municipale et pouvant par conséquent obtenir un prêt avec la même
notation de crédit que l’autorité publique, constitue une aide d’État ?
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Question 2
L’article 107 TFUE doit-il être interprété comme signifiant qu’une situation comme la présente, dans
laquelle un appel d’offres public impose le respect de certaines clauses sociales et
environnementales, constitue une aide d’État ?
Question 3
En cas de réponse affirmative à la question 1 et/ou 2, une telle aide aurait-elle dû être notifiée
auprès de la Commission européenne avant son adoption, en application de l’article 108(3) TFUE?
Question 4
En cas de réponse affirmative à la question 1 et/ou 2, un tribunal national est-il compétent pour
appliquer les articles 107(2), 107(3) et/ou l’article 106(2) TFUE, aux fins d’apprécier si l’aide
identifiée peut être déclarée compatible avec le marché intérieur ?
Question 5
Dans quelles circonstances, le cas échéant, un tribunal national est-il en mesure et/ou requis
d’imposer que (i) toute aide accordée par le passé soit récupérée par l’autorité qui l’a accordée et (ii)
des dommages et intérêts soient accordés à une entreprise ayant subi une perte en raison desdites
aides ?
26. Dans son ordonnance de renvoi, la Haute Cour explique que, ayant examiné les faits, elle
considère que les clauses sociales et environnementales imposées par CalorUrbis n’ont pas
conduit à un accroissement du prix de l’offre d’OmorfiDečets. En effet, OmorfiDečets était
déjà soumis à une obligation d’employer un nombre considérable d’apprentis, en vertu de
règles administratives omorfiennes. De plus, en janvier 2010, l’Unité Déchets avait acquis
une flotte de véhicules électriques à très faibles émissions de CO2, ce qui représente un
investissement substantiel de sa part. En droit fiscal Verdanien, tout « investissement vert »
est soumis à une régime favorable de dépréciation sur une période de trois ans, par
opposition à la période normale de dépréciation de cinq ans applicables aux véhicules
commerciaux, ce qui signifie qu’un investissement vert peut bénéficier d’une déduction
fiscale pleine et entière après trois ans.
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27. L’ordonnance de renvoi fut reçue par le Greffe de la Cour, qui lui attribua le numéro d’affaire
M-680/14. En application de l’article 23 des statuts de la Cour de justice, le Greffe adressa
une notification à AlfaDečets (en qualité de demandeur) et à Omorfi City, OmorfiDečets et
CalorUrbis (en qualité de défendeur) et les invita à soumettre des observations écrites à la
Cour. Les parties sont invitées à faire parvenir leurs observations pour le vendredi 21
Novembre 2014 avant minuit.
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