Brest - Ecole du Renouvellement Urbain

brest pontanézen
LES CAHIERS
DES CONFÉRENCES
DES ACTEURS
DU RENOUVELLEMENT
URBAIN
BREST
grenoble mistral
les mureaux cité renault - île de france - les bougimonts - bècheville - vigne-blanche - les musiciens - grand-ouest
Renouvellement
et permanence
urbaine
Renouvellement et
permanence
urbaine
Plusieurs fois par an, l’Ecole du Renouvellement Urbain invite des maîtres d’ouvrage, des maîtres
d’œuvre et des experts à venir raconter l’histoire et la construction d’un projet emblématique et
échanger sur leurs choix.
g Le 8 novembre 2013, L’Ecole a réuni à Brest :
Jean-Pierre Caroff, vice-président de Brest métropole océane,
en charge de l’urbanisme et de l’habitat ;
Lionel Daniélou, urbaniste au sein de la direction de
l’Aménagement urbain à Brest Métropole Océane, responsable
du pilotage général du PRU de Pontanézen depuis 2003 ;
Guy Fauvet, architecte urbaniste du projet de rénovation
urbaine Europe-Pontanézen ;
André Pallier, directeur général adjoint de Brest métropole
habitat.
2 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
3
Lieu de prospective
Edito
En arrivant à Brest, comment ne pas se remémorer cette magnifique chanson de Jacques Pré vert ? Pour cette
9ème conférence des acteurs, il pleuvait aussi ce jour-là sur Brest, et pourtant, ruisselants, nous avons été ravis
de cheminer dans ce quartier et de pouvoir regarder tous les changements et les réalisations mises en œuvre
depuis dix ans.
Dix ans, c’est le temps qu’il aura fallu aux acteurs brestois pour mettre en œuvre ce projet de rénovation urbaine,
qui s’était donné comme objectif d’inscrire totalement et durablement le quartier dans la stratégie territoriale.
Dix ans, c’est le temps que la ville a choisi pour impliquer les habitants du quartier à son renouvellement, à
toutes les étapes du projet.
Dix ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour construire et mener de front un projet qui lie développement urbain
et développement social.
Dix ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour que les modes de faire des acteurs et des professionnels évoluent et
pour inventer de nouveaux savoir-faire.
Dix ans, c’était le temps nécessaire pour mener cette opération urbaine de grande ampleur.
Aujourd’hui, celle-ci arrive à son terme, le quartier est transformé, les ruptures urbaines avec la ville effacées.
Brest / Pontanézen
L’humilité d’une ambition
A première vue, l’opération de
g
rénovation urbaine du quartier de
Pontanézen, à Brest, n’aurait rien
de remarquable… En effet, démolir
des logements pour les reconstruire
dans toute la ville, ouvrir de nouvelles rues, faire passer le tramway,
requalifier les espaces publics, résidentialiser les immeubles, favoriser
l’arrivée de nouveaux promoteurs,
de nouveaux commerces, de nouveaux habitants… N’est-ce pas le
lot commun de nombreux projets
labellisés ANRU ?
Pontanézen en mai 2012, 7 ans après le lancement
du projet de rénovation urbaine.
Seulement voilà, Brest a mené tout cela en à peine 10 ans. Un souffle dans l’histoire d’une ville. Elle a démoli le
tiers des logements du quartier sans que cela ne provoque de remous. Le tiers ! Mieux : ce programme a remporté
l’adhésion de la population concernée. Parce qu’il s’est construit avec et pour elle.
Le quartier de l’Europe est créé, prenant place naturellement dans le développement local, avec d’autres rendezvous, d’autres projets qui, sans nul doute, se nourriront de tout ce qui a été appris lors du projet de rénovation
urbaine de Pontanézen.
Grand ensemble élevé un peu trop vite au début des années 70, constitué de 100 % de logements sociaux,
propriété d’un unique bailleur, de la taille d’un chef-lieu, 4 000 habitants… Pontanézen sort insensiblement
de l’autarcie urbaine dans laquelle l’avait enfermé l’urbanisme productiviste de ces années 70 et le cumul des
handicaps socio-économiques de ce que l’Insee nomme « le quartier le plus pauvre de Bretagne »…
Un grand merci à tous les élus, experts, professionnels brestois d’avoir pris le temps de nous faire visiter le
quartier, de nous faire partager leurs projets.
Sans tonnerre ni tempête, Pontanézen est devenu un composant du nouveau quartier de l’Europe. La recette du
succès brestois, c’est de ne pas avoir appliqué de « recette ». Et d’avoir su garder l’humilité de son ambition.
Ce sont les différents moments de cette journée, de ces échanges, que vous allez pouvoir parcourir dans ce cahier.
Bonne lecture.
Chantal Talland
Brest en quelques chiffres
Directrice de l’Ecole du Renouvellement Urbain
Population [Insee 2013] : 141 303 habitants.
Superficie : 49,51 km² (densité : 2 854 hab/km²).
Brest a perdu 8 300 habitants sur les dix dernières années. Elle reste cependant la deuxième plus grande ville
bretonne (après Rennes, 207 000 habitants, et devant Quimper, 63 000 habitants, préfecture du Finistère).
Brest est la ville centre d’une communauté urbaine qui regroupe 8 communes, et compte 207 300
habitants, soit près du quart de la population du département. Créée en 1974, la communauté
urbaine a pris le nom de Brest métropole océane (BMO) en 2005.
4 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DE LA RÉNOVATION URBAINE
5
Lieu de projet
Pontanézen, ou la naissance d’un
grand ensemble
Le grand ensemble de Pontanézen s’est construit
entre 1968 et 1972. Sur une parcelle de 40 hectares, en limite est de l’urbanisation de Brest, le
bailleur social, Brest métropole habitat (BMH),
érige 1 450 logements.
Tout semble réuni pour que Pontanézen s’affirme rapidement comme un nouveau quartier
de la ville. Bien que très uniforme, son architecture le situe en continuité du tissu urbain : une
grande partie de Brest a été reconstruite après
guerre. La place de Strasbourg, porte d’entrée
du centre-ville, est à 10 minutes à pied et la place
de la mairie à 20. Le grand ensemble jouit en
outre d’un environnement naturel d’une qualité
exceptionnelle. Entre campagne et mer.
Jusqu’à plus de 5 000 personnes s’installeront à Pontanézen. Très vite, des résidents se
regroupent en association. « En 1972, il n’y avait à
Brest-Pontanézen aucune structure de vie collective, lit-on sur
le site internet du Centre d’animation sociale de
Pontanézen, le Cap CSF (créé en 1983). Des familles
du quartier se sont groupées et ont peu à peu obtenu une normalisation de leurs conditions de vie : création d’un centre commercial, d’une poste, de plusieurs écoles, ouverture du Centre
social. » Des mouvements de locataires émergera
la figure de Jo Fourn, dont la médiathèque porte
aujourd’hui le nom.
Ces actions collectives créent des liens, une histoire, et contribuent sans doute à l’attachement
des habitants pour leur quartier. « Le succès des
actions pour l’amélioration des conditions de vie dans le quartier
[…] tient à une ambiance générale qui se caractérisait par une
vraie convivialité, écrit en novembre 1991, Mohamed
Saki, habitant membre du Tapaj (Tous à Ponta,
action, journal). Elle se concrétisait non seulement lors des
manifestations et des luttes mais aussi à l’occasion de fêtes - la
Saint-Jean par exemple - ou des rencontres quotidiennes. »
Tapaj, le journal du quartier, est né fin 1990.
Son comité de rédaction, qui est ouvert à tous les
habitants du quartier, assure toujours cinq parutions par an. Tiré à 3 000 exemplaires, distribué
à tous les habitants, il publie son n° 175 fin 2013.
q Pontanézen en 2007 : une forme urbaine complexe, un système viaire peu lisible.
Aucune voirie ne le traverse
À l’origine, le foncier de Pontanézen appartient
en intégralité à BMH, qui cède les voiries et le
stationnement à la communauté urbaine en 1974.
Pontanézen est un quartier de faible densité. Ses
1450 logements sont répartis en huit îlots. « On
a de fait une densité d’usage d’environ 50 logements / ha. Ce
qui est très faible, sachant que la densité des grands ensembles se
situe souvent autour de 100 à 150 logements / ha. », souligne un document d’évaluation de la qualité
urbaine du PRU de Pontanézen, produit par le
CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) en 2003 *. Pourtant, on s’y sent enfermé.
Sur deux de ses trois côtés, Pontanézen est cerné
d’importantes voiries. Mais aucune ne le traverse.
« Le quartier n’est pas relié à son environnement, poursuit
l’étude du CSTB. Aucune rue ne se prolonge de l’un vers
l’autre. D’autre part, les rues entrant dans le quartier forment des
dessertes tordues qui renforcent l’absence de lien entre le dedans et
le dehors. » Quand on y est entré, l’absence totale
de perspective renforce l’impression d’enfermement. Les rues, qui ne desservent que des parkings, finissent en impasse sur une barre ou une
tour. « Au-delà des dysfonctionnements classiques de ce type de
quartier monotype, la structuration urbaine du secteur participe
grandement à son isolement et à son image négative. Cette perception est partagée tant par les personnes extérieures au quartier
que pas les habitants eux-mêmes », résume le préambule
de la convention Anru.
* Evaluation de la qualité urbaine du projet de rénovation urbaine du quartier de
Pontanézen à Brest, auteurs : Michel Bonetti, Jean-Didier Laforgue, Alice Collet.
Un concentré de politiques de la ville
Pour Michel Bonetti, Jean-Didier Laforgue et
Alice Collet, auteurs de l’étude du CSTB, « à Brest
et dans d’autres villes de l’ouest de la France, les responsables
politiques locaux font généralement preuve d’une grande attention à l’égard des populations en difficulté et de la qualité de la
gestion urbaine de leur cadre de vie. Ceci tient à la tradition de
la démocratie chrétienne, héritière du christianisme social, qui
marque la vie politique et sociale de cette région. » De fait,
Pontanézen est, dès son origine, l’objet de toutes
les attentions. Il connaît plusieurs réaménagements au bénéfice de procédures inscrites sous
le label « Politique de la Ville ». HVS, DSQ,
DSU… Pontanézen a connu chacune de ces procédures (voir encadré). Il est aujourd’hui classé
en Zone urbaine sensible (Zus).
Dans les années 90, l’ensemble du patrimoine
logement est réhabilité, avec la création de halls
traversants, la restructuration des pieds d’immeuble, le réaménagement des espaces extérieurs
et la réhabilitation intérieure des logements entre
1995 et 1998. Les halls traversants seront progressivement abandonnés, pour certains dès la fin
des années 90, car ils étaient considérés comme
favorisant les regroupements.
Les dispositifs « Politique de la Ville » dont a bénéficié Pontanézen
> Habitat
vie sociale (HVS), en 1981
> Développement social des quartiers (DSQ), en 1989
> Contrat de ville - Développement social urbain (DSU), en 1994.
Ces opérations se sont déroulées dans leur phase de généralisation au plan national (et non dans leurs
phases expérimentales), dans la mesure où ni Pontanézen ni Brest n’étaient parmi les lieux les plus en
difficulté. D’autre part, Brest a expérimenté des opérations multi-sites dès le DSQ.
6 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
7
Lieu de projet
De Pontanézen au quartier de l’Europe
Début des années 2000. Les procédures HVS,
DSQ et Contrat de ville ont contribué à maintenir,
voire à améliorer le bâti et les espaces extérieurs
(plus de 100 MF d’investissement public). Le
quartier a des atouts, dont l’impression d’espace
qui s’en dégage, la proximité d’une zone en
fort développement d’activités. Pourtant, il reste
stigmatisé. Élus et techniciens de la communauté
urbaine admettent qu’il faut aller plus loin pour
résoudre les problèmes de fond.
Jean-Pierre Caroff, vice-président de la
Communauté urbaine en charge de l’urbanisme
et de l’habitat depuis 2008, était alors adjoint
au maire en charge du logement depuis 1989 :
« Nous produisions un travail important dans le domaine de
l’intervention sociale, se souvient-il. Nous avions déjà un
centre social de quartier, une médiathèque. L’Office avait fait de
gros efforts d’entretien, de mise à niveau du bâti comme des espaces
publics. Nous avions les équipements. Ce n’était pas un quartier
abandonné. Il était desservi par les transports en commun. Ce qui
n’empêchait pas des explosions. Quand un responsable national
venait sur le quartier, il le trouvait bien et n’imaginait pas qu’il ait
des problèmes. Tous les acteurs travaillaient ensemble et pourtant
on n’arrivait pas à dépasser un certain seuil. Nous étions arrivés
à un point où il fallait compléter ce type d’actions, surtout pas
substituer, pour aller plus loin. »
La naissance du quartier de l’Europe : tout un symbole
À ce stade de leur réflexion, élus et techniciens
ont une certitude : il faut raccorder le quartier à la
ville. « C’est de là qu’est venue une proposition importante,
insiste Jean-Pierre Caroff. Pontanézen était rattaché à la
mairie annexe de Lambézellec (ancienne commune avant
le regroupement de 1945). Elle était loin. Si l’on voulait
réintégrer Ponta dans la ville, il fallait créer un nouveau secteur
doté de sa mairie annexe, et dont Pontanézen serait l’une des composantes. Nous avons inscrit la nécessité de revoir l’organisation
administrative et la création d’une mairie annexe dans le dossier
de l’Oru. Cela figurait au programme de l’élection municipale
de 2001. Dès le début du mandat, Hosny Trabelsi, habitant de
Pontanézen, a été nommé maire adjoint en charge du nouveau
quartier, qui n’avait pas de mairie et pas de nom. Nous voulions
sortir de la stigmatisation de Pontanézen. Il y avait le boulevard de l’Europe à côté… On a proposé Pontanézen–Europe ou
Europe-Pontanézen. » La Ville installe une mairie provisoire dès 2002, et le nomme quartier de l’Europe
en 2003. Le renouvellement urbain passe aussi par
des actes symboliques.
L’ouverture du quartier : un parti-pris partagé
Avec le contrat de ville 2000-2006, la Communauté
urbaine de Brest a engagé un processus de renouvellement urbain. Il sera multisites. Cependant, le
pilotage du contrat de ville commande un diagnostic spécifique au quartier de Pontanézen. L’équipe
pluri-disciplinaire qui l’élabore fonde ses analyses
urbaines et sociologiques sur des expertises et des
rencontres d’habitants (13 entretiens avec des habitants du quartier, 4 avec d’anciens locataires et 3 avec
des résidents du voisinage).
Diagnostic : système viaire peu lisible et peu raccordé
au reste du quartier ; formes urbaines compliquées
et souffrant, pour certaines, d’un déficit d’image à
l’échelle de l’agglomération ; fonctionnement social
difficile, voire concentration de phénomènes délinquants sur certains bâtiments...
Les éléments du diagnostic et les hypothèses de
recomposition urbaine de l’équipe d’experts sont
mis en débat lors d’une réunion publique de pré-
sentation (avril 2003), de réunions par îlots (3 réunions en mai 2003) et de réunions thématiques
(juin 2003 sur quartier et environnement, vie
scolaire et associative, équipements communs et
services, habitat et espaces publics).
L’intérêt des participants pour les projets de transformation du quartier est réel. Ils manifestent une attente
forte quant à l’ouverture du quartier sur son environnement. La Ville récolte les fruits d’une pratique déjà
ancienne du dialogue avec les habitants. À la surprise
des techniciens, les habitants adhèrent assez vite à l’idée
de création d’axes structurants et à son corollaire : la
démolition d’un nombre important de logements. Ils
veulent savoir quels bâtiments seront détruits et comment le relogement sera pris en charge.
Les différentes interventions urbaines et sociales
depuis plus de 30 ans ont permis de tisser un lien
fort et de confiance entre les habitants et les acteurs
institutionnels.
8 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
Le projet de rénovation urbaine en détail
Pontanézen
> Construction de 54 logements par l’association Foncière
> Superficie : 31 ha
> Population : plus de 5 000 habitants à son origine,
3 822 habitants en 2006 [source : Insee].
> À l’origine du projet, 98 % de logements sociaux,
appartenant tous à BMH.
> À l’issue de l’Oru : 79 % de logements sociaux
> Construction de 144 logements par différents opérateurs privés
Le programme de rénovation urbaine comprend
(convention ANRU signée en novembre 2005) :
1) La diversification de la population du quartier et la
recherche d’une réelle mixité sociale.
> Démolition de 474 logements locatifs sociaux (10 M€)
> Réhabilitation et résidentialisation de 961 logements (6,3 M€)
> Transformation d’un immeuble de 48 logements HLM (BMH)
en copropriété à gestion sécurisée
> Construction de 509 logements locatifs sociaux (119 sur site,
390 hors site)
Logement (locatif libre) sur les 100 prévus initialement
(pré-commercialisation en cours)
2) l’ouverture, le désenclavement, la recomposition et la
réinsertion du quartier à la ville (3,6 M€).
3) Des aménagements urbains de recomposition d’îlots
démolis, la création et le traitement des espaces publics.
4) Le développement des services publics (6 M€) :
> Construction d’une nouvelle mairie de quartier
> Démolition / restructuration des écoles
> Démolition / construction d’un gymnase
> Démolition / construction d’un Espace Enfance et Associations
5) La création de surfaces commerciales (1,5 M€)
Brest métropole habitat (BMH) assure la conduite opérationnelle
du projet de transfert des activités commerciales existantes.
Brest métropole océane pilote quant à elle la création d’une
véritable centralité urbaine et commerciale place Daumier, avec
l’ouverture fin 2013 de la plus grande Biocoop de Brest.
9
Lieu d’expression
g L’Opération de rénovation urbaine de Pontanézen ne
doit rien au hasard. Elle est issue d’une longue pratique
de la politique de la Ville et d’un dialogue permanent
avec les habitants.La première a permis la mise au point
d’une gouvernance resserrée, adaptable, rapide.
Le second a permis d’imaginer et de faire accepter
l’incroyable : la démolition d’un tiers des logements.
L’objectif était triple : désenclaver le quartier et
réussir la couture urbaine, changer son image pour
attirer de nouveaux usages, de nouveaux habitants, de
nouveaux investisseurs ; enfin, engager la mixité sur un
territoire qui ne l’a jamais connue.
En dix ans, l’ensemble est en bonne voie. Grâce aussi à
la puissance d’intervention de l’Anru, l’outil à l’effet
turbo.
Permanence et
renouvellement urbain
Morceaux
choisis du
débat
2 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
Jean-Pierre Caroff
Guy Fauvet
Lionel Daniélou
André Pallier
vice-président de Brest
métropole océane en
charge de l’urbanisme et
de l’habitat depuis 2008.
architecte urbaniste de
l’Opération de rénovation
urbaine EuropePontanézen.
urbaniste au sein
de la direction de
l’Aménagement urbain à
Brest métropole océane,
responsable du pilotage
général du PRU de
Pontanézen depuis 2003.
directeur général adjoint
de Brest métropole
habitat.
Fondateur associé de
Collectif Architectes.
11
Lieu d’expression
Un projet né de l’histoire de la Politique de la Ville
Une gouvernance stable et opérationnelle
Lionel Daniélou u L’Oru Pontanézen,
opération ponctuelle, est la résultante
d’une dynamique amorcée de longue
date et qui ne doit rien au hasard. Elle
est issue d’une politique volontariste,
d’une longue pratique de la politique
de la Ville à Brest. Le territoire se l’est
appropriée avec ses ressources politiques et techniques, sachant que l’on
partait d’une copie blanche en termes de
montage opérationnel et d’organisation
des acteurs. La maîtrise d’œuvre, la mairie de quartier ont su trouver leur rôle, et
toute une mécanique s’est mise en place
tant dans la sphère technique qu’en coordination avec la sphère politique.
Lionel Daniélou u Le pilotage fort, stable
et averti est une chance. La stabilité des
équipes a aussi permis que les uns et les
autres comprennent bien les différentes
cultures professionnelles à l’œuvre sur
un projet de rénovation urbaine, et perçoivent leur complémentarité.
Jean-Pierre Caroff u Aujourd’hui, je suis
en charge de l’urbanisme et de l’habitat
à Brest métropole océane. Mais je suis
le logement social à la Ville de Brest
depuis 1989. A l’époque, j’étais adjoint
au maire délégué à la démocratie locale.
Mais le soir de la mise en place de son
équipe, Pierre Maille m’a demandé de
prendre aussi la responsabilité de l’Opac.
Conseiller délégué au logement social, en
charge de tout ce qui relevait de l’insertion
par le logement, je suis devenu conseiller
à la communauté urbaine, sur la question
du logement. Très vite, j’ai eu en charge
l’habitat, le logement social dans toutes
ses composantes, dont les interventions
sur le parc privé existant (réhabilitation,
OPAH…). Ce n’est pas neutre : la façon
dont nous sommes intervenus sur tout le
quartier pour créer des copropriétés est
liée à cette expérience de l’intervention
sur le parc privé brestois.
En 1995, les compétences d’urbanisme et
d’économie sont passées à la communauté
urbaine. La politique de la ville était encore
municipale. J’ai alors été nommé vice-président de la communauté urbaine, chargé
du logement et de l’habitat. C’est à ce titre
que j’ai piloté le montage du dossier ORU.
Notre dossier ORU concernait trois sites :
1) le quartier de Bellevue, qui est l’ancienne Zup de Brest, où nous avions
conduit une OPAH sur les copropriétés.
Nous devions encore finaliser des chantiers structurants comme la place principale (classique de l’urbanisme de dalle
avec commerces). Il s’agissait de boucler
une opération déjà très avancée ;
2) un site à moyen terme : Pontanézen et
Saint-Martin (habitat privé, OPAH, RU) ;
3) Recouvrance, qui était présenté comme
un projet à long terme.
Sur Pontanézen, le dossier ORU a mis
en évidence notre propre constat : nous
étions arrivés aux limites des actions
traditionnelles sans renouvellement
urbain. Il a également mis en perspective l’enjeu de réintégration dans la ville.
La création du quartier de l’Europe est
d’ailleurs venue de cette réflexion : comment réintégrer dans la ville un quartier
comme Pontanézen ? Il fallait une entité
de taille adaptée. C’est là l’origine de la
création du quartier Europe.
Nous n’avons pas déposé le dossier
Pontanézen dès la création de l’ANRU.
Nous étions plutôt parmi les derniers
candidats de la première vague. Car
nous voulions présenter notre projet
quand il serait finalisé avec les habitants. Il devait être le résultat de tout
le travail produit en amont. Le travail d’élaboration avait commencé avec
l’ORU multisites, à la fin des années 90.
L’ANRU n’était pas encore créée, mais
nous étions déjà dans une démarche de
rénovation urbaine.
Lionel Daniélou u L’ORU multisites
de 2001 disposait déjà d’éléments de
programmation, de chiffrage. Ceux-ci
n’étaient pas encore à la hauteur de ce
que nous allions réaliser à Pontanézen
avec l’ANRU. Un des bénéfices de
l’ANRU, c’est « l’effet turbo ». Avec
“ Comment réintégrer
dans la ville un quartier
comme Pontanézen ? Il
fallait une entité de taille
adaptée. C’est là l’origine
de la création du quartier
Europe. ”
> Jean-Pierre Caroff
les seuls moyens locaux, nous avions
700 000 euros de budget d’intervention
sur les espaces publics. Aujourd’hui,
nous avons un budget de plus de 100
millions d’euros d’investissement. Les
45 millions de financements croisés
nous ont permis d’emprunter et d’intervenir sur un temps court. Dix ans, c’est
très court à l’échelle de la ville.
L’opération Pontanézen est tout sauf un
modèle plaqué sur un territoire. À partir d’une vision, notre démarche s’est
consolidée au fil du temps, entretenue
par une culture du doute permanent.
Tout en gardant des objectifs clairs,
fixés dans un cadre conventionnel avec
l’ANRU pour partenaire.
p La mairie du quartier de l’Europe, livrée en janvier 2008
12 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
Jean-Pierre Caroff u Nous avons bâti
nos dispositifs de gouvernance progressivement.
L’Observatoire de l’habitat existe depuis
1982. Il est essentiel de disposer des
outils pour mesurer les évolutions.
L’instantané ne dit rien. Nous avons mis
en place une Commission intercommunale du logement, en 2000. Elle est devenue CIH, Commission intercommunale
de l’habitat, en 2008. Elle pilote des
commissions spécialisées dans la mise
en œuvre du droit au logement, le suivi
des gens du voyage, la production de
logement social… Depuis 2008, la commission « Production de l’offre nouvelle »
réunit l’ensemble des acteurs, dont les
promoteurs privés. C’est là qu’a été mise
au point la notion de « logement à coût
abordable ». C’est là que nous avons
élaboré le « passeport pour l’accession ».
Nous avons des outils de gouvernance
qui associent l’ensemble des parties prenantes. Nous voulions un outil qui évite
de multiplier les dispositifs. Pour que les
gens n’aient qu’un interlocuteur. La commission habitat de la CIL était en même
temps celle du contrat de ville. La commission Dalo est couplée à la CIH. Nous
optimisons le temps passé. Ce sont les
mêmes acteurs, institutions, mais aussi
les mêmes personnes, ce qui garantit la
circulation de l’information.
Lionel Daniélou u Nous nous inscrivons
dans une permanence de la politique
locale.
Les acteurs du projet sont peu nombreux
au regard du volume d’investissement.
Ils ont une large délégation de la gouvernance politique pour conduire le projet.
Les opérations HVS et DSQ étaient pilotées par la collectivité avec l’appui du bailleur social. En conservant la même façon
de voir les choses, nous sommes passés
à une démultiplication des moyens, une
opérationnalité accrue, avec des objectifs contractualisés, des orientations programmatiques beaucoup plus larges. Ce
pouvait apparaître comme « la douloureuse rencontre de la culture du béton et
de la culture de l’humain ». Il est vrai que,
pendant quelque temps, le « hard » et le
« soft » se sont cherchés, mais ils se sont
finalement rejoints et ont offert une vraie
cohérence dans la conduite des opérations. La culture commune qui s’est bâtie
autour de ce projet a laissé des traces très
positives. Elle inspire d’autres manières
de porter les projets, dans d’autres secteurs de l’agglomération.
Jean-Pierre Caroff u Les savoir-faire de
tous les acteurs ont évolué. Ceux-ci ont
pris l’habitude de travailler ensemble.
L’expérience acquise sur cette opération
sert sur d’autres quartiers.
Le PNRU est un outil qui s’est avéré précieux pour initier de nouvelles façons de
travailler entre tous les acteurs. Cela reste
un outil. Nous ne lancerons pas une autre
opération sur un quartier au seul prétexte
qu’il y a un PNRU 2. C’est la politique de
la communauté urbaine qui pilote et qui
déterminera les enjeux.
“ Les savoir-faire de tous
les acteurs ont évolué.
Ceux-ci ont pris l’habitude
de travailler ensemble.
L’expérience acquise sur
cette opération sert sur
d’autres quartiers. ”
> Jean-Pierre Caroff
p Un exemple de production neuve sur le quartier : 72 PLUS CD construits par BMH
13
Lieu d’expression
Une construction concertée
Lionel Daniélou u La concertation était
le fil rouge pendant tout le projet, de
sa phase de conception à la réalisation.
La population du quartier s’est aguerrie aux initiatives publiques. Les derniers appartements avaient été livrés en
1973. Très vite, les difficultés sont apparues et les différents dispositifs se sont
enchaînés, HVS, DSQ… La Ville de Brest,
BMO, BMH, tous les techniciens se sont
penchés sur le berceau de Pontanézen.
L’initiative publique, la relance et la sollicitation permanente de la collectivité
sont devenus le quotidien des habitants.
Jean-Pierre Caroff u Nous sommes
partis sur l’idée d’un projet sur le long
terme que nous allions élaborer avec les
habitants. Cette idée était très présente
dans le cahier des charges. C’est une des
clés du projet.
Nous avons réuni une assemblée générale du quartier au cours de laquelle
notre discours pouvait sembler irréaliste : « Nous ne nous interdisons pas
d’envisager des démolitions / reconstructions (qu’il faudrait diversifier), de
transformer certains bâtiments en copropriétés… ». Dès cette première réunion,
nous avons mis en place des ateliers, une
première phase en petits groupes. A une
nouvelle assemblée générale, les ateliers
ont rendu compte de leurs réflexions.
Nous avons acté certaines orientations.
2ème série d’ateliers et 3ème assemblée
générale : validations des orientations
avant de présenter le dossier à l’ANRU.
Nous avons déposé le dossier à l’ANRU
en 2004. Nous avions finalisé avec les
habitants le projet d’évolution du quartier. Cela explique la participation des
habitants aux étapes suivantes. Ils ont
su supporter les périodes de chantier
difficiles à vivre parce que c’était aussi
leur projet.
Guy Fauvet u Des schémas très simples,
dessinés à la main, étaient présentés lors
des ateliers. Ils rendaient compte des
enjeux et des intentions urbaines de la
façon la plus lisible possible. Comment
ouvrir vers les boulevards au sud et au
nord ? Comment créer une place et faire
en sorte qu’elle soit vivante ? Comment
développer un commerce de proximité
viable, et qui soit un lieu de contact entre
la population du quartier et ses voisins ?
Comment faire pour que la rue Cézanne,
qui dessert des immeubles, devienne un
axe structurant comme il en existe dans
le reste de la ville ?
Jean-Pierre Caroff u Dès les premières
réunions avec les habitants, la question du désenclavement a été posée.
Pontanézen illustrait bien la formule :
« On y va, mais on n’y passe pas ». Il
n’y avait aucune voirie traversante. On
entrait par le sud entre deux tours, et
le quartier était fermé par une barre au
nord. Le quartier était conçu comme
une entité autonome, isolée dans la
ville. Nous voulions que les habitants
prennent conscience de cette situation.
En lister les avantages et les inconvénients. Puis nous demander comment
nous voulions rattacher le quartier à la
ville. Cette première série d’ateliers a
duré plus de 4 mois.
Guy Fauvet u Nous ne voulions pas
imposer des vues de l’extérieur. La plupart d’entre nous ne connaissaient pas le
quartier. Comme beaucoup de Brestois,
nous le longions en empruntant les boulevards qui l’entourent, mais nous ne le
connaissions pas de l’intérieur. Nous
avons fait sa connaissance en nous y
baladant, en l’analysant, et par des ateliers de travail.
BMH et la mairie de quartier ont fait
un gros travail de sensibilisation. Pour
faire savoir qu’il allait se passer des
choses différentes de celles que le quartier avait connues auparavant (actions
significatives du DSQ). Pour expliquer
que l’intervention allait changer d’échelle
étant donné les moyens qu’apportait
l’ANRU. 100 millions d’euros allaient
être dépensés.
Premiers ateliers : nous avons dressé un
diagnostic partagé. Il ne fallait pas rester
sur l’image stigmatisée du quartier, et
révéler ses atouts : c’est un quartier très
central, à deux pas du centre-ville ; un
quartier auquel les gens sont attachés,
14 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
car une vraie ambiance y était née en
40 ans. C’est un quartier qui bénéficie de la proximité de toute une série
d’équipements. Dans le quartier même :
école, médiathèque, centre commercial…
Bien sûr, le quartier avait aussi des problèmes, mais il était important de faire
partager un diagnostic équilibré.
Ces premiers ateliers n’ont pas tout à
fait eu le succès escompté. Il est difficile
de motiver les personnes en phase de
diagnostic, quand on n’en est pas encore
à proposer des solutions, des scénarios.
Mais nous pouvions compter sur un
noyau de personnes très motivées qui
jouaient aussi un rôle de diffusion de
l’information.
Nous avons bien insisté sur le fait que
nous allions travailler ensemble à partir
de ce diagnostic partagé, sans a priori et
dans le cadre d’une discussion ouverte.
Béatrice Prieur, chargée de mission développement social urbain u J’aurais aimé réussir à proposer des approches de diagnostic
et de partage différentes de l’approche
par propositions de scénarios. Comment
poser la question du désenclavement ? En
proposant un scénario qui montre que l’on
doit casser la barre ? Ou bien en demandant aux habitants comment ils sortent
du quartier, comment ils voient la venue
d’autres personnes dans le quartier ?
“ Nous avions finalisé avec
les habitants le projet
d’évolution du quartier.
Cela explique la participation
des habitants aux étapes
suivantes. Ils ont su
supporter les périodes de
chantier difficiles à vivre
parce que c’était aussi leur
projet. ”
> Jean-Pierre Caroff
p Pendant le projet de rénovation urbaine, les habitants ont été invités à participer à l’opération « la vie plus verte au bas des tours ».
Des espaces de jardinage au pied des immeubles ont été mis à leur disposition. Cette opération a été primée par l’Union Sociale pour l’Habitat.
Je me souviens avoir animé un atelier sur la question des services et de
l’école. Ma question ne fut pas « Où
doit-on déménager l’école ? » mais
« Quelle école vos enfants fréquententils ? » Ce n’est pas du tout la même
question ! D’ailleurs, les habitants ont
plutôt répondu que leurs enfants ne
fréquentaient pas les écoles du quartier,
et que, par conséquent, l’école pouvait
être démolie.
Je pense que nous manquons encore de
méthodes pour permettre une expression
différente des habitants. Parce qu’entre
acteurs, nous avons des cultures différentes, des calendriers différents.
Anne Cuinat-Guerraz, chargée de mission tramway u Le terme de « concertation » est galvaudé. On connaît les
concertations préalables, avec force dossiers. Elles produisent parfois quelques
petites choses, parfois rien.
La démarche à Pontanézen, fondée
sur une pratique ancienne de contact,
d’échanges, je ne lui donne pas le
nom de concertation telle qu’on l’entend aujourd’hui. Il faudrait trouver
un autre terme… J’aime bien le mot
« échanges », car la démarche est allée
au-delà de l’avis : c’était de la construction concertée.
Lionel Daniélou u J’y ajouterais une
pointe de réalisme. Certes, nous nous
sommes engagés de manière volontariste dans l’échange constructif, dans
une prise de contact avec le destinataire
de l’action publique… Mais sans perdre
de vue la nécessité de tenir les délais,
de tenir le projet, et de rester crédibles
vis-à-vis de l’ANRU, avec laquelle nous
n’avions pas encore contractualisé.
Nous avions déterminé une fenêtre de
tir très réduite pour construire le projet.
C’était un postulat : dans ce délai très
court, le projet va devoir être concerté,
produire des effets et être validé avant
de passer à sa mise en œuvre. Et c’est
là qu’il y a du réalisme dans l’action : on
s’oblige à concerter, mais en définissant
clairement ce qui est négociable et ce
qui ne l’est pas. Et même avec cette
réinterrogation permanente, ces allers
retours, la trame du projet est restée
stable.
Guy Fauvet u Quand les ateliers ont
commencé à esquisser des propositions, nous avons senti un intérêt plus
important, une présence plus soutenue
de la part de la population.
C’est à ce moment-là que nous avons
proposé des solutions d’ouverture du
quartier, d’insertion du quartier dans
une trame de circulation automobile,
piétonne, et de transports en commun.
Nous voulions faire comprendre que le
quartier allait évoluer comme les autres
quartiers de la ville, et dédramatiser
cette perspective d’évolution. Une ville
est un organisme vivant où des bâtiments se transforment, se démolissent,
se reconstruisent. Des juxtapositions
d’architectures, de fonctions font ou non
le tissu d’une ville. Or ce quartier avait
très peu bougé en trente ans. Il avait
un fonctionnement un peu replié sur
lui-même, notamment de par son urbanisme (voiries en impasse, immeubles
collectifs).
Jean-Pierre Caroff u Guy Fauvet a su
accompagner, écouter, poser les bonnes
questions, proposer différentes hypothèses. Je me souviens d’une réunion
où, après son intervention, des habitants ont dit : « Guy Fauvet connaît le
quartier comme nous tous ». Le lien
entre Guy et les habitants a été fondamental. Ses propositions étaient appropriées car perçues comme issues d’une
réflexion commune. « Il nous a écoutés.
C’est notre projet. »
“ Une ville est un
organisme vivant où des
bâtiments se transforment,
se démolissent, se
reconstruisent. ”
> Guy Fauvet
15
Lieu d’expression
Faire accepter un désenclavement radical…
… et ne pas rater le tramway
Lionel Daniélou u Nous avons organisé des ateliers sur les usages. Nous
demandions aux habitants quels usages
ils avaient de différents secteurs du quartier, espaces de jeu, places, rues... Et
quels étaient leurs besoins, leurs attentes.
À partir de cela, nous avons requalifié les
espaces extérieurs. Nous avons attribué
des fonctions aux espaces, qui répondent
aux besoins des habitants.
Jean-Pierre Caroff u Nous avons commencé à travailler sur le projet de tram
en 2001. Les premiers tracés passaient à
côté de Pontanézen. Ils suivaient le cheminement logique, qui allait tout droit par
la rue de Gouesnou. Or les études de la
mission tram montraient que le bassin de
population était sur Pontanézen.
Sur la planche concours de Guy Fauvet de
2002, le projet intègre le tramway comme
un élément de contexte qui tangente le
quartier.
L’ambition d’ouvrir un axe structurant
était déjà passée chez les habitants. L’idée
de le faire déboucher vers le boulevard de
l’Europe au nord ne l’était pas encore.
Or, il fallait qu’elle soit acceptée, et non
imposée, pour envisager que le tramway
Guy Fauvet u En 2005, à la veille de
signer la convention ANRU, nous
butions collectivement sur l’affectation
des espaces extérieurs et le maillage des
cheminements doux dans la structure
stable du projet. Nous avions délibérément laissé des marges de manœuvre.
En dessinant les lignes de force et en
laissant de la souplesse pour achever
de donner du sens. Pour résister à la
tentation de plaquer un modèle sur un
territoire. Notamment sur les usages, la
mise en relation des espaces extérieurs.
Les espaces verts doivent-ils rester résidentiels ou devenir publics ?
Nous avons considéré que nous n’étions
pas compétents pour tout définir en
chambre. Les ateliers publics ont permis
de consolider certains éléments de programme. Basés sur l’expertise collective.
Sur la connaissance des usages par la
population.
Béatrice Prieur u Les habitants avaient
conscience des investissements déjà faits
par la Ville. Et ils se demandaient si l’on
allait faire un DSQ bis. Il y avait du scepticisme. Effectivement, il fallait faire comprendre que l’on changeait d’échelle, que
l’ANRU mettait en jeu des moyens sans
commune mesure. Et aussi une volonté
politique plus affichée, les opérations
ANRU ayant un retentissement national.
Le schéma d’aménagement urbain avait
été fait sans considération de qui possède
quoi, sachant que la Ville, BMO et BMH
étaient propriétaires de 100 % de l’espace,
mais que certaines emprises foncières
avaient une valeur marchande.
Lionel Daniélou u La question foncière
est une question particulière dans toute
opération lourde de rénovation urbaine.
Nous avions une totale maîtrise foncière
publique du sol, entre BMH, la Ville
et BMO. Ce qui simplifie, car les trois
s’entendent. Mais il est vrai que même
maîtrisé, le foncier n’a pas la même valeur
partout. Cependant, nous avons décidé
qu’il n’y aurait pas ou peu de flux financiers entre les différents propriétaires.
C’était aussi nous obliger à fonctionner en bonne intelligence, avec une
juste part de pragmatisme et de prise
de risque.
Le zonage, hérité du POS puis du
PLU, était devenu obsolète par rapport
au programme. Nous connaissions la
trame mais elle était évolutive. Nous
avons donc dû procéder par modifications successives par secteurs de plan
de masse. C’était un vrai patchwork
qui pouvait sembler compliqué mais
qui s’est avéré viable.
“ Nous avons attribué des
fonctions aux espaces, qui
répondent aux besoins des
habitants. ”
> Lionel Daniélou
traverse le quartier. Nous ne sommes
pas arrivés en disant « il faut que le tram
passe, donc il faut démolir un immeuble
de huit étages ». Ce choix a été fait dans
le cadre de la démarche participative.
Ce passage ouvrait aussi le quartier vers
le nord où se trouvaient de nombreux
équipements.
Les missions aménagement et tram
ont mené une réflexion commune à ce
moment stratégique, qui a abouti au tracé
actuel, avec un contournement qui traverse le quartier pour satisfaire cet enjeu
majeur.
important à Pontanézen parce qu’il fait
entrer d’autres Brestois dans le quartier.
D’autant plus que la station Pontanézen
est une charnière entre deux lignes. Ce qui
accroît son rôle.
Guy Fauvet u L’enjeu de faire passer le
tramway dans Pontanézen était majeur
pour faire définitivement entrer ce quartier dans le dispositif urbain global de
la ville. D’ailleurs, les premiers utilisateurs du tramway ont, à cette occasion,
découvert le quartier. Auparavant, ils le
contournaient pour aller vers les centres
commerciaux.
Anne Cuinat-Guerraz u Un tramway,
c’est 20 millions d’euros du km. C’est
un investissement lourd. Le tramway est
Guy Fauvet u Nous avons fait de
la simplification administrative avant
l’heure ! C’est un enjeu essentiel.
Nous nous sommes affranchis de
certaines règles pour avancer. Il fallait consolider car nous n’étions pas
certains de la pérennité des budgets
ANRU. Si nous avions dû tout respecter à la lettre, rien ne serait sorti de
terre dans des délais aussi courts (10
ans) et à l’échelle d’une telle opération
d’urbanisme.
André Pallier
u Il fallait vraiment
convaincre de la nécessité de l’évolution
de la structure urbaine, de la morphologie. Un seul architecte avait construit tout
le quartier, l’idée était aussi d’introduire
de la diversité en faisant intervenir différents architectes. De ne pas faire de la
« chirurgie », mais de favoriser le développement du quartier, son évolution, et son
rattachement au tissu urbain environnant.
Il faut se souvenir que le schéma de départ
faisait abstraction de la propriété foncière.
16 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
17
Lieu d’expression
Copropriété, relogements, mixité
Guy Fauvet u Dans les ateliers, j’étais face
à 30 personnes. Mais je savais que ces ateliers aboutiraient à une réunion avec 200
habitants où nous présenterions le schéma
issu du travail en atelier. Et ce schéma allait
bouleverser la vie de dizaines de familles !
Des immeubles allaient être déconstruits :
500 logements sur 1 500 !
Nous avions préparé cette réunion très
sérieusement. Elle comportait tout un volet
sur l’accompagnement de ces bouleversements : le relogement, les garanties données
sur la stabilité des loyers, des charges, la prise
en charge du déménagement… Les enjeux
de la concertation n’étaient pas anecdotiques. Tout au long des ateliers, nous étions
conscients de travailler sur la vie des gens.
Jean-Pierre Caroff u Proposer une opération de renouvellement urbain où toutes
les reconstructions auraient lieu sur site,
ce serait jeter de l’argent par les fenêtres !
A Pontanézen, un tiers des logements ont
été démolis. Le quart a été reconstruit sur
place, mais toutes les démolitions ont été
compensées par des reconstructions sur le
périmètre de ville. Il s’agit pour la ville de
Brest de relocaliser son offre de logements
sociaux en la répartissant sur l’ensemble
de son territoire. Ces reconstructions, parfaitement intégrées dans le tissu urbain,
ont été réalisées avant les démolitions.
Daniel Uguen, chef d’agence Brest métropole
habitat u Nous avons très tôt élaboré une
charte du relogement, cosignée par BMH,
la CLCV (l’association Consommation, logement et cadre de vie) et la Caf.
La charte prévoyait bien sûr le maintien du
loyer. C’est une règle fondamentale. Elle
assurait aussi que le relogement n’allait rien
coûter aux locataires. Nous prenions en
charge l’ensemble des frais (y compris ceux
liés aux transferts d’abonnements). Nous
proposions au moins trois logements.
Il y a eu très peu de résistance. Les difficultés ont concerné des gens qui étaient
dans un T5, dont les enfants avaient quitté
le foyer et qui n’envisageaient pas de se
retrouver dans un T3.
Nous avons dédié une personne à la question du relogement. Celle-ci est allée rencontrer tous les locataires concernés pour bien
cerner leurs souhaits. Puis elle les accompagnait dans leur installation.
Nous avons été surpris par l’attachement
très fort des gens à leur quartier. La moitié
des nouveaux logements ont été attribués
à des familles du quartier, et pas uniquement issues des immeubles démolis. Les
démolitions / reconstructions ont créé de
la mobilité dans le quartier.
Jean-Pierre Caroff u Nous avons imaginé
que l’objectif fondamental d’introduire de la
diversité serait atteint soit par les démolitions
/ reconstructions, soit par le changement
de statut de l’immeuble. Je n’ai pas voulu
entendre parler de « ventes HLM » mais de
« copropriétés dont on sécurise la gestion ».
L’expérience nous avait appris qu’il ne fallait
pas se contenter de créer des copropriétés
sans se préoccuper de leur fonctionnement
futur. Il fallait créer des copropriétés à la
bonne taille et, dès le départ, accompagner
la mise en place du conseil syndical.
Sur le patrimoine de BMH, nous ne faisons
pas de vente en dehors de ce cadre. C’est un
moyen d’introduire de la diversité complémentaire à la démolition / reconstruction.
André Pallier u Aujourd’hui, il reste 4 logements loués sur 48 mis en vente. Les acheteurs sont pour la plupart des gens du quartier. Le départ a été un peu laborieux : en 2003,
il paraissait incongru d’acheter à Pontanézen.
Pourtant, on pouvait acheter son logement à 50 000 €, après remise en état de
toutes les parties communes. Aujourd’hui,
certains logements ont déjà changé de
main. Et ils se sont très bien vendus. Nous
n’avons pas agi dans une logique financière,
mais pour la diversification du quartier.
Cette opération ayant bien marché, BMH en
a lancé deux dans d’autres quartiers.
Jean-Pierre Caroff u Le PLH 2004 avait
introduit l’obligation de réaliser 20 % de
logements sociaux dans toute opération de
plus de 20 logements. Cet impératif a totalement changé les relations entre bailleurs
publics et privés. Elles sont passées de la
concurrence au partenariat. Un partenariat
qui s’est accentué avec le PLH suivant.
Nous avons élaboré avec les promoteurs
privés la notion de « logements à coût
abordable » : toute opération de plus de
20 logements doit obligatoirement compter
50 % de logements à coût abordable, parmi
lesquels 30 ou 40 % de logements sociaux.
La règle est modulée selon les secteurs.
BMH a réalisé une opération emblématique, constituée d’un tiers de logements
sociaux BMH, un tiers en accession sociale
avec un promoteur public et le dernier tiers
avec un promoteur privé.
Pour chaque grosse opération, l’Office
va chercher les opérateurs privés pour
boucler ses projets, et la réciproque est
tout aussi vraie. Cette logique de diversification de l’offre et de mixité sociale
sur Pontanézen s’inscrit dans un PLH
global et elle a changé le rapport entre
les acteurs. Cette démarche explique la
reconstitution de l’offre à Pontanézen : un
tiers en locatif par BMH, sans compter les
logements individuels en PSLA, un tiers
par la Foncière Logement, et un tiers par
la promotion privée.
Les cahiers des conférences des
acteurs du renouvellement urbain
sont une édition de l’Ecole du
Renouvellement Urbain.
Directrice de la publication : Chantal Talland
– Conception et réalisation : Sous Tous les
Angles – Crédits photographiques et sources
iconographiques : Brest métropole océane
(p. 5, 6, 12, 13) – Brest métropole habitat
(couverture, p. 10, 15 et 17) – collectif
architectes (p. 9 et 18). Tirage : 500 ex.
Février 2014. Imprimé sur papier recyclé par
l’imprimerie Impression Directe (Roubaix).
IFMO - Bâtiment 270
45, avenue Victor Hugo
Le Parc des Portes de Paris
93 534 Aubervilliers cedex
Tél : 01 75 62 00 00
www.ecoledurenouvellementurbain.com
p La future place Daumier, avec l’installation de nouveaux commerces (Biocoop) et la relocalisation d’anciens, et, en bordure,
un projet de logements par la promotion privée.
18 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN
Déjà
parus
LES CAHIERS
DES CONFÉRENCES
DES ACTEURS
DE LA RÉNOVATION
URBAINE
LES CAHIERS
DES CONFÉRENCES
DES ACTEURS
DU RENOUVELLEMENT
URBAIN
LES
MUREAUX
BREST
Renouvellement
et permanence
urbaine
Du grand ensemble…
à la ville en commun
b