brest pontanézen LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN BREST grenoble mistral les mureaux cité renault - île de france - les bougimonts - bècheville - vigne-blanche - les musiciens - grand-ouest Renouvellement et permanence urbaine Renouvellement et permanence urbaine Plusieurs fois par an, l’Ecole du Renouvellement Urbain invite des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre et des experts à venir raconter l’histoire et la construction d’un projet emblématique et échanger sur leurs choix. g Le 8 novembre 2013, L’Ecole a réuni à Brest : Jean-Pierre Caroff, vice-président de Brest métropole océane, en charge de l’urbanisme et de l’habitat ; Lionel Daniélou, urbaniste au sein de la direction de l’Aménagement urbain à Brest Métropole Océane, responsable du pilotage général du PRU de Pontanézen depuis 2003 ; Guy Fauvet, architecte urbaniste du projet de rénovation urbaine Europe-Pontanézen ; André Pallier, directeur général adjoint de Brest métropole habitat. 2 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN 3 Lieu de prospective Edito En arrivant à Brest, comment ne pas se remémorer cette magnifique chanson de Jacques Pré vert ? Pour cette 9ème conférence des acteurs, il pleuvait aussi ce jour-là sur Brest, et pourtant, ruisselants, nous avons été ravis de cheminer dans ce quartier et de pouvoir regarder tous les changements et les réalisations mises en œuvre depuis dix ans. Dix ans, c’est le temps qu’il aura fallu aux acteurs brestois pour mettre en œuvre ce projet de rénovation urbaine, qui s’était donné comme objectif d’inscrire totalement et durablement le quartier dans la stratégie territoriale. Dix ans, c’est le temps que la ville a choisi pour impliquer les habitants du quartier à son renouvellement, à toutes les étapes du projet. Dix ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour construire et mener de front un projet qui lie développement urbain et développement social. Dix ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour que les modes de faire des acteurs et des professionnels évoluent et pour inventer de nouveaux savoir-faire. Dix ans, c’était le temps nécessaire pour mener cette opération urbaine de grande ampleur. Aujourd’hui, celle-ci arrive à son terme, le quartier est transformé, les ruptures urbaines avec la ville effacées. Brest / Pontanézen L’humilité d’une ambition A première vue, l’opération de g rénovation urbaine du quartier de Pontanézen, à Brest, n’aurait rien de remarquable… En effet, démolir des logements pour les reconstruire dans toute la ville, ouvrir de nouvelles rues, faire passer le tramway, requalifier les espaces publics, résidentialiser les immeubles, favoriser l’arrivée de nouveaux promoteurs, de nouveaux commerces, de nouveaux habitants… N’est-ce pas le lot commun de nombreux projets labellisés ANRU ? Pontanézen en mai 2012, 7 ans après le lancement du projet de rénovation urbaine. Seulement voilà, Brest a mené tout cela en à peine 10 ans. Un souffle dans l’histoire d’une ville. Elle a démoli le tiers des logements du quartier sans que cela ne provoque de remous. Le tiers ! Mieux : ce programme a remporté l’adhésion de la population concernée. Parce qu’il s’est construit avec et pour elle. Le quartier de l’Europe est créé, prenant place naturellement dans le développement local, avec d’autres rendezvous, d’autres projets qui, sans nul doute, se nourriront de tout ce qui a été appris lors du projet de rénovation urbaine de Pontanézen. Grand ensemble élevé un peu trop vite au début des années 70, constitué de 100 % de logements sociaux, propriété d’un unique bailleur, de la taille d’un chef-lieu, 4 000 habitants… Pontanézen sort insensiblement de l’autarcie urbaine dans laquelle l’avait enfermé l’urbanisme productiviste de ces années 70 et le cumul des handicaps socio-économiques de ce que l’Insee nomme « le quartier le plus pauvre de Bretagne »… Un grand merci à tous les élus, experts, professionnels brestois d’avoir pris le temps de nous faire visiter le quartier, de nous faire partager leurs projets. Sans tonnerre ni tempête, Pontanézen est devenu un composant du nouveau quartier de l’Europe. La recette du succès brestois, c’est de ne pas avoir appliqué de « recette ». Et d’avoir su garder l’humilité de son ambition. Ce sont les différents moments de cette journée, de ces échanges, que vous allez pouvoir parcourir dans ce cahier. Bonne lecture. Chantal Talland Brest en quelques chiffres Directrice de l’Ecole du Renouvellement Urbain Population [Insee 2013] : 141 303 habitants. Superficie : 49,51 km² (densité : 2 854 hab/km²). Brest a perdu 8 300 habitants sur les dix dernières années. Elle reste cependant la deuxième plus grande ville bretonne (après Rennes, 207 000 habitants, et devant Quimper, 63 000 habitants, préfecture du Finistère). Brest est la ville centre d’une communauté urbaine qui regroupe 8 communes, et compte 207 300 habitants, soit près du quart de la population du département. Créée en 1974, la communauté urbaine a pris le nom de Brest métropole océane (BMO) en 2005. 4 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DE LA RÉNOVATION URBAINE 5 Lieu de projet Pontanézen, ou la naissance d’un grand ensemble Le grand ensemble de Pontanézen s’est construit entre 1968 et 1972. Sur une parcelle de 40 hectares, en limite est de l’urbanisation de Brest, le bailleur social, Brest métropole habitat (BMH), érige 1 450 logements. Tout semble réuni pour que Pontanézen s’affirme rapidement comme un nouveau quartier de la ville. Bien que très uniforme, son architecture le situe en continuité du tissu urbain : une grande partie de Brest a été reconstruite après guerre. La place de Strasbourg, porte d’entrée du centre-ville, est à 10 minutes à pied et la place de la mairie à 20. Le grand ensemble jouit en outre d’un environnement naturel d’une qualité exceptionnelle. Entre campagne et mer. Jusqu’à plus de 5 000 personnes s’installeront à Pontanézen. Très vite, des résidents se regroupent en association. « En 1972, il n’y avait à Brest-Pontanézen aucune structure de vie collective, lit-on sur le site internet du Centre d’animation sociale de Pontanézen, le Cap CSF (créé en 1983). Des familles du quartier se sont groupées et ont peu à peu obtenu une normalisation de leurs conditions de vie : création d’un centre commercial, d’une poste, de plusieurs écoles, ouverture du Centre social. » Des mouvements de locataires émergera la figure de Jo Fourn, dont la médiathèque porte aujourd’hui le nom. Ces actions collectives créent des liens, une histoire, et contribuent sans doute à l’attachement des habitants pour leur quartier. « Le succès des actions pour l’amélioration des conditions de vie dans le quartier […] tient à une ambiance générale qui se caractérisait par une vraie convivialité, écrit en novembre 1991, Mohamed Saki, habitant membre du Tapaj (Tous à Ponta, action, journal). Elle se concrétisait non seulement lors des manifestations et des luttes mais aussi à l’occasion de fêtes - la Saint-Jean par exemple - ou des rencontres quotidiennes. » Tapaj, le journal du quartier, est né fin 1990. Son comité de rédaction, qui est ouvert à tous les habitants du quartier, assure toujours cinq parutions par an. Tiré à 3 000 exemplaires, distribué à tous les habitants, il publie son n° 175 fin 2013. q Pontanézen en 2007 : une forme urbaine complexe, un système viaire peu lisible. Aucune voirie ne le traverse À l’origine, le foncier de Pontanézen appartient en intégralité à BMH, qui cède les voiries et le stationnement à la communauté urbaine en 1974. Pontanézen est un quartier de faible densité. Ses 1450 logements sont répartis en huit îlots. « On a de fait une densité d’usage d’environ 50 logements / ha. Ce qui est très faible, sachant que la densité des grands ensembles se situe souvent autour de 100 à 150 logements / ha. », souligne un document d’évaluation de la qualité urbaine du PRU de Pontanézen, produit par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) en 2003 *. Pourtant, on s’y sent enfermé. Sur deux de ses trois côtés, Pontanézen est cerné d’importantes voiries. Mais aucune ne le traverse. « Le quartier n’est pas relié à son environnement, poursuit l’étude du CSTB. Aucune rue ne se prolonge de l’un vers l’autre. D’autre part, les rues entrant dans le quartier forment des dessertes tordues qui renforcent l’absence de lien entre le dedans et le dehors. » Quand on y est entré, l’absence totale de perspective renforce l’impression d’enfermement. Les rues, qui ne desservent que des parkings, finissent en impasse sur une barre ou une tour. « Au-delà des dysfonctionnements classiques de ce type de quartier monotype, la structuration urbaine du secteur participe grandement à son isolement et à son image négative. Cette perception est partagée tant par les personnes extérieures au quartier que pas les habitants eux-mêmes », résume le préambule de la convention Anru. * Evaluation de la qualité urbaine du projet de rénovation urbaine du quartier de Pontanézen à Brest, auteurs : Michel Bonetti, Jean-Didier Laforgue, Alice Collet. Un concentré de politiques de la ville Pour Michel Bonetti, Jean-Didier Laforgue et Alice Collet, auteurs de l’étude du CSTB, « à Brest et dans d’autres villes de l’ouest de la France, les responsables politiques locaux font généralement preuve d’une grande attention à l’égard des populations en difficulté et de la qualité de la gestion urbaine de leur cadre de vie. Ceci tient à la tradition de la démocratie chrétienne, héritière du christianisme social, qui marque la vie politique et sociale de cette région. » De fait, Pontanézen est, dès son origine, l’objet de toutes les attentions. Il connaît plusieurs réaménagements au bénéfice de procédures inscrites sous le label « Politique de la Ville ». HVS, DSQ, DSU… Pontanézen a connu chacune de ces procédures (voir encadré). Il est aujourd’hui classé en Zone urbaine sensible (Zus). Dans les années 90, l’ensemble du patrimoine logement est réhabilité, avec la création de halls traversants, la restructuration des pieds d’immeuble, le réaménagement des espaces extérieurs et la réhabilitation intérieure des logements entre 1995 et 1998. Les halls traversants seront progressivement abandonnés, pour certains dès la fin des années 90, car ils étaient considérés comme favorisant les regroupements. Les dispositifs « Politique de la Ville » dont a bénéficié Pontanézen > Habitat vie sociale (HVS), en 1981 > Développement social des quartiers (DSQ), en 1989 > Contrat de ville - Développement social urbain (DSU), en 1994. Ces opérations se sont déroulées dans leur phase de généralisation au plan national (et non dans leurs phases expérimentales), dans la mesure où ni Pontanézen ni Brest n’étaient parmi les lieux les plus en difficulté. D’autre part, Brest a expérimenté des opérations multi-sites dès le DSQ. 6 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN 7 Lieu de projet De Pontanézen au quartier de l’Europe Début des années 2000. Les procédures HVS, DSQ et Contrat de ville ont contribué à maintenir, voire à améliorer le bâti et les espaces extérieurs (plus de 100 MF d’investissement public). Le quartier a des atouts, dont l’impression d’espace qui s’en dégage, la proximité d’une zone en fort développement d’activités. Pourtant, il reste stigmatisé. Élus et techniciens de la communauté urbaine admettent qu’il faut aller plus loin pour résoudre les problèmes de fond. Jean-Pierre Caroff, vice-président de la Communauté urbaine en charge de l’urbanisme et de l’habitat depuis 2008, était alors adjoint au maire en charge du logement depuis 1989 : « Nous produisions un travail important dans le domaine de l’intervention sociale, se souvient-il. Nous avions déjà un centre social de quartier, une médiathèque. L’Office avait fait de gros efforts d’entretien, de mise à niveau du bâti comme des espaces publics. Nous avions les équipements. Ce n’était pas un quartier abandonné. Il était desservi par les transports en commun. Ce qui n’empêchait pas des explosions. Quand un responsable national venait sur le quartier, il le trouvait bien et n’imaginait pas qu’il ait des problèmes. Tous les acteurs travaillaient ensemble et pourtant on n’arrivait pas à dépasser un certain seuil. Nous étions arrivés à un point où il fallait compléter ce type d’actions, surtout pas substituer, pour aller plus loin. » La naissance du quartier de l’Europe : tout un symbole À ce stade de leur réflexion, élus et techniciens ont une certitude : il faut raccorder le quartier à la ville. « C’est de là qu’est venue une proposition importante, insiste Jean-Pierre Caroff. Pontanézen était rattaché à la mairie annexe de Lambézellec (ancienne commune avant le regroupement de 1945). Elle était loin. Si l’on voulait réintégrer Ponta dans la ville, il fallait créer un nouveau secteur doté de sa mairie annexe, et dont Pontanézen serait l’une des composantes. Nous avons inscrit la nécessité de revoir l’organisation administrative et la création d’une mairie annexe dans le dossier de l’Oru. Cela figurait au programme de l’élection municipale de 2001. Dès le début du mandat, Hosny Trabelsi, habitant de Pontanézen, a été nommé maire adjoint en charge du nouveau quartier, qui n’avait pas de mairie et pas de nom. Nous voulions sortir de la stigmatisation de Pontanézen. Il y avait le boulevard de l’Europe à côté… On a proposé Pontanézen–Europe ou Europe-Pontanézen. » La Ville installe une mairie provisoire dès 2002, et le nomme quartier de l’Europe en 2003. Le renouvellement urbain passe aussi par des actes symboliques. L’ouverture du quartier : un parti-pris partagé Avec le contrat de ville 2000-2006, la Communauté urbaine de Brest a engagé un processus de renouvellement urbain. Il sera multisites. Cependant, le pilotage du contrat de ville commande un diagnostic spécifique au quartier de Pontanézen. L’équipe pluri-disciplinaire qui l’élabore fonde ses analyses urbaines et sociologiques sur des expertises et des rencontres d’habitants (13 entretiens avec des habitants du quartier, 4 avec d’anciens locataires et 3 avec des résidents du voisinage). Diagnostic : système viaire peu lisible et peu raccordé au reste du quartier ; formes urbaines compliquées et souffrant, pour certaines, d’un déficit d’image à l’échelle de l’agglomération ; fonctionnement social difficile, voire concentration de phénomènes délinquants sur certains bâtiments... Les éléments du diagnostic et les hypothèses de recomposition urbaine de l’équipe d’experts sont mis en débat lors d’une réunion publique de pré- sentation (avril 2003), de réunions par îlots (3 réunions en mai 2003) et de réunions thématiques (juin 2003 sur quartier et environnement, vie scolaire et associative, équipements communs et services, habitat et espaces publics). L’intérêt des participants pour les projets de transformation du quartier est réel. Ils manifestent une attente forte quant à l’ouverture du quartier sur son environnement. La Ville récolte les fruits d’une pratique déjà ancienne du dialogue avec les habitants. À la surprise des techniciens, les habitants adhèrent assez vite à l’idée de création d’axes structurants et à son corollaire : la démolition d’un nombre important de logements. Ils veulent savoir quels bâtiments seront détruits et comment le relogement sera pris en charge. Les différentes interventions urbaines et sociales depuis plus de 30 ans ont permis de tisser un lien fort et de confiance entre les habitants et les acteurs institutionnels. 8 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN Le projet de rénovation urbaine en détail Pontanézen > Construction de 54 logements par l’association Foncière > Superficie : 31 ha > Population : plus de 5 000 habitants à son origine, 3 822 habitants en 2006 [source : Insee]. > À l’origine du projet, 98 % de logements sociaux, appartenant tous à BMH. > À l’issue de l’Oru : 79 % de logements sociaux > Construction de 144 logements par différents opérateurs privés Le programme de rénovation urbaine comprend (convention ANRU signée en novembre 2005) : 1) La diversification de la population du quartier et la recherche d’une réelle mixité sociale. > Démolition de 474 logements locatifs sociaux (10 M€) > Réhabilitation et résidentialisation de 961 logements (6,3 M€) > Transformation d’un immeuble de 48 logements HLM (BMH) en copropriété à gestion sécurisée > Construction de 509 logements locatifs sociaux (119 sur site, 390 hors site) Logement (locatif libre) sur les 100 prévus initialement (pré-commercialisation en cours) 2) l’ouverture, le désenclavement, la recomposition et la réinsertion du quartier à la ville (3,6 M€). 3) Des aménagements urbains de recomposition d’îlots démolis, la création et le traitement des espaces publics. 4) Le développement des services publics (6 M€) : > Construction d’une nouvelle mairie de quartier > Démolition / restructuration des écoles > Démolition / construction d’un gymnase > Démolition / construction d’un Espace Enfance et Associations 5) La création de surfaces commerciales (1,5 M€) Brest métropole habitat (BMH) assure la conduite opérationnelle du projet de transfert des activités commerciales existantes. Brest métropole océane pilote quant à elle la création d’une véritable centralité urbaine et commerciale place Daumier, avec l’ouverture fin 2013 de la plus grande Biocoop de Brest. 9 Lieu d’expression g L’Opération de rénovation urbaine de Pontanézen ne doit rien au hasard. Elle est issue d’une longue pratique de la politique de la Ville et d’un dialogue permanent avec les habitants.La première a permis la mise au point d’une gouvernance resserrée, adaptable, rapide. Le second a permis d’imaginer et de faire accepter l’incroyable : la démolition d’un tiers des logements. L’objectif était triple : désenclaver le quartier et réussir la couture urbaine, changer son image pour attirer de nouveaux usages, de nouveaux habitants, de nouveaux investisseurs ; enfin, engager la mixité sur un territoire qui ne l’a jamais connue. En dix ans, l’ensemble est en bonne voie. Grâce aussi à la puissance d’intervention de l’Anru, l’outil à l’effet turbo. Permanence et renouvellement urbain Morceaux choisis du débat 2 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN Jean-Pierre Caroff Guy Fauvet Lionel Daniélou André Pallier vice-président de Brest métropole océane en charge de l’urbanisme et de l’habitat depuis 2008. architecte urbaniste de l’Opération de rénovation urbaine EuropePontanézen. urbaniste au sein de la direction de l’Aménagement urbain à Brest métropole océane, responsable du pilotage général du PRU de Pontanézen depuis 2003. directeur général adjoint de Brest métropole habitat. Fondateur associé de Collectif Architectes. 11 Lieu d’expression Un projet né de l’histoire de la Politique de la Ville Une gouvernance stable et opérationnelle Lionel Daniélou u L’Oru Pontanézen, opération ponctuelle, est la résultante d’une dynamique amorcée de longue date et qui ne doit rien au hasard. Elle est issue d’une politique volontariste, d’une longue pratique de la politique de la Ville à Brest. Le territoire se l’est appropriée avec ses ressources politiques et techniques, sachant que l’on partait d’une copie blanche en termes de montage opérationnel et d’organisation des acteurs. La maîtrise d’œuvre, la mairie de quartier ont su trouver leur rôle, et toute une mécanique s’est mise en place tant dans la sphère technique qu’en coordination avec la sphère politique. Lionel Daniélou u Le pilotage fort, stable et averti est une chance. La stabilité des équipes a aussi permis que les uns et les autres comprennent bien les différentes cultures professionnelles à l’œuvre sur un projet de rénovation urbaine, et perçoivent leur complémentarité. Jean-Pierre Caroff u Aujourd’hui, je suis en charge de l’urbanisme et de l’habitat à Brest métropole océane. Mais je suis le logement social à la Ville de Brest depuis 1989. A l’époque, j’étais adjoint au maire délégué à la démocratie locale. Mais le soir de la mise en place de son équipe, Pierre Maille m’a demandé de prendre aussi la responsabilité de l’Opac. Conseiller délégué au logement social, en charge de tout ce qui relevait de l’insertion par le logement, je suis devenu conseiller à la communauté urbaine, sur la question du logement. Très vite, j’ai eu en charge l’habitat, le logement social dans toutes ses composantes, dont les interventions sur le parc privé existant (réhabilitation, OPAH…). Ce n’est pas neutre : la façon dont nous sommes intervenus sur tout le quartier pour créer des copropriétés est liée à cette expérience de l’intervention sur le parc privé brestois. En 1995, les compétences d’urbanisme et d’économie sont passées à la communauté urbaine. La politique de la ville était encore municipale. J’ai alors été nommé vice-président de la communauté urbaine, chargé du logement et de l’habitat. C’est à ce titre que j’ai piloté le montage du dossier ORU. Notre dossier ORU concernait trois sites : 1) le quartier de Bellevue, qui est l’ancienne Zup de Brest, où nous avions conduit une OPAH sur les copropriétés. Nous devions encore finaliser des chantiers structurants comme la place principale (classique de l’urbanisme de dalle avec commerces). Il s’agissait de boucler une opération déjà très avancée ; 2) un site à moyen terme : Pontanézen et Saint-Martin (habitat privé, OPAH, RU) ; 3) Recouvrance, qui était présenté comme un projet à long terme. Sur Pontanézen, le dossier ORU a mis en évidence notre propre constat : nous étions arrivés aux limites des actions traditionnelles sans renouvellement urbain. Il a également mis en perspective l’enjeu de réintégration dans la ville. La création du quartier de l’Europe est d’ailleurs venue de cette réflexion : comment réintégrer dans la ville un quartier comme Pontanézen ? Il fallait une entité de taille adaptée. C’est là l’origine de la création du quartier Europe. Nous n’avons pas déposé le dossier Pontanézen dès la création de l’ANRU. Nous étions plutôt parmi les derniers candidats de la première vague. Car nous voulions présenter notre projet quand il serait finalisé avec les habitants. Il devait être le résultat de tout le travail produit en amont. Le travail d’élaboration avait commencé avec l’ORU multisites, à la fin des années 90. L’ANRU n’était pas encore créée, mais nous étions déjà dans une démarche de rénovation urbaine. Lionel Daniélou u L’ORU multisites de 2001 disposait déjà d’éléments de programmation, de chiffrage. Ceux-ci n’étaient pas encore à la hauteur de ce que nous allions réaliser à Pontanézen avec l’ANRU. Un des bénéfices de l’ANRU, c’est « l’effet turbo ». Avec “ Comment réintégrer dans la ville un quartier comme Pontanézen ? Il fallait une entité de taille adaptée. C’est là l’origine de la création du quartier Europe. ” > Jean-Pierre Caroff les seuls moyens locaux, nous avions 700 000 euros de budget d’intervention sur les espaces publics. Aujourd’hui, nous avons un budget de plus de 100 millions d’euros d’investissement. Les 45 millions de financements croisés nous ont permis d’emprunter et d’intervenir sur un temps court. Dix ans, c’est très court à l’échelle de la ville. L’opération Pontanézen est tout sauf un modèle plaqué sur un territoire. À partir d’une vision, notre démarche s’est consolidée au fil du temps, entretenue par une culture du doute permanent. Tout en gardant des objectifs clairs, fixés dans un cadre conventionnel avec l’ANRU pour partenaire. p La mairie du quartier de l’Europe, livrée en janvier 2008 12 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN Jean-Pierre Caroff u Nous avons bâti nos dispositifs de gouvernance progressivement. L’Observatoire de l’habitat existe depuis 1982. Il est essentiel de disposer des outils pour mesurer les évolutions. L’instantané ne dit rien. Nous avons mis en place une Commission intercommunale du logement, en 2000. Elle est devenue CIH, Commission intercommunale de l’habitat, en 2008. Elle pilote des commissions spécialisées dans la mise en œuvre du droit au logement, le suivi des gens du voyage, la production de logement social… Depuis 2008, la commission « Production de l’offre nouvelle » réunit l’ensemble des acteurs, dont les promoteurs privés. C’est là qu’a été mise au point la notion de « logement à coût abordable ». C’est là que nous avons élaboré le « passeport pour l’accession ». Nous avons des outils de gouvernance qui associent l’ensemble des parties prenantes. Nous voulions un outil qui évite de multiplier les dispositifs. Pour que les gens n’aient qu’un interlocuteur. La commission habitat de la CIL était en même temps celle du contrat de ville. La commission Dalo est couplée à la CIH. Nous optimisons le temps passé. Ce sont les mêmes acteurs, institutions, mais aussi les mêmes personnes, ce qui garantit la circulation de l’information. Lionel Daniélou u Nous nous inscrivons dans une permanence de la politique locale. Les acteurs du projet sont peu nombreux au regard du volume d’investissement. Ils ont une large délégation de la gouvernance politique pour conduire le projet. Les opérations HVS et DSQ étaient pilotées par la collectivité avec l’appui du bailleur social. En conservant la même façon de voir les choses, nous sommes passés à une démultiplication des moyens, une opérationnalité accrue, avec des objectifs contractualisés, des orientations programmatiques beaucoup plus larges. Ce pouvait apparaître comme « la douloureuse rencontre de la culture du béton et de la culture de l’humain ». Il est vrai que, pendant quelque temps, le « hard » et le « soft » se sont cherchés, mais ils se sont finalement rejoints et ont offert une vraie cohérence dans la conduite des opérations. La culture commune qui s’est bâtie autour de ce projet a laissé des traces très positives. Elle inspire d’autres manières de porter les projets, dans d’autres secteurs de l’agglomération. Jean-Pierre Caroff u Les savoir-faire de tous les acteurs ont évolué. Ceux-ci ont pris l’habitude de travailler ensemble. L’expérience acquise sur cette opération sert sur d’autres quartiers. Le PNRU est un outil qui s’est avéré précieux pour initier de nouvelles façons de travailler entre tous les acteurs. Cela reste un outil. Nous ne lancerons pas une autre opération sur un quartier au seul prétexte qu’il y a un PNRU 2. C’est la politique de la communauté urbaine qui pilote et qui déterminera les enjeux. “ Les savoir-faire de tous les acteurs ont évolué. Ceux-ci ont pris l’habitude de travailler ensemble. L’expérience acquise sur cette opération sert sur d’autres quartiers. ” > Jean-Pierre Caroff p Un exemple de production neuve sur le quartier : 72 PLUS CD construits par BMH 13 Lieu d’expression Une construction concertée Lionel Daniélou u La concertation était le fil rouge pendant tout le projet, de sa phase de conception à la réalisation. La population du quartier s’est aguerrie aux initiatives publiques. Les derniers appartements avaient été livrés en 1973. Très vite, les difficultés sont apparues et les différents dispositifs se sont enchaînés, HVS, DSQ… La Ville de Brest, BMO, BMH, tous les techniciens se sont penchés sur le berceau de Pontanézen. L’initiative publique, la relance et la sollicitation permanente de la collectivité sont devenus le quotidien des habitants. Jean-Pierre Caroff u Nous sommes partis sur l’idée d’un projet sur le long terme que nous allions élaborer avec les habitants. Cette idée était très présente dans le cahier des charges. C’est une des clés du projet. Nous avons réuni une assemblée générale du quartier au cours de laquelle notre discours pouvait sembler irréaliste : « Nous ne nous interdisons pas d’envisager des démolitions / reconstructions (qu’il faudrait diversifier), de transformer certains bâtiments en copropriétés… ». Dès cette première réunion, nous avons mis en place des ateliers, une première phase en petits groupes. A une nouvelle assemblée générale, les ateliers ont rendu compte de leurs réflexions. Nous avons acté certaines orientations. 2ème série d’ateliers et 3ème assemblée générale : validations des orientations avant de présenter le dossier à l’ANRU. Nous avons déposé le dossier à l’ANRU en 2004. Nous avions finalisé avec les habitants le projet d’évolution du quartier. Cela explique la participation des habitants aux étapes suivantes. Ils ont su supporter les périodes de chantier difficiles à vivre parce que c’était aussi leur projet. Guy Fauvet u Des schémas très simples, dessinés à la main, étaient présentés lors des ateliers. Ils rendaient compte des enjeux et des intentions urbaines de la façon la plus lisible possible. Comment ouvrir vers les boulevards au sud et au nord ? Comment créer une place et faire en sorte qu’elle soit vivante ? Comment développer un commerce de proximité viable, et qui soit un lieu de contact entre la population du quartier et ses voisins ? Comment faire pour que la rue Cézanne, qui dessert des immeubles, devienne un axe structurant comme il en existe dans le reste de la ville ? Jean-Pierre Caroff u Dès les premières réunions avec les habitants, la question du désenclavement a été posée. Pontanézen illustrait bien la formule : « On y va, mais on n’y passe pas ». Il n’y avait aucune voirie traversante. On entrait par le sud entre deux tours, et le quartier était fermé par une barre au nord. Le quartier était conçu comme une entité autonome, isolée dans la ville. Nous voulions que les habitants prennent conscience de cette situation. En lister les avantages et les inconvénients. Puis nous demander comment nous voulions rattacher le quartier à la ville. Cette première série d’ateliers a duré plus de 4 mois. Guy Fauvet u Nous ne voulions pas imposer des vues de l’extérieur. La plupart d’entre nous ne connaissaient pas le quartier. Comme beaucoup de Brestois, nous le longions en empruntant les boulevards qui l’entourent, mais nous ne le connaissions pas de l’intérieur. Nous avons fait sa connaissance en nous y baladant, en l’analysant, et par des ateliers de travail. BMH et la mairie de quartier ont fait un gros travail de sensibilisation. Pour faire savoir qu’il allait se passer des choses différentes de celles que le quartier avait connues auparavant (actions significatives du DSQ). Pour expliquer que l’intervention allait changer d’échelle étant donné les moyens qu’apportait l’ANRU. 100 millions d’euros allaient être dépensés. Premiers ateliers : nous avons dressé un diagnostic partagé. Il ne fallait pas rester sur l’image stigmatisée du quartier, et révéler ses atouts : c’est un quartier très central, à deux pas du centre-ville ; un quartier auquel les gens sont attachés, 14 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN car une vraie ambiance y était née en 40 ans. C’est un quartier qui bénéficie de la proximité de toute une série d’équipements. Dans le quartier même : école, médiathèque, centre commercial… Bien sûr, le quartier avait aussi des problèmes, mais il était important de faire partager un diagnostic équilibré. Ces premiers ateliers n’ont pas tout à fait eu le succès escompté. Il est difficile de motiver les personnes en phase de diagnostic, quand on n’en est pas encore à proposer des solutions, des scénarios. Mais nous pouvions compter sur un noyau de personnes très motivées qui jouaient aussi un rôle de diffusion de l’information. Nous avons bien insisté sur le fait que nous allions travailler ensemble à partir de ce diagnostic partagé, sans a priori et dans le cadre d’une discussion ouverte. Béatrice Prieur, chargée de mission développement social urbain u J’aurais aimé réussir à proposer des approches de diagnostic et de partage différentes de l’approche par propositions de scénarios. Comment poser la question du désenclavement ? En proposant un scénario qui montre que l’on doit casser la barre ? Ou bien en demandant aux habitants comment ils sortent du quartier, comment ils voient la venue d’autres personnes dans le quartier ? “ Nous avions finalisé avec les habitants le projet d’évolution du quartier. Cela explique la participation des habitants aux étapes suivantes. Ils ont su supporter les périodes de chantier difficiles à vivre parce que c’était aussi leur projet. ” > Jean-Pierre Caroff p Pendant le projet de rénovation urbaine, les habitants ont été invités à participer à l’opération « la vie plus verte au bas des tours ». Des espaces de jardinage au pied des immeubles ont été mis à leur disposition. Cette opération a été primée par l’Union Sociale pour l’Habitat. Je me souviens avoir animé un atelier sur la question des services et de l’école. Ma question ne fut pas « Où doit-on déménager l’école ? » mais « Quelle école vos enfants fréquententils ? » Ce n’est pas du tout la même question ! D’ailleurs, les habitants ont plutôt répondu que leurs enfants ne fréquentaient pas les écoles du quartier, et que, par conséquent, l’école pouvait être démolie. Je pense que nous manquons encore de méthodes pour permettre une expression différente des habitants. Parce qu’entre acteurs, nous avons des cultures différentes, des calendriers différents. Anne Cuinat-Guerraz, chargée de mission tramway u Le terme de « concertation » est galvaudé. On connaît les concertations préalables, avec force dossiers. Elles produisent parfois quelques petites choses, parfois rien. La démarche à Pontanézen, fondée sur une pratique ancienne de contact, d’échanges, je ne lui donne pas le nom de concertation telle qu’on l’entend aujourd’hui. Il faudrait trouver un autre terme… J’aime bien le mot « échanges », car la démarche est allée au-delà de l’avis : c’était de la construction concertée. Lionel Daniélou u J’y ajouterais une pointe de réalisme. Certes, nous nous sommes engagés de manière volontariste dans l’échange constructif, dans une prise de contact avec le destinataire de l’action publique… Mais sans perdre de vue la nécessité de tenir les délais, de tenir le projet, et de rester crédibles vis-à-vis de l’ANRU, avec laquelle nous n’avions pas encore contractualisé. Nous avions déterminé une fenêtre de tir très réduite pour construire le projet. C’était un postulat : dans ce délai très court, le projet va devoir être concerté, produire des effets et être validé avant de passer à sa mise en œuvre. Et c’est là qu’il y a du réalisme dans l’action : on s’oblige à concerter, mais en définissant clairement ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas. Et même avec cette réinterrogation permanente, ces allers retours, la trame du projet est restée stable. Guy Fauvet u Quand les ateliers ont commencé à esquisser des propositions, nous avons senti un intérêt plus important, une présence plus soutenue de la part de la population. C’est à ce moment-là que nous avons proposé des solutions d’ouverture du quartier, d’insertion du quartier dans une trame de circulation automobile, piétonne, et de transports en commun. Nous voulions faire comprendre que le quartier allait évoluer comme les autres quartiers de la ville, et dédramatiser cette perspective d’évolution. Une ville est un organisme vivant où des bâtiments se transforment, se démolissent, se reconstruisent. Des juxtapositions d’architectures, de fonctions font ou non le tissu d’une ville. Or ce quartier avait très peu bougé en trente ans. Il avait un fonctionnement un peu replié sur lui-même, notamment de par son urbanisme (voiries en impasse, immeubles collectifs). Jean-Pierre Caroff u Guy Fauvet a su accompagner, écouter, poser les bonnes questions, proposer différentes hypothèses. Je me souviens d’une réunion où, après son intervention, des habitants ont dit : « Guy Fauvet connaît le quartier comme nous tous ». Le lien entre Guy et les habitants a été fondamental. Ses propositions étaient appropriées car perçues comme issues d’une réflexion commune. « Il nous a écoutés. C’est notre projet. » “ Une ville est un organisme vivant où des bâtiments se transforment, se démolissent, se reconstruisent. ” > Guy Fauvet 15 Lieu d’expression Faire accepter un désenclavement radical… … et ne pas rater le tramway Lionel Daniélou u Nous avons organisé des ateliers sur les usages. Nous demandions aux habitants quels usages ils avaient de différents secteurs du quartier, espaces de jeu, places, rues... Et quels étaient leurs besoins, leurs attentes. À partir de cela, nous avons requalifié les espaces extérieurs. Nous avons attribué des fonctions aux espaces, qui répondent aux besoins des habitants. Jean-Pierre Caroff u Nous avons commencé à travailler sur le projet de tram en 2001. Les premiers tracés passaient à côté de Pontanézen. Ils suivaient le cheminement logique, qui allait tout droit par la rue de Gouesnou. Or les études de la mission tram montraient que le bassin de population était sur Pontanézen. Sur la planche concours de Guy Fauvet de 2002, le projet intègre le tramway comme un élément de contexte qui tangente le quartier. L’ambition d’ouvrir un axe structurant était déjà passée chez les habitants. L’idée de le faire déboucher vers le boulevard de l’Europe au nord ne l’était pas encore. Or, il fallait qu’elle soit acceptée, et non imposée, pour envisager que le tramway Guy Fauvet u En 2005, à la veille de signer la convention ANRU, nous butions collectivement sur l’affectation des espaces extérieurs et le maillage des cheminements doux dans la structure stable du projet. Nous avions délibérément laissé des marges de manœuvre. En dessinant les lignes de force et en laissant de la souplesse pour achever de donner du sens. Pour résister à la tentation de plaquer un modèle sur un territoire. Notamment sur les usages, la mise en relation des espaces extérieurs. Les espaces verts doivent-ils rester résidentiels ou devenir publics ? Nous avons considéré que nous n’étions pas compétents pour tout définir en chambre. Les ateliers publics ont permis de consolider certains éléments de programme. Basés sur l’expertise collective. Sur la connaissance des usages par la population. Béatrice Prieur u Les habitants avaient conscience des investissements déjà faits par la Ville. Et ils se demandaient si l’on allait faire un DSQ bis. Il y avait du scepticisme. Effectivement, il fallait faire comprendre que l’on changeait d’échelle, que l’ANRU mettait en jeu des moyens sans commune mesure. Et aussi une volonté politique plus affichée, les opérations ANRU ayant un retentissement national. Le schéma d’aménagement urbain avait été fait sans considération de qui possède quoi, sachant que la Ville, BMO et BMH étaient propriétaires de 100 % de l’espace, mais que certaines emprises foncières avaient une valeur marchande. Lionel Daniélou u La question foncière est une question particulière dans toute opération lourde de rénovation urbaine. Nous avions une totale maîtrise foncière publique du sol, entre BMH, la Ville et BMO. Ce qui simplifie, car les trois s’entendent. Mais il est vrai que même maîtrisé, le foncier n’a pas la même valeur partout. Cependant, nous avons décidé qu’il n’y aurait pas ou peu de flux financiers entre les différents propriétaires. C’était aussi nous obliger à fonctionner en bonne intelligence, avec une juste part de pragmatisme et de prise de risque. Le zonage, hérité du POS puis du PLU, était devenu obsolète par rapport au programme. Nous connaissions la trame mais elle était évolutive. Nous avons donc dû procéder par modifications successives par secteurs de plan de masse. C’était un vrai patchwork qui pouvait sembler compliqué mais qui s’est avéré viable. “ Nous avons attribué des fonctions aux espaces, qui répondent aux besoins des habitants. ” > Lionel Daniélou traverse le quartier. Nous ne sommes pas arrivés en disant « il faut que le tram passe, donc il faut démolir un immeuble de huit étages ». Ce choix a été fait dans le cadre de la démarche participative. Ce passage ouvrait aussi le quartier vers le nord où se trouvaient de nombreux équipements. Les missions aménagement et tram ont mené une réflexion commune à ce moment stratégique, qui a abouti au tracé actuel, avec un contournement qui traverse le quartier pour satisfaire cet enjeu majeur. important à Pontanézen parce qu’il fait entrer d’autres Brestois dans le quartier. D’autant plus que la station Pontanézen est une charnière entre deux lignes. Ce qui accroît son rôle. Guy Fauvet u L’enjeu de faire passer le tramway dans Pontanézen était majeur pour faire définitivement entrer ce quartier dans le dispositif urbain global de la ville. D’ailleurs, les premiers utilisateurs du tramway ont, à cette occasion, découvert le quartier. Auparavant, ils le contournaient pour aller vers les centres commerciaux. Anne Cuinat-Guerraz u Un tramway, c’est 20 millions d’euros du km. C’est un investissement lourd. Le tramway est Guy Fauvet u Nous avons fait de la simplification administrative avant l’heure ! C’est un enjeu essentiel. Nous nous sommes affranchis de certaines règles pour avancer. Il fallait consolider car nous n’étions pas certains de la pérennité des budgets ANRU. Si nous avions dû tout respecter à la lettre, rien ne serait sorti de terre dans des délais aussi courts (10 ans) et à l’échelle d’une telle opération d’urbanisme. André Pallier u Il fallait vraiment convaincre de la nécessité de l’évolution de la structure urbaine, de la morphologie. Un seul architecte avait construit tout le quartier, l’idée était aussi d’introduire de la diversité en faisant intervenir différents architectes. De ne pas faire de la « chirurgie », mais de favoriser le développement du quartier, son évolution, et son rattachement au tissu urbain environnant. Il faut se souvenir que le schéma de départ faisait abstraction de la propriété foncière. 16 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN 17 Lieu d’expression Copropriété, relogements, mixité Guy Fauvet u Dans les ateliers, j’étais face à 30 personnes. Mais je savais que ces ateliers aboutiraient à une réunion avec 200 habitants où nous présenterions le schéma issu du travail en atelier. Et ce schéma allait bouleverser la vie de dizaines de familles ! Des immeubles allaient être déconstruits : 500 logements sur 1 500 ! Nous avions préparé cette réunion très sérieusement. Elle comportait tout un volet sur l’accompagnement de ces bouleversements : le relogement, les garanties données sur la stabilité des loyers, des charges, la prise en charge du déménagement… Les enjeux de la concertation n’étaient pas anecdotiques. Tout au long des ateliers, nous étions conscients de travailler sur la vie des gens. Jean-Pierre Caroff u Proposer une opération de renouvellement urbain où toutes les reconstructions auraient lieu sur site, ce serait jeter de l’argent par les fenêtres ! A Pontanézen, un tiers des logements ont été démolis. Le quart a été reconstruit sur place, mais toutes les démolitions ont été compensées par des reconstructions sur le périmètre de ville. Il s’agit pour la ville de Brest de relocaliser son offre de logements sociaux en la répartissant sur l’ensemble de son territoire. Ces reconstructions, parfaitement intégrées dans le tissu urbain, ont été réalisées avant les démolitions. Daniel Uguen, chef d’agence Brest métropole habitat u Nous avons très tôt élaboré une charte du relogement, cosignée par BMH, la CLCV (l’association Consommation, logement et cadre de vie) et la Caf. La charte prévoyait bien sûr le maintien du loyer. C’est une règle fondamentale. Elle assurait aussi que le relogement n’allait rien coûter aux locataires. Nous prenions en charge l’ensemble des frais (y compris ceux liés aux transferts d’abonnements). Nous proposions au moins trois logements. Il y a eu très peu de résistance. Les difficultés ont concerné des gens qui étaient dans un T5, dont les enfants avaient quitté le foyer et qui n’envisageaient pas de se retrouver dans un T3. Nous avons dédié une personne à la question du relogement. Celle-ci est allée rencontrer tous les locataires concernés pour bien cerner leurs souhaits. Puis elle les accompagnait dans leur installation. Nous avons été surpris par l’attachement très fort des gens à leur quartier. La moitié des nouveaux logements ont été attribués à des familles du quartier, et pas uniquement issues des immeubles démolis. Les démolitions / reconstructions ont créé de la mobilité dans le quartier. Jean-Pierre Caroff u Nous avons imaginé que l’objectif fondamental d’introduire de la diversité serait atteint soit par les démolitions / reconstructions, soit par le changement de statut de l’immeuble. Je n’ai pas voulu entendre parler de « ventes HLM » mais de « copropriétés dont on sécurise la gestion ». L’expérience nous avait appris qu’il ne fallait pas se contenter de créer des copropriétés sans se préoccuper de leur fonctionnement futur. Il fallait créer des copropriétés à la bonne taille et, dès le départ, accompagner la mise en place du conseil syndical. Sur le patrimoine de BMH, nous ne faisons pas de vente en dehors de ce cadre. C’est un moyen d’introduire de la diversité complémentaire à la démolition / reconstruction. André Pallier u Aujourd’hui, il reste 4 logements loués sur 48 mis en vente. Les acheteurs sont pour la plupart des gens du quartier. Le départ a été un peu laborieux : en 2003, il paraissait incongru d’acheter à Pontanézen. Pourtant, on pouvait acheter son logement à 50 000 €, après remise en état de toutes les parties communes. Aujourd’hui, certains logements ont déjà changé de main. Et ils se sont très bien vendus. Nous n’avons pas agi dans une logique financière, mais pour la diversification du quartier. Cette opération ayant bien marché, BMH en a lancé deux dans d’autres quartiers. Jean-Pierre Caroff u Le PLH 2004 avait introduit l’obligation de réaliser 20 % de logements sociaux dans toute opération de plus de 20 logements. Cet impératif a totalement changé les relations entre bailleurs publics et privés. Elles sont passées de la concurrence au partenariat. Un partenariat qui s’est accentué avec le PLH suivant. Nous avons élaboré avec les promoteurs privés la notion de « logements à coût abordable » : toute opération de plus de 20 logements doit obligatoirement compter 50 % de logements à coût abordable, parmi lesquels 30 ou 40 % de logements sociaux. La règle est modulée selon les secteurs. BMH a réalisé une opération emblématique, constituée d’un tiers de logements sociaux BMH, un tiers en accession sociale avec un promoteur public et le dernier tiers avec un promoteur privé. Pour chaque grosse opération, l’Office va chercher les opérateurs privés pour boucler ses projets, et la réciproque est tout aussi vraie. Cette logique de diversification de l’offre et de mixité sociale sur Pontanézen s’inscrit dans un PLH global et elle a changé le rapport entre les acteurs. Cette démarche explique la reconstitution de l’offre à Pontanézen : un tiers en locatif par BMH, sans compter les logements individuels en PSLA, un tiers par la Foncière Logement, et un tiers par la promotion privée. Les cahiers des conférences des acteurs du renouvellement urbain sont une édition de l’Ecole du Renouvellement Urbain. Directrice de la publication : Chantal Talland – Conception et réalisation : Sous Tous les Angles – Crédits photographiques et sources iconographiques : Brest métropole océane (p. 5, 6, 12, 13) – Brest métropole habitat (couverture, p. 10, 15 et 17) – collectif architectes (p. 9 et 18). Tirage : 500 ex. Février 2014. Imprimé sur papier recyclé par l’imprimerie Impression Directe (Roubaix). IFMO - Bâtiment 270 45, avenue Victor Hugo Le Parc des Portes de Paris 93 534 Aubervilliers cedex Tél : 01 75 62 00 00 www.ecoledurenouvellementurbain.com p La future place Daumier, avec l’installation de nouveaux commerces (Biocoop) et la relocalisation d’anciens, et, en bordure, un projet de logements par la promotion privée. 18 - LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN Déjà parus LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DE LA RÉNOVATION URBAINE LES CAHIERS DES CONFÉRENCES DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN LES MUREAUX BREST Renouvellement et permanence urbaine Du grand ensemble… à la ville en commun b
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