L’EXPERTISE DU CHIFFRE Par Sylvie desobelle, expert-comptable L La sous-traitance dans le BTP Les règles à respecter et les nouveautés 2014 a sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur principal (donneur d’ordre) confie sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage. Largement répandue dans le secteur du bâtiment pour pallier les difficultés de recrutement, proposer de nouveaux services ou répondre à un besoin de flexibilité, la sous-traitance peut s’avérer risquée en termes de responsabilité et nécessite certaines précautions. Sans revenir sur les critères de choix d’un sous-traitant, nous vous rappelons ici les règles juridiques en la matière et les nouvelles dispositions applicables concernant la TVA. Les régles juridiques A. Rappel des régles à respecter 1. Vérifier que votre sous-traitant est en règle Dès lors que vous concluez un contrat de prestation de services dont le montant global est d’au moins 3 000 euros (même payés en plusieurs fois), le sous-traitant doit vous fournir : - un extrait kbis récent de sa société, une carte d’artisan ou un document publicitaire professionnel mentionnant le nom de sa société, - l’adresse de son siège social, al X - son numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (Siren) ou au répertoire des métiers, - une attestation de moins de six mois certifiant qu’il est à jour de ses obligations sociales envers les URSSAF, - le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarées sur le dernier bordereau récapitulatif des cotisations, - la liste des salariés étrangers employés par votre sous-traitant, leur date d’embauche, nationalité et références de titre de séjour valant autorisation de travail. 2. Vérifier l’authenticité des documents transmis Outre l’obtention des documents, vous avez l’obligation d’en vérifier l’authenticité soit sur le site infogreffe.fr ou sur le site de l’URSSAF onglet “vérification d’attestation“. En cas de contentieux, vous devrez apporter la preuve que vous avez pris la peine de vérifier l’authenticité des documents ; dans le cas contraire, on considérera que vous ne l’avez pas fait et vous risquez une sanction. Il est donc très important de garder une copie de vos vérifications. bâtiment est une pratique si fréquente que bon nombre des donneurs d’ordre ne prennent pas la peine de conclure un contrat écrit, à tort ! Rédiger un contrat permet aux parties de se préserver d’éventuelles difficultés pendant la sous-traitance ou de se défendre en cas de contentieux. Il est important de poser par écrit : - la description précise de la prestation à réaliser, - les obligations que chacun doit respecter, - le prix convenu et ses modalités de paiement, - les conditions de délais et calendriers d’exécution, - les modalités en cas de retard, - l’application éventuelle de pénalités, - les circonstances dans lesquelles vous considérerez la réception des travaux, - la question des responsabilités de chacun et des assurances, - les modalités de règlements des litiges : appel à un arbitre, un médiateur pour régler le conflit à l’amiable, avant de le porter en justice. B. Attention aux sanctions 3. Rester vigilant pendant toute la vie du contrat Tous les six mois, vous devez redemander les documents mentionnés ci-dessus au sous-traitant et en vérifier l’authenticité. 4. Etablir un contrat écrit Le recours à la sous-traitance dans le 1. Sur le plan juridique Si votre sous-traitant se rend coupable de travail dissimulé, vous risquez d’être solidairement responsable des sommes auxquelles il sera condamné si vous ne vous êtes pas assuré que votre soustraitant était en règle et de l’authenticité LES AFFICHES DE CHAMBÉRY ET DE SAVOIE 28 février 2014 L’EXPERTISE DU CHIFFRE des documents transmis. Rappelons que les peines encourues pour travail dissimulé sont de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (225 000 euros pour les personnes morales). Par ailleurs, vous risquez d’être mis en demeure par le maître d’ouvrage de présenter tout sous-traitant présent sur son chantier. 1. Sur le plan économique Les conséquences économiques en cas de travail dissimulé peuvent être très coûteuses. Vous risquez : - une interdiction d’exercer votre profession pendant 5 ans, - une exclusion des marchés publics, - une remise en cause des exonérations et réductions de cotisations patronales dont vous avez bénéficiées avec remboursement des sommes correspondantes, - une majoration de 25% du montant du redressement de cotisations et contributions sociales URSSAF. Nouveau régime d’autoliquidation de la TVA pour les sous-traitants depuis le 1er janvier 2014 Dans le secteur du bâtiment, lorsqu’un entrepreneur (le donneur d’ordre) établi en France confiait l’exécution de travaux immobiliers à un soustraitant établi en France, ce dernier facturait la TVA au donneur d’ordre. Mais certains sous-traitants collectaient la TVA sans la reverser au Trésor Public alors que le donneur d’ordre, souvent de bonne foi, déduisait la TVA que lui avait facturée le sous-traitant. Pour mettre fin à ce type de fraude, la loi de finances pour 2014 instaure un mécanisme d’autoliquidation de la TVA afin de rendre le donneur d’ordre redevable de la taxe à la place du sous-traitant. Ce mécanisme était déjà instauré depuis le 1er septembre 2006 en cas de fournisseur ou de sous-traitant non établi en France. Les sous-traitants étrangers établissaient une facture hors taxe depuis cette date. 28 février 2014 A. Travaux concernés Il s’agit des travaux de construction et autres ouvrages immobiliers, y compris les travaux de réfection, de nettoyage, d’entretien et de réparation des immeubles et installations à caractère immobilier. La mesure d’autoliquidation ne vise que les travaux immobiliers réalisés par un sous-traitant quel que soit son rang en cas de sous-traitance en chaîne. Il est nécessaire que le sous-traitant réalise une partie des travaux portant sur l’immeuble du maître de l’ouvrage, ce qui exclut les fournisseurs ou les loueurs, mais aussi les fabricants d’un ouvrage sur mesure (armatures, panneaux de façade, charpentes, fenêtres...). Ces derniers peuvent être qualifiés de sous-traitants mais, ne réalisant pas la pose, ils doivent continuer à facturer leurs prestations avec TVA. De même les prestations intellectuelles confiées par les entreprises de construction à des bureaux d’étude, économistes de la construction ou sociétés d’ingénierie sont exclues du dispositif. B. Entrée en vigueur du dispositif de l’autoliquidation Ces dispositions s’appliquent aux prestations fournies dans le cadre de contrats de sous-traitance conclus à compter du 1er janvier 2014. En l’absence de contrat de sous-traitance formel,on se référera au devis,bon de commande signé ou autre document permettant d’établir l’accord de volonté entre l’entreprise principale et son sous-traitant pour la réalisation des travaux et leur prix. C. Modalités pratiques de l’autoliquidation 1. Pour le sous-traitant La facture du sous-traitant relative aux travaux concernés par l’autoliquidation ne doit pas mentionner la TVA exigible. Il doit cependant faire apparaître distinctement que la TVA est due par le donneur d’ordre assujetti et porter la mention “Autoliquidation“ en lieu et place de l’indication du taux de TVA et du montant TTC de la prestation Le sous-traitant déclarera son chiffre d’affaires HT sur la ligne “autres opérations non imposables“ de sa déclaration de TVA. 2. Pour le donneur d’ordre Le preneur assujetti à la TVA en France mentionne le montant hors taxes des prestations qui lui sont fournies et qui sont soumises à l’autoliquidation sur la ligne “autres opérations imposables“ de sa déclaration de chiffre d’affaires. La taxe ainsi acquittée sera déductible dans les conditions de droit commun. Mais attention, la TVA facturée à tort par un sous-traitant ne sera plus jamais déductible de l’entrepreneur principal. Il faut impérativement dans ce cas faire refaire toute facture erronée par le sous-traitant. A défaut d’autoliquidation, le donneur d’ordre sera sanctionné par un rappel de TVA assorti d’une amende de 5 % sur la partie TVA déductible et d’un intérêt de retard pour la partie TVA collectée. 3. Cas du paiement direct Dans le cas de paiement direct du sous-traitant par le maître d’ouvrage,délégation de paiement ou action directe,ce dernier paye au nom et pour le compte de l’entrepreneur principal. En 2014, le maître d’ouvrage ne paiera directement que le montant hors taxe facturé par le sous-traitant à l’entrepreneur principal. De son côté, l’entrepreneur principal facturera avec TVA l’intégralité du marché au maître d’ouvrage, y compris la part des travaux sous-traités. Bien que banalisée par sa fréquence d’utilisation, la sous-traitance dans le bâtiment mérite une vigilance accrue notamment pour le donneur d’ordre : vigilance contractuelle, vigilance de récurrence d’information et de vérifications auxquels s’ajoutent aujourd’hui un mécanisme d’autoliquidation de TVA plus complexe qu’il n’y paraît notamment en cas de paiement direct. n LES AFFICHES DE CHAMBÉRY ET DE SAVOIE al XI
© Copyright 2024 ExpyDoc