AFPP – DIXIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE MONTPELLIER – 22 ET 23 OCTOBRE 2014 QUEL SYSTEME D'AIDE A LA DECISION POUR GERER LE RISQUE LIMACES EN GRANDE CULTURE ? F. BRUN(1), A. CHABERT (2), S. GERVOIS(3), E. MOTTIN(4), L. MICHEL(1) (1) ACTA, Castanet Tolosan, France, [email protected] (2) ACTA, Marcy l’Etoile, France (3) CETIOM, Grignon, France (4) ACTA, Université de Rennes 1, Rennes, France RÉSUMÉ Les limaces sont des ravageurs pouvant occasionner des dégâts importants en grande culture en fonction des populations présentes, de leur activité et de l'état des cultures. Si certains moyens de contrôles sont bien connus et ont montré leur efficacité, il n'existe pas à ce jour un système combinant ces différents leviers afin d'avoir un raisonnement complet en vue de la prévision des risques. Que cela soit en amont ou en cours de campagne, une série de décisions doit être prise à des moments clefs des itinéraires techniques des cultures pour réduire les risques de dommages. Cette analyse conduit à préciser un certain nombre de besoins et de contraintes pour établir des outils de modélisation et à évaluer les outils existant ainsi que les sources de données disponibles. Nous proposons une nouvelle approche en vue de mettre au point un système d'aide à la décision articulant différents modèles ou outils pour répondre de manière opérationnel à la gestion du risque limaces dans le cadre d'une protection intégrée. Mots-clés : analyse de risque, levier agronomique, limaces, modélisation, OAD, prédiction. ABSTRACT which decision support system to manage slugs in arable crop ? Slugs are pests that can cause important damage in field crops depending on population size and activity and crop conditions. If some means of control are well known and have proven their effectiveness (including mollucicid pellets and agronomic practices), it does not exist today a system that combines these different means in order to have a complete reasoning for the risk prediction. Whether before or during the campaign, a series of decisions must be taken at key moments to reduce the risk of damage. This analysis leads to specify a number of requirements and constraints in terms of modelling. We analyze existing modelling tools and the available data sources. Thus we propose a new approach to develop a decision support system articulating different models or tools to respond to operational risk management of slug in the framework of the integrated pest management. Keywords: agronomic practices, DSS, modelling, prediction, risk analysis, slug. INTRODUCTION Les limaces grises et noires peuvent être à l’origine d’importants dégâts dans les milieux cultivés et restent un problème important en grande culture en France. Les cultures concernées sont principalement le colza, le tournesol et la betterave pour lesquels les semis et jeunes plantes peuvent être détruits, mais aussi le blé et d'autres céréales. Si le tonnage de molluscicides utilisé pour la lutte directe reste limité en France (1% du total des produits phytosanitaires), les surfaces concernées sont importantes en grande culture (13%, Agreste, 2010) avec un indice de fréquence de traitement en molluscicide de 1.1 sur les oléagineux (tournesol et colza) et une fréquence moindre en céréales. Certains changements de pratiques agronomiques mises en œuvre pour des raisons économiques ou environnementales, peuvent avoir des conséquences importantes sur les populations de limace. Ainsi, la présence d'une couverture végétale pendant la période d'inter-culture peut offrir des conditions plus favorables aux limaces en leur fournissant un abri. La réduction du travail du sol favorise également les populations de limaces en limitant les perturbations de leur habitat. En plus des conditions climatiques de l'année, l'historique des populations de limaces est aussi à prendre en compte. Ainsi, suite à une année très propice aux limaces (comme 2013), les populations risquent d’être plus importantes l'année suivante. Cet élément doit être pris en compte dans la gestion de la campagne suivante, et idéalement en cherchant à mobiliser des mesures prophylactiques en amont de la campagne (Chabert et al., 2014). Ainsi, pour mettre en œuvre les principes de la lutte intégrée vis-à-vis des limaces et ainsi anticiper le risque qu’elles représentent, on devra prendre en compte un ensemble d’informations complémentaires et les combiner entre elles. L'exploitation de l'ensemble des leviers « agronomiques » et « phytosanitaires » , vont du changement de système de culture, des modifications des pratiques culturales, à la « simple » optimisation du positionnement de traitement. Pour cela, nous visons à construire un système d'aide à la décision complet qui fournira l’ensemble des éléments d’analyse nécessaire à l’évaluation du risque et à la prise de décision en découlant. Les travaux faisant l'objet de cette communication sont menés dans le cadre du projet Resolim « Évaluation et prévision du risque lié aux populations de limaces nuisibles aux grandes cultures : constitution d’un réseau expérimental permettant de comprendre l’impact des pratiques agricoles et des facteurs environnementaux ». Ce projet initié en 2013, pour 3 ans, est porté par l'Acta en partenariat avec Arvalis - Institut du Végétal, ITB, Cetiom, Isara, Inra Dijon, CDA Rhône, Bayer, De Sangosse, Phyteurop, Université Rennes 1 et financé par le Ministère en Charge de l'Agriculture. RESOLIM a pour objectif de mieux appréhender l’évolution des populations de limaces et le risque associé en visant à : 1. Constituer un réseau expérimental suffisamment représentatif des différentes régions avec leurs différents climats et différents types de sol ainsi que des pratiques agricoles variées pour évaluer l’influence des principales pratiques agricoles actuelles, et notamment les effets de la mise en place de cultures intermédiaires et de la réduction du travail du sol sur de vastes surfaces et mesurer l’influence des facteurs environnementaux, notamment microclimatiques. 2. Intégrer l’ensemble des connaissances sur les facteurs climatiques, agronomiques et sur l’écophysiologie des limaces ainsi que les modèles associés pour la prévision des risques dans des nouveaux outils d’aide à la décision (OAD) plus sophistiqués et opérationnels. 3. Valider les OAD développés dans ce projet pour leur utilisation par les agriculteurs ou par leurs conseillers pour des recommandations opérationnelles à l’échelle de l’exploitation et dans le cadre de l’analyse de risque établie pour le Bulletin de santé du végétal à l’échelle régionale. Nous commencons par présenter notre analyse de la problématique limaces et des types d'outils pouvant y répondre, puis nous proposons une analyse des modèles existant, ainsi que des sources de données disponibles. Pour conclure, nous proposons notre avis de ce que pourrait être un système d'aide à la décision complet pour gérer le risque limace en grandes cultures. DIFFERENTS TYPES D'OUTILS POUR REPONDRE AUX DIFFERENTS BESOINS DU TERRAIN Face au risque limace, notre objectif est de concevoir un ensemble d’outils pertinents pour établir un diagnostic a priori sur une parcelle en tenant compte de paramètres liés au système de culture, à la culture, aux conditions climatiques et au stade de sensibilité de la culture. L’objectif est bien de donner les moyens à l’agriculteur ou à son conseiller de raisonner ses pratiques de lutte en fonction des situations rencontrées. Au delà de cette approche a priori, il est souhaitable et/ou indispensable de compléter ces informations par des observations ou des piégeages in situ qui sont complémentaires. Les besoins en informations pour évaluer le risque limace sont différents en fonction des stratégies ou des moyens de lutte mobilisés. On peut distinguer deux grandes temporalités des prises de décision : le raisonnement en amont de la campagne ("décisions stratégiques") ou en cours de campagne ("décisions tactiques"). Une classification de ces besoins est proposée dans le tableau I. Tableau I: Questions, contextes et types d'outils en vue d’une protection intégrée. (Questions, contexts and types of tools for an integrated pest management). Que souhaite-t-on estimer ? Impact du système de production végétal sur l'effectif de la population de limaces. Dynamique de la population de limaces en fonction des conditions climatiques et du couvert. Quels éléments pris en compte ? Culture et rotation Travail du sol Autres pratiques Environnement de la parcelle Présence d'auxiliaires Type de sol (climat moyen) Population initiale Condition climatique de l'année (Culture et interculture précédante) (Mesure(s) prophylactiques et phytosanitaires) Activité de la population de limaces en fonction des conditions climatiques. Conditions climatiques des derniers jours-semaines (Etat hydrique du sol) (Culture et couvert) Nuisibilité en fonction de la population, de leur activité et de la sensibilité des cultures. Culture Stade de la culture Effectif et activité de la population Estimation de la population et de leur activité en fonction des observations directes ou par piégeage. Observations directes Piégeages Quand ? En amont de la campagne, lorsque l'on veut modifier son système de culture pour réduire un risque limace récurrent ou lorsque l'on veut modifier son système pour un autre objectif pour évaluer l'impact sur le problème limace. En cours de campagne, pour estimer les effectifs de la population de limaces, afin de décider d'une intervention ou d'évaluer l'effet d'une intervention sur la population. En cours de campagne, à la période des traitements, pour positionner le traitement à une période d'activité maximale des limaces. En cours de campagne, à la période des traitements, pour estimer les dégâts occasionnés par la population et estimer les pertes de rendement. En amont de la campagne ou en cours de campagne, estimer les populations et leurs activités? En amont de la campagne, lorsque que l'on est dans une situation présentant un risque limace récurrent, il s’agit d'évaluer l'intérêt de changer des composantes du système de culture et pratiques agricoles afin de réduire de manière structurelle ce risque. À ce jour, si les effets des systèmes de production et des pratiques sont en général connus, il n’existe pas encore d’outil opérationnel aidant au raisonnement de ces pratiques dans un souci de réduire le risque limaces, mais un outil est en cours de conception et d’évaluation dans le projet RESOLIM. Lors d'années présentant de fortes populations de limaces (comme 2013), un tel outil pourrait aussi être aussi utilisé pour prendre des décisions prophylactiques exceptionnelles basées sur les leviers agronomiques afin de réduire les populations pour le début de la campagne suivante. En cours de campagne, il s’agit notamment de raisonner la lutte directe. Un des principaux moyens de lutte est l’épandage d'appâts contenant des substances actives aux propriétés molluscicides, mais il faut aussi mentionner les autres moyens de lutte mécanique (labour, déchaumage, roulage, désherbage mécanique,…) ou de biocontrôle pouvant se décider en cours de campagne. Il s’agit du dernier pilier dans le principe de la protection intégrée préconisant ces moyens de lutte directe en dernier recours. Ce principe se veut responsable et raisonné afin de cibler l’usage des produits en optimisant leur efficacité. Pour cela, l’agriculteur a besoin 1) d’estimer les populations de limaces en présence pour décider de l'opportunité d'un traitement et 2) leur activité pour positionner le traitement, mais aussi prendre en compte le stade de la culture pour évaluer le risque de dégât (le stade sensible se situe entre le semis et les premières feuilles,). En cours de campagne, il faudrait prendre en compte les caractéristiques de son système (dont l'historique de la présence de limaces), des pratiques et des conditions météorologiques et les anticiper si possible. Si les prédictions météorologiques au-delà des 3 jours à venir restent entachées de fortes incertitudes, la qualité de ces prédictions continue à progresser. L'optimisation du positionnement et du nombre des traitements répondent à différents objectifs. Pour les molluscicides, l'épandage doit coïncider à une période où les limaces sont en pleine activité et non en période de repos ou de refuge (lien avec les conditions météorologiques notamment) afin d’optimiser la protection des plantes pendant leur période de sensibilité. Si plusieurs outils ou modèles existent et pour certains sont à disposition des agriculteurs ou leurs conseillers, il reste parfois à préciser leur usage et à éprouver leur fiabilité sur le terrain, mais aussi et surtout de les intégrer dans un réel système d'aide à la décision complet. En effet, il est difficile et non pertinent selon nous de chercher à construire un outil unique répondant à l’ensemble de ces questions. Il semble donc plus opérationnel de construire une boite à outils rassemblant les différents outils nécessaires précisant leur cadre d’utilisation. ANALYSE DES MODELES EXISTANTS Les travaux de modélisation portant sur les limaces grises en grande culture ont été recensés à partir d’une recherche bibliographique et ont été analysés. Une synthèse de cette analyse est présentée dans le Tableau II. On y retrouve trois des grands types de questions auxquelles on cherche à répondre. Pour chacune, un ou plusieurs modèles existent et peuvent potentiellement répondre aux besoins identifiés précédemment. TYPE 1 : IMPACT DU SYSTEME DE PRODUCTION VEGETAL En formalisant les effets des composants du système de production, des pratiques ou du contexte environnemental sur les populations de limaces et en les intégrant dans un arbre agrégatif et qualitatif, on peut proposer un modèle décrivant l’effet du système de production végétal sur le risque limace. Chabert (comm.personnelle) a décrit une première version réalisée à l’aide du logiciel DEXI® qui permet de structurer et d’organiser les différents effets partiels du système sur les limaces et précisant les règles d’agrégations. Les critères de base retenus sont les pratiques agricoles ayant un effet sur les limaces (culture en place, travail du sol, gestion des résidus de récoltes, semis, succession culturale, cultures intermédiaires et adventices), ainsi que des critères concernant l’environnement (type de sol) et l’emploi de molluscicides (Figure 1). Pour chaque critère de base (feuille de l’arbre les plus à gauche de la figure), on détermine un niveau de risque plus ou moins favorable à l’agriculteur (donc défavorable aux limaces). Ensuite, les régles d’agrégation sont définies pour chaque nœud. Les critères retenus et les fonctions d’agrégation sont basées en grande partie sur une analyse bibliographique, ainsi que sur l’expertise des concepteurs. Tableau II: Type 3. Activité des populations Type 2. Dynamique des populations Type 1. Impact du système de production végétal Type Grille d'analyse des modèles existants selon les différents types de modélisation (T : température de l’air, Tsol : température du sol, RH : humidité relative de l’air, stade : stade du cycle de vie de la limace). (Synthesis of the analysis of the existing models by type). Nom modèle et objectif DEXI-Limace. Effet du système et des pratiques sur le risque limace. Formalisme Modèle qualitatif et agrégatif Variable d’entrée Système de culture Pratiques Variable sortie Classe de risque limace Shirley 2001. Prédire la dynamique de population et l’activité en fonction des conditions météos. Modèle dynamique individu centré Limaces/m (par stade) Activité Choi 2004. Prédire la dynamique de population en fonction des conditions météos. Choi 2006. Prédire la dynamique de population et la répartition spatiale en fonction des conditions météos. Modèle dynamique classes de population Modèle dynamique individu centré Météo (T, pluie) Teneur en eau du sol Etat culture Météo (T, pluie) Météo (T, pluie) Etat culture Schley 2002. Prédire la dynamique des différentes générations de limace. Modèle dynamique discret Limaces/m (par stade) Dégât à la culture Distribution spatiale 2 Limaces/m Schley 2003. Prédire la succession des générations. Bees 2006. Prédire l’évolution dans le temps de la distribution des tailles de limace. Young 1989. Prédire l’activité des limaces (pour positionner un traitement) Young 1991-1993. Prédire l’activité des limaces (pour positionner un traitement) Modèle dynamique avec délais Modèle dynamique structuré par taille Indicateur climatique Chabert 1999. Prédire l’activité des limaces (pour positionner un traitement et évaluer les populations). Comparaison de l'année par rapport à des années historiques. Indicateur climatique cumulé Indicateur climatique (météo annuelles moyennes) (approche très théorique) Aucune (approche très théorique) Aucune (approche très théorique) Références Chabert et al, 2013 2 Shirley et al., 2001 2 Choi et al., 2004 2 Choi et al., 2006 Willis et al., 2006 Limaces/m (par stade) Schley et Bees, 2002 2 Schley et Bees, 2003 Limaces/m (distribution des tailles) 2 Bees et al., 2006 Micro-météo (T, pluie, RH, vent) Teneur eau du sol Météo (Tsol, T) Teneur eau du sol Jour favorable ou défavorable Young et Port, 1989 Jour favorable ou défavorable Météo (Tmin, Pluie) avec moyenne ou cumul sur une fenêtre temporelle. Indice journalier Indice cumulé Young et al., 1993 Young et al., 1991 Chabert, 1999 Limaces/m 2 Biomasse/m A noter que ce type de modélisation est très voisine d'une approche générique intitulé IPSIM (Injury Profile SIMulator) (Aubertot et Robin, 2013) qui vise à proposer une approche multi-bioagresseur à l'aide d'un modèle qualitatif et agrégatif. Un projet commun entre RESOLIM et cette équipe a pour objectif de proposer un modèle limaces selon la démarche IPSIM. Figure 1: Modèle qualitatif et agrégatif Dexi-limace - version provisoire. (Qualitative and integrative model Dexi-Slug – temporary version). TYPE 2 : DYNAMIQUE DES POPULATIONS Concernant ce type de modèle, on peut noter une certaine progression dans les travaux menés en grande partie par un même groupe anglais entre 2001 et 2006 (les mêmes jeux de données ont été utilisés pour le paramétrage et l’évaluation des modèles). Cela va d’un modèle de dynamique de populations relativement simple (Choi et al., 2004), à des modèles individus centrés (Shirley et al., 2001) simulant même le déplacement des limaces en fonction de l’état de la culture et de la répartition spatiale à l'échelle de la parcelle de la population (Choi et al., 2006). L’évaluation de ces modèles montre qu’ils réussissent à simuler les grands traits de la dynamique des populations, mais pas forcément complètement les effets des conditions météorologiques (variabilité interannuelle) ou les effets sites (type de sol). D’autres apports plus théoriques sur la modélisation de la dynamique des populations de limaces a aussi été réalisée en collaboration avec des chercheurs en mathématiques appliquées (Schley et Bees, 2002 et 2003 ; Bees et al., 2006). Si l’effet des variables climatiques n’y est pas pris en compte, les formalismes sont intéressants et des éléments de biologie des limaces y sont formalisés (valeurs des paramètres documentés avec références bibliographiques). Ces nombreux travaux ayant pris fin à partir de 2006, il est important de se les réapproprier pour chercher à profiter de ces expériences et éprouver ces modèles dans une plus large gamme de situations. TYPE 3 : ACTIVITE DES POPULATIONS Pour partie, il s’agit de travaux plus anciens de la même équipe anglaise menés entre 1989 et 1993. La problématique clairement mise en avant est le positionnement des traitements. La construction et l'évaluation de ces modèles se fondent notamment sur des observations quantifiant l'activité réelle des limaces (distances parcourues et nombre d'heures d'activité par suivi vidéo) ou des piégeages (mesurant à la fois la taille de la population et son activité). Le modèle de Young et Port (1989) avec plusieurs variables microclimatiques semble peu opérationnel. Le modèle de Young et al. (1993 et 1991) présente comme limite d'utiliser la teneur en eau du sol, qui est plus difficile à quantifier en routine, la procédure d’estimation qualitative de l’état hydrique étant nettement moins convaincante. On pourrait néanmoins envisager de remplacer cette variable par un modèle de bilan hydrique simple, plus compatible avec des données météorologiques standards. Enfin, le modèle proposé par Chabert (1999) est certainement le plus facile à mettre en œuvre de manière opérationnel, car il utilise uniquement des données météorologiques standards. NUISIBILITE DES POPULATIONS Il existe de nombreux avis concernant les seuils de nuisibilité par culture lors des stades sensibles en fonction des données de piégeages, mais il faudrait certainement les revoir pour prendre plus d'éléments en compte dont les conditions d’évaluation des populations. Par contre, il n'existe pas réellement de modèle intégrant les effets des populations, de leurs activités et les stades de la culture sur les pertes de rendement permettant de prendre une décision en fonction de son système et de son contexte socio-économique de production. DONNEES DISPONIBLES DONNEES D’OBSERVATION SUR LES LIMACES. A côté de ces travaux de modélisation, nous avons à disposition un ensemble de sources de données sur les limaces en France ou au Royaume-Uni. Il s'agit de données expérimentales au champ ou en conditions contrôlées ou encore de données d'observations sur des parcelles agricoles. Ces jeux de données sont listés dans le Tableau III. Tableau III: Liste des données disponibles. (List of available data sources). source de données RESOLIM - terrain Territoire Quelques régions (91, 18, 69, 02, 59, 47) années 2011-2014 RESOLIM - labo (conditions contrôlées) (Mottin et al., 2014) Quelques régions (91, 18, 69, 02, 59, 47) 2011-2014 Données projet limace 1995-1997 Données CETIOM Quelques régions (Boigneville (91), Dijon (21), Lyon (69), Pau (64)) Quelques régions Littérature Royaume-Uni 2 sites expérimentaux 1985-1988 1992-1993 Réseaux épidémiosurveillance National (régions à 2009-2014 Années 1980 Type de données et utilisation Suivi piégeage. Effet météo et différents couverts et pratiques. Ecophysiologie des limaces. Améliorer les formalismes des modèles. Conditions météo sur survie pendant les phases critiques (hiver et été) Suivi piégeage. Effet différents couverts. Suivi dynamique population. Information sur reproduction et durée d’éclosion au champ. Suivi dynamique population, activité et piégeage. Comparer les modèles et les évaluer. Suivi piégeage à des périodes clefs. (Vigiculture®) Observatoire De sangosse risque) National (régions à risque) 2004-2014 Variabilité interannuelle et spatiale. Suivi piégeage à des périodes clefs. Variabilité interannuelle et spatiale. Il faut noter qu’un certain nombre de données sont issues de données de piégeage. Que représentent ces données ? Il faut distinguer deux composantes corrélées que le piégeage estime : - une estimation de la taille de la population : si les conditions météorologiques sont propices à l’activité, le piégeage donne une information assez satisfaisante de la population en présence (mis à part les œufs et les petits juvéniles). Néanmoins, il y a des limites importantes. L’hétérogénité spatiale de la répartition des limaces empêche d’obtenir une indication réelle de la densité de la parcelle. Il faut donc penser à la question de l’échantillonage au niveau de la parcelle. Par ailleurs, on considère que le piégeage ne représente que la fraction active de la population et ce niveau de capture dépend également du type de sol et du couvert végétal présent. Enfin, à certaines périodes, les pièges concentrent les limaces par un effet refuge du piège. - l'activité de la population : à population constante (à l'échelle d'une semaine par exemple), les relevés successifs et les fluctuations relatives vont apporter une information sur l'activité de la population qui présentera une durée d'activité nocturne et une distance d'exploration variables en fonction des conditions météorologiques. Afin d’apprécier la population active, plusieurs pièges sont positionnés par parcelle selon un protocole précis. A chaque relevé, les pièges sont déplacés afin que le relevé précédent n’influence pas le relevé suivant. L'enjeu est de réussir à mobiliser ces données pour évaluer les modèles existants et en améliorer certains. Ces améliorations pourront passer par des modifications des formalismes en mobilisant notamment les données d'écophysiologie ou par une meilleure estimation de certains paramètres afin d'améliorer leur qualité de prédiction. QUELS BESOINS EN DONNEES D’ENTREES POUR LES MODELES ? Les différents modèles décrit précédement utilisent différentes données d’entrées, plus ou moins faciles à obtenir. Il utilise en général des données météorologiques journalières, comme la température (minimale, maximale, moyenne) ou la pluviométrie. Ces données sont facilement accessibles à partir de données standards issues de stations météorologiques (dont celle de Météo-France). On pourrait aussi envisager d’utiliser les données météorologiques interpolées à une maille du kilomètre intégrant notamment les quantifications des pluies par radar (Météo-France). Ils peuvent nécessiter d’autres variables agro-climatiques élaborées comme la teneur en eau dans le sol (modélisé via un bilan hydrique simple en utilisant l’évapotranspiration calculée), le vent à la surface du sol (estimé à partir de la mesure du vent standard et d’information sur le couvert), la température du sol (mesurée dans certaines stations ou remplacé par un modèle fonction de la température standard intégrée dans le temps). Des informations sur les caractéristiques du sol sont également nécessaires et une partie existe dans les bases de données de sol. En revanche, l’état structurel du sol (lié notamment à l’historique des parcelles) n’est pas indiqué alors qu’il influence la dynamique des populations de limaces (présence de fissures, matière organique). Cette donnée est accessible uniquement par une connaissance approfondie de la situation. Enfin, les informations concernant le système de production et les pratiques doivent être renseignées pour chaque situation particulière. Nous pouvons aussi chercher à utiliser les mêmes descripteurs que pour d’autres outils permettant de formaliser la description des pratiques (par exemple SYSTERRE®, Jouy et Tournier (2011)), facilitant une future interopérabilité. QUELLE COMBINAISON DES DIFFERENTES SOURCES D’INFORMATION ? INTEGRER LES DONNEES EN COURS DE CAMPAGNE POUR CORRIGER LA PREDICTION Les modèles présenteront certainement des lacunes du point de vue de leur prédiction. Une piste pour mieux combiner les différentes sources d'information et corriger les prédictions des modèles est d’utiliser les données en cours de campagne . Dans le cas des limaces, cela signifie profiter des données de piégeage à l'échelle de la parcelle ou au niveau régional pour modifier l'historique de prévision du modèle à une date donnée en utilisant les données passées et ainsi proposer une prédiction combinant la modélisation a priori et les données de la saison. Des travaux de cette nature ont lieu dans le projet "SynOEM - Mieux profiter de la synergie entre réseaux d'observations, expertise et modélisation pour l'élaboration du Bulletin de Santé du Végétal" (2013-2016, Financement Pour et Sur le Plan Ecophyto). PLACE DE L'INFORMATION A L'ECHELLE REGIONALE DANS LE RAISONNEMENT Dans le cadre du Bulletin de Santé du Végétal, on s'interroge sur la signification d’un diagnostic à l'échelle régionale. En effet, cette information doit être utilisable par l'agriculteur pour la prise de décision. Des modèles statistiques peuvent permettre d'évaluer la part de l'effet général, des pratiques (variété, semis) et l'effet propre lié à la parcelle. Au contraire, dans le cas particulier des limaces, des situations sans limaces existent d’où l’importance de l’effet situation parcellaire. Dans le cadre du BSV, les parcelles suivies pour les limaces n’ont pas forcement un historique limace. L'information fournie est valide uniquement si la parcelle est concernée par la présence de limaces, alors cela peut fournir une indication du risque limaces lié aux conditions météorologiques en cours. Bien que l’activité des limaces soit fortement dépendante des conditions météorologiques, son estimation fait l’objet d’une demande à l’échelle régionale de la part des Bulletins de Santé du Végétal et des autres réseaux d’observation. Ce type d'information régionale peut ainsi servir à nourrir le raisonnement de l'agriculteur, que cela soit pour positionner ses traitements ou pour réaliser des observations sur ses propres parcelles. Par contre, l'estimation des populations est assez peu pertinente au niveau régional pour la prise de décision, même si elle l'est pour réaliser un bilan de la campagne. En effet, elle va dépendre fortement de la présence ou non de limaces sur la parcelle donc du choix des parcelles, des mesures de protections phytosanitaires prisent les années précédentes,et des pratiques agronomiques. DISCUSSION ET CONCLUSION Des outils sont potentiellement disponibles pour le raisonnement des moyens de lutte. Ils sont basées sur des modèles, des réseaux d'observation et de suivi de pratiques agricoles à la parcelle. Ces approches complémentaires pourront être articulées entre elles pour constituer un système d'aide à la décision complet qui pourra répondre aux questions qui se posent à différents moments du cycle cultural (Figure 2). Il s'agit maintenant d'aller plus loin en développant ce système, tout en vérifiant au fur et à mesure si les besoins ont bien été identifiés. D'autres utilisations des résultats de simulation sont aussi envisageables. Une cartographie des risques limaces (climatiques) à l'échelle de la France, avec risque moyen et variabilité interannuelle, pourrait constituer une information intéressante pour les acteurs du monde agricole. Cela pourrait être réalisé en tenant en compte du climat actuel ou des scénarios de changements climatiques. REMERCIEMENTS Ces travaux sont menés dans le cadre du projet RESOLIM, financé par le « Compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural » du Ministère de l’Agriculture de l'Agroalimentaire et de la Forêt. Nous tenons également à remercier tous les participants au projet RESOLIM pour leur contribution à cette réflexion. Figure 2: Proposition d'un système d'aide à la décision intégré (Proposal of an integrative decision support system) BIBLIOGRAPHIE Aubertot, Robin, 2013. Injury Profile SIMulator, a qualitative aggregative modelling framework to predict injury profile as a function of cropping practices, and abiotic and biotic environment. I. Conceptual bases. PLOS ONE. Bees, MA, O Angulo, JC Lopez-Marcos, and D Schley, 2006. Dynamics of a Structured Slug Population Model in the Absence of Seasonal Variation. Mathematical Models& Methods in Applied Sciences 16, no. 12: 1961–1985. doi:10.1142/S0218202506001777. Brun F., Makowski D. et Piraux F, 2012. Comment combiner réseau d'observations, expertise et modélisation pour élaborer le Bulletin de Santé du Végétal? Actes AFPP CIMA - 10e conférence internationale sur les maladies des plantes, Tours 3, 4 et 5 décembre 2012. 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